François Staal revient sur l’île de Bréhat…

François Staal retourne aux sources de son enfance à travers son nouveau clip consacré à « Bréhat (Enez Vriad) », extrait de son dernier album « L'Humaine Beauté ». Il part en tournée de 17 concerts en Bretagne, dont 15 seront accordés sur l’Ile de Bréhat, du…

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Bernard Dagnies

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A l'instar de Maxïmo Park, les Futureheads nous viennent du nord-est de l'Angleterre. Pas de Newcastle, mais de Sunderland. Un quatuor responsable d'un excellent premier album éponyme, paru voici quelques mois. Pour le produire, le groupe avait tout d'abord reçu le concours d'Andy Gill (le leader de Gang of Four), un personnage que le groupe admire beaucoup. Malheureusement, le résultat était loin d'être celui escompté ; et la formation de solliciter le concours de Paul Epworth (Bloc Party, LCD Soundsystem, Liars, The Rapture, Maxïmo Park) pour recommencer la mise en forme de la plupart des titres. Faut dire que les musiciens sont réputés pour leur perfectionnisme presque maladif… Ross Millard (le guitariste) et Jaff Craig (le bassiste) le reconnaissent…

Il leur arrive de répéter la même chanson pendant 3 heures, afin d'être absolument sûr qu'elle soit parfaitement au point. Ross confirme : " On l'est même trop. Mais aujourd'hui nous disposons de moins de temps ; et on ne peut plus se permettre de consacrer autant d'énergie à une seule chanson pendant un mois. Les prises sont plus rapides. Parfois la première est la bonne… " Pour eux, ce qui rend la musique intéressante, c'est la manière dont les composants s'articulent et comment ils sont arrangés plutôt que l'écriture. Ce qui explique pourquoi ils s'intéressent beaucoup à la musique mathématique, une scène dite 'néo new wave' qui fleurit aujourd'hui à New York. Ross commente : " Nous voulons concocter une musique dynamisée par les guitares, mais sur laquelle les gens peuvent danser. Dans la britpop, cette notion est un peu trop souvent négligée. Le mouvement new wave new-yorkais incorpore des éléments forts spécifiques, tels que le tempo des drums et les lignes de basse. Et en Grande-Bretagne, beaucoup de groupes essaient de les intégrer dans leur expression sonore. Parfois même depuis plus de dix ans… "

La new wave est une influence essentielle dans l'univers de Futureheads. Et en particulier des groupes comme XTC, Jam, Devo, Buzzcocks, Wire, Cure et bien sûr Gang Of Four. Une sensibilité qui transpire à travers leurs compos. Mais comment être marqué par un mouvement que l'on n'a pas vécu ? Faut croire que leurs parents disposaient d'une belle collection de disques issue de la fin des seventies et du début des eighties. Ross admet : " Oui, c'est un peu vrai ". Jaff reprend le crachoir : " Nous sommes toujours avides de découvertes. Et en se prêtant ces vieux disques, on s'est en quelque sorte influencés l'un l'autre… " Barry semble même avoir des goûts plus éclectiques que ses acolytes. Voire plus classiques, puisqu'il est très sensible aux œuvres de Steve Reich, Philip Glass ou encore Terry Riley. C'est même lui qui a fait découvrir T Rex à ses comparses… Du mouvement britpop, ils ne retiennent que peu de noms. Blur quand même. Et en particulier Damon Albarn, à qui ils vouent un grand respect. Ross embraie : " Un grand parolier. Je ne l'ai jamais rencontré. Il a l'air sympathique. Mais je n'aime pas trop Gorillaz " Jaff insiste : " Blur a été un groupe séminal. A l'époque où tout le monde écoutait de la britpop, Blur ne s'est pas contenté de subir la mode, il est parvenu à la créer. Il y a toujours quelque chose à découvrir sur ses albums. En outre, Damon est un type très talentueux… " Pulp ensuite. Parce qu'ils considèrent Jarvis Cocker comme un fameux lyriciste. Ross nuance : " Mais ce n'est pas notre modèle, car son écriture oscille entre l'autobiographie et l'étude des mœurs des britanniques ; en en particulier ceux des Londoniens. Et puis nos textes sont moins complexes… " Le nom du groupe est inspiré d'une chanson des Flaming Lips, formation qu'ils apprécient, bien évidemment… Ross confirme : " Ils ont effectué un fameux bout de chemin dans l'univers de la pop. Leurs arrangements sont somptueux, astucieux. C'est dingue ce qu'ils sont capables de faire. On les a beaucoup écoutés. Et on les écoute encore beaucoup. Nous leur devons énormément… "

Chez les Futureheads, les vocaux sont particulièrement soignés. Les quatre membres chantent en prenant chacun leur tour la direction des opérations. Pas pour rien qu'ils considèrent les Beach Boys comme un exemple. Ross admet et Jaff confesse : " Tout comme les Beach Boys, nous avons cette opportunité de disposer de personnes différentes capables d'écrire et de chanter. Et puis de réaliser les arrangements vocaux. " L'album recèle même une chanson a capella que le groupe interprète 'live' en faisant participer le public. Et pourquoi une chanson a capella ? Ross se justifie : " Parce que dans les autres chansons, les mélodies peuvent être occultées par les guitares ou les drums. Aussi la formule a capella est une opportunité de chanter en harmonie de façon à ce que les auditeurs puissent entendre cette mélodie sous sa forme la plus pure, sans être assourdi par le reste. Et puis c'est une variante… " Tout comme chez Maxïmo Park, les membres de Futureheads accusent un accent Geordie. Et il paraîtrait que lors de leur périple aux States, qu'ils ont accompli pour assurer le supporting act de Franz Ferdinand, les filles trouvaient ces inflexions sexy ! Ce qui déclenche inévitablement l'hilarité chez nos deux interlocuteurs. Jaff réagit : " Nous ne voulons pas en changer. C'est notre façon d'être. Et tant mieux s'il plait aux filles outre-Atlantique… "

Sur leur premier opus, figure une reprise d'une chanson de Kate Bush, 'Hounds of love'. Mais qu'en pense l'auteur de cette chanson ? Jaff commente : " En fait on n'a pas encore entendu de réaction de sa part. Et on est un peu nerveux à ce sujet. C'est une chanteuse incroyable" (NDR : à cet instant, une lueur brille dans ses yeux). Et Ross de confirmer : " Il est trop intimidant d'entendre sa réaction ; car en fonction de ce qu'elle pensera de cette cover, on arrêtera peut-être de l'interpréter. " Autre plage de l'elpee, 'Decent days and nights' évolue sur un riff de guitare qui rappelle très fort le 'My Sharona' du Knack. Coïncidence ? Jaff concède: " Tu n'es pas la première personne à nous le faire remarquer". Ross précise : " C'est un grand riff. En fait pour cette chanson, nous l'avions avant les paroles. Alors qu'en général, c'est l'inverse qui se produit. " Enfin le fragment qui clôt leur elpee éponyme ('Man Ray') évoque le thème d'une certaine pornographie qui tente de se faire passer pour de l'art. Ross s'explique : " Man Ray est un photographe célèbre pour ses nus. Ce n'est pas parce que vous vous intéressez à la musique que vous ne pouvez pas être branché par l'art. Par la photographie, par exemple. Et ces autres formes artistiques peuvent vous procurer de l'inspiration pour l'écriture. Il est certainement plus enrichissant de passer une journée à visiter une exposition que de parler pour ne rien dire. Il faut plutôt comprendre ce morceau comme la métaphore d'une relation. Qu'elle soit purement physique ou qu'elle aille plus loin… " Chez Futureheads, les lyrics sont, en général, une vision personnelle de leur environnement. Jaff confirme : " Absolument. Ross et Barry se chargent des lyrics. Même s'il y a une différence entre les deux, ils se référent souvent à ce qu'ils vivent au quotidien. " Ross enchaîne : " Nous sommes un petit groupe qui vient d'un coin perdu de l'Albion. Nous nous sentons à l'étroit et nous voulons aller à la conquête de la Grande-Bretagne et pourquoi pas du monde… "

Dans le futur, le groupe à l'intention de modifier sa manière de composer. En essayant de mieux structurer la chanson plutôt que de mettre des idées l'une à côté de l'autre. Mais n'y a-t-il pas un risque de perdre sa créativité en affichant une telle vision des choses ? Jaff se défend : " Je ne pense pas. Dans l'écriture d'une chanson il y a les idées et le canevas. Il faut savoir ce qu'il faut mettre en avant. Faire le tri. Simplifier. Sans quoi, il y trop de matière et on ne s'y retrouve plus. Par contre sur scène, tout ce qui a été écarté est susceptible de revenir à la surface ; de manière à donner une nouvelle dimension aux morceaux… " La formation essaie de composer des titres sarcastiques qui sont mélodiquement joyeux. Suivant leurs déclarations, c'est un peu comme insulter quelqu'un et rire en même temps. Ce qui méritait une explication. Ross éclaircit la situation : " C'est comme si on voulait faire preuve de sérieux et de sens de l'humour en même temps. Un peu comme chez Devo qui formulait des idées avec une expression neutre ; de façon à ce que les gens ne sachent plus s'il fallait en rire ou en pleurer. Je donne un autre exemple : on s'habille très élégamment ; ce qui ne nous empêche pas de jouer une musique énergique. On cherche à créer le contraste. Nous sommes un peu excentriques. Nous ne sommes pas du style à mettre les cartes sur table et à révéler nos sentiments… "

A leurs débuts, les sets de Futureheads étaient particulièrement courts. Un de leurs tous premiers avait d'ailleurs duré 7 minutes ! Un épisode qui les fait encore bien rire aujourd'hui. Jaff raconte : " 4 chansons en 7 minutes pour le premier show, alors qu'on devait jouer un quart d'heure ! " Ross en remet une couche : " Aujourd'hui pour le même concert, on mettrait une heure. A l'époque on nous avait dit que nous disposions de 20 minutes pour se produire. Or notre répertoire n'allait pas au-delà des 15 minutes. "  Finalement, le montage et le démontage du matériel leur avaient pris beaucoup plus de temps…

Merci à Vincent Devos.

 

mardi, 16 novembre 2004 04:00

L intemporalité suivant Ebbot Lundberg

The Soundtrack Of Our Lives (TSOOL) nous vient de Suède. De Gothenberg, très exactement. Une formation responsable, à ce jour, de quatre albums remarquables, dont le dernier " The origin vol 1 ", vient juste de sortir. Un sextuor qui se produisait pour la première fois en Belgique. Au Botanique. Avant de monter sur les planches, Ebbot Lundberg, le leader/chanteur/compositeur/lyriciste s'est volontiers prêté à l'exercice de l'interview. Un personnage qui aurait pu revendiquer un rôle dans la saga du 'Seigneur des anneaux'. Vu son look. Mais surtout un artiste dont le discours ne manque pas de philosophie. Et l'entretien comme très fort…

TSSOL cherche à créer son petit univers sonore, un univers parallèle susceptible de tendre vers l'intemporalité. Mais n'y a-t-il pas risque, en visant un semblable objectif, de ne l'atteindre qu'à l'infini ? Ebbot ne craint pas cette quête de l'impossible. " Chaque concert et chaque album nous permettent d'explorer un autre monde. Et cette démarche suscite notre curiosité. Enfin, elle le devrait. C'est la raison pour laquelle, nous créons… " Oui mais, est-il possible de demeurer intemporel lorsqu'on est un produit de sa propre époque. Ebbot réagit au quart de tour : " C'est relatif ! Je considère le temps comme le temps expérimenté. Je ne crois pas au temps dans lequel on vit. Le temps appartient à nos expériences. Par exemple, lorsque tu as l'impression qu'une heure s'est écoulée en une minute, tu abordes l'expression de l'intemporalité. On entre ici dans un concept 'bergsonien'. La notion du temps vous échappe, alors que vous êtes occupés d'en faire l'expérience. Le temps est fugace, insaisissable, même si vous essayez de lui tordre le cou. Il appartient au spectateur de se placer dans cette position d'intemporalité. Mais nous faisons tout pour qu'il y parvienne. Personnellement, lorsque je suis sur la scène, la surprise d'avoir pris du bon temps me surprend parfois … "

Avant de fonder TSSOL, Ebbot avait sévi chez Union Carbide Productions, un groupe punk qui se réclamait notamment de UK Subs, de Black Flag et de tas de formations punk américaines. Des groupes réputés pour communiquer des vibrations punks meurtrières lors de leurs shows. Ebbot tempère : " Je n'ai jamais tenté de reproduire de semblables vibrations. Tu sais, lorsque tu as quelque chose à dire, c'est plutôt un problème d'expression. Et ce qui compte est plutôt l'expression ouverte de ces groupes. Ce qu'ils expriment. Une invitation à les écouter… " Pourtant, notre interlocuteur déclare que TSOOL est une extension de son groupe précédent. Ce qui méritait une explication. " Union Carbide Productions était un concept underground. Le fruit d'une attitude destructrice. Jouer dans ce groupe était la résultante de la musique. La musique n'était pas la résultante du groupe. Pour TSSOL, nous avons voulu privilégier la musique sur l'attitude. La musique est devenue un message. Elle nous a permis de nous diriger où nous le souhaitions… "

Six musiciens dont quatre compositeurs pour un même groupe est une situation qui doit inévitablement déboucher sur des conflits. Comment le groupe s'en sort-t-il ? " Lorsqu'ils composent, c'est toujours en ma compagnie. Toutes les formules sont possibles ; mais j'y suis toujours impliqué. En fait, je prends les décisions finales et les autres musiciens me font confiance. J'avoue qu'il est parfois difficile d'écarter de bonnes chansons et de les laisser sur une liste d'attente. Mais d'autre part, chacun sait qu'elle sortira un jour. Ma responsabilité consiste à rendre chaque disque homogène… " Depuis que le groupe existe (NDR : en 1995), il doit donc exister un fameux stock de chansons. Alors pourquoi ne pas les réunir sur un double ou un triple album ? Y aurait-il un problème financier ? Ebbot se défend : " Non, non, il ne s'agit pas d'une question financière. D'ailleurs nos deux premiers elpees étaient doubles (NDR : sous la forme du vinyle, pour être plus précis). Et sur le troisième nous avons ajouté 4 à 5 bonus tracks. 'The origin vol.1' est notre premier album qui affiche une durée normale. Il aurait pu être plus long, mais nous voulions que tous les morceaux appartiennent au même concept. C'est un choix ! Le prochain sortira en 2005 et s'intitulera 'The origin vol.2'… " Et le suivant volume 3 ? Ebbot réplique instantanément : " Peut-être ! Nous n'avons pas encore décidé… "

