Goudi et Lubna Azabal dansent le tango de l’ennui…

Lubna Azabal est une actrice belge née à Bruxelles d'un père originaire du Maroc et d'une mère espagnole. Après avoir été dirigée par les grands noms du cinéma international, elle a remporté ‘Le Golden Globe’ pour le film ‘Paradise Now’. Lubna adore les…

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La douce fantaisie de Spell Trouble…

Maximilan Seifert, aka Spell Trouble, est un musicien établi à Berlin. Son nouveau titre, « Soft Fantasy », constitue le deuxième d'une série de morceaux qui seront publiés cette année sur le label suisse Irascible Music. Sur « Soft Fantasy », il ne s'agit…

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Interviews

Low

La musique est un langage universel…

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Une drôle d’aventure a précédé la réalisation de cet entretien. Low annoncé dans le cadre du festival Cactus, je signale mon intention au label qui distribue la formation de réaliser une interview en compagnie du groupe. Trois semaines avant leur passage à Bruges, l’attaché de presse introduit la requête officielle auprès du label. Aucune réponse. Il tente même un dernier essai via la cellule organisatrice de l’événement. Silence radio. Bref, c’est sans issue. D’autant plus que ce 7 juillet, vers quatre heures du mat’, un SMS me confirme la fin de non recevoir. Pourtant, au cours de la matinée, une petite voix me souffle qu’il reste un petit espoir. Donc je passe deux bonnes heures à griffonner des questions, en me disant qu’elles pourront peut-être servir ultérieurement… Après le set du trio, je retourne au stand presse. Soudain, j’aperçois Alan Sparhawk en conversation avec quelques VIP. J’attends patiemment qu’il termine ce conciliabule pour l’approcher et l’interpeler. Je lui explique les péripéties qui ont émaillé la demande d’interview. Et il me demande si je suis prêt à tenter le coup. OK, mais ce sera sans filet…

On se retrouve donc dans la loge du groupe. Le bassiste est couché sur une banquette et semble se défouler sur un gameboy. Mimi Parker (l’épouse d’Alan) et le tour manager sont face à leurs portables, sans doute absorbés par leurs ‘chats’ échangés sur internet. Le temps de préparer le matos et on entre immédiatement dans le vif du sujet…

Pour enregistrer son dernier opus, la formation a reçu le concours de quelques invités. Dont Matt Bekcley (Katy Perry, Avril Lavigne, Vanessa Hudgen), à la coproduction, aux arrangements de cordes et au mixing. Il participe également aux harmonies vocales. Puis, la violoniste Caitlin Moe et surtout le guitariste de Wilco, Nels Cline, que nous avions eu l’occasion d’interviewer, dans le cadre du festival de Dour, en 2007. Un Cline dont la liste des collaborations est impressionnante. Alan précise « On se connaît depuis longtemps. Même avant qu’il ne rejoigne Wilco. Lors des sessions d’enregistrement, c’est lui qui s’est chargé des soli. On s’est croisé il y na une quinzaine de jours. En fait, Wilco se produisait au même endroit que nous. Et on a passé un moment ensemble ».

A propos de coopérations, Low n’est pas en reste, puisqu’il développe différents projets parallèles. Musicaux, mais pas seulement. The Retribution Gospel Choir, d’abord. Un combo responsable de deux excellents opus, dont le remarquable ‘2’, paru en 2010. « On essaie de jouer autant que possible. ‘2’ est un excellent album. On en a extrait un single avec 4 chansons. La formation a l’intention d’enregistrer d’autres disques. » The Hospital Choir ensuite. « On a sorti un single qu’on interprète encore. On a accordé de rares concerts, mais jamais accompli de tournée ». Black Eyed Snakes encore. « Ce concept remonte déjà à quelques années. En fait, on s’est investi pour des tas d’amis (NDR : Rivulets, Haley Bonar, etc.), mais toutes ces entreprises nous ont coûté beaucoup d’argent. On a mis la pédale douce, maintenant. On s’est encore embarqué dans l’aventure The Murder of Crows, dont la violoniste s’appelle Gaelynn Lea. Le disque est instrumental et, je pense, s’inscrit dans la lignée de Dirty Three. » Egalement une pièce de danse contemporaine baptisée ‘Heaven’. « On a été très occupé par ce projet pendant deux ans. Il ne se limitait pas à la bande originale. On a aussi participé à la représentation. Qui a exigé énormément de travail. Bien plus que lors d’une tournée d’un groupe de rock’n’roll. Mais c’est énormément de boulot pour très peu de spectacle. Et rien n’a été ni enregistré, ni filmé. C’est étrange et frustrant à la fois… » Humanitaire enfin : la construction d’une école au Kenya. « Ce n’était pas un grand sacrifice. On connaissait un ami qui vivait dans un village masaï et on lui a demandé ce qu’on pouvait faire pour les aider. Donc on a accordé quelques shows à la Noël dont les bénéficies ont été versés à cette cause. On aurait pu en faire davantage. Et puis, c’était une opportunité pour visiter ce coin d’Afrique. Un endroit incroyable ! Mais en fait, c’est plus le responsable de l’opération qui était engagé. Nous on a simplement financé le projet. C’est tout ! »

Daniel Lanois se produisant au cours de la soirée, en vedette, il était intéressant de demander si un album de Low pourrait un jour être produit par le Canadien. Et comme il est à la même affiche, pourquoi ne pas lui proposer, éventuellement, ce soir… Alan réagit : « Il en avait été question, il y a quelques années. C’était une idée qu’il avait en tête, à l’époque où il avait son studio à la Nouvelle-Orléans. On y était même allés, mais il n’y a pas eu de suite. Ce sera peut-être pour une autre fois. La porte reste ouverte… » Mais n’est-ce pas aussi un problème de coût ? Alan admet : « Oui probablement. Et puis, chez Lanois, il a des aspects que j’apprécie et d’autres moins. Son univers est tantôt proche du mien. Notamment dans la manière de jouer de la guitare. Dans la recherche de l’esthétique. Tantôt aux antipodes. C’est plutôt une relation amour/haine… »

Neil Young et Dylan sont deux artistes auxquels Alan voue une grande admiration. Il confirme. « Oui, en fait, ils viennent plus ou moins de ma région (NDR : le Minnesota est un Etat du Mid-Ouest des États-Unis, dont la frontière Nord est formée par les provinces canadiennes du Manitoba et de l'Ontario). C’est un peu une fierté d’appartenir à cette zone d’Amérique où ont grandi Neil Young (NDR : il est né à Toronto) et Dylan (NDR : Le Zim, à Duluth). Il est certain que Neil Young me parle et plus récemment Dylan. A un certain moment, tout artiste doit être confronté à de grands songwriters. Ce qui fait sens. J’ai écouté de manière obsessionnelle les albums de Dylan. Même les bootlegs. C’était il y a deux ou trois ans… »

A propos de Neil Young, en assistant au set accordé juste avant cet entretien, j’ai ressenti chez Alan, dans sa manière de jouer, le feeling du ‘loner’. Et puis, parfois, quand le tempo s’élève, un rythme tribal que l’on retrouve chez les Indiens d’Amérique. « C’est intéressant ce que tu me dis. Au départ, notre style est minimaliste. Mais le minimum de musiciens doit être capable d’en faire le maximum. C’est un peu comme si j’avais recours à d’autres collaborateurs. Au fil du temps, on est parvenu à créer de l’intensité sans avoir recours aux rythmes normaux du rock’n’roll, sans ses trucs et ficelles. Par rapport au set, je suis d’accord avec toi. Tout d’abord je joue d’une Les Paul, comme lui. Mais ma manière de jouer est plus relâchée. Moins précise. Perso, c’est très expressif. C’est dans l’instant présent, dans le feu de l’action. Et à un certain moment, je m’autorise ce genre d’extra. C’est un peu comme si j’utilisais les mêmes outils que Young. Mais ce n’est pas intentionnel, c’est plutôt comme une mutation, une dérive dans mon jeu. Après une vingtaine d’années de pratique de la guitare, j’essaie d’en jouer le plus spontanément possible… »

Pour Sparhawk, la musique véhicule une forme de spiritualité. Peut-être comme le gospel… Il s’épanche : « La musique est un langage universel. Elle n’est pas nécessairement spirituelle. Ce n’est pas une religion. C’est une langue que nous parlons. C’est la raison pour laquelle tout le monde l’aime, depuis les temps immémoriaux. Dans ce domaine, l’expérience la plus importante de mon existence est apparue, lorsque je me suis rendu compte que je touchais à la réalité, à la vérité. Et c’est chaque fois arrivé lors d’un moment en relation avec la musique. Une bonne partie de ma foi se décline autour d’elle. Depuis mon enfance. C’est une révélation qui me permet de voir la vérité à travers une chanson spécifique. Comme serviteur de Dieu, c’est la foi pour mon Eglise, un prophète ou même Joseph Smith (NDR : fondateur du mormonisme) qui me pousse à écrire. Ce qui peut sembler stupide ; mais beaucoup de gens comprennent ce que je raconte, car de nombreuses expériences spirituelles sont liées à la musique… »

(Merci à Vincent Devos)

 

Modern Cubism

Une passerelle entre poésie et électro

Il fallait oser : mélanger de la poésie française à de la musique électronique et présenter ce projet tant dans les festivals de musique électro que les évènements littéraires. C'est d'ailleurs dans le cadre du ‘Marathon Des Mots’, le très éclectique festival international des littératures, qui se déroulait, entre autres, au Centre Culturel des Riches-Claires à Bruxelles, que nous avons rencontré Modern Cubism. Formé il y a 4 ans par Jean-Luc Demeyer, chanteur de Front 242, et Jean-Marc Mélot, claviériste et compositeur, le duo belge y accordait un concert afin de présenter son nouvel album, ‘Tout Le Firmament Autour’.

