Le dernier combat de Malween…

Malween est le projet emmené par Julien Buys, auteur, compositeur et interprète, originaire de Nantes. Julien a quitté le monde de la finance, sans regret, en 2017 pour devenir comédien voix-off le jour et chanteur/guitariste a sein de différents projets…

logo_musiczine

Malice K sur les ondes…

Malice K est un artiste né à Olympia, WA, et basé à Brooklyn, dont la palette sonore est composée d'alt 90s et de lyrisme effronté, créant une rare fusion de pop rock indie décalé. Ancien membre du collectif d'artistes Deathproof Inc, il s'est forgé une…

Trouver des articles

Suivez-nous !

Facebook Instagram Myspace Myspace

Fil de navigation

concours_200

Se connecter

Nos partenaires

Nos partenaires

Dernier concert - festival

Manu Chao - Bau-huis
Shaka Ponk - 14/03/2024
Interviews

Samaris

Musiczine au pays des elfes.

Écrit par

Comptant 320 000 habitants à peine et programant plus de 20 groupes chaque année sur toutes les scènes internationales, l’Islande est incontestablement l’un des pays les plus prolifiques de notre continent en matière de musique. Une politique culturelle dynamique qui ose la culture, un ‘New Deal’ artistique qui a fait de cette culture le deuxième moteur de la croissance du pays, rapportant plus ou moins un milliard d’euros par an. Près de 20% du PIB national. Un pays qui prouve, s’il le fallait, qu’il existe une vie en dehors des banques et soutient le talent de ses artistes. Un résultat surprenant, non seulement par le nombre, mais aussi par la qualité. Ses artistes inspirés nous offrent l’inédit et l’inouï : des sons originaux, loin des sentiers battus et de tout lieu commun. Une nouvelle scène ‘Inspired by Iceland’ créatrice de nouveaux talents qui contamine la musique contemporaine.

Parmi cette masse de formations et d’artistes chaque jour grandissante, le plus difficile reste encore de se démarquer. C’est précisément ce que le trio electro-pop Samaris est parvenu à réaliser très rapidement. Bien avant même la sortie de leur premier album, les trois jeunes musiciens –Áslaug Rún Magnúsdóttir (clarinette), Jófríður Ákadóttir (chant) et Þórður Kári Steinþórsson (claviers/laptop)– ont été rapidement couronnés de prix prestigieux et ont recueilli les louanges quasi unanimes de la presse britannique. Critiques passant du NME (‘Elegant and unusual’) au Financial Times (‘Rich and textured’) !

C’est dans l’intimité du café de l’Ancienne Belgique que la chanteuse et la clarinettiste scandinaves vont nous livrer, avec beaucoup de simplicité et de modestie, les secrets de "Silkidrangar", leur premier long playing qui sortira le 5 mai prochain chez One Little Indian/Konkurrent. Un album dichotomique chanté dans leur langue natale naviguant entre les fleuves glaciaux de la musique et de la poésie traditionnelle islandaise et le fracas des océans de la musique électronique contemporaine. Un magnifique voyage entre tradition et futur.

Non, vous ne rêvez pas. Dans ce pays nordique, les légendes et les croyances envers ‘le petit peuple’ (elfes, lutins, fées et autres farfadets) sont des réalités tangibles et indéracinables pour de nombreux habitants.

Dans ce pays aux terres volcaniques, aux paysages majestueux, aux sols magiques, aux couleurs irréelles et aux aurores boréales dont la splendeur chromatique vous donne le vertige et vous coupe le souffle, difficile de ne pas être poète ou musicien. Le pays a une âme étrange et féerique : il est hanté d’entités qui vivent au fond du cœur de l’homme, à la lisière du rêve. L’imaginaire s’incarne, devient réalité. 

Croyez-vous en l’existence des elfes ?

Quand on perd des objets sans raison apparente, alors même qu’on sait pertinemment qu’ils devraient se trouver à un endroit précis et qu’ensuite on les retrouve inopinément, eh bien, moi, je pense que les elfes n’y sont pas étrangers. Certains vivent dans les pierres. Je me souviens que, lorsque j’étais enfant, je jouais derrière un énorme rocher. Tous mes amis étaient effrayés et me mettaient en garde. Ils étaient persuadés que des elfes résidaient là. Un jour, bravant mes potes qui tentaient de m’en dissuader en vain, j’ai escaladé le rocher sans tenir compte de leur avis. Arrivée au-dessus, j’ai sauté par terre mais je me suis mordu la lèvre tellement violemment que je saignais abondamment. J’avais alors à peine sept ans et cet épisode m’a beaucoup effrayé. Je suis retournée à la maison en courant, persuadée que cette mésaventure m’était arrivée à cause des elfes. 

Oui, je vous crois. Je vois bien que l’album s’inspire de l’atmosphère énigmatique de l’île, de sa culture si singulière, pourtant, la musique qui étoffe le chant est de facture électro. Quelle en est la raison ?

Je pense que la combinaison propre à notre fond artistique est effectivement plutôt classique, mais nous avons été happés par la musique électronique. Au début, nous ignorions que nous mêlerions musique classique et électro. Nous voulions composer des chansons et nous avions un piano à notre disposition et, donc, le processus s’est enclenché naturellement sans trame, ni plan prémédités. C’est également ce qui s’est produit avec un recueil de poésie islandaise qui se trouvait dans le studio. Nous l’avons ouvert et, le reste a suivi : l’inspiration a fait le reste, mêlant les textes anciens à la musique d’avant-garde. Une mise en contact insidieuse entre les pôles opposés du temps, et le passé et le futur se sont court-circuités. Faire revivre ces vieux poèmes grâce aux techniques musicales nouvelles, c’était vraiment très exaltant.

Qu’est-ce qui vous distingue, en gros, des autres groupes ?

Nous produisons un son qui nous est propre, chaque membre du groupe y met son grain de sel particulier : il peut s’agir du chant, de la clarinette ou de tout autre talent qui fait la différence, confère un supplément d’âme à la musique. Ce qui n’a jamais encore été fait, ni dans notre pays, ni ailleurs dans le monde.

Quels sont les groupes islandais qui vous ont influencés le plus et de quelle façon ?

Je ne pense pas que nous ayons été influencés réellement, pas directement en tout cas, mais nous les avons écoutés souvent quand nous étions jeunes et ils nous ont marqués forcément. L’inspiration se nourrit de notre éducation, de ce que nos parents nous ont transmis, de leurs convictions, de leurs goûts musicaux, des morceaux qu’ils nous faisaient écouter. Bien sûr, quand on grandit, on cherche un son qui nous soit propre et l’on se met à écouter la musique que l’on aime vraiment et plus celle qu’on nous recommande. J’écoutais Alice Smith. Bjork ? Non. Irrépressible et bourré de pop ! Cette forme d’éducation te marque irrésistiblement, que tu le veuilles ou non.

Est-ce que la nature exceptionnelle de votre île vous influence ?

Probablement. Mais il faut se rendre compte qu’il n’existe pas de lien direct entre l’écriture et la nature. Je ne me rends pas dans un espace naturel pour composer directement : je ne perçois pas une mélodie en contemplant les arbres, par exemple, cette formule ne marche pas ; bien sûr, je n’y crois pas non plus. Les gens évoquent notre environnement parce que les groupes qui viennent d’Islande ont un style particulier. Dès qu’on révèle notre nationalité, ça y est, ils ne distinguent plus que la nature de l’île. Elle nous imprègne, il n’y a pas l’ombre d’un doute, mais l’inspiration musicale arrive bien après cette immersion. D’abord, tu composes la musique, ensuite, il se peut que l’environnement naturel s’y invite et vienne s’y poser en quelque sorte. Ils confondent un peu tout. Ils sont persuadés que les artistes puisent directement l’inspiration dans la nature. Il n’en est rien. Je pense que c’est plutôt l’inverse.      

Comment définiriez-vous votre musique ?

Électronique. Tout son qui sort de l’ordinateur. On n’utilise pas de guitares ou autres instruments à cordes, le son est synthétisé. On préfère la voix et la clarinette. Ce sont des sonorités qu’on ne peut pas reproduire à l’aide de l’ordinateur. C’est en utilisant ces deux matériaux bien distincts qu’on crée notre ‘sauce’. La phase la plus intéressante, c’est quand on assemble ces deux tendances. On essaie de suivre une ligne très mélodique. Pas vraiment le rythme : ça se répète et ça remue. Nous tentons d’obtenir une sorte de récit, de construire une histoire en se servant de notre musique.

Quels sont vos points forts et vos points faibles en musique ?

Mon point fort, c’est, je pense, écrire des mélodies ; ma faiblesse, créer des beats. Je ne pense qu’à la mélodie et aux accords. Mais ensemble, la combinaison fonctionne : chacun lègue les atouts qui comblent les lacunes des autres membres du groupe.

Pourriez expliquer le sens de vos mots à quelqu’un comme moi qui n’est pas islandais ? Pour quelle raison chantez-vous dans votre langue natale ?

Ces mots ont la sonorité que nous cherchons. Ils s’accordent bien à notre musique. Ils ont davantage de signification qu’en anglais. C’est aussi parce que ce langage nous vient naturellement. Enfin j’imagine. Et c’est plus singulier, plus insolite que de chanter en anglais. Cette langue est spéciale, très traditionnelle. Les règles de grammaire, la syntaxe, la façon de construire les phrases, tout est très différent de l’anglais. Un choix dicté davantage pour la sonorité produite que pour la beauté même du poème. C’est notre marque de fabrique. Nous essayons de transmettre un sentiment ; la poésie et cette musique fusionnent parfaitement.

Lequel d’entre vous a écrit les chansons ?

J’écris les mélodies (Jófríður Ákadóttir). J’écris les paroles et j’ajoute la clarinette (Áslaug Rún Magnúsdóttir). On aime travailler ensemble.

Comment s’est déroulé l’enregistrement en compagnie de Gunnar Tynes ?

On souhaitait juste enregistrer quelques morceaux basiques. Il ne nous en fallait pas beaucoup. Il n’a pas ajouté grand-chose de personnel dans l’enregistrement, car on disposait à peu près de tout. Nous étions rétifs aux modifications, on ne le laissait pas inflencer, nous savions ce que nous voulions et comment il fallait faire… Il a juste appuyé sur le bouton rouge.