Les influences révélées sur les quatre premiers albums du groupe son claires. Essentiellement puisées dans les sixties, elles oscillent du Floyd au Who, en passant par les Stones, Love, les Doors, les Byrds et les Beatles. Que des classiques ! Et il n'est pas tabou de causer de ces influences avec Ebbot. " Ce n'est pas tabou, mais les influences sont tellement nombreuses, qu'elles sont difficiles à décrire et impossible à répertorier. Certaines sont plus évidentes (NDR : celles susvisées). D'autre moins. En fait, nous essayons de concocter l'album qui nous manque. En fonction de nos frustrations, nous créons notre musique… " Sur le dernier opus, j'avais même relevé des traces empruntées aux Pretty Things. Une influence cachée ? " Non, non, j'adore les Pretty Things. Un excellent groupe largement sous-estimé. Comme les Sonics, que peu de médias mentionnent dans leurs articles… " Du Floyd aussi, mais surtout du tout premier elpee 'The piper at the gates of dawn'. En chantant, Ebbot épouse même parfois les inflexions sinusoïdales d'un Syd Barrett. " C'et assez flatteur. Et je n'y avais jamais pensé. Mais j'avoue que j'ai commencé à écouter ce groupe vers l'âge de 10 ans. Et tout gosse je chantais du Syd Barrett. A croire que ce souvenir est resté gravé dans mon subconscient. Ce n'est pas du tout délibéré, mais c'est sans doute l'explication… " TSOOL affirme beaucoup apprécier le jazz, ajoutant même que leurs chansons véhiculent des sonorités mélancoliques jazzyfiantes. Ce qui n'est pas du tout évident à déceler, lorsqu'on écoute leur musique. " En fait, nous avons composé plusieurs morceaux du style. Nous les avons même enregistrés. Mais ils ne figurent sur aucun elpee. Nous aimons beaucoup le jazz suédois. Celui des années 50 et 60. A cette époque, il existait beaucoup de bonnes formations qui y émargeaient. Et ils nous ont influencés. Ce qui explique pourquoi, parfois, nous improvisons 'live'. Cette impro fait partie du spectacle. Rien n'est planifié. Elle coule de source. Comme la musique, comme la vie… " Est-ce la raison pour laquelle, Ebbot a un jour déclaré qu'au cours d'un concert, le groupe et le public jouaient au ping pong ? " C'est exact. Comme si on procédait à un échange d'énergie. Il est important que l'audience se sente comme faisant partie intégrante du show. Comme si nous nous produisions dans leur living-room. Nous essayons d'interagir avec lui. Le plus possible. La prestation 'live' est un événement qui embrasse, qui englobe… "

Jane Birkin et Natacha le June, vocaliste d'AS Dragon, chantent sur 'Midnight children', une des compos du dernier elpee. Etonnant, surtout pour un groupe scandinave ! " En fait, nous avions composé une chanson, comportant un refrain en français, un peu dans l'esprit de 'Je t'aime moi non plus' ; et nous avons contacté le manager de Jane pour solliciter une éventuelle collaboration. Or, le manager est un de nos fans. Il lui a demandé. Elle a écouté la chanson. Elle a aimé. Et elle a accepté. Pour Natacha, notre bassiste, le responsable du morceau, lui avait d'abord proposé. Et finalement, les deux artistes ont participé à l'enregistrement. Pour un résultat amusant, puisque Jane, qui est anglaise, chante en français ; alors que Natacha, qui est française, en anglais. "

Lundberg et les frères Gallagher se sont liés d'amitié, il y a quelques années. Lors d'une tournée commune. Une amitié dont ils ne se cachent pas et qui semble très profonde. Nonobstant ces liens, il était intéressant de savoir ce que pensait Ebbot du déclin de créativité dont souffre Oasis… " Oui, c'est exact, nous sommes très amis. Ils nous ont beaucoup soutenus, lorsque nous étions en Angleterre. Et ils nous encouragent encore, alors qu'ils ne jouent même plus. Je les connais tous personnellement. Nos relations sont excellentes. Je dois avouer que leurs relations le sont beaucoup moins. Nous faisons notre truc. Ils font le leur… pour les hooligans britanniques (rires). Comment comprendre leur baisse de crédit ? Ils ont fait de la merde et le reconnaissent. Ils ont même déclaré que nous valions mieux qu'eux. Mais ils commencent à changer et à prendre la musique au sérieux… "

En 2002, TSOOL a décroché un Grammy pour avoir commis le meilleur album alternatif de l'année, 'Behind the music'. Ils n'ont cependant pas découpé le trophée en six parts égales. D'ailleurs Ebbot ignore totalement où il se trouve. " Peut-être au studio ! Nous ne fonctionnons pas au prix. Ce type de récompense entre plutôt dans le cadre de la performance sportive. Je trouve assez bizarre de recevoir un prix pour la musique. Je pense que ce type de récompense intéresse davantage la firme de disques que le groupe… "

Merci à Vincent Devos

 

 

 

 

Du line up initial de cette formation bruxelloise, il ne reste plus que Vincent "Vince " Liben, le chanteur guitariste. Tout un remue-ménage qui aurait pu sonner le glas de l'existence du groupe. C'est un peu le contraire qui s'est produit, car non seulement Mud Flow vient de commettre un troisième opus absolument remarquable. Mais en plus, le trio est plus soudé que jamais. Pour preuve, les séances d'interviews se sont déroulées en compagnie du groupe au grand complet, c'est à dire, Charlie de Croix (le bassiste), Blazz (le drummer) et bien sûr Vincent…

Il faut donc croire que toutes les épreuves que le combo a traversées, n'ont fait que renforcer leur volonté de poursuivre l'aventure. Mais si l'histoire de Mud Flow n'a pas été un long fleuve tranquille, elle leur a aussi et surtout permis d'évoluer. " L'histoire, il est vrai, a été douloureuse. On le concède. Parce qu'elle a été émaillée de multiples changements. Mais nous avons toujours fait l'impossible pour que ces ruptures ne soient pas trop brutales. Dans le plus grand des respects. En privilégiant les relations humaines. A la limite, on pourrait dire que ces remaniements se sont produits naturellement. Même s'ils ont laissé chaque fois des traces. Mais c'est un cap à passer, si on veut vraiment évoluer… En outre, l'intégration des nouvelles recrues s'est, en général, toujours soldée par une réussite. Mud Flow, c'est un peu le fruit de rencontres… " Un fruit qui se présente aujourd'hui sous la forme de ce 'A life on standby'. Un titre lourd de significations. Pas dans le sens littéral du terme : 'Une vie à l'arrêt'. Mais plutôt dans le sens d'un nouveau départ. " En fait, on joue un peu sur les mots : 'in standby' et 'on standby'. C'est là que se situe la différence. La formule peut prêter à confusion, c'est vrai ; mais on essaie de cultiver quelque part l'ambiguïté. A l'instar de la construction des chansons, de la confection de la pochette (NDR : les réveils de voyage qui illustrent cette pochette ne sont pas des cadeaux reçus de leur première communion ; une anecdote qui les a bien fait rire…) Histoire de laisser une place à l'imaginaire, de permettre à n'importe qui de donner sa propre interprétation à l'album. Donc cette idée de nouveau départ traduit notre volonté d'être à nouveau d'attaque… "

Mais qu'est ce qui a motivé le combo de continuer l'aventure ? " La passion ! L'envie d'aller plus loin. De se dépasser chaque fois. Enregistrer un album, c'est accomplir une tâche dont tu sais dès le départ qu'elle ne sera pas totalement aboutie. Et c'est ce qui te donne la force de continuer, de recommencer, pour essayer d'atteindre ce but inaccessible, cette perfection irréelle. Pour ce disque, on n'a pourtant pas essayé de chercher la perfection, mais l'authenticité. Pour démontrer que nous sommes des êtres humains et donc imparfaits. Parce que la recherche n'est pas toujours synonyme de vérité. Nous voulions aller à la découverte de nous-mêmes, être nous-mêmes, nous montrer davantage introspectifs. Et puis, créer de la musique ensemble. Atteindre une bonne synergie. Même lorsque l'environnement n'est pas hyper confortable. Heureusement, nous nous entendons très bien. Lorsqu'on écrit des morceaux ou lorsqu'on les joue, nous éprouvons beaucoup de plaisir et de bonheur. Et c'est aussi pour retrouver ces sensations qu'on a envie de continuer. Cet album est l'aboutissement de deux ans d'interrogations. De recherche en nous. De doutes. De prise de conscience individuelle et collective. Savoir ce qu'on veut, d'où on vient et où on va. Essayer de donner un sens à ce morceau de vie. Au cours de cette période, il y a des moments au cours desquels on a beaucoup réfléchi, au cours desquels on s'est remis en question. Mais c'est en se posant les questions essentielles qu'on est parvenu notre objectif. En bref, on a construit ce disque sur ces doutes et ces interrogations… "

Pour enregistrer cet opus, Mud Flow a bénéficié du concours de quelques collaborateurs. Et en particulier de l'ingénieur du son, Rudy Coclet. Une coopération que le trio juge très fructueuse. " Dès le premier jour, on s'est rendu compte que nous étions sur la même longueur d'ondes. Si un siège craque -le sien peut-être- au cours de la session d'enregistrement, mais que de cet incident en ressort une émotion, une profondeur, il parvient toujours à nous convaincre de ne rien retoucher. En studio, il est toujours possible de maquiller les imperfections. Mais Rudy possède cette faculté de capter l'énergie au bon moment. Pourtant, cette technique n'est pas du tout facile à appliquer. Surtout pour le chanteur. Lorsqu'on se retrouve seul, avec juste une guitare derrière, ce n'est pas évident. Parce qu'il faut pouvoir se regarder, s'entendre. Mais lui, il sent les choses… L'enregistrement n'a d'ailleurs duré que trois à quatre semaines. Nous n'avions pas vraiment davantage de temps, parce qu'on a effectué énormément de prises 'live'. Et puis la philosophie de Rudy se résume à trois prises maxima. Il estime que lorsqu'on en consomme davantage - et il n'a pas tort - on perd quelque chose. Trois prises parmi lesquelles on choisissait celle qui nous plaisait le plus. Finalement, un processus très simple… Donc, dans cette optique, la collaboration a vraiment été très enrichissante. Ce type possède une énorme expérience studio. C'est un musicien hors pair. Il nous a appris quelque chose en tant que musiciens ; mais surtout il possède des qualités humaines très développées. Donc ce fut un vrai bonheur de travailler avec lui… "

Le climat du nouvel opus est empreint d'une mélancolie douce. Et à l'écoute de 'Chemicals', on ressent même une grande tristesse. Cette chanson serait-elle le reflet d'une angoisse ou tout simplement un exutoire ? " Rien que de la jouer ou de la chanter est déjà un exutoire. Après deux ans d'interrogations, nous avons commencé à avoir quelques idées noires. Et on s'est dit qu'on allait les refléter, non pas sur papier ou sur pellicule, mais à travers notre musique. Il n'était pas question de tricher. Nous n'allions pas chanter 'Love me do' à ce moment là ! (rires) En effet, tout l'album est empreint de mélancolie douce… " Même le single 'Today', dont le format pop allègre pourrait faire croire qu'il s'agit d'un titre abandonné du premier elpee. " En fait, après l'aspect très mélancolique de 'Sense of me' et de 'Chemicals', on a voulu opérer une forme de contradiction. Un peu comme si après une énorme déception, on avait envie d'avoir un déclic, de communiquer quelque chose qui balance un petit peu en te disant : 'Ca va aller, quoi !' Et à contrario les paroles sont restées très désenchantées : 'Aujourd'hui ça ne va pas et tout tourne de travers…' On essaie d'être positifs, malgré la douleur. Il y a un peu de cynisme là-dedans. Lorsque tu es dans le trou, parfois tu te dis que tu vas remonter. Ca marche 5', 10', une semaine, un mois. Mais au bout du compte tu es quand même rattrapé par le problème, tant que tu ne l'as pas résolu… " Deux chansons portent le même titre : 'Debbie & Charlie'. La seconde est cependant sous-titrée 'the true story'. Pourquoi ? La première ne refléterait donc pas la réalité ? " En fait la première est une prémonition. Mais tu ne préfères pas y penser. Et lors de la seconde, les événements se produisent. Ce qui explique pourquoi le final est différent… "

