Le festival des Nuits Botanique touche bientôt à sa fin et se clôture en feu d'artifice. Avant la soirée des adieux, prévue au Cirque Royal, ce dimanche, la veille propose également un programme des plus alléchants : All We Are, Mountain Bike (release concert) et Warhaus au Cirque ; puis, ensuite, la nuit électro au Bota.
Quand votre serviteur débarque au Cirque Royal, All We Are termine son show. C’est même le dernier titre interprété par ce trio établi à Liverpool. Mais ce « Dreams » laisse une impression plutôt étrange. La musique est assez décousue, à la limite de la justesse, surtout dans le chef de la chanteuse. Il faut espérer que le début de set était de meilleure facture…
Enfin, après ce premier coup de pédale, place à Mountain Bike... Hum... Les jeux de mots sont faciles quand on évoque ce quatuor bruxellois. Depuis 2012, Etienne (chant, guitare), Charles-Antoine (guitare), Aurélien (batteur) et Stefano (bassiste) ont déjà publié un album éponyme sur Humpty Dumpty et aujourd'hui, c'est la soirée 'release' de la nouvelle plaque : « Too Sorry For Any Sorrow », qui sort sur le label bruxellois Humpty Dumpty et le franco-belge Teenage Penopause Records de nos amis Elzo Durt et François Abdel.
Dès les premiers titres, « Future Son » et « Absolutely », le ton est donné. Cette pop frontale, très 'british', énergique, psyché vire parfois carrément au 'post punk'. Post punk, à cause de ces sonorités de grattes légèrement désaccordées, mais bien cinglantes. On pense tour à tour aux Kinks, à Oasis, à Ty Segall, aux Stranglers ou encore aux Buzzcocks.
Déplorant que le parterre ait été disposé en mode places assises, Etienne s'empresse d'inciter l’auditoire à se lever : ‘On n'est pas là pour ramasser des champignons !’, exhorte-t-il, non sans une pointe d’humour. Le public s'exécute et l'ambiance monte tout de suite d'un cran.
La setlist privilégie les morceaux du nouvel elpee. « You'd Better Let Go » a de délicieux relents psychédéliques et « Escape Plan » est enrichi de superbes harmonies vocales. Issu du premier album, « I lost my hopes (in paradise) » n'a rien perdu de sa fougue et fait mouche comme à chaque concert du combo. Entre deux chansons, Etienne rend un hommage discret à Christophe Van Impe, le journaliste décédé il y a peu. Le set se termine en beauté dans la foulée de « Mean With You », « Torture » et « B+ B- ». Une prestation explosive et de très belle facture !
Votre serviteur n’a pas encore eu l’opportunité d’assister à un concert de Warhaus. Il est donc impatient de découvrir la suite du programme. Il faut dire que Maarten Devoldere, le 2ème chanteur de Balthazar, a fait très, très fort, en publiant « We fucked a flame into being », son premier LP solo. Pour la petite histoire, ce titre s’inspire de ‘Lady Chatterley's Lover’, le roman-brûlot de D.H. Lawrence.
Quand les musiciens montent sur le podium, on reconnaît Michiel Balcaen, qui milite également derrière les fûts, chez Balthazar, et Jasper Maekelberg, le leader de Faces On TV, à la guitare. Le couple glamour par excellence débarque enfin : Maarten Devoldere est habillé de noir, et sa longue veste lui confère un look très classieux ; et, à ses côtés, Sylvie Kreush, sa compagne à la ville comme à la scène, est particulièrement sexy dans sa tenue sombre bordée de voiles. La rythmique chaloupée de « Control » s’élève. Le chanteur se saisit de sa guitare/basse hybride et égrène les quelques notes qui sont ensuite répétées à l'infini par sa pédale 'looper'. Après quelques accords de mélodica, il commence à chanter... et… on est tout simplement subjugué. Sa voix est désinvolte et lancinante, comme celle de Nick Cave. Ou alors proche d’un Leonard Cohen, plongé au sein d’une atmosphère lynchéenne. Derrière lui, la silhouette de Sylvie Kreush ondule et fascine. La guitare essaime quelques cinglantes notes tiraillées en mode 'bend'. Un climat moite de cabaret érotique, chargé d'une sensualité à fleur de peau, baigne alors le Cirque.
Pour attaquer « Beaches », le poulain de l'écurie PiaS passe à la trompette et sample une ligne légèrement dissonante reproduisant une sirène de paquebot. Pas étonnant quand on sait qu’il a enregistré les bases de son album, sur un bateau, près de Gand. Une embarcation qui a d'ailleurs donné son nom au projet Warhaus. S’ensuit le riff quasi-funky de guitare, qui provoque une réaction enthousiaste du public. « Against The Rich » enfonce encore le clou grâce à son rythme rétro irrésistible.
Après un titre interprété par Sylvie Kreush, Devoldere nous réserve une version en solo de « Memory ». Quand on observe le manche sa gratte, manifestement elle a été trafiquée. La corde supérieure est prévue pour une basse et les trois supérieures, pour des cordes de guitare électrique. Ce qui permet au musicien de jouer les deux parties sur un seul instrument via deux micros/pick-ups séparés. Ingénieux !
