Dimanche premier mai, c’est la fête du travail… et du muguet. Sous un soleil resplendissant, c’est également celle du Rock à Lessines et la seconde journée du Roots & Roses. Onze heures à l’horloge de l’église sonnent. Ce dimanche, l’affiche est celle qui était prévue en 2021. Mais à cause de la pandémie, le festival avait été annulé. Ou plus exactement reporté. La programmation y est cependant beaucoup plus éclectique que celle de la veille…
Scène Roots : Deadline (11h00-11h35)
Curieux, le groupe qui ouvre le bal, aujourd’hui, a choisi pour patronyme Deadline. Il s’agit d’un power trio qui pratique une forme de heavy-rock-punk-blues-roots. Issu de Charleroi, le combo s’est formé en 2013. A l’origine, il aiguisait ses cordes sur des riffs punks saturés, puis il a été touché par le maléfice de Robert Johnson. Depuis, les musicos sont hantés par les fantômes du blues et du roots.
Costards/cravates, ils sont sapés comme des traders de la Bourse de Londres. Les deux chanteurs, Quiet Ben et Simon Wray, échangent constamment leurs instruments (guitare, basse, harmonica), opérant ainsi des duels épiques, que canalise le drumming de Simon Blue King.
La setlist va nous réserver quelques extraits de l’Ep, « Those Who Inhabit This Land », gravé en 2018, de nouvelles compos et des reprises. Le début de concert est plutôt paisible, « Lair » et « The Armadillo Song » débarquant sur la pointe des pieds. Le calme avant la tempête électrique. Rythmique saccadée, cordes saturées, la tempête sonore peut commencer. Deux reprises : le « When I Was A Young Men » d’Allan Coe et le « Mannish Boy » de Muddy Waters. Il n’en manquait plus qu’une de Chuck Berry. A la fin du show, les instruments sont malmenés, jetés sur le plancher et contre les amplis. On se serait cru à la belle époque du Who.
Scène Roses : High Jinks Delegation (11h35-12h15)
High Jinks Delegation est un octuor cosmopolite, puisqu’il réunit des Américains, des Français et des Belges. En l’occurrence David Davoine (banjo, chant, trombone), Nora Helali (chant), Rebecca Samos (trompette, accordéon), Isabel Sokol-Oxman (violon), Nicolas Lebrun (harmonica, chant), Hervé De Brouwer (guitare), Jean-Luc Millot (drums, chœurs) et Simon Breux (chant, contrebassine*).
Le collectif pratique une musique inspirée par la tradition des ‘jugbands’ américains des années 30, en mêlant ragtime, blues, jazz et country. Et il va nous proposer de larges extraits de son album « One For The Road », paru en octobre 2021. Aux washboard, contrebassine trompette, clarinette et banjo se frottent la batterie, la guitare électrique et l’accordéon. Le set est vivifiant et bourré d’énergie. Ce qui incite le public à danser.
* La contrebassine est un instrument à cordes pincées artisanal fabriqué généralement à partir d'une bassine en tôle galvanisée tenant lieu de caisse de résonance (plus récemment en plastique), d'un bâton (de la taille d'un manche à balai - ustensile généralement utilisé - tenant lieu de manche) et d'une seule et unique corde, souvent du type corde à linge (source Wikipédia).