Lors de la lecture de la biographie consacrée au groupe, quelle n'a pas été ma surprise de lire que pour enregistrer 'A life on standby' Mud Flow avait lorgné vers Coldplay, Radiohead, King Crimson ou encore Pink Floyd. J'ai eu beau chercher, franchement, je n'ai pas trouvé. Sous la forme du concept album, peut-être. Maintenant, ces références sont peut-être bien cachées. Une question qui méritait donc d'être posée. " Nous vivons dans une époque au cours de laquelle les gens écoutent Coldplay et Radiohead. Nous aussi. Pink Floyd est un groupe qui nous a influencés. On ne peut le nier. Donc quelque part, ces empreintes sont marquées inconsciemment au plus profond de nous-mêmes. Et à un certain moment, elles reviennent à la surface, dans notre musique. Maintenant, il est vrai que ce type de comparaisons est un peu généraliste… " Mais revenons un peu à cette notion de concept album. Parce que finalement, toutes les compositions tournent autour d'un même thème. Hormis, 'New Eve', la plage finale qui, toujours selon la bio, donne un avant-goût de la nouvelle orientation musicale que devrait emprunter Mud Flow, dans le futur. " Il est exact que le disque constitue, en quelque sorte, un concept. Parce qu’on y raconte une histoire. Maintenant je ne sais pas si 'New Eve' reflète notre future direction musicale. Une ouverture symbolique vers le futur, d'accord. Il s'agit d'un générique de fin, car l'elpee se termine clairement par 'Song 1'. Cette composition sonne la fin de l'histoire. 'New Eve' symbolise le renouveau. La vie après la vie. Enfin, l'image qu'elle incarne. Le voyage intérieur. Mais aussi vers d'autres sphères… " Une chose est sûre, ce morceau final, 'Five against six' et 'Tribal dance' réveillent en mon fors intérieur le mouvement arty, atmosphérique et ténébreux qui a sévi, voici une vingtaine d'années en Angleterre ; et au sein duquel brillaient des formations telles que Sad Lovers & Giants et surtout And Also The Trees. Je voulais donc en avoir le cœur net ! " Hallucinant ! Oui, tu as tapé dans le mille. On a joué sur les ambiances et le phrasé de guitare utilisés par And AlsoThe Trees à cette époque. En fait, l'empreinte qu'avait laissée le groupe au plus profond de nous-mêmes, est revenue à la surface. Nous en avons seulement causé lors d'une autre interview accordée au cours de cette journée. Mais à notre initiative. Parce que personne ne nous en avait encore parlé… " Des plages au cours desquelles, la basse suit la mélodie, à l'instar d'un SL&G. Blazz s'en explique. " Ta réflexion est tout à fait intéressante. Personnellement, c'est une règle à laquelle j'ai toujours été attentif. La mélodie est la base d'une composition. Et puis, il y a tout ce qui tourne autour qui vient renforcer cette mélodie, la soutenir, l'accompagner. Mais il est exact que pour certains morceaux, on entend nettement que la basse suit davantage la mélodie aussi bien au niveau rythmique qu'au niveau harmonie… "

La scène pop/rock belge est en pleine effervescence : Girls in Hawaii, Sharko, Hollywood Porn Stars, Adrian Bouldt, Showstar, et j'en passe… et maintenant Mud Flow. La plupart de ces groupes ont le potentiel pour réussir en Belgique ; mais aussi et surtout pour percer à l'étranger. Mais qu'est-ce qu'il leur manque pour y parvenir ? La réponse fuse : " De bonnes critiques dans les journaux ! (rires) Les moyens. Les structures. Les moyens surtout. En France tu peux faire 500 dates. En Belgique : 5. Ou alors tu joues chaque fois à 10 km. Là se situe le problème. Et puis, les artistes belges ne sont pas suffisamment confrontés aux autres. Aux artistes étrangers qui ont l'habitude de se mesurer à de très grosses pointures. C'est ce qui leur manque pour acquérir une certaine expérience. Mais en règle générale, j'attribuerai la responsabilité à la carence des structures, des moyens… " Mais alors comment comprendre que dEus, qui relevait alors de Bang, est parvenu à faire son trou à l'étranger ? " Tout arrive ! Mais depuis, qu'ils sont passés chez un major, ils ne font plus grand chose. Par rapport au phénomène dEus, il faut également tenir compte de paramètres qu'il n'est pas possible de gérer. Bang avait quand même injecté d'énormes moyens pour ce groupe. En outre, il s'agit d'une formation flamande. Et en Flandre, la promo prend des proportions toutes autres qu'en Wallonie. Surtout dans le domaine de l'exportation. Lorsqu'on voit l'investissement qui a été consacré à la dernière tournée de Soulwax, c'est effrayant. Ce type de financement est planifié comme dans une entreprise. En ce qui nous concerne, nous avons la chance de disposer d'une structure tout à fait fiable qui nous fait confiance. Un fait assez rare en Wallonie pour le souligner. D'autant plus que le politique n'a rien trouvé de mieux que de retirer le pain de la bouche aux structures indépendantes du Sud du pays. Merci Monsieur Ducarme ! (NDR : pour sa contribution ?) Parce que non seulement nous pouvons compter sur des personnes qui nous suivent dans ce projet, mais en plus elles chapeautent le tout et nous financent. Il est évident que le talent musical a également son importance. Encore qu'il s'agisse d'un terme difficile à définir. Mais, il n'y a rien à faire, on peut disposer de la meilleure structure et bénéficier de la meilleure promo, si la musique n'est pas bonne, on n'ira pas très loin… D'un autre côté, si personne ne nous entend, c'est un coup dans l'eau. Il faut trouver le juste équilibre… "

Le revivalisme 'garage' ne botte pas tellement le trio. A la limite, ce mouvement les horripile. " Ce genre de truc nous fait c****. C'est encore un stratagème monté par les majors. Les Strokes devenus rentables, ils ont décidé de mettre plein de pognon sur 200.000 groupes du même style. Sans prendre de véritable risque. Le problème c'est que ce choix épuise la manne qui aurait pu permettre d'explorer les filons intéressants. C'est un effet de mode. Les fringues, l'attitude, avant la musique. Il exact qu'il existe de bonnes choses sur cette scène, en dessous des sofas et des cendriers remplis. Comme les White Stripes, par exemple. Parce qu'ils étaient là avant les autres. Mais on ne peut pas supporter ces groupes qui copient l'attitude des groupes des années 70. Qui s'habillent de la même façon. Qui tiennent leur micro de la même manière. C'est un manque flagrant de personnalité ! Je ne dis pas que c'est parce que nous sommes en 2004, qu'il faut adopter un mode de vie hypertechnologique. Là n'est pas la question. Mais quel est l'intérêt d'aller reproduire quelque chose qui a été fait à cette époque. Cela ne durera pas. Et quand on nous bassine que le punk revient, on a envie de rigoler. Nous ne sommes plus en 1978 ! Les groupes punk des années 90 n'ont rien à voir avec ceux des années 80, ni avec ceux des 70's… " De technologique à électronique, il n'y a qu'un pas… qu'il suffisait de franchir. " Il existe des choses très intéressantes dans le domaine de la musique électronique. Boards Of Canada, par exemple. Mais elle souffre parfois d'une carence de mélodie, d'harmonie, de développement interne. Surtout pour écouter chez soi. Enfin, c'est un point de vue de musicien. Maintenant, en soirée, lorsqu'on est à fond dedans, c'est totalement différent. C'est l'aspect analogique de la musique électronique qui nous passionne le plus. Du style fin des années 70 et 80. Pas ce qui touche aux PC. Et ce qui est également chouette, ce sont ces artistes qui réalisent l'intégration (NDR : de la musique dite hybride !), tels que White Birch ou Cinematic Orchestra… "

 

 

vendredi, 09 juillet 2004 05:00

L humour danois

Dans l'histoire du rock on avait déjà connu des paroliers qui se consacraient exclusivement à l'œuvre d'un groupe. Pete Sinfield au sein de la première mouture du King Crimson et Keith Reid pour le Procol Harum en sont les plus parfaits exemples. Mais la principale compositrice d'un groupe qui ne joue pas (ou presque jamais) en 'live', est à ma connaissance un événement totalement inédit. Katrine Stockholm incarne donc ce nouveau concept pour la formation danoise Under Byen. Un ensemble constitué de huit musiciens responsable à ce jour de deux albums ; mais surtout un groupe dont la musique navigue quelque part entre jazz, folk, pop, rock, classique et trip hop. Le violoniste Nils Grondahl et le percussionniste Anders Stockholm (NDR : oui, oui le frère de Katrine ! Une famille apparemment très impliquée dans la musique, puisqu'il existe un autre frangin qui conduit ses propres projets) ont bien voulu lever un coin du voile du mystère Under Byen…

En fait, le groupe s'est habitué progressivement à cette situation. Nils explique : « Au départ Katrine se produisait encore en compagnie du groupe, au Danemark. Mais lors du dernier festival de Rockslide, il n'a pas été possible de l'intégrer au line up, parce que nous n'avions pas eu le temps de répéter. Ainsi on a de plus en plus l'habitude de jouer sans elle. Et puis elle n'aime pas trop le 'live' ; et encore moins se rendre à l'étranger. Pour nous, c'est tout à fait le contraire. Finalement la formule marche plutôt bien. Nous sommes nombreux et il faut qu'il y ait une place pour tout le monde… » Un ensemble up qui recèle donc un violoniste et un percussionniste, mais aussi un claviériste/pianiste, un drummer, une bassiste et une violoncelliste. Qui se partagent également une foule d'instruments dont les percussions, le mélodica, les claviers, l'ukulélé, le trombone, la lapsteel, la scie et autres éléments insolites ou issus de la technologie moderne. Sans oublier la chanteuse, Henriette Sennenvaldt, responsable des lyrics. Des lyrics qu'elle chante d'une très belle voix, dont le timbre velouté, sensuel, rappelle Björk. Mais auxquels on ne comprend strictement rien (NDR : à moins de pratiquer le danois !), même si on a l'impression qu'elle tente de nous mettre dans la confidence. Anders en remet une couche : « Même Danois, il faut se concentrer pour comprendre ce qu'elle raconte. C'est la raison pour laquelle, on a reproduit les lyrics à l'intérieur du booklet. Ce ne sont pas les textes qui sont confidentiels, mais la forme qu'elle utilise pour les exprimer… » Mais le langage utilisé n'est-il pas, quelque part, une barrière pour la musique d'Under Byen ? Nils s'en défend : « Henriette se charge des textes. En danois. Pourtant on s'est rendu compte que le public en retirait quelque chose, même s'il ne comprend pas les mots. L'histoire qu'elle raconte est une expérience à la fois intéressante et amusante pour nous. Lorsqu'on voit la réaction de ce public, nous en sommes convaincus. Bien sûr, le contenu des textes leur échappe. Mais la manière de plaquer ses mots sur la mélodie et le rythme produit son effet. » Une forme que le groupe juge très humoristique. Nils justifie : « En fait les lyrics ne sont pas du tout drôles. Ni la musique d'ailleurs. Qui peut parfois paraître mélancolique, mélodramatique. Et l'humour vient de ce contraste entre ce que nous jouons, et la manière dont nous jouons. Si tu nous observes sur les planches, tu remarqueras qu'on n'est pas du style à se mettre à pleurer… »

Pas de guitariste chez Under Byen ! Et le groupe n'a pas l'intention d'engager ce type de musicien. En fait, à l'origine il y en avait bien un, mais pas de bassiste. Anders explique : « Nous nous sommes rendus compte que notre musique ne nécessitait pas de guitariste, mais bien d'un bassiste. Et puis la six cordes peut être aisément remplacée par une scie, un violon, un violoncelle, un piano ou un orgue. » Et Nils d'embrayer : « Nous n'avons jamais dit que nous ne voulions pas de guitare, mais pas de guitariste. La plupart des musiciens du groupe sont capables d'en jouer, mais nous n'y avons recours que lorsque c'est nécessaire. La guitare n'est pas une priorité ». Anders reprend le crachoir : « Lors de l'enregistrement de notre nouvel album à Bruxelles, que nous avons réalisé il y a deux semaines, nous avons ainsi eu recours à la guitare, parce que nous en avions eu besoin. » Mais quel est le dénominateur commun au sein de la musique d'Under Byen : la voix, la basse ou le piano ? Nils répond : « Tous les instruments peuvent jouer ce rôle, même la batterie. Evidemment, les compositions sont écrites au piano par Katrien et Thorbjorn. Et lorsqu'on joue, les autres instruments viennent renforcer cette ligne. A un tel point qu'il est difficile de reconnaître quel est l'instrument qui est utilisé. » Anders confirme : « Nous prenons tous notre part de responsabilité. Parfois elle relève davantage des cordes, de la basse ». Et Nils d'admettre : « Il est exact que le piano constitue le point de départ. Mais nous voulons parvenir à un ensemble. Pas mettre le piano au centre et venir broder le reste autour. Avant on faisait cela. On essaie de transformer le tout pour le rendre organique. Chaque élément à sa place dans son tout. S'il manquait un élément, ce ne serait pas la même chose.»