Vous a-t-il été facile de reproduire l’album sur scène ?

Oui. On interprétait déjà les chansons de l’album en concert. Pour certains morceaux, nous n’avons pas encore décidé de quelle façon on pourrait les produire en live ou comment rendre plus vivants les sons de la musique numérique. En fait, on joue à peu près de la même manière en live qu’en studio. C’est très similaire.

Quels sont vos projets pour le futur ?

On veut étudier, aller vivre à l’étranger. Nous ne sommes pas sous pression, nous créons de la musique sans contrainte, pour notre seul plaisir.

Découvrez le clip "goda tungl" ici et le single "Ég vildi fegin verða" .

 

Anna Aaron

La musique, c’est mathématique…

Écrit par

C’est en visionnant un clip d’Anna Aaron que votre serviteur s’est décidé de se rendre à un de ses concerts, et puis de lui consacrer une interview. Une superbe vidéo (voir ici ) au cours de laquelle on est immédiatement scotchés par l’amplitude vocale de l’artiste. Qui oscille de Sinéad O’Connor à Kate Bush, en passant par Lene Lovitch. Elle a bien sûr inclus cette chanson, « Stellarling », sur son second elpee intitulé « Neuro », un album dont le titre s’inspire du « Neuromancer » de William Gibson (NDR : enfin c’est ce que raconte la bio), écrivain qui a lui-même influencé le fameux long métrage « Matrix ». Pour entamer cet entretien, il me semblait donc naturel d’aborder le thème de la science-fiction sous son aspect littéraire et cinématographique…

Ce ne sont pourtant pas des sujets qui la dévorent particulièrement. Elle s’explique : « J’ai lu des extraits du bouquin, car je souhaitais acquérir un certain vocabulaire pour mieux appréhender cette matière. Et j’ai entrepris des tas de recherches pour y parvenir… » Mais c’est surtout l’aspect cyberpunk (NDR : définition sur Wikipédia ici) de ces références qu’elle creuse. Elle précise : « Une thématique parfaitement développée dans ‘Ghost in the shell’ (NDR : un manga de Masamune Shirow qui remonte à 1989), au cours duquel il y a des machines qui ont une âme presque humaine et où la femme est presque moitié robot et moitié déesse. Une approche à la fois mystique, romantique et technologique que j’ai beaucoup appréciée… » Est-ce la raison pour laquelle elle a un jour déclaré que la musique était mathématique, qu’elle nécessitait une cohérence entre le rythme et les harmonies ? Réduire la musique à des maths, n’est-ce pas la traduire en équation scientifique ? Et la réduire au solfège ? N’est-ce pas contraire au véritable esprit rock’n’roll ? Elle argumente : « Oui, j’ai fait cette déclaration, car on parle toujours de l’inspiration sous sa forme émotionnelle. Mais il existe également un côté rationnel dans la musique. Car la musique, ce n’est pas n’importe quoi. Les Occidentaux utilisent certaines tonalités ; or, elles sont beaucoup plus nombreuses dans les autres cultures. Chez nous, on s’arrête aux demi-tons. Pour bien comprendre la musique, il faut la placer dans un certain contexte. Plus scientifique. Il y a des mesures derrière… » Manifestement, les cours de piano classique qu’elle a suivis au cours de son enfance l’on plus marqués que le rock. Elle ajoute : « Mais le rythme, c’est aussi structuré, même si c’est plus simple. C’est souvent 1-2-3-4. Du 4/4 quoi. C’est métronomique. C’est mathématique… »

Si le premier elpee, avait bénéficié du concours de Marcello Giulliani, bassiste d’Eric Truffaz (NDR : qui l’a par ailleurs invitée à participer à la confection d’un de ses elpees, et à assurer le supporting act d’une de ses tournées), à la production, ‘Neuro’ a été enregistré sous la houlette de David Koster, mieux connu pour avoir notamment mis en forme des albums de Bat For Lashes et de Guillemots. Mais comment se sont déroulées les sessions auprès d’un personnage qualifié d’aussi perfectionniste ? Anna commente : « Bien. D’abord, je me suis posé des tas de questions avant notre rencontre ; et il est clair que j’étais un peu angoissée de bosser en compagnie d’un grand nom auquel je voue beaucoup de respect ; et je ne parvenais pas imaginer qu’il avait envie de travailler avec moi. Mais sur le terrain, il était nécessaire de briser la glace et d’évacuer ses idées préconçues, parce que dès qu’on entre studio, il faut être présent d’esprit, être bien lucide, prendre les bonnes décisions, gérer, diriger le processus et je ne pouvais pas perdre de temps en manifestant trop de révérence à son égard ; ce qui aurait pu nuire à la collaboration. Et puis finalement, c’est quelqu’un de très rigolo. Il a énormément d’humour, parfois même puéril ; ce qui nous a finalement permis de se détendre et même de rire aux éclats. Et le rire casse toujours la glace, comme on dit en allemand… » David a également entraîné Ben Christophers et le drummer de Cure, Jason Cooper, dans l’aventure. Quel a été leur rôle lors des sessions ? Anna répond : « Ben Christopher est venu 2 ou 3 jours. Il a assumé les parties de guitares et joué de toute une série d’instruments bizarres comme le phono phaser ou le marxophone, mais également plus anciens. Jason Cooper n’y a consacré qu’une seule journée. Mais comme le studio était trop petit, on a dû déménager une journée complète… »

Tout au long de ‘Neuro’, on est frappé par la qualité des harmonies vocales. Des chœurs, si vous préférez. Un travail technologique opéré sur sa propre voix. Elle confirme : « Oui, oui, il s’agit bien de ma voix. On a utilisé des samplings, des plugs in, des delays et d’autres trucs. Mais ce n’est pas ma voix qui est retravaillée, ce sont surtout les chœurs qu’on a mis en couches… » Lene Lovitch ? Elle ne connaît pas. Quoique manifestant beaucoup de considération pour Sinéad, elle n’aime pas trop son timbre, qu’elle estime trop atmosphérique… 

Certaines compos de son long playing adoptent un tempo binaire, dance, presque disco, d’autres sont imprimées sur un rythme plus élaboré. Le choix est-il délibéré ? Elle nous répond : « Non, pour moi, c’est très intuitif. Je suis incapable de fournir une explication logique. » ‘Totemheart’ évolue ainsi à la croisée des chemins du Floyd circa ‘One of these days’ et de Donna Summer, un morceau qui s’achève par une prière, voire une incantation mystique. Notre interlocutrice confirme que la fin de la composition est abordée comme une prière. Par contre Donna Summer, et même son célèbre ‘I feel love’, ça ne lui dit rien. Là où nos réflexions vont converger, c’est au sujet de ‘Neurohunger’, la plage le plus électro-indus de l’opus. D’abord le titre me fait penser à Sophie Hunger, une autre Suissesse, mais la compo, surtout à Nine Inch Nails. Elle corrobore mon point de vue : « C’est exact. Pourtant, je n’ai pas pensé à N.I.N. quand je l’ai composée ; mais il est vrai que pas mal de monde me l’ont fait remarquer…. »

Anna apprécie beaucoup David Eugene Edwards. Mais préfère-t-elle feu 16th Horsepower ou Wovenhand ? « Pour moi cette question est difficile. Il est clair que Wovenhand est encore en pleine évolution. Ce n’est pas un produit fini comme 16th Horsepower. En plus, chez Wovenhand, la métamorphose est toujours en cours. Entre le premier disque et le dernier, il y a une fameuse différence. J’ai eu le bonheur d’écouter le nouvel album de Wovenhand que quelqu’un du label m’a filé secrètement ; et manifestement il y a une progression marquante vers l’univers du rock, alors qu’à l’origine, la musique baignait plutôt dans le folk… »

Lorsqu’elle se produit en concert, Anna souhaite que le public devienne témoin de son set, qu’il y ait un partage entre elle et cet auditoire. « Effectivement, car je ressens sa présence. C’est très important. Il constitue un énorme corps dans la salle. C’est de la force. Et c’est cette puissance qu’elle incarne, qui est très importante pour moi. Je m’appuie dessus et c’est réciproque, je crois… »

Heather Nova

Une étoile qui brille... en toute discrétion

Vous connaissez peut-être Heather Nova. Originaire des Bermudes, cette chanteuse a connu un succès 'mainstream' dans les années '90, grâce à des hits comme "Walk This World" ou "Island". Au cours de sa carrière, elle n'a jamais cédé aux sirènes du 'star system', privilégiant la vie de famille, et en particulier son mari et son petit garçon. Aujourd'hui, après avoir publié 8 albums studio, elle jouit néanmoins d'un véritable culte, que lui vouent un contingent de fans en constante croissance. Actuellement en tournée en Europe, elle nous a accordé une interview à Louvain, peu de temps avant son concert au 'Depot'.

"J'ai été influencée par les 'songwriters' en général. Par quiconque écrit des chansons en puisant dans ses propres expériences, avec son coeur". On le voit : Heather Nova ne s'inscrit pas dans une perspective 'hype' ou 'médias'. C'est une chanteuse dans la grande tradition anglo-saxonne, celle de, par exemple, Joni Mitchell. "Oui, j'ai été influencée par elle quand j'étais jeune". Ou aussi Leonard Cohen, auquel elle porte une sincère admiration. "J'aimais aussi Patti Smith... Et Suzanne Vega! D'ailleurs, j'ai failli voir Suzanne à Hambourg récemment. Je lui ai envoyé des tweets mais comme on jouait au même moment, on n'a pas réussi à se rencontrer..."

Lors de cette tournée, Heather Nova propose des versions acoustiques de chansons issues de l'éventail complet de ses productions. "On crée une atmosphère assez intimiste, avec juste Arnulf Lindner et moi sur scène. Nous utilisons des instruments acoustiques mais nous nous servons également de quelques effets électroniques ; et puis nous changeons d'instruments et de sons régulièrement, pour varier un peu les ambiances."

L'élément visuel est également important notamment par le biais de la projection d'animations basées sur les peintures de l'artiste italien Alberto Di Fabio. "C'est un personnage que je connais depuis que j'étais étudiante à Rome. Il propose des tableaux inspirés par la microbiologie, les cellules, les neurones et l'ADN. Je me suis toujours sentie très proche de lui car nous sommes tous deux concernés par la nature, mais de façon différente." Une combinaison artistique qui fonctionne en effet à la perfection en ‘live’.

