La cavalcade de Jéhan…

Poussé par un nouvel élan poétique, Jean Jéhan a sorti son nouvel opus, « On ne sait jamais », le 18 novembre 2023. Pour ce cinquième elpee, Jéhan fait le choix de s'affranchir de ses affinités folk rock, pour aller vers des horizons plus dégagés. On retrouve…

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Festivals

Pukkelpop 2007 : jeudi 16 août

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La vingt-troisième édition d’un des festivals les plus importants de Belgique a réussi à concilier impératifs commerciaux et curiosité musicale. Le temps de déposer deux campeuses à l’entrée et on entre dans le vif du sujet.

Trois jours d’un marathon musical que votre serviteur entamera en allant assister au concert des Bonde Do Rolê. Ce trio brésilien jouit pour l’instant d’un solide intérêt médiatique. Découverte par Diplo, un des dj de Coldcut, la formation vient de sortir un album pour le compte du prestigieux label Domino. Une fille et deux garçons responsables d’un mélange de hip hop old school (les beats d’Afrika Bambaata et les guitares heavy des premiers Beastie Boys) et de rythmes issus du nord du Brésil. Les Bonde commencent peut-être un peu tôt pour que leur musique festive et dansante fasse bouger les popotins. La faute peut-être à l’odeur encore fraîche (et peu agréable) d’engrais envahissant le chapiteau ‘dance hall’ ou alors au son un peu cacophonique dispensé par notre trio d’enfer. Ils se produisent sous une formule hip hop (un dj et deux m.c.’s) et assènent les petites bombes pour les pistes de danse qui parsèment leur album : « Soltan O Frango », « Marina do Bairro » ou encore « Geremia ». Sur le paillard « Divine Gosa », la chanteuse Marina expose son arrière train généreux sanglé dans un collant fuscia qu’un de ses collègues essaiera vainement d’enlever. Après quelques samples de « The final countdown » (« Our favourite song from de eighties ») et de Daft Punk, il est déjà temps de quitter les lieux pour aller voir ce qui se passe ailleurs…

On entend de loin le punk balkanique et clownesque de Gogol Bordello, un des pires noms de groupe jamais entendu. Drivée par l’ukrainien Eugène Hutz, la tribu de bouffons (un hommage à Bérurier Noir ?) essaie d’enflammer les esprits, mais sans grand résultat… Il faut dire aussi que ce punk mâtiné de reggae n’est pas particulièrement inspiré et les déguisements ridicules du groupe n’arrangent pas les choses.

On s’arrête un instant pour contempler la sculpture argentée qui trône sur la plaine : des rectangles rappelant les affiches des années précédentes. Le tout tourne au gré du vent grâce à un axe central et votre serviteur aperçoit le nom Ned’s Atomic Dustbin sur l’affiche de 1993… Ceux et celles qui se rappellent, une larme nostalgique à l’œil, de ces victimes de la grande bataille du rock sont autorisés à envoyer une carte postale souvenir à la rédaction.

Avant d’aller voir le résultat des travaux en solo de Baloji, ancien emcee de la formation hip hop liégeoise Starflam, pourquoi ne pas tendre une oreille distraite à la techno minimale du biologiste allemand Dominik Eulberg ? D’autant plus qu’il y propose quelques unes de ses productions dans la ‘Boiler Room’, tente consacrée aux sets de d.j.’s.

Soutenu par un ensemble au grand complet ainsi que deux choristes, Baloji vient présenter « Hôtel Impala ». Un premier album ambitieux concocté avec l’aide précieuse de pointures ; et en particulier Gabriel Rios, les Glimmers, Marc Moulin et Amp Fiddler. Expatrié à Gand, le Liégeois s’est fendu d’un opus autobiographique tout en abordant des sujets comme l’Afrique dont son Congo natal. Vêtu d’un costard beige plutôt classe, Balo ouvre son set par la version musicale d’un slam qu’on avait eu l’occasion d’entendre lorsque notre homme avait ouvert le concert d’Abd Al Malik, au Botanique, l’an dernier. L’ambiance est bonne et le groupe prend un plaisir visible à jouer ces titres fortement teintés de soul, de funk, d’un peu de reggae et même de rumba congolaise. Une prestation empreinte d’une belle énergie positive. Dommage que la voix soit sous-mixée ; car il est parfois difficile de comprendre les rimes conscientes et soignées d’un des m.c’s les plus doués du (défunt ?) collectif hip hop liégeois. On épinglera ainsi une reprise du « Personnal Jesus » de Depeche Mode dédiée à l’Afrique et libellée sous cette forme : ‘En Afrique on croit en Dieu et les traditions avant de croire en nous et c’est pour ça que l’Afrique reste en arrière’. Une remarque qui suscite la réflexion tout en aiguisant la curiosité vis à vis d’un album dont on va sûrement beaucoup parler.

La capricieuse météo belge semble pour l’instant vouloir épargner le festival. On en profite donc pour aller voir et entendre les Eagles of Death Metal sur la grande scène. Les morceaux de rock’n’roll du groupe de Jesse Hughes possèdent, sur disque, un charme très particulier. L’apport artistique de Josh Homme (Queens of the Stone Age) et de Tim Vanhamel (Millionaire) n’y est sûrement pas étranger, tant leur absence se fait ici cruellement ressentir.

Ce rock’n’roll moustachu et un peu lourdaud ne parvient pas vraiment à décoller et nous incite à nous rendre dans la tente baptisée ‘Château’ pour nous gaver du rock bruitiste et cinglé des Liars. Installé à New-York, le quatuor hésite entre transes percussives traversées de vocaux aigus et cavalcades noisy punk du plus bel effet. Une musique sans concession qui leur procure une cohorte de fans transis à travers le monde. On comprend mieux pourquoi à l’écoute de leur musique, car les aficionados de pur bruit rencontrent ici une synthèse furieusement rock’n’roll des travaux des Swans, Spacemen 3, Jesus & the Mary Chain ou encore de Can. Un assaut sonore entretenu par deux guitares grinçantes, un sampler et une batterie tribale qui en laissera plus d’un(e) groggy. En ce début d’après-midi le tracklist est partagé entre morceaux issus d’un nouvel album, dont la sortie est prévue fin août, et anciens titres. Le chanteur assène ses paroles comme des slogans et se démène comme un lion en cage. Il entraîne sa troupe vers une chanson finale apocalyptique. Elle aura certainement fait siffler plus d’une paire d’oreilles et vaudra peut-être aux organisateurs du Pukkelpop quelques plaintes pour acouphènes permanents. Le chanteur prend congé du public tétanisé mais ravi, tout en l’exhortant à aller voir Iggy & the Stooges programmés un peu plus tard sur la grande scène.

Après avoir vécu cette expérience limite, un peu de britpop ne peut que remettre les esprits en place. Précédés d’une réputation favorable, les Pigeon Detectives joueront le rôle de l’habituel groupe anglais persuadé de son importance. Le chanteur se pavane comme un coq. Leur power pop ne suscite pas d’adhésion particulière. Un profond ennui nous envahit rapidement et on décide alors d’aller se verser une bonne rasade de rock pompier.

S’il existait dans le monde une école pour apprendre à pondre du rock héroïque, Bono et Jim Kerr y donneraient sûrement des cours et les Editors feraient partie des élèves les plus assidus. Les jeunes gens de Birmingham prennent d’assaut la grande scène avec l’assurance de battants. Il faut dire que leur single « Smokers Outside The Hospital Doors » trotte dans toutes les oreilles depuis quelques mois et risque de les catapulter au firmament du rock. S’enfonçant dans un grotesque pastiche vocal de Ian Curtis, le chanteur multiplie à l’envi les poses de rocker torturé tandis que le groupe mouline des ballades new wave entendues mille fois auparavant. Au rayon des imitations ridicules de Joy Division, ils arrivent à surpasser Interpol ; mais au vu de l’immense degré de satisfaction manifesté par le public présent, on risque de se coltiner ces gaillards pendant toute l’année prochaine. Courage !

Histoire d’oublier ces tristes sires, The Go ! Team semble représenter la meilleure solution. En cours de route, on résout un débat concernant l’achat d’un t-shirt des Liars en y renversant par inadvertance une bière et on aperçoit le début du concert d’I’m From Barcelona.

Une poignée de gros ballons roses flotte dans la tente ‘Marquee’ et la grande confrérie entonne ses chansons chorales. Etrange groupe que les Go ! Team. Ce rassemblement de personnalités à priori antinomiques a produit une musique totalement intrigante. Un mélange d’exhortations hip hop old school, d’indie pop sautillante et de soul des années soixante. Un mur du son emmené par une chanteuse survitaminée, qui malgré son bandage au genou gigote comme une enseignante d’aérobic sous l’emprise de psychotropes. On suit le concert le sourire aux lèvres. On apprécie les morceaux déjà classiques du dernier opus et on découvre en même temps les titres du prochain, conçus dans le même esprit.

Nous demeurons dans les parages pour assister à un autre des événements marquants de cette première journée. Le rimeur anglais Dizzee Rascal s’est fendu d’une belle prestation en alignant les nombreuses tueries figurant sur son nouvel elpee « Maths+English ». De « Excuse Me Please » à « Pussyole » en passant par la drum and bass de « Da feelin’ » ou encore « Temptation » qui sample les Arctic Monkeys. Sans oublier le plus mercantile « Bubbles » qui vante les pompes récemment ‘designées’ par Dizzee pour le compte d’une multinationale du sport... Accompagné d’un M.C. et d’un d.j. hallucinant qui scratche de la main gauche et bouge le crossfader avec son menton, l’ami Dizzee a confirmé son grand talent de conteur urbain et d’entertainer. Bref un bon moment caractérisé par la grande clarté du son et surtout des voix, des propriétés importantes pour le bon déroulement d’un concert hip hop.

Rock’n’roll now ! Car c’est l’ami Iggy Pop et ses vieux compère des Stooges (plus Mike Watt des Minutemen à la basse) qui se produisent ensuite sur la grande scène. Authentiques légendes du rock, ces messieurs commencent à afficher un âge respectable. Une situation qui se ressent sur quelques titres plus faibles ; mais dans l’ensemble le band fournira un set de bonne facture. Une soirée peut-être spéciale puisque c’était l’anniversaire du batteur Scott Asheton. Il n’avait cependant pas l’air d’afficher une forme olympique. Les jambes écartées tout au long du concert, Mike Watt constitue un remplaçant de luxe au défunt bassiste Dave Alexander. Plus cabotin que jamais, Iggy passe en revue les morceaux des deux premiers albums des Stooges ainsi que quelques autres issus du dernier opus. Une belle prestation ‘best of’ parachevée par une invasion assez amusante du public invité à monter sur les planches, lors de « No Fun ». Un stage manager vêtu d’une chemise mauve essaie tant bien que mal de contenir l’anarchie produite par une centaine de personnes gesticulant comme des singes sur scène. Après que le dernier envahisseur ait été bouté hors de scène, les Stooges rappellent qu’ils sont des rockers fans de jazz puisqu’ils s’autorisent une version très ‘free’ et bruitiste de « Funhouse ». Un saxophoniste y participe même. James Osterberg hésite quelques secondes à nous montrer ses fesses avant de renoncer à ses desseins. Le groupe a déjà vidé les lieux et l’Iguane minaude encore quelques minutes sur le podium avant de prendre congé du public.

Après cette bombance de décibels, l’envie nous prend d’aller nous relaxer à l’écoute des doux accords de guitare de Devendra Banhart. Car en concert, le Vénézuélien cosmopolite a un don indéniable pour nous charmer. Hélas, on a dû vite déchanter. Venu interpréter les titres de son nouveau disque, l’homme (avec un  petit air de Charles Manson ce soir là) paraissait un peu désorienté sur scène. Il a passé pas mal de temps à essayer de faire fonctionner une guitare qui refusait de sortir le moindre son. Ensuite le tracklisting s’est limité à ses nouvelles compos. Difficile d’émettre un avis sur ces primeurs oscillant entre rock psychédélique et rythmes latins... Une chose est sûre, elles ont été alignées sans grand entrain et au sein d’une atmosphère tristounette... Arrive ensuite le moment habituel au cours duquel Devendra Banhart invite un spectateur à venir chanter un morceau sur le podium. Une espèce de clone débarque alors pour chanter un titre d’une banalité affligeante. Pas fou pour un sou, il balance au micro son adresse MySpace pour que le bon peuple aille écouter ses œuvres musicales. C’est à peu près à ce moment là qu’on décide d’oublier ce concert navrant en procédant à une petite séance de zapping de scènes, le festival constituant le lieu rêvé pour ce genre de pratiques.

