Vendredi Minuit l’heure de Sofia Bolt…

Sofia Bolt est le projet de la musicienne, compositrice et productrice d'origine française Amélie Rousseaux. C'est à Los Angeles, où elle vit depuis son départ de Paris en 2017, qu'elle a enregistré son second elpee, « Vendredi Minuit », ce 10 mai 2024. Entre…

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Pierre Vangilbergen

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Ce n’est plus un secret pour personne : Mike IX Williams, chanteur d’EyeHateGod, est sévèrement malade. Il est aujourd’hui en attente d'une transplantation de foie. En effet, en 2014 déjà, les médecins lui avaient diagnostiqué une cirrhose et son foie était déjà en train de décliner. Selon les dires du corps médical, il n’allait probablement pas survivre une année de plus. Heureusement, suite à un changement diététique et de mode de vie, son foie a commencé à aller mieux. Il était dès lors prêt à partir pour une tournée européenne en juin 2015 (on se souviendra notamment de leur passage au Magasin4, à la fin du mois de juin). Mais après son retour, il a dû être hospitalisé à nouveau pendant trois semaines. Un peu moins d’un an plus tard, en avril de cette année, le vocaliste était d’aplomb pour repartir sur les routes, jusqu’à ce que quelques jours avant de partir, il a été retrouvé inconscient dans sa chambre d’hôtel. Un coma dont il ne sortira que trois jours plus tard. Le constat n’est pas bon : son foie n’est plus assez résistant que pour lui fournir un rythme de vie normal. Il nécessite dès lors une transplantation.

Enième rebondissement en octobre, où Mike est admis à nouveau à l’hôpital, vomissant du sang. Suite à ce saignement interne, les médecins ont remarqué que le foie et les reins étaient occupés de lâcher. Il est dès lors placé sous dialyse. Le corps médical a indiqué qu’il ne pourrait dès lors plus quitter l’hôpital sans avoir reçu une transplantation.

Aujourd’hui, sa compagne lance un appel à l’aide : « On n’arrive plus à s’en sortir. Les dépenses sont astronomiques et nous étouffent. Non seulement notre assurance vie a triplé depuis lors, mais nous avons également une montagne de frais médicaux à payer, sans quoi il ne pourra plus être éligible à la transplantation. Vu que nous vivons à une heure en transport de l’hôpital, il nous a été demandé de louer un appartement plus près. De plus, ses prescriptions mensuelles de médicaments s’élèvent à 900$ par mois. Mike n’a plus eu l’occasion de partir en tournée et je dois m’occuper de lui à temps plein, nos économies sont donc parties en fumée ».

Plus que jamais donc, l’artiste a besoin non seulement d’une aide morale, mais surtout financière.

Pour plus d’infos : https://www.youcaring.com/mikeixwilliams-695413

lundi, 14 novembre 2016 02:00

Elvis, taille Heavy

Nous sommes mi-novembre. Une légère mais sournoise pluie vous gifle le visage. L’hiver n’est pas loin. Devant Forest National, on ne recense que quelques téméraires qui grillent de l’herbe à nicotine. Les autres se réchauffent au sein du hall d’entrée. Le regard s’évade en direction du stand merchandising. Volbeat, la tête d’affiche, n’a décidément pas lésiné sur les souvenirs à emporter : de l’ultra-classique t-shirt au hoodie, en passant par le sac de sport et même le pot de gel –histoire de se gominer la chevelure à la Michael Poulsen, vocaliste du band– le fan a de quoi dépenser quelques deniers. Mais trêve de contemplation, la batterie de Crobot résonne…

La fosse est encore clairsemée et les gradins guère peuplés, quand Crobot attaque « Legend of the Spaceborne Killer », le titre d’ouverture de son premier opus. La musique de la formation pennsylvanienne plait aux mélomanes. Sa perfusion de hard rock libère une fameuse dose de groove. En outre, sa bonne humeur est incroyablement contagieuse. Vêtu d’une chemise blanche, surmontée d’un gilet brun et d’un jeans moulant, Brandon Yeagley a un look qui rappelle les sixties. Sa voix est puissante et suave. Malheureusement, et c’est souvent le cas à FN, le son n’est pas au top. Il rebondit, devient confus et manque cruellement de relief. Mais qu’importe, le band se démène en espérant que l’auditoire le suive. Recroquevillé sur sa basse, Jake Figueroa est littéralement habité par son instrument et semble vivre chaque note qu’il en extirpe. Lorsqu’il n’est pas debout sur son ampli, Chris Bishop fait tournoyer sa gratte autour de lui. Mais soudain, le vocaliste l’assaille et, en un bond, finit par atterrir sur ses épaules. Une belle occasion pour entamer une sympathique distribution d’onglets aux premiers rangs. En une demi-heure de show, les Yankees ont montré ce qu’ils avaient dans le ventre.

Le backflag de Crobot, petit format, est décroché, et laisse la place à celui d’Airbourne. Imaginez plutôt : un immense corps rouge en plan taille, moitié humain, moitié squelette, yeux exorbités et mâchoire largement ouverte, surmontés d’une longue chevelure bouclée, prend toute la longueur du podium. En fait, il s’agit d’une réplique morbide de Joel O'Keeffe, le chanteur charismatique du band. La présence dans le pit est désormais beaucoup plus conséquente. Il faut dire qu’Airbourne, c’est déjà presque une tête d’affiche. Débarquant torse nu sur l’estrade, jeans noir largement troué, O’Keeffe se démène comme un beau diable sur les planches. C’est simple : il ne tient pas deux secondes en place, s’acharne derrière son pied de micro ou arpente la scène de long en large, en courant ou en imitant le célèbre pas chassé d’Angus Young, guitariste d’AC/DC. Ce groupe légendaire du Hard Rock hante largement les compositions d’Airbourne ; et ses musicos ne s’en cachent absolument pas. La rumeur raconte d’ailleurs que le chanteur aurait pu –c’est du moins ce que les fans d’Airbourne espéraient ardemment– rejoindre AC/DC, lorsque l’été dernier, Brian Johnson avait dû jeter l’éponge. Bénéficiant un peu moins d’une heure de set, la formation australienne (NDR : tout comme la bande à Angus, si vous voyez l’analogie…) enchaîne les morceaux pour construite un mur de Hard Rock bien gras, incisif et qui va droit au but. Un show carré et généreux, au cours duquel le chanteur, guitare à la main, décide de monter sur les épaules d’un de ses roadies (NDR : c’est récurrent) et commence à se promener au coeur de la fosse, avant de fracasser une canette de bière (NSR : une de 50cl, s’il vous plait !) sur son crâne, pour en faire jaillir une fontaine de houblon au milieu des metalheads. Très rock’n’roll !

La scène est à peine rallumée qu’un drapé vient immédiatement la voiler. Pour laisser la place à une tête de mort ailée, surmontée du logo de Volbeat. La salle de Forest National est à présent pleine comme un œuf. Depuis le parterre jusqu’en haut des gradins. Les premières notes de « Born to Raise Hell » du tant regretté Motörhead servent d’échauffement ultime. Les poings se lèvent pendant le refrain. La foule est à point pour accueillir –comme il se doit– Volbeat. Toujours invisible, le groupe entame « The Devil's Bleeding Crown », plage d’ouverture de son dernier elpee, « Seal The Deal & Let’s Boogie ». La batterie s’ébroue. Le rideau tombe. Le public exulte. Face à son pied de micro, Michael Poulsen, cheveux gominés, veste à patchs recouvrant un t-shirt de Mercyful Fate et jeans noir, fait claquer sa magnifique voix dans les enceintes de la salle. À ses côtés, Rob Caggiano, l’ancien guitariste de Thrash Anthrax, mais devenu depuis 2013, le second homme fort du combo danois, est tout sourire face à l’auditoire. À moins d’avoir eu la chance d’applaudir le quatuor au cours des festivals d’été, cette nouvelle tournée est également une belle opportunité pour les amateurs de faire connaissance avec Kaspar Boye Larsen, le nouveau bassiste qui a rejoint le line up, en mai 2016. Casquette vissée à l’envers sur la tête, Jon Larsen martèle ses fûts. Discrètement. L’arrière du podium forme un demi-cercle métallique surélevé, sur lequel les artistes viennent régulièrement se dégourdir les jambes. En son centre –au point donc le plus haut de la structure– est planté un pied de micro dont Poulsen vient fréquemment s’emparer ; ce qui lui permet de bénéficier d’une vue privilégiée sur l’ensemble de la salle.

