Seconde journée du LaSemo. Il fait toujours aussi chaud ! Il est pourtant 18 heures lorsque les pieds de votre serviteur foulent la plaine du Château d’Enghien.
Les moustiques profitent de cette profusion de bras nus pour vous attaquer et vous piquer, sans crier gare. Outre la protection contre les rayons du soleil, il est judicieux de se badigeonner la peau de produits adéquats pour éviter ou soigner les démangeaisons.
Les couacs de la veille semblent avoir été solutionnés ; on peut maintenant recharger ses pépètes sans trop de difficultés. Les appareils fonctionnent correctement ! Ouf !
Votre serviteur en profite pour approvisionner son bracelet électronique, placé au poignet, pas à la cheville, quand même !
L’affiche est encore superbe. Et déjà un choix cornélien se pose. Finalement, la décision est prise. Ce sera le régional de l'étape, en l’occurrence le sympathique rebelle Cédric Gervy, la candide et ‘freluquette’ Bini (la grosse surprise de la journée) ainsi que la bande à Alex Callier et Raymond Geerts, Hooverphonic.
Jean-Jean (l’animateur phare) rappelle constamment qu’il serait sage que les parents négligents évitent de paumer consciemment leurs enfants, pour profiter du spectacle.
C’est fou le nombre de bambins esseulés et apeurés que l’on croise ! Alors qu’il suffirait de se rendre aux stands appropriés pour leur réserver une nominette sur laquelle figurerait un numéro de téléphone utile. La parenthèse est close.
Pas de temps à perdre ! On entend au loin une voix qui semble familière. Celle de Cédric Gervy.
Un habitué des lieux. Sur les dix éditions, il s’est produit à neuf reprises. C’est dire s’il est apprécié !
Un LaSemo sans Gervy, c’est comme si vous mangiez des frites sans sel ! Quelque chose de complètement inconcevable dans le plat pays…
Votre serviteur apprécie cet artiste. Un personnage particulièrement humain, disponible et d’une sincérité à toute épreuve. Sans langue de bois, il s’est livré à un sympathique jeu de questions/réponses, il y a deux ans. Une interview touchante !
D’habitude, il écume les scènes en solo. Il s’est lancé, pendant quelques années, au sein d’un projet collectif : Cedric (et les) Gervy, impliquant Mr Chapeau, le gratteur RenRadio et le drummer Tyler Von Durden. Courant 2009, ce dernier a été remplacé par The Robot.
Balayant d’un revers de la main cette quasi-étape obligée de starification, il a préféré mettre un terme à cette collaboration afin de poursuivre en solitaire la propagation de sa bonne humeur. Le titre « Putain, j’ai failli être connu » est éloquent à ce sujet.
Oh, surprise, aujourd’hui, il est flanqué de ses comparses d’autrefois. Le spectacle risque d’être à la hauteur de cet anniversaire. Dix ans, ce n’est pas rien quand même !
D’emblée, il affirme qu’il serait heureux d’être encore là dans une décennie. Nous aussi l’ami !
Il s’adresse aux plus jeunes et leur demande s’ils sont heureux d’être en congé, parce lui l’est depuis quelques jours (il est prof de néerlandais). Natuurlijk !
Son fil conducteur, c’est le calembour. Mais pas que ! Parce que le leitmotiv va bien au-delà.
Chacune de ses chansons véhicule des messages forts et pertinents. Les thématiques sont souvent dénuées de tout stéréotype et bien éloignées de ce fameux ‘compromis à la Belge’
Gervy, chanteur sérieux, mais ne s’y prenant pas trop ?
Il dépeint les problèmes sociétaux à travaux des thématiques choisies en fonction du moment (la crise, l’addiction aux jeux, …) Mais, ne dites surtout pas que c’est un chanteur engagé !
Détail intéressant, l’auditoire est composé d’une pyramide des âges très large. De jeunes enfants accompagnent leurs parents. C’est dire la popularité de ce mec. Tout a fait justifiée d’ailleurs…
Lui, ce n’est pas du sang qui coule dans ses veines, mais un savant mélange de bonne humeur et de joie de vivre.
Autant dire que ses concerts sont synonymes de franche rigolade. C’est une thérapie contre la morosité ambiante à lui tout seul. Faudrait même que la sécurité sociale rembourse chacune de ses prestations tant il fait du bien à l’âme. On en ressort complètement soulagé. La larme à l’œil même, tant les fous rires sont légion…
Ses plus gros titres ont été scandés par un parterre en transe : « George est content », « Que c’est chiant le reggae », …
Direction maintenant le Château, pour y assister au showcase privé de Bini. Je ne connais pas. Autant découvrir.
Certains festivaliers confondent la jeune fille avec un quasi-homonyme baptisée Bibie (la black ronde qui chantait « Tout simplement » en 1985). Ce n’est pas dans le même registre ! Elle n’a pas la même carrure, non plus…
La sécurité à l’entrée accomplit parfaitement son travail. Il faut montrer patte blanche si l’on veut accéder au précieux sésame. Par ces temps anxiogènes qui courent, c’est rassurant !
Du haut de ses dix-huit printemps, la demoiselle pose des mots en français sur des accords universels, histoire d’emballer des morceaux tout fous et un peu foutraques.