Après avoir publié un premier opus, intitulé ‘Les Plaintes d'Un Icare’, consacré aux poésies de Baudelaire, la formation met en musique une sélection de textes du poète belge Norge. Mais pourquoi avoir choisi Norge? Jean-Luc Demeyer précise: "En fonction de ce que j'avais déjà senti dans l'évolution des musiques de Jean-Marc, je me suis dit : ça prend de la hauteur, les sons sont moins organiques, moins grouillants, l'horizon s'éclaircit, les lourds nuages noirs s'écartent et laissent la place à un ciel très bleu. Ce qui correspond bien à Norge". Jean-Marc Mélot confirme: "Effectivement, elles étaient beaucoup plus positives et les premiers textes que Jean-Luc m'a envoyés, notamment 'En Forêt', convenaient parfaitement à ce nouveau type de musique, plus planante."

On trouve une véritable continuité entre les deux albums dans les thèmes abordés: l'amour, les femmes, la mort, le sexe, la condition humaine, ... Mais aussi ce côté grinçant, cynique, obscur qui semble être la marque de fabrique des interprétations de Jean-Luc Demeyer. "Les thèmes cités sont récurrents chez tous les poètes", souligne-t-il. "Norge aimait aussi beaucoup les animaux et les légumes, par exemple, mais cela correspondait nettement moins bien à la musique." Tout au long des 14 titres de l’œuvre, on découvre donc une poésie à la fois concrète et métaphysique, sensuelle et cruelle, alliant vérité et incrédulité, fringales terrestres et soif d'infini.

Les deux artistes ne sont bien sûr pas les premiers à mettre Baudelaire et Norge en chanson. Avant eux, Jeanne Moreau, Juliette ou encore Florent Pagny ont tenté cet exercice périlleux, une démarche que Jean-Luc Demeyer estime cependant salutaire. "Je ne me retrouve pas dans la plupart des interprétations de Baudelaire ou de Norge parce que j’estime qu'elles sont beaucoup trop légères par rapport à ce que ces auteurs avaient voulu traduire dans leurs écrits ; mais je préfèrerai toujours des gens qui essaient de faire vivre cette poésie plutôt que ceux qui ne font rien. Aujourd'hui, la poésie est diffusée par un nombre grandissant d'artistes qui montent sur scène pour déclamer des textes ou accomplir des performances. Dans un monde où tout devient mercantile et où rien n'est gratuit, la poésie reste un regard neuf et élevé porté sur le monde, qui propose un partage inconditionnel avec le public. C'est une optique qui s'impose naturellement car elle manque terriblement dans la vie de tous les jours."

Dans Modern Cubism, on rencontre des références importantes de la musique électronique, telles que Jean-Michel Jarre, Klaus Schulze ou encore Isao Tomita. Jean-Marc Mélot: "Ces musiciens sont importants pour moi car ils ont combiné électronique et classique pour élaborer des structures différentes par rapport au canevas pop habituel intro-couplets-refrains. C'est une musique qui permet d'explorer de nouveaux territoires, d'ouvrir des portes. C’est ce que nous essayons de réaliser à travers nos albums. Ici, la direction est en effet plus légère, plus éthérée." Notons cependant la présence, ici également, de touches new-wave, synth-pop voire carrément EBM. Le groupe a d'ailleurs réalisé trois remix, qui sont tout naturellement plus 'dance'. "Notre disque propose en fait un bon mix entre des titres lents, low tempo qui évoluent plus progressivement, comme ‘Couronnes / Le Trône’, et à côté de cela, des morceaux plus drum 'n bass, que l'on peut rattacher à l'EBM 'old school'."

La très belle pochette de ‘Tout Le Firmament Autour’ a été réalisée par Natalie Saccu de Franchi, une artiste française polyvalente qui excelle en tant qu'architecte, graphiste, réalisatrice et écrivaine. C'est d'ailleurs elle qui réalisera les prochaines vidéos du duo, mais ce n'est pas une priorité. "Nous avons un profil très bas, ce que nous faisons est assez dépouillé, la musique et les mots se suffisent à eux-mêmes."

Cette approche est confirmée au cours du concert donné aux Riches-Claires. La formule scénique est en effet très 'minimaliste'. Elle se limite au chanteur et son micro ainsi qu’au musicien et ses claviers. Pas de projections, pas d'artifices scéniques, en dehors de la très belle décoration lumineuse mise en place par Olivier Cassart. Modern Cubism joue au total neuf morceaux tirés du nouvel album ainsi que quelques reprises de ‘Plaintes D'Un Icare’. Demeyer alterne déclamation et chant avec une grande expressivité. Habité par les textes, il accompagne les temps forts par des mimiques et des gestes évocateurs. La plupart des titres ont été retravaillés pour le ‘live’. "Vu que notre musique est assez complexe, nous la simplifions un peu pour la scène mais en préservant bien sûr leurs aspects mélodiques et leur puissance." En parlant de puissance, certains spectateurs ont visiblement été surpris par le niveau sonore de la musique, surtout pendant les morceaux plus électro. Mais ce choix appartient au décloisonnement entre les cultures, que prône Modern Cubism. Il demande, en effet, un effort aux amoureux de la poésie pour s'immerger dans la musique électro, de même qu'une ouverture d’esprit est nécessaire aux fans d'électro pour s'intéresser à la prosodie de Norge....

Ce qui pouvait donc apparaitre au départ comme une ‘erreur de casting’, un ‘clash schizophrénique entre deux cultures’, se révèle au final un mariage unique et fructueux entre un chant poétique, brûlant, parfois violent, et une musique froide et mécanique, le tout présentant une très intéressante mise en abyme, un paradoxe criant de la modernité, où l'homme se débat face à un monde de plus en plus déshumanisé....

Pour leur prochain opus, le duo explore actuellement plusieurs pistes musicales et envisage de reprendre un auteur anglo-saxon, à moins que ce ne soit un autre classique français comme Verlaine ou Rimbaud? Wait and see!

Regardez l'interview complète de Modern Cubism ici . Deux vidéos du concert sont également disponibles: ‘L'importun’ (http://www.youtube.com/watch?v=2N9b-4Jb5wA) et ‘Mes Statues’ (http://www.youtube.com/watch?v=A_HBXKzug34)

L'album ‘Tout Le Firmament Autour’ sort le 22 juin via le label allemand Emmo.biz et sous la forme d'un CD (édition limitée de 888 exemplaires) et d'un box-set (111 exemplaires). Pour commander: www.emmo.biz

Tracklist:

01. En Forêt
02. Mes Statues
03. D'enfance
04. Le Petit Non
05. Couronnes / Le Trône
06. La Corde
07. Râpes
08. La Fille de Fabrique
09. Les Quatre Vérités
10. Ennemis
11. En Prison
12. Marche des Paysans
13. La Grande Brosse
14. Force de Frappe / La Foule / De Vivre

Remerciements à Jean-Luc Demeyer et Jean-Marc Mélot (Modern Cubism), Marianne Cosserat et Séverine Provost (Marathon des Mots), Garjan Atwood (Photos du concert).

 

Connan Mockasin

Comme un enfant dans sa bulle…

Écrit par

De son véritable nom Hosford, Mockasin est néo-zélandais. Il avait publié un superbe album l’an dernier, « Forever Dolphin Love ». En fait, il s’agit de son second opus, une version retravaillée de « Please Turn into the Snat », qu’il avait sorti en 2010. Juste avant de monter sur les planches de l’Orangerie du Botanique, ce 26 mars 2012, il nous a accordé une interview. Peu loquace, timide et le plus souvent évasif, déblatérant dans un anglais à couper au couteau, il se révèle néanmoins sympa et souriant. Et finalement, il me fait penser à un ado qui a décidé de s’enfermer dans sa bulle pour n’en sortir que lorsqu’il se produit en ‘live’. Il va d’ailleurs le démontrer, un peu plus tard, tout au long de son set… L’entretien ? Il ne m’apprendra pas davantage que je ne savais déjà. Vu le contexte, cet article a donc été rédigé sous une forme beaucoup plus descriptive que d’ordinaire…

Avant d’entamer une carrière ‘solo’, Connan a milité au sein d’un groupe de blues, Connan & The Mockasins. Un cheminement qui semble logique puisque tout gosse, il écoutait les disques de son paternel, et en particulier ceux de BB King, Hendrix, Clapton et Buddy Guy. Le trio a même tenté de se faire une place au soleil (?!?!) en Angleterre, mais sans grand succès. Et puis, Mockasin n’était pas tellement convaincu par cette aventure. Si bien qu’il est retourné dans l’hémisphère sud.