Un petit tour au ‘dancehall’ nous permet de jauger la Sri-lankaise M.I.A.. Elle beugle, d’une voix pâteuse, être à la recherche de compagnie pour la soirée : ‘hey Belgian boys, I’m single !’ Juste avant d’enchaîner sur un titre qui sample une vieille chanson des Clash. C’était la fin du set.

On échoue au ‘Château’ où les Balkan Beat Box s’apprêtent à entamer les hostilités. Ce collectif newyorkais opère un vigoureux mélange des genres : musique des Balkans, reggae, ragga, électro. Un emcee/percussioniste (il chante en arabe et anglais) chauffe le public. Le début des opérations est plutôt convaincant ; mais au fil du temps, l’expression sonore s’enfonce de plus en plus dans une lounge sans saveur, abusant de samples et de notre patience. Elle commence d’ailleurs à payer les neuf heures de musique ininterrompues de la journée.

On décide d’aller se détendre en écoutant la musique contemplative de Low. Fondé par le couple chantant Alan Sparhawk et Mimi Parker, respectivement à guitariste et drummeuse, le trio américain est responsable d’une musique empreinte de désespoir. Le groupe est venu défendre l’album « Drums and guns », sorti il y a peu pour le compte de Sub Pop ; une œuvre qui couronne treize ans d’existence de la formation. Mimi chante et joue de la batterie debout et l’impassible bassiste prend une pose qu’il ne changera plus jusqu’à la fin du concert. Alan Sparhawk égrène des notes graves de guitare et chante son spleen d’une belle voix claire. Malgré une certaine froideur initiale (‘Thanks for coming, I hope you won’t fall asleep’), on ne s’ennuie pas et une ambiance particulière et recueillie nous enveloppe. La musique de Low touche des territoires sonores connus mais explorés d’une façon inhabituelle de nos jours. Elle met le doigt sur un certain malaise contemporain (et occidental) mais sans l’emballer dans les poses adolescentes. Après un titre dédié à Iggy Pop, le concert prend sa vitesse de croisière, privilégiant, hormis quelques incursions plus rock et bruitistes, le registre intimiste. Mais en imprimant toujours aux compos un tempo particulièrement indolent ; ce qui a valu au groupe d’être taxé de ‘slowcore’. Mais au delà des étiquettes, c’est la découverte musicale qui compte et ce concert en fût une très belle.

Et on termine cette copieuse première journée par la prestation des Australiens d’Architecture in Helsinki. Cette formation à géométrie variable pratique une sorte d’humour pince sans rire à la Monty Python et semble parodier différents courants de la musique pop des années 80. Tout y passe, de l’électro funk à la pop kitsch. Même si les titres ne sont pas toujours mémorables, le groupe peut se transformer en vrai machine à danser et est parvenu à rallier à sa cause la foule qui peuplait alors le ‘Château’.

Pukkelpop 2005 : vendredi 19 août

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Tout au long du trajet qui mène à Hasselt, nous avons traversé une multitude d'orages. Plus violents les uns que les autres. A un tel point, qu'on se demandait si le festival n'allait pas connaître une situation semblable à 2003, lorsque les campeurs durent plier armes et bagages, tant il était tombé de précipitations. Le site avait même été transformé en véritable cloaque. En arrivant à Kiewit, on s'est quand même rendu compte qu'il avait plu. Mais dans des proportions raisonnables. Ce qui ne nous empêchait pas de craindre le pire. Car les ondées ont commencé à se manifester. Pour heureusement cesser vers 13 heures. A partir de ce moment, le temps est demeuré menaçant, ne distillant que quelques gouttes voire une averse de brève durée. Finalement, le soleil fera de timides apparitions, préservant ainsi une affiche vraiment exceptionnelle. A croire qu'il existe un microclimat dans cette région, car tout au long de cette journée le reste de la Belgique aura les pieds dans la flotte tant il est tombé des hallebardes. Et connaîtra même des inondations ! Auxquelles nous assisterons sur le chemin du retour, vers 3h30 du matin…

Mauvaise nouvelle, Baby Shambles a déclaré forfait. Une demi surprise, car Doherty continue de filer du mauvais coton. Pas pour rien que les Libertines ont décidé de se passer de ses services. Et même de son talent.

Résultat des courses, le set de The Coral est retardé à 13h05. Tout en avalant un sandwiche, on entend au loin la musique d'un groupe qui ressemble à celle du Clash. Elle vient du club. Au sein duquel se produit Infadels. Une belle occasion pour découvrir cette formation londonienne pratiquement inconnue en Europe. De petite taille, tout de noir vêtu et la boule à zéro, le chanteur harangue la foule d'une voix au timbre fort proche de Joe Stummer. Look années 30 (le chapeau !), le guitariste arpente tout le long de la scène. Et hormis le drummer (NDR : ce serait le fils de Bill Brudford, un personnage qui a notamment milité chez Genesis, King Crimson et Yes) les autres sont aussi agités. En particulier, le claviériste/bidouilleur qui frappe sur une cymbale comme un malade. A la croisée des chemins de Radio 4, de Midnight Runners et de The Rapture, leur cocktail de punk, de funk, de soul, de garage, d'électro et de hip hop devient rapidement épileptique tout en libérant un groove irrésistible. Leur set est, en outre, très précis, ce qui ne gâche rien. Une chose est sûre, ces Infadels devrait facilement fidéliser ( ?!?!?) un public qui aime danser et faire la fête. C'est en tout cas un groupe à suivre…

Décontractés, souriants, les membres de The Coral montent sur la main stage ; mais on a l'impression qu'ils ne sont pas très motivés. L'heure de programmation y est sans doute pour quelque chose ; mais de là à se comporter en touristes… Constituée d'une majorité de chansons issues de leur deuxième album voire du troisième, la première partie de leur show va confirmer ce sentiment de détachement et de quiétude propice à une bonne sieste. Leur mélange de rythm'n blues et de country y contribue largement. Et c'est au moment où on a failli s'endormir que le groupe s'est enfin décidé à en revenir à son style garage/psyché. On aura droit ainsi à « Simon Diamond », « Waiting for the heartaches », Don't think you are the first » (NDR : au cours duquel le claviériste souffle dans un drôle de mélodica), « The operator » (NDR : le clin d'œil à « Astronomy domine » du Floyd circa Barrett), une nouvelle compo au cours de laquelle le guitariste va se servir d'un archet et en finale le décapant « Arabian sand » (NDR : mais si peu pour la circonstance). Et 35 minutes plus tard, la formation liverpuldienne tirait sa révérence…

Bien que né en 1996, Good Charlotte n'a guère évolué. Si sur disque, son post grunge peut encore séduire les très jeunes, sur les planches c'est la guerre ! Surpuissant, le son bombarde les tympans. Aux abris : les marines nettoient une poche de résistance dans un quartier chaud de Bagdad. Et les intégristes ripostent. On ne demande qu'une seule chose : un cessez-le-feu ! Il arrivera 40 minutes plus tard. Une boucherie !

Une puissance du son que Death From Above 1979 parvient à maîtriser à la perfection. Responsable d'un excellent nouvel opus («  You´re a Woman, I´m A Machine »), le duo canadien pratique une forme de drum'n' bass sculptée dans le métal, le punk ou le blues. Sébastien Grainger chante et joue de la batterie pendant que son compère, Jesse Keeler, se réserve la basse (souvent) et les synthés (parfois). Mais en permanence distordue par les pédales, la basse est utilisée comme une six cordes. Maintenant, il faut reconnaître que les festivaliers qui n'avaient pas eu l'occasion d'écouter (NDR : et surtout de réécouter) le double album avant d'assister à leur set, ont dû éprouver de grosses difficultés pour apprécier leur concert.

Les Posies s'étaient officiellement séparés en 1998, mais John Auer et Ken Stringfellow ont décidé de reformer le groupe en engageant une nouvelle section rythmique ; et puis ont enregistré un nouvel album : « Every kind of light ». Avant de repartir en tournée. Ils n'ont plus vingt ans. Le visage émacié, les yeux exorbités, Ken semble subir davantage le poids des ans et des excès en tous genres. Mais musicalement, ils ont toujours la pêche ! La power pop  musclée, électrique, héritée en ligne droite des Byrds et de Big Star est toujours aussi rafraîchissante. Alimentée par les guitares du tandem de base et soulignées par leurs harmonies vocales soignées, limpides, leur set est énergique. Le son puissant, excellent. Tour à tour John et Ken se réservent le lead vocal, interprétant ainsi leurs propres chansons. Pour la plupart issues de leur dernier opus ; même si le combo de Seattle n'oubliera pas d'y inclure quelques classiques comme « Solar sister » ou « Dream all day ». A l'issue de leur prestation la formation s'est quand même offerte un rafraîchissement. En l'occurrence une bonne rasade de whiskey, qu'ils ont bue à la santé du public…

Depuis le temps que la presse française parle des prestations 'live' de The National en termes élogieux, je souhaitais voir ce que cette formation américaine (New-yorkaise d'adoption, elle est originaire de Cincinnati, dans l'Ohio) avait dans le ventre. Pas pour les albums, bien sûr, puisqu'à l'instar du tout dernier (« Alligator »), ils sont tout bonnement remarquables. Surprise, Padma Newsome, violoniste/claviériste et membre semi permanent du combo n'est pas de la partie. Le line up est donc réduit aux frères Dessner (Aaron aux guitares et basse, Bryce à la guitare), aux frangins Devendorf (Scott aux guitares et basse, Bryan – pieds nus ! -à la batterie) ainsi qu'au chanteur Matt Berninger. Il y a bien deux choristes qui participent au premier titre, mais passé cette entrée en matière, on entre véritablement dans le vif du sujet. Sans le concours de Padma, la musique de The National prend une coloration beaucoup plus tonique, plus électrique. Mais une électricité chargée d'émotion très palpable. Qu'accentue d'abord les frères Dessner, capables de jouer de leurs six cordes sans onglet ! Que canalise la section rythmique à la fois solide, souple et efficace. Et que magnifie le baryton profond de Matt. L'intensité des compos, tour à tour intimistes, tragiques, ou impétueuses atteint même son paroxysme lorsqu'il hurle comme un désespéré. A cet instant, on a l'impression qu'il est hanté par l'âme de Ian Curtis. Emouvant ! Pourtant, le quintet peut également évoluer dans un registre plus nonchalant, empreint d'une grande mélancolie. C'est à cet instant qu'on se rend compte du rôle du drummer, dont le jeu très riche et original (NDR : lors d'un morceau, il recouvre les peaux d'étoffe, pour rendre les sonorités sourdes) s'apparente parfois à celui d'un jazzman. Un grand moment du festival ! (NDR : voir également l'interview)

Pour occuper la scène principale à 18 heures, Zornik doit jouir d'une grande popularité en Flandre. Et vu l'accueil que lui a réservé le public, c'est manifeste. Notamment après avoir interprété ses deux singles « Goodbye » et « Believe in me ». Un accueil mérité, même s'il faut avouer que le trio ne sait pas encore trop s'il doit marcher sur les traces de Muse ou de K's Choice. Koen Buyse en est le chanteur/guitariste. Une très belle voix ! Mais, franchement son look (un hybride entre Matthew Bellamy et Brian Molko) prête quand même à sourire. Cause à effet, Phil Vinall (dEUS et Placebo) a produit leur dernier album, un disque masterisé aux studios Abbey Road. Excusez du peu ! Suffirait que le groupe parvienne à trouver sa propre identité, et il pourrait s'exporter assez facilement. C'est tout le mal qu'on lui souhaite.

