La fatigue commencerait-elle à gagner les festivaliers, en ce 3ème jour ? Une chose est sûre, en cette fin d’après-midi, le site est relativement clairsemé. A contrario, le camping grouille de jeunes essayant, tant bien que mal, de récupérer des folies nocturnes. Mais je ne m’en plaindrai pas ; car cette situation me permet d’apprécier les concerts au sein d’un environnement plus paisible qui réunit de véritables mélomanes, motivés par la présence de groupes talentueux en devenir…
Et tout d’abord O’death. Il se produit sous la tente de la Petite maison dans la Prairie. « O’death » c’est à l’origine une ancienne chanson mythique, presque spirituelle née aux USA. Cette compo traditionnelle figurait au répertoire du célèbre chanteur folk Ralph Stanley. En quelque sorte, il lui avait rendu vie. Mais ce titre a aussi servi de fil conducteur à une partie du film de George Clooney, « O’Brother ». Et cette perception de l’Amérique profonde hante la prestation du groupe. Leur musique est enracinée dans la country, le bluegrass et le rythm’n’swing. Le violoniste bondit littéralement sur les planches. Ses attaques à l’archet sont virevoltantes. Le chanteur/guitariste, Greg Jamie, occupe une position plus centrale. Il est régulièrement soutenu aux vocaux par Gabe Darling, partagé entre le banjo et d’ukulélé. Et la mayonnaise prend instantanément. Le podium commence sérieusement à vibrer. Les amateurs de folk, rejoints rapidement par les (nombreux) fans des Dropkick Murphys, lancent d’interminables pogos. Un engouement provoqué par une diffusion phénoménale de ce qu’on appelle les ‘good vibes’… Si vous souhaitez en savoir davantage sur cette formation, je vous invite à (re)lire la review que Bernard avait rédigée, lors de leur passage à l’Aéronef de Lille, ainsi que l’interview que le sextet lui avait accordée, avant ce concert. C’était en février dernier.
Par contre, pas sûr que notre rédac’ chef soit particulièrement heureux en lisant ce qui suit. Ni la majorité des collaborateurs de Musiczine, d’ailleurs. Parce que les Dodos y font l’unanimité. Personnellement, j’ai été séduit par les petites perles indie-rock de leur troisième opus, « Visiter » (NDR : le quatrième, « Time to die » sortira début septembre). Parce que leurs mélodies y soufflent comme un vent frais et rafraîchissant. Mais leur prestation accordée à Dour ne m’a pas du tout convaincu. Le changement de style était-il trop brutal après le set d’O’death ? Ou les commentaires flatteurs recueillis lors de leurs derniers passages chez nous, m’avaient-ils communiqué trop d’espérances. Toujours est-il que leur concert ne m’a guère enthousiasmé. A l’instar de leur tracklisting, que le trio m’a paru interpréter sans manifester beaucoup de passion (NDLR : lors leur interview accordée à Musiczine début décembre 2008, Meric et Logan avaient confié qu’ils n’aimaient pas trop se produire dans les festivals ; ce qui peut expliquer ce phénomène). Espérons que le retour dans une salle plus intimiste comme celle du Bota (NDR : le 8 septembre) ou de l’Aéronef à Lille (NDR : le 17 novembre) leur permettra de remettre les pendules à l’heure.
Vu la copieuse affiche proposée par le festival de Dour, on épingle toujours des noms que l’on ne connait ni d’Eve ni d’Adam. Mais que certains amis journalistes nous conseillent d’aller voir et entendre ; et à qui on fait entièrement confiance, dans un esprit d’ouverture et de découverte. Esser est l’un de ces illustres inconnus. Il se produit au Dance Hall. Ben Esser en est le leader. Il est entouré de quatre collaborateurs. Non content d’emprunter leur look aux New Kids On The Block, la formation dispense un synthé pop digne des boys bands de la fin des 80’s voire du début des 90’s. On a même plutôt tendance à en rire. D’ailleurs, il faut une bonne dose de second degré pour apprécier le spectacle proposé par ces 5 jeunes gens. Pourtant, le début de parcours est tellement déroutant, qu’on finit par accrocher. Le temps de quelques titres du moins ; car une fois l’effet de surprise passé, on a plutôt envie d’aller voir ailleurs ce qui se passe…
Chez Gong par exemple. Une des plus anciennes communautés hippies. Ces vétérans de la prog avant-gardiste et du free jazz valent également le coup d’œil. Sorte d’hybride entre Iggy Pop et notre Julos Beaucarne national, leur chanteur Daevid Allen est un personnage à lui seul. Il a quand même 70 balais. Et les autres membres qui l’accompagnent dépassent allégrement les 60 ans. C’est d’ailleurs au cours de la première moitié des 70’s que le combo a rencontré le plus de succès. Commettant même un elpee incontournable en 1973, « The Flying Teapot » (NDR : la pochette est enrichie de dessins réalisés et de poèmes rédigés par Allen dans l’esprit de la BD underground de l’époque). Les morceaux sont très longs et élaborés. Et ils s’adressent à un public averti…