Scène Roots : Parlor Snakes (12h15-12h55)
Place ensuite à Parlor Snakes, un duo franco-américain établi à Paris. Sur les planches, Eugénie Alquezar et Peter K sont soutenus par des musicos qui varient selon les circonstances. Ce soir, le tandem est épaulé par un bassiste et un drummer. Portée par la voix élastique et intense d’Eugenie, la musique explore les croisements lugubres entre punk, garage/pop et psyché. Dans l’esprit de son dernier elpee, paru en 2019, « Disaster Serenades ». Mais est-ce vraiment du garage, de la pop ou du punk. Peut-être un peu de tout ça à la fois, concentré au sein d’un cocktail explosif et lascif…
Scène Roses : Siena Root (12h55-13h35)
Siena Root n’est pas une formation italienne, mais suédoise, issue de Stockholm, très exactement. Fondée à la fin des 90’s, elle puise ses influences majeures dans le rock psychédélique des années 60 et 70. Le quatuor compte quand même douze elpees au compteur dont le dernier, « The Secret Of Our Time », et paru en 2020. Première constatation, en général, l’orgue domine l’expression sonore, un orgue aux sonorités denses, vintages que se réserve Zubaida Solid. C’est également elle qui se consacre au chant, parfois à la seconde sixcordes, sa voix soul/blues surprenante évoquant même parfois celle de Janis Joplin. Et le tout est dynamisé par les cordes de guitare hurlantes et la grosse section rythmique basse/batterie…
Scène Roots : The Cynics (13h35-14h15)
Encore un groupe de vétérans ! Pratiquant du rock/garage, The Cynics est issu de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Fondé en 1983, il s’est séparé en 1994, avant de se reformer en 2002. Il a souvent changé de line up, et aujourd’hui, il ne reste plus que le guitariste Gregg Kostelich comme membre originel, le chanteur Michael Kastelic ayant rejoint le band en 1985. Le quatuor est aujourd’hui complété par le drummer Pablo González ‘Pibli’ et le bassiste Angel Kaplan.
« Baby What Wrong » ouvre les hostilités. Les sonorités de gratte sont écrasantes. Michael Kastelic ne chante pas, il vocifère. Et Kostelich souffle dans son harmo. Un morceau réminiscent des prémices du punk, lorsque la désorganisation était au pouvoir. L’orgue Hammond infiltre généreusement « Way It's Gonna Be ». Les compos oscillent du punk au rock garage en passant par le rhythm’n’blues. D’abord paisible, « Get My Way » finit pas s’emballer et opère même un crochet par le psychédélisme. Le public jeune semble complètement subjugué. A tel point qu’il reste bouche bée à l’écoute de « You Got To Love » et « All These Streets ». On reprochera quand même au band de pousser un peu trop le volume sonore et puis surtout les hurlements incessants de Kastelic…
Scène Roses : Chatham County Line (13h35-14h15).
Outre-Atlantique, Chatham County Line est considéré comme une figure marquante de la scène roots. Fondé en 1999, à Raleigh, en Caroline du Nord, le band a publié 13 albums, dont le dernier, « Strange Fascination », est paru en 2020. Le trio est actuellement constitué de David Wilson au micro, de John Terer au banjo, à la mandoline et au violon, ainsi que du contrebassiste Greg Readling, parfois reconverti à la pedal steel.
Ces vieux routards s’inscrivent dans le renouveau de la scène bluegrass américaine. Et dès les premiers accords, le combo nous entraîne à travers les grandes plaines américaines. Sonorités acoustiques (mandoline, banjo, harmonia) et électriques (guitares, pedal steel) se fondent dans un bel ensemble. A l’instar de « Crop Comes In ». Parfois, on a l’impression de revivre des moments partagés autour d’un feu de camp, au cours de notre jeunesse. « Free Again » s’avère presque cajun, alors « Girl She Used To Be » bénéficie d’une intervention puissante au violon…
Scène Roots : The Italian Job (14h55-h15h40)
The Italian Job, c’est le nom d’un thriller des années 60. C’est aussi celui d’un projet éphémère, qui se produira une seule et unique fois au Roots & Roses 2022, alors qu’il était prévu déjà en 2020. Le groupe d’un soir réunit la crème des mafiosi du rock’n’roll qui militent en Belgique. On y retrouve ainsi Marcella Di Troïa (Black Mirrors) et Giacomo Panarisi (Romano Nervoso) aux vocaux, Lord Bernardo (Boogie Beasts) à l’harmonica, Jeremy Alonzi (Experimental Tropic Blues Band), qui a troqué sa guitare pour les claviers ainsi que Lucas Lepori (Romano Nervoso) et Mario Goossens (Triggerfinger, Sloper) derrière leurs fûts. Bon, Mario n’est pas vraiment italien. Mais il vu l’origine de son prénom, ça peut passer. Particularité, il y aura deux batteurs. A gauche, Mario Goossens, considéré comme le meilleur en Belgique.