Pour enregistrer leur premier elpee, Under Byen avait reçu le concours de Manne Von Ahn Öberg, mieux connu pour avoir travaillé en compagnie de Stina Nordesntam, à la production. Plus de trace de Manne, lors de la mise en forme sur ce 'De ter mig der holder taeerne sammen'. Les mauvaises langues ont insinué que la formation avait opéré ce choix, pour ne plus entendre parler de comparaison avec la musique de Stina. Nils réagit : « Non, ce n'est pas pour cette raison ! Il en existe des tas d'autres, mais la principale est qu'il est difficile de travailler en compagnie de son équipe. » Et Anders de clarifier : « Au début, nous n'avions pas trop confiance en nous pour opérer ce travail de production. Pour le deuxième, on a voulu tirer notre plan en se disant qu'on verrait bien quel en serait le résultat. » Anders avoue : « Notre collaboration avec Manne a été très fructueuse. Il est parvenu à nous ouvrir des tas de perspectives. Et au fil de l'enregistrement de l'album on a pris confiance et on s'est dit que finalement, à l'avenir, nous n'aurions plus besoin de lui pour la production. Nous ne le renions pas. Nous avons beaucoup appris en travaillant sous sa houlette » Anders ajoute : « Nous sommes nombreux au sein du groupe. Et en apportant chacun leurs idées, toutes les personnes qui constituent le groupe peuvent le remplacer… » Pour en revenir aux comparaisons, que pensent-ils de celles que les médias ont établies entre leur groupe et Björk, Sigur Ros, Portishead ainsi que Stina Nordenstam ? Anders confesse : « Pour enregistrer notre premier album, on a puisé des idées chez Stina. Parce que nous aimions bien l'album produit par Manne. Personnellement, c'est un compliment d'être comparé avec ces artistes… » Nils rétorque : « La musique de Sigur Ros est totalement différente de la nôtre, même s'ils font des choses qu'on fait aussi un peu. Je les apprécie cependant beaucoup. Mais je ne vois pas le rapport. Peut-être parce qu'ils sont scandinaves comme nous ! Il existe peut-être une tonalité que les gens de l'extérieur perçoivent, mais pas nous… »

Plusieurs musiciens de groupe ont déjà participé à la confection de bandes sonores cinématographiques et théâtrales. A la fois des exercices de style et un divertissement. Nils explique : « Il est très excitant de travailler dans d'autres contextes. On est venu, à plusieurs reprises, nous voir pour faire tel type de travail. Et on l'a fait. Ce qui nous permet de se fixer d'autres objectifs que ceux inhérents au groupe ». Anders insiste : « C'est un boulot difficile, mais on y prend son pied. En fait quand vous travaillez pour d'autres personnes, le cadre est défini et vous rencontrez des contraintes qui ne sont pas nécessairement les vôtres. Dans le domaine créatif, cette approche peut être intéressante. C'est cette faculté d'adaptation qui peut être enrichissante dans le processus créatif. Travailler dans l'art de l'autre. Mais nous, on voudrait travailler comme nous l'entendons. Et dans le futur, ces collaborations s'effectueront comme nous le souhaitons, suivant nos propres critères… » En compagnie d'un orchestre symphonique ? Les deux interlocuteurs n'y sont pas opposés. Nils avoue : « Franchement je n'y avais jamais pensé. Mais pourquoi pas ? » Anders concède : « Nous avons déjà joué en compagnie d'une fanfare, et cette expérience m'a parue très intéressante. Mais je crains que le nombre de personnes qui compose le groupe ne rende cette expérience difficile. Ne fut-ce que pour voyager. Voyager à 2, à 8 ou à 50, ce n'est pas la même chose… » Nils tempère : « Avant de se lancer dans un tel projet, il vaut mieux d'abord faire le tour des nôtres. Nous avons tellement de choses à défricher, que je cette expérience n'est pas encore à l'ordre du jour. Notre objectif, pour l'instant, est de jouer dans Under Byen. Mais il est intéressant de constater qu'il y a toujours de nouvelles portes qui s'ouvrent… »

En 2002, plusieurs membres du groupe ont été invités par Howe Gelb à jouer sur son album ‘The listener’. Comment une telle histoire a pu se produire ? Nils raconte : « En fait, à cette époque, Howe Gelb vivait à Aarhus. Là où nous habitons. Il y est toujours d'ailleurs. Son épouse est danoise. Et elle devait alors donner naissance à leur deuxième enfant. Il est venu assister à un de nos concerts, et à l'issue de celui-ci, il est venu nous demander si nous pouvions jouer en sa compagnie. En fait, il demande un peu à tout le monde de jouer avec lui. Et il faut avouer qu'on le connaissait très peu. Je sais qu'il jouait chez Giant Sand, mais je suis incapable de citer le titre d'un de ses disques. Il y en a un que j'apprécie beaucoup, très agressif, sur lequel il joue uniquement en compagnie d'un drummer, mais j'ai oublié son nom (NDR : ‘Long Stem Rant’ en 1989, commis en compagnie de John Convertino). Certains d'entre nous ont donc participé à des sessions live… » Anders commente : « Je connaissais le nom du groupe, mais pas sa musique. A l'époque, lorsqu'il a enregistré ‘The listener’, on ne se doutait pas que ces sessions allaient devenir un album. Nous avions simplement été en studio pour l'accompagner sur quelques chansons. C'était une fameuse surprise. Une bonne surprise… »

Merci à Vincent Devos

vendredi, 31 décembre 2004 04:00

Nous ne sommes pas nés à la bonne époque...

Auteur d'un excellent premier album (" If we can't trust the doctors… "), mais surtout responsable d'une prestation 'live' époustouflante, accordée lors de la dernière édition du Pukkelpop (voir review en ces pages), Blanche nous vient de Detroit. Drivée par Dan et Tracee Miller, cette formation bénéficie du soutien inconditionnel de Jack White, le leader des White Stripes. Ils ont d'ailleurs joué ensemble au sein de Goober & The Peas et sont demeurés d'excellents amis. Mais Blanche constitue un drôle de patronyme pour un groupe, même s'il pratique ce qu'on appelle de la country alternative. Rien à voir cependant avec la marque d'une bière belge si caractéristique ni avec une quelconque potion thérapeutique, comme le suggère le dos de la pochette. Le couple a tenu immédiatement à éclaircir la situation…

Dan s'explique : " Aux States, Blanche est un prénom féminin tombé en désuétude. C'était celui de Blanche Dubois, une actrice qui jouait dans le film mythique 'Un tramway nommé désir'. Un long métrage qui date de 1951, au sein duquel jouait également Marlon Brando. L'histoire a été écrite en 1947, par Tennessee Williams, un grand écrivain américain que nous apprécions beaucoup. Mais il n'a acquis sa popularité que grâce à la transposition de sa pièce au cinéma. L'origine du nom procède donc de cet épisode de l'histoire. C'est un peu comme si nous remontions dans le temps. En fait, nous ne voulions pas que ce patronyme fasse immédiatement penser au blues ou à la country. Qu'en le lisant ou en l'entendant, le public ne puisse nous coller une étiquette. Nous avons voulu lui donner une signification plus abstraite, qui ressemble à notre musique un peu triste, un peu décalée… " Dan n'est pas seulement musicien, il est aussi acteur de cinéma. Dans le passé, il a ainsi joué quelques seconds rôles. Mais il vient de terminer le tournage d'une superproduction consacrée à la vie de Johnny Cash. Il y incarne le rôle du guitariste Carl Perkins. Il commente : " Il s'agit du premier grand film au sein duquel je joue. Une super expérience. Mais j'ai vraiment été surpris et heureux d'apprendre que j'avais été choisi pour ce rôle, par Johnny Cash lui-même, avant qu'il ne meure. En concertation avec June Cash et le réalisateur, qui était très proche de la famille. Ce film rend hommage à l'artiste, mais laisse une sensation de malaise, car il décrit sa vie troublée. C'est un film sombre qui n'a rien à voir avec les productions hollywoodiennes. Le plus difficile pour moi fut de rester calme. Car quand je chante ou je joue, je libère beaucoup d'énergie. Alors que Perkins était plutôt un personnage paisible, qui restait pratiquement immobile. Donc il a fallu que je m'habitue à ce rôle, et que je m'en souvienne. C'est un honneur pour moi d'avoir pu jouer ce personnage, car si pour certains leur 'guitar hero' répond au nom de Jimmy Page ou Jimi Hendrix, le mien est tout simplement Carl Perkins… "

Le groupe cultive une imagerie un peu passéiste. Le nom du groupe en est le premier signe distinctif. Le booklet de leur album et le look affiché sur les planches en sont les suivants. Une imagerie qui évoque les années 40. Eisenhower. Tracee confesse : " J'en suis la première responsable. J'admets le stéréotype. Mais j'ai le sentiment de n'être pas né à la bonne époque. Il y a longtemps que mon cœur et mon âme hantent les années 40. J'essaie de répercuter cette impression à travers ma manière de chanter, de m'habiller, d'interpréter notre musique… " Une attitude qui semble très importante au sein du groupe. Dan confirme : " Oui, l'attitude est vraiment très importante. Cette musique est quelque chose qu'on a tous décidé ensemble. Parce qu'elle procède d'une même inspiration. Toute la musique que nous aimons depuis si longtemps. On la respire lorsqu'on est sur scène. Nous attaquons nos concerts avec une pêche d'enfer tout en soignant notre partie vestimentaire, pour que les gens se souviennent de nous… " La formation aime reprendre de vieux standards de la musique country. Mais sous une version toute personnelle. Sur leur premier opus figure ainsi l'adaptation du 'Wayfaring stranger' de Bill Monroe. Un exercice de style que Blanche semble apprécier tout particulièrement. Dan admet : " C'est une manière de se connecter au passé. Car cette musique a tellement de signification pour nous. Dès que j'ai entendu cette chanson pour la première fois, j'ai considéré qu'elle était la plus belle. J'ignorais qu'il y avait tant de monde qui l'avait reprise. Dans une époque où tout est jetable, il est intéressant de constater qu'un groupe contemporain puisse ressusciter une chanson qui fait partie du patrimoine. Et en fait, c'est ce type d'initiative qui permet de maintenir la tradition vivante. Peut-être que d'ici quelques années, quelqu'un écoutera notre version et en fera sa propre adaptation. Notre but est d'apporter une touche personnelle aux morceaux traditionnels, tout en conservant l'esprit de la chanson… " Et Tracee d'ajouter : " Lorsqu'on interprète ce type de composition, c'est un peu comme si on rentrait à la maison. On y respire une certaine forme de sérénité. On y goûte un sentiment de beauté, de vérité… "

La musique de Detroit véhicule une réputation de violence, de férocité, d'énergie et de puissance. Pensez à des légendes telles que MC5 ou Stooges. Or, Blanche pratique une forme de country alternative. Qui ne maque pas de punch, mais qui dénote au sein de cet univers plutôt métallique. Comment l'éclosion d'un tel groupe a-t-il pu se produire dans de telles conditions ? Tracee explique : " Il y a quelques années, on a assisté à un flux migratoire du Kentucky et du Tennessee vers Detroit. Pour y travailler. Au départ, cette population s'est installée sans leur famille. Mais en dépit de la délocalisation, elle a conservé ses racines sudistes. Aujourd'hui, à Detroit, il existe une très grande communauté issue de ces migrations. Et nous, dès notre plus jeune âge, nous avons été confrontés à ce phénomène… " Dan ajoute : " Quand on mélange ces vielles traditions roots avec le rock plus métallique, on retrouve ces mêmes caractéristiques 'punchy' qui existent dans le blues, le folk ou la country ; mais de notre côté, nous avons voulu conserver l'aspect plus triste des vieilles mélodies… " Une affliction qui est également le fruit de pénibles épreuves traversées par le groupe au cours de la confection de l'album. Et qui naturellement transpire à travers quelques chansons plus dépressives. Qui parlent de suicide, de meurtre ou encore de ruptures. Dan le reconnaît : " Lorsqu'on traverse des moments aussi douloureux dans la vie, on se connecte avec de vielles chansons, qui sont d'une certaine manière réconfortantes. Et le fait de les chanter est une forme de consolation. On essaie d'ajouter un peu d'humour dans ces compositions poignantes, pour essayer de faire face à ces moments difficiles. C'est aussi une manière d'exorciser les aspects mélancoliques de notre personnalité… "

A l'instar de 16th Horsepower, Blanche est le fruit d'un mélange entre les mélodies appalaches et le son gothique sudiste. 16th Horsepower est même une référence de choix pour le groupe. Dan acquiesce : " Oui, nous aimons beaucoup 16th Horsepower. La plupart des groupes qui pratiquent une musique semblable à la nôtre, puisent leur inspiration dans les années 30 et 40. Aussi bien Handsome Family que 16th Horsepower. Ces sont ces deux formations qui nous donnent le courage d'interpréter des morceaux plus calmes. Leur musique est belle et mélancolique et nous voulions intégrer cette beauté et cette mélancolie dans la nôtre. Mais nous voulions aussi qu'elle soit plus puissante. Et je reconnais que 16th Horsepower y est parvenu avant nous. Et observer comment un tel groupe est capable de réaliser cet objectif est une espèce de challenge pour nous. Heureusement, je pense que nous sommes sur la bonne voie. C'est un peu comme si nous étions dans un laboratoire et qu'on préparait une décoction. Au cours des premières années d'existence du groupe, nous n'avions pas trouvé les bons ingrédients. Mais depuis que nous les avons trouvés, la formule marche… " Blanche a justement tourné en compagnie du légendaire Handsome Family, l'an dernier. Notamment en Angleterre. Une fameuse expérience qui laisse cependant des sentiments mitigés chez Dan : " Une fantastique aventure, mais frustrante en même temps. Parce que le chanteur est tellement bon que c'est humiliant pour nous. Leur capacité à interpréter un répertoire aussi intimiste est un modèle. En fait, ils jouent ce qu'on aime ; et démontrent qu'il n'est pas nécessaire de jouer du rock'nroll pour gagner l'estime du public. Mais il est vrai que le public européen est plus réceptif à ce type de musique plus subtile… " A propos de timbre vocal, celui de Dan me fait parfois penser à celui de Stan Ridgway (Wall Of Voodoo). Vu l'ouverture d'esprit de Dan, je n'ai pu m'empêcher de lui faire la réflexion. " Même s'il pose un regard différent que le nôtre sur le monde contemporain, il aime la vielle musique country. Il possède aussi une voix nasillarde. C'est donc probablement vrai… "

Sur l'elpee on retrouve une cover de Gun Club, 'Jack on fire', une composition qui avait été retenue pour figurer sur un tribut consacré à feu Jeffrey Lee Pierce. Dan adore l'œuvre du combo texan. Mais pourquoi avoir choisi ce titre ? Dan confie : " J'ai toujours aimé la rage du désespoir de Gun Club. Et en écoutant 'Jack on fire', c'est comme si je me trouvais dans une voiture au sommet d'une falaise, en me demandant si j'allais m'écraser. J'ai rencontré Jeffrey un an avant qu'il ne décède. A cette époque, il était occupé de s'éteindre. Il était vraiment mal en point. Et j'étais assez triste de le voir dans cet état. C'était un artiste très talentueux… " Sur la flip side du single 'I don't know what to do with myself ' des White Stripes, figure une cover de Blanche, 'Who's to say', plage reprise sur l'opus 'If we can't trust the doctors'. Et Jack White a participé à l'enregistrement de cet elpee. A son tour, pourquoi Blanche ne pourrait-t-il pas aussi reprendre un titre des White Stripes ? Dan tempère : " Nous avons adapté une compo de Gun Club, parce qu'on nous l'avait demandé. Pour opérer ce type d'approche, il faut une raison ! Et lorsqu'on m'a proposé d'interpréter 'Jack on fire', je me suis demandé comment on allait se débrouiller pour y parvenir. Comment on aurait pu l'améliorer. On a donc décidé de l'aborder sous la forme d'un duo entre Tracee et moi, afin de lui procurer une autre tonalité. Mais pour y parvenir, ce ne fut pas facile. Aussi, si on décide de s'attaquer à une chanson du répertoire des White Stripes, il faudra trouver un autre chemin, car ce qu'ils font est tellement bien… " Evidemment, en abordant le cas Jack White, il était impossible de passer à côté de l'épisode au cours duquel il a abîmé le portrait de Jason Stollsheimer, le leader des Von Bondies. Un épisode qui a bien fait rire Dan. " D'une part, il l'avait bien cherché et d'autre part il s'y attendait. Encore qu'il ne pensait pas à un tel accueil. Mais juste après l'altercation, il a convoqué la presse pour qu'on le prenne en photo. Donc, il n'était pas aussi blessé qu'il le prétendait. Et de toutes manières, ces empoignades sont fréquentes à Detroit. Alors je ne vois pas pourquoi il fallait enfaire tout un plat… "

'If we can't trust the doctors' a bénéficié de la production de Warron Defever, la tête pensante de His Name Is Alive. Il a beau être issu du Michigan, on ne peut pas dire que sa musique épouse une quelconque forme country. Dan réagit : " Je pense que le courant est bien passé entre nous. Son œuvre reflète une forme de beauté tranquille. Il était très intéressant de travailler sous sa houlette, car il est fort branché sur la musique démodée, tout en parvenant à y ajouter une pincée de spleen. Et c'est ce qu'il a compris chez nous. Il est expert dans l'utilisation des vieux microphones. En outre, il est très compétent dans le domaine technologique. Car nous ne voulions pas sonner comme à cette époque là, mais simplement en conserver le feeling nostalgique…"

Merci à Vincent Devos.