C'est une longue histoire entre Heather Nova et la Belgique. L'artiste y a accordé plus d'une trentaine de concerts au total. "Je me souviens particulièrement du festival 'Marktrock' à Louvain, sur la place. La vue quand on est sur le podium y est impressionnante !" Les tournées ne se limitent d'ailleurs pas aux grandes villes : elle aime visiter celles de province, comme Borgerhout, Heist-Op-Den-Berg, Beveren, etc.

Mais Heather Nova s'interdit néanmoins des périples mondiaux interminables. "Je me concentre sur l'Europe, et ce, depuis que mon fils est né, il y a dix ans maintenant. Je veux pouvoir passer plus de temps chez moi, à la maison. Et il m’accompagne sur la route, car j'estime que ces voyages sont une merveilleuse forme d’éducation. Les Bermudes, c'est très beau mais il n'y a pas de musées, pas beaucoup de culture. Donc, chaque fois que nous partons en tournée en Europe, nous prenons le temps de découvrir, et c'est très chouette!"

La naissance de son fils a tout naturellement causé un impact important sur la vie et sur l'inspiration artistique de Heather Nova. "C'est un changement complet de perspective. Tout devient plus important, plus poignant. On doit penser au-delà de sa propre vie, se projeter dans le futur. On se sent plus concerné par les questions du réchauffement climatique, toutes ces choses-là." Un sujet d'autant plus crucial pour les habitants d'un archipel! "En effet! Nous habitons juste au-dessus du niveau de la mer! Donc, on essaie de faire des petites choses, à notre échelle. Par exemple, notre maison n'est alimentée que par de l'énergie solaire."

L'artiste a d'ailleurs consacré un titre au problème du changement climatique: ‘Save A Little Piece of Tomorrow’, sur son dernier opus. "En général, je n'aime pas traiter de thèmes cruciaux dans mes chansons, parce qu’ils deviennent vite du prêchi-prêcha ou de la politique ; mais ici, j'ai abordé le sujet d'un point de vue émotionnel. Je pensais à mon petit garçon, qui grandit dans cet endroit idyllique et un jour, nous revenons et la maison est sous l'eau... C'est une image très forte."

Parlons d'ailleurs de ce dernier elpee, ‘300 Days At Sea’, paru en 2011. Orienté beaucoup plus pop/rock que les deux précédents, il a permis à l'artiste de retourner au son qui était le sien dans les années '90. "Je voulais revenir à ce sentiment que j'avais, au niveau de la production, quand j'ai réalisé 'Oyster' et 'Siren'. Et j'ai d'ailleurs utilisé une partie de l'équipe de l'époque pour opérer les nouveaux enregistrements. C'est donc une production 100% pop-rock." On se demande si ce retour aux origines n'est pas une manière de montrer que la boucle est bouclée ; mais Nova s'inscrit en faux: "Oh non! Je continue! Ce n'était qu'un cercle. Et j’en entame un nouveau maintenant!" Et il sera comment, ce prochain cercle? "Je ne sais pas encore. J'ai écrit beaucoup de morceaux, mais je n'ai pas encore fixé de choix concernant l'approche, la production. Mais ce sera quelque chose de différent, cette fois..."

Pour regarder l'interview complète en vidéo, c’est ici  

 

Marie Davidson et Essaie Pas

La bande-son électronique et sensuelle d'un film imaginaire

Etablis à Montréal, Marie Davidson et Pierre Guérineau forment un couple qui est responsable, depuis 2010, d’une musique électronique très novatrice, sublimée par une prose déclamée ou chantée. Essaie Pas, leur duo, et Marie Davidson, le projet solo de Marie, ont accordé deux prestations magiques dans le cadre de la ‘release party’ consacrée au nouvel elpee d'Essaie Pas, ‘Nuit De Noce’. Nous étions présents lors de celle qui s’est déroulée le 21 novembre dernier au London Calling de Bruxelles. Nous en avons profité pour discuter en compagnie des deux musiciens. Le lien vers la vidéo de l'interview figure au bas de la page.

Essaie Pas est un patronyme qui intrigue. "En fait, c'est la traduction de 'Don't Try', l'épitaphe gravé sur la tombe de Charles Bukowski", précise Marie. "Sa perception est négative ; mais en fait, elle signifie 'Just do it! Have no fear!'." Un message d'encouragement adressé à tous les artistes! Pour définir la musique d'Essaie Pas et de Marie Davidson, il faut s'imaginer la bande-son électronique d'un film imaginaire des années '70, inspirée par les soundtracks de John Carpenter (surtout la plage légendaire "Assault On Precinct 13"). Au-dessus des séquences et des boîtes à rythmes, éclosent des couleurs ambient, kraut, psyche, minimal, italo-disco et même du blues. Pour couronner le tout, il y a la voix de Marie, à la fois sensuelle et ingénue, qui clame ou chante des textes poétiques écrits dans la langue de Molière ou de Shakespeare. Un discours sobre, humble, violent et tellement sensible à la fois. Malgré le côté froid des synthétiseurs, on sent dans chacun des titres une pulsation humaine, presque physique.

A Montréal, Marie a été très tôt baignée dans la musique. Elle a d’abord suivi des cours de violon classique, qu'elle a abandonné à 16 ans pour se consacrer à l'exploration intuitive de la musique électronique. "Je me considère comme une autodidacte. Je ne maîtrise pas la théorie donc, je tâtonne beaucoup, en pratiquant le 'trial and error’, par essais et erreurs." Pierre ajoute : "Ce qui est bien avec cette méthode, c'est qu'on tombe parfois sur des surprises, des sons ou des séquences qu'on n'imaginait pas au départ." Pierre, quant à lui, est d'origine bretonne mais vit à Montréal depuis 8 ans.

Le duo vient de publier le premier opus d'Essaie Pas, ‘Nuit de Noce’. Il bénéficie d'une double édition, l'une via le label français Malditos et l'autre, l’écurie franco-belge Teenage Menopause, à laquelle nous devons les albums brûlots de Scorpion Violente (voir leur interview ici), Jessica 93 et Catholic Spray. ‘Nuit de Noce’ compile des titres parus auparavant sur cassettes, plus une nouvelle compo: ‘Devotion’. "Pour la première fois, c'est Pierre qui assure les parties vocales sur ce titre", souligne Marie. "Et l'ambiance est ici plus sale, plus 'noisy'. La tension est permanente, un peu comme dans la musique d'Ike Yard, le groupe new-yorkais de no-wave." Mais votre serviteur est frappé par la ressemblance qui existe entre ce titre et le "Bite of God" du duo français Die Form ; une similitude tout à fait fortuite vu que ni Marie ni Pierre ne connaissait Die Form avant que je ne leur en parle. Correspondances...

Précisément, parlons des influences : en écoutant Essaie Pas, on ne peut s'empêcher de penser à Suicide. "Oui, on adore Suicide, surtout le côté hypnotique et minimal, mais je ne dirais pas qu’il s’agit d’une influence majeure", rectifie Marie. "A la maison, j'écoute plutôt de l'ambient ou du kraut, comme Klaus Schulze ou alors de la musique classique. Par exemple, Scelsi, Nono, Ligeti, Ravel, Debussy, Messiaen et Terry Reiley. Les B.O. de films également ; John Carpenter bien sûr, mais aussi italiens du genre ‘Giallo’ comme ceux de Dario Argento, par exemple." Et Pierre d’ajouter : "J'aime aussi le blues et l'italo-disco de Georgio Moroder".

L'actualité du projet solo de Marie Davidson, c'est le single ‘Je ne t'aime pas’, publié récemment sur Bandcamp et transcendé par une superbe vidéo diffusée sur YouTube. C'est, à mon avis, le titre qui possède le plus de potentiel. Il libère en effet une atmosphère fiévreuse, dominée par la voix fragile et touchante de Marie, mais affiche aussi un côté 'french pop', 'nouvelle vague' très attachant. Un morceau très prometteur qui figurera sur le premier LP vinyle de Marie Davidson, ‘Perte d'Identité’, à paraître en février prochain chez Weyrd Son Records. Ce jeune label belge dirigé par Michael Thiel, le fils du légendaire Micky Mike (Snowy Red), confirme ainsi qu'il a très bon goût!

"L'album est prêt", précise Marie. "Nous travaillons déjà sur le prochain! Il continuera dans la même direction musicale mais proposera des titres plus longs et baignera au sein d’une ambiance encore plus cinématique. Comme des ‘fake soundtracks’ d'un film imaginaire..."

Regardez la vidéo de l'interview

Découvrez le clip de "Je ne t'aime pas" ici

Album "Nuit de Noce": http://teenagemenopause.bandcamp.com/album/nuit-de-noce

Weyrd Son Records: http://weyrdsonrecords.com

Facebook Weyrd Son Records : https://facebook.com/WeyrdSonRecords

(Photo 'live' par Xavier Marquis)

Calexico

Cherche endroit de rêve pour enregistrer…

Écrit par

Le 6 février 1993, Giant Sand se produit au Conservatoriumplein de Bissegem. A l’issue du concert, votre serviteur réalise l’interview de Howe Gelb (voir ici) et de Chris Cacavas (voir ). J’ai emmené mon fils, Jeremy, alors âgé de 14 ans. Il a assisté au concert et m’accompagne lors de l’entretien, qui se déroule à l’étage du club De Kreun. John Convertino et Joey Burns assistent aux entrevues, ce dernier y participant même épisodiquement. Depuis, John et Joey ont fait du chemin et ont surtout monté leur Calexico, une formation qui a pris une fameuse envergure. A cause de leur americana habilement teinté de références latino (mariachi, conjunto, cumbia, tejano, mambo), africaines, mais aussi de rock, de pop et de jazz.