L'ex drummer de Smashing Pumpkins a donc monté son propre groupe : le Jimmy Chamberlin Complex. Un patronyme très bien choisi. A cause de la complexité de leur musique. On se croirait même revenu à l'époque du jazz rock de Chick Corea, voire du Soft Machine de Mike Ratlege et de Hugh Hopper. Faut dire aussi que Jimmy est avant tout un batteur de jazz ; et qu'il n'est venu au rock que lorsqu'il a rejoint le groupe de Billy Corgan. La prestation des différents instrumentistes a beau être époustouflante de virtuosité, le public a beaucoup de mal à vibrer à l'écoute d'un style musical tombé en désuétude depuis plus de 30 ans…

Stéphane (NDR : notre spécialiste en métal) avait tellement dit du bien de Nightwish, que je me suis décidé à aller jeter un œil au set de ce groupe finnois. Avant qu'il ne monte sur les planches, une bande sonore majestueuse, 'wagnerienne', envahit toute la plaine. Probablement un enregistrement de l'orchestre classique Academy's of St Martin's in the Field, auquel le groupe a fait appel pour l'enregistrement de leur dernier elpee « Once », en 2004 (NDR : pour votre information, sachez que Howard Shore, le compositeur de la bande originale du film « Le Seigneur des anneaux » a également reçu le concours de cet ensemble symphonique). Puis un à un les membres du groupe pénètrent sur le podium en saluant la foule. Il faut cependant attendre quelques minutes pour voir arriver la chanteuse Tarja Turunen. Très belle fille au demeurant ; dont la chevelure de jais retombe sur une longue robe noire recouverte d'un voile jaune. Jaune comme le micro et son pied de microphone. (NDR : qui a parlé de string jaune ?) Elle possède, en outre, une très belle voix. Une voix de sirène, opératique qui domine une musique qui mélange métal, classique, prog et gothique. Dans le style, c'est même bien fichu ; et le public conquis semble apprécier le spectacle. Malheureusement les riffs âcres du guitariste rayent constamment les jolies mélodies et au bout de dix minutes, je préfère m'éclipser…

Le Marquee était plein à craquer pour accueillir la nouvelle coqueluche britannique : The Futureheads. Un quatuor issu de Sunderland responsable d'un premier album surprenant. Un opus éponyme dont les compos évoquent tantôt Gang Of Four, The Jam ou encore XTC. Dans un style déchiré entre post punk, new wave et funk blanc. Le tout raffiné par de superbes harmonies vocales. Car les quatre musiciens chantent en jouant le plus souvent sur la diversité de leurs organes vocaux. Energique, effréné, dévastateur et pourtant hyper mélodique, le set enchante les aficionados mais déconcerte le public peu averti. Les compos défilent à une allure vertigineuse, le combo épinglant la plupart des plages de leur dernier elpee ; et en particulier leur fameuse interprétation a cappella de « Danger of the water » , « Decent days and nights » caractérisé par son riff irrésistible emprunté au « My sharona » de Knack et puis une version absolument mémorable du « Decent days and nights » de Kate Bush, au cours de laquelle le groupe va faire participer le public aux canons à travers une répartition mathématique des 'ooh ooh ooh'. Impressionnant ! Et le deuxième highlight du festival …

Brian Warner cultive la polémique et la provocation. Pourtant, lorsqu'on analyse attentivement ses propos ou ses textes, ils ne sont pas aussi simplistes qu'une certaine presse veut bien nous faire croire. Suffit d'ailleurs d'écouter ses propos dans le film « Bowling at Columbine » pour en être convaincu. Et puis, il ne faut pas oublier qu'il draine une cohorte de fans assez impressionnante. Fallait d'ailleurs voir cette plaine de Kiewit envahie par ces filles et ces garçons qui se maquillent, se coiffent ou s'habillent comme leur idole. Maintenant, il ne faut pas se bercer d'illusions : Brian fait intégralement partie du star system (NDR : pas pour rien qu'il est actionnaire d'une des plus grosses boîtes de crèmes glacées aux States). Aussi, c'est sans le moindre préjugé et avec beaucoup de curiosité que je suis allé voir le spectacle de Marilyn Manson. Une énorme mise en scène accueille la troupe de musiciens dont les maquillages et les vêtements sont plus excentriques et morbides les uns que les autres : des tableaux différents servent de cadre, un écran géant balance des mots issus de ses chansons ; et puis il y a cette potence à laquelle se balance un clavier. Rigolo ! Ce qui l'est moins, c'est qu'on n'entend pratiquement pas le guitariste. Que le son est pourri. La voix de Brian n'est déjà pas terrible, mais elle est régulièrement abrasée par des craquements (NDR : sinistres ?) ; un peu comme lorsqu'on écoute un vieux vinyle rayé. Brian monte sur des échasses. Peut-être pour mieux voir le public, car nous on ne voit rien. En fait, il n'y a pas grand-chose à voir. Et surtout à écouter. Pour nous le spectacle de Grand Guignol se termine à cet instant. N'en déplaise aux aficionados de Marilyn Manson. Un désastre !

Auteur d'une prestation cinq étoiles lors de son passage au Cirque Royal de Bruxelles, dans le cadre des Nuits Botanique, Arcade Fire constituait manifestement une des attractions majeures de la journée. Win Butler, Régine Chassagne, Richard Reed Parry, William Butler, Tim Kingsbury, Sarah Neufeld et Jeremy Gara ont de nouveau reçu le concours du violoniste Owen Pallett (Final Fantasy) pour accomplir cette nouvelle tournée. Hormis Sarah et Owen, qui se consacrent exclusivement à leur archet, tous les autres musiciens changent régulièrement d'instrument. Ce qui confère une coloration très diversifiée à leur solution sonore. Dès les premières notes de l'inévitable « Wake up », on sent déjà un degré d'intensité particulièrement élevé. Win, le leader se tient bien au centre de la scène. Look d'employé de banque (la plupart des hommes de la formation sont vêtus de la sorte), il joue le plus souvent de la guitare. Et assure un des deux lead vocals. D'un timbre qui rappelle David Byrne (Talking Heads). Régine se réserve d'abord les claviers. Puis au fil du set, l'accordéon, le xylophone, l'accordéon et même les drums. Jolie brunette, fluette, une fleur dans les cheveux, elle ressemble à une hawaïenne. Et puis elle dispose d'une voix très fine, aiguë, rappelant tantôt Kate Bush, tantôt Björk. Grand, cheveux bouclés, portant des lunettes, Richard Parry a le visage d'un étudiant de la fac ; c'est aussi un des deux clowns de service. Mais également un musicien talentueux. Il joue de la guitare, des percussions (NDR : il tape sur tout ce qu'il a sous la main, même sur des casques de moto), une contrebasse insolite et des claviers. Will Butler (le frère de Win) est plutôt pince sans rire. Râblé, imprévisible, un peu fêlé, il jette un froid dans le public, lorsqu'en fin de concert, il monte sur les armatures du chapiteau, avec une cymbale et son pied, à plus de 6 mètres de hauteur. Mais il est également excellent musicien. Bassiste, guitariste, il est capable de jouer du xylophone à l'envers. Et puis c'est un percussionniste aussi furieux qu'habile. Tous les musiciens assurent les backing vocaux. Et lorsque les sept voix sont à l'unisson, c'est impressionnant. Surtout lorsque le public les accompagne. Tout au long de leur set, le combo canadien va aligner la plupart des titres de son album « Funeral » : « Tunnels », « Laika », « Power cut », « Haiti », « Rebellion » ainsi que de son Ep. Et lorsque Régine interprète « In the backseat », sans doute en pensant à la disparition récente de ses proches, une larme commence à perler sur son beau visage. Emouvant ! Puis la machine se remet en route. Nonobstant, une multitude de cordes de guitares brisées et quelques petits soucis techniques, l'intensité finit par atteindre son paroxysme. Gorgées de crescendos qui finissent par s'écraser, leurs minis symphonies peuvent adopter des rythmes de new wave dansants, goûter à la simplicité folk ou à la grandeur opératique ; le tout avec une agression cathartique et une tendresse délicate. Et une nouvelle claque ! La troisième de la journée…

Pendant ce temps, le dance hall faisait le plein pour accueillir Goldfrapp. Un bassiste, un drummer et deux choristes/danseuses accompagnent le couple Gregory/Alison. Alliant discrétion et efficacité Will Grégory se charge des synthés, boîtes à rythmes et autres arrangements technologiques. Mais c'est toujours Alison qui focalise tous les regards. Très jolie, de petite taille (NDR : pas plus d'1m60 !), blonde, vêtue d'un tailleur de type Chanel et coiffée d'un superbe chapeau, elle affiche un côté rétro, cabaret, dans l'esprit de Marlène Dietrich. Vocalement, c'est tout à fait différent, puisque son timbre velouté, tendre, sensuel, campe un hybride entre Debbie Harry et Madonna. Leur électro pop avant-gardiste n'empêche en tous cas pas le public de danser. Et vu la qualité du set, il a pu joindre le plaisir des yeux et des oreilles… parfois dans un état de transe…

Je tiens à féliciter les organisateurs du Pukkelpop pour avoir choisi de placer les Pixies en tête d'affiche et non pas M.M. Pourtant, vu la différence de statut accordé par MTV à ces deux groupes, l'inverse aurait pu se produire. Et j'imagine les pressions qui ont dû être exercées pour infléchir leur position. Mais en privilégiant la qualité sur la notoriété, ce festival continue de respecter une ligne de conduite, préserve son image de marque et rend un hommage à un des groupes les plus importants des 20 dernières années. Mais venons-en au show. Les Pixies ont vieilli. Joe Santiago, le guitariste et David Lovering (NDR : affublé de lunettes il ressemble à Walter Meeuws !) n'ont plus un poil sur le caillou. Kim Deal – cigarette au bec, et regard dans les étoiles -  a le look d'une ménagère américaine occupée de préparer une pizza. Il ne lui manque que le tablier ! Finalement, seul Charles Thompson n'a pas top changé. Reformé l'an dernier, le combo s'était produit dans le cadre du festival Werchter. Et on ne peut pas dire que leur prestation fut transcendante. Faut croire qu'à force de tourner, le quatuor a retrouvé ses sensations, car les Pixies ont accordé un des meilleurs sets de leur existence en Belgique. L'osmose entre les musiciens est intacte. La voix de Francis est toujours aussi abrasive et perçante qu'en 1988. Celle de Kim aussi sensuelle. Et sa basse percutante et groovy. Mais la bonne surprise procède de Joe Santiago, dont les six cordes sont aussi tranchantes qu'au début des eighties. Au programme: « Where is my mind », "Here comes your man", « Bone machine », « Monkey gone to heaven », « Vamos », « Debaser », "Caribou », etc. Et puis quelques flips sides de singles. Un seul rappel : « Gigantic ». Pourtant, on sentait Black enclin à poursuivre le set (NDR : dans le passé et en particulier lors de ses expérimentations post Pixies, il pouvait jouer pendant plus de deux heures) ; mais Kim lui a fait comprendre que jouer 1h30, c'était suffisant. N'empêche, on venait de recevoir une claque de plus !

Quelques mots quand même d'Apocalyptica qui jouait au même moment que Maxïmo Park. Constitué exclusivement de violoncellistes, le quintet finlandais semble autant attiré par Richard Wagner que par le métal. Spécialiste, dans le passé, de reprises de Metallica, le groupe s'est enfin décidé à intégrer ses compos personnelles dans son répertoire. Au sein d'un univers scénique glauque, tapissé de crucifix lumineux, le set dégage une énergie incroyable, presque sauvage. Une sensation accentuée par les instrumentistes qui se lèvent chacun leur tour de leur cercueil, sur lequel ils sont adossés… 

Et à une heure du mat, Maxïmo Park faisait irruption au club sous un tonnerre d'applaudissements. Le public est chaud, très chaud ; et dans le premiers rangs, ça pogote ferme. Le groupe de Newcastle aligne les compos de son premier opus dont les inévitables « Graffiti », « Postcard of a painting », et puis les singles « The coast is always changing », « The night I lost my head » ou encore « Apply some pressure. Deux nouveaux morceaux également. Paul Smith, le chanteur, en rajoute une couche, se tord dans tous les sens, et ponctue la plupart des compos d'un jump explosif. Entre chaque titre, il remercie le public et boit une lampée d'eau, reposant la bouteille sur le sol sans baisser la tête, pour ne pas froisser sa chevelure gominée. L'expression qui se lit sur son visage trahit toutes les émotions qu'il essaie de faire passer. Depuis la colère à la peur, en passant par la passion et l'euphorie. Une forme d'art dramatique qu'il veut communiquer au public sur un ton théâtral. Typiquement britannique, la musique opère une sorte de fusion de l'âge d'or des eighties : depuis Wire à Gang Of Four, en passant par XTC, les Smiths et Jam. Dans un style convulsif, parsemé de brisures de rythme ou même de breaks. A gauche de la scène, look à la Graham Coxon (ex Blur), Duncan Lloyd - le guitariste - allie efficacité et sobriété. Tout comme la section rythmique d'ailleurs. Par contre, le claviériste, semble dans un état second. Non seulement, il imite les gestes d'un robot, mais emporté par son délire, il recule imprudemment au fond de la scène, percute un retour de scène, et se retrouve les quatre fers en l'air. Sans trop de mal, heureusement. Une heure plus tard, le quintet se retire. Le public est ravi, mais aussi assommé par la puissance du son. Cinq claques dans la même journée, c'est plutôt rare lors d'un festival…

 

Pukkelpop 2007 : vendredi 17 août

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Le programme de cette deuxième journée semble moins intéressant. Nous arrivons cependant sur la plaine de Kiewit assez tôt pour y voir les Anglais d’Art Brut balancer la sauce. Leur punk rock ironique n’ayant jamais suscité un intérêt profond chez votre serviteur, une nouvelle séance de zapping s’impose.

Malgré l’heure matinale, les Shameboy parviennent à bien remplir la ‘dance hall’. Faut dire que leur électro est saturée de lignes tracées au cœur de synth-bass funky. Mais ce n’est pas encore le pied.

En déambulant sur le site, on perçoit les accords rock’n’roll des Gantois Van Jets qui essaient d’enflammer la grande scène. Tâche ardue pour ce début de journée plutôt calme.

On finit par se décider à aller voir ce que les Bedouin Soundclash ont à proposer. Leur single, « Beautiful Day » est une sympathique comptine reggae rappelant Toots & the Maytals. Mais le trio basse-batterie-guitare est décevant. Influencé par The Police et The Clash, ces jeunes gens issus de Toronto pratiquent du mauvais reggae comme seuls les punk rockers peuvent en faire. On a l’impression d’entendre des chutes de studio de l’album « Sandinista » et on s’ennuie ferme. On voudrait cependant leur laisser une chance, mais après une bonne moitié de concert, les Bedouin n’ont toujours pas joué le moindre morceau digne de ce nom.

On quitte donc les lieux pour aller zieuter la fin du set des Anglais de Reverend and the Makers, groupe en odeur de hype de l’autre côté de la Manche. Le peu qu’on en verra est effectivement intéressant. Leur disco lente et psychédélique bénéficie de la présence d’un chanteur à l’attitude arrogante, dont le timbre plutôt chouette rappelle un peu Ian Brown et l’allure celle de Richard Ashcroft. Il s’inquiète même des éternels problèmes linguistiques vécus en Belgique. Aurait-il pris des cours de rock pompier chez Bono ??

Le premier bon moment de la journée procédera des Anglais de Fujiya & Miyagi (‘lustrer, frotter’, rappelez-vous de Karate Kid). Trois gaillards assez simples et au look passe-partout. Le trio a sorti, il y a peu, un opus qui touille dans le krautrock, l’indus (Krafwerk ?) mais surtout l’électro-funk. Chant susurré, guitare funky, rythmiques programmées, basse métronomique et une nuée de claviers vintage s’unissent pour créer une musique dansante et hypnotique. Elle agitera les têtes et les bassins de l’assistance. Malgré une présence scénique presque inconsistante leur musique libère un haut potentiel explosif. Et elle est plutôt drôle. Surtout quand on voit le claviériste au look de programmeur COBOL exhorter la foule en chuchotant « Sock It To Me ! ».

C’est sous le chapiteau ‘Wablief ‘ que se déroule le très bon concert des Prima Donkey, super groupe flamand emmené par l’ex-dEUS Rudy Trouvé à la guitare et Gunter Nagels à l’accordéon, moitié vocale de Donkey Diesel. Impliquant des membres de DAAU, Laïs et des Seatsniffers, ce projet musical est très intéressant. Leur musique est très filmique et richement orchestrée : theremin, guitare, accordéon, cuivres, claviers. Le tout enrichi par les voix très country de deux charmantes choristes. Sans oublier celle de Rudy Trouvé (il a l’air très déprimé) et de Gunter Nagels, dont le timbre est très proche de Tom Waits. Et c’est précisément aux territoires hantés de ce dernier que l’on pense à l’écoute des Donkeys. Différence ; quoique l’approche est peut-être un peu plus légère (toutes proportions gardées). Au delà de très bons morceaux originaux du groupe, deux reprises sortent du lot. Une superbe version du « Ghost Rider » de Suicide et une cover country & western de « Jesus Built My Hot Rod », le morceau le plus connu de Ministry chanté par Gibby Haynes des Butthole Surfers.

Sorti du chapiteau, on entend le public de la ‘Boiler room’ scander ‘Master ! Master !’ On se croirait presque en Allemagne sous le régime hitlérien. Ce n’est heureusement pas le cas. En fait, il s’agit simplement de la manifestation de satisfaction de la foule consécutive au dj-set de MSTRKRFT.

Direction la ‘Dance Hall’ pour arriver au début du concert de Cansei de Ser Sexy. Ce groupe a bénéficié d’une certaine hystérie médiatique sans qu’on sache vraiment pourquoi. Un combo disco de plus emmené par une chanteuse dont la voix insignifiante éprouve toutes les difficultés du monde à passer au-dessus de la musique.

En passant devant le ‘Château’, Skream balance son dub électro pour hooligans. Pas le temps de s’arrêter car, car il est judicieux de se placer idéalement pour bien profiter de la furie rock’n’rollienne des Hives. Les Suédois viennent présenter leur album « Black and White ». Un concept appliqué à la lettre puisque tous les instruments sur scène sont en noir et blanc, à commencer par la superbe batterie ‘Premier’ qui trône au milieu de la scène. Authentique machine de guerre, les Hives balancent leur rock’n’roll jouissif. Quarante-cinq minutes qui s’écouleront en un instant. Alternant tubes et morceaux de leur nouvel opus, ils récoltent l’adhésion totale de la foule et préviennent que ‘there wil be other bands tonight, but it doesn’t matter !’ Le pire, c’est que la prophétie se réalisera presque, tant le reste de la soirée rivalisera d’insipidité.

Après une telle claque, c’est comme passer directement de la vision de ‘Pulp Fiction’ au nouveau James Bond : tout à l’air un peu fade et moins drôle. C’est un peu le cas des Noisettes, trio anglais précédé d’une bonne réputation et auteur du très chouette single « Don’t Give Up ». On a du mal à entrer dans le concert, mais il faut reconnaître la charge charismatique de la très sexy Shinga Shoniwa. Coiffée de plumes d’Iroquois, elle bouge dans tous les sens et donne du relief au garage rock sans concession pratiqué par la formation insulaire…

On prend une petite pause en contemplant un vieil homme éponger une impressionnante plaie au genou : un trou béant d’où s’échappe une quantité inouïe de pus. On espère pour lui qu’il ne fera pas de septicémie. Chris Cornell s’époumone au loin sur « Rusty Cage »…

Mais on a opté pour Patrick Wolf. Il arbore une cape argentée en guise de tenue de scène. Une de ses violonistes ressemble furieusement à la Castafiore. Mais on a bien du mal à entrer dans son univers baroque et pompeux, né d’un croisement hypothétique entre Lord Byron et la Gay Pride.

Tentative d’incursion sous la tente où le Dj Jazzy Jeff passe ses disques. Certains d’entre vous se rappelleront du bonhomme pour avoir tenu le rôle du meilleur pote de Will Smith dans la série le Prince de Bel Air. C’était le type qui se faisait toujours éjecter par l’oncle Phil… Au delà de cette image de pitre, l’homme est en fait un producteur notoire (Jill Scott notamment) dans la nu-soul et le hip hop. On aurait aimé écouter les galettes qu’il allait mixer ; mais c’était peine perdue : la foule débordait de partout et rendait impossible l’entrée dans la surchauffée ‘Boiler Room’. Même chose pour Laurent Garnier : accès impossible à la ‘Dance Hall’ pour cause de surpeuplement.

Mieux valait donc rejoindre la grande scène où Arcade Fire prépare son spectacle. Le combo canadien est passé en peu de temps du statut underground à celui de gros vendeur. Une transition qui doit être difficile à négocier. Le line up de l’ensemble implique une petite section de cuivres, trois violons, un orgue d’église, sans oublier la formation de base rock. Les neuf membres attaquent le concert de manière énergique. Mais le chanteur est en petite forme. En outre, il semble rencontrer d’incessants problèmes de retour. Le collectif possède une armada de chansons déjà bien entrées dans l’inconscient. Une preuve ? Votre serviteur ne possède aucun disque d’Arcade Fire ; et pourtant une bonne partie de ces morceaux m’étaient familiers aux oreilles. Arcade Fire possède tous les atouts pour devenir un groupe capable de remplir les stades ; mais cette réussite fulgurante est à double tranchant. En fait, Arcade Fire risque fort de passer chez les stars pompeuses. Lors de ce set, le manque d’humour était patent et le lyrisme exacerbé des chansons flirtait dangereusement avec le mauvais goût. Néanmoins, (et c’est l’essentiel), le public a repris en chœur ces mélodies quasi celtiques qui évoquent des mondes mythiques et des forêts enchantées où des farfadets idéalistes préparent une révolution marxiste.

On passe rapidement par le Marquee où Dinosaur Jr se produit sous son line up originel. Mais son rock est gâché par les solos de guitare indigestes de Jay Mascis. Il faut dire qu’on a mieux à voir puisque notre curiosité a été aiguisée par une horde de jeunes gens habillés de la même manière.

Veste en jeans et rouflaquettes rock’n’roll, ils relèvent de la confrérie des Turbojugend. Fans absolus du groupe norvégien de glam métal Turbonegro, ils se déplacent en groupe pour aller voir les concerts de leurs artistes favoris. Il existe, à travers le monde, plusieurs sections locales de Turbojugend, garantissant ainsi à Turbonegro une énorme base de fans acharnés. Le terme ‘turbonegro’ fait référence à une pratique sexuelle qui consiste à mettre son poing dans l’anus de quelqu’un pour aller y chercher de la matière fécale… La ‘shock value’ semble être l’arme absolue du groupe qui pratique un punk-métal rappelant un peu Judas Priest. L’autre originalité du groupe consiste à s’amuser de l’imagerie homosexuelle dans un milieu connu pour son homophobie. C’est un peu pour toutes ces raisons qu’on se rend à la ‘Skate stage’ pour voir si le spectacle peut être drôle. Fréquentée par un public plus jeune, cette scène est caractérisée par le nombre élevés de verres de bière qui s’élèvent dans les airs. Alors que statistiquement l’objectif soit impossible à atteindre, une quantité anormalement élevée de ce liquide atterrit sur la tête du rédacteur de cette chronique qui se retourne comme un vieux plouc pour tenter de déceler le coupable de cette vilenie. Les Turbonegro finissent par arriver et le contraste est frappant entre le frêle guitariste (50 kilos tout mouillé) et Hans Erik Dyvik Husby, l’énorme chanteur. Une sorte de gros Viking décadent qui se ballade torse nu, en tenant à la main une canne surmontée d’une pomme argentée. Il porte un gilet court aux couleurs du drapeau américain et se démène comme un beau diable. C’est assez drôle et pas sérieux pour un sou, même si musicalement le résultat n’est guère mémorable. A propos, si vous êtes intéressé, sachez qu’il existe en Belgique des sections locales des Turbojugend…

 

Pukkelpop 2005 : samedi 20 août

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En ce dernier jour de fête, les palabres commencent sous les tonnelles du Club où s'égosille sereinement le chanteur de Dead Fly Bukowsky. Entre psychédélisme abrupt et punk souffreteux, le spectacle offert par le quatuor anglo-saxon dépasse de (très) loin les bribes sonores déposées sur « Land of The Rough », leur premier album.

Sur la Main Stage, Danko Jones triture sa guitare, consulte dignement la foule du coin de son 'indévissable' rictus. Les déflagrations sonores sont violentes : à la croisée des riffs d'Angus Young (AC/DC) et de ceux de Ron Asheton (The Stooges). Rock'n'roll ?

Sous la Marquee, l'héritage de The Jesus And Mary Chain est de nouveau remis sur la sellette par The Raveonettes. Deux voix : celle de Sune Rose Wagner et celle de Sharin Foo. Les descentes vocales du couple se perdent dans une marée hyper distordue de rage contenue. Le nouveau disque de ces Danois de la banlieue de Copenhague vient à peine de paraître. Et déjà, de virtuels hits potentiels viennent nous chatouiller les tympans. Le concert n'est pas mauvais. Mais on sent le groupe incertain, à la recherche de nouveaux automatismes.

Laissons donc du temps aux Raveonettes et tournons nous vers la grande scène où se tient le concert de LCD Soundsystem. Il est 14 h 35. James Murphy et la bande du joyeux bruit envahissent la place. Dans la fosse, les admirateurs de boules à facettes s'interrogent : pourquoi faire jouer le LCD Soundsystem à cette heure si matinale ? James Murphy, lui-même, semble à peine tombé du lit. D'ailleurs, il ressemble à un gros nounours (Teddy Bear Murphy ?). Alors, pourquoi ne pas avoir préféré un chapiteau aux derniers sursauts de la nuit ? La réponse demeure énigmatique. Peu importe, le groupe installe une atmosphère nocturne, échafaudée dans une tanière d'Acid House, de post-punk, de rock garage et de pop psychédélique. La mixture mise au point par James Murphy défie les lois de l'évidence. Et comme pour renforcer cette sensation surréaliste, le groupe électrogène implose à l'entame du deuxième morceau. C'est la guerre ! Sur scène, la concentration vire à l'incompréhension. Pourtant, le public désire son concert et le laisse entendre. Après cinq longues et douloureuses minutes d'attentes, l'électricité fait à nouveau son apparition. Cet épisode a (légèrement) chauffé le public. Mais la voix de James Murphy s'égare et se perd peu à peu dans l'air. Pour l'occasion, le tube « Losing My Edge » se mue en « Losing My Voice ». « I was there… », soutient le chanteur: nous aussi. La boîte à tubes nous sort le grand jeu : « Daft Punk Is Playing At My House », « Too Much Love », « Movement » ou le mythique « Yeah » s'infiltrent dans les cavités pour ne plus jamais en sortir. A l'issue de ce set imparable, nous soulignerons l'inexplicable apathie collective des spectateurs, inconscients juvéniles placés aux premières loges de l'histoire.

Ensuite, la programmation du jour tombe dans un inextricable vortex, trou noir d'excitation. Ainsi, ce ne sont pas les Canadiens de Hot Hot Heat et leur dégaine hyper maniérée qui vont nous pousser à la débauche. C'est bien simple : l'année dernière, ces garçons disposaient d'une paire d'avantages. D'une part, un honorable premier album (« Make Up The Breakdown ») et d'autre part, un facétieux guitariste, le gentil Dante De Coro. En 2005, Hot Hot Heat a viré son meilleur élément et a signé un disque rachitique, pauvre en énergie, réchauffé sur la flamme d'un briquet usager. Autrement dit, il est temps de prendre ses jambes à son coup, un paquet de frites dans les mains et courir vite. Oui, mais dans quel direction ?

Pour se diriger, on suit le regard des mateurs de jupons, obnubilés par la vision de la belle Heather Nova. Certes, l'Américaine n'est plus toute jeune mais sa beauté ne prend pas une ride… Pour ce qui est de sa musique, force est de reconnaître que c'est de pire en pire. Son joli timbre cristallin d'antan laisse aujourd'hui entrevoir les stridences d'un âge adulte, sage et horriblement ennuyeux.

L'impasse artistique touche à son terme lors de l'apparition des quatre trublions de Sons and Daughters sur les planches du Club. Nos Ecossais en connaissent un pan sur la musique et ne se privent pas de le chanter. David, Scott, Adele et Ailidh vouent un véritable culte à Johnny Cash sur un fond de culture rock écossais: Arab Strap et Orange Juice en tête. Le concert impressionne les curieux, étonne les connaisseurs. C'est un fait, en quelques mois, Sons and Daughters a irrésistiblement progressé et trouvé le passage secret menant vers les cimes des charts. Un concert de très bonne tenue malgré certaines dérives vocales d'Adele dans ces périlleux duos qui font le charme du groupe.

La suite des ébats sera dansante et forcément électronique. Sous le Dance-Hall, la tension monte d'un cran : tout le monde attend Vitalic comme le nouveau messie de la scène électro. Les premiers beats retentissent et le peuple converge à l'unisson vers la transe extatique, le climax collectif. D'un seul homme la foule bondit, danse et se déhanche. Vitalic est en train d'asseoir sa popularité. « My friend Dario », « No Fun », « U and I » résonnent sous les bâches en plastique. Les corps se déplacent et se surpassent pour fêter dignement cette grande messe vaudou. Seul sur scène, le Français redore le blason 'French Touch' et en rajoute une couche, très personnelle celle-là. Ce set restera comme l'un des meilleurs de cette 20ème édition du Pukelpop : un instant inoubliable (trop court) où chacun vit un moment intense comme le dernier des bonheurs. A la fin des hostilités, les muscles relâchés et caoutchouteux divaguent à travers les détritus jonchant la verte prairie.

Dans un dernier effort, on atteint les portes du Château où Whitey règne en maître. Ce dandy chapeauté se la joue désinvolte, désintéressé. L'homme affiche un charisme à tout va. Caché sous son couvre-chef de mafieux, le garçon fume sa cigarette d'un air faussement absent. Sa musique valait pourtant le déplacement : électro-pop chamboulée de blues et de riffs hyper rock'n'roll, mélange hybride, surprenant et sincèrement interprété par un artiste à découvrir sur album de toute urgence…

Sur la grande scène, c'est le grand retour des néo-métaleux de Korn. Jonathan Davies n'a pas beaucoup changé, un peu grossi tout au plus. Amputé d'un membre suite à l'appel mystique de Dieu, Korn se débrouille avec un seul bourreau des six cordes. Et là, on se demande franchement pourquoi les Américains s'efforçaient de combiner deux guitares. Le son est puissant, féroce, dangereux comme aux premiers jours de l'aventure. Pour sa part, Korn revisite efficacement son répertoire et se fend d'une reprise vivifiante de « The Wall ». C'est une bonne surprise mais le meilleur reste à venir.

Sous le Club, très exactement, où se préparent les agitateurs de !!!. La musique de ces zigotos est indescriptible : elle n'appartient pas aux règles fondamentales des classements hiérarchiques du dictionnaire du rock. Le groupe malaxe les genres et arpente les époques pour se diriger vers le futur, un avenir utopique où le rock et l'électro seront les Adam et Eve d'autrefois. !!! construit les bases d'une nouvelle humanité musicale. Leur concert est soufflant, haletant. Les yeux ne savent plus où donner de la tête, les oreilles restent bouches bées et le cerveau déconnecte, gambade dans des contrées spatio-vasculaires hallucinatoires, divinatoires. Tout à coup, le chanteur sonne le glas de la performance et rappelle la foule à l'ordre : 'regardez derrière vous, c'est Nick Cave ! Ne le ratez pas, ce qu'il fait est vraiment excellent'. A la surprise générale, le concert du grand Nick a déjà commencé…

Un dernier regard en direction des émeutiers de !!! et les écrans géants placés de chaque côté de la Main Stage nous hypnotisent irrémédiablement vers l'objectif ultime. Nick Cave s'impose comme la tête d'affiche incontestable de cette édition en forme de gâteau d'anniversaire. Comme pour le Pukkelpop, les années se suivent et Nick Cave conserve, lui aussi, toute sa splendeur. Le grand mince aux chaussures noires alimente principalement son concert des meilleurs passages d'« Abattoir Blues », son dernier disque. Le moment vaut le déplacement. Pour beaucoup, cette rencontre avec Nick Cave était une première. Elle restera inoubliable. Espérons que ce ne sera pas la dernière… Le public en redemande mais rien n'y fait : les feux d'artifices crépitent déjà dans le ciel comme un dernier au revoir.

 

Pukkelpop 2007 : samedi 18 août

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La dernière journée du Pukkelpop commence en douceur par The Bony King Of Nowhere. Derrière cet étrange nom, se profile le jeune Gantois Bram Vanparys, grande promesse qui s’est révélée au public lors d’un concert de Devendra Banhart. Le jeune homme est ainsi sorti d’un relatif anonymat et a, par la suite, remporté un concours rock (De Beloften), joué à l’occasion des défricheuses soirées Rock&Brol et figure à l’affiche du prestigieux festival Domino à l’Ancienne Belgique. Et croyez-nous, ce garçon ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Sa musique épouse la douceur de Nick Drake qu’il mélange aux inquiétudes de Thom Yorke. Mais Bram Vanparys possède son propre style et a d’ailleurs reformé un combo pour se produire sur scène. Une formule qui fonctionne très bien, surtout que tous les musiciens possèdent de bonnes voix et solidifient le timbre fragile de Vanparys. Même si le set rencontre une baisse de régime au cours de sa deuxième partie, la qualité des vocaux et des mélodies impressionne. Si la formation passe près de chez vous, ne les manquez surtout pas.

Après une écoute distraite de l’électro-rock de Home Video, on décide d’imprimer une saveur pop et mélodique à ce début d’après-midi. C’est ce qui nous incite à fendre une foule de plus en plus importante pour aller écouter Albert Hammond Jr. Le guitariste des Strokes vient de sortir un album solo empli de mélodies pop-rock subtiles et sans prétention. Un disque à l’image de ce concert tout simple où l’homme vêtu de jeans blanc enchaîne de manière décontractée des ballades pop-rock suscitant la sympathie. L’homme ne tente pas de révolutionner la musique et se contente de nous faire passer un bon moment. Ce qui est déjà très bien. On aura même droit à « Old Black Dawning », une reprise d’un titre du premier (et excellent) premier opus solo de Franck Black, (ex) chanteur des Pixies.

Toujours plongé dans un univers pop, on se laisse conseiller par le programme du jour. Il mentionne la présence de Soapstarter, groupe formé par d’anciens membres de dEUS, Soulwax et Vive La Fête. La scène est envahie de plantes vertes. Une riche idée pour illustrer la pop ensoleillée de ces gaillards. Leur musique est assez proche de celle des Français de Tahiti 80. Une solution sonore très mélodique puisant son inspiration dans la soul et le funk le tout saupoudré d’un zeste de reggae. Vraiment très intéressant ! On attend impatiemment leur album « Naked Wheelz » pour se forger une meilleure idée de leur potentiel.

Toujours dans le rayon belge et pop, on décide d’aller assister à la prestation des Tellers. Ce duo pop folk wallon a connu une ascension très rapide. Remarqués par le label bruxellois 62TV, lors du concours radio hebdomadaire Pure Demo, les Tellers sont invités à enregistrer quelques maquettes de leurs titres dans un local de répétition. Le résultat est tellement probant qu’il est publié illico sur un huit titres dont le succès rencontré est plus qu’honorable. « More » tourne beaucoup sur la bande FM et une multinationale photographique décide d’utiliser « Second Category » pour son spot publicitaire européen. La suite logique se traduit par la sortie d’un premier album dont la sortie est imminente : « Hands full of Ink » sera distribué dans toute l’Europe par COOP, filiale alternative de V2. Une ‘success story’ qui a déjà fait jaser les esprits chagrins ; et pourtant leur réussite est totalement méritée. La voix est excellente et les compos très mélodiques rappellent parfois Bob Dylan dans ses moments les plus pop. Le tout abordé avec un esprit plus rock’n’roll qui doit beaucoup aux Anglais. Le charme opère aussi au Pukkelpop : après de multiples essais non concluants, les gaillards semblent avoir trouvé un line up qui tient la route. Leur set totalement rafraîchissant accentue l’ambiance pop empruntée par le festival, en ce début d’après-midi.

Vu la dose de bruit et de fureur prévue pour la fin de soirée, on évite The Streets qui enchaîne tubes et reprises (« I Love Rock’n’Roll », « Goin’ Out Of Space ») sur la grande scène.

Et on se rabat sur une session acoustique des rockers liégeois Hollywood P$$$ Stars. Installés dans une tente sponsorisée par un géant du monde bancaire, ils nous proposent les titres de leur nouvel opus « Satellites », dont la sortie est également toute proche. Les titres accrochent moins instantanément que ceux de leur précédent elpee. Cependant, au fil des écoutes, on recèle des qualités qu’on n’avait pas soupçonnées après une première écoute rapide du disque. Les Liégeois joueront ces mêmes morceaux et quelques autres un peu plus tard dans la soirée. Minés par quelques problèmes techniques, ils proposeront un set très rock, limite métal au cours duquel le single « Andy » se détache du lot, dans un style très proche de Millionaire.

Après avoir zappé le space rock bancal des norvégiens de 120 Days, on décide d’aller admirer CocoRosie. Admirer parce que les photos de presse des sœurs Cassidy ne laissaient pas imaginer que l’une d’elles (celle qui porte de longs cheveux noirs) était fichtrement sexy dans sa tenue blanche, à cheval entre le bikini et le pyjama d’été. L’autre sœur (la moustachue) tape moins dans l’œil, même si elle a revêtu un gilet fluorescent de la sécurité routière. CocoRosie vient de concocter un album très inspiré par le hip hop, et cette coloration se ressent aussi beaucoup sur scène. Une basse, des claviers et des jouets. Sans oublier un ‘human beat boxer’ aux hallucinantes capacités techniques qui balance des beats hip hop avec sa bouche tandis qu’une des sœurs Cassidy rappe dessus. En contrepoint, l’autre frangine se lance dans des vocalises évanescentes proches de l’opéra. Une musique aussi agaçante que fascinante et qu’on a bien du mal à appréhender. Un subtil sentiment de malaise émane de ces mélodies faussement enfantines mais vraiment désespérées… comme un mauvais rêve qui n’en finit pas. Très original et osé en tout cas ; dommage cependant que parfois on frise le grand n’importe quoi.

Il est temps de relater le meilleur set de ce festival : celui des New-yorkais de LCD Soundsystem. On ne se lancera pas dans de vains discours ; il suffit de savoir que ce concert dynamisé par les basses tonitruantes nous a enthousiasmés. Une énergie énorme et constante a transporté la foule dans l’extase. Les morceaux des deux albums ont souvent été interprétés sous leurs versions longues. Des versions qui doivent autant à l’électro (Krafwerk ?) qu’au punk goguenard (The Fall ?) A l’issue du concert on en est encore tout fébrile, et on va se préparer une petite camomille pour se remettre des vibrations basses, coupables de nous avoir retourné l’estomac et fait claquer les dents.

On terminera ce compte rendu marathon (je félicite et remercie celles et ceux qui les auront lu jusqu’au bout) par la prestation des Sonic Youth. Toujours intègres, les vétérans du noise rock viennent jouer l’intégralité de « Daydream Nation ». Un double album sans concession, paru en 1988 et devenu culte pour les nombreux fans qui s’entassent sous la tente ‘Marquee’. Thurstoon Moore et Lee Ranaldo nous font la version rock de la ‘Guerre de Etoiles’ en organisant une lutte de manches de guitares avant de mettre à mal nos oreilles pendant une heure et demie. Un délire de larsens et de distorsion où les mélodies délavées et les paroles étranges tentent d’émerger du magma sonore. Un concert complètement fou, d’autant plus respectable que ces Yankees pratiquent ces joyeusetés depuis bientôt trente ans. Prenez-en de la graine et rendez-vous l’année prochaine pour un bon entretien général des acouphènes !

Amicalement

Enzo

Cactus 2005 : vendredi 8 juillet

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Le Cactus attire de plus en plus de monde. Pour preuve, la journée du dimanche consacrée essentiellement à la world était sold out. Faut dire que le cadre du Minnewaterpark est absolument superbe. Canaux et espaces verts balisent ce festival encore très familial. Des enfants (NDR : pour lesquels de multiples activités ont été organisées), des parents et des grands-parents côtoient les festivaliers dans la plus grande convivialité. Et puis une seule scène. Ce qui permet de souffler une petite demi-heure entre chaque set…

Vendredi 8 juillet

Il revenait à Dieffenbach d'ouvrir la 24ème édition du festival. Le peu de temps consacré à leur set m'a quand même permis de découvrir une formation qui accorde un très grand soin à ses harmonies vocales. Pensez aux Byrds. Sur une musique élégante, à la fois pop et psychédélique, largement influencée par la fin des 60's et le début des 70's ; mais revisitée par un très fort courant post rock. Etonnant, lorsqu'on sait que les deux premiers elpees accordaient une large part à l'électronique. Et apparemment, le troisième et dernier opus (NDR : « Set and drift ») de ce quintet danois confirme la nouvelle orientation. Un groupe à suivre, c'est une certitude…

La Scandinavie était à l'honneur, puisque après des Danois, l'affiche nous proposait des Norvégiens : Madrugada. Pas des inconnus, puisqu'ils se sont déjà produits à plusieurs reprises en Belgique et notamment lors d'une précédente édition du Cactus. Et puis la formation compte déjà 4 albums à son actif, dont le dernier, « The deep end », est paru voici quelques semaines. Pour accomplir sa tournée, le trio de base (Sivert Hoyen au chant, Robert Buras à la guitare et Frode Jacobsen à la basse) a engagé un drummer et un claviériste/guitariste. Grand, la boule à zéro, vêtu d'un gilet particulièrement seyant, Sivert dégage beaucoup de charisme. Gestes amples, arpentant toute la largeur de la scène, il entre facilement en communion avec son public. Et puis il pose littéralement son baryton profond sur les chansons généreusement électrifiées par Bob. Les cheveux en pétard, à la Rob Tyner (MC5), Robert torture sa râpe comme un vieux briscard qui aurait vécu le mouvement West Coast la fin des sixties. Ce qui n'empêche pas l'ensemble de couler de source avec une intensité blanche digne de Leather Nun (NDR : le groupe a interprété plusieurs anciennes compos), de s'enfoncer dans une mélancolie ténébreuse digne des Bad Seeds, ou encore d'épouser une forme plus allègre comme sur les hispanisant « Hard to come back » et « Stories from the streets » ainsi que le REMesque « The kids are on high street ». Et puis ponctuellement, Sivert empoigne une guitare sèche pour s'embarquer dans l'une ou l'autre ballade hymnique empreinte de tendresse. Un chouette moment !

Fondé au tout début des 90's, les Frames comptent déjà 5 albums à leur actif. Une formation irlandaise souvent comparée à dEUS. Pas étonnant, d'ailleurs, qu'ils aient déjà travaillé en compagnie de Tom Barman. Drivée par le chanteur compositeur Glen Hansard, elle peut compter sur la présence d'un excellent violoniste, un certain Colm Mac An Iomaire. Malheureusement sur scène, ce violon n'est pas suffisamment mis en évidence. Glen (NDR : les cheveux et la barbe roux carotte !), possède une très belle voix et les autres instrumentistes semblent connaître leur sujet. Pourtant le set ne décolle que trop rarement. Les quelques moments d'intensité à se mettre dans l'oreille sont rapidement dilués dans une monotonie qui suscite rapidement l'ennui. Parfois en n'entend pratiquement plus rien. Et les spectateurs en profitent pour tailler une bavette avec leur voisin ou pour aller chercher quelque rafraîchissement…

En perte de vitesse depuis quelques années (NDR : un « best of » en 2002 et un « Loco » complètement ringard en 2003), les Fun Lovin´ Criminals jouissent encore – heureusement – d'une excellente réputation de groupe 'live'. Comme d'hab., le groupe affiche un look très 30's. Même qu'ils auraient pu jouer dans la série 'Les Incorruptibles'. Il n'y manque qu'Eliot Ness ! Vêtu d'un costard (sans cravate!) digne d'un mafioso, Huey Morgan n'a rien perdu de sa dextérité à la guitare. Coiffé d'un doulos et arborant des bretelles certifiées d'époque, Mackie allie souplesse et frénésie aux drums. Quant à Fast, il continue d'assumer sobrement son rôle, partagé entre basse, clavier et trompette. Malheureusement la voix de Huey passe très mal. A croire qu'il fume 3 paquets de clopes par jour. Pourtant leur mélange de funk, de hip hop, de jazz nightclubien, de rock, de Chicago blues, de gangsta rap et de soul ne manque pas de charme. Et en particulier l'hommage à Barry White, « Love unlimited ». Empreintes de sensualité et de fun et bercées de rythmes chaloupés voire latinos, les compos restent agréable à écouter. Outre « Korean bodega », « Scooby snacks », « Where the bums go », « Come find yourself » et « 10th street », le trio va même nous réserver quatre compos issues de leur nouvel elpee « Livin In The City » (NDR : sortie prévue ce 25 juillet !) : « The preacher », « That ain't right », « Is ya allright » et le single « Mi Corazon ». Mais on a l'impression que le groupe n'a pas le feu sacré. Cessant sa prestation dix minutes avant la fin prévue de son set. Pour y revenir lors d'un pseudo rappel au cours duquel ils joueront leur hymne « Fun Lovin' Criminals »…

 

Cactus 2005 : samedi 9 juillet

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Désolé pour ce que les Pays-Bas considèrent leur meilleur groupe live et l'avant-garde du mouvement 'électro-fusion', mais je n'ai pu assister au set de Zuco 103. Pourtant, il paraît que leur mélange de mélodies brésiliennes, de drum'n'bass, de triphop, de r&b, de jazz et d'afrobeats réussit à faire bouger les plus coincés, voire les plus encroûtés. Pas d'empêcher les retardataires d'arriver à l'heure. Mea culpa !

Etonnant de voir une formation française se produire lors d'un festival organisé au nord de la Belgique. Et d'y récolter un beau succès. Son nom : Babylon Circus ! Issu de Lyon, ce collectif – ils sont dix – pratique un mélange de ska, de reggae, de musette (NDR : les Négresses Vertes ?), de jazz, de dub, de punk et de musique de l'Est (NDR : pensez au film « Underground » d'Emir Kusturica) sur fond de théâtre et d'engagement sociopolitique (NDR : le pastiche du JT en est une des plus belles illustrations). Un drummer, un claviériste, 4 cuivres, un bassiste, un chanteur/guitariste et deux vocalistes spécifiques. Qui s'expriment parfois dans la langue de Shakespeare, mais le plus souvent dans celle de Molière. Ca bouge dans tous les sens, c'est festif. Le courant passe parfaitement avec le public. Auquel ils leur racontent être tenu d'écourter leur set, parce qu'il doivent se produire le lendemain dans le sud de la France. S'excusent. Exécutent une dernière compo d'une trentaine de secondes et se taillent. Sous les sifflets et les huées. Avant de revenir en fanfare. Et de démentir. Pour terminer sur les chapeaux de roues. Enfin presque puisqu'ils achèveront leur set par un exercice de style a cappella. Ovation ! Et plongée dans le public de plusieurs musiciens qui rejoignent alors la fanfare locale.

Bien que reformé depuis l'an 2000, on ne peut pas dire que les Presidents Of United States Of America aient défrayé la chronique. Ils ont pourtant commis depuis deux albums : « Freaked out and small » et « Love Everybody ». Mais ils sont totalement passés inaperçus. Faute de hit, probablement. Car les P.O.U.S.O.A. sont surtout notoires pour leurs tubes : « Kitty », « Peaches », « Lump », « Zero fighting » etc. ; ou encore leur version du « Video kill the radio star » des Bugles. Et c'est d'ailleurs par ce titre que, le trio ouvre son set. Set et fête riment chez les Presidents, une fête teintée d'humour et d'excentricité. Chris Ballew, Dave Dederer et Jason Finn multiplient les frasques (NDR : lorsque Jason frappe ses baguettes sur les planches, en se promenant à quatre pattes, on est au bord du délire) pour le plus grand plaisir de la foule. Sans pour autant oublier de soigner leur prestation, ponctuée des inévitables tubes. Adressant même un clin d'œil aux Beatles du tout début des sixties, à MC5 (la cover de « Kick out the jam ») et même à Gloria Gaynor, en rappel, pour le célèbre « I will survive ». Rien que leur présence méritait le déplacement !

Depuis qu'il a remporté la médaille d'argent au Humo Rock Rally de 2000, Admiral Freebee s'est forgé une solide réputation dans le nord du pays. Mais Admiral Freebee, c'est avant tout le chanteur/compositeur/multi-instrumentiste (NDR : il joue le plus souvent de la guitare, mais aussi du piano, de la trompette ou de l'harmonica) Tom Van Laere. Admiral Freebee est avant tout un groupe de rock. Qui puise essentiellement son inspiration dans les seventies ; et en particulier chez Van Morrison, les Faces, les Stones et Bob Dylan. En outre, Tom possède une voix écorchée, rauque (rock ?) qui sied parfaitement à ce style musical. Et puis un look d'époque : un large bandeau rouge dans les cheveux et une barbe qui lui mange le visage. Soutenu par un backing group particulièrement solide, Admiral Freebee va alterner titres puissants, électriques et ballades chargées d'émotion (NDR : qu'il interprète alors le plus souvent au piano). Des chansons hymniques que le public reprend même parfois en chœur. En fin de set, Tom se prend même pour Hendrix en jouant de sa six cordes avec les dents. Et puis nous réserve sa compo la plus élaborée « Get out of town », qui débute très doucement avant de se métalliser, puis d'éclater dans une véritable orgie d'électricité. Recueillant un très gros succès auprès du public, Admiral Freebee accordera sans peine le rappel réclamé. Personnellement ce set m'a quand même laissé perplexe. Une excellente prestation sans doute. Mais un peu trop revivaliste, sans aucun doute. Enfin, des goûts et des couleurs….

Pour effectuer sa nouvelle tournée, Will Oldham, alias Bonnie 'Prince' Billy, Palace Brothers, Palace Music ou encore Palace, a eu la bonne idée de s'entourer d'un groupe. Parmi lequel on remarquera la présence du guitariste Matt Sweeney ; un ex Chavez récemment impliqué chez le défunt Zwan de Billy Corgan. Et puis une claviériste (NDR : qui passe son temps disponible à fumer des clopes ou à prendre des photos) et un très jeune drummer. Bref une formule électrique qui dans ses meilleurs moments peut atteindre l'intensité d'un Neil Young ou baigner dans un climat atmosphérique digne de l'album incontournable de David Crosby, « If I could only remember my name ». Instrumentalement, le quatuor est plus qu'au point. Et en particulier la conjugaison des guitares opérée entre Matt et Will. Scéniquement, Will (NDR : casquette yankee vissée sut la tête et barbe en broussaille) se complait dans son monde. Régulièrement dos au public, il prend son pied sans se soucier de la réaction du public, auquel il n'adresse la parole qu'après 45 bonnes minutes. Pour dire merci. De temps à autre, lors d'un changement de tempo, il exécute un petit pas de danse, comme s'il était content de vivre cet instant de bonheur intérieur. Qu'il ne partagera jamais au cours de son set. Dommage…

Je n'avais pas conservé un souvenir impérissable du dernier passage d'Asian Dub Foundation, en première partie du concert de Radiohead à Forest National. Mais il faut leur reconnaître une intégrité intellectuelle qui mérite le respect. Depuis 2000, la formation est passée de l'engagement sociopolitique au militantisme. Un militantisme qui transparaît à travers les lyrics des deux MC's dont le rap acharné parvient à exciter la foule. Et même à la faire danser. Sur une musique qui mêle allègrement drum'n'bass, hip hop, (dub)reggae, funk, ethno et beats. Lors de leur set, l'accent a surtout été porté sur les compos du dernier album « Tank ». Mais les meilleurs moments de leur prestation se sont paradoxalement produits lors de leurs envolées instrumentales. Libérant alors une atmosphère plutôt étrange, au sein de laquelle les percus et les sonorités indiennes étaient davantage mises en évidence. Fidèle à la tradition, Asian Dub Foundation a clôturé son set par « Rebel warrior », issu de son tout premier opus, « Fact & fiction ».

 

Cactus 2005 : dimanche 10 juillet

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La troisième et dernière journée du sympathique festival brugeois débute par un temps splendide qui ne laisse augurer que le meilleur. Les Américains du Youngblood Brass Band et leur jazz teinté de hip hop se chargent d'ouvrir les hostilités. Un MC/batteur au style proche de Zack De La Rocha se charge de communiquer avec le public tandis que la large section cuivres (deux trombones, deux trompettes, un sax, un tuba) produit un son chaud et puissant rehaussé par une rythmique des plus efficaces. Le son (excellent) aide à faire passer un peu mieux les quelques improvisations jazzifiantes qui déforcent un peu le propos de cette formation originale.

Backstage, on aperçoit un vénérable Congolais d'une soixantaine d'années qui attend patiemment que les Youngblood aient enlevé leur matériel de la scène. C'est un des membres de Konono n°1, formation de Kinshasa qui va faire entrer le Minnewaterpark dans une autre dimension. Deux percussionnistes, un batteur (une caisse claire et une cymbale) et trois joueurs de caisses équipées de languettes métalliques amplifiées par des haut-parleurs de gare produisent une sorte de techno préhistorique galvanisée par les chants d'une chanteuse/danseuse et d'un chanteur qui exécute des chorégraphies étranges au moyen de deux tambourins et de son sifflet. Les énormes lignes de basses, les solos en distorsion et le groove produits par les musiciens impassibles (qui changent d'instrument lorsqu'ils commencent à s'ennuyer) vont enchanter, sans peine, l'assemblée qui réservera une belle séance d'applaudissement à un des concerts les plus étranges et radicaux auquel il nous ait été donné d'assister depuis longtemps.

Le concert de Wunmi, chanteuse/danseuse anglo-nigérienne, s'ouvre par une entrée fantomatique de cette dernière. Emballée de la tête aux pieds d'une tunique funèbre, elle exécute une danse sur un morceau de soul psychédélique exécuté par les musiciens hors pair (mention spéciale au guitariste et au batteur) qui composent son groupe. Après un début difficile, la chanteuse (NDR : elle a fait ses premiers pas chez Soul II Soul) fait monter la sauce. Lentement mais sûrement. Le show bascule progressivement dans une séance d'afro-beat fiévreuse qui se termine par la reprise du « Zombie » de Fela Kuti.

Lorsque le tour de Gabriel Rios arrive, on aperçoit des jeunes filles qui se ruent fébrilement vers la scène. Le temps de comprendre et il est déjà trop tard. Impossible de sortir des backstages, la foule est trop compacte et déjà en délire… C'est donc un peu en biais par rapport à la scène que nous sommes obligés de suivre le concert du Portoricain installé à Gand… Même s'il n'a pas encore franchi la frontière linguistique, Gabriel Rios a déjà écoulé en Flandre plus de 20 000 exemplaires de « Ghostboy », son premier album solo réalisé en compagnie de Jo Bogaert (Technotronic). Face à un public acquis à sa cause, le chanteur guitariste aligne des morceaux énergiques où le rock, les rythmes latins et des pointes d'électro se mélangent sans complexes. En espagnol et anglais dans le texte, l'homme nous réserve quelques très bons morceaux ; en outre, il est parvenu à s'entourer d'excellents musiciens, dont le guitariste des non moins excellents Fifty Foot Combo, qui ressemble à une version mexicaine de notre ami Christian Clavier. A côté de la scène, on aperçoit Balo (ancien MC de Starflam) qui s'apprête à aller balancer quelques unes de ces rimes acérées sur une des dernières chansons du set, au cours duquel on pourra aussi entendre une reprise iconoclaste du « Bad Card » de Bob Marley.

Lorsque Transglobal Underground arrive sur scène, on peut de nouveau arpenter la plaine, car le groupe anglais attire un peu moins les foules. Un batteur, une joueuse de sitar, un Mc/percussionniste et un claviériste qui ressemble à un des membres des Village People alignent leurs morceaux efficaces rehaussés par les rimes très rastafari et enflammées de leur chanteur. Leur mélange de dub, musique indienne et drum and bass manque malgré tout un peu d'âme et on s'ennuie quand même un peu… La faute peut-être à un usage un peu trop intensif de bandes sur lesquelles les musiciens jouent un peu mécaniquement et sans feeling.

Après un 'longuissime' et laborieux soundcheck, les quinze musiciens qui forment le nouveau groupe de Lauryn Hill commencent à balancer la sauce. Le set démarre fort par « That Thing », un des hits de son premier album, repris en chœur par la foule. Mais le son est mauvais. Heureusement, il s'améliore par la suite ; et la chanteuse américaine alterne les hits des Fugees, les nouveaux morceaux et les chansons issues de ces deux premiers albums solo. Les intervalles entre les morceaux sont longs. Lauryn Hill ne semble pas péter la forme et on a quelquefois l'impression qu'elle va se mettre à pleurer sur scène ; surtout lorsqu'elle joue ses très belles chansons à la guitare sèche. Coincées entre hip hop old school et les influences ragga, les nouvelles compos laissent cependant espérer la sortie d'un nouvel album assez intéressant. Le concert se termine assez vite, handicapé par les problèmes techniques et un groupe pas tout à fait en place. Lauryn Hill quitte la scène, les gens patientent encore un bon quart d'heure, en espérant un rappel qui n'arrivera jamais, tandis que les musiciens de la chanteuse exécutent derrière la scène une étrange chorégraphie avant de quitter les lieux. Une danse pour la pluie ? On espère que non...

 

Rock Werchter 2005 : vendredi 1er juillet

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En principe, après la pluie vient le beau temps. Ce deuxième jour de festival commence pourtant sous les pâles apparitions d'un soleil dissimulé sous d'épaisses ondées nuageuses. Il fait un peu froid, un peu gris et ce n'est certainement pas la programmation du début de journée qui nous réchauffera. Simple Plan, De La Vega, Kt Tunstall, Sioen et Jimmy Eat World se partagent le bas de l'affiche. Globalement, l'apéro est indigeste. N'est-on pas en droit d'attendre une réception plus alléchante de la part d'une manifestation du standing de Rock Werchter ? La question est posée et l'intérêt de cette édition 2005 ne se trouvait visiblement pas là. Néanmoins, une toute bonne surprise est à mettre à l'actif des organisateurs: la venue du couple théâtral The Dresden Dolls.

L'étrange duo, composé d'Amanda Palmer (piano et chant) et de Brian Viglione (batterie), en impose. Les curieux qui ont fait le déplacement ne s'y sont pas trompés. Ce concert est sans nul doute LA révélation de l'année. C'est la naissance du 'Rock Réaliste de l'Illusion', un théâtre musical épique secrètement fantasmé par Berthold Brecht. Hypnotique et attrayant, le concert mélange rock'n roll et lyrisme, émotion et sophistication. Venu tout droit de Boston, The Dresden Dolls étale son  bagage culturel sous les yeux et les oreilles d'inquisiteurs ébahis. Deux reprises, en particulier, forcent le respect: "War Pigs" de Black Sabbath et surtout, l'inattendue et irréprochable interprétation d'"Amsterdam" de Jacques Brel. La performance est millimétrée. La batterie de Brian semble répondre aux notes dispensées par le piano d'Amanda. Il est 16h45, le duo se retire sous les encouragements d'un public ébloui.

La place est torride, prête pour l'arrivée d'un autre duo: The Kills. De l'autre côté, sur la Main Stage, Shirley Manson et Butch Vig tentent vainement de réanimer Garbage, leur projet boursouflé. Sous la Pyramid Marquee, The Kills a d'autres guitares à fouetter. VV alias Alison Mosshart et Hotel alias Jamie Hince attaquent d'emblée leur dernier album par "Now Wow", titre éponyme et ravageur. Ils repassent ensuite sur "Keep On Your Mean Side" par l'entremise d'un "Cat Claw" hargneux. Planquée sous sa tignasse rebelle, VV est nerveuse, tendue, totalement insoumise aux attaques répétées des décharges électriques de son compagnon. Lui, le beau ténébreux, la regarde comme si c'était la dernière fois. Au fond, une rythmique, impulsée par une boîte à rythmes, astreint le chant alterné des tourtereaux à une rigueur de métronome. Le rock'n'roll des Kills consacre sa source d'inspiration, le Velvet Underground. Sur scène, "Good Ones", le dernier simple est rêche et sauvage. Le concert file à toute vitesse et rien ne perturbe la liesse de ces deux-là. "Fried My Little Brains" retentit dans nos tympans comme le morceau le plus corrosif de ce court instant passé en leur compagnie. Les riffs de The Kills s'estompent vers 18h15 dans une ultime reprise de Captain Beefheart, "Dropout Boogie".

Tranquillement, nous quittons la tente pour rendre une visite aux ancêtres du Velvet Revolver. Scott Weiland (ex-Stone Temple Pilots) et les pensionnés de Guns N' Roses se sont emparés de la scène principale pour un show redouté. Nos craintes sont confirmées d'entrée de jeux par papy Slash et ses potes cocaïnés. Grossis et déguisés en rock stars, ces adeptes de soli dégoulinants et de clichés affligeants singent honteusement leur prestigieux patrimoine. Les poses puent le Jack Daniel's périmé, la voix de Scott Weiland se mue en kalachnikov et flingue les malheureux observateurs postés aux premiers rangs de la débâcle. Les compères essaient de sauver la mise en balaçant " It's So Easy", "Mr. Brownstone" et "Sex Type Thing", trois classiques de feu Stone Temple Pilots. Mais rien n'y fait. C'est carrément naze: le mot est lâché. Et heureusement pour leurs poires rabougries par ces décennies de défonce que personne ne vend de cacahouètes sur la plaine… Allez hop, à l'hospice !

Le point fort du vendredi repose presque entièrement sur la venue de Green Day. Voilà un groupe qui vaut tous les déplacements du monde: plus de quinze ans de carrière dans le rétro et pas une ride en perspective ! Emmené par Billie Joe Armstrong, le trio carbure aux tubes. En 1994, le groupe ramasse le pactole en sortant l'indémodable "Dookie". Dix ans plus tard, c'est au tour de "American Idiot" de se tailler la part du lion. L'événement est donc attendu par des adolescents de tous âges en manque de sensations fortes en cette fin de journée. Et là, pas la peine de faire un dessin, le seul et unique groupe de punk-pop tient la dragée haute à tous ses concurrents. Devant la scène, c'est l'effervescence. L'attente devient longue et chacun cherche la bouffée d'air rédemptrice avant la bataille. Tout à coup, Tré Cool se pose derrière ses fûts, Mike Dirnt enfourche sa basse. Et là, c'est l'explosion: Billie Joe Armstrong déboule et arrache un "American Idiot" des cordes de sa Gibson. Une folie furieuse et tourmentée envahit alors l'assemblée. Le chanteur de Green Day court comme le successeur humanisé du lapin Duracell, il galope, trébuche et fonce vers son micro. Tout de noir vêtu, Billie Joe arbore une sympathique cravate rouge et une étoile communiste au revers de sa chemise. Nouveau disque, nouvelle chanson: "Jesus Of Suburbia" entraîne à nouveau la foule dans un tourbillon de magnitude 7 sur l'échelle de Werchter. La suite se décline en singles: "Holiday", "Knowledge" et l'inoxydable "Basket Case" se chargent de passer les troupes en revue. Le sens de l'entertainment s'incarne parfaitement dans l'idéologie du groupe. Sur "King For A Day", Billie Joe invite un fan surexcité à asperger ses congénères au pistolet à eau. On s'amuse, on s'éclate. On sue, on pue. Et en définitive, c'est génial. Le groupe de Berkeley interpelle le public à intervalles réguliers, histoire de vérifier qu'il subsiste encore quelques survivants à l'étage d'en bas. Pour certains, ce jour de fête était également un jour de gloire. Au beau milieu du concert, Green Day se fait remplacer au pied levé par trois énergumènes piochés au hasard de l'assistance. Une jeune batteuse foutrement douée, un guitariste bouleversé de se retrouver en compagnie de ses idoles et un bassiste simplet, coaché par un Mike Dirnt désabusé viennent assurer la rythmique du groupe. La chanson s'achève dans des accolades et des remerciements. Charitable rocker, Billie Joe offre sa guitare à son éphémère remplaçant. Aux dernières nouvelles, ce dernier dort debout en chantant les huit albums de Green Day et vient juste de se faire interner pour démence en compagnie de sa guitare. La formation américaine tire alors à boulets rouges sur George W. Bush, son 'adorable président' et enchaîne par "Minority". Le divertissement touche à son apogée lorsque nos facétieux enragés s'attaquent à une reprise surdosée de Queen, "Cause yes: We Are The Champion my friend !". Green Day repart, fier du boulot accompli. Mais les fans ne l'entendent pas de cette oreille. Devant un public en transe, Billie Joe revient en solo pour un (désormais) traditionnel "Good Riddance ("Time Of Your Life"). Bref, une bonne journée tient parfois à peu de chose.

Pour se remettre de toutes ces émotions, il ne reste qu'à faire un choix: les multirécidivistes Faithless ou Armand Van Helden. Pour finir, Van Helden sera la dernière attraction de ce 1er juillet. Une journée qui s'achève par un dj-set convenu (Blondie, Ram Jam, The White Stripes ou encore Felix Da Housecat passent ainsi dans l'escarcelle électronique du bonhomme) mais agréable. Néanmoins, on regrettera l'usage abusif de 'compacts discs' tout au long de ce 'poussage de disques' en règle. Toute personne susceptible de nous renseigner sur la disparition des vinyles peut nous contacter dès à présent.

 

Rock Werchter 2005 : samedi 2 juillet

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La journée débute sur les chapeaux de roues. Et un effroyable dilemme nous attend sur le site: les vétérans vitaminés de Therapy ? ou la nébuleuse rock And You Will Know Us By The Trail Of Dead ? Notre choix se tourne vers ces derniers. Trail Of Dead, pour les intimes, tape un sacré tintamarre sous les voûtes de la Pyramid Marquee. Devant un parterre dégarni, les Texans se montrent inspirés. Les musiciens pratiquent une sorte de chaise musicale grandeur nature. Chez eux, tout le monde tourne et tricote un nouvel instrument. Une guitare troquée contre une batterie par ici, une basse échangée contre une guitare par là et un micro terrorisé par des chanteurs intérimaires finissent par convaincre de l'originalité de la formation. L'acte se conclu par "Ounce Of Prevention" dans une tourmente de riffs virevoltants et diablement efficaces.

La suite de nos péripéties est moins drôle. Le charme annoncé de Rilo Kiley laisse franchement à désirer. C'est doux et gentil. Mais la pop a déjà connu escapade plus folle…

L'entreprise dégénère rapidement et l'exode vers la Main Stage de Daan devient inexorable. Quel beau crooner que ce Daan ! Costume blanc, lunettes noires, l'homme est raffiné et ça se sent. On ne peut pas en dire autant de ses sbires. Aux claviers, une sorte de mascotte Haribo (c'est beau la vie?) modelée pour l'Eurovision balance sa frange peroxydée comme une langouste exotique. Ce garçon n'a aucune classe, c'est une parodie incarnée. Derrière lui, deux potiches: une bombe sexuelle à la batterie et une jolie créature à la basse. Pour ouvrir la danse, Daan dispose de "Housewife", tube infaillible. Le public à majorité néerlandophone en redemande. Daan l'entend et adresse "Eternity" pour assouvir la pulsion populaire qui envahit peu à peu la plaine de Werchter. L'élégant monsieur ne se pose pas de question: il fume, il boit, s'assied et se couche en coquet de bon aloi. A ses côtés, la troupe de variété qui lui fait office de groupe a pauvre allure. On a beau apprécier les performances de Daan sur disques, il faut bien admettre que le visuel scénique suscite l'incompréhension. La vue d'ensemble reste inconsistante et pas bien méchante. Daan ne montre jamais les dents et même "Victory", son hit, s'encroûte précipitamment dans une gestuelle ringarde digne du 'bébête show'.

Sur ce, on s'éloigne du naufrage et on rejoint les rives de la Pyramid Marquee où Murray Lightburn et les siens dispensent le romantisme exacerbé de The Dears. Chaleureux et réconfortants sur disque, sur scène, les Canadiens chavirent dans une démesure émotionnelle. C'est pompier et larmoyant. Et même le fulgurant "Lost In The Plot" ne modifie guère l'attitude outrancière de ce tragique épisode. Ne reste plus qu'à patienter avant l'avènement pressenti des Londoniens de Bloc Party. 17h20: l'agonie surfaite de The Dears touche à sa fin. Il est temps de se positionner pour assister au concert tendance de la journée.

La silhouette athlétique de Kele Okereke surgit et ses compagnons d'aventure le suivent de près. Du post-punk ? De la cold-wave ? Peu importe, Bloc Party détache les étiquettes et déracine la hache de guerre. "Like Eating Glass" entame la croisade sensible de nos gays lurons. Foudroyant et radical, le message de Bloc Party est belliqueux. Et la bataille ne fait que commencer. Tout sourire, Okereke repart à la charge et expulse "Positive Tension" de l'amplificateur. Une hystérie générale s'empare du parterre public dès les premières notes de "Banquet". Les Anglais assurent le spectacle. Plus rudes et déchirées que sur les enregistrements de Paul Epworth (The Rakes, The Futurheads), les chansons du groupe passent comme une lettre au déchiqueteur électrique. Les pogos sont de plus en plus violents, les titres de Bloc Party de plus en plus incendiaires. Ces garçons se dégourdissent à tout va. Kele torture sa Telecaster. Sans relâche, il empoigne son manche et griffe ses cordes. Le concert s'apaise dans la fournaise de "This Modern Love". Shoegazer invétéré, Russel Lissack, le deuxième guitariste, n'abandonne pas une seconde ses chaussures du regard. Elles doivent beaucoup lui plaire car il assure parfaitement la rythmique du groupe. Bloc Party dispose indéniablement d'une nouvelle notoriété. La formation a grandi et l'image restrictive du groupe hype à la mode n'est plus tendance. Bloc Party a défini son identité. Ne lui reste plus qu'à forcer le respect !

Après l'invasion britannique, on retrouve le Blanc Bleu Belge. Rien à dire, les nationaux de Millionaire sont devenus de sacré poids lourds dans notre paysage musical. La bande de Tim Vanhamel ouvre le "Champagne" en début de prestation. C'est pétillant, mature et intense. Dès l'instant d'après, Millionaire débouche "Love Is A Sickness", titre issu de sa cuvée "Paradisiac". Les petits Belges déboulent et sortent le gros son. Plus tard, "Come With You" produit son effet et Tim se tortille comme un poisson hors de l'eau. La formation a gagné en puissance ce qu'elle a perdu de son funk original. Qui s'en plaindra ?

Après un deuxième album particulièrement réussi, Interpol était considéré par de nombreux observateurs comme une des principales têtes d'affiche de cette édition 2005. Les New-Yorkais étaient attendus au tournant. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le groupe a fait sensation. Le regard défiant un ennemi imaginaire, Paul Banks affronte d'emblée son auditoire. D'une voix grave et sombre, il psalmodie les premiers mots de "Next Exit". L'entame du concert fait du bien là où ça fait mal. Interpol discerne le point sensible de la nature humaine, touche l'auditeur au plus profond de sa grâce. Aristocrates mélancoliques d'un rock ténébreux, les quatre musiciens enfoncent directement le clou en cognant un mirifique "Slow Hands" dans la tronche épatée de milliers de fans transis. Banks allume une cigarette, brave la foule d'une œillade démoniaque et étale son indiscutable charisme au grand jour. "Say Hello To The Angels", chante-t-il entre deux bouffées de tabac. La suite était écrite: "Evil" rencontre une ferveur populaire énorme, incommensurable. A quelques mètres du chanteur, un type récite religieusement les mots professés par l'homme en noir. L'hystérie collective revêt le costume d'Interpol. Le concert approche le paroxysme, monte vers les étoiles et soudain, c'est l'accident. D'irrémédiables problèmes sonores viennent gâcher l'instant. La basse de Carlos D. se retire en coulisse et s'efforce de maintenir ses lignes inquiétantes. Mais l'inquiétude se mue en un accablant constat d'impuissance et le concert s'achève prématurément. L'épilogue nous laisse un goût indéfinissable en travers de la gorge, étrange mélange d'excitation, de surprise et de tristesse.

Mais c'est connu un bon festivalier ne baisse jamais les bras (et dispose généralement de bonnes jambes)! Une course olympique nous conduit ainsi aux alentours de la Main Stage où Nine Inch Nails s'acharne sur la fin de "Closer". La puissance vocale de Trent Reznor est bouleversante. On se met à regretter le doublon entre Interpol et Nine Inch Nails. Et comme pour renforcer cette optique, le bon vieux Trent nous agresse d'un "Hurt" d'une rare violence. Le concert s'achève en force par "Head Like a Hole".

Pour nous, la journée pouvait s'arrêter là, mais pas pour Rammstein. Les Allemands constituent la tête d'affiche proclamée du Rock Werchter 2005. Les t-shirts tamponnés à l'effigie du groupe post-industriel s'amoncellent en nombre aux abords de la Main Stage: ça va péter! Et de fait, les pensionnaires de Berlin-Est boutent les feux d'artifices à la moindre incartade. L'artillerie lourde est en train de chauffer la plaine comme une colonie de Panzers décampant sous les bombardements alliés. Et pourtant rien à faire, la musique de Rammstein est stéréotypée à mort. Les protagonistes de ce grand cirque jouent d'ailleurs sur un physique martial à en perdre les pédales. Et nous, pauvres belettes paranoïaques, on s'interroge sur l'engouement général qui tourne autours de ces zozos. Ces gars véhiculent une imagerie ultra nationaliste et totalitaire. On a beau savoir que c'est du pipeau, ça fout quand même les boules. Quand est-ce qu'on rentre au camping ?

 

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