Volbeat n’est pas du genre à se payer la tête de ses fans. Pendant pas loin de deux heures, il va parcourir un bel éventail de sa discographie, en faisant néanmoins la part belle aux compos de son dernier LP, dont « For Evigt » (chantée entièrement en anglais, alors que la version cd propose une version partiellement en Danois), « Seal the Deal » et encore le slayerien « Slaytan ». Mais également des titres plus anciens, comme le devenu culte « Pool of Booze, Booze, Booza », « Hallelujah Goat » mais aussi « Still Counting ». Certains medias n’ont pas hésité à qualifier sa musique d’‘Elvis Metal’. Qui serait donc le fruit de la rencontre parfaite et bienheureuse entre Elvis Presley et Johnny Cash (NDR : ils sont considérés comme deux des principaux précurseurs du heavy metal) sur un lit de… Rockabilly. Michael Poulsen ne manque d’ailleurs jamais de se référer à la mémoire de l’Homme en Noir, en invitant la foule –troquant pour l’occasion sa guitare électrique pour une sèche– à reprendre en chœur le célèbre « Ring of Fire », en guise d’introduction au pastiche cashien, « Sad Man’s Tongue ». Le quatuor ne manque également pas de communiquer sa bonne humeur à l’auditoire. Le chanteur est d’ailleurs surpris en lisant une banderole brandie aux premiers rangs, invitant le groupe à interpréter « Ecotone ». Amusé, Michael demande au fan de lui envoyer le bout de tissu, afin de l’afficher dans le local de répétition. ‘Cette chanson, tu peux la retrouver en effet sur un de nos albums…’, balance-t-il à la personne concernée, passablement gênée, avant de finalement poursuivre : ‘Il y a longtemps qu’on ne l’a plus jouée ; mais on va quand même essayer’. Volbeat se lance donc dans une improvisation, d’un titre hors set list, pour le plus grand bonheur des fans et de la foule. Et les plus jeunes risquent fort de ne pas oublier ce concert ; surtout lorsque Poulsen invite les ‘kids of rock’ à monter sur l’estrade, afin de vivre la fin de parcours auprès des musicos. Des moments qui resteront gravés dans leurs mémoires. Et notamment lorsque le chanteur s’installe derrière un des ces petits mecs, baladant sa guitare au-dessus de l’enfant tout en continuant d’en jouer, à sa hauteur. Ou encore lorsqu’il invite ces metalheads en herbe à donner un dernier coup d’onglet sur sa gratte, en guise d’au revoir plus que d’un adieu.

Fidèle à sa réputation de bête de scène et malgré de gros problèmes de son liés à la salle de Forest National (les sonorités de guitare dispensées par Rob Caggiano ont failli plus d’une fois percer nos malheureux tympans), Volbeat a véritablement assuré le show. En une quinzaine d’années, le quatuor est devenu un incontournable de la scène Metal, trustant désormais les têtes d’affiche de festivals. Le genre de groupe dont on risque, pour le plus grand bien des oreilles, d’entendre encore parler pendant de nombreuses années.

Setlist : “The Devil's Bleeding Crown”, “Heaven nor Hell”, “A Warrior's Call”, “I Only Want to Be with You”, “Lola Montez”, “Let It Burn”, “Sad Man's Tongue”, “Hallelujah Goat”, “The Gates of Babylon”, “Slaytan”, “Dead but Rising”, “16 Dollars”, “Ecotone”, “For Evigt”, “Pool of Booze”, “Booze”, “Booza”, “Boa [JDM]”, “Goodbye Forever”, “Fallen”.

Encore: “Black Rose”, “Doc Holliday”, “Seal the Deal”, “Still Counting”.

(Organisation : Live Nation)

‘Napalm Death’ : deux mots qui claquent de manière brutale. Cependant, au fil de ces trente-cinq dernières années, ils se sont vus attribuer, dans le monde du Metal, le symbole d’un groupe reconnu, respecté et admiré par un grand nombre pour ses explorations sonores, le plus souvent au sein des marges les plus violentes, sous les étendards punk-hardcoriens du Grindcore. Un style musical dont les Britanniques sont par ailleurs considérés comme les pères fondateurs. Rencontre avec un des leurs, le vocaliste Mark ‘Barney’ Greenway, pour aborder l’actualité du band, mais également la facette engagée de l’artiste.

Quelques badauds sont adossés sur la devanture de la salle mythique bruxelloise du Magasin 4, en attendant que le hangar ouvre ses portes. Le tour manager m’invite à y pénétrer et me demande de patienter près du comptoir d’entrée. Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvre et, dans l’embrasure, apparaît Mark Greenway, mieux connu dans le milieu sous le pseudo de ‘Barney’. Et surtout, comme chanteur emblématique de Napalm Death, groupe de Grindcore qui impacte les esprits depuis plus de trois décennies. Il me fait signe de le rejoindre. J’entre donc à mon tour dans la pièce où sont installés, au centre, deux vieux canapés recouverts de couvertures. Le reste de la pièce est occupé par des lits ; certainement un endroit où se reposent les groupes avant de monter sur les planches. La lumière est plus que tamisée, mais petit à petit, je m’acclimate à la pénombre. Barney s’assied en face de votre serviteur. Il a presque la cinquantaine, mais en paraît 10 de moins. Il est vêtu d’un vieux t-shirt de couleur bleue et d’un pantalon noir. Ses cheveux sont quelque peu en désordre. Le genre de gars qu’on pourrait croiser en rue sans se retourner, et surtout sans jamais penser qu’il a tant influencé la scène musicale marquée du Triton.

Napalm Death appartient à cette catégorie de formations qui ne chôment pas ; il a ainsi publié dix-neuf elpees studio en trente-cinq ans d’existence. Le dernier en date, ‘Apex Predator – Easy Meat’, unanimement acclamé par la critique, est paru il y a un peu moins de deux ans. Les Britanniques auraient-ils quelque chose de neuf sous le coude à proposer ? « Non, mais on en parle… », explique Barney. « Encore rien de vraiment tangible : pas encore de répétitions ni de dates de studio. On en est juste au stade du bla bla ». Mais le nœud du problème, c’est surtout l’absence, depuis fin 2014, de Mitch Harris, le guitariste ? Il a pris ses distances pour des raisons familiales (NDR : depuis lors, il a été remplacé par celui de Corrupt Moral Altar, John Cooke). « Cette absence nous complique quand même l’existence » admet-il. « On ne sait pas encore vraiment comment on va résoudre le problème. On sait que les gens nous attendent, mais voilà… », poursuit-il, pensif.

Une absence, certes handicapante, mais qui n’en est pas encore à menacer la survie du combo. La recette miracle ? « Nous aimons toujours ce que nous faisons. Tout simplement ! C’est important, surtout après tant d’années. Je connais d’autres formations qui sont également sur la route depuis aussi longtemps, mais ne sont plus impliquées comme elles devraient l’être. Je ne veux absolument pas vivre une telle situation. J’aime vraiment ce projet. J’aime ce que nous abordons et l’autonomie que nous avons, progressivement, acquise… » Le quatuor serait donc prêt à rempiler pour les vingt prochaines années ? Cette question, l’artiste préfère ne pas se la poser et appréhender le futur en des termes plus courts. « Tu sais, chaque fois qu’on réalise un nouvel album, et surtout maintenant, c’est un peu comme si on arrivait à une fin. Pendant le processus d’écriture et d’enregistrement, on ne peut s’empêcher de penser que ce sera peut-être le dernier et qu’il doit donc nécessairement être le meilleur possible. Ce genre de questionnement peut faire peur, mais pour nous c’est le genre de truc qui nous motive », soutient Barney.