Mais revenons à nos moutons. Ce 14 juillet 2013, la formation étasunienne (NDR : elle nous vient de Tucson, en Arizona, tout comme Giant Sand) se produit dans le cadre du festival Cactus à Bruges (voir review ici). J’ai bien tenté d’obtenir un rendez-vous, via le label, mais malgré les efforts de l’attaché de presse, les demandes sont restées lettre morte. Bref, au-cours de l’après-midi, je rejoins le stand VIP pour prendre un rafraîchissement. Je croise Jacob Valenzuela, le trompettiste et John, le drummer. Nous taillons une bavette et je leur fait part de mes illusions perdues. Ils interpellent leur tour manager, qui me demande d’attendre la fin d’une longue entrevue que Joey est occupé d’accorder à un collègue néerlandophone. Après 45 bonnes minutes (NDR : heureusement, le concert de Michael Kiwanuka n’est pas ma priorité), les deux hommes se serrent la pince. Soudain, Joey se lève et vient à ma rencontre. J’avais quand même l’impression qu’il jetait de temps à autre, un coup d’œil dans ma direction, pendant son interminable tête à tête. Je lui remémore la réunion à laquelle il était présent, il y a 20 ans. Incroyable, il s’en souvient. Le tour manager nous rejoint, et il est décidé que 15 à 20 minutes nous seront accordées. C’est déjà ça. Faudra mettre la gomme…

Le dernier album de Calexico a été enregistré à la Nouvelle-Orléans. Dans une église baptiste reconvertie en studio d’enregistrement. Un peu comme celle de Woodstock, en bois celle-là, au sein de laquelle John Agnello a accueilli de nombreux artistes pour leurs sessions. Mais quel sentiment ressent-on quand on investit un lieu autrefois sacré ? Joey confesse : « J’ai adoré ces moments-là. Lorsque je suis arrivé sur place, j’ai immédiatement constaté que c’était une ancienne église. Elle a été rebaptisée ‘The living room’. Et les aménagements qui ont été opérés par le propriétaire et les ingénieurs sont remarquables. Incroyables, même. Malgré les travaux de rénovation on ressent toujours les vibrations de ce qui a été un lieu de culte. Et c’est devenu un espace de créativité musicale. Un Hammond a été installé. Et quand tu entends ce qui en sort, c’est comme si tu entendais de l’orgue d’église. Tu as l’impression de disposer de l’endroit pour toi-même. D’en jouer comme tu le ressens dans ton cœur. C’est le rêve caché de tout claviériste. De grandes fenêtres inondent l’édifice de lumière. On y remarque également de nombreuses structures en bois. Et dans cette église, quand je me suis assis derrière le piano, je savais que j’allais écrire de bonnes chansons… »

Lorsque j’ai appris que le groupe se rendait à la Nouvelle-Orléans pour enregistrer, j’ai immédiatement pensé à une collaboration avec un ‘brass band’, comme le groupe l’avait réalisé en compagnie d’un ensemble mexicain. Mais après avoir lu de nombreuses interviews réalisées par des confrères, il est apparu que c’était tout simplement l’esprit de ce port louisianais que le band voulait communiquer à sa musique, pas ses racines. Joey précise : « Egalement l’écriture. Quand vous vivez dans un autre endroit, quand vous bossez au sein d’un autre studio, la perspective est totalement différente. Même si on pense souvent à son chez soi. Mais on souhaitait rester en Amérique, à la limite de l’hémisphère Nord et Sud, à sa frontière culturelle. Dans le Nord, l’accent est surtout porté sur le 1-2-3-4, tandis que dans le Sud, c’est davantage 6/8. C’est plus afro. Evidemment, je suis un grand fan de musique afro-cubaine. L’hémisphère Nord est plus anglo-saxon, le Sud, plus espagnol. Le Nord est plus protestant, le Sud plus catholique. La country pour le Nord. Le blues pour le Sud. Par nature. Ce que je te raconte est superbement décrit dans un livre rédigé par Ned Sublette qui s’intitule ‘The world that made New Orleans’. Je l’ai lu avant de me rendre à la Nouvelle Orléans et également pendant que j’y résidais. Il foisonne de références culturelles et historiques et j’avoue qu’elles m’ont pas mal influencé. » Manifestement, les emplacements où il enregistre et les voyages inspirent notre interlocuteur. Mais quelle sera la prochaine destination du combo ? La Guyane ? Un pays d’Afrique ou un autre pays du Golfe du Mexique ? A moins que de nouvelles idées ne se soient développées durant leurs périples à travers le monde… Joey confirme « Oui, s’il vous plaît. Toutes les destinations que tu viens de citer me bottent (NDR : il ajoute même en néerlandais, ‘alstublieft’ !) Ce sont tous des endroits de rêve. Mais tout dépend du temps dont on dispose. Les histoires sont tellement importantes. Elles sont parfois fragiles et exigent beaucoup de créativité, de patience, avant d’aboutir. J’espère que nous pourrons retourner à Cuba, nous rendre au Sénagal, au Mali, au Nigéria, en Afrique du Sud, au Maroc. Et puis j’aimerais passer plus de temps en Europe. J’aime les groupes belges. Zita Swoon. On est assez copains avec les musiciens… » Girls In Hawaii ? « Non, je ne connais pas. » dEUS ? « Oui, bien sûr. Sur scène, ils sont excellents… »

La musique de Calexico est devenue le fruit d’un croisement entre influences multiculturelles et multi linguales. Existe-t-il une explication rationnelle à ce phénomène ? Joey réagit : « Non, je n’ai pas d’explications. Toutes ces influences sont des histoires d’amour. Aujourd’hui, en Arizona, les autochtones manifestent des attitudes hostiles et agressives vis-à-vis des immigrants, prônent une philosophie de rejet à l’égard des autres langues et cultures. Je ne comprends pas ce repli sur soi. Comment est-il possible d’aimer la nourriture mexicaine, mais pas la langue, ni la chanson hispanophone ? C’est si beau, si romantique, si passionné. Il y a des individus qui ont des œillères. Un constat qui nous ramène à l’amour et au respect… » Calexico aurait un pied dans la tradition et un autre dans le monde contemporain ou, en d’autres termes, un pied dans l’Amérique et l’autre en Europe. Mais pourtant, l’Europe semble bien plus traditionnelle que l’Amérique. Il conteste : « Non, non ! Tu sais l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Il existe ici quelque chose de nouveau. Une ouverture dans l’acceptation d’une autre culture et d’une autre langue. Bien sûr, dans l’univers du football, c’est différent (rires)… c’est une exception… En Europe, on accepte de panacher les genres musicaux. On se permet de défier la définition des styles. Notre musique est mieux acceptée sur le Vieux Continent qu’aux States. C’est pas vraiment noir et blanc, mais l’atmosphère est différente ici. Il y a une autre philosophie. Davantage de largeur d’esprit… »

La colonisation, les conquêtes et l’immigration sont pour Joey des sujets brûlants de conversation, mais certainement de grandes sources d’inspiration. Il parle le plus souvent des Latino-américains, mais les Indiens –ou ce qu’il en reste– ne sont-ils pas les plus à plaindre ? Il se justifie : « Je pense que nous sommes tous dans le même bateau. Je ne spécifie pas un groupe culturel en particulier. C’est plutôt une histoire humaine. C’est ce que cherche à exprimer. Je devrais demander à mon ami Randall, un Navajo, ce qu’il en pense. Encore une fois c’est à propos des histoires. Parfois elles sont descriptives et parlent de certaines régions. On peut traduire toute l’histoire dans n’importe quelle langue ou la transposer dans n’importe quel décor ou toile de fond. Parce qu’elle est universelle. C’est pourquoi nous aimons l’histoire. Elle est l’origine de ce que nous sommes devenus aujourd’hui… »

En 10 mois, j’aurais donc assisté à trois concerts du même groupe. La première fois, en septembre, à l’AB. La seconde à l’Aéronef de Lille. Et ce soir ce sera la troisième. Mais comment organiser sa setlist pour donner davantage de variation à ses shows ? Joey a son explication : « Chaque fois que vous atterrissez dans un nouvel environnement, vous regardez ce qui se passe autour de vous. Vous essayez de sentir la direction que le public souhaite emprunter. La musique est un peu comme une forme de thérapie. Elle nous rassemble. C’est comme un voyage, un voyage spirituel. Elle te propulse dans un autre monde. Elle atteint différents niveaux de l’expérience humaine. Sur scène j’essaie d’être ouvert. Aussi, en cours de show, je regarde parfois la setlist. La conduite du concert. Et il m’arrive de penser à insérer une autre chanson, de m’éloigner du canevas affiché. Mais, ce n’est pas toujours possible. Car tous les musiciens jouent des tas d’instruments différents. Ils jonglent aussi bien avec l’accordéon, la trompette, les claviers, le xylophone, la contrebasse, la double basse, etc. Aussi, avant de modifier le parcours, je dois tenir compte de ces paramètres. Au début de la journée, j’ai assisté au set d’un fantastique groupe belge, Isbells. Et leur prestation m’a donné envie, ce soir, de jouer des compos plus calmes (NDR : finalement, le combo optera pour un set endiablé !) Parfois l’ambiance en ‘live’ t’incite à injecter du rythme et à te plonger dans l’énergie festive (NDR : c’est ce qui va se produire en soirée !) Je considère le show comme la construction d’une dynamique d’émotions et de sensations… »

Lors de leur set à Lille, en rappel, Calexico a été rejoint par The Dodos pour attaquer le ‘Little black egg’ des Night Crawlers, une compo datant de 1965. Une jam particulièrement réussie, me rappelant les Byrds, voire les compiles ‘Pebbles’ ou encore ‘Nuggets’. Il était donc d’abord intéressant de savoir qui lui avait donné l’idée de reprendre ce titre. Puis si Calexico avait l’intention, notamment ce soir, de réserver au public, ce type de surprise. Joey semble à court d’arguments : « Je ne sais pas. On a rencontré les musiciens de Bonnie Raitt. Et puis on a assisté à leur prestation en marge du podium. Ce sont des musiciens fantastiques. Je suis très honoré d’être sur la même scène que tous les autres groupes et artistes présents aujourd’hui à Bruges. Et tout particulièrement Bonnie Raitt… En fait Al Perry & The Cattle en avaient déjà fait leur version, début des nineties. Ils sont également issus de Tucson, en Arizona, comme nous. Lorsque j’ai entendu cette chanson, je me suis dit qu’elle était géante, rare même. Et la première fois qu’on l’a adaptée, c’était en compagnie de Yo La Tengo. A l’époque nous avions beaucoup tourné ensemble. Lors de la dernière date, c’était à Saint Louis, je pense ; nous l’avons jouée, sans l’avoir répétée. Ira, Georgia et moi. Georgia Hubley, la drummeuse, a un projet qui répond, en outre, au nom de Little Black Egg. Et puis j’en ai conclu que si on pouvait l’interpréter avec Yo La Tengo, on pouvait aussi le faire avec The Dodos. C’est une chanson bizarre, mais terriblement contagieuse… »

