Pas évident de dénicher un emplacement pour poser sa tente quand on arrive deux jours après le début des hostilités. Il faut avouer que le camping ainsi que le site du festival commencent à devenir un peu exigus. D’où le changement de lieu prévu pour l’an prochain. La rançon du succès, à n’en point douter… (A.M.)
Ainsi, pendant que l’un de vos serviteurs du jour rencontre ces menus problèmes d’organisation, le second, quant à lui, en pur autochtone, a déjà pu poser son séant dans la poussière aride d’une plaine baignée par la chaleur. (A.S.)
C’est donc sous cette chape lourde et lumineuse que Gaz Coombes emmène sa troupe sur la scène principale sur le coup de quatorze heures quarante pétantes (de chaud).
L’ex-Supergrass, responsable d’un superbe opus sorti récemment (« Matador »), démontre immédiatement tout le potentiel de son nouvel essai perso.
Chapeau de feutre enfoncé sur le crâne (une mode chez les anciens fleurons des années 90 ???), le sympathique Britannique enchaîne, avec un certain entrain, les moments de grâce de sa discographie solo.
Une discographie n’ayant du reste rien à envier à son groupe de jeunesse.
Ici, on sent immédiatement la maturité et l’expérience, non seulement de Gareth (c’est son vrai prénom), mais des autres membres, d’une impressionnante précision confinant à l’aisance maîtrisée.
Pas étonnant au vu de leur pedigree puisqu’on épinglera la présence de Loz Colbert, batteur de Ride. Rien que ça !
Derrière sa guitare ou aux claviers, Gaz nous comble et récolte un franc petit succès, au vu de l’heure précoce de ce passage sur la Main Stage.
Pendant que notre rédacteur/campeur installe sa toile, Bed Rugs distille son Rock résolument carré mais pas dénué d’intérêt.
Bercée par les sonorités Psyché et embrumée par les fumées acides, cette formation anversoise est responsable de compositions riches, brillamment interprétées, rappelant parfois Temples (NDR : à l’affiche hier) ou encore Tame Impala.
Une belle découverte qu’on aura certainement l’occasion de sonder attentivement dans un futur proche.
Après une installation un peu plus longue que prévue, notre deuxième correspondant prend la direction du site.
Great Mountain Fire sera sa première rencontre en bord de Meuse.
Venu défendre son nouvel elpee intitulé « Sundogs », le band bruxellois nous réserve un set groovy, sous un soleil éclatant et une chaleur étouffante.
Leurs morceaux s’appuient régulièrement sur de petits riffs de guitares, rappelant même le groupe britannique Foals.
Les nouvelles compositions comme « Lapis Lazuli » et « 5- Step Fever » s’intègrent parfaitement à la set list. Le tout est très sexy. Il s’agit du mot parfait, bien que simpliste, pour décrire leur musique. Des chansons pour l’été, sans aucun doute…
Virage à 360 degrés pour la suite. Rendez-vous sous le toit de la ‘HF6’ pour suivre le show de James Vincent McMorrow. Point de soleil ici mais des compositions épiques et glaciales. L’ambiance redescend d’un cran, il faut bien l’avouer. Car malgré tout le talent de songwriting du jeune trentenaire, les morceaux s’éternisent un peu trop avant de prendre leur envol alors qu’une majeure partie du public souhaiterait davantage de folie. Les fans ont néanmoins dû apprécier le respect de la ligne de conduite de l’Irlandais, mais manifestement, ce type de spectacle n’est pas adapté à ce genre de festival.
Quelques mètres plus loin, dans l’intimité de l’‘Aquarium’, un groupe performe à domicile. Roscoe vient également défendre un nouvel elpee : « Mont Royal ». Derrière leur style discret, les cinq musiciens cachent un son dense et puissant, totalement adapté a l’endroit. Ravis de revenir là où tout a commencé pour eux en festival (il y a cinq ans déjà…), ils offrent un set remarquable, entre complexité et noirceur. Le public le leur rend bien. La petite salle est bondée. Plus qu’une découverte, Roscoe semble avoir attisé la curiosité aux Ardentes. Ils auront d’ailleurs convaincu bien du monde…
À l’autre bout du site et simultanément, Benjamin Clementine, de retour aux Ardentes, se retrouve face à un dilemme cornélien.
Car programmé sur la grande scène, en milieu d’une si belle journée, comment capter l’attention d’un public plus occupé à se dorer la pilule qu’à laisser le spleen l’envahir sans pour autant trahir l’authenticité de sa musique?
Imaginant mal le pudique garçon se la jouer racoleuse, on est intrigué par la présence d’un clavier, d’une batterie ; et à l’arrivée d’un violoncelle, venu épauler le grand piano noir, sur lequel Benjamin, laisse courir sa mélancolie.
Malheureusement, la sauce ne prend pas.
Si la beauté intrinsèque des chansons de ce garçon en ayant bavé (on peut peut-être ici parler de son parcours singulier d’immigré survivant grâce à des prestations souterraines) ne sont pas à mettre en doute, elles méritent qu’on s’y attache dans la plus grande simplicité.
Ici, les autres instruments semblent vouloir prendre le pas et dévorer tout cru notre grand gaillard.
Si celui-ci ne s’en laisse pas compter, possédant un organe vocal puissant et couvrant une large gamme, capable de bousculer tout comme de caresser, on regrettera tout de même la simplicité d’une formule solo qui avait tant émerveillé lors de son premier passage en deux mille quatorze.