C’est la maman de Connan qui va jouer un rôle important dans sa carrière. C’est elle qui l’a poussé à sortir un disque. Elle s’inquiétait de voir son fils incapable de décrocher un job et de gagner sa vie. Alors, elle lui a conseillé de foncer. Et le fiston d’enregistrer dans une petite maison en bois à côté de celle de ses parents.  

Donc à l’origine, il a réalisé cet album, pas pour le grand-public, mais pour satisfaire à la demande de sa mère. Il l’a conçu comme un live. En solitaire, suivant l’inspiration. Les rares collaborations extérieures se limitent à quelques drums. « Chaque chanson a été écrite puis enregistrée, l’une à la suite de l’autre, sans jamais chercher à donner un ordre bien précis aux morceaux ».

Hormis Crowded House, groupe préféré de sa maman, et les bluesmen notoires qu’écoutait son père, on ne peut pas dire qu’il soit très réceptif à l’histoire de la musique pop/rock et même à la scène contemporaine. Lui parler de Syd Barrett et de Robin Hitchcock ? Pour le premier, il n’y voit aucune affinité. Quand on second, il n’en a jamais entendu parler. Enfin, le label Flying Nun qui a notamment donné naissance, au cours des eighties et des nineties, à des groupes ou des artistes comme The Bats, Bailter Space, The Chills, The Clean, Jean-Paul-Sartre Experience, David Kilgour, Chris Knox et les Verlaines, il en a entendu vaguement parler. Mais cette scène pourtant aussi remarquable qu’injustement méconnue ne l’a absolument pas touché. Ariel Pink constitue quand même une référence. En fait, il puise ses principales influences dans les B.O. de films. En particulier celles réalisées par Joe Hisaishi et Jonny Greenwood.  

Connan est également peintre, dessinateur et avoue être très branché sur les visuels. Ses dessins, il les réalise en papier mâché avant de les peindre. Ces poupées lui ressemblent. Ou alors à Andy Warhol ! « Je ne sais pas ! J’ai dessiné avant de jouer de la musique. Je me demande si je ne suis pas meilleur en dessin, d’ailleurs. » Ce sont les circonstances de la vie qui l’ont poussé à privilégier la musique. Il estime également que dessiner une pochette apporte une valeur supplémentaire à un disque. Plusieurs de ses figures illustrent ainsi le booklet de ‘Forever Dolphin Love’. Pour lui, il existe cependant un lien entre la peinture et la musique. Car ces deux formes d’art ne demandent pas nécessairement de la réflexion, mais du feeling. Un peu comme quand on se produit en public. Il estime également l’aspect visuel de ses compos très important pour accompagner sa musique ? Mais ce n’est pas lui qui réalise ses clips…

Mais pourquoi Mockasin est-il retourné en Angleterre ? Tout simplement parce qu’il estimait que le public n’était pas assez réceptif à sa musique en Nouvelle-Zélande. Au départ, on ne peut pas dire que l’accueil ait été plus chaleureux en Grande-Bretagne. Jusqu’au moment où Erol Alkan, boss du label Phantasy ne découvre l’artiste et décide de publier l’elpee. « Erol est simplement quelqu’un en qui j’ai confiance ». Est-ce pour autant, son ami ou son guide. La réponse fuse : « Non, c’est mon boss ! »

Charlotte Gainsbourg a demandé à Connan Mockasin d'écrire un titre pour son nouvel opus, ‘Stage Whisper’. Et puis ce dernier va participer à la prochaine tournée de la fille de Gainsbarre et Jane. Qui passera par les Nuits Botanique ce 19 mai 2012 dans le cadre de leur périple commun baptisé justement ‘Stage Whisper’. « Elle m’a rejoint sur scène, hier à Paris (NDR : c’était à la Cigale) et on est souvent en contact, en ce moment. Via le ‘chat’, notamment »

Connan a également d’autres projets. Dont celui qu’il partage en compagnie de Sam Dust, le leader de Late Of The Pier. Et un album devrait paraître. Quand ? C’est une autre histoire, puisque le tandem bosse dessus depuis plus d’un an. Mockasin s’explique : « Mais Sam est présent ce soir. Il a rejoint mon groupe pour cette tournée. L’album est presque achevé. On est content du résultat. J’espère qu’on pourra le sortir cette année encore. Mais il n’a pas encore de titre. ‘Soft Lizard’, peut-être ? » 

Mockasin envisage quand même graver un nouvel opus personnel. Il voudrait qu’il soit plus accessible, plus simple que le précédent. Mais n’est-ce pas risqué de le souhaiter plus abordable ? Il réagit au quart de tour « Non, ça ira, je gère. Même pas peur, j’assure… »

La musique de Mockasin est contagieuse. Lorsqu’une mélodie entre dans votre tête, difficile de s’en débarrasser. Elle peut même trotter plusieurs jours dans votre tête. Il semble étonné : « J’essaie toujours de composer des chansons qui sont agréable à écouter. Mes mélodies sont contagieuses ? C’est bizarre. Enfin, perso, je ne le suis pas ! » (rires) Sa musique est également atmosphérique. Parfois on se demande même si elle ne s’adresse pas davantage aux âmes qu’au corps. Aux esprits plus précisément. Mais notre interlocuteur croit-il aux fantômes, lui qui vit aujourd’hui en Grande-Bretagne où les histoires de revenants sont légion. Au cours de son enfance, dans son patelin natal de Te Awanga, un petit village sis au Nord de la Nouvelle-Zélande, il avait, en compagnie de quelques copains, joué aux fantômes, une histoire qui avait failli mal tourner. Et puis, en Angleterre, il avait aussi commencé à enregistrer son premier opus, dans une maison au sein de laquelle s’étaient produits des phénomènes paranormaux. Connan feint de ne jamais avoir entendu parler de cet épisode : « Oui, il doit exister quelque chose de surnaturel sur cette terre. En Angleterre et en Ecosse, je suis étonné de ne pas rencontrer plus de fantômes. A cause de ces nombreuses vieilles bâtisses. Mais il est vrai que ce sont des expériences complexes et mystérieuses… »

Chaque hiver, Mockasin retourne chez lui. Enfin depuis quatre ou cinq ans. Ce n’est pas pour y vivre l’été. Il n’aime d’ailleurs pas trop la chaleur. Il préfère l’automne. Serait-il nostalgique voire mélancolique ? Il l’était et déclare avoir tourné la page, même s’il aime toujours autant les couleurs de cette saison… sans doute un peu comme Robin Proper Sheppard de Sophia. « Sofia ? C’est ma tour manager. Elle est française » Elle entre à cet instant dans la loge en compagnie de l’attaché de presse, pour me signifier que le temps imparti pour l’interview touche à sa fin…

Juste le temps de sortir les planches destinées à un kamishibaï, illustrant l’histoire des babouches d'Abou Simbel. Et soudain de voir le visage de Mockasin s’illuminer. Comme un enfant, à qui on allait raconter une histoire…

(Merci à Vincent Devos)

 

Elvy

Je suis quelqu’un de bien plus triste et désabusé qu'engagé…

Écrit par

La voix haut-perchée, au timbre si particulier, une guitare ou un piano pour l’accompagner, Elvy est un ‘singer/songwriter from Belgium’ tel qu’il se définit lui-même. En publiant ‘The Home and the World’, son troisième opus, sorti en mars 2012, Lionel Vanhaute alias Elvy n’en est pas à son coup d’essai. L’artiste folk/rock avait déjà sorti un premier album intitulé ‘Farwest’, début 2004. Vient ensuite ‘Home recordings’, un recueil de 24 morceaux composés entre 2005 et 2010, tout au long duquel Elvy nous dévoile un univers teinté d’un subtil mélange de douceur, de tendresse et de mélancolie.

Ce qui frappe à la première écoute de ‘The Home and the World’, c’est cette voix en ‘falsetto’ dispensée un peu à la manière de Neil Young, version acoustique. Elvy commente : « J’ai appris à chanter vers 17 ans. Je suis né en 1980. 1997 est l’année d’‘Ok Computer’. Ainsi, j’ai été, en partie, marqué par Thom Yorke. Neil Young dont j’apprécie les premiers albums acoustiques, constitue également une référence. Je ne sais si c’est ma voix naturelle, elle est venue ainsi. »

Bien que francophone de Belgique, Elvy chante en anglais. Il justifie ce choix : « La culture anglophone, par son omniprésence, est également devenue la nôtre. Nous avons donc une double culture et il est aussi légitime de s’en référer autant à l’une qu’à l’autre. C’est une question de penchant. Certains adeptes d’identité culturelle le regrettent, mais je pense que nous ne pourrons pas revenir en arrière et que cette situation nous donne au final une plus grande richesse intellectuelle. »

Elvy n’est pas uniquement un chanteur-compositeur doué. C’est également un multi-instrumentiste talentueux. En effet, il joue de la guitare, de la basse et du clavier. Tous les autres instruments entendus sur ses albums, comme la batterie et les violons, sont en fait des instruments virtuels interprétés au clavier. ‘The Home and the World’ comporte par ailleurs deux morceaux instrumentaux. Elvy s’en explique « J’ai toujours aimé la musique instrumentale, que ce soit la musique classique, le post-rock ou même la musique de film. En composant, il arrive parfois que les doigts jouent des accords sur la guitare et que le chant n’arrive pas à s’intégrer. On sent qu’on tient un truc instrumental et que mettre de la voix n’aboutirait à rien. C’est ce qui s’est passé pour ces deux morceaux ».