Mais ce n’est pas parce que la longévité de Napalm Death pourrait en faire pâlir plus d’un qu’il ne fréquente plus que les arènes et les stades. Loin de là. Le vocaliste reste à ce sujet très modeste : « Il n’a jamais été question de bétonner un plan de carrière et de miser uniquement sur de grosses dates. Notre motivation est dictée par ceux qui se bougent pour venir nous voir. Et peu importe si elles sont plus petites… » Il s’arrête, réfléchit, avant de reprendre : « Et puis, tu sais, je ne me fais pas d’illusion : Napalm Death a toujours été un noisy fucking band. Il faut être réaliste, on n’est absolument pas taillé pour jouer dans des amphithéâtres ! Je ne voudrais, au final, pas militer au sein d’un groupe plus grand… et qui finirait, d’une façon ou d’une autre, par disparaître dans l’espace de ses propres attentes… »

L’histoire de la musique a de plus déjà démontré que les stades n’étaient pas toujours remplis par les groupes les plus talentueux. Par contre, ce dont Napalm Death peut se targuer, c’est d’avoir acquis une solide notoriété dans le milieu ; ce dernier lui attribuant notamment la paternité du Grindcore. « C’est évidemment sympa à entendre », dit-il en souriant, « Mais ce n’est pas un compliment sur lequel on se repose. Si on veut rester bon, on doit continuer d’évoluer. Par exemple, en enregistrant des albums qui rencontrent nos aspirations. Mais tout en ne perdant pas de vue ce qui représente l’essence même du band. La musique de Napalm Death est avant tout du rentre-dedans très rapide. On a toujours refusé de se reposer uniquement sur notre réputation, on doit être proactif ! », explique-t-il avec entrain. Du rentre-dedans très rapide, quatre mots qui ne pourraient pas mieux coller au style de la formation. Mais quelle définition le parrain du Grind donne-t-il au mot ‘extrême’ ? « C’est large… très large ! Au niveau musical, ce terme peut se traduire par une volonté de ne pas se conformer, de ne pas rentrer dans les standards de la production. En règle générale, le monde de la musique dicte ce qui doit être ‘adéquat’, selon ses propres critères. Mais le spectre sonore est si important, si large, qu’il est nécessaire de pouvoir tout exploiter, en ce y compris les parties rarement explorées. Si lors de sessions, tu es derrière le desk et tu vois que ça crache… que ça crache délibérément… et que le producteur te dit : mais bon sang, qu’est ce que tu fous ?! C’est qu’on est dans le bon, c’est à ce moment-là que nous devenons extrêmes ! », raconte-t-il en rigolant.

Mais hormis la musique, Barney est également un personnage très engagé. Il n’est pas rare qu’il exprime ses opinions, que ce soit à propos de la misère rencontrée quotidiennement par les réfugiés, de la séparation indispensable entre l’Etat et les institutions religieuses, du droit des animaux ou encore à travers ses coups de gueule qui dénoncent l’occupation des territoires palestiniens. « Perso, j’estime que la politique, c’est d’abord comment se comporter en tant que femme ou homme et tenter de percevoir ce que fait actuellement l’humanité. Je grossis le trait, mais c’est aussi comprendre pourquoi un individu qui appartient à tel camp ou vit d’un côté ou l’autre de l’océan n’a plus le droit d’être appelé ‘être humain’. Même si je sais que c’est enraciné au plus profond de l’homme d’avoir un comportement exclusif », justifie-t-il, avant de poursuivre : « A mon humble avis, je suis seulement un être humain et j’essaie simplement de faire passer quelques idées. Après, tu peux évidemment me reprocher d’être de gauche ; mais c’est vrai, et j’ai un certain background. J’ai besoin d’exprimer ce que je pense. Si, au final, on veut rendre ce monde meilleur, il faudra faire beaucoup d’efforts. A commencer par des gens ordinaires comme toi et moi, pour comprendre et tout mettre en œuvre afin de développer l’égalité entre les individus, sauvegarder la dignité et le bonheur de chacune et chacun ».

C’est également dans cet état d’esprit que Barney, en 2015, avait écrit au Président indonésien, fan du groupe (!), afin de lui demander de gracier trois Anglais condamnés à mort pour détention de drogue. Une situation dont le chanteur se souvient particulièrement bien : « Auparavant j’étais engagé dans une organisation de défense des droits de l’homme, en Australie. C’est via cette association que j’ai été informé de la menace de mort qui pesait sur la tête de trois Britanniques. Or l’un d’eux était également fan de Napalm Death. En outre, le Président d’Indonésie apprécie également notre musique… Je lui ai donc fait savoir que j’étais un opposant convaincu à la peine capitale. Et puis, j’avais ouï dire qu’il était un dirigeant réfléchi ; ce qui n’a pas toujours été le cas là-bas… J’ai donc voulu débattre avec lui des raisons du maintien de la peine de mort ; ce qui, à mes yeux, a toujours plus ressemblé à un recul de civilisation qu’autre chose… » Et même si cette interpellation n’a finalement pas permis d’annuler leur condamnation à mort, le chanteur affiche un certain optimisme : « Au moins, pour le futur, mon intervention a permis une certaine ouverture. Ce n’était malheureusement pas la première fois que j’intervenais pour abolir cette sentence. Mais je tiendrai toujours le même discours : qu’elle émane d’un État ou de n’importe quelle autre organisation, personne n’a le droit d’envoyer quelqu’un à la mort ».

Ce déni de justice, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de sources qui nourrissent continuellement les textes de Barney, chez Napalm Death. « Quand on lit nos lyrics, on pourrait parfois penser que nos paroles sont déprimantes. Mais c’est tout le contraire ! Ce qui est vraiment déprimant, c’est quand on retourne en arrière. Ce serait tellement facile de se dire : OK, je vis en Angleterre ; c’est un pays relativement calme où rien de grave ne se passe vraiment… Mais non ! Ce n’est pas ma vision des événements. » Barney met sa main sur mon épaule et se confie : « Par exemple, toi, je ne te vois pas comme un Belge, mais un être humain, en compagnie duquel je prends plaisir à parler. Pour moi, l’origine ou la nationalité sont loin d’être des facteurs prépondérants… Comme je milite au sein d’un groupe, mes idées peuvent bénéficier d’un certain écho… En fait, je me considère comme un internationaliste. »

Il s’arrête, sourit, et conclut : « Et puis, même si je ne participais pas une telle aventure, je pense que j’agirais de toute façon de la même manière ! »

(Interview réalisée à Bruxelles, au Magasin 4, le 25 septembre 2016).

mardi, 01 novembre 2016 02:00

Du Metal inoxydable

En cette soirée balayée par les premières offensives automnales, les vestes à patches et autres jeans sont de rigueur à Anvers. Si quelques pieux métalleux ont accepté de célébrer la mémoire de Saints au cours de la journée, ils sont surtout venus acclamer deux grosses légendes du Thrash et du Death, en cette nuit sacrée du 1er novembre. Et pour cause, lors de cette tournée baptisée ‘Battle of the Bays’, deux icônes se disputent la tête d’affiche : Exodus face à Obituary. Soit le Thrash californien qui affronte le Death Metal floridien. Deux bands nés au début des années eighties qui ont marqué plus d’une génération d’amateurs de musique bien pêchue. Rétrospective de cette affiche haute en couleur, vue du pit.

Peut-être est-ce dû à la fine pluie qui s’abat sur la ville portuaire ou encore un reste de crainte d’attaque terroriste –bien que le Trix, ce soir, soit lourdement ‘protégé’ par une présence militaire– mais c’est une salle très clairsemée qui accueille King Parrot. Le combo australien propose un savant et explosif mélange de Grindcore et de Thrash, le tout saupoudré ça et là de Hardcore originel. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les musicos ne tiennent pas rigueur de la maigre audience et expulsent tout ce qu’ils ont dans le ventre dès le premier morceau. Dix salves en trente minutes de set : autant dire qu’ils n’ont pas perdu de temps afin de faire jaillir des enceintes toute la puissance de leurs compos. Au micro, Matthew Young, torse nu, est survolté. Il hurle à pleins poumons, toute langue dehors. Il ne faut pas attendre le deuxième morceau pour le voir bondir dans la fosse. Non seulement il agrippe les barrières Nadar, mais également les têtes de celles et ceux plantés en première ligne, afin qu’ils headbanguent, comme il le souhaite, sur le répertoire du combo. Quant aux plus réticents, ils vont devoir se farcir, ni plus ni moins, son arrière-train en gros plan. Et que dire de son comparse à la basse, Matthew Slattery. Telle une marionnette possédée par le Malin, les yeux grands ouverts mais immobiles, il fixe le public d’un air malsain. Cette jeune fille, installée quelques rangs plus loin, se rappellera certainement qu’il est désormais préférable de ne pas sortir son téléphone lors d’un concert si elle ne souhaite plus être arrosée (NDR : de flotte quand même !) Le vocaliste l’avait alors surprise, occupée d’écrire un SMS pendant le show. Sans quoi King Parrot a réalisé une performance explosive, dont malheureusement trop peu de monde a pu profiter. Une grosse claque !

Un changement de backflag et une bière plus tard, Prong grimpe sur l’estrade. Il va se produire devant un auditoire un peu plus compact. La bande à Tommy Victor, seul membre original du band encore présent, bénéficiera d’un quart de plus que ses prédécesseurs afin d’asséner neuf de ses compositions qui mêlent Thrash, Crossover et Groove Metal. Malheureusement la formation précédente a atteint une telle intensité, lors de son set, que celui proposé par le band new-yorkais paraît trop édulcoré. En outre, le leader affiche une telle condescendance, qu’on a l’impression de se farcir un soufflé qui se dégonfle. Mais quoi qu’il en soit, les aficionados du groupe semblent conquis et ne manquent pas de donner de la voix lorsqu’il le faut.