 

Plus de trente ans après leur séparation, les Zombies ont donc décidé de se reformer. Enfin, pas tout à fait, puisque du line up initial, il ne subsiste plus que Colin Blunstone et Rod Argent. D'ailleurs pour enregistrer leur nouvel album, " As far as I can see… ", le duo a pris le soin de lui attribuer pour patronyme : " Colin Blunstone & Rod Argent / The Zombies ". Ce qui méritait une explication…

Tout a (re)commencé le 25 novembre 1997. Le groupe avait été invité au vernissage de la sortie de leur deuxième box, consacré à tout ce qu'il n'avait jamais été enregistré à ce jour. Au Jazz Café de Londres. Colin raconte : " Après une longue période de retraite, j'avais déjà recommencé à me produire en 'live'. Au sein de ma propre formation. Et j'ai joué dans ce club. Tous les autres membres des Zombies étaient présents dans le public. A un certain moment, Mc Namara, présentateur TV emblématique, a décliné notre présence au sein de la foule. Et a précisé qu'il serait flatté de nous entendre jouer. Nous nous rencontrions de temps à autre, mais nous ne nous étions plus produits ensemble depuis 1967. Et en montant sur scène, je ne savais toujours pas si nous allions jouer ou tout simplement saluer le public. Et encore moins ce que nous allions interpréter. Et puis, naturellement, on a choisi 'Time of the season' et 'She's not there'. Le résultat fut probant. Et nous en étions les premiers étonnés… "

En 2001, Argent et Blunstone se sont alors réunis pour enregistrer un album (‘Out of the shadows’) et dans la foulée, ont accompli une très longue tournée. Rod explique : " Au cours de ce long périple, nous avons pris notre pied en compagnie du groupe avec lequel on était partis. Mais on a aussi beaucoup bossé. 'As far as I can see…' est le résultat de trois ans de travail. C'est en réécoutant les pistes de cet album, que nous avons commencé à réaliser que ces chansons possédaient une telle légèreté dans les harmonies, dans les mélodies, qu'il serait honnête de leur attribuer une certaine paternité aux Zombies. Notre démarche ne s'est donc pas limitée à reformer les Zombies en nous demandant quels musiciens nous allions engager. Au cours de ce long périple, nous avions reçu le concours d'un quatuor à cordes. Et on estimait que les chansons ressemblaient très fort à ce que nous faisions avant. Cette idée est venue de manière naturelle et certainement pas calculée… " Et Colin d'ajouter : " Nous en avions discuté avec les anciens membres du groupe, et le projet n'a suscité aucune contestation. Ils étaient même favorables à notre initiative. Malheureusement, Paul (NDR : Atkinson, le bassiste) est décédé peu de temps avant l'enregistrement de l'elpee " Rod s'épanche : " Quelques mois avant sa disparition, un concert avait été organisé en son hommage, à Los Angeles. Pour lui et sa famille. Il savait qu'il était condamné. On y est allé. On a joué. Parmi les invités il y avait Brian Wilson, Bruce Hornsby, Mickey Thomas de Starship, et bien d'autres. Ce fut une super soirée. Nous avons interprété trois chansons. Paul est monté sur scène. Avec un baxter pour soulager sa souffrance. Il a joué sur 'Time of the season' et 'She's not there'…"

Sur le nouvel opus, Chris White est pourtant venu donner de la voix. Mais pas de trace de Hugh Grundy aux baguettes! Une question qui méritait donc d'être posée. Colin se justifie. " Il y a trop longtemps que Hugh et Chris sont déconnectés du circuit musical. Pour Chris, son concours aux backing vocaux ne posait guère de problème. Il a donc collaboré à trois titres. " Un album qui a également reçu le concours du London Session Orchestra. Au sein des studios 'Air' ! Normal, puisque le beau-frère de Rod en est l'ingénieur du son. " Pour l'enregistrement des cordes, les deux meilleurs studios sont Abbey Road et Air. Et connaissant ses compétences, je souhaitais que ce soit lui qui effectue le travail. C'est la raison pour laquelle on a choisi cet endroit. "

Les Zombies ont vendu plus de 2.000.000 d'exemplaires de la chanson 'Time of the season' ; et 'She's not there', un hit qui a été repris à de multiples reprises (NDR : souvenez-vous de la célèbre adaptation de Santana), a été numéro un aux States. En extrapolant, on imagine que ces deux titres constituent les principales sources des royalties récoltées par nos deux comparses. La conversation s'anime. Colin acquiesce. Rod pas. " J'ai écrit ces deux chansons. Au sein du vieux catalogue, elles produisent incontestablement le plus de royalties. Et il existe des droits pour les jouer sur scène. Mais au cours de ces 25 dernières années, j'ai écrit de nombreuses bandes sonores pour le cinéma et la TV. J'ai également produit toute une série d'albums, dont 'Ancient heart' et 'Sweet keeper' de Tanita Tikaram. Ces deux elpees se sont vendus à plus de 6.000.000 d'exemplaires. Et donc, je gagne ma vie rien qu'avec les royalties de la vente de ces deux disques… " Récemment 'She's not there' a été inclus dans la B.O. du film de Quentin Tarantino, 'Kill Bill II'. Mais leur plus illustre collaboration remonte à 1965, lorsqu'ils ont contribué à la bande sonore du film d'Otto Preminger, 'Bunny lake is missing'. Une aventure qui les a quand même marqués. Colin se remémore : " Otto Preminger était un type extrêmement difficile, agressif, irritable. Il était capable de faire pleurer les gens qui travaillaient sous ses ordres. " Et Rod d'en remettre une couche : " Je me souviens que lors du tournage, il m'avait adressé une réflexion très grossière. Et comme nous ne dépendions pas de lui pour gagner notre vie, je l'ai invité à cesser de me parler sur ce ton. Et il s'est mis à rire. Après cet épisode, il s'est montré sympathique. Je pense que pour avoir un bon contact avec lui, il valait mieux dire les choses en face ; à condition que ce ne soit pas ton employeur " (rires)

Ce fameux 'She's not there' repris entre autres par Santana et Urge Overkill, avait été enregistré sous la houlette de Ken Jones et surtout de Gus Dudgeon. Ce dernier deviendra un producteur célèbre ; en travaillant notamment pour Elton John et XTC. Colin se souvient de cet épisode du12 juin 1964 : " Lors des premières sessions consacrées à l'enregistrement de cette chanson, le premier était si pété, qu'on a dû le transporter à l'extérieur. Avant qu'il ne fasse des dégâts (rires). Gus Dudgeon, lui, n'est malheureusement plus de ce monde… " Et Rod d'enchaîner : " C'était l'assistant de Jones. Il était très jeune. Et on se rendait compte qu'il avait beaucoup de talent, même si on n'imaginait pas qu'il allait faire une telle carrière. Il est décédé à l'issue d'un accident de circulation, alors qu'il était encore en pleine forme. Et " As far as I can see " a été écrit le jour de ses funérailles. Lors de son homélie, le prêtre a déclaré 'On ne voit que le présent, on ne peut pas voir le futur'. Et cette réflexion a servi de trame à l'écriture de cette chanson… "

Il faut le voir pour le croire, mais en consultant la toile, j'ai relevé l'existence d'un nombre impressionnant de compilations consacrées aux Zombies ; alors qu'avant de commettre ce nouvel opus, ils n'avaient enregistré qu'une quinzaine de singles et deux véritables albums. Colin se justifie : " Nous sommes totalement étrangers à cette prolifération de compilations. Nous en ignorons même parfois l'existence. " Pas pour le box de 4 cds 'Zombie heaven', on le suppose. Un coffret pour lequel Tom Petty a d'ailleurs rédigé la préface. Rod embraie : " Lorsqu'il a écrit cette préface, nous ne le connaissions pas. Il avait assisté à un de nos concerts au cours des sixties. Et c'est la raison pour laquelle, il souhaitait la rédiger. Mais, il y a peu près un an, nous avons joué en concert avec lui " Colin précise : " Lors d'un festival qui s'est déroulé aux States. Il nous avait invités. C'était très sympa et généreux de sa part "

'Odessey & Oracle', le deuxième album des Zombies est considéré comme un des 100 albums incontournables de la pop britannique. Enregistré en 1967, aux studios Abbey Road, il pose les premiers jalons de la musique dite progressive. Mais cet album ne va rencontrer le succès mérité que bien après la séparation du groupe. Sous l'impulsion d'Al Kooper. Rod commente : " On avait splitté en 67. Et en 69, soit deux ans plus tard, cet elpee marche le tonnerre ; et 'Time of the season', qui en est extrait, devient numéro un aux States. A cette époque, j'avais fondé Argent, et si Chris était encore avec moi, les autres avaient d'autres projets. Envisager alors une reformation n'aurait pas été honnête. A cette époque on ne pensait pas à l'appât du gain. Je me disais, 'Time of the season' est numéro 1 ? C'est superbe ? On s'est séparés et on est au sommet. Le public reconnaît notre travail. C'était déjà une belle récompense. Et puis les projets individuels étaient beaucoup trop avancés pour faire marche arrière " Ce disque semble également avoir influencé une multitude d'artistes : depuis REM à Belle & Sebastian, en passant par Paul Weller, The Thrills, Beck et Super Furry Animals. Rod se montre perplexe : " Pour vous dire la vérité, j'ai beau écouter ces différents artistes, j'ai beaucoup de mal à y reconnaître les influences. Même chez REM ! Certains médias ont même avancé que les Doors avaient été influencés par les Zombies. Il y a quelques mois, nous avons rencontré Courtney Love qui nous a avoué que nous figurions parmi ses groupes préférés " Colin concède : " De tels témoignages nous motivent et nous autorisent à en tirer une certaine fierté. Mais ce que nous voulons, c'est se tourner vers le futur. Ecrire de nouvelles chansons. " Et Rod de conclure : " Si nous devions nous contenter de ressasser le back catalogue, nous ne monterions pas sur les planches. Et c'est sous l'impulsion de ce passé que nous allons construire notre avenir. Elle nous donne de l'énergie pour écrire de nouvelles chansons. Les enregistrer. Les entendre à la radio. Et ainsi nous pourrons sortir de nouvelles compilations réunissant des compositions récentes (rires). Nous ne voulons pas être considérés comme une bande rétro ! "

Merci à Vincent Devos

 

Ce 20 septembre dernier, Tuxedomoon se produisait dans le cadre des Nuits Botanique. Consacrant le dernier jour du festival d'une prestation 3 étoiles. Deux bonnes heures avant ce set, Blaine Reininger et Steven Brown ont accepté de nous parler. De leur vision de la musique d'abord. Qui est toujours demeurée alternative ! De leur reformation aussi, bien sûr. Qui ne nous laissera pas sur notre faim, comme en 1987. A cette époque, le groupe s'était simplement réuni pour fêter le dixième anniversaire de sa naissance; se contentant alors de sortir une compile. Bonne nouvelle donc, ce come-back est assorti d'un nouvel album…

Blaine précise : " Sa sortie est prévue pour avril 2004. Nous y avons privilégié la sensibilité moderne. Post moderne. Enfin pas trop moderne quand même (rires). Aujourd'hui, nous sommes plus âgés. Nous avons tous la cinquantaine, et notre création est plus mûre… C'est un disque beaucoup plus instrumental. On y a inclus de l'électronique, mais pas au point de dériver dans la ‘trance’ et ses boîtes à rythmes 'tchack tchack boum'. En fait, il s'inscrit dans la lignée de ce que nous pratiquons depuis longtemps et que nous avons pratiqué avant les autres ". La musique électronique, Blaine et Steven l'avaient expérimentée fin des seventies, lorsque étudiants, ils fréquentaient le City College de San Francisco. Des recherches particulièrement poussées qui leur permettent aujourd'hui d'avoir un regard critique sur ce qui se pratique aujourd'hui, dans ce domaine. Qu'ils qualifient, le plus souvent, de recyclage. Et Steven de faire une comparaison très pertinente : " Qu'est ce que la techno, si ce n'est du disco ? En plus rapide. Mais avec plus de moyens. "

