Bravant héroïquement le niveau trois d’alerte terroriste, le public belge s’est déchaîné corps et âme, suite à l’appel des furieux Mass Hysteria. Leur « Matière Noire » sous le bras (NDR : 8ème LP studio fraîchement sorti le 23 octobre dernier), les Français n’ont pas failli à leur réputation : ils ont mis le feu. Retour sur cette soirée liégeoise haute en sueur, décibels et autres moshpits.
Initialement programmé le samedi au Centre Culturel de Chênée, mais reporté le lendemain suite à des problèmes d’infrastructure, c’est finalement en plein cœur de Liège que s’est déroulé le show. Un changement de date qui a malheureusement évincé les Stoners de Deep Show, de l’affiche. Dommage ! C’est par ailleurs un choix cornélien qu’ont dû poser les Metalleux de Belgique en cette soirée pluvieuse : Sylosis/Children of Bodom à Courtrai ou Libertas Gentes/Mass Hysteria à Liège ? Quoi qu’il en soit, dans le Nord du pays, bon nombre d’aficionados ont visiblement bravé le crachin national afin de remplir comme il se doit la petite salle du Reflektor. En témoignent le niveau de chaleur et le taux d’humidité rapidement atteints entre ces quatre murs ; d’ailleurs on n’était pas très loin du sold out. Autre constat : en vingt-deux années d’existence, Mass Hysteria a pu toucher quelques générations, rameutant désormais autant de tempes grises que des plus jeunes en crise. Autant dire un public aux tranches d’âge variées, les old school de l’époque du « Bien-être et la Paix » rejoignant les nouvelles recrues fraîchement contaminées par la « Matière Noire ».
Tout brasier nécessitant toujours une étincelle, c’est aux Liégeois de Libertas Gentes qu’est confiée la lourde tâche de l’allumer. Un pari audacieux, vu le style proposé, soit un Hip-Hop doublé d’une carapace de Rock dur au sein duquel militent les musiciens. Outre quelques inconditionnels acquis à leur cause et donc réceptifs dès les premiers riffs, les spectateurs, d’abord perplexes et sur la défensive, vont se laisser progressivement emporter par le flow enivrant du quintet. Affichant un certain charisme, le duo vocal formé par Mangouste et Alihyene va même réussir à arracher à la fosse quelques pogos et levées de bras au rythme de leurs morceaux. Une bonne entrée en matière, pourtant pas gagnée d’avance.
A peine le temps d’aller se rafraîchir qu’un grand backdrop (de la largeur de la salle !) est déplié à l’arrière de la stage. Le logo de Mass Hysteria envahit désormais cet espace, seul et unique artifice visuel du groupe. Après quelques vérifications usuelles des instruments, les lumières s’éteignent enfin. L’auditoire commence à vociférer. Le thermomètre grimpe encore de quelques degrés. Sans doute stressé par le bruit d’un incessant tic-tac, l’assistance, impatiente, finit par applaudir. Baguettes en l’air, Raphaël Mercier, acclamé par la foule, prend place derrière son kit de batterie. Yann Heurtaux, guitariste des premiers jours, déboule à son tour sur l’estrade, son impressionnante carrure dominant le panorama, suivi de près par Vince Mercier à la basse et Frédéric Duquesne à la seconde gratte. L’occasion pour ce dernier de se présenter (NDR : il remplace Nicolas Sarrouy, qui a quitté le combo cet été). Une présentation cependant toute relative, car Frédéric est loin d’être un inconnu de la scène Rock/Metal, puisqu’il sévit encore chez Bukowski, après s’être forgé une belle expérience chez Watcha et Empyr.
Deuxième salve de clameurs lorsque déboule finalement Mouss Kelai, frontman charismatique du band, agrippant le pied de son micro et le brandissant vers la fosse, procurant aux badauds l’opportunité d’expulser vocalement la tension contenue jusqu’alors. ‘Bonsoir Liège ! Oufti !’ braille-t-il sous les hurlements et les premiers riffs de « Tout doit disparaître ». La course folle est lancée, il n’en faut pas moins pour faire jumper le peuple, déjà acquis à sa cause avant même qu’une note n’ait pu résonner.