A l’écoute de la plupart des compos, à l’instar de ‘Sandflower’ et de ‘The Storm’, on remarque l’omniprésence de la guitare acoustique, le plus souvent jouée en picking. Elvy nous confie : « Je n’ai pas de maîtres dans le sens ou j’ai longtemps été mauvais en picking. J’ai appris seul, parce qu’il le fallait bien pour étendre les possibilités. J’aurais voulu être aussi doué que Ron Sexsmith ou Leonard Cohen ». Excepté une base de solfège acquise auprès d’un professeur, Elvy a vite abandonné le classique pour s’adonner à la musique folk, sans être un féru de jazz pour autant. Et d’ajouter : « J’apprécie certains arrangements mais le swing n’est pas trop mon truc. »

Le jeune trentenaire n’a pour le moment plus de lien avec une quelconque maison de production (NDLR : autrefois, il relevait de l’écurie JauneOrange). Au contraire, faute de label, il a choisi la voie de l’autoproduction. Ainsi, quarante-sept morceaux issus de ses trois albums sont téléchargeables sur son site elvy.bandcamp.com. Elvy concède : « Je n’ai que très peu de chansons en réserve car, bizarrement, je valide tout ce que je fais. Au lieu de composer trente chansons à la va-vite et en garder douze, j’en écris douze que je peaufine jusqu’à ce qu’elles puissent être utilisables. J’ai bien sûr des chutes mais elles ne représentent qu’un quart des 47 morceaux sur bandcamp. » Cependant, pour l’artiste bruxellois, les chansons non publiées peuvent toujours être réutilisées, réarrangées, désossées pour reprendre un refrain, un accord voire un son.

S’il s’est déjà produit au Botanique et à l’AB, ce sont cependant les petites salles où Elvy partage son univers particulier, notamment lors de showcases ou de concerts privés ou en tant que support artist. Cet admirateur de Léo Ferré et de Salvador Allende plaide pour une vision artistique globale, ce dont on peut prendre la mesure en parcourant la rubrique ‘extra’ de son site internet elvy.be . Il confesse cependant : « Il y a certainement un engagement dans ces chansons mais il n'est présent que comme part de moi-même. Je n'ai pas l'envie de composer des morceaux dont l'essence même est la lutte sociale. Je suis quelqu’un de bien plus triste et désabusé qu'engagé. »

Elvy s’est construit progressivement un monde à part dans le milieu de la chanson folk. Ses mélodies légères, éthérées et sa voix aérienne et délicate forment un tout indissociable, qui devrait plaire à ceux qui sont à la recherche d’une atmosphère paisible telle que celle qui se dégage de chansons comme ‘Childhood’, ‘Landfall’ et ‘Unwise’.

Elvy, un artiste à découvrir d’urgence pour les amateurs du genre.

 

John Foxx

21th Century... Foxx

De son véritable nom Dennis Leigh, John Foxx était le chanteur original d’Ultravox avant qu’il ne soit remplacé par Midge Ure, quand il s’est décidé d’entamer une carrière solo. C’était en 1979. Ce soir John Foxx et son groupe accorderont un concert à Aarschot. Et je suis très heureux de pouvoir rencontrer un des mes héros juste avant ce set. En dépit de son statut d'artiste légendaire, il est très modeste, voire même timide, un vrai gentleman à l'anglaise. Ecoutez ici l'interview complète réalisée avant le concert (audio). Ou lisez ci-dessous un résumé des idées maîtresses.

"La nostalgie, ça ne m'intéresse pas". La voix de John Foxx est profonde et douce. De nostalgie, il n'est en effet pas question. S'il a repris, il y a trois ans, le chemin des studios et de la synth-pop, après une longue période d'introspection, c'est pour prendre une nouvelle direction, donner une dimension moderne à la musique qu'il avait imaginé à la fin des années '70. Cette décision, il l'a prise après avoir rencontré Ben ‘Benge’ Edwards, un magicien des claviers, qui a rassemblé dans son studio à Londres une collection inouïe de synthés vintage analogiques. Dans cette caverne d'Ali Baba, on trouve les dinosaures électroniques grands comme des armoires utilisés à l'époque par Tangerine Dream, mais également les premiers Moog Modular, des ARP 2600, Yamaha C360 et autre Korg Trident.

"Travailler en compagnie de Ben est génial car il m'a permis de retrouver le plaisir de se servir de synthétiseurs analogiques. En fait, ils n'ont jamais été pleinement exploités depuis leur création il y a 30, 40 voire 50 ans. Pourquoi? Simplement parce qu'ils ont été très rapidement remplacés par les instruments numériques. Donc, dans le studio, nous les amplifions et les enregistrons à l’aide de technologies modernes et nous découvrons des sons qui n'avaient jamais été révélés auparavant."

Rien d'étonnant donc à ce que ce studio soit devenu le point de ralliement de toute une nouvelle génération de DJs, compositeurs et autres claviéristes, pressés d'explorer cette nouvelle ‘forêt amazonienne’. On pense bien sûr à Ladytron et plus particulièrement à Mira Arroyo, la seconde chanteuse et claviériste du groupe, qui s’illustre sur un des morceaux de John Foxx & The Maths. Ont également participé aux sessions, le duo new-yorkais Xeno & Oaklander, Gazelle Twin, et le DJ français Jean-Gabriel. Mais surtout deux jeunes chanteuses/compositrices/multi-instrumentistes qui militent maintenant au sein du groupe : Hannah Peel et Serafina Steer. "Ce sont deux excellentes musiciennes, chacune avec un univers et une personnalité propres. Serafina, par exemple, est la seule personne que je connaisse qui soit capable de jouer une mélodie complexe au synthé et une ligne de basse en même temps ; le tout en assurant les 'backing vocals'. Elle enregistre actuellement en compagnie de Jarvis Cocker (Pulp). Quant à Hannah, elle a notamment fait appel une chorale de 36 personnes, pour participer à la confection d’un album. Elle écrit aussi des musiques de film et de pièces de théâtre." Notons au passage que cette dernière sera à l'affiche des Nuits Botaniques en première partie de Lisa Germano.

A ce moment de l'interview, une question me brûle les lèvres. J'ai toujours voulu prouver le caractère véritablement ‘pionnier’ de la musique de John Foxx. Et les indices que j'ai relevés me sont confirmés par l'intéressé: dans l'histoire du rock, le tout premier morceau de new-wave synthétique (synth-pop), un style qui sera popularisé plus tard grâce à Gary Numan, Depeche Mode, Human League et autres Simple Minds, est bel et bien ‘Hiroshima Mon Amour’, qui figure sur ‘Ha! Ha! Ha!’, l'album d'Utravox! datant de 1977. Mais par qui John a-t-il lui même été influencé? On a souvent cité Roxy Music, David Bowie et bien sûr Kraftwerk mais il existe d'autres influences bien plus notables. "Je pense surtout à Neu! et à la scène électronique allemande des années septante. Il y avait aussi The Velvet Underground, et tout le mouvement qui gravitait autour d'Andy Warhol. Sans oublier les Beatles. Leur producteur, George Martin, est un génie. Il est le premier à avoir utilisé le studio comme un instrument à part entière. Il expérimentait à l’aide de loops, de samples et de bandes passées à l'envers. Cet esprit a ensuite débarqué en Allemagne et a été repris par Tangerine Dream, Kraftwerk, Can, Neu! et toute cette génération rassemblée autour de Conny Plank, le George Martin de Düsseldorf."

John est largement en faveur de ces échanges d'influences. Il n'est nullement amer de voir que des tas d’autre artistes ont largement puisé dans ses créations, récoltant même davantage de succès. "Et s'ils gagnent de l’argent grâce à ça, tant mieux, de toute façon l'argent n'est qu'un produit secondaire. Vous savez, c'est Picasso qui disait: 'Un artiste moyen reprend, par contre un véritable artiste vole!' Aujourd'hui, des gens comme SKRIILEX ou encore Justice coupent en morceaux toute l'histoire de la musique et les réassemblent à leur manière. C’est très intéressant! En outre, les Etats-Unis viennent de découvrir la musique électronique –mieux vaut tard que jamais– ouvrant d’énormes perspectives à la nôtre." 

A propos de futur: quels sont les projets de John Foxx And The Maths? "Un nouvel opus sort le 19 mars prochain : ‘The Shape Of Things' ; et, ensuite, un Ep début juin, sur lequel figurera des remixes et diverses collaborations. Ensuite, nous travaillerons sur de nouveaux morceaux. Nous ne savons pas encore très bien quelle direction nous allons prendre, car nous procédons de façon très instinctive. En fait, ce sont les machines qui nous dirigent. Quand vous captez un ‘arpeggio’ sur un Moog, par exemple, c'est tellement rythmique et structuré harmoniquement qu’immédiatement une chanson est suggérée ; et donc je me mets à chanter spontanément. C'est tellement irrésistible qu'il serait pervers de résister à une telle tentation! Une chose est sûre, nous sommes maintenant dans la période 'post-digitale' et la musique analogique a encore de beaux jours devant elle!"