Les tympans chauffés à point, la fosse est à présent prête à recevoir, comme il se doit, les deux têtes d’affiche du jour. C’est désormais un large backflag qui tapisse le fond de la scène. Un arrière-plan apocalyptique sur lequel trônent, en couleur rouge sang, les six lettres du logo d’Exodus. Deux toiles du même acabit viennent cacher les amplis, de part et d’autre de la batterie de Tom Huntin, membre fondateur (NDR : l’autre, Kirk Hammet, milite aujourd’hui chez Metallica) d’Exodus. Plongée dans le noir, l’auditoire est bercé par les premières notes mélodiques, interprétées à la sèche, de « The Ballad of Leonard and Charles », avant que ne débarquent les artistes pour asséner les premiers riffs thrashiens du morceau. Un mur de son s’abat sur une fosse qui réunit aussi bien des metalheads d’hier que d’aujourd’hui. Le ton est donné, ça va faire mal ! Suite au retour, opéré il y a deux ans, de Steve ‘Zetro’ Souza au chant (NDR : second vocaliste dans l’histoire du band), la setlist est résolument old school. Ce qui explique pourquoi elle fait la part belle au premier elpee du groupe, « Bounded by Blood », au sein duquel figurent « And Then There Were None », « Bonded by Blood », « Piranha » (Zetro annonce d’ailleurs ce morceau en tirant sur son t-shirt à l’effigie de l’animal) ou encore « Strike of the Beast ». Parus, il y a déjà trente-sept ans, ils sont devenus désormais cultes pour tout fan de Thrash. Les titres s’enchaînent et la fièvre commence à gagner la fosse. Les moshpits s’intensifient. Zetro est en grande forme : sa voix puissante, rapide et nasillarde claque au rythme effréné des morceaux. Et quand il ne harangue pas la foule, le chanteur prend du recul afin de permettre aux guitaristes de prendre leurs envols, lors de soli endiablés, exécutés en front de scène. Un regret, l’absence de Gary Holt, pilier du band des premiers jours. Mais ce dernier a été forcé de prendre du repos après avoir tourné pendant plus de huit semaines en compagnie d’un autre groupe de légende, Slayer. Kragen Lum, son remplaçant, parvient néanmoins à faire oublier son absence, haut la main. Moment d’émotion lorsque Zetro dédicace « War is my Shepherd » au tellement regretté Lemmy Killmister, leader de Motörhead, disparu il a déjà presque un an. ‘Comme vous le savez, Lemmy collectait des objets issus de la Seconde Guerre mondiale, mais était radicalement contre la guerre. Nous lui dédions ce morceau…’, déclare le chanteur ; propos suivis d’une salve d’applaudissements respectueux. Taillée sur mesure pour le come-back de Zetro, la setlist repousse dans l’ombre les compositions issues de l’ère de son prédécesseur. « Blood In, Blood Out » et « Body Harvest », extraits du dernier LP en date, viennent apporter un sérieux coup de neuf dans la playlist du jour. A en croire l’intensité des voix du public lors des refrains, ces deux nouveaux titres ont d’ores et déjà rejoint la liste select des morceaux emblématiques du band. Mais le plus étonnant, procède de cette faculté qu’a l’auditoire de reprendre l’ancien répertoire, en chœur. Autant les adeptes des 80’s que ceux, plus jeunes, pas encore nés à la sortie de certains morceaux ; alors que leurs aînés, à l’époque se les échangeait en cassette. Preuve en est que la magie n’a cessé d’opérer en plus de trente ans d’existence…

Tel un marathon, il faut pouvoir économiser son énergie si on veut arriver au bout de la course. Surtout que la dernière ligne droite sera tracée par Obituary, une légende du Metal, mais issue du Death. Une fois de plus, un doux parfum d’old school plane dans l’arène, perceptible jusqu’au backflag, de taille réduite par rapport aux groupes précédents. Un simple fond noir frappé du logo du band, en lettres rouges. Torse nu et casquette du groupe vissée sur le crâne, Donald Tardy est le premier monter sur l’estrade. Il se cambre derrière ses fûts et s’adresse à la foule en hurlant. Les guitaristes et bassistes le suivent, et entament « Internal Bleeding », titre d’ouverture de « Slowly We Rot », premier elpee du quintet, sorti en 89. Les amateurs de cette production ne pourront être que comblés… vu que la moitié du set lui sera tout simplement consacré ! John, le frère de Donald, est à présent le dernier à les rejoindre sur les planches. La quarantaine bien frappée, barbe grise naissante, le chanteur, dont la crinière ondulée est imposante, déboule du fond de la scène. Tel un rituel, il est vêtu d’un short et d’un t-shirt à longues manches. Il a enfilé des chaussettes blanches relevées jusqu’à mi-mollet et est chaussé de baskets. John empoigne le pied de micro, le glisse entre les jambes, pose un pied sur le retour et laisse retentir sa voix d’outre-tombe entre les murs de la salle anversoise. Un chant typique du Death des premiers jours, résumé en un hurlement thrashien davantage tiré en longueur. Imprimée sur un tempo résolument plus lent que dans le passé, la musique des Floridiens mue la frénésie de la fosse en une contemplation posée des vétérans old school. Les interactions avec le public ne se résumeront qu’à quelques tentatives –du vocaliste– de faire crier les badauds entre deux morceaux. On pourrait également regretter des temps de pause parfois un peu longuets, coupables de faire parfois retomber la pression. Mais les artistes ne sont certes par là pour épater la galerie. Tel un rouleau compresseur, les titres se suivent et les immanquables « Visions in My Head » et « Chopped in Half » ne manquent pas de raviver la horde. Milieu de parcours, la salle est replongée dans le noir et un nouveau backgflag illustrant l’artwork du nouvel opus, « Ten Thousands Ways to Die », sur lequel apparaît une sorte d’être démoniaque constitué d’un amas de corps humains, s’affiche. Le temps d’admirer l’œuvre que démarre la piste du même nom, publiée il y a à peine deux semaines, suivis de « Dying » et « Find the Arise », issus de l’excellent LP « Cause of Death », gravé en 90. L’heure allouée aux maîtres du Death fond comme neige au soleil. Le pit scande inlassablement ‘Obituary’ afin d’inciter les artistes à accorder le rappel ; un encore qui clôture ce show par une reprise vitaminée de « Dethroned Emperor » de Celtic Frost, suivi du jouissif et culte « Slowly We Rot », qui vient allumer l’étincelle nécessaire dans la fosse afin de la laisser partir en vrille, déclenchant un moshpit musclé tout le long de la composition. Vingt-sept ans après, elle déchaîne encore tout autant les âmes. Preuve en est que ce Metal là est définitivement inoxydable.

Setlist : “Internal Bleeding”, “Words of Evil”, “Chopped in Half / Turned Inside Out”, “Intoxicated”, “Visions in My Head”, “Deadly Intentions”, “Bloodsoaked”, “Ten Thousand Ways to Die”, “Dying, Find the Arise”, “'Til Death, Don't Care”, “Dethroned Emperor (Celtic Frost cover)”, “Slowly We Rot”

(Merci à Nuclear Blast)

mardi, 01 novembre 2016 02:00

Résolument old school…

En cette soirée balayée par les premières offensives automnales, les vestes à patches et autres jeans sont de rigueur à Anvers. Si quelques pieux métalleux ont accepté de célébrer la mémoire de Saints au cours de la journée, ils sont surtout venus acclamer deux grosses légendes du Thrash et du Death, en cette nuit sacrée du 1er novembre. Et pour cause, lors de cette tournée baptisée ‘Battle of the Bays’, deux icônes se disputent la tête d’affiche : Exodus face à Obituary. Soit le Thrash californien qui affronte le Death Metal floridien. Deux bands nés au début des années eighties qui ont marqué plus d’une génération d’amateurs de musique bien pêchue. Rétrospective de cette affiche haute en couleur, vue du pit.