La dernière création en date de Calexico a bénéficié de la collaboration du Louisville Orchestra, un orchestre symphonique. Les prises ont été immortalisées en ‘live’. Publié en édition limitée et notamment en vinyle, le box, intitulé ‘Road Atlas’ est paru en juin dernier. Joey commente : « Une aventure extraordinaire. C’était la première fois qu’on jouait en compagnie d’un orchestre symphonique. Eux, dans le passé, avaient déjà réalisé cette expérience. Donc, ils en connaissaient un bout. Notamment dans le domaine technique et électronique à mettre en place, sur scène. Le box set est le résultat d’un travail de passionnés. Ce sont des titres qui ont été enregistrés lors d’une de nos dernières tournées. Nous l’avons réalisé pour nous, pas pour le public. La musique vire parfois au jazz, sans que ce soit vraiment du jazz. On a pris beaucoup de plaisir à concrétiser ce projet. Et il est important pour nous de continuer à prendre du plaisir. Le résultat va au-delà du classique ou de ce que nous proposons généralement. C’est aussi la raison pour laquelle je fais de la musique… »

En nous quittant, Joey me remercie et me demande si c’est votre serviteur qui a concocté le questionnaire. Je lui réponds par l’affirmative et lui explique succinctement ma méthode de travail. Il me dessine une Cadillac sur le dos de la pochette de l’album ‘Algiers’, avant de la dédicacer, et me salue à nouveau, avant de rejoindre les loges en compagnie du tour manager…

(Merci à Vincent Devos)

 

Lebanon Hanover

Totally cold

Le 16 septembre prochain, Lebanon Hanover, une des formations les plus en vue pour l’instant sur la scène cold-wave/minimal wave, accordera un concert exclusif à Bruxelles sur la Péniche Fulmar 1913. Elle viendra présenter son nouvel opus, le troisième, intitulé "Tomb For Two", à paraître en septembre chez Fabrika Records.

Composé d'un couple : Larissa Iceglass, originaire de Suisse, au chant, aux guitares et aux synthés et William Maybelline, d'Angleterre, au chant, à la basse et aux synthés, Lebanon Hanover propose une musique froide, dominée par des voix sombres, hantée par une basse lugubre et déchiquetée par des guitares acérées. Une sorte de pop synthétique apocalyptique, qui rappelle Siouxsie & The Banshees, The Cure, Bauhaus voire Xmal Deutschland.

Au cours d'une interview réalisée en avril dernier à Gand lors du REWIND festival, Larissa et William ont confié avoir choisi le patronyme de leur groupe en référence à un endroit sis dans le Vermont, en Amérique du Nord. "C'est un coin très esthétique. Nous ne voulions pas une appellation du style ‘The Something’, donc nous avons opté pour ce nom, car il ne sonnait comme aucun autre". Il reflète également la dualité anglais-allemand qui est le fondement tant du couple que de la formation.

Pour produire leurs disques, le couple adopte une démarche très DIY, Do It Yourself, très ‘minimale’. "Les sentiments sont plus importants que la production", souligne Larissa. "C'est pourquoi j'aime la musique des années 40, 50, 60 et 70. Elle recèle tellement de chaleur. Après 80, ce n'est plus intéressant pour moi. Il y a trop de fréquences aiguës, difficiles à supporter. Mes oreilles sont habituées à la musique ancienne."

On l'a compris, Larissa et William ne sont pas comme les autres. Ils ne recherchent en aucun cas la célébrité. Il m'a d'ailleurs fallu pas mal de temps, et une première tentative (manquée) à Amsterdam avant de les convaincre d’accorder une interview. C'est qu'ils attribuent une importance primordiale à leur authenticité. "Le plus important au sein de notre groupe, c’est d'exprimer notre point de vue par rapport au monde actuel", poursuit Larissa. "Nous sommes plongés au sein d’un monde très rapide et très dangereux. En fait, notre manière de vivre est différente de celles des autres. Nous n'avons pas de job, ce qui nous donne beaucoup de temps pour penser et écrire. C'est bien de prendre le temps de s'arrêter et de profiter de la vie."

Le couple partage son emploi du temps entre l'Allemagne (Bochum) et l'Angleterre (Newcastle). William préfère l'Allemagne à l'Angleterre, car la population est plus tolérante. "A Newcastle, les gens vous insultent parce que vous êtes vêtus de noir. Ils éloignent même les enfants de nous! (rires). Comme si on était satanistes ou quelque chose comme ça. En Allemagne, c'est différent, vous êtes juste un ‘Grufti’ comme tant d'autres..."

Organisation: Mad About Music
Première partie: Luminance (Belgique, new-wave crossover cold)

Adresse:
PENICHE FULMAR 1913
22 Quai des Péniches 1000 BRUSSELS

Tickets:
€8 en prévente (ELEKTROCUTION Record Shop, 37 Rue des Pierres - 1000 Bruxelles) ou 10€ at the doors

Lien: https://www.facebook.com/events/179654118878431/

 

Jeronimo

Sortir du cadre…

Écrit par

Jeronimo, c'est une histoire Belge.
Tendre et drôle à la fois.
Plus Toto le héros que Tintin, mais aussi aventurier...
Un petit garçon dont la route prend des chemins de traverse, juste pour voir où ils mènent.
Qui s'abîme les genoux sur des chardons ardents et hume l'embrun du Nord soufflé par le vent.
Un petit garçon qui sait que ses bras sont trop courts pour toucher la lune. Mais refuse d'abandonner son dessein, et finit quand même par en caresser l'image à la surface d'un lac.
Ce lac est celui de Garde. Un endroit essentiel dans la genèse de « Zinzin », le quatrième et dernier album en date de Jérôme Mardaga.
Un lieu de ressourcement propice au plongeon, un grand plongeon, plus loin, encore plus loin, là où tout est possible.
Après avoir décidé de mettre un terme à son aventure, Jeronimo a ressuscité Jeronimo.
Mais avant de pousser plus avant ses recherches qui le mèneront sans doute en marge du cadre au sein duquel il se sent de plus en plus à l'étroit, le Liégeois sait qu'il doit encore apprendre, tel un peintre qui tend à l'abstrait ou recherche l'épure.
Petit bout de chemin en compagnie de cet attachant zozo…

« L'album est venu de lui même » confie d'emblée l'artisan liégeois en sirotant sa bière dans un des confortables fauteuils du hall du Radisson Hôtel, en marge des Francofolies, où il s'est produit plus tôt en journée. « Il est né ainsi, sans doute parce que pendant deux ou trois ans, j'avais mis de côté tout le mécanisme où on est toujours à l'affût d'une phrase, d'un texte, d'une suite d'accords, d'un groove, d'un arrangement. J’avais pris du recul en jouant pour d'autres, ne retenant que le côté fun, et puis c'est revenu en un instant. C'est comme un travail journalier accumulé dans le subconscient et puis subitement, il prend forme, puis éclot, en un rien de temps, spontanément. »

On revient alors sur ce havre de paix qui a influencé la créativité.

« Oui, je passais en effet des vacances chez mon frère, là bas, au lac de Garde. J'avais emporté quelques albums de Bob Dylan que j'écoute souvent, mais particulièrement là-bas. Il y avait une vielle guitare, et un jour je me suis dit, avec un truc de Dylan en tête, juste pour le fun, que ce serait sympa d’interpréter une chanson pendant l'apéro ; une chanson que je puisse faire écouter à mon frère. J'ai alors écrit ‘Princesse au regard couleur ciel de Belgique’ ; et on en a conclu que c'était pas mal. De fil en aiguille, en un peu moins d'un mois, je me suis retrouvé à la tête de treize, quatorze ébauches de compos. »

Je lui fais alors remarquer que malgré la patte imprimée et estampillée Jeronimo, la sensibilité semble accrue sur ce disque par rapport à ses trois premiers opus. Remarque sur laquelle il peine à statuer.

« Oui ? Vraisemblablement ? Je ne sais pas. Peut être est-ce la pause qui fortuitement a induit cette perception ? Personnellement, à la fin de l'enregistrement de « Zinzin », en réécoutant le résultat, j'ai ressenti de la déception. J’en ai déduit que rien n’avait vraiment changé. Que je ne m’étais pas réellement renouvelé. »

J'en conclus donc que c'est la raison pour laquelle il n'a pas modifié de nom, ne s’abrite pas derrière une nouvelle identité.

« Il m'a semblé évident, quand les chansons sont revenues, la voix et le reste aussi d’ailleurs, que je ne pouvais pas baptiser le projet autrement. A l’issue des sessions d’enregistrement, il y a eu ce moment, où je me suis dit, mince, c'est pas vraiment différent de ce que j'ai fait avant. On se refait pas, quoi. Maintenant, je suis relativement content du travail, hein ! C'est de bon augure pour la suite. Mais on voudrait toujours tout changer drastiquement ; or, c’est un challenge difficile à accomplir. Faudra renouveler catégoriquement la méthode de travail pour le cinquième. »

On envisage alors ce virage et la façon de l'aborder.

« C'est juste que j'ai réalisé quatre albums de chansons sensiblement Pop. Couplet-refrain-couplet-refrain, quatre minutes. Point. Je me suis demandé s'il n'était pas temps de décadrer. J'ai souvent ce mot en tête. Sortir du cadre, tout en continuant à chanter en français. »

Le rapport à d'autres types de production, comme des musiques de films me vient forcément à l'esprit, ce que Jérôme confirme expérimenter dans le futur.

« Et j’assure également un job de production pour d'autres artistes, mais par rapport à mon propre boulot, le maître mot sera sortir du cadre dans lequel je me suis enfermé. Pop/chanson française. J'y ai consacré une quarantaine de chansons. Voilà, j'ai fait le tour. C'est déjà ce que j'avais affirmé auparavant. Mais là, j'aimerais bien m'y tenir, me faire violence. »

J'insiste alors sur ma perception de ‘Zinzin’, lui faisant remarquer le cheminement perçu depuis ‘Mélodies démolies’.