Pas de doute, ce John Foxx-là est tout sauf nostalgique: il est bien de ce siècle : le 21th Century Foxx...

Lisez ici la chronique du concert de John Foxx And The Maths à Aarschot.

 

Duo Volta Subito

Une recherche de métadiscours et de sincérité…

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La Belgique ne manque pas de jeunes musiciens brillants et deux d’entre eux ont retenu mon attention par leur maturité et l’enthousiasme qu’ils mettent à transmettre l’héritage de l’École belge du violon et du violoncelle. Il s’agit de Vincent Hepp, violoniste et altiste ainsi que de Sarah Dupriez, violoncelliste. Ensemble, ils forment le Duo Volta Subito. Après une enfance remplie de musique, ils ont tous deux brillamment obtenu le diplôme du Conservatoire Royal de Bruxelles avant de se perfectionner à La Chapelle Reine Élisabeth pour Hepp et au Conservatoire de Toulouse ainsi qu’à l’Académie Sibelius d’Helsinki pour Dupriez. Leur excellence musicale respective a déjà été récompensée par plusieurs prix et l’on peut entendre les jeunes musiciens se produire en soliste ou en formation de musique de chambre. Tant en Belgique que dans l’Hexagone. Egalement épris d’enseignement et soucieux de transmettre l’héritage de la grande école belge du violon, ils sont aujourd’hui assistants au Conservatoire de Bruxelles.

La naissance en 2007 de la formation Volta Subito découle d’une envie commune des jeunes interprètes à parcourir l’intégralité du répertoire pour violon et violoncelle ensemble. Le duo défend une curiosité et une affection particulière pour la musique contemporaine, et en bons Belges, les interprètes avouent un faible pour les compositeurs du pays. Lors du choix du répertoire d’un programme de concert, Vincent Hepp avoue chercher avant tout le dialogue potentiel des œuvres entre elles qui par ce métadiscours s'enrichiront les unes les autres. « Cette faculté des œuvres de dialoguer entre elles, de transgresser leur propre finalité, quand on y pense, c'est une donnée absolument fantastique et mystérieuse! » s’enthousiasme le jeune homme. Et d’ajouter : « L'interprétation d'une œuvre va souvent plus loin que l'observation stricte du style ou du langage musical d'une époque et la préparation d'un programme est un exercice subtil ».

Pour les musiciens de Volta Subito, la musique est une évasion, une délivrance, un ‘ilot de grâce’ dans la vie quotidienne. Cette même vie quotidienne pourtant enrichie inspire leur art. Hepp confirme : « Nous sommes entourés d'un monde si riche en impressions, en informations, tout est potentiellement musique ». Il est donc du devoir de l'artiste de chercher, sentir et sublimer ce que le quotidien donne à offrir pour ensuite le partager avec le public. Il faut se questionner et chercher sans cesse. Car bien que son rôle soit de rendre le plus fidèlement possible les intentions d'un compositeur, l’artiste-interprète fait en somme entendre ce qu'il comprend d'une œuvre, ce qu'il ressent par rapport à une œuvre. Hepp l’explique par un proverbe flamand qu'il traduit littéralement ainsi : « Le sang rampe là où on l'empêche de marcher ». C'est-à-dire qu'une chose vivante ira où elle veut aller malgré les obstacles. Il est légitime pour les deux interprètes d'être généreux vis-à-vis de son public et intime et sincère à l’égard de la musique. Dupriez déclare : « Si le public me fait l'honneur de venir m'écouter, je lui dirai ce que je pense en musique. La franchise me joue parfois des tours dans la vie de tous les jours, mais sur scène, jamais ». Les jeunes musiciens nourrissent ensemble l'espoir que plus un interprète est personnel et vrai avec sa musique plus il se rapproche de quelque chose d'universel et d'absolu.

En duo, Vincent Hepp et Sarah Dupriez n’ont pas de projets dans l’immédiat, mais ils se sont associés à un troisième musicien, le violoniste Bence Abraham, pour former un trio à cordes : le Omega Trio. Ils présenteront cet automne les Fugues de Bach transcrites pour trio à cordes par Mozart ainsi que Divertimento que Mozart à écrit pour cette formation. Sarah précise : « Ce sera un peu le pendant baroco-classique de notre duo Volta Subito essentiellement dévoué à la musique romantico-contemporaine ». D’ici là, ils vous donnent rendez-vous lors des divers festivals de musique de chambre qu’offre l’été afin de vous faire partager leur belle philosophie et leur amour inaltérable de la musique.

 

The Experimental Tropic Blues Band

C’est dans l’imperfection que se fait la perfection…

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Pour introduire cette interview, on va simplement vous rappeler l’essentiel de ce que vous avez déjà lu ou entendu, dans la presse spécialisée ou non, au sujet de “Liquid love”, le 3ème  opus de The Experimental Tropic Blues Band. Cet elpee a donc été enregistré sous la houlette de Jon Spencer. A New York. Au sein des studios de Matt Verta Ray (Heavy Trash). Et pas de prises digitales, mais comme autrefois, analogiques. Deux ou trois maximum. Afin que les compos soient les plus spontanées possibles. Le titre de l’album ? Inspiré d’un club de rencontres entre ‘blacks’, sis sur la Bedford Avenue, au sein duquel, Jon les avait invités. Un choix judicieux, puisque les lyrics parlent de sexe et de fantasmes. Et le reste, on vous invite à en prendre connaissance, en compagnie de Jeremy, alias Dirty Wolf, rebaptisé Dirty Coq, qui nous a accordé cet entretien à Liège, deux jours après le concert du trio, accordé au Magasin 4 de Bruxelles, c’est-à-dire ce 26 novembre.

Et inévitablement, il était intéressant de savoir comment s’était déroulé leur set. Réponse : « Perso, j’ai vraiment pris mon pied, comme je ne l’avais plus pris depuis longtemps ; enfin je veux dire comme je le prends rarement. En tous cas, sur la scène, c’était très bien, très intense aussi. Maintenant, je n’étais pas au sein du public. Mais après le concert, j’ai croisé de nombreux spectateurs qui m’ont avoué avoir adoré notre prestation. Et toute la soirée, dans son ensemble, s’est parfaitement déroulée. Une affiche très rock ’n roll, entamée par les Magnetix et clôturée par DJ Ponpon et Bronco Billy. Une belle fête, du début à la fin. Partagée par le public… »

On entre maintenant dans le vif du sujet. Et tout d’abord le recours aux bandes analogiques, lors des sessions d’enregistrement. « C’est différent. On n’avait jamais enregistré sous cette forme. Et au début, on a été un peu effrayés, parce quand tu te plantes, tu te plantes. Tu ne sais pas rectifier les erreurs aussi facilement qu’en digital. Bref, tu disposes de bien moins de marge d’erreur qu’en numérique. Mais finalement, les sessions se sont plutôt bien déroulées. En y laissant nos qualités et nos défauts. Et puis on y a gommé toutes les fioritures. Ce qui rend le disque plus humain… La différence entre l’analogique et le numérique ? C’est que l’analogique, ce n’est pas parfait. Et c’est dans l’imperfection que se fait la perfection. La magie, en tout cas. C’est dans l’imperfection que la magie prend naissance… » Pourtant, les trois musicos sont des éternels insatisfaits. Aussi, avec le recul, qu’auraient-ils changé à cet album, maintenant qu’ils ont eu le loisir de le réécouter ? « Bonne question ! Parce que lorsque tu as réalisé deux albums, tu cherches à ce que le suivant soit parfait. Que les vocaux soient impeccables. De ne pas faire une seule erreur, même au niveau du rythme. Et là on s’est retrouvé en studio, en compagnie d’un mec qui nous dit d’y aller à fond ; et que si on se plante, c’est tant mieux. Et il y a des tas de morceaux où on s’est planté. Où ça sonne faux ou on pète une corde. Et il nous disait que c’était bon. Tu imagines, après ces incidents, on était un peu interloqués, en se demandant s’il n’était pas dans l’erreur. Je crois que c’était en mars que nous étions en studio (NDR : il s’adresse à JF, qui opine de la tête) ? Après ce laps de temps, on a un peu digéré cette aventure. Et finalement, je pense qu’il avait totalement raison de nous pousser vers la déglingue. Car en ‘live’, c’est ce qui correspond à notre identité. Ce n’est pas parfait. C’est même loin d’âtre parfait. Notre musique passe plutôt dans l’énergie et dans l’émotion. Et c’est ce qu’il a voulu reproduire en studio. Il a récupéré notre énergie et notre émotion pour l’immortaliser sur un support. Finalement, je n’ai aucun regret. Et je ne changerai rien à ce disque, parce que Jon a vraiment bien fait son job… » Alors, à l’avenir, le groupe a-t-il déjà une petite idée du prochain producteur, en compagnie duquel, il aimerait travailler, pour enregistrer leur futur elpee. La réponse fuse : « Le prochain ? Ce sera nous trois. Parce qu’en enregistrant ce disque, on a appris énormément. Vraiment. Aujourd’hui, nous sommes suffisamment mûrs pour se charger de ce boulot. Nous ne serons plus dans nos petits souliers, quand on pénètrera dans un studio d’enregistrement. Nous ne serons plus honteux, parce qu’on n’est pas super bien en place. C’est cette spontanéité qui va faire notre force. Et on sera tout aussi bien capable de la traduire sur un support… »