Un quart de siècle plus tôt, Blaine et Steven s'étaient également essayé à l'art-rock. Plus de l'art que du rock, d'ailleurs. Afin d'atteindre l'expression la plus noble de leurs sentiments, pendant près de deux ans, ils vont monter des shows qui ressemblaient davantage à des attractions de cabaret ou de théâtre. Et de recyclage, on en revient forcément, lorsqu'on leur parle de culture. Blaine en particulier : " Nous sommes aujourd'hui à l'âge du pastiche, du bricolage. C'est la décadence ! Moi-même je bricole, je pastiche, je fais des montages. Avec des images, avec des idées. Mais je suis un peu triste, parce que le sentiment de classicisme a pratiquement disparu. Peut-être qu'à l'avenir on retrouvera une nouvelle forme de classicisme. Une innocence créative." Faut dire que si Steven aime écouter Eno et Stockhausen, Blaine apprécie plus particulièrement Vivaldi, Bach et accessoirement le rock'n roll. Steven constate amèrement : " Il y a trop de musique. Tout le monde et n'importe qui peut faire de la musique. Chez lui, sur son petit computer, il peut y créer tous les effets technologiques souhaités en les téléchargeant gratuitement sur internet. C'est ça aussi la décadence. Mais elle va mûrir pour préparer le terrain à quelque chose de nouveau, c'est évident. En attendant, pour des gens comme nous, cette situation est assez difficile à vivre. " Blaine pousse la conversation encore plus loin : " On est toujours à la recherche de nouvelles tonalités, de nouvelles idées. Mais ce n'est pas toujours possible. Et uniquement se concentrer sur l'expérimentation est de la folie pure. Dans l'histoire de l'art, cette recherche permanente n'a pas toujours existé. Car le souffle créateur de la musique, de la poésie, de la littérature, etc., n'est pas infini. Pour écrire une bonne symphonie, il n'est pas toujours nécessaire de créer un nouveau système de composition, de nouvelles sonorités. Je pense que l'aspect humain, la communication avec les autres et le sens de l'existence sont beaucoup plus importants. Dans l'histoire de l'art, on a vécu de grandes époques. La période baroque a sans doute été une des plus riches. Cette époque a enfanté de nombreux compositeurs. Puis elle s'est essoufflée. Mais elle n'a pas fait immédiatement place au néobaroque. On ne peut pas prévoir à l'avance si on va vivre une période créative ou pas. Dans le domaine de la pop et du rock, les années soixante sont considérées comme un âge d'or. Pourtant, il y a eu des choses intéressantes dans les 70's et les 80's. Mais tout le monde rêve de revivre ce phénomène sixties. C'est comme lorsque tu fais l'amour et que tu as un orgasme merveilleux. Ce n'est pas prévisible ! "

Tuxedomoon est donc né de la rencontre entre Blaine et Steven. En 1977. Après avoir commis quelques singles, la formation se retrouve, tout comme les Residents, MX80 Sound et Chrome, sur un elpee intitulé 'Subterranean Modern'. Une initiative du label Ralph Records destinée à mettre en vitrine la scène électro-intellectuelle de San Francisco. TM y interprète 'I left my heart in San Francisco'. Prémonition ? Intuition? Trois ans plus tard, le combo quittera définitivement la cité californienne… Mais une partie de leur cœur est resté à San Francisco. Pourtant, ni Blaine, ni Steven ne veulent y retourner. Steven se justifie : " Ce n'est pas possible, ce n'est plus le San Francisco que j'ai connu. Tout a changé. Le monde change. Mais là-bas, il a encore changé plus vite. Pourtant, j'en garde de bons souvenirs ". Et Blaine d'enchaîner : " J'y ai vécu, mais non, cette idée ne me traverse même pas l'esprit. Tu ne rentres jamais à la maison. La vie, ce n'est pas traverser deux fois la rivière au même endroit. Mais si une partie de mon cœur est restée à SF, c'est seulement une partie. C'est un peu comme Chopin, qui a laissé une partie de son cœur en Pologne et son corps à Paris… "

Michael Belfer rejoint le duo début 1978. Puis Peter Dachert (alias Peter Principle), automne de la même année. Sous ce line-up, ils commettent 'Scream with a view', un EP qui paraît l'année suivante. A l'issue de cet enregistrement, Michael n'est apparemment plus membre du groupe. (NDR: pourtant, il va encore accompagner la formation quelque temps en Europe, enregistrer ‘Night air’ en compagnie de Blaine, tourner avec lui; avant de rentrer aux Etats-Unis, ne partageant manifestement pas la même motivation que les autres à vivre en Europe). Par contre, Peter devient alors une des pièces incontournables de TM. A la basse, bien sûr. Le trio concocte alors son tout premier elpee : 'Half Mute'. A l'instar de la vie, la musique est répétitive, lancinante. Un perpétuel recommencement représentatif d'une prise de position bien particulière : celle de devoir évoluer dans un monde trouble, paradoxal. C'est à cette époque que le groupe cherche à associer musique, films et action dramatique, un projet ambitieux pour lequel il fait appel à Winston Tong, un chanteur, mime, danseur qui insuffle au groupe une forme théâtrale plus poussée. En fait, dès 1977, Winston collaborait déjà au projet du duo BR/SB; mais il ne participait pas systématiquement aux concerts. Pour la bonne raison qu'il a toujours voulu poursuivre une carrière théâtrale en parallèle. Et enfin Bruce Geduldig qui se charge alors de projeter des films lors des concerts. Ce type de spectacle est mal reçu outre-Atlantique, et le groupe décide de s'exiler en Europe. Tout d'abord à Rotterdam. En mars 81. Ils y vivront au sein d'une communauté d'artistes baptisée 'Utopia', dont ils seront expulsés quelques mois plus tard. Finalement, ils se fixent à Bruxelles. Vers septembre 1981. En investissant d'abord des appartements laissés libres par la troupe du plan K. Mais avant d'élire domicile dans la capitale de l'Europe, le groupe avait pris soin d'enregistrer son deuxième album : 'Desire'. A Londres. En novembre 80. Un disque plus vocal, mélancolique, épicé d'une pointe d'humeur dadaïste, sur lequel TM parvient à rendre la douleur étrangement belle. Il paraît en 1981. Dès son arrivée à Bruxelles, TM est invité par Maurice Béjart à participer à la bande sonore du ballet inspiré de Greta Garbo : 'Divine'. Mais l'elpee qui témoigne de cette rencontre s'éloigne du style pratiqué par le groupe jusqu'alors, s'orientant visiblement vers la musique classique. Entre 82 et 83, le combo commet coup sur coup quatre Eps dont un 'No tears' qui leur vaut d'être comparés, dans la presse, au Vandergraaf Generator de l'époque. Steven y va de sa propre explication : " C'est sans doute à cause de l'atmosphère mystérieuse qui en émane. Et puis parce que ce style musical touche davantage la sensibilité européenne ". Dans la foulée, à partir de ce moment, sans pour autant parler de séparation, les musiciens se lancent chacun dans des aventures individuelles ; celle de Blaine se révélant la fructueuse. Pas étonnant d'ailleurs qu'en 1984, il quitte le navire pour embrasser une carrière solo. Il est alors remplacé par un trompettiste hollandais : Luc Van Lieshout. De cette nouvelle formule naît le remarquable opus 'Holy wars' (NDR : première sortie sur leur propre label, Cramboy), une œuvre au cours de laquelle TM converse avec la tristesse, un être indésirable, capable de provoquer la perte totale de la personnalité. Mais il y a 'Soma', la drogue miraculeuse qui ouvre au meilleur des mondes, une référence au roman d'Aldous Huxley. TM serait-il entré en guerre contre la drogue? Ou alors contre l'opium du peuple? Une chose est sûre, ils ont choisi d'en parler à travers une parabole. Une parabole qui existait déjà depuis 1979 et avait même donné lieu à un show accordé sous ce titre en janvier 80, à San Francisco. En 86, à l'issue d'une tournée mondiale qui incorpore de plus en plus d'éléments visuels, sous la houlette de Geduldig (danse, projection de films et d'images diverses, performances), et des éclairages sophistiqués conçus par Nina Shaw, le groupe commet un mini album qui explore deux faces diamétralement opposées de son art : intense et électrique ou acoustique et introspectif. Winston Tong est aux abonnés absents depuis deux ans et a été remplacé par le jeune multi-instrumentiste Ivan Georgiev pour la confection du dernier album officiel du combo : 'You'. Cette œuvre étrange et torturée annonce la fin du groupe. Il paraît en 1987.

Winston Tong semble depuis avoir tiré un trait définitif sur TM. Il a décliné l'invitation de revenir au sein du nouveau line up. Blaine explique : " Il a refusé pour des raisons familiales, personnelles. On en a discuté avec lui, mais il n'était plus motivé. Et puis, pour lui, ce n'était plus possible " Oui, mais qui va donc se charger des vocaux alors ? Blaine réplique : " Steven et moi, comme au début ". Maintenant, il faut reconnaître que leur reformation n'est pas évidente à gérer. Pourquoi ? Blaine vit aujourd'hui à Athènes, Steven à Mexico et Peter à New York. Seuls Bruce et Luc vivent encore à Bruxelles. Faut croire qu'ils passent le plus clair de leur temps dans les avions… Mais qu'est ce qui a poussé le groupe à recommencer l'aventure ? Steven explique : " Nous avions été invités à Tel Aviv pour participer à un festival. " Blaine précise : " En 97 ! ". Steven reprend le crachoir : " Et apparemment, le spectacle a plu, puisque nous avons été invités pour quelques dates, notamment en Italie. On s'est alors rendu compte qu'il existait toujours un public pour notre musique. Et on s'est dit que c'était peut-être de bon moment de recommencer l'aventure ".

Fin 1990, Steven Brown, Blaine Reininger et Peter Principle s'étaient encore réunis pour réenregistrer 'The ghost Sonata', un elpee paru l'année suivante sur le label les Temps Modernes, mais en édition limitée. En fait, il s'agissait d'un opus inspiré d'un opéra sans paroles, accordé par le groupe en 1982, au festival de théâtre de Polverigi, en Italie, et remixé pour la circonstance. Un opus dont le titre maître est sujet à controverses, puisqu'il met en scène leurs propres suicides. La philosophie de Tuxedo Moon aurait-elle des accents nihilistes ? La question méritait d'être posée. Steven intervient le premier : " Blaine est nihiliste, mais surtout cynique ! " Blaine répond : " Je suis un idéaliste (rires). Comme tous les cyniques et les nihilistes ! J'étais un romantique, parce que ma vision du monde était personnelle. Mais lorsqu'un idéaliste s'aperçoit que le monde n'est pas le reflet de sa réalité, il est désappointé. Le nihilisme prend alors une forme gothique. " Et Steven de clamer : " Nous avons été le premier groupe gothique. Avant Sisters Of Mercy ! ". Blaine se confesse : " J'ai vu la mort en direct. Ma femme (NDR: JJ Larue, une icône du mouvement punk) est morte devant mes yeux après 18 ans de vie commune (NDR: elle est décédée le 15 juillet 1998 et apparaît en couverture du bouquin de Jim Jocoy : ‘We're Desperate : The Punk rock Photography of Jim Jocoy, SF/LA 1978-1980, powerHouse Books, 2002’. Voir http://www.mundoblaineo.com/snapshots.htm). Et j'en ai conclu que la mort n'était pas romantique. A 20 ans tu imagines que tu ne mourras jamais. C'est un mensonge ! Et la mort par le suicide ne conduit jamais à la vérité… Tous les grands systèmes de philosophie qui ont animé le XXème siècle ont foiré. Le marxisme, le Christianisme, le capitalisme. C'est la raison pour laquelle notre époque est devenue cynique. Et par conséquent, je suis devenu un homme moderne, un homme cynique… " Pourtant, lorsque le groupe a commencé, ses motivations étaient très politiques ? La réponse de Steven cingle : " Tout est politique ! ". Blaine enchaîne : " Nous ne parlions ni de droite, ni de gauche, mais d'une idéologie surréaliste. Notre message était sans doute trop intellectuel pour l'époque… " Steven concède : " Notre musique n'est pas toujours facile à digérer, je l'admets. Elle exige un effort du public et s'adresse à un public attentif, averti ou plus exactement ouvert… " Alors la musique de Tuxedo Moon est-elle un support pour faire passer des idées ? Si Blaine acquiesce, Steven préfère plutôt parler d'émotions. Les émotions, Blaine les trouve plutôt dans la science et la philosophie. " Ecouter de la musique ? C'est comme savourer un bon dessert. J'apprécie aujourd'hui un Radiohead, comme dans le passé je prenais mon pied en écoutant les Beatles ou Bowie. C'est un bon moment, mais ce n'est pas ce que j'estime le plus important… "

A l'issue de leur set accordé à Bruxelles, le groupe devait encore se produire à Paris et à Amsterdam. Puis, en attendant de repartir en tournée à l'issue de la sortie de leur nouvel album, tous les musiciens rentraient chez eux. Et Blaine, pour y jouer dans une pièce de théâtre…

 

 

mardi, 28 octobre 2003 04:00

La dream machine...