Retour à la formation au complet pour aborder l'envoûtant « Machinery » et, surtout, le voluptueux « I'm Not Him », un slow qui évoque –et c’est à s'y méprendre– « Elle et Lui » de Max Berlin. Tout y est, même la 'cow bell', le son de clochette. Rassurez-vous, ce mimétisme est délibéré : l'artiste reconnaît vouloir adresser un clin d'oeil à ce titre légendaire.
Le concert arrive tout doucement à son terme et après la chanson 'locale', « Bruxelles », interprétée en solo, Warhaus choisit de terminer le show par une nouvelle compo, « Mad World ». La partie finale a capella est reprise en choeur par un public conquis, qui continuera à chanter, même après le départ des musiciens…
En un mot comme en cent, Warhaus est une véritable révélation. Outre les références citées, on y décèle encore d’autres influences, puisées chez Serge Gainsbourg et Lou Reed. Mais surtout une ambiance et un son qui rappelle le chef d'oeuvre « Pop Crimes », signé par le regretté Rowland S. Howard, l'ancien guitariste de Birthday Party... Seule petite déception ce soir : la stature de Devoldere. Elle est respectable en ‘live’, mais n'impose pas comme celle d'un Nick Cave. Mais peut-on vraiment lui reprocher cela? En résumé, ce soir, si Mountain Bike a confirmé tout son potentiel, on a assisté à l'éclosion, si pas d'une star, à tout le moins d'un talent avec lequel il va falloir compter...
Philippe Blackmarquis
Warhaus + Mountain Bike + All We Are
After Party – Nuit Electro
Après l'enchantement maléfique dispensé par Warhaus, au Cirque Royal, cap vers le Botanique pour la désormais traditionnelle Nuit Electro, qui est programmée lors du dernier samedi du festival.
Pour débuter, dès minuit, dans la Rotonde, on va prendre une véritable claque dans la figure. Ou plutôt, on a encaissé une boule de neige lancée par Ross Tones, alias Throwing Snow. Le producteur londonien a gravé son premier album, "Embers", cette année ; et le résultat sur scène est bluffant. Sa musique électronique est puissante, pulsée et son côté 'trance', hautement hypnotique. Elle recèle aussi des touches krautrock dans les séquences à la Tangerine Dream. Les ambiances sont sombres et mélancoliques, à cause du recours aux accords mineurs. La salle n’est pas encore comble, mais les têtes dodelinent, comme emportées par l'invitation au voyage. Jolie entrée en matière !
Gay Pride oblige, l'artiste suivant est 'queer' : Zebra Katz (Ojay Morgan). A la fois rappeur, danseur et performer, cette icône du mouvement ‘Hip Hop Queer’ crée d'emblée une atmosphère toxique et moite, au sein d’une Rotonde à présent pleine. Vêtu d’une combinaison ignifugée et d’un masque noir, il intrigue. Sa musique lorgne vers un hip-hop à la limite du trip-hop, rappelant par moments Tricky. Impressionnant !
Mais il et temps de quitter la Rotonde pour rejoindre l'Orangerie, où nous attend Factory Floor. Dès 2005, date de sa naissance, la formation londonienne brouille les pistes. Techno primitive ou post-punk aux relents industriels ? La question mérite d’être posée. D’autant plus qu’un titre comme « Bipolar » lorgne vers Joy Division et The Fall. Aujourd'hui, F.F. réunit Gabriel Gurnsey (synthés, programmation, batterie) et la jolie Nik Colk (synthés, voix, effets). Un duo ! Sur le podium de l'Orangerie, Gurnsey se consacre à la batterie et Colk s’est installé en vis-à-vis, derrière une table, sur laquelle on imagine concentrés des synthés, des contrôleurs et des boîtes à rythme. En 'live', le son de F.F. est très 'techno modulaire'. Il s’agit de séquences de basses synthétiques et de beats électroniques sur lesquels Nik Colk applique des effets sonores, élabore des progressions et parfois, injecte quelques voix trafiquées. La musicienne ressemble d'ailleurs un peu à Nico, mais qui aurait teint ses cheveux en roux. Elle a enfilé un t-shirt de sport vert parfaitement kitsch. Gurnsey intervient pour soutenir les beats à l’aide de ses drums. Le public est enthousiaste mais malheureusement le set est écourté après 40 minutes, à cause des retards accumulés au fil de la soirée.
On profite de l'interruption pour se désaltérer, zappant au passage le set de l'Anglais Babyfather ; puis hop, retour à l'Orangerie pour la tête d'affiche de la Nuit : Paula Temple. La carrière de cette productrice/DJ, établie à Berlin, couvre plus de 20 ans ! Puissante et hybride, sa techno est construite à l'aide de logiciels comme Ableton et de contrôleurs qui manipulent les tracks et les samples. Elle se plante debout derrière ses machines. Et il émane d'elle une forme de mystère. Sans soute à cause de ses cheveux couleur anthracite et puis de son regard sombre. Quant au public, il est venu pour danser et Paula Temple lui fournit la bande-son idéale pour son délire nocturne. Une prestation pas très originale, certes, mais oh combien efficace.
Throwing Snow + Zebra Katz + Factory Floor + Babyfather + Paula Temple
Philippe Blackmarquis
(Organisation : Botanique)