Peut-être est-ce dû à la fine pluie qui s’abat sur la ville portuaire ou encore un reste de crainte d’attaque terroriste –bien que le Trix, ce soir, soit lourdement ‘protégé’ par une présence militaire– mais c’est une salle très clairsemée qui accueille King Parrot. Le combo australien propose un savant et explosif mélange de Grindcore et de Thrash, le tout saupoudré ça et là de Hardcore originel. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les musicos ne tiennent pas rigueur de la maigre audience et expulsent tout ce qu’ils ont dans le ventre dès le premier morceau. Dix salves en trente minutes de set : autant dire qu’ils n’ont pas perdu de temps afin de faire jaillir des enceintes toute la puissance de leurs compos. Au micro, Matthew Young, torse nu, est survolté. Il hurle à pleins poumons, toute langue dehors. Il ne faut pas attendre le deuxième morceau pour le voir bondir dans la fosse. Non seulement il agrippe les barrières Nadar, mais également les têtes de celles et ceux plantés en première ligne, afin qu’ils headbanguent, comme il le souhaite, sur le répertoire du combo. Quant aux plus réticents, ils vont devoir se farcir, ni plus ni moins, son arrière-train en gros plan. Et que dire de son comparse à la basse, Matthew Slattery. Telle une marionnette possédée par le Malin, les yeux grands ouverts mais immobiles, il fixe le public d’un air malsain. Cette jeune fille, installée quelques rangs plus loin, se rappellera certainement qu’il est désormais préférable de ne pas sortir son téléphone lors d’un concert si elle ne souhaite plus être arrosée (NDR : de flotte quand même !) Le vocaliste l’avait alors surprise, occupée d’écrire un SMS pendant le show. Sans quoi King Parrot a réalisé une performance explosive, dont malheureusement trop peu de monde a pu profiter. Une grosse claque !

Un changement de backflag et une bière plus tard, Prong grimpe sur l’estrade. Il va se produire devant un auditoire un peu plus compact. La bande à Tommy Victor, seul membre original du band encore présent, bénéficiera d’un quart de plus que ses prédécesseurs afin d’asséner neuf de ses compositions qui mêlent Thrash, Crossover et Groove Metal. Malheureusement la formation précédente a atteint une telle intensité, lors de son set, que celui proposé par le band new-yorkais paraît trop édulcoré. En outre, le leader affiche une telle condescendance, qu’on a l’impression de se farcir un soufflé qui se dégonfle. Mais quoi qu’il en soit, les aficionados du groupe semblent conquis et ne manquent pas de donner de la voix lorsqu’il le faut.

Les tympans chauffés à point, la fosse est à présent prête à recevoir, comme il se doit, les deux têtes d’affiche du jour. C’est désormais un large backflag qui tapisse le fond de la scène. Un arrière-plan apocalyptique sur lequel trônent, en couleur rouge sang, les six lettres du logo d’Exodus. Deux toiles du même acabit viennent cacher les amplis, de part et d’autre de la batterie de Tom Huntin, membre fondateur (NDR : l’autre, Kirk Hammet, milite aujourd’hui chez Metallica) d’Exodus. Plongée dans le noir, l’auditoire est bercé par les premières notes mélodiques, interprétées à la sèche, de « The Ballad of Leonard and Charles », avant que ne débarquent les artistes pour asséner les premiers riffs thrashiens du morceau. Un mur de son s’abat sur une fosse qui réunit aussi bien des metalheads d’hier que d’aujourd’hui. Le ton est donné, ça va faire mal ! Suite au retour, opéré il y a deux ans, de Steve ‘Zetro’ Souza au chant (NDR : second vocaliste dans l’histoire du band), la setlist est résolument old school. Ce qui explique pourquoi elle fait la part belle au premier elpee du groupe, « Bounded by Blood », au sein duquel figurent « And Then There Were None », « Bonded by Blood », « Piranha » (Zetro annonce d’ailleurs ce morceau en tirant sur son t-shirt à l’effigie de l’animal) ou encore « Strike of the Beast ». Parus, il y a déjà trente-sept ans, ils sont devenus désormais cultes pour tout fan de Thrash. Les titres s’enchaînent et la fièvre commence à gagner la fosse. Les moshpits s’intensifient. Zetro est en grande forme : sa voix puissante, rapide et nasillarde claque au rythme effréné des morceaux. Et quand il ne harangue pas la foule, le chanteur prend du recul afin de permettre aux guitaristes de prendre leurs envols, lors de soli endiablés, exécutés en front de scène. Un regret, l’absence de Gary Holt, pilier du band des premiers jours. Mais ce dernier a été forcé de prendre du repos après avoir tourné pendant plus de huit semaines en compagnie d’un autre groupe de légende, Slayer. Kragen Lum, son remplaçant, parvient néanmoins à faire oublier son absence, haut la main. Moment d’émotion lorsque Zetro dédicace « War is my Shepherd » au tellement regretté Lemmy Killmister, leader de Motörhead, disparu il a déjà presque un an. ‘Comme vous le savez, Lemmy collectait des objets issus de la Seconde Guerre mondiale, mais était radicalement contre la guerre. Nous lui dédions ce morceau…’, déclare le chanteur ; propos suivis d’une salve d’applaudissements respectueux. Taillée sur mesure pour le come-back de Zetro, la setlist repousse dans l’ombre les compositions issues de l’ère de son prédécesseur. « Blood In, Blood Out » et « Body Harvest », extraits du dernier LP en date, viennent apporter un sérieux coup de neuf dans la playlist du jour. A en croire l’intensité des voix du public lors des refrains, ces deux nouveaux titres ont d’ores et déjà rejoint la liste select des morceaux emblématiques du band. Mais le plus étonnant, procède de cette faculté qu’a l’auditoire de reprendre l’ancien répertoire, en chœur. Autant les adeptes des 80’s que ceux, plus jeunes, pas encore nés à la sortie de certains morceaux ; alors que leurs aînés, à l’époque se les échangeait en cassette. Preuve en est que la magie n’a cessé d’opérer en plus de trente ans d’existence…

Tel un marathon, il faut pouvoir économiser son énergie si on veut arriver au bout de la course. Surtout que la dernière ligne droite sera tracée par Obituary, une légende du Metal, mais issue du Death. Une fois de plus, un doux parfum d’old school plane dans l’arène, perceptible jusqu’au backflag, de taille réduite par rapport aux groupes précédents. Un simple fond noir frappé du logo du band, en lettres rouges. Torse nu et casquette du groupe vissée sur le crâne, Donald Tardy est le premier monter sur l’estrade. Il se cambre derrière ses fûts et s’adresse à la foule en hurlant. Les guitaristes et bassistes le suivent, et entament « Internal Bleeding », titre d’ouverture de « Slowly We Rot », premier elpee du quintet, sorti en 89. Les amateurs de cette production ne pourront être que comblés… vu que la moitié du set lui sera tout simplement consacré ! John, le frère de Donald, est à présent le dernier à les rejoindre sur les planches. La quarantaine bien frappée, barbe grise naissante, le chanteur, dont la crinière ondulée est imposante, déboule du fond de la scène. Tel un rituel, il est vêtu d’un short et d’un t-shirt à longues manches. Il a enfilé des chaussettes blanches relevées jusqu’à mi-mollet et est chaussé de baskets. John empoigne le pied de micro, le glisse entre les jambes, pose un pied sur le retour et laisse retentir sa voix d’outre-tombe entre les murs de la salle anversoise. Un chant typique du Death des premiers jours, résumé en un hurlement thrashien davantage tiré en longueur. Imprimée sur un tempo résolument plus lent que dans le passé, la musique des Floridiens mue la frénésie de la fosse en une contemplation posée des vétérans old school. Les interactions avec le public ne se résumeront qu’à quelques tentatives –du vocaliste– de faire crier les badauds entre deux morceaux. On pourrait également regretter des temps de pause parfois un peu longuets, coupables de faire parfois retomber la pression. Mais les artistes ne sont certes par là pour épater la galerie. Tel un rouleau compresseur, les titres se suivent et les immanquables « Visions in My Head » et « Chopped in Half » ne manquent pas de raviver la horde. Milieu de parcours, la salle est replongée dans le noir et un nouveau backgflag illustrant l’artwork du nouvel opus, « Ten Thousands Ways to Die », sur lequel apparaît une sorte d’être démoniaque constitué d’un amas de corps humains, s’affiche. Le temps d’admirer l’œuvre que démarre la piste du même nom, publiée il y a à peine deux semaines, suivis de « Dying » et « Find the Arise », issus de l’excellent LP « Cause of Death », gravé en 90. L’heure allouée aux maîtres du Death fond comme neige au soleil. Le pit scande inlassablement ‘Obituary’ afin d’inciter les artistes à accorder le rappel ; un encore qui clôture ce show par une reprise vitaminée de « Dethroned Emperor » de Celtic Frost, suivi du jouissif et culte « Slowly We Rot », qui vient allumer l’étincelle nécessaire dans la fosse afin de la laisser partir en vrille, déclenchant un moshpit musclé tout le long de la composition. Vingt-sept ans après, elle déchaîne encore tout autant les âmes. Preuve en est que ce Metal là est définitivement inoxydable.