Jon Spencer a produit l’elpee. Mais s’est-il également investi au niveau instrumental. Un peu de theremin ? Des claviers vintage ? Des interventions à la guitare ? Ou quoi encore ? « Il ne joue pas de claviers, mais c’est lui qui nous a proposé d’en jouer. Des idées un peu improvisées. Il imitait un motif de la voix. Et après il fallait le reproduire. Puis on recherchait les notes avec lui. Et quand c’était à son goût, on pouvait foncer. C’est vrai que le clavier, c’est pas habituel chez les Tropics. Mais c’est aussi la raison pour laquelle on lui a demandé de produire le disque. Afin d’avoir des idées qui sortent de l’ordinaire. Avant de le rencontrer, ce genre de fantaisie ne nous aurait même pas effleuré l’esprit… Et il n’y a pas de theremin. En fait, ce sont des sonorités produites par les nouvelles pédales de disto. Après les avoir enclenchées, il suffit de moduler le bouton de volume pour obtenir le même résultat. Par contre, oui, il joue de la guitare ; et notamment sur ‘Do it’. C’est lui qui se réserve le solo. Sans quoi, il participe essentiellement aux chœurs et aux voix criées… »

Un détail qui permet de passer au chapitre suivant. L’analyse des plages de ce ‘Liquid love’. Dont la compo la plus influencée par Jon est manifestement ‘Nothing to prove part 2’. Pas dans l’esprit du Spencer, mais plutôt de Pussy Galore. « Tout à fait. Parce qu’il n’était pas convaincu du refrain proposé par Jean-Jacques. Et il lui a proposé une autre ligne vocale. Et elle est clairement estampillée Jon Spencer (NDR : il la reproduit au chant). Je veux dire très rythmique… » Quant à ‘Keep this love’, c’est incontestablement la compo la plus radiophonique de l’opus. Un peu ragtime, très country & western, mais sous une forme qui peut rappeler Johnny Cash. Jeremy acquiesce : « Johnny Cash, Buddy Holly. Ces légendes issues des 60’s. Un peu, c’est vrai. Et c’est assez curieux, car quand on l’a enregistré, on n’y pensait même pas. On a limité l’instru à une gratte, un harmo et une boîte à rythmes. Mais c’est après l’avoir enregistré qu’on s’est seulement posé des questions. Enfin, c’est Jon qui nous a dit que cette compo lui rappelait Johnny Cash. Mais c’est aussi lui qui a voulu qu’elle sonne ainsi. Car la musique, ce n’est qu’une question de son. Je veux dire que si quelqu’un d’autre enregistrait cette chanson, elle ne ressemblerait pas du tout à du Cash ou du Holly… » Après l’entretien, dans la voiture qui me reconduisait au centre de Liège, je me suis quelque peu entretenu avec JF. Justement au sujet de cette compo, qui pourrait, vu son sens mélodique, passer en radio. Et même faire un hit. J’ai donc été très étonné d’entendre que chez Pure FM, on estimait que le son n’était pas assez propre. Sans commentaire…

Lors des sessions, le trio a donc eu recours à une boîte à rythmes, on vient d’en causer, mais aussi à l’électronique, malgré l’immortalisation sur bandes analogiques. Et c’est manifeste sur ce fameux ‘Do it to me’, dont nous parlions en début d’interview. Mais sous une forme épileptique, abordée dans l’esprit de Suicide. « Encore une fois, et je le répète, lorsqu’on a composé ce titre et quand on l’a joué, on ne ressentait pas cette influence. Elle est apparue postérieurement. Jon nous avait confié, que si jamais, pour un morceau, nous souhaitions emprunter une certaine direction, de lui signaler. Il voulait qu’on lui cite des noms d’artistes. On lui a lancé, Suicide, Alan Vega. En fait, je pense que nous avons émis cette idée au même moment. C’était comme une évidence. Et sur cette piste, il y avait un long passage au cours duquel il y avait comme un vide. On se demandait ce qu’on allait bien pouvoir y insérer. Alors Jon a pris sa guitare et a branché son ampli. Il a joué un solo. Il nous a demandé si son intervention nous bottait. Et puis de la reproduire. On n’a pas insisté, on lui a répondu que la sienne était impeccable… » Les deux titres les plus frénétiques du long playing sont ‘Break up’ et ‘Sex games’. Dignes de Bad Brains. Un pur hasard, car finalement, ils ont été initiés par le drummer qui adore ce type de rythme. Par contre, après avoir écouté ‘Worm wolf’ et ‘Holy peace of wood’, il est clair que le groupe a cherché le lien manquant entre Captain Beefheart et Prince. « Très bien vu ! En fait pour ‘Worm wolf’, l’idée est née en studio. La compo n’aurait pas dû être enregistrée sous cette forme ; on devait uniquement entendre ma grosse voix (NDR : il la reproduit, à titre d’exemple). Mais lors de l’enregistrement, il en fallait une ‘témoin’. Et simultanément, en ‘off’, je chantais faiblement, de manière aigüe. Et Jon a dit que ça tuait. Qu’il fallait utiliser ma voix sous les deux formes. Quand au funk, il touche surtout ‘Holy peace of wood’. Une rencontre entre Prince et Captain Beefheart ? C’est ce qui s’est dit à New York… » Si le meilleur burger se prépare avec un gros morceau de punk, saignant à souhait, en y mettant beaucoup de sauce piano dessus, on se demandait quand même où les Tropics étaient allés pêcher un titre comme ‘TETBB Eat Sushi’. Pas au Japon, en tout cas ! Jeremy s’adresse à JF : « Dis tu l’as briefé avant ? » JF répond par la négative… Et notre interlocuteur de poursuivre : « Au départ ce morceau était instrumental. Et il n’avait pas de titre. En fait, tous les midis, Jon nous emmenait dans un resto différent de New York. Et nous sommes allés manger des sushis. Bref, lors de l’enregistrement de ce morceau, il a indiqué sur une pancarte, ‘TETBB Eat Sushi’. Il l’a brandie, derrière la vitre ; et il nous a dit, c’est ce que vous allez déclarer dans la chanson. Il ne nous l’a même pas proposé, mais imposé… »

Alors, ‘Liquid love’, album charnière ou simple exercice de style ? C’est vrai qu’il est moins blues, plus roots et surtout sujet à des influences inhabituelles pour les Tropics. La question méritait quand même d’être posée. « Album charnière, parce que je pense qu’on s’est déplacé à New York pour l’enregistrer et qu’on s’est imprégné du climat de la ville. De sa puissance. Et puis on a enregistré en compagnie de quelqu’un qui est assez connu dans le milieu underground. C’est ce qui nous a permis de franchir une étape. Enfin, je ne sais pas. Peut-être qu’auparavant, nous étions dans une situation de recherche. Et elle nous a permis d’aboutir à cet album. Nous ne sommes pas un groupe qui proclame jouer du blues ou du rock. Notre éventail d’influences est tellement large. On ne se focalise pas sur l’une d’entre elles tout particulièrement. On répète. On interprète naïvement nos morceaux et puis on les enregistre. C’est tout. Bien sûr, ce disque est beaucoup plus dur, plus rock’ n’roll aussi. Mais ce n’était pas conscient au moment de créer les morceaux. On les a composés, suivant le processus habituel. En répète, on crée un riff. Et il sert de base au morceau. Ensuite on passe au suivant. Maintenant, il est probable que nous allons prendre cette direction, par la suite. Enfin, je n’en sais trop rien, si ça tombe, on va s’engager dans une voie plus électro (rires)… »

Et Jeremy a confié un scoop à Musiczine. Pas le fait qu’il soit bleu du dernier album de Tom Waits. « Il me troue le c**. C’est un pote qui m’a informé de sa sortie. Il n’était pas trop emballé. Or, je possède tous ses disques en vinyles. Je suis allé l’acheter, simplement pour compléter ma collection. Et j’ai pris une claque comme c’est pas possible. En fait, si je l’apprécie autant, c’est sans doute parce que mon ami m’avait dit qu’il n’était pas terrible. C’est comme lorsque tu vas au cinéma voir un film que l’on t’a vivement conseillé. Faut que t’aille le voir ! Et quand t’es devant l’écran tu déchantes. Il n’est pas à la hauteur de tes attentes. Parce que tu es influencé. Et là, à l’inverse, l’avis négatif a rendu mon opinion positive. C’est mon disque de chevet, car il baigne dans un univers remarquable, unique en son genre. Et chez les Tropics on essaie de créer le nôtre. Je trouve que le plus important, dans la musique, c’est d’incarner un univers. Peu importe comment tu y parviens, avec ton corps, ton cul, ta bouche ou en te frappant dessus, l’essentiel dans la musique c’est d’incarner un univers. » On en vient quand même au scoop : « En fait, après les sessions, il nous restait encore deux jours à passer à New York et Jon m’a demandé d’enregistrer ma voix sur un morceau de Heavy Trash. Attention, il m’a précisé qu’il ne savait pas si mon intervention figurerait sur la version finale. C’est à l’état de démo. J’y parle de sexe (NDR : on y revient !), mais en français, pendant 2’30, à la manière de Serge Gainsbourg. C’est ce qu’il souhaitait. Touchons du bois pour que ce soit sur le disque… »