Le premier album de Girls In Hawaii vient donc de sortir. Le 31 octobre très exactement. Un disque très attendu pour ce sextuor dont les prestations scéniques et le premier Ep (" Found in the ground - The winter ") avaient fait l'unanimité dans l'éloge. Avant de se produire en première partie de Venus, à la Maison de la Culture de Tournai, ce 28 octobre dernier, Antoine et Lio nous ont accordé cette interview. Pour celles et ceux qui l'ignoreraient encore, ce sont les membres fondateurs, mais aussi les compositeurs du groupe Un entretien fort sympathique qui devrait vous permettre de beaucoup mieux cerner leur univers sonore…

Pour le groupe, le collectif jaune orange leur a servi de tremplin. Le premier déclic qui leur a permis de prendre confiance. " Nous nous produisions pour la première fois dans le cadre d'un festival organisé à Bruxelles. Et plusieurs personnes de ce collectif étaient présentes. A l'issue du set, elles sont venues nous féliciter. Nous dire qu'elles avaient beaucoup apprécié notre prestation. L'énergie qui s'en dégageait. Personnellement, j'estime que nous n'avions pas été très transcendants. Mais ces encouragements nous ont fait chaud au cœur. Pour nous, ce collectif nous a apporté le premier contact, les premiers compliments ; et les premières propositions de concerts viennent de chez eux. Nous avons toujours été invités à toutes leurs fêtes et on a conservé d'excellents contacts avec eux. Leur mission est à la fois insensée, hors de l'ordinaire et pas du tout évidente à mettre en œuvre. Ils parviennent à toucher un large public avec très peu de moyens. Parce que ce collectif, c'est quelque chose de vraiment très très petit…"

Le deuxième coup de pouce leur est venu d'un concours organisé par Studio Brussel : le 'Démopoll'. Une drôle d'aventure, puisqu'elle leur a permis de se produire à l'AB Club. Mais les organisateurs se sont rendu compte que les musiciens étaient wallons. Résultat des courses, lors de leur set, aucun représentant de cette radio n'était présent. " Pourtant on entretient de bons contacts avec la Flandre. Mais pour y jouer ce n'est pas évident. Parce qu'il existe énormément de groupes, de salles pour y jouer. C'est un peu comme en Angleterre. Enfin, pas tout à fait, mais presque. Et la réaction d'un Flamand est instantanée. Ou il aime ou il n'aime pas. Et s'il n'aime pas, il décroche. Chez eux, c'est 'musique, musique, musique'. Ils peuvent assister à des concerts tous les jours. Des tonnes de groupes s'y produisent. Aussi bien le week-end qu'en semaine. Et y faire sa place, ce n'est pas évident… " Enfin le troisième soutien leur est venu de Magic et des 'Inrockuptibles'. Ce qui leur a probablement permis de se produire au 'Glaz'art à Paris et dans le Nord de la France. A Tourcoing notamment. Antoine tempère : " Les Inrocks ? Nous leur avions transmis une démo de deux ou trois titres, dans le cadre d'un autre concours. Via le net. La critique n'était pas très pointue, mais très favorable, je le reconnais. Mais maintenant on va avoir droit à un examen de passage. Ou l'album est encensé ou il se fait démolir ! "

L'occasion était donc belle de parler de ce premier album. Et en particulier du climat qui a entouré son enregistrement. " Il n'a pas été facile à réaliser. Parce qu'au départ, nous avions amené des démos. Et qu'il a parfois fallu recommencer 3 fois la prise avant de parvenir à restituer la bonne ". Pas de producteur. Une auto production ! Pas pour des raisons financières, mais simplement parce que le groupe craignait de faire un mauvais choix. De ne pas trouver celui qui aurait collé à leur feeling.

" Nous n'avons pas la chance de connaître 10.000 personnes impliquées dans la musique, en Belgique. Bien sûr, nous aurions pu nous renseigner pour engager un pro. Cependant, nous ne voulions pas de formatage : des prises studios réalisées en une semaine ; très, trop rapidement. Nous préférions se prendre la tête. Bosser. Passer un an et demi à se disputer, à se mordre, à se tirer les cheveux en travaillant dans notre 'home studio'. Mais au moins nous avions l'assurance d'être maître du jeu. A l'avenir, il n'est pas exclu que nous fassions appel à un producteur. Mais pour cet opus, ce n'était pas prévu. Nous voulions conserver l'aspect spontané, naturel de notre musique. Une certaine fraîcheur. Nous disposions ainsi d'un éventail de compos assez large. Mais pour ces raisons, nous avons délibérément écarté certaines chansons. A l'avenir, soit elles figureront sur la flip side d'un single, soit elles finiront à tout jamais dans la poubelle ". Maintenant qu'il est officiellement paru, quelles sont les premières impressions du groupe à son sujet ? " Nous attendons le feedback des médias, les chroniques de cet album. Et jusqu'à présent la critique a été plus que favorable. Bien sûr, l'album alterne le bon et le moins bon (NDR : modeste !) Mais intrinsèquement, nous sommes fiers du résultat. Et puis nous l'assumons complètement… "

Pour composer leurs chansons Antoine et Lio se servent d'une 'dream machine'. Mais qu'est ce que c'est que cette 'dream machine' ? " Un truc super ! Digital. Qui te permet de stocker des informations sur un disque dur. Elle fixe les idées. On en a toujours une à notre disposition. " A l'origine limitée à huit pistes, elles est depuis passée de 16 à 24 pistes. Mais qu'est ce qui a poussé ce duo à s'intéresser à la musique ? Pas les disques de leurs parents, en tout cas. Lio était surtout fasciné par ses cousins, lorsqu'ils jouaient de la guitare. " Des Italiens ! Ils m'ont appris à en jouer. Et mon apprentissage a été très rapide ". Le père d'Antoine était guitariste. Il a même sévi au sein d'un groupe, il y a quelques années. " Mais comme à la maison, il y avait toujours une guitare, j'ai été naturellement attiré vers la musique. " En parcourant les quelques articles consacrés au groupe, les noms de Blonde Redhead et de Papas Fritas reviennent régulièrement à la surface. Alors, Girls In Hawaii serait-il le chaînon manquant entre ces deux formations ? (Antoine exhibe le badge de Papas Fritas épinglé sur son pull) " Blonde Redhead surtout ! Lors de l'enregistrement de l'album nous écoutions souvent le 'Way You Walk' des Fritas, mais nous ne sommes pas vraiment accros à leur musique. En fait, ce sont des groupes qu'on aime bien, parce que leur démarche est très intègre. Ils concoctent leurs disques dans leur coin, sans se mettre de grosse pression… "

Le choix du patronyme Girls in Hawaii soulève inévitablement quelques légitimes interrogations. D'autant plus que lors de leur set accordé au festival de Dour, en août dernier, le public comptait quelques jeunes et jolies filles très fleuries. Serait-ce leur fan club ? " Absolument pas. De temps à autre, il arrive de retrouver ces filles qui portent ces colliers de fleurs. Mais tant que l'initiative n'est qu'épisodique, je trouve qu'elle est chouette. Par contre, j'apprécierais moins si nous devions nous produire constamment devant un public qui se couvre de fleurs et les lancent en l'air en jouant, pourquoi pas, du ukulélé. Parce que notre musique n'a strictement rien à voir avec les traditions hawaïennes. C'est simplement un bête nom qu'on a choisi pour le fun. Notre idée était qu'en vivant en Belgique, à Bruxelles, sous la pluie, il était possible de rêver un peu… "

 

vendredi, 14 novembre 2003 04:00

Il y a toujours un message à faire passer...

Lors de la sortie de leur premier opus éponyme, j'en avais conclu que si vous aimez ou avez aimé Jesus & Mary Chain, Le Velvet Underground, My Bloody Valentine et Joy Division, vous adorerez la musique de BRMC. A cause de leur musique sauvage, ténébreuse et bruitiste, dont les ballades lancinantes, fiévreuses et soniques s'impriment sur un tempo implacable. Mais le Black Rebel Motorcycle Club (NDR : patronyme choisi en hommage au nom du gang de motards emmené par Marlon Brando dans 'L'équipée sauvage', un film qui remonte à 1952) se veut avant tout authentique, reprenant le flambeau de ses illustres prédécesseurs pour perpétuer la tradition du rock'n roll. Et leur second opus, " Take them on, on your own ", en est la plus belle illustration. Rencontre avec Robert Levon Been, chanteur/bassiste et co-compositeur du trio californien…

Alors Black Rebel Motorcycle Club ou BRMC ? A l'instar des formations qui ont réduit leur nom par les initiales, la formation californienne ne risque-t-elle pas, un jour, d'être tentée de suivre le même chemin. "C'est étrange, car à l'origine nous nous appelions BRMC. Mais lorsque nos Cds sont arrivés dans les bacs des disquaires, personne ne parvenait à mettre la main dessus. En fait, ils étaient classés dans le répertoire 'BR' au lieu de 'BL'. Donc, on a dû se résoudre à reprendre le patronyme dans son intégralité. Ce qui est amusant, c'est qu'aujourd'hui tu me demandes si un jour nous pourrions faire le chemin inverse. Franchement, je n'en sais trop rien..."

Black Rebel s'est forgé une réputation de groupe réservé, parlant peu. C'est un peu leur modus vivendi. " Nous avons toujours voulu mettre notre musique en avant plutôt que le groupe. Mais il est exact que depuis quelque temps, on se pose des questions. Notamment depuis que nous avons été invités aux MTV awards. Nous y avions joué 'live'. Et les journalistes, les médias, s'intéressaient plus à notre prestation qu'à la raison pour laquelle nous avions décroché ce prix. J'avais le sentiment que pour eux la musique était devenue accessoire. Qu'ils ne comprenaient pas notre langage. Pourtant, il y a toujours un message à faire passer, même si personne ne prend la peine de l'écouter. Mais il est vrai que pour l'instant, nous sommes un peu à la croisée des chemins… " Etonnant, lorsqu'on sait qu'un jour, un des musiciens du combo a déclaré 'Notre musique signifie plus pour le public, qu'elle signifie pour nous !' Ce qui méritait une explication. Robert reconnaît que cette phrase possède un poids énorme. " Tout dépend de l'interprétation qu'on lui donne. Je ne me souviens plus de l'endroit où on a tenu ce discours, mais nous l'assumons. Lorsque je vois l'étincelle dans les yeux de nos fans, j'y lis le bonheur. Et ils le manifestent plus spontanément que nous. Mais composer, enregistrer, se produire en public et assumer du bonheur en même temps, c'est un peu beaucoup. J'admets que nous produisions un certain effet sur les gens, mais je veux garder mes distances par rapport à ce phénomène…"

" Mais de là à ce que 'Stop !' la première chanson du nouvel opus confesse 'Nous ne vous aimons pas, nous essayons seulement de vous juger', il y a manifestement un pas difficile à franchir. Robert s'explique : " Si je me souviens bien, cette chanson a été écrite à Londres, lors de notre premier périple sur le Vieux Continent. A cette époque, nous étions un peu paranos. Nous nous posions beaucoup de questions. L'intérêt que nous portaient les gens nous paraissait un peu trop soudain. Ils nous considéraient comme le groupe dans le vent. Un hype ! Et nous n'aimions pas beaucoup nous retrouver dans cette position. Lors d'un set accordé dans un petit club à Londres, j'ai eu l'impression que c'était le message que le public nous adressait. Il n'aimait pas vraiment le groupe. Il était venu, non pas pour nous voir, mais pour être vu. Alors, lors d'une jam, sur laquelle reposaient une ligne de basse et le jeu de batterie, j'ai commencé à improviser ces paroles. Je ne pense pas qu'une telle situation pourrait encore se reproduire aujourd'hui, mais si elle survenait encore, je réagirais différemment. En chantant pour eux plutôt que de les haïr. Plutôt que de leur dire d'aller se faire foutre. C'est dans ce contexte qu'il faut replacer ces mots… 'Stop !' est une chanson qui a été composée sur scène. Nous jouions ce morceau à la fin de chaque spectacle, parce que nous ne voulions pas terminer notre set sur une note calme. Nous voulions qu'elle s'achève sur un mode rock. Avec du volume. Quatre titres sont issus de prestations 'live'. 'Heart & soul', par exemple. Nous avons réalisé les prises à quatre endroits différents : Paris, Tokyo, Londres et… (NDR : à cet instant quelqu'un est entré dans le local pour aller prendre une bière dans le frigidaire. Et j'ai cru comprendre… Los Angeles). Les versions étaient bien sûr différentes ; mais ensuite on a essayé de mettre toutes les pièces du puzzle ensemble en n'en sélectionnant que les meilleures. Pour atteindre une forme d'apogée au niveau du son. On en a fait en quelque sorte, un 'best of'… "

Sur leur nouvel album figure une composition à caractère politique, 'US governement'. A ma connaissance, elle constitue leur seule concession dans ce domaine. Alors, engagement ou accident ? " Tout est accident ! Même se retrouver au sein d'un groupe. En fait, cette chanson a été écrite à nos débuts. Il y a longtemps. A l'époque, nous la jouions déjà 'live'. Très, très fort ! Et nous la réservions à la 'b side' de notre premier disque. Mais au moment où nous allions le sortir, le 11 septembre est arrivé ; et face au désarroi des victimes, nous pensions qu'il était inutile d'en rajouter une couche. Mais au fil du temps, nous avons commencé à la maîtriser de mieux en mieux sur scène ; et, pour ne pas désavouer nos fans, nous en avons conclu qu'il serait ridicule de la cacher sur une flip side… " Paradoxal, lorsqu'on sait qu'à leurs débuts, la formation avait déclaré qu'ils n'avaient pas uniquement l'intention de s'adresser à un public bien ciblé. Aux cool kids, en particulier. Et que s'ils se rendaient compte que c'était le cas, ils changeraient de fusil d'épaule. " Cet épisode remonte également aux débuts du groupe. Nous vivions à San Francisco. Nous étions dans le trou. Mais on essayait d'en sortir. On cherchait à gagner les faveurs du public. Nous n'appartenions à aucune scène. Nous étions considérés comme un groupe local. Bien sûr, je n'ai rien contre les groupes locaux. Mais si à SF il existe de nombreuses scènes impliquant de nombreux groupes, nous avons eu un mal de chien à y trouver notre place. Encore que je me demande si nous l'avons un jour trouvée ou si nous la trouverons un jour. Et je pense que ce n'est pas plus mal. Regarde la 'New York revolution' ! Ou si tu préfères, la musique de la nouvelle génération. Les médias veulent absolument enfermer tous les groupes qui y émargent dans le même sac. Du formatage ! Nous ne voulons surtout pas y être associés. Et encore moins récupérés. C'est une campagne de marketing, à laquelle nous refusons de souscrire ! Nous voulons créer de la musique qui plaise à tout le monde. Depuis la jeune fille au vieillard, plutôt que de cibler un public particulier. 'Cool kids f*****g !'