« C'est vrai qu'il est venu plus facilement. Mais ce n'est pas encore ce à quoi je tends. J'ai pas mal écouté Léo Ferré dernièrement. Il ne fait pas de couplets, pas de refrains. C'est ce que j'ambitionne : sortir du carcan Pop. On verra si j'y arrive. »

Toute cette réserve semble être de la modestie, mais en fait, Jérôme est quelqu'un d’extrêmement lucide.

« Je connais mes limites. Le truc important quand tu sors un disque, c'est de bien les cerner. Et je les cerne bien. En ce qui me concerne, voir celles qui sont à l'intérieur de mon travail. Elles sont très nettes. Je suis réaliste. Mes disques ont les leurs. Et j'ai eu de la chance. Mes deux premiers albums, ‘Un Monde Sans Moi’ et ‘12h33’, ont été au delà, par rapport à l’accueil du public, à la chance de pouvoir partir en tournée, etc. C'était inattendu. Mais c'est ce que je garde toujours à l'esprit : les limites de mon travail. On ne travaille bien qu'à l'intérieur de limites. Si tu imagines qu’elles n’existent pas, il y a danger… »

Il aborde ici un album qu'il réécoute depuis trois jours et qui semble le hanter, comme un exemple parfait de réussite, et sur lequel il reviendra souvent, notamment lors de la conférence de presse accordée juste après notre entretien.

« J'écoute ‘Spirit Of Eden’ de Talk Talk. Et après on est calmé. Pour moi, c'est la seule façon de travailler. Je parle de musique seulement. Pas de business ou je sais pas quoi. C'est un disque que je considère majeur. Un idéal que j'aimerais atteindre. Mais je n'y suis pas encore parvenu. Loin de là. A chaque album, je progresse, mais c'est lent et compliqué. Parfois, on se plante. Mais c'est le chemin obligé. En fait, il est très difficile d’aligner dix bonnes chansons sur un album. Perso, je n'y suis pas encore arrivé, non plus. Il y en a dont je suis extrêmement fier. Mais voilà. Faudrait peut-être que je sorte des disques de cinq ou six titres ? »

Manifestement les chansons de Jeronimo ne sont pas nécessairement destinées à plaire à un public.

« Tout à fait. C'est un point de vue très égoïste. L'avis des autres, tu y penses, c'est certain, mais ce n'est pas mon leitmotiv. J'ai travaillé en studio en compagnie d’artistes dont l'ambition était de plaire. Des gens qui te disent pendant l'enregistrement ‘Ouais, mais les gens, les gens, les gens...’ C'est insupportable d’entendre la même rengaine, quand tu es en plein processus de création ; car lorsqu’on bosse, il n'y a pas les gens, le manager, la maison de disque... Quand j’entreprends l’enregistrement d’un disque, il y a un facteur clé, c'est le timing. Il faut qu'il soit bon. C'est con, mais j'aime bien avoir mon matos, mes guitares. C'est un peu enfantin, mais je fonctionne ainsi. C'est une partie vitale du truc. Pour moi, un album, c'est un prétexte pour en faire un autre. Peut-être aussi pour se faire applaudir l'espace de quelques concerts. Mais perso, je suis vite saoulé par ce bazar là. C'est comme un examen de conscience. Ça c'est bien, ça c'est moins bien. Après ‘Mélodies Démolies’ je me suis remis en question. Puis j'étais blasé aussi. C'est pas un très beau mot, mais j'étais entraîné dans cette spirale album-concerts-promo ; et un jour, justement au lac de Garde, une idée m’est passée par la tête : ‘Et si je me débarrassais de l’identité de Jeronimo, ne serait-ce pas plus facile, le matin ?’ Passer à autre chose. En fait, j'aimais bien l'idée du triptyque. Trois albums et puis basta. Ben, voilà, c'est raté... Et comme je suis pas content du quatrième, il y aura un cinquième panneau. Mais d'abord finir le travail sur celui ci. »

Se pose alors la question d’évaluer l'impact que la critique de ‘Zinzin’ pourrait avoir sur la suite.

« On est de toute façon influencé par la critique. On est influencé par tout. J'ai lu ce matin le papier de Luc Lorfèvre dans le Moustique. Il a raison. Il dit, album Pop et tout ça. Et j'ai vraiment envie de sortir de ce cadre. L'écho que te renvoie la presse, les gens, est très constructif. C'est comme un miroir. Mais il peut aussi devenir destructif. Il l'a été par le passé. Maintenant je m'en sers pour avancer »

Notre entrevue prend fin précipitamment, car Jérôme est appelé en salle de conférence… De celle-ci, on en retiendra son plaisir renouvelé de jouer aux Francofolies, où il fait presque figure d'abonné, et il reviendra sur ce lieu majeur qu'est le lac de Garde ainsi que sur  l'influence que pourrait avoir ‘Spirit Of Eden’ sur sa conception d'une musique appelée à être moins formatée Pop. En attendant, ‘Zinzin’ est un voyage poétique qui, s'il regorge encore trop de clichés pour son interprète, découvre néanmoins une nouvelle facette d'un auteur qu'on est heureux de retrouver et ne veut plus lâcher cette fois.

 

Lescop

De l'art d'être à la fois populaire et alternatif...

Mathieu Peudupin, alias Lescop, est issu de Châteauroux, en France. C’est au cœur de l’Indre, dans le Centre. Avant d’embrasser une carrière individuelle, il a milité chez Asyl. Comme chanteur. Ce 6 mai 2013, il se produisait dans le cadre des Nuits Botanique. Nous l’avons interviewé, à l’issue de son concert. Dans sa loge. Autour d’un verre de whisky, en compagnie de mes amis Vincent et Valéria, qui m'ont présenté à l'artiste. Il est détendu et souriant…

« Je suis alternatif, mais pas confidentiel », nous confie d'emblée Lescop en répondant aux critiques sur son côté pop mainstream. « Je n'aime pas trop le côté élitiste de certains artistes qui gravitent dans l’univers de la musique underground. Si j'ai finalement écouté les grands groupes alternatifs comme Einstürzende Neubauten ou Joy Division, c'est parce que j'avais découvert Depeche Mode, New Order ou même Indochine à la TV. Ces formations se sont fondues dans une culture populaire qui proposait des filtres pour entraîner les gens à emprunter une autre voie. » Ce pari, rendre populaire une musique plus alternative, Lescop est clairement occupé à le gagner. Sa ‘pop wave’ minimale, qu’il chante dans la langue de Molière, évolue quelque part entre Daho, Taxi Girl, Indochine et Joy Division. Teintée d'éléments 'dark', elle rencontre un beau succès, notamment grâce au hit lumineux ‘La Forêt’, qui a révélé au grand public un artiste talentueux et réservé.

La musique de Lescop est particulièrement influencée par le cinéma, surtout à travers les réalisateurs Jean-Pierre Melville, Fassbinder et Schlöndorff. Le titre ‘La Nuit Américaine’ en est une preuve évidente, même si Lescop nous assure qu'il n'avait pas encore vu le long métrage de Truffaut, quand il l'a écrite. Etonnant! « En fait, je l'ai composée après avoir regardé 'Gilda', qui met en scène Rita Hayworth. J'avais des images de ce film dans la tête. J'aime bien ce vieux cinéma américain en noir et blanc ; son côté un peu emprunté. C’est un peu comparable à mon approche de la chanson. Mes paroles, par exemple, ont l'air d'être simples, mais en fait elles ne le sont pas. Elles sont légèrement décalées, un peu étranges. Je les aborde quelque part dans l’esprit d’un Jean-Pierre Léaud, le comédien de Truffaut : il jouait faux mais en même temps, c'était juste, car il causait volontairement un décalage. De manière à susciter l'attention du public. J'essaie aussi de créer une tension, une ambiguïté qui invite à tendre l'oreille. »

Dans son processus de composition, Lescop prend comme point de départ une phrase ou une 'punchline' un peu mystérieuse et ensuite la développe. « D'abord, je saisis une phrase un peu bizarre, puis je bâtis une histoire autour, et quand je l’ai terminée, je bosse sur la musique. Pour 'La Forêt', par exemple, je disposais de ces quelques mots : 'La Forêt soudain qui frémit, Puis s'installe le silence...' et j'ai construit le texte à partir de cela, au fur et à mesure des rimes. »

Comme il évoque ‘La Forêt’, je ne résiste pas à l'envie de lui poser à nouveau la question concernant la ressemblance, troublante, entre sa chanson et celle de Dernière Volonté, ‘Cran d'Arrêt’. Toutes deux traitent d'une forêt, d'un pistolet et évoquent une ambiance menaçante. Lescop répond qu'avant que je ne lui en parle, en octobre dernier, il ne la connaissait même pas. « En fait, ce sont des influences communes que nous partageons, c'est le fruit d’un imaginaire collectif. Son thème est assez universel : jalouse, une fille tue son bien aimé dans une forêt. Je suis sûr qu'il doit exister des Chinois ou des Africains qui ont imaginé des histoires semblables. »

Au sein du label Pop Noire, Lescop côtoie une autre nouvelle sensation de la scène 'dark', le groupe Savages, emmené par Camille Berthomier aka Jehnny Beth. « Il y a 15 ans que je connais Camille. Elle est dans une période de sa vie où elle a compris un truc ; et son projet est en train de décoller. Elle a beaucoup travaillé. Elle a mis du temps pour y arriver. Quand je l'ai rencontrée, elle était âgée de 13 ans et avait déjà vachement envie de réussir dans la musique. » Lescop n'est d'ailleurs pas peu fier d'avoir contribué à l'éducation musicale de Camille: « C'est moi qui lui a fait écouter Joy Division pour la première fois! », annonce-t-il à notre grand étonnement! Je m'écrie: 'Voilà un scoop!' Un 'Lescoop' ajoute mon ami Vincent, à l’humour typiquement 'darkomique' (les initiés comprendront cette 'private joke')... Lescop rit également car, curieusement, ce calembour ne lui avait jamais été signifié. Il a fallu qu'il vienne en Belgique pour entendre un tel jeu de mots ! 

