La 13ème édition du Brussels Summer Festival a démarré en force ce vendredi 8 août. Plus de 11 000 spectateurs avaient rallié la Place des Palais pour participer un festival qui rythmera pendant 10 jours l'été bruxellois. Eclectique et riche, l’affiche bénéficie d’un cadre historique unique –c’est-à-dire le coeur de la capitale européenne– et surtout d’un prix extrêmement démocratique (50 € pour le pass de 10 jours).
La volonté du 'BSF' de proposer un patchwork inédit de genres est démontrée par la programmation de la première soirée. C'est The Feather, le projet belge de Thomas Medard, le chanteur de Dan San (NDR : dont la chevelure argentée est très abondante), qui a l'honneur d'ouvrir les hostilités dès 18h. La foule n'est pas encore compacte mais la formation se taille un beau succès d'estime en proposant un rock indie aux accents folk. Derrière Thomas Medard, un groupe complet se charge des guitares, batterie, claviers, vibraphone et percussions. On pense à Midlake, Fleet Foxes ou encore Crosby, Stills & Nash. C'est beau, sensible, joliment ciselé. Après les Ardentes, les Francos, Dour et le BSF, The Feather s'embarquera pour le Canada : un groupe belge à suivre!
Dès 19h, la toute grosse foule attend la sensation lilloise : Skip The Use. Soyons clairs : la Place des Palais offre vraiment ses avantages et ses inconvénients. Le cadre est superbe pour un concert ; mais lorsque l'on entasse 11 000 personnes dans un long couloir, que la sonorisation est d'une qualité moyenne et les écrans cruellement petits, on ne peut pas parler de confort. En outre, les files sont interminables aux ‘ticket shops’ et aux bars à bière. Enfin, ne nous plaignons pas, car l'ambiance et la bonne humeur sont au rendez-vous ; et les gars de Skip The Use ont décidé de casser la baraque! Leur patronyme se traduit par ‘Changer les habitudes’ et c'est vrai qu'ils ont quelque chose de nouveau, de rafraîchissant, ces voisins du Nord de la France. Mat Bastard, le 'frontman' du groupe et ses acolytes, Yann Stefani à la guitare, Jay Jimenez à la basse, Lio aux claviers et Manamax à la batterie, libèrent une superbe énergie sur les planches.
Musicalement, ils mélangent funk, rock, metal, disco, reggae, ska et brit-pop. Notamment. Une sorte de fourre-tout ou d'hydre à 10 têtes, si vous préférez, évoquant tout à tour Rage Against The Machine (auxquels ils rendent hommage en reprenant “Killing In The Name Of...” en plein milieu de leur titre “You Are”), Bloc Party, Madness voire encore Blur. Le concert file à 100 à l'heure grâce à des titres puissants comme “30 Years”, “Nameless World” et “Give Me Your Life”. Mat Bastard se fend même d'une imitation de Brian Johnson, d'AC/DC. En général, on a quand même l’impression qu’il en fait parfois un peu trop. Plus tard, leur hit “Ghost” récolte évidemment un énorme succès. L'ombre de Gorillaz plane sur l’estrade... A la fin, la compo vire complètement électro et c'est la folie chez les fans. “The Bastard Song”, devenu un classique, clôture tout naturellement leur prestation, et Mat Bastard adresse au beau milieu du morceau, un clin d'oeil à “Quand La Musique Est Bonne”, de JJ Goldman... En conclusion : un concert qui, malgré un côté un peu foutraque et très démagogue, aura quand même méchamment réussi à faire bouger la foule.
Setlist : 30 Years, Nameless World, Give Me Your Life, The Story of Gods and Men, Gone Away, People In The Shadow, Birds Are Born To Fly, You Are, Ghost, Être Heureux, Bullet, Bastard Song.
Changement radical d'ambiance et d'époque et place à Patti Smith, une des légendes vivantes du rock. En 1975, son album “Horses” avait provoqué une petite révolution, grâce à un rock poétique, exécuté dans la tradition des Doors et de Joni Mitchell, mais doté d'une énergie et d'une philosophie 100% punk. Elle en a publié 10 autres depuis. Aujourd'hui, à 67 ans, elle peut se targuer d'avoir inspiré plusieurs générations de musiciens. Après avoir assisté à son set, accordé dans le cadre du Sinners Day, en 2011, je me réjouissais de la revoir en ‘live’ ; et je n’ai pas été déçu. Quelle grande dame ! Tour à tour illuminée, rageuse, sensuelle mais toujours touchante.