The Charlatans assure alors la transition dans un HF6 au son toujours plus qu’à la limite de l’audible.
Sans faire la fine oreille, c’est bien un endroit qu’on ne regrettera pas !
Les ingénieurs du son qui se succèdent ici doivent d’ailleurs certainement encore faire des cauchemars en pensant à ce hangar métallique, plusieurs semaines après y avoir ramé !
C’est peut-être une des raisons du départ raté vécu par le légendaire groupe de Tim Burgess.
La version de « Weirdo » massacrée laisse présager une catastrophe, heureusement vite écartée par la suite. Car finalement le combo de Norwich va démontrer qu’il possède encore de beaux restes.
Si la coiffure peroxydée de son leader fait sourire (Tim, n’as-tu pas une épouse pour te signaler le ridicule de cette coupe ringarde maladroitement teintée?), le son est toujours bien présent et n’a pas pris une ride (ne pas lire ‘Ride’ mais ‘ride’).
Au final, « The Only One I Know » rappelle la richesse d’une formation passée au travers de sa carrière.
Pendant que le son ‘Baggy’ s’atténue dans le vent, Charlie Winston monte sur les planches.
Vêtu tout de bordeaux, le contraste est saisissant entre cet artiste et son band, aussi bleu que le ciel.
L’effet est volontaire bien évidemment. Charlie veut sortir du lot et s’il n’y arrive pas forcément par sa musique, il a au moins le look adéquat.
Car l’Anglais est séduisant, et il le sait très bien.
On finit d’ailleurs par regarder davantage ses mimiques plutôt que d’écouter ses compositions. Le tout est bien évidemment surjoué et si l’ambiance est plutôt sympathique, les compositions ne convainquent guère, hormis le tube « Like a Hobo », indiscutablement irréprochable. Sans attendre grand-chose de Winston, on finit quand même déçu.
Et ce n’est jamais bon signe.
Il y en a qui ne déçoivent jamais et The Experimental Blues Band en a le mérite.
Le combo liégeois, rebaptisé The Belgians dans le cadre de son spectacle consacré au ‘Belgicisme’ fièrement revendiqué explose l’Aquarium dans un grand fracas de frites, de bière et de chocolat ‘made in chez nous’.
Un son gras et saturé qui grésille dans les oreilles et électrise un auditoire absolument pas effrayé par le côté pastiche clairement assumé de nos trois camarades.
Mélange pas toujours subtil de Blues cradingue mâtiné d’images sanglantes, de logorrhées caverneuses sur fond d’images d’archive et de riffs puissants arrachés à la sueur du poignet, cette combinaison, pour effrayante qu’elle soit, donne lieu à un moment d’intensité sauvage et foutrement bien exécutée.
Revisitant l’histoire récente de notre plat pays, images choc à l’appui, The Belgians Experimental Blues Band dévaste tout sur son passage, dans une apparente dérision.
Comme une giclée de bave à la commissure des lèvres d’un vieil iguane, justement de passage…
Succédant à un autre vieux de la vielle, en la personne d’un Paul Weller toujours aussi performant, l’Iggy n’est pas encore fatigué, malgré ses presque 70 balais.
Et si l’âge se lit sur son corps, car il est toujours torse nu, rien n’est visible dans son attitude.
L’énergie déployée est impressionnante.
Iggy Pop n’est pas une légende du rock pour rien.
Son fan base est d’ailleurs toujours aussi impressionnant. Sans surprise, les pogos sont légion pour le plus grand plaisir de l’artiste qui tout en s’appuyant sur ses tubes légendaires, produit un vrai one man show. On ne peut d’ailleurs pas lui en vouloir pour la vulgarité de certaines attitudes, puisqu’elles collent parfaitement à l’image du personnage.
Comme décidé à offrir au plus vite son legs, l’ex-Stooges assène d’emblée et coup sur coup « No Fun », « I Wanna Be Your Dog », « The passenger », et « Lust For Life » ; ce qui a le mérite, sinon de créer un semblant de suspense, de mettre en orbite un public en liesse.
Au final, un vrai bon moment de rock’n’roll.
C’est la folie de The Hives qui clôturera la journée pour vos deux serviteurs.
Sans être de véritables fans, loin s’en faut (leur carrière discographique ne proposant pas de hauts faits d’armes), force est de leur concéder un impressionnant potentiel scénique.
L’atmosphère qu’ils créent est complètement démente.
Pelle Almqvist, le chanteur, ressemble de plus en plus à un jeune Mick Jagger. Et son narcissisme exacerbé devient finalement très marrant, à condition de le prendre au second degré.
Il adore en tout cas communiquer avec son public et le diriger comme bon lui semble. Tout le monde semble s’amuser et « Hate to Say I Told You So », titre qui résume assez bien la philosophie du band d’ailleurs, est une finale complètement épique.
Comme quoi, il ne faut pas obligatoirement aimer un groupe pour s’éclater durant un concert.
Suite à cette débauche de plaisir jouissif, retour dans nos pénates respectifs, l’un sous la couette, l’autre sous la tente.
Au passage, les échos du passage d’une Nicki Minaj affligeante de vulgarité parviennent à nos oreilles.
Le HF6, bondé comme jamais va cependant résister à la houle d’un public, vraisemblablement attiré par les attributs fessiers d’une diva de pacotille.
Au moins, pour une fois, la sonorisation de l’endroit sera à la hauteur de l’artiste s’y produisant…
Organisation : Les Ardentes.
(Voir aussi notre section photos ici)