(Merci à Nuclear Blast)

mercredi, 28 septembre 2016 16:40

Do or Die repart d'une page blanche

Chris Michez, leader du groupe de Hardcore belge "Do or Die", a annoncé ce matin, sur les réseaux sociaux, des modifications majeures de line-up du band. Et pour cause : il ne reste plus que lui. " Après plusieurs mois de réflexion, j'ai proposé aux membres de Do or Die de revenir musicalement vers le son des deux premiers albums (Heart Full Of Pain et The Meaning Of Honor). Malheureusement, cela n’a pas été possible".

L'artiste a ensuite précisé que, vu qu'un accord n'avait pu être trouvé, d'autres membres l'accompagneraient désormais. Leurs noms seront bientôt dévoilés. Le Montois a également indiqué qu'il se chargerait à présent seul des parties vocales. 

L'une des références du Hardcore en Belgique prend donc le pari de braquer à 360° et de revenir sur ses sonorités des premiers jours. Rendez-vous l'année prochaine pour voir s'il s'avère gagnant.

dimanche, 25 septembre 2016 03:00

A bout pourtant !

C’est au Magasin 4 que les amateurs de musique sauvage et impitoyable s’étaient rendez-vous, ce dimanche 25 septembre. Et pour cause, les fondateurs du Grindcore s’y produisaient, motivés à démontrer, une fois de plus, qu’ils n’avaient rien perdu de leur réputation de brûleurs de planches. Napalm Death ou une leçon de violence donnée par les maîtres du genre. Sensibles des oreilles, s’abstenir.

L’automne en est à ses premières timides offensives : la température accuse une poignée de degrés en moins et quelques flaques de pluie parsèment les trottoirs, non loin du canal de Bruxelles. Plus on s’approche du théâtre des opérations, plus on croise de métalleux. Pour la plupart, ils arborent des t-shirts à l’effigie de groupes dont les sonorités sont assimilées, par un public non averti, à un dérivé du bruit. En effet, en accueillant Napalm Death en ses lieux pour le moins alternatifs (et quel bonheur que de tels endroits puissent encore exister !), le Magasin 4 plonge la capitale sous les auspices virulents et bruts de décoffrage du Grindcore, cette branche incisive et féroce du Metal incarnant à elle seule un mix dévastateur immergé dans ce qu’il y a de plus violent au sein du Punk et du Hardcore. Alors que bon nombre d’individus siphonnent des bières et grillent des clopes, adossés au bâtiment, les plus intéressé(es) s’infiltrent néanmoins dans les brumes nicotinées de la salle de concert afin de jouir des premières déflagrations de la soirée. Mais avant tout, passage obligatoire par le stand merchandising, peut-être pour s’offrir un t-shirt emblématique du band vedette, mais surtout se procurer une sérigraphie de l’affiche de la soirée, une fois de plus réalisé de main de maître par Fabrice Lavollay (voir ici).

Il revient à Silence Means Death d’appuyer le premier sur la gâchette. Ce trio belge crache un crust-n-roll efficace qui n’est pas sans rappeler les premières heures de Motörhead. Rik, le chanteur, ne manque d’ailleurs pas d’ajuster son micro en hauteur, à la manière du toujours aussi regretté Lemmy Killmister. Une bonne dose d’une vingtaine de minutes de speed rock, crasseux comme il le faut, établissant les bases de ce que sera cette soirée : du vif, du rapide et sans la moindre fioriture.

Ce n’est pas de l’huile, mais bien un jerrycan d’essence qui est balancé dans le feu, dès l’arrivée du sextuor gantois, élégamment baptisé Matrak Attakk. Il faut connaître un peu l’espace scénique du Magasin 4 pour se rendre compte que concentrer six musiciens sur un espace aussi réduit relève de la prouesse ; du moins si ces derniers tiennent à ne pas se marcher dessus. Mais peu importe, l’exiguïté ne semble pas les déranger et le duo de vocalistes s’époumonent comme de beaux diables : Moshrat, torse nu, vocifère dans un registre de growls tandis que Crustina, tempes rasées, robe noire et soutien-gorge léopard, éructe sa hargne dans des tonalités particulièrement aiguës. La fosse commence sérieusement à s’énerver. On se bouscule. Quelques bières volent. Une proche du groupe passera même tout le set… topless. Ambiance ! Fidèle au Grindcore, les morceaux sont aussi ultra-violents qu’ultra-courts… tant et si bien que la formation ne consommera que vingt des quarante minutes prévues. Le set vient à peine de se terminer que le batteur escalade ses fûts par l’avant, atterrit sur le podium et se jette dans la fosse. Mais l’auditoire semble un peu pris de court ; si bien que le drummer n’est accueilli que par un sol maculé de bière. Un léger goût de trop peu et d’amertume...

Les musiciens de Napalm Death ont beau compter trente-cinq années d’expérience, ils réalisent eux-mêmes les derniers réglages de leurs instruments. Oubliez les entrées triomphantes et glorieuses, et même un quelconque backdrop, on est dans l’‘old school’ et on se la joue relax. Alors que beaucoup de combos se seraient contentés de respecter l’horaire imparti, les pères du Grindcore ne souhaitent pas faire attendre inutilement leur public et investissent l’estrade. L’impressionnant Shane Embury, t-shirt Kylesa et short Sick of It All de rigueur, agrippe sa basse et se plante derrière son pied de micro. Danny Herrera, quant à lui, plonge ses mains sur les côtés de la batterie, en ressort une paire de baguettes et commence à échauffer ses poignets. Derrière ses dreadlocks, le guitariste John Cooke, qui remplace Mitch Harris depuis 2015, opère les derniers réglages sur ses pédales d’effets. L’intro gutturale et mystique de « Apex Predator – Easy Meat », titre maître du dernier elpee, retentit à travers la salle. Shane Embury fait à son tour claquer ses cordes de basse et Barney Greenway, frontman charismatique du band, vêtu d’un t-shirt défendant la cause animale, débarque sur les planches, micro en main. « Instinct of Survival » embraie et la déclaration de guerre est prononcée. Les Anglais brouillent à nouveau les pistes en entamant leur set par ce morceau… issu de leur premier LP, qui remonte à 1987 ! Barney incarne directement son personnage, balançant frénétiquement les bras de droite à gauche, coudes fléchis et tournant en rond au milieu de la scène. Ses jambes s’envolent également de temps à autre, frappant des obstacles uniquement présents dans sa transe grindienne. Il se prend la tête en mains, agrippant fermement ses cheveux, comme transpercé de part en part par les rafales de blasts millimétrés, tirés par Danny Herrera. Barney hurle dans son micro comme un possédé, le corps tordu afin d’en extirper le plus de puissance possible. Son âme et sa voix ne font plus qu’un, expulsant sans aucune retenue toute sa hargne intérieure.

La salle est pleine et la température ne cesse d’augmenter. Les guerriers de la fosse se jettent virilement les uns sur les autres, les torses nus partageant généreusement leur transpiration en bousculant tout corps sur leur passage. Napalm Death enchaîne les morceaux les uns après les autres, allant piocher dans pas moins de dix albums de sa discographie. Un voyage dans les terres calcinées de la violence brute de décoffrage, où chacun des 23 morceaux interprétés ce soir était comparables à des décharges de chevrotine tirées à bout pourtant. « Scum », « Life ? », « You Suffer » (qui ne dure que… 5 secondes !) –issus de leur premier long playing « Scum »– ou encore « Suffer the Children », « On the Brink of Extinction » ainsi que « Greed Killing », alimentent la setlist. Alors que la chaleur ambiante tend déjà à pousser la foule dans un état second, « How the Years Condemn », issu du dernier opus, sans oublier la reprise des Dead Kennedys, « Nazi Punks Fuck Off », viennent brûler vives les dernières traces d’énergie qui subsistaient dans les corps. Plus le show progresse, plus l’ivresse des spectateurs devient intense et nombreux sont ceux qui prennent le risque de monter sur le podium pour directement se relancer dans le flot des metalheads, en espérant qu’une bonne âme vienne amortir leur chute.