‘I'm glad to be back in Brussels!’: Patti Smith fait d'emblée référence au concert qu'elle avait accordé en 1976, au Cirque Royal. Coiffée d'un bonnet et portant un jean trop large, elle nous hypnotise à nouveau de sa voix grave. Que ce soit “Dancing Barefoot” ou le titre reggae “Redondo Beach”, les chansons sont ralenties comme pour en sublimer la beauté. En intro de “In My Blakean Year”, elle improvise des paroles qui se réfèrent à ce fameux show de 1976, accompli à Bruxelles. Très sympa !
Elle n’oublie évidemment pas “Because The Night”, son plus grand hit, co-composé par Bruce Springsteen, qui déclenche le plus de réactions et marque le passage à la partie la plus musclée du concert. La maîtresse de cérémonie a tombé le manteau, mais également le bonnet ; et maintenant, ça va déchirer! Même les jeunes, qui sont là juste pour boire un coup, tendent l'oreille et confessent : ‘Ouais, je connais cette chanson : Because The Night Belongs To Lovers...!’ “Banga”, extrait de son dernier elpee, maintient la pression. Patti Smith y hurle comme un loup et après une déclamation poétique (‘spoken word’ en anglais), elle enchaîne directement par un “People Have The Power” intense et bouleversant.
‘Jesus Died For Somebody's Sins But Not Mine...’: ces paroles, qui figurent sur sa fabuleuse reprise de “Gloria” (des Them), avaient marqué mon âme d'adolescent, il y a, disons, un certain nombre d'années... Des frissons me parcourent l'échine en écoutant à nouveau cette compo, qui n'a pas pris une seule ride. On est au septième ciel et après un nouveau 'spoken word' étourdissant, Patti Smith entame le tour de force final de tous ses concerts: “Rock'n’Roll Nigger”. Toute la rage de cette activiste se déverse sur scène. Elle éructe ‘Outside of society, that’s where I want to be!’ et ne manque pas de faire une allusion à Edward Snowden. La fin de la chanson est violente et la chanteuse pète une corde de sa guitare. En 2011, elle avait cassé sa corde avec ses dents lors d’un rituel impressionnant. Ici, la finale et plus courte mais tout aussi puissante. La grande prêtresse se retire en criant ‘Bruxelles, je t'aime!’. Nous aussi, on t'aime...
Setlist: Dancing Barefoot, Redondo Beach, April Fool, My Blakean Year, Beneath the Southern Cross, Ain't It Strange, Pissing in a River, Because the Night (Dedicated to Fred "Sonic" Smith), Banga, People Have the Power, Gloria (Them cover), Rock N Roll Nigger
Lourde tâche pour Mathieu Chedid, alias -M-, que de se produire après une prestation aussi consistante. Conformément à nos craintes, le contraste sera malheureusement très cruel pour le chanteur et guitariste français. Ses gros riffs de guitare sonnent trop 'cliché'. Son look faussement 'glam' fait pacotille et nous sommes restés assez insensibles à sa voix et à ses compos. Mais l'homme est une bête de scène et son énergie est très communicative. De plus, il manie très bien les changements de dynamique qui font rebondir un concert en permanence. Le set part un peu dans tous les sens, au risque de virer au n'importe quoi, par moments.
Après quelques titres, dont “Mon Ego”, “Onde Sensuelle”, “Océan” et “A Tes Souhaits”, -M- annonce une énorme surprise... et voilà-t-y pas que Saule déboule sur le podium... Les musicos attaquent alors des extraits de “Little Wing” de Jimi Hendrix et d’“Immigrant Song” de Led Zeppelin, avant de se lancer dans une reprise de “Lucille” assez catastrophique. La séquence karaoké se poursuit par des extraits de MC Hammer, Van Halen, White Stripes et Rage Against The Machine (encore!)...
Mathieu Chedid parvient heureusement à enrayer l'overdose et le final du concert est beaucoup plus intéressant. “Je Dis Aime”, et surtout le très funky “Machistador”, font mouche et le public est aux anges. Après une courte interruption, -M- revient pour interpréter le japonisant “Machine” et le tropical “Bahia”.
En conclusion, une prestation M...itigée de Mathieu Chédid, épinglant quelques très bons moments, libérant parfois une très bonne énergie mais affichant un côté 'gimmick' vraiment horripilant...
Une partie du public s'est ensuite déplacée vers le Mont des Arts pour continuer la fête sur de la musique électro (NDR : Rodriguez Jr devait être aux manettes à ce moment-là) ; mais la pluie m'a vite découragé de rester plus longtemps. C'est donc la tête encore baignée dans la musique sensuelle et poétique de Patti Smith que je suis rentré... Car le festival ne fait que commencer!!
Les tickets pour le BSF sont en vente sur www.bsf.be , www.yetix.be , www.ticketnet.be ou en exclusivité dans les magasins FNAC.
(Voir aussi notre section photos ici)