En poursuivant notre conversation relative à Savages, Lescop nous confie aimer le côté ‘violent’ de leur musique. Parce que la notion d’agressivité est absente. « On peut être violent sans être un trou du c**. J'aime cette violence. Elles l’assument. Rien à voir avec cette paranoïa qui me saoule. La violence, c'est bien ! Ce qui n'est pas bien, c'est cette agressivité manifestée à l’égard d’autrui. Tout ce qui est important est violent. Les musiques importantes sont violentes et ce n'est pas une question de décibels ! Si tu prends l’exemple de Nico, quand tu écoutes "Chelsea Girl", sa musique est douce, mais en même temps, hyper violente ! Tomber amoureux, c'est violent. Faire l'amour, c'est violent. Ce que je dis, ce que je fais, c'est violent. Mes chansons, aussi. Ce sont des lettres d'amour violentes. II faut ressentir ces émotions capables de te flanquer des frissons partout. S'il n'y a plus ça, c'est fini... »

Quand on évoque ses projets, Lescop avoue avoir envie de diversifier ses activités. « Je vais écrire pour d'autres et bosser sur le scénario d’un film. J'ai besoin d'interrompre ce cycle concerts/album/concerts, etc. C'est pas bien, la routine. Le système qui régit la scène musicale a tendance à te robotiser. Je n'ai pas envie d'adopter ce mode de vie professionnel. Il faut conserver une envie, une fraîcheur... »

Au moment où l'interview s’achève, Lescop se lève soudain et propose : « Si on allait boire un coup ? » Tout comme il y a 6 mois, nous l'avons emmené au Café Central, haut lieu bruxellois de la musique alternative, où nous avons savouré un peu trop de délicieuses bières belges jusqu'au bout de la nuit... Parce qu'ici, Leschop, elles sont bonnes... OK, je sors...

Pour écouter l'interview complète en audio sur Youtube, c’est ici 

(Merci à Mathieu, Vincent, Valeria, Cédric et Antoine!)

Organisation du concert: Botanique

Pour lire la chronique du concert de Lescop, accordé dans le cadre de l’édition 2013 des Nuits Botanique, c’est .  

(Photo : Xavier Marquis)

Carl Roosens

Un mix entre réalité, souvenirs et imaginaire…

Écrit par

Carl Roosens est un artiste multidisciplinaire. Il se consacre à l’illustration, la gravure, la vidéo, le dessin animé et la musique. Et parfois, ces différents projets sont liés. Il aime aussi raconter des histoires. Son dernier album, « La paroi de ton ventre », pourrait d’ailleurs servir de conte pour adulte. Ou plutôt de recueil de contes pour adulte. Il puise son inspiration dans son imagination, pour écrire ses lyrics. Mais comme quelqu’un qui se serait enfermé dans une boîte en carton, pour regarder le monde qui l’entoure, à travers une petite ouverture. Carl a donné un nom à son backing group : Les Hommes-Boîtes. Faut dire que l’intéressé aime s’entourer pour exercer son art. Et sait aussi choisir ses collaborateurs. A l’instar de Noémie Marsily en compagnie de laquelle il réalise des films d’animation. Ainsi « Caniche » a récolté toute une série de distinctions, et plus récemment le clip « Autour du lac » a été sélectionné au Festival International du film d’animation d’Annecy et a déjà enregistré plus de 25 000 vues sur le net (voir ici ). On se demande même si Carl a encore le temps de dormir. Il s’explique…

Oui, bien sûr. Et puis je ne suis pas seul. Mes collaborations sont multiples. Pour enregistrer l’album nous avons bossé à cinq-six ! Le clip « Autour du Lac » a été réalisé en compagnie de Noémie Marsily. J’aime beaucoup travailler en équipe. Cette méthode apporte de l’énergie. Et te pousse toujours dans différentes directions, car en solitaire, tu peux parfois tomber dans certains pièges, et notamment la répétition. Je pense que c’est ce qui me permet d’avancer et me donne l’envie de toucher à tout.

Quel est votre objectif ? Vous servir du dessin animé pour sonoriser votre musique ou utiliser votre musique pour illustrer vos dessins animés ?

Ce sont deux projets différents. Par exemple, en compagnie de Noémie Marsily, nous réalisons des courts-métrages. C’est un boulot à part entière qui n’a pas beaucoup de lien avec la musique, même si on peut utiliser ma musique pour le court métrage. C’est un travail que nous développons ensemble. Pour « Autour du Lac », nous avons clairement essayé d’illustrer cette chanson, parce que tout seul, je me serais cassé la figure. Déjà écrire la chanson, puis la mettre en image, c’est un peu difficile. Noémie m’a déclaré que si elle devait réaliser un clip, elle choisirait « Autour du Lac » ». En fait, c’est elle qui a été l’initiatrice du projet. Sinon, nous planchons sur un autre projet. Nous sommes occupés de l’élaborer. Il s’agira d’une série de court métrages qui mêleront musique et film d’animations. Il devrait s’intituler « Pauvre histoire pauvre ». Et il aura un lien direct avec l’album. Sur scène, nous le diffuserons sous forme de projection. Enfin, nous allons lui consacrer un site internet que nous allons bientôt mettre en ligne.

N’avez-vous pas l’intention de vous lancer dans le long métrage ?

Non, car le court métrage a une richesse énorme. Tout est permis. Alors que dans le long métrage, souvent les gens développent une idée qui pourrait tourner en une demi-heure. Je trouve que la forme plus petite, comprise entre une, cinq ou dix minutes, permet de réaliser plus de choses. Ce format m’excite pas mal en ce moment. Donc non, je n’ai aucune envie de m’attaquer à un long-métrage.

Quels sont vos principales influences musicales ? Le slam ? Veence Hanao ?

Je n’ai jamais voulu me lancer dans le slam, car c’est un mouvement musical que je connais assez peu. Mon but est, au départ, de raconter des histoires. Ce n’est pas nécessairement relié à un mouvement précis dans le slam. En ce qui concerne les références, tout dépend des films que je regarde, de la musique que j’écoute, des bouquins que je lis. C’est très varié. Très diversifié. Veence Hanao est un ami, donc c’est clairement quelqu’un dont j’apprécie le boulot…

Le roman de Kõbõ Abé vous a inspiré le nom de votre groupe. Il raconte l’histoire d’un homme qui a décidé de se retirer physiquement du monde dans lequel il vit, pour l’analyser, à travers une lucarne. Pour écrire votre album, avez-vous perçu notre société de cette manière ?

Il faut savoir que le concept du nom de Carl et les Hommes-Boîtes est venue postérieurement. L’album était terminé. Après avoir lu ce roman, l’idée m’a plu, même si l’histoire ne se déroule pas ainsi, au début du roman, lorsqu’il décrit ses personnages vivant dans les boîtes. La narration est tortueuse. Elle part dans tous les sens. J’aimais beaucoup cette perception : observer le monde par le prisme d’une ouverture dans une boîte, avoir un regard plus juste, en se retirant du monde. Maintenant l’album n’a pas de rapport direct avec le roman. C’est simplement l’idée qui me plait beaucoup. Et elle est devenue le titre.

A contrario, le fait de s’enfermer dans une boîte en carton pourrait également faire penser à la politique de l’autruche. Le message ne risque-t-il pas de porter à confusion ?

La politique de l’autruche, c’est plutôt mettre sa tête dans un trou et ne pas voir ce qui se passe dans ton entourage. Là, c’est le contraire. C’est vraiment regarder autour de soi ce qui se passe, sans interagir ; mais justement tu viens mettre ton grain de sel, alors que la politique de l’autruche, c’est vraiment se voiler les yeux. Il s’agit de deux attitudes opposées.

Analysez-vous tout ce qui se produit dans votre environnement, pour écrire vos histoires ?

Non. Je dirais qu’on a tous un certain vécu, une existence propre. Tout simplement, quand tu sors le matin de chez toi, tu croises un visage, tu rencontres une personne, tu reçois le coup de fil d’un ami, tu lis un bouquin. Chaque journée apporte son lot de découvertes. Je voulais raconter quelques impressions personnelles que j’ai ressenties.

Vos textes semblent issus de votre imaginaire. Mais de l’imagination à la réalité, il n’y a qu’un pas. Quelle est la part de réalité dans votre imagination ?

Comme je disais, quand je marche dans la rue, j’ai des idées, qui viennent naturellement, et elles s’entrechoquent. Dans l’écriture, c’est un peu la même chose. C'est-à-dire qu’il y a un mix entre réalité, souvenirs et imaginaire. On peut également y ajouter les fantasmes. Quand je commence à écrire, je peux partir d’un fait très concret, puis bifurquer dans l’étrange. J’aime bien quand tout se mélange.

Quand on lit pour la première fois le titre de votre album « La Paroi de ton Ventre », on pense d’abord à une femme qui attend un enfant. La confusion était-elle voulue ? Ou alors la signification est-elle valable, mais plus subtile qu’elle n’y paraît ?

Pour le titre, je ne réfléchis pas beaucoup à tous les sens qu’il pourrait avoir. Je m’intéresse beaucoup à ce que l’auditeur pense lorsqu’il découvre l’album. Pour les chansons, c’est la même chose. Il y a mon sentiment personnel, mais je ne vais jamais chercher à expliquer la signification d’une chanson. Je suis bien plus intéressé par l’interprétation qu’une personne fera de mon morceau. Comment il voit les choses, comment il ressent telle ou telle parole. Je laisse l’alternative au public de trouver sa propre explication. Idem pour les titres. J’y ai mis des choses, mais elles restent ouvertes.

« Plaine de Jeux » est une chanson qui parle de l’enfance. C’est la vôtre ? A-t-elle eu une influence primordiale sur l’écriture de vos textes ?

Non, il s’agit d’une observation. Enfin, je me contredis quand je dis ne pas aimer raconter mon histoire. La genèse de cet épisode vient de la construction d’une plaine de jeux devant laquelle je passais régulièrement. Elle était en chantier. Avant, c’était un terrain vague. Ensuite, petit à petit, des poteaux ont été plantés, puis des jeux installés. J’ai découvert au jour le jour, la transformation des lieux. Il était amusant de voir cette plaine se monter au quotidien. Et le regard des enfants chaque fois qu’un d’entre eux passait devant. Parce qu’il faut savoir que le terrain était grillagé. C’était bizarre. Les gosses n’y avaient pas accès mais ils voyaient des adultes travailler sur une surface qui allait devenir leur terrain de jeux. C’est donc parti d’une observation. Donc, ce texte n’a aucun rapport avec mon enfance.