Le collectif a composé un répertoire original spécialement pour la circonstance et va nous interpréter sa version de « Roots & Roses », l’hymne du festival composé par Fred Lani, en 2014.
Le set s’ouvre par « 21 St Century Boy ». Giac est aux drums. On n’entend pas assez la voix puissante de Marcella. Il y a 9 musiciens sur les planches, et ce n’est pas un exercice facile pour l’ingé-son, surtout quand se produisent des musiciens issus de différents horizons. Le temps de quelques réglages et on retrouve son timbre hanté et chamanique. En outre, elle ne tient pas en place. Tout comme l’harmoniciste. A contrario, assis derrière les ivoires, Jeremy affiche une paradoxale sérénité. La maîtrise technique de Mario à la batterie est impressionnante. Le set va osciller entre blues et rock’n’roll. Et lors de titres les plus percutants, la foule danse et même parfois pogote. Faut dire que les aficionados louviérois, liégeois et anversois ont débarqué en nombre…
Mais l’intensité atteint son point culminant sur « Mother Earth » et « May Satan Bless You ». La version du « Roots And Roses » de Fredéric Lani est attaquée sur l’avant-dernier titre de la setlist. Puis, le concert s’achève par « Let Sabath ». La foule en veut encore, mais il n’y aura pas de rappel.
Setlist : « 21 St Century Boy », « Mother Earth », « Child Hood Witch », « May Satan Bless You », « Gentle Boogeyman », « Angels Lullaby », « Roots And Roses », « Let Sabath »
Scène Roses : Equal Idiots (15h40-16h25)
Equal Idiots est un tandem réunissant Thibault Christiaensen (chant et guitare) et Pieter Bruurs (batterie). Originaire d’Hoogstraten, dans la province d’Anvers, il s’est véritablement révélé, l'automne 2016, lorsqu'il a remporté le prix du public lors du concours ‘De Nieuwe Lichting’ et atteint la finale du Humo's Rock Rally.
Le set s’ouvre par le garage/punk « Knife And Gun » et tout au long de « Hippie Men », on entend des chiens aboyer. Des bandes préenregistrées, vous vous en doutez. Le duo sulfureux reprend le « Ça Plane Pour Moi » de Plastic Bertrand. Ce qui met le souk sous le chapiteau. La foule reprend même les paroles en chœur. Les deux jeunes gaillards ne manquent, en outre, pas d’humour. Rien que le patronyme de la paire, en est une parfaite démonstration. Et musicalement, il s’inscrit dans parfaitement dans la lignée de Black Keys et Black Box Revelation.
Scène Roots : The Lords Of Altamont (16h25-17h10)
Il est assez incroyable qu’après plus de dix ans de Roots & Roses, The Lords of Altamont n’ait jamais figuré à l’affiche. L’injustice est donc réparée en 2022. Le line up réunit le guitariste Dani ‘Dani Sin’ Sindaco, le bassiste Rob Zim, le drummer Barry Bonkers et bien sûr le chanteur/claviériste Jake ‘The Preacher’ Cavaliere. Cet ex-Fuzztones et ex-manager des Cramps s’est installé, depuis quelques années, derrière les claviers pour les Sonics. Originaire de Los Angeles, en Californie, le combo puise ses références majeures dans le hard rock, le psyché/rock américain et le garage. Son sixième opus, « Tune in Turn on Electricity », est paru en 2021. Il constitue l’essentiel de la setlist.