(Album « Liquid Love », paru chez JauneOrange ce 14/11/2011)

 

The Walkabouts

‘Devil's Road’ n’existerait pas sans ‘Born Sandy Devotional’…

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Les Walkabouts viennent donc de publier leur nouvel album. Son titre ? ‘Travels in the Dustlands’. Il fait suite à ‘Acetylene’, sorti déjà il y a six longues années. Entretemps, Chris Eckman et Carla Torgeson ne se sont pas pour autant reposés sur leur lauriers. Chris a même multiplié les projets parallèles. Bref, leur nouvel opus est très riche. Musicalement, mais aussi et surtout au niveau des textes. Et franchement, il m’aurait fallu une bonne demi-journée d’interview, si je m’étais évertué à décortiquer leur prose, en leur compagnie, tant elle est intéressante. Mais, l’important était quand même de vous donner une idée globale du contenu de cet elpee, en essayant de poser des questions (im)pertinentes, auxquelles Chris et Carla ont eu la grande gentillesse de répondre…

Mais où se trouvent donc les ‘Dustlands’ ? Près de la frontière mexicaine, quelque part en Afrique ou en Australie ? Vu les lyrics, pas loin du désert, c’est sûr. D’ailleurs la collaboration de Chris apportée à Tamikrest, formation malienne, est peut-être une explication. Chris réagit : « C’est près du Mexique, pas en Afrique. Bien sûr, j’y ai puisé quelques idées pour écrire mes chansons, mais les ‘Dustlands’ se situent bien en Amérique » Et Carla d’ajouter : « S’ils étaient localisés en Afrique, on aurait mis en scène des chameaux… »

Ex-Willard Grant Conspiracy, Paul Austin a rejoint le line up des Walkabouts. Mais était-ce Chris et Carla qui le souhaitaient ou Paul qui a demandé de rejoindre le groupe ? Carla clarifie la situation : « Nous l’avons invité. On le voulait pour son talent, sa créativité ; et puis parce qu’il fait partie de la famille de nos amis depuis au moins dix ans. En fait, on souhaitait tout réorganiser de fond en comble. C’est un peu comme quand on joue aux cartes et puis qu’on décide de les redistribuer. »

Les lyrics sont donc très importants chez les Walkabouts. Ils sont signés par Chris. Une des compos s’intitule ‘They are note like us’ (Trad : ils ne sont pas comme nous). Mais qui sont-ils ? Chris nous éclaire à ce sujet : « Cette chanson parle d’un gars qui vit en Amérique profonde ; un type issu de la droite conservatrice, un peu fêlé. Il conduit un camion avec semi-remorque et porte un flingue. Il s’est taillé dans le désert avec son véhicule. Et quand il s’arrête enfin, il se place devant son camion, l’arme à la main, en se demandant de quoi sera fait demain. Cette histoire décrit la mentalité de ce type de personnage qui vit là-bas, aux States. Et elle est encore bien d’actualité. Il ne faut cependant pas s’arrêter au rôle du camionneur. En fait, le narrateur se met dans sa peau. C’est un peu caricatural, mais vous savez, aux Etats-Unis, il existe encore des hameaux où les habitants se barricadent dans leur ranch ou s’isolent dans une forme de camp retranché, en érigeant de hautes clôtures faites de fils barbelés. Ils veulent se protéger, se défendre. Mais qui craignent-ils ? Les bourgeois. En fait ce qu’ils considèrent comme des bourgeois : les démocrates, les intellos, les gens qui débarquent de l’extérieur. Ils ne comprennent pas les décisions prises par le gouvernement. Ce sont de farouches individualistes qui votent pour des partis d’extrême droite et s’accrochent à un certain style de vie. D’un point de vue politique et philosophique, je ne partage pas leurs opinions. Elles sont dangereuses. Par contre, je leur reconnais un sens des responsabilités particulièrement élevé. Ils ne demandent rien à personne. »

Dans les textes, Chris évoque souvent la sécheresse. Je lui signale qu’en Belgique, il pleut très souvent. ‘Rainmaker blues’ nous parle d’un faiseur de pluie. Existe-t-il vraiment ? L’a-t-il vu à l’œuvre. Il commente : « En fait, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, on rencontrait des faiseurs de pluie, au cœur des Etats-Unis. Ils se déplaçaient de ville en ville et proclamaient qu’ils étaient capables de faire pleuvoir. En tirant un boulet dans les nuages, par exemple. En fait, cette chanson traite de faux espoirs placés en quelqu’un. Le ‘Rainmaker’ arrive dans un bled et déclare qu’il peut la sauver la région de la sécheresse. Mais rationnellement, on sait que ce n’est pas possible. Donc, le personnage de la chanson, celui que j’interprète, croit fermement qu’il va y parvenir. Mais sa femme émet des doutes sur ses pouvoirs. En fait, elle n’y croit pas du tout. Et lui, répond qu’elle doit y croire et ne pas se montrer aussi cynique, car c’est leur dernier espoir. Il s’agit d’une métaphore qui vise notre monde contemporain, au sein duquel nous sommes tous en attente d’une solution. On espère que la technologie va nous sauver des dégâts causés à la planète. La crise que nous vivons est symbolisée par la sécheresse. Elle n’existe pas seulement en Amérique et en Europe. Elle sévit partout. Beaucoup de gens, aujourd’hui, se posent des questions, doutent et rejettent même la science… » Cette compo est imprimée sur un tempo tribal. Chris argumente : « Il faut demander à Terri. Elle a transmis (NDR : par e-mail) trois propositions pour le tempo, et j’ai choisi celle qui me semblait la plus adaptée à cette chanson. Mais ne me demandez pas quelle est son inspiration ? » Carla approuve et précise : « C’est une compo plus agressive »

Dans les lyrics, on retrouve souvent un sentiment de culpabilité qui ronge les personnages. Pourquoi donc ? Chris argumente : « En fait, l’émotion principale véhiculée est la déception et souvent la culpabilité va de pair avec la déception. Et quand on analyse pourquoi naît cette déception, la réponse est en nous-mêmes. On n’a que soi à critiquer. Et c’est alors que surgit la culpabilité. La plupart des personnages mis en scène dans mes chansons sont des gens qui on le mal de vivre. Qui n’ont plus beaucoup de choix. Qui sont acculés. Et donc, ils jettent un regard rétrospectif. Ils regardent d’où ils viennent et essaient de trouver des solutions (‘Quand tu ne sais pas où tu vas, rappelle-toi d'où tu viens’ – Aimé Césaire). La culpabilité est une réponse parmi d’autres, mais une réponse à court terme. A longue échéance, vous devez faire des choix. Un exemple ? On arrête un criminel. On le met en prison. A-t-on résolu le problème ? » Autrement dit, ce dont l’avenir sera fait ne devrait pas être l’héritage de notre responsabilité envers le passé. Mais laissons notre interlocuteur poursuivre ses explications : « On doit regarder vers l’avant. Dans mes textes, on retrouve également des personnages qui sont toujours pressés et d’autres qui décident de mettre les voiles. En fait on pourrait penser qu’ils vont de l’avant pour donner une nouvelle orientation à leur existence. Mais en réalité, ils sont paumés et ne savent pas de quoi demain sera fait… »

Dans la chanson ‘No rhyme, no reason’, on parle d’un scorpion cerné par les flammes, qui se pique lui-même pour ne pas périr brûlé. Une description qui méritait des éclaircissements. Chris nous les fournit : « Cette histoire est puisée dans une de mes lectures. Un épisode qui se déroule au Sahara. Lorsque les indigènes trouvent un scorpion sous leur tente, ils allument des feux autour de cette tente. Et le scorpion se pique. Il meurt. Il se suicide quoi. Maintenant, j’utilise cette image pour illustrer l’état d’esprit d’une personne désespérée, prête à mettre fin à ses jours. Elle pose un choix : je me suicide ou pas ? »

Parmi les références littéraires reconnues par Chris, on retrouve les écrivains Paul Bowles, Willa Cather et William T. Vollmann. On peut lire d’ailleurs des citations de ces artistes, au sein de son booklet. Chris confirme : « Ce sont trois écrivains que j’aime. Ils contribuent à décrire ce que j’essaie d’exprimer. Ils me construisent un cadre qui m’aide dans ma création. C’est une sorte de fenêtre que j’ouvre au groupe. Des sources multiples qui oscillent des écrits journalistiques aux bouquins d’histoire, en passant par la Bible ou des récits mystérieux. Ce qui contribue à focaliser les collaborateurs sur le contenu de la chanson. Il y a 9 ans que je vis en Slovénie. Et donc je communique avec les autres musiciens par internet. » Carla confirme : « Il donne ce cadre général constitué de citations et invite le groupe à digérer le tout… » Tiens, parmi les citations, dans son booklet, figure également un passage de la Bible. De l’Ancien Testament, justement (NDR : Jérémie – chapitre 12 – paragraphe 11 et12 – ces passages évoquent les thèmes de la désolation et de la dévastation). Voudrait-il concurrencer David Eugene Edwards ? (rires) Chris se défend : « Je ne suis pas croyant. J’ai utilisé ce texte comme référence littéraire, pas religieuse. J’apprécie la description de ce qu’il raconte. Pas davantage. En ce qui concerne Eugene, je respecte son œuvre ; mais afin de ne pas nous brouiller, il est préférable de ne pas aborder de sujets religieux ou politiques avec lui, mais plutôt parler de la pluie et du beau temps… »