On peut résumer la prestation de ce soir à une heure et demie de folie. Il faut dire aussi que la setlist était explosive : « World on Fire », « P4 », « Pulsion » ou encore « Une somme de détails », autant de titres qui ne peuvent que communiquer la fièvre au sein du public local. Confiant en coulisse qu’il se sentait un peu grippé, Mouss paraît néanmoins en belle forme ce dimanche, peut-être revigoré par ces quelques verres de vin chaud avalés juste avant sur la place de la Cité Ardente... Fidèle à lui-même –y compris quelques cafouillages concédés de temps à autre dans les paroles– le frontman est parvenu à maintenir cette tension frénétique tout au long des vingt titres du set. Le public, déchaîné, ne cesse de se lancer dans des pogos ou de monter sur le podium afin de se relancer aussitôt dans la foule. Problème : il n’y a qu’une cinquantaine de centimètres entre les barrières Nadar et la scène. Impossible de s’en rendre compte dans l’obscurité. Conclusion, les acrobaties provoquent rapidement de multiples éraflures et/ou chutes. Sans compter les quelques stage divings ratés, finissant dès lors tête la première sur un sol maculé de bière. ‘Oh mec, ça va ?’ lance Mouss à un fan fraîchement tombé. ‘Ah merde, tu saignes de la tête ! Y a des secours ici ?’, poursuit-il, précédé de Vince, le bassiste, ôtant son t-shirt afin d’en faire un bandage de premier secours. Mais plus de peur que de mal, et l’alcool aidant peut-être, l’éclopé semble plutôt bien s’en sortir. Ambiance, je vous le disais.
Cette soirée constitue également l’occasion de découvrir quelques nouvelles cartouches issues de « Matière Noire ». En veux-tu, en voilà : plus d’un tiers du show lui sera consacré. Et quel bonheur ! Ces dernières compositions, interprétées en live, dévoilent dès lors tout leur potentiel de puissance. « Chiens de la casse », morceau d’ouverture du dernier album, explose littéralement, stimulé par une batterie se muant pour l’occasion en un rouleau compresseur corrosif. Vous avez survécu ? Tant mieux, vous reprendrez donc bien une ou deux bonnes claques. Elles seront assénées par « Vae Soli » et « Vector Equilibrium » ! Une soirée forte en émotions, où l’exutoire et le déchaînement ont néanmoins fait place nette au recueillement après quelques morceaux. ‘Nous dédions ce morceau à toutes les victimes du vendredi 13. A Paris, à tous nos amis qui s’en sont sortis ainsi qu’aux autres…’, confie Mouss, la voix chargée d’émotion. Il repose son micro sur son pied et agrippe fermement ce dernier tout au long de « L’enfer des Dieux ». Yann semble vivre chaque note qu’il tire de ses cordes de guitare Les visages des artistes sont durs, fermés et visiblement marqués par les évènements. C’est le point levé qu’ils achèvent le morceau, ponctué d’applaudissements retenus et empreints de respect.
Après deux décennies de carrière, le band hexagonal peut se targuer d’un répertoire plutôt large. C’est par l’option old school qu’il a ce soir décidé de finaliser sa prestation. ‘On va vous jouer un morceau du siècle dernier... retour en ’99 !’ clame le chanteur avant de balancer « Contraddiciton ». Un retour dans le passé qui parvient à faire monter la température d’un nouveau cran, tout au long de « Donnez-vous la peine » et « Respect to the Dancefloor », deux plages issues du premier LP, gravé en 97, un disque composé et enregistré à Liège. Le clin d’œil méritait donc d’être souligné… Après l’hymne consacré à l’honneur des mélodies au triton, « Plus que du Metal », c’est par le sacro-saint « Furia » que Mass Hysteria met fin à sa messe hérétique. Les derniers survivants finissent à genoux. Quelle que soit l’énergie initiale, tout le monde finit lessivé par la tornade française. On vous avait prévenu : les Furieux sont des bêtes de scène et ont la fâcheuse réputation de mettre un beau boxon. Ce soir, à Liège, ils en sont sortis vainqueurs. Une fois de plus.
Setlist : Tout doit disparaître - World on Fire - Chiens de la casse - Notre complot - Une somme de détails - Babylone - L'Enfer des Dieux - Vector equilibrium - P4 - Failles - L'Archipel des pensées - Vae Soli - Tout est poison - Pulsion - Positif à bloc // Rappel : Contraddiction - Donnez-vous la peine - Respect to the Dance Floor - Plus que du métal – Furia
(Organisation : Les Fruits de la Passion - Concert Promotion ASBL)