Les sonorités d’orgue sont véritablement hypnotiques. Ce qui ne signifie pas que les riffs de guitare de Dabi Sin, les lignes de basse de Rob Zinn et la batterie serrée de Barry 'The Hatchet' van Esbroek jouent un rôle secondaire. Non, ces nuances apportent une forme de subtilité et d'originalité au son. Puissant ! Parfois un peu trop. Et des morceaux tempétueux comme « Death On The Highway », « Going Downtown » et « Cyclone » menacent et finissent par vous exploser à la figure…
Scène Roses : Sloper (17h10-17h55)
Il n’y a pas à dire, le timing est scrupuleusement respecté. Sloper, c’est le projet commun de deux batteurs d’exception qui a vu le jour en 2019. Celui de Mario Goossens (Triggerfinger), et la légende néerlandaise César Zuiderwijk (Golden Earring). Le line up est complété par le guitariste Fabio Canini et le chanteur/guitariste anglais Peter Shoulder.
Le chapiteau est plein à craquer pour assister à ce show ! Une estrade a été installée sur le podium. Mario s’y installe à gauche et César à droite. Ils sont séparés d’un énorme tambour placé en hauteur entre les deux. La grosse caisse de Mario est imposante. Assez technique, l’un des deux guitaristes déambule de gauche à droite et inversement. Il lui arrive de reproduire des solos, couché au sol. Pas de bassiste. Britannique, le second gratteur est coiffé d’une casquette en pied de poule. Les deux sixcordistes entrent régulièrement en duel, en se faisant face. César et Mario affichent de larges sourires. Détendus, ils font régulièrement le pitre et viennent même frapper sur les peaux des drums du voisin ; mais le plus génial, c’est que les deux batteurs soient capables de trouver un parfait équilibre dans leurs drummings respectifs. Les deux musiciens y expriment leur personnalité et leur jeu sans tomber dans le piège de la démonstration virtuose, qui n’est jamais loin dans ce genre de projet. C’est inévitable, Mario imite l’avion sur sa grosse caisse et incite l’auditoire à chanter et applaudir. C’était une figure de style attendue ! Un concert solide pour Sloper, dont la musique a parfois rappelé les meilleurs moments d’Eagles of Death Metal…
Scène Roots : The BellRays (18h00-19h00)
C’est la troisième fois que The BellRays se produit au Roots & Roses. Puissante, la voix de Lisa Kekaula se frotte parfois à la soul et au gospel. De temps à autre, elle se sert d’une cymbalette. Bob Vennum ne lésine pas sur les riffs énergiques. Le drumming sauvage voire tribal de Dusty Watson et les assauts de basse commis par Bernard Yin sont vraiment en phase. « Everybody Get Up » et « Perfect » remuent les tripes. « Third Time's The Charm » balance la purée. Sauf, que votre serviteur commence à avoir la dalle et qu’il est donc temps de se restaurer…
Il fait d’ailleurs l’impasse sur le set de Giant Sand…
Scène Roses : The Inspector Clouzo. (20h10-21h10)
Car il faut être fit and well pour assister à la prestation The Inspector Clouzo. Un duo gascon originaire de Mont-De-Marsan. Des rockers qui cultivent du bio, élèvent des canards ainsi que des oies. La moitié de l’année est consacrée à la ferme et l’autre au rock’n’roll. Le guitariste Laurent Lacrouts et le batteur Mathieu Jourdain ont fondé ce projet en 2008. Il y a du peuple sous le chapiteau pour assister au show. La combinaison de hard rock et de funk est toujours aussi efficace. Laurent signale ne jamais préparer de setlist, toujours bien militer au sein d’un band indépendant, de s'autoproduire et de se financer à 100%. chez Virgin Angleterre. Le tandem va nous réserver, en exclusivité, des morceaux issus du futur elpee qui sortira en 2023. Après le concert, Laurent a promis de transmettre la setlist à votre serviteur, fin de semaine, car mardi il fallait planter 6 hectares de maïs… N’empêche, à l’issue d’un tel festin gascon, il y avait de quoi être rassasié.
Il reste deux groupes à l’affiche : The Limiñanas et la formation helvète The Monsters qui clôture ce Roots & Roses. Votre serviteur a assisté à 26 concerts sur 29. C’est bien, il est fatigué et il décide de rejoindre ses pénates… Merci Fred Maréchal et Myriam Boone. A l’année prochaine, sans faute !
(Organisation : Centre Culturel de Lessines)