Elle est accompagnée du padre. Et en pyjama s’il vous plaît ! Tenue normale pour une gamine de cet âge ? Le show s’annonce très second degré, en tout cas…
Mais, il en faut plus pour la déstabiliser ! Elle s’accroupit, prend une feuille de papier et griffonne les titres qu’elle va interpréter !
Et votre serviteur ne s’est pas trompé ! Elle s’excuse presque d’être là et baragouine quelques mots. Elle ignorait même, jusqu’à il y a peu qu’elle devait assurer un mini concert d’une demi-heure…
Elle en a même oublié son capodastre (système utilisé pour transposer le manche de guitare). Heureusement que papa pense à tout, n’est ce pas ?
D’un pas décidé, il s’exécute machinalement. Habitué de ces turpitudes ? Ca peut parfois servir un père, s’exclame t-elle, hilare.
Le public réunit une bonne vingtaine d’âmes qui vivent ! Pas mal se sont assis sur le sol joliment vitrifié, tout en sirotant la coupe de champagne offerte par la maison. Sympa la vie de châtelain !
Sèche à la main, lunettes rondes trop grandes pour elle et cul posé sur une vieille chaise en bois, elle commence à fredonner les premières notes d’une prestation qui restera iconoclaste.
La voix est fluette, son timbre fébrile. Presque inaudible. Faut dire que la gonzesse travaille sans micro.
Ses histoires, sont les siennes, elles lui appartiennent. Elle s’amuse à déclamer ses déceptions amoureuses. A les détourner, à les chantourner, à la chantonner, tout en légèreté.
Ses textes sont à la fois tristes et rigolos. On se surprend à sourire au détour d’une larme. Ou pleurer, au détour d’un sourire. C’est sûr, ‘elle n’aime pas les gens qui font du yoga’ !
Malgré son petit mètre soixante, on devient tout petit devant Bini et sa comparse Sandy (NDR : entendez par là, sa six cordes qu’elle alterne avec un ukulélé aussi grand qu’elle).
Puis, la donzelle surprend l’auditoire en fredonnant une kyrielle de tubes (« Let it be », « Somenone like you », etc., …) durant trois bonnes minutes sur un ton monocorde. Suffit de pincer deux cordes pour faire une chanson, dit-elle, en affichant un large sourire. Oui, mais faut du talent ma chérie ! Le tien par exemple…
Après une pause dînatoire bien méritée, prise au détour d’un stand bouffe, votre serviteur se dirige vers ce qui clôturera cette seconde journée de festival, à savoir Hooverphonic.
Fondé en 1995 par Alex Callier (basse, programmations et production) et Raymond Geerts (guitares), le groupe belge reste l’une des formations les plus populaires du pays.
Celui aussi qui a connu le plus de défections parmi ses chanteuses ! A commencer par Liesje Sadonius qui participera à l’enregistrement d’un premier album encensé par la presse en 1996, « A New Stereophonic Sound Spectacula ».
L’année suivante, Geike Arnaert lui succède sur « Blue Wonder Power Milk ». Mais, elle quitte le groupe pour voler de ses propres ailes, un an après la réalisation du septième opus, « The President of the LSD Golf Club ».
En 2010, c’est Noémie Wolfs qui rejoint l’équipe. Détail croustillant, elle ne possède pas d’expérience musicale et n’a suivi aucun cours de solfège.
Le groupe se concentre alors sur la réalisation de « The Night Before ». En 2013, elle participe à l’enregistrement de « Reflection », le dixième du genre.
Un an plus tard, la formation prend le parti de revisiter son propre répertoire à l’aide d’un orchestre symphonique, « Hooverphonic With Orchestra ».
C’est justement sous cette angulaire intrigante et rafraîchissante que le groupe va articuler son show.
Ils sont dix-sept sur l’estrade. Enfin, dix-huit si on compte la personne qui se charge du langage des signes. La partie symphonique est disposée au centre et les musicos sont répartis autour.
Si les cordes apportent un côté ouaté, voire glamour, l’instrumentation électrique transgresse discrètement cette courbe ascendante.
Le set offre une relecture de vingt années de tubes récents ou anciens (« Boomerang », « Gravity », « Ether », « Angels Never Dies », etc.).
Les vocalises sont assurées par les voix distinctes et intrigantes de Pieter Peirsman (qui se charge également de la gratte électrique) ainsi que de Kimberly Dhondt et Nina Sampermans. Ces dernières ont opté pour l’extrême gauche du podium. Ces différents timbres vont communiquer une identité spécifique à chaque chanson.
Un des moments forts de ce live, voire de cette édition toute entière, viendra de la prestation de Mister Peirsman, lors de la reprise de « Vinegar and Salt ». Foi de festivalier, jamais un timbre de voix ne m’a procuré autant d’émotions.
Ou encore, cette participation massive et fédératrice du public en entonnant ses ‘la-la-la’ sur « Hiding In A Song ».
Alex Callier échange régulièrement auprès de ses fans dans un français approximatif. Il s’autorise même à balancer quelques blagues. C’est dire !
Au total, une heure trente de chansons emblématiques proches des versions originales ou en s’y éloignant, mais issues d’un répertoire riche et varié.
Un set sobre, efficace et élégant. Que demande le peuple ?
Encore une soirée placée sous de bons auspices. Un petit détour à l’espace guinguette, histoire de se dégourdir le popotin ? Peut-être demain…
(Organisation : LaSemo)