‘My diviner’ est une chanson très lente, une sorte de slowcore qui me rappelle les Cowboy Junkies. Carla partage cet avis : « Absolument ! Effectivement, ce groupe pourrait reprendre cette compo. C’est une chanson d’amour, et dans cet exercice de style, les Cowboy Junkies sont remarquables. Ce qui est singulier, c’est que lorsque je la chante, le public la reprend en  chœur, et ça me touche. Et si Margo a envie de l’interpréter, j’en serais très flattée. D’ailleurs, je l’encourage à l’adapter… »

The Appolon Chamber Orchestra a participé aux sessions d’enregistrement de l’album, pour plusieurs morceaux. On a même parfois l’impression que l’esprit de Scott Walker plane sur ces compos. Chris nuance : « En fait, personnellement, je fais la distinction entre deux mondes. D’abord, il y a les arrangements pour cordes, ensuite les arrangements de cordes de Scott Walker. Et là, on n’est plus dans la même division. C’est vrai que dès que me viennent des idées d’orchestrations de cordes, je pense à Scott Walker. En fait, c’est la référence. Une voie universelle. Le summum de la maîtrise. Une référence à la production de la fin des années 60, en termes d’orchestration. On n’a jamais l’impression que les cordes écrasent l’ensemble ou le travail de l’artiste. Elles le subliment. Elles font partie intégrante des morceaux. C’est harmonieux. Il ne s’agit pas d’en remettre une couche. On avait repris ‘Cowbell shakin’’ sur une compile intitulée ‘Out of the Blue Volume 6’. Mais je n’imite pas, mes influences sont intégrées, digérées. Sur ce nouvel album, il y a 4 chansons qui bénéficient de ce type d’arrangements. Dès le départ, on savait qu’on les intégrer. C’était prévu. On a arrangé les compos en conséquence, car on considérait cette technique comme complémentaire » Carla insiste : « Les arrangements sont destinés à capter l’attention ». Et Chris d’enchaîner : « Ils ont une présence réelle. C’est une voie fondamentale pour ces morceaux… »

‘Thin of the air’ me fait penser à Jefferson Airplane, surtout la voix de Carla, finalement proche de celle de Grace Slick, et ‘Every river will burn’ lorgne également vers la musique issue de la West Coast des seventies. Ce titre me semble même abordé dans l’esprit d’‘If I could only remember my name’ de David Crosby. Chris s’extasie : “Il est hors catégorie”. Et Carla d’embrayer : “Nous sommes des produits issus de la West Coast. On y est nés. C’est dans notre nature. » Chris approuve : « Même en Slovénie, on est ‘West Coast’. C’est notre seconde peau. Le berceau de notre enfance, c’est CSNY, The Doors, Buffalo Springfield, les Byrds, … le premier album que j’ai acheté, gamin, c’était ‘Déjà vu’. Mes parents avaient bien des albums des Beatles, qu’ils m’avaient filé, mais le premier que je me suis procuré est celui-là… » Carla reprend la parole : « J’aime bien ‘Thin of the air’, c’est une chanson un peu venimeuse… De mon côté, j’appréciais surtout Paul Revere & The Raiders. D’ailleurs, à l’époque, on s’habillait comme les Beatles du ‘Sgt Peppers’… »

Sur ‘Long drive on a slow machine’, il y a une étrange atmosphère, hantée par le spectre des Triffids ; même que la voix de Chris me fait penser à celle de feu David McComb. Chris réagit : « Ah bon, parce que la presse a déjà écrit que je chantais comme Bruce Springsteen. Et soit dit en passant David McComb appréciait beaucoup Springsteen. Il en était même un fan. C’était un de ses 3 ou 4 dieux. Quelle famille ! Bon, on l’avoue, on ne s’est jamais réellement prononcés et on n’a pas davantage émis la moindre dénégation à ce sujet ; mais les Triffids nous ont quand même influencés. » Carla nuance : « Mais ils étaient quand même plus romantiques » Chris reprend le crachoir : « C’est surtout l’atmosphère de leurs chansons qui nous a marqués ; mais nous ne sommes pas des voleurs. Et ‘Devils’s road’ n’aurait jamais existé sans ‘Born Sandy Devotional’. Mais, vous savez, entre le moment de la sortie de l’album de la formation australienne (NDR : 1986) et le nôtre (NDR : 1996), des années se sont écoulées. Oui, bien sûr, ‘My Diviner’ baigne encore dans un climat susceptible de rappeler ‘Born Sandy Devotional’. Faut dire que Paul (Austin) nous avait envoyé un bouquin consacré à David McComb et puis aussi des bandes d’enregistrements ‘live’ réalisé par un Tribute Band des Triffids, juste avant de commencer les sessions d’enregistrement… »

La manière de jouer des claviers de Glenn évoque quand même Garth Hudson, le claviériste du Band. Surtout lorsqu’il nappe les compos d’orgue Hammond. Il fluidifie les compos de la même manière. Chris est d’accord : « Dans le groupe, on le surnomme Garth ! C’est une inspiration majeure pour lui. Il vient pourtant de l’univers de la musique électronique, voire même progressive. En fait, il a tourné en notre compagnie avant d’enregistrer. Je l’avais prévenu qu’il ne devait pas jouer du synthé sur notre album, mais uniquement du clavier et du piano. Et à la fin des sessions, on lui a dit qu’il pouvait mettre du synthé. Il a assumé tous les morceaux d’une traite, mais il ne participe pas à toutes les plages… »

Outre les Walkabouts, Chris et Carla sont impliqués dans de multiples projets. En duo, d’abord. Chris sévit notamment chez Dirtmusic et L/O/N/G, lorsqu’il ne tourne pas au sein du backing group de Willard Grant Conspiracy, alors que Carla bosse de temps à autre en compagnie du musicien grec Akis Boyatsis. Et bien, soyez rassurés, ils ne comptent pas abandonner leur différentes expériences parallèles. Ils vont les poursuivre, sans aucun problème. Carla se déclare quand même moins active, mais publiera quand même un nouvel album avec le producteur et multi-instrumentiste hellène, l’an prochain.

(Merci à Vincent Devos)

Sortie du nouvel album, « Travels in the Dustland », ce 21 octobre chez Glitterhouse / Munich

Josh T. Pearson

Macadam Cowboy

Écrit par

J’avoue, je ne suis guère à l’aise dans l’exercice de l’interview. Cette discipline, c’est avant tout une rencontre, avec une grand part d’inconnu, et l’appréhension de ne pas trouver les questions judicieuses. Celles susceptibles d’éveiller l’intérêt de l’artiste, du public, et le mien au passage. Pour cette raison, je laisse le soin à d’autres de s’y risquer. Ce qu’ils font d’ailleurs bien mieux que moi. Reste l’opportunité unique de rencontrer en aparté des gens qui par la grâce de leur art réussissent à me toucher au plus profond. Si l’angoisse des obstacles cités plus haut prend alors une plus grande dimension, l’excitation de franchir la frontière ténue qui me sépare de l’âme de l’artiste sert de détonateur, et il arrive alors que je sorte de ma tanière et ose m’aventurer sur le terrain de la rencontre.

Une seule écoute de « Last of the Country Gentlemen », premier album de Josh T Pearson depuis la dissolution de Lift To Experience (1996-2001), a suffi pour me jeter à l’eau. Et grand bien m’en a pris. D'interview, au sens classique du terme, il n'y en a pas eu. Une grande conversation à cœur ouvert, sans ambages ni faux fuyants. Un moment rare. Un moment précieux. Dont je vous livre l’essentiel…

Josh T Pearson est grand, mince, et son visage est largement couvert d'une barbe hirsute. Il est voûté sous le poids de la fatigue, mais accueillant, humble et charismatique. Il se sert un grand verre d'eau. Je lui demande comment il va. Débute alors, le plus simplement du monde la conversation qui s'ensuit.

Je suis fatigué. J'ai très peu dormi et je n'arrête pas de courir depuis un certain temps. Aujourd'hui les interviews s'enchaînent. Je me suis levé à 6 heures. Sans savoir si je vais être confronté à des gens qui ont aimé mon album ou pas. Donc, j’appréhende un peu chaque rencontre. Parfois je raconte des conneries. Souvent même (NDR : il sourit et marque une pause). C'est un album difficile qui fait écho à mon âme et j'y ai mis tellement de moi-même. Mais une fois le disque terminé, et bien, voilà, le résultat est gravé et on ne peut plus rien y changer. Et c'est difficile d'en parler. Mais en même temps, c'est agréable. Quand tu t'investis autant dans ton Art, tu espères juste toucher les personnes qui partagent la même sensibilité, qui embrassent la même conception des choses, de la vie, et les autres aussi, peut-être? Je suis assez satisfait du résultat. Mais voilà, maintenant... Il faut que j’assume le service après vente

Apprécies-tu de partager ces émotions avec ton public, de rencontrer des gens qui viennent à ta rencontre pour