Cette hystérie contribue à la canicule suffocante ambiante, ressentie jusque sur scène. ‘Excusez-nous les gars, mais on doit vraiment faire un break de quelques minutes et nous rafraîchir un peu’, explique Barney d’un accent ‘so british’, entre deux rafales. Le frontman n’a d’ailleurs pas manqué de s’adresser à la foule à de nombreuses reprises, rappelant des valeurs humanistes d’égalité, de justice sociale et de lutte contre les inégalités qui lui sont chères. Désormais rafraîchi (mais tout est relatif), le band aligne ses derniers morceaux, achevant les plus vaillants après une heure d’ébullition sans cesse sous tension. C’est sur « Smear Campaign » que Napalm Death lâche finalement son emprise sur son public, John Cooke manipulant les effets de sa pédale de distorsion afin de faire hurler sa gratte à l’agonie, se retournant ensuite vers les amplis à l’arrière, avant d’être rejoint par les autres musicos. Ils clôturent ensemble, côte à côte, ce périple au pays des marges. Si les Britanniques terminent leur spectacle trempés jusqu’aux os, ils nous ont carrément lessivés. Après plus de trois décennies passées à faire déferler sur les planches une énergie sans limite, les gars de Meriden ont démontré ce soir qu’ils étaient loin d’être essoufflés. Pire : du souffle, ils semblent en avoir encore une bonne dose en réserve.

(Organisation : Magasin 4)

mercredi, 14 septembre 2016 21:27

Sounds From The Heart of Gothenburg

In Flames appartient à cette catégorie de formations qui semblent nées, il y a peu de temps, alors qu’elles comptent au moins un quart de siècle d’existence. Il est vrai qu’on ne s’en rend pas toujours compte. Et quoi de mieux, au final, que de fêter ses vingt-six bougies en offrant à ses fans, un enregistrement public. Il remonte à deux ans (le 8 novembre 2014, pour être précis) et a été immortalisé au ‘Scandinavium’, mythique salle de spectacle suédoise de la ville côtière de Göteborg. Et le choix de ce lieu n’est en rien dû au hasard : le quatuor voulait en effet enregistrer ce live sur ses terres. ‘C’est notre ville d’origine et c’est juste génial pour nous de pouvoir rendre quelque chose à cette ville qui a vu naître nos premiers pas’, explique le vocaliste, Anders Friden. ‘C’est un superbe endroit pour y jouer. Après le show, je me suis rendu compte que je ne savais pas encore combien de temps le Scandinavium allait encore exister. C’est donc une bonne chose de garder une trace de cet endroit, parce que c’est vraiment un stade légendaire. Je me suis rendu à des tonnes de concerts de Metal ici au cours de ces dernières décennies. J’y ai vu tous mes groupes favoris’. Un endroit donc symbolique, autant pour les artistes qui se produisent ce soir-là que pour les quelques 10 000 aficionados qui se sont déplacés en masse en cette soirée automnale. C’est donc un Scandinavium archi sold out qui attend de pied ferme les stars du Metal mélodique.

Des lumières bleues électriques scintillent sur le bas de la scène, masquée par un énorme rideau noir. Les baffles crachent les premiers riffs de « In Plain View », titre d’ouverture de « Siren Charms », sorti à peine deux mois avant la captation. Anders Friden lance son premier cri de guerre, donnant le signal pour la chute du rideau et l’explosion d’une nuée de confettis dorés dans toute la salle. Le ton est directement donné : les Suédois ont décidé de tout donner ce qu’ils ont dans le ventre. Pas de décor ni même de backflag, la prestation des artistes est au cœur du show. Casquette frappée du logo du band sur la tête, Anders s’époumone comme un beau diable, alternant hurlement et chant plaintif. Sourire aux lèvres la plupart du temps, les autres artistes lancent de temps à autre des regards complices à la fosse, mais restent principalement concentrés sur leur instrument. Pas besoin de gesticuler inutilement, plus rien à démontrer : les Suédois sont venus partager leurs compositions qui, au fur et à mesure des années, sont passées d’un Death Metal mélodique clairement identifié à un son à la ‘In Flames’, incomparable.

Une heure et demie de show nourries par onze elpees studio. Autant dire que les musicos avaient l’embarras du choix, même si la sélection n’a pas été des plus simples. D’ailleurs, les plus anciens morceaux sont passés à la trappe. ‘Si nous avions interprété les morceaux de chaque album, nous aurions pu y passer toute la nuit…’, plaisante Björn Gelotte, un des deux guitaristes. ‘Ce DVD est pour toute personne qui nous a suivis le long de notre carrière, avec des morceaux des premières années, de l’époque intermédiaire et de la nouvelle ère. Notre audience est vraiment diversifiée, c’est incroyable. Il me semble qu’on est devenu une sorte de pont dans le Heavy Metal, depuis qu’on joue de la musique agressive, mais néanmoins toujours accessible’. Un constat qui se confirme par les nombreux plans pris de la foule, fans d’hier et d’aujourd’hui, constamment occupés à chanter les morceaux à tue-tête ou clamant le nom du band entre les morceaux.

De la fosse aux balcons, les amateurs de sonorités puissantes ont fait un voyage dans le temps, la set list transitant de « Resin » (’99) à « Rusted Nail » (’14), en passant par « Only for the Weak » (’01), « Fear is the Weakness » (’11) et « The Quiet Place » (’04). Les titres incontournables, tels que « Cloud Connected » ou, en final, « Take This Life », ont évidemment entraîné l’ivresse de masse qui leur revient. Alors que le gâteau était déjà bien appétissant, on a alors droit à une belle cerise sur le gâteau, déposée par Emilia Feldt, la soprano danoise, lorsqu’elle vient poser la voix sur « When The World Explodes ». Beau et bon, ce ‘live’ est en outre particulièrement intéressant, car, après l’avoir visionné, on se surprend à se dire : ‘Ah ouais, quand même…’ En un peu plus de 90 minutes, In Flames parvient à démontrer toute la palette musicale déployée au cours de ces deux dernières décennies. Un groupe qui a grimpé petit à petit les échelons pour devenir, aujourd’hui, un des incontournables de ce Metal inclassable, toujours inconfortable quand on souhaite le mettre dans tel ou tel tiroir, mais désormais reconnu de toutes et tous. Si le band scandinave n’avait pas fait l’impasse sur ses premières années de carrière, davantage Death Metal, ce DVD aurait été parfait.            

 

dimanche, 04 septembre 2016 13:45

Le Trianon (cd + dvd)

Suivant la grande tradition ‘ironmaidienne’ (parmi d’autres), Mass Hysteria revient neuf mois après avoir publié « Matière Noire », pour en proposer une mouture live, captée au Trianon, à Paris, le 11 mars 2016. La formation française fait rarement les choses à moitié ; aussi elle nous réserve deux versions : une en compact disc, reproduisant l’intégralité des titres de son dernier album, mais en live, l’autre en dvd, réunissant non seulement les plages de la version du cd, mais également de la seconde partie du show, au cours duquel les artistes sont allés piocher au sein d’un répertoire de vingt-trois années de carrière. 

Afin d’obtenir un aperçu complet de la prestation, c’est la version dvd qui a été choisie. Nous sommes à Paris, 18ème arrondissement, au pied de Montmartre. Le décor du Trianon est digne d’un théâtre à l’italienne. Un épais rideau rouge s’ouvre et laisse apparaître une baignoire dans laquelle se tient droite, immobile, l’égérie dénudée de la cover du dernier album, entièrement recouverte de cette fameuse matière noire goudronneuse. Ne sachant dissimuler un léger tremblement, elle agite ses bras comme pour accomplir une danse aussi énigmatique qu’intrigante, nourrie par les acclamations de la foule. Les premiers riffs de « Chiens de la casse » retentissent, la tension atteint son climax, le point de rupture cède et la foule s’embrase. Rapha martèle ses fûts comme un sourd. Yann, casquette et capuche vissées sur la tête, tient à la main une guitare noire frappée d’un autocollant ‘Straight Edge’. Fred, l’autre gratteur, se distingue par ses dreadlocks voltigeant dans les airs. A deux, ils libèrent des salves de riffs ravageurs. Cette soirée est également l’occasion pour Thomas, leur nouveau bassiste, d’apparaître pour la première fois officiellement sur un live officiel du groupe. ‘Les furieux, les furieuses’, lance en guise d’accueil Mouss, à la voix malheureusement pas au top de sa forme en ce début de prestation.