Après ces phénomènes de foire, la suite de l’affiche est bien plus consistante. Et pour cause, 65daysofstatic va bientôt monter sur le podium de la Petite maison dans la Prairie. Le plus intéressant chez ce groupe de Sheffield, ce sont les surprises. Elles sont même systématiques. Lors de leur dernier passage à Dour (NDR : c’était en 2007) le groupe avait éliminé les claviers pour mettre en exergue l’aspect électrique de leur musique. Et je vous jure, les riffs de guitare avaient littéralement déchiré ! Pour ce nouveau show, la boîte à rythmes est plus présente, et le son brut est atténué par des samples électro. De quoi semer un peu plus la confusion. Pourtant, aussi disparates puissent-ils être, les différents éléments s’emboîtent parfaitement. Le plancher se remet à vibrer. Les headbangings sont lancés (NDR : pas étonnant que la nuque soit douloureuse, en fin de la journée). Leur set s’est même achevé par un « Radio protector » impressionnant. Le morceau s’ébroue paisiblement sur des accords de piano dramatiques. Puis la batterie et les riffs de guitare s’immiscent furtivement dans la solution sonore qui monte en crescendo, avant de se libérer dans une somptueuse déflagration finale. Un pur régal ! Coldplay aurait tout intérêt à en prendre de la graine…
Dropkick Murphys se produit sur la grande scène. Le band de Boston attire la toute grande foule. Dont de nombreux aficionados qui arborent des tee-shirts aux couleurs de l’Irlande. Mais c’est ici que le bât blesse ; car cette dans cette formation, il n’y a pas d’Irlandais. Même pas d’Ecossais ! Mais des Yankees. Et cela se ressent. Bien sûr, ils entament leur set par un air traditionnel joué à la cornemuse. Et pour briser la lassitude provoquée par une succession de titres punk/hardcore, ils entonnent le traditionnel « Wild Rover », que le public reprend en chœur (NDR : la version des Dubliners est antérieure). Malheureusement, le tracklisting composé de morceaux ne dépassant pas les 3 minutes souffre de refrains un peu trop simplistes. Ce qui n’empêche pas la foule de remuer allègrement et même de pogoter frénétiquement. Difficile néanmoins de s’enthousiasmer face à un ensemble qui souffre d’une telle carence d’originalité et qui, de toute évidence, aura bien du mal à atteindre un jour la cheville de maîtres du genre comme les Pogues voire les Real McKenzies.
La foule se densifie devant le podium de la Last Arena. Les Pet Shop Boys vont s’y produire. En voilà une tête d’affiche plutôt atypique pour Dour. Ce type d’artiste est en général programmé dans le cadre de manifestations comme celle des Lokerse Feesten ; mais il faut croire que l’agenda du combo, coincé entre quelques grands festivals anglais, l’Olympia à Paris et un concert à Tel Aviv, correspondait sans doute mieux à celui du festival borain. Et puis en sachant que la bande Neil Tennant et Chris Lowe se rendait ensuite au Mexique et au Canada, avant de revenir au Lotto Arena d’Anvers, le 15 décembre, les organisateurs avaient le droit de manifester une certaine fierté d’être parvenu à convaincre le duo anglais de débarquer sur ses terres. En outre, le décor mis en place sur la grande scène accentue cette impression d’exclusivité. Les vedettes se font attendre. C’est connu. Il y a même une musique de fond pour faire patienter le public. Néanmoins, dès l’entrée en scène des Pet Shop Boys, on est fasciné par leur light show. Des lumières sont projetées sur un muret de cubes. Impressionnant ! Musicalement, la prise de risque est cependant très limitée, puisque le band ouvre le tracklisting par un de ses plus gros tubes : « Heart ». Neil est au centre. A peine visible derrière ses claviers, Chris s’est posté côté droit. Et deux choristes sont plantées à gauche. Le décor est renouvelé à plusieurs reprises. Les tenues de scène défilent. Les chorégraphies fluctuent. De quoi conserver tout l’intérêt d’un grand spectacle. Les singles se succèdent : « Love, etc... », « Go West », « Always On My Mind », etc. Bref, un show fort agréable pour une tête d’affiche ; surtout quand on sait que les têtes d’affiche sont plutôt rares à Dour.
Avant de vider les lieux, pourquoi ne pas jeter un dernier coup d’œil dans la Petite maison dans la Prairie pour y admirer la grande fanfare d’I’m from Barcelona ? Bien qu’elle ne soit pas catalane, mais suédoise (NDR : de Jönköping), la formation ressemble à une véritable auberge espagnole. Il ya une quinzaine de musiciens. Une large section de cuivres, des choristes, des percussionnistes et des guitaristes. Et on ne sait toujours pas où donner de la tête devant cette troupe. Cependant, Emanuel Lundgren (NDR : c’est le leader !) veille au grain ; et tel un chef d’orchestre, il veille tout particulièrement à l’harmonie de l’ensemble. Résultat des courses : l’ambiance est aussi à la fête tant sur scène que dans le public.
Mais il est déjà 1 heure du mat’. La fatigue commence à gagner du terrain et l’emporte sur mon envie de scander ‘I'm gonna sing this song with all of my friends and we're I'm from Barcelona’ ; aussi je décide de quitter le site, histoire de revenir en pleine forme le lendemain.
(voir également la section photos)