En parlant de formatage, aurait-il un œuf à peler avec les Strokes, les White Stripes, Interpol, les Warlocks et les Kills ? " Je ne mettrai pas les Kills dans le même sac. Ce sont des groupes qui possèdent d'indéniables qualités artistiques. Mais ils sont différents. Et on n'a pas le même feeling. J'apprécie plus particulièrement les White Stripes, Interpol et les Warlocks. On a joué avec ces derniers à Los Angeles. Devant 20 personnes. Ils sont authentiques et véhiculent un esprit bien personnel. C'est la raison pour laquelle je pense qu'ils sont respectables ; mais on ne peut pas dire que tout ces groupes soient rock'n'roll. Ils font de la pop. Seul leur déguisement est rock'n roll. Ils n'écrivent pas des chansons hymniques qui portent les gens, mais cherchent un mode d'évasion. Pour nous, notre devise est 'Stay awake !' (Restons éveillés !). Maintenant, je suis conscient qu'aujourd'hui, il faut plaire aux jeunes. Et que pour y parvenir, il faut soigner les pochettes, accorder des interviews, remplir les pages des magazines. Mais nous, on veut aller au-delà de tout ce strass. Avoir une démarche plus profonde… " Peut-être dans l'esprit des Stones. A cet égard, 'We're all in love' me semble tellement hanté par l'esprit des Stones ? Et en particulier par la composition 'Gimme shelter'… " C'est la meilleure chanson que les Stones ont écrite depuis 1970 ! On ne nie pas l'évidence. Et il est vrai que nous essayons de faire revivre l'esprit de cette époque. Dans le domaine de l'amour, tu peux être en compagnie de quelqu'un, mais en même temps très éloigné de cette personne. Et cette tension est terrible. Mais dans le même ordre d'idées, lorsque tu es éloigné de cette personne, tu ressens de l'espoir, de l'optimisme, au plus profond de toi-même. Il existe en nous cette idée d'euphorie de l'amour, lorsque vous êtes éloigné de l'autre. Comme si vous viviez une profonde angoisse. Du 'non dit' ! Car vous pouvez côtoyer l'autre, sans déclarer votre flamme. Cette situation existe. Vous ne pouvez pas la voir, l'entendre ou la toucher, mais vous savez que ce sentiment brûle au plus profond de votre âme… "

Lorsqu'on écoute la musique de BRMC, on ne peut s'empêcher de penser au Velvet Underground, à Joy Division et surtout à Jesus & Mary Chain. Les prestations 'live' baignent même dans un nuage de fumée, comme chez le défunt J&MC. Des comparaisons qui reviennent régulièrement chez la plupart des journalistes. Mais qu'en pense notre interlocuteur ? " Je ne sais pas. Contrairement aux apparences, les comparaisons, ce n'est pas mon fort. Chacune de ces formations pratique de la bonne musique. Ce sont, quelque part, des légendes. Et être comparés à ces légendes, c'est un compliment. D'autre part, il y a sans doute une certaine paresse de la part des médias qui se contentent de telles analogies. Car, il existe autre chose derrière tout cela. Maintenant, il est exact que tous les groupes passent par le stade des comparaisons ; c'est la transition nécessaire avant de parvenir à acquérir sa propre identité…" 

Par contre, Robert voue une grande admiration au défunt groupe britannique The Verve. " Un groupe génial, expérimental. Qui était parvenu à pousser le son dans ses limites. Un concentré d'énergie. Aussi bien à travers la musique que les lyrics. Mais lorsque Nick McCabe est parti, tout s'est écroulé. A ce moment là, je me suis rendu compte que l'univers de la musique avait perdu quelque chose de vital. Tout ce qui a suivi 'Nothern soul' n'a plus jamais eu la même dimension. Triste ! Ce groupe était fantastique, parce que sa musique évoluait sans cesse. J'ai assisté à trois de leurs sets 'live', dont un à San Francisco. C'est ce que j'ai vu de meilleur sur scène à ce jour. Tout comme le Primal Scream… " Ah, bon ! (NDR : le seul concert de Primal Scream, auquel votre serviteur a assisté fût tout bonnement catastrophique. Il y a presque 20 ans. A l'AB de Bruxelles. Je lui ai donc fait part de mon étonnement. Et il s'est simplement mis à rire. Faut croire que la bande à Bobby Gillepsie a fait d'énormes progrès sur les planches. Enfin, au bout de deux décennies, ce serait quand même dommage de ne pas être parvenu à s'améliorer. Attention, je parle bien de prestation scénique ! Les albums de Primal Scream sont, pour la plupart, de petits bijoux. Dont acte !)

Petit détail amusant, le père de Robert, n'est autre que Michaël Been, le leader du défunt Call, une formation fondée en 1979, dont le premier opus est une petite merveille. Ce qui avait d'ailleurs, à l'époque, poussé Peter Gabriel à les soutenir. J'avais même lu, dans un article, que Michaël était devenu le manager de BRMC. Bob rectifie. " Non, pas du tout. Il est le responsable du mixing lors de nos tournées " Donc, quelque part, il apporte son expérience au groupe. Robert semble assez gêné d'en parler. " J'ai beaucoup de mal à expliquer sa contribution. Je savais qu'il était capable de faire du rock'n'roll. Mais il est âgé de 47 ans. Il est difficile de parler de son père quand il ne fait pas un métier comme Monsieur tout le monde. Qu'il n'est pas garagiste ! Je me mets à sa place. On attend que je confesse qu'il m'a procuré des conseils, mais non, ce n'est pas le cas. Il mixe, et puis c'est tout. Le monde de la musique est tellement chaotique. Il change constamment. Dans ce domaine, il n'existe pas de règle d'or. Ce n'est déjà pas facile de parler de nous. D'expliquer les raisons pour lesquelles vous prenez telle décision, signez sur tel label. Alors, parler de son père… Je pense que du moment que vous fonctionnez à l'instinct, le reste… "

Merci à Vincent Devos

 

samedi, 08 novembre 2003 04:00

Nous ne sommes pas des copi(ll)eurs

Bien que vivant à Londres, les Raveonettes nous viennent du Danemark. Un duo partagé entre Sune Rose Garner (NDR : le mec) et Sharin Foo (NDR : la fille, et quelle belle fille !) qui voue un véritable culte à l'imagerie des 50's et des 60's ; mais dont la musique semble à la fois influencée par la noisy de Jesus & Mary Chain, la surf music des Beach Boys, le rock'n roll de Buddy Holy et les groupe féminins qui ont sévi au cours des sixties, tels que les Crystals ou les Ronettes. Pas pour rien que Richard Gottehrer (Blondie, Go-Go's) a accepté de produire leur dernier album, alors qu'il avait déclaré, il y a belle lurette, avoir mis un terme définitif à sa carrière. Encore que sa volte-face méritait une explication…

Mais tout d'abord plantons le décor. L'interview se déroule en compagnie de deux correspondants d'un autre website. Je fais face à Sharin. Qui va mener les trois quarts de l'interview. Mes genoux pratiquement collés contre les siens. Impressionné par sa beauté toute scandinave, j'affiche une fébrilité inhabituelle. Ce qui n'empêchera pas la conversation d'être émaillée de grands éclats de rires… Oui, justement, comment expliquer la présence de Richard Gottheherer à la mise en forme de 'Chain gang of love' ? " Nous avons rencontré Richard à Berlin. Nous y avons fait connaissance. Et au fil de la conversation, il s'est épanché. Il a abondamment parlé des sixties, et puis du bon temps qu'il avait passé en compagnie de Richard Hell & The Voivoids. Fatalement, je lui ai parlé de notre musique. Précisant qu'elle était inspirée par les 50's, et en particulier par les groupes de filles de cette époque. Et qu'en outre, nous aimions ce qu'il avait réalisé en leur compagnie. Nous avons gardé le contact, et nous lui avons transmis une démo. Il nous a répondu qu'elle lui plaisait et nous a suggéré de travailler ensemble sur ce projet. Ainsi, nous sommes donc parvenus à le sortir de sa retraite… "

Lorsqu'on écoute la musique des Raveonettes, on ne peut s'empêcher de penser à celle de Jesus & Mary Chain. A cause de leur art à rendre leur noisy mélodique. A Suicide aussi. Enfin, à la musique des eighties, en général. Et puis aux groupes féminins qui ont émaillé les sixties, tels que les Go Go's, les Cookies et les Angels. Des influences que revendique d'ailleurs le duo. " Nous en sommes mêmes fiers, parce qu'elles sont évidentes à l'écoute. Nous n'avons pas peur de le proclamer. Et on peut même y ajouter Buddy Holy, les Everly Brothers et Television. Toutes ces références s'y retrouvent. En mélangeant toutes ces sonorités qu'on aime, on est parvenu à créer notre propre style, quelque chose d'original. Par contre, nous ne supportons pas qu'on nous dise que fassions du copi(ll)age. Nous ne sommes pas des copi(ll)eurs, nous écrivons nos chansons… " Pourtant, dans le futur, le duo n'envisage pas de confier la production à un des frères Reid (NDR : les deux, ce serait un peu difficile, puisque les frangins sont en bisbille depuis un bon bout de temps). " Nous rêvons de pouvoir travailler un jour sous la houlette de à Phil Spector. Ce serait beaucoup plus intéressant, je pense "

Chez les Raveonettes, l'imagerie a une grande importance. Suffit d'analyser la pochette de ‘Chain gang of love’, pour s'en rendre compte. L'imagerie influencée, à l'instar des Cramps, par les films d'épouvante et de série b ; mais aussi les thrillers d'Alfred Hitchcock et de Roger Corman. " Oui, nous sommes des fans de ces films. Surtout ceux des fifties. Ces vibrations cinématographiques correspondent très bien à notre musique. Nous aimons, en outre, restituer cette iconographie, comme des affiches de cinéma. Elle donne également un sens à notre musique… " Mais alors, quel est le duo qui mérite le titre de Bonnie & Clyde du rock'n roll ? Les White Stripes ? Les Kills? Ou les Raveonettes? Une question qui déclenche l'hilarité générale. " Les Kills! Parce que leur musique transpire la plus forte connotation sexuelle… " Un groupe que les Raveonettes apprécient beaucoup. Mais aussi Interpol et les Warlocks. Certains médias ont même écrit que le duo avait confessé que tous ces groupes avaient de nombreux points communs avec eux. Ce qui surprend très fort Sharin. " Qui a dit ça ? Moi ? Je ne pense pas avoir un jour effectué une telle déclaration. Ce que nous avons en commun ? Rien avec Interpol. Nous les apprécions beaucoup, et c'est réciproque. Nous avons tourné et fait la fête ensemble. Les Warlocks ? Le mur de son ! Un son sonique et très intense. Mais notre sensibilité est davantage pop, davantage noisy, davantage bruyante. Les Kills ? C'est un duo comme nous qui essaie de trouver la chanson simple, efficace et immédiate. Composé d'un garçon et d'une fille. Qui chantent. Dont l'attitude est sexy. Notre approche du retour aux roots est similaire. Mais nous évoluons à quatre sur les planches…"

Paradoxalement, les Raveonettes ont dû attendre de s'imposer sur la scène internationale avant d'être reconnus dans leur pays. Sharin confirme. " Il est très difficile de mener une carrière au Danemark lorsqu'on pratique une musique alternative. En fait, les Danois éprouvent toutes les peines à faire le premier pas lorsqu'ils sont confrontés à la nouveauté. Ils attendent toujours la reconnaissance dans les pays anglo-saxons pour leur emboîter le pas. Maintenant nous y sommes également populaires. Nos chansons passent enfin à la radio et le public achète nos disques. "

Pour composer leurs chansons, les Raveonettes se sont imposé des règles : pas plus de 3 minutes pour une chanson (ou exceptionnellement) et un maximum de trois accords. Pourquoi ? Sharin nuance : " Nous préférons parler de canevas plutôt que de règles. Nous avons imposé cette trame sur notre premier mini elpee ('Whip it on'). A l'époque, Sune en avait un peu marre de la musique. Surtout celle qui était surproduite. Et puis il traversait une période de déprime. Il a donc voulu revenir à quelque chose de plus basique, de plus simple. Finalement, en imposant des contraintes, on a tendance à devenir plus créatif. A se fixer des défis. Et à parvenir à repousser nos limites. C'est un peu comme chez les écrivains ou les journalistes. A qui on impose un nombre de lignes. Ou un peintre. Qui décide de n'utiliser que certaines couleurs… Toutes nos chansons sont écrites avec la même clef. En si bémol pour le mini elpee et en si bémol majeur pour le dernier opus. D'une durée de maximale de trois minutes. Et avec un maximum de trois accords. Enfin, sur 'Chain gang of love', on a un peu cassé le canevas. Certaines plages comptent plus de trois minutes et débordent jusqu'à quatre accords. Ces lignes de conduites n'ont pas été élaborées comme des contraintes, mais des outils pour explorer… " Et en 'live' alors ? " Nos sets sont régis par des règles très strictes. Nous essayons de recréer le même son que sur le disque. Un peu comme si c'était une bande qui défilait… " Ah bon !… Dune Rose Wagner est entré dans la loge depuis quelques minutes, et tout en se tenant en retrait, il reste attentif à la conservation. Et justement, lorsque la conversation se porte sur Jack Kerouac, auquel on lui prête une manière similaire de composer, il se manifeste. " Ce n'est pas vraiment au niveau des lyrics, mais de la façon dont il écrivait. A cause de la spontanéité du genre 'stream of consciousness', si vos préférez. La voie mouvante et insaisissable de la conscience. Et donc, j'écris très vite, sous une forme qu'on pourrait qualifier d'écriture automatique…"

Merci à Vincent Devos.