Les titres de « Matière Noire » s’enchaînent, entrecoupés des désormais devenus classiques coups de gueule du vocaliste, critiquant tantôt les responsables du concours des Victoires de la Musique (‘Ce ne sont pas des innocents’), tantôt la classe politique (‘Valls, Macron et leurs lois liberticides’) ou encore, à la fin du titre « Matière Noire », l’univers de la publicité ; et il en prend pour son grade (‘Merde, j’ai cité une marque, je vais devoir en citer trois autres… je m’en fous, qu’ils aillent tous se faire enculer !’). La capitale française est encore profondément marquée par les attentats meurtriers du 13 novembre 2015 ; aussi une émotion particulièrement palpable s’empare de la foule dès les premiers accords de « L’enfer des Dieux », précédé d’une minute de vacarme pour toutes les victimes de cette soirée sanglante. ‘Que ce bruit puisse résonner jusqu’à Daesh et ailleurs. Nous dédions ce morceau à Kevin, Math, Thomas, Lionel, à tous ceux qui ont vécu, à tous ceux qui sont restés’. Ce show, c’est également l’occasion d’inviter sur l’estrade le producteur hip-hop Marc Animalsons, pour le coup armé d’une guitare. ‘C’est lui qui a composé « Plus que du Metal » et qui a fait l’intro du concert, applaudissez-le !’ « Mère d’Iroise », chanson dédiée à toutes les mamans, dont celle de Mouss, disparue il y a peu, clôt cette première partie de prestation. En adoptant un virage plus sombre et plus hard depuis l’album « Failles », et en choisissant le décor de ce théâtre pour son architecture atypique, Mass Hysteria a réussi le pari de recouvrir « Matière Noire », grâce à son interprétation en live, d’une nouvelle couche dramatique et obscure. Une ambiance lourde, profonde et, de temps à autre, il faut le reconnaître, spirituelle.

Le quintet quitte la scène, la laissant baigner dans un flot de lumière rouge. Raphaël finit par revenir derrière son kit de batterie, entraînant avec lui les autres artistes, mais également les percussions rythmiques du morceau « Contraddiction ». La noirceur est laissée en backstage, place à présent à la fête entre amis. ‘T’es sûr ? On n’avait pas dit qu’on ne pourrait pas le faire ? Ok, comme tu veux, mais la sécurité va gueuler…’, lance Mouss à son guitariste, Yann. Ni une, ni deux, hormis Thomas et Raphaël, les musicos se jettent dans la fosse. Les mines des agents de sécurité s’allongent. Crispés, certains tentent de protéger les artistes pendant que ces derniers exécutent « P4 », entourés d’une horde de fans qui brûlent ce qu’il leur reste d’énergie dans un circle-pit endiablé.

Une fête avec leurs fans, mais également accompagnés des amis du groupe. C’est ainsi que Stéphane Buriez de Loudblast, les rejoint pour « World on Fire », insufflant à ce morceau, pour l’occasion, une dose de testostérone non négligeable. Ou encore Reuno de Lofofora  (‘Un grand Monsieur de la scène vénère française !’). Il vient pousser la chansonnette sur « Donnez-vous la peine ». Mais Mass Hysteria, c’est également une grande famille. Vêtu d’un pull Thrasher, Nicolas Sarrouy, guitariste de 2007 à 2014, grimpe sur l’estrade et interprète « l’Archipel des Pensées » ; ce qui lui vaut un tonnerre d’applaudissement d’une foule visiblement heureuse de revoir sur pied l’artiste, victime l’année passée d’un grave accident. Dans la série des retrouvailles, Vince Mercier, prédécesseur de Thomas à la basse, vient interpréter « Knowledge is Power » en compagnie des Furieux. ‘Allez, amenez-lui son micro qu’il puisse chanter avec nous’, lance Mouss à la régie. Quelques instants plus tard, c’est à la famille dans son sens le plus fondamental du terme que le groupe fait référence, en invitant les enfants et les proches des artistes à les rejoindre sur « Respect on the Dancefloor ». Yann finit par se planter au milieu du podium et demande à la fosse de se séparer en deux afin d’honorer comme il se doit leur classique morceau de clôture, « Furia ». La tension atteint son apogée et les confettis de couleur volent dans les airs ; ce qui clôt cet énorme concert sous un mix apocalyptique de grattes et de batterie.

Mass Hysteria est un groupe taillé pour la scène. Si vous n’avez jamais assisté à un set du combo français, ce dvd devrait vous persuader de vous y rendre à la prochaine occasion qui se présente. Toutes celles et ceux qui ont apprécié la version studio de « Matière Noire » ne pourront qu’apprécier l’énergie et la puissance dispensée en live. Un bémol cependant : la seconde partie du show aurait également pu figurer en version cd, histoire de pouvoir revivre ce moment festif ailleurs que devant son écran de télévision !

 

dimanche, 04 septembre 2016 13:44

In Cauda Venenum / Heir / Spectrale

Colorée en rose, mauve et blanc, l’illustration de la pochette dépeint un visage féminin, cheveux au vent et regard perdu à l’horizon. Et derrière cette image se cache un split album partagé entre compositions signées par trois groupes français aux racines puisant dans le Black Metal. Même si ce style est bien présent, ce n’est néanmoins ici qu’une base musicale : les trois bands parvenant à faire exploser les barrières du genre afin d’en recueillir les morceaux, les mettre côte à côte et bâtir du neuf, résolument tissé le long d’un fil rouge atmosphérique, tantôt baigné dans le calme, tantôt agité par l’ivresse. 

C’est à Spectrale que revient l’honneur d’ouvrir la marche, un projet dont la personne maîtresse n’est autre que Jeff Grimal, guitariste et chanteur de The Great Old Ones, accompagné de Jean-Baptiste Poujol. « Sagitarrius A » entame en guise d’introduction ce pèlerinage, tout en guitares sèches hypnotiques et répétitives, bâtissant un fond lugubre et générant une progression lente et mystérieuse pour finalement déboucher, très curieusement, sur une ambiance de bal populaire des années 20. Quelques pistes plus tard, « Al Ashfar », d’un ton résolument plus joyeux, du moins lors de la première partie du morceau, repose toujours sur ce rythme répétitif et entêtant de guitares sèches. Pas de parties vocales, la compo repose uniquement sur les mélodies. « Crepuscule » est sculpté dans le même moule que les deux précédentes pistes, maintenant cette perpétuelle tension entre la lumière et l’obscurité.

C’est également en trois morceaux que les Toulousains de Heir démontrent tout leur savoir-faire. Les premières notes longues et froides de « Descent » ne trompent pas : une douce mélancolie s’impose ; et elle est rapidement décuplée par la voix éreintée, typiquement Black-Metal, de L.H. Alors qu’il devient presque confortable de s’asseoir sur ce spleen ambiant, les cymbales retentissent et le rythme prend de suite une tournure plus agressive et chaotique, jusqu’à en arriver à un point culminant lorgnant vers un Raw Black Metal des plus jouissifs. Tel un bipolaire, la colère et la haine retombent l’espace de quelques instants, avant de reprendre de plus belle et de tout dévaster sur leurs passages. Une recette assez savoureuse, maniant la caresse et le bâton, préparée de la même manière sur « Upon The Masses » et « Sectarism », deux morceaux doublés tout au long des quasi-dix minutes, d’une folie perçue comme incontrôlable. On vous prend, on vous secoue, vous tombez à genoux, vous reprenez quelque peu votre respiration et on vous brimbale à nouveau. Sans relâche.

Vient finalement le tour d’In Cauda Venenum, trio lyonnais, de proposer une salve unique, pour le mois originale et détonante. D’une durée d’un peu moins de quinze minutes –excusez du peu !– ce morceau langoureux, froid et parcouru de part en part d’une tension alimentée par une batterie agressive et une guitare électrique particulièrement glaciale, contrebalancées par la douceur et la chaleur d’une guitare sèche et d’un violoncelle enivrants, revendique un hommage posthume à l’actrice américaine Catherine E. Coulson (décédée en 2015), pour son rôle de Margaret Lanterman dans la série Twin Peaks. Si la longueur du titre peut impressionner –bien qu’au final pas si atypique dans le Black Metal– sa construction permet d’éviter toute lassitude, alternant entre nappes musicales et extraits de la série. 

Contrairement à l’architecture classique des splits albums, les plages de chaque formation ne sont pas réunies par fournées, mais sont mélangées. Et paradoxalement… la formule fonctionne plutôt bien. Elle offre une unité dans la diversité, un voyage commun au départ de sentiers différents. Un pari que relèvent sans cesse, bien souvent avec brio, les productions ‘les Acteurs de l’Ombre’ (ce split album est sorti chez Emanations, une des divisions du label). Une fois de plus, le dépaysement est au rendez-vous.

 

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