Sur l’illustration de la pochette de l’album, on ressent comme une forme de détresse. On y distingue des arbres coupés ou sans feuilles, des personnages nus et visiblement tristes. Est-ce réellement ce que vous ressentez ou est-ce simplement le fruit de votre imagination ?

Je dirais qu’il s’agit d’un mélange de fantasme et de réalité. Je me laisse aller. Pour les dessins, je ne fais pas vraiment de croquis préparatoire. Je me lance dans l’improvisation puis ça sort comme ça. Quant à donner un sens particulier à ces dessins, une fois encore, chacun met le ressenti qu’il veut. Mais je n’ai pas vraiment voulu communiquer une impression de tristesse. Je pense qu’on y trouve plein de sentiments mélangés. On peut le percevoir de différentes manières.

Vous avez dit avoir vu ou imaginé, « L’objet qui n’a pas de nom », mais vous ne vous rappelez plus très bien. Pouvez-vous nous dire à quoi il ressemble réellement ?

Justement, si je le savais, je l’aurais écrit.

Sur votre album, on entend des sonorités plutôt originales. Vous utilisez des instruments insolites ? Vous les fabriquez vous-même ou vous les dénichez dans les brocantes ?

Nos instruments sont très classiques. Il y a une batterie, une trompette, un trombone. Des machines aussi. Le groupe compte de nombreux musiciens assez touche-à-tout. Des personnes qui apprécient expérimenter. Ils aiment bien bidouiller les synthétiseurs, les machines. Mais certains, il est vrai, font parfois les brocantes.

Comment parvenez-vous à accorder votre voix à ces sonorités inhabituelles ?

Au sein du groupe, on improvise. Puis quand on trouve une piste, je sors mes textes et je cherche à voir s’il y en a un qui pourrait coller. Généralement, je me consacre à l’écriture d’abord. C’est un travail que je fais seul. C’est notre méthode de composition.

Comment s’est faite la rencontre avec le label Humpty Dumpty ?

Notre rencontre remonte au premier album. J’avais envoyé de nombreuses démos à droite et à gauche. Et les responsables de Humpty Dumpty ont répondu à mon mail parce que j’avais remporté le Concours « Musique à la Française ». Ils m’ont donc recontacté et l’aventure a pu commencer à ce moment-là.

En concert

06.05 - Bruxelles – Nuits Botanique
15.05 - Louvain-la-Neuve – Ferme du Biéreau
25.05 - Braine l’Alleud – MJ Le Prisme
22.06 - Namur – Fête de la Musique
22.06 - Charleroi – Fête de la Musique

Photo : Caroline Lessire

 

Scorpion Violente

Déséquilibre orthographique…

Scorpion Violente, c'est un groupe issu de Metz, qui pratique une musique trance-disco-psyché-indus complètement hypnotique et hallucinante. La formation a littéralement explosé le Café Central à Bruxelles lors de la release party de son dernier Ep, ‘The Rapist’, le 15 février dernier. Nous avons profité de l'occasion pour discuter avec la bête à deux têtes....

Il y a d'abord ce nom, 'Scorpion Violente', très intriguant: "Il s’inspire des films policiers de série B italiens", raconte Thomas Violente. "Particulièrement d'un long métrage qui s'intitule 'Rome Violente'. On a donc pensé à 'Scorpion Violent', mais c'était plus marrant en y commettant une faute d'orthographe. Elle crée une tension, un déséquilibre." Et cette tension et ce déséquilibre, on les retrouve dans le son, à cause du clash permanent entre une rythmique minimale obsédante, des synthés indus lancinants et des rares voix délayées dans des réverbs et delays ; le tout baignant dans une atmosphère glauque, crade, très sexuelle. Les références mises en avant sont bien sûr Suicide, D.A.F. mais aussi Throbbing Gristle. "Oui, Throbbing Gristle, je suis tombé dedans à pieds joints", précise Thomas. "Je n'ai écouté qu’eux pendant deux ou trois ans. Dans l'ensemble, on aime surtout les musiques des années 60, 70, jusque 80. Après, on ne connaît pas trop. On ne s’intéresse pas aux productions actuelles." Pour Scott Scorpion, "c'est surtout Suicide : je suis un grand fan. Et puis les groupes krautrock comme Can ou Neu!"

Sur scène, le projet est minimal sous tous ses aspects. Il y a très peu de matériel. Juste un vieux Korg Poly61 pour les basses, un Caravan R6, un vieil orgue italien des années 70, pour les nappes et les lignes mélodiques façon scie sauteuse ; et, enfin, une boîte à rythmes Yamaha RX11. Sans oublier les effets vintage comme les réverbs à ressorts ou les sound stretchers paramétriques. "Au niveau du jeu, l'idée était de n'utiliser que 4 doigts au total (2 x 2) pour jouer. Et le côté minimal, on l'applique aussi aux moyens : pas de voiture, les déplacements sont effectués en train, on aime le côté 'à l'arrache' de ce genre d'organisations", rappelle Scott, en affichant un sourire carnassier.

Mais si les moyens sont 'minimaux', le résultat est, lui, sans limite. Ces sonorités obsédantes s'insinuent de façon très insidieuse dans votre esprit et provoquent une sorte de transe. "On aime bien le côté psyché, voire psychobilly. On reprend d'ailleurs ‘Strychnine’ des Sonics. Tout est mélangé à une musique plus froide. Principalement instrumentale... sur des morceaux de 5 à 6 minutes..." Leur tout dernier titre-phare, ‘The Rapist’, s'étale, lui, sur plus de 10 minutes, et son adaptation ‘live’ a clairement été un des tout grands moments du concert, au Café Central.

Au niveau des ambiances, vu la région d'origine du duo, on identifie bien sûr un côté postindustriel. Mais aussi une dimension sensuelle très marquée. On se croirait dans une boîte SM... "C'est vrai, il y a un côté sexe dans notre musique, mais c'est plus du désir que du sexe consommé", corrige Scott. "Comme si tu avais quelqu'un qui transpire un peu, son odeur t'attire mais il n’est pas sûr que tu rentres avec elle (ou lui) le soir. Et en plus, on vient de Metz, une ancienne région minière. C'est un peu comme à Bruxelles : le temps est gris 200 jours par an ; donc l’ambiance est particulière".

Leur musique affiche une forme très trance, très dansante. Au concert, nous avons été très étonnés par la moyenne d'âge des fans, qui oscille autour des 20 ans. Ce sont des jeunes qui viennent d'un univers techno, electro, absolument pas goth ni dark. "En fait, on est vraiment le cul entre plusieurs chaises, placé entre différents styles musicaux... Au début, c'était en effet orienté 'dark', mais maintenant on a un pied dans plusieurs zones. Pour moi, en montant Sorpion Violente, je voulais couper avec une scène expérimentale où je commençais vraiment à m'emmerder. Je voulais créer une musique que j'ai envie d'écouter, qui m'éclate la gueule... Donc forcément, il y a cet aspect dansant, viscéral, body : c'est délibéré. C'est pour se faire plaisir. C'est la musique que je souhaitais entendre dans un club."

Les albums de la formation sont publiés exclusivement en format vinyle: "On aime les vinyles pour le son, mais surtout pour l'esthétique des pochettes, qui claquent quand même beaucoup plus en format 33 tours qu'en Cd." Comme le nom du groupe, les graphismes se réfèrent également aux films vintage de série B. "Sur le premier maxi, la photo est de Maurizio Merli, le comédien qui joue dans 'Rome Violente'...", précise Thomas. "C'est un flic à la Dirty Harry, un 'Justicier Dans La Ville', mais sans le côté moralisateur... On a trippé grave sur ce film et on a déniché cette image, où Merli a un putain de look... Pour ‘The Rapist’, on a repéré le cliché par hasard. On cherchait des illustrations sur internet en utilisant des mots-clés comme viol, etc. et je suis tombé sur un film japonais très sérieux et cette photo d'un japonais très malsain et ses fleurs… On en a conclu qu’elle collait bien avec le titre."

Le dernier Ep est d'ailleurs déjà complètement épuisé, quelques semaines à peine après son lancement. Le label, Teenage Menopause, se démène pour faire connaître la formation en Europe et même sur les autres continents. Jusqu’à présent, leurs tournées ont couvert la France, la Belgique, l'Allemagne, l'Espagne et bien sûr l'Italie... 'Rome Violente', joué en Italie, c'était en somme logique! Au chapitre des projets, Scorpion Violente participe à l'album d'hommage à Snowy Red que prépare le nouveau label Weyrd Son. Une compilation où une quinzaine de formations alternatives européennes et américaines reprennent des titres de ce génie belge de la new-wave et de la new beat, malheureusement disparu trop tôt, en 2009. "On reprend ‘Euroshima (War Dance)’, se réjouit Scott. "C’est une copine qui m’a permis de découvrir ce titre, il y a deux ou trois ans. Il est excellent. Puis j'ai approfondi le reste. Quand on nous a proposé de réaliser une reprise pour le 'Tribute', on a tout de suite accepté et on a vite imaginé une manière d'adapter le morceau à notre son, sans le dénaturer… Il y a des points communs clairs entre Snowy Red et nous, notamment ce côté répétitif et hypnotique. On est resté assez fidèle à l'original. Le son est un peu crade. On a utilisé un 4 pistes pour obtenir ce résultat... Ca va le faire, je pense..."

Ensuite, Scorpion Violente a l'intention de graver des nouveaux titres sur un maxi via le label Bruit Direct et dans un avenir proche, d'enregistrer de nouveaux morceaux plus ambient en studio, à l’aide d’un matériel plus important. "Jusqu'à présent, on a toujours accompli nos projets de façon brute, dans l'urgence. Là, on va prendre le temps. Ce sera une musique pour voyager, pour faire des trips... On va se servir d’un matos qu'on ne pourra pas emmener en tournée, etc..  On va tenter ce challenge, mais ça donnera peut-être de la merde..." (rires)

Page de Scorpion Violente sur Facebook : https://www.facebook.com/pages/Scorpion-Violente/203358213043181?ref=ts&fref=ts

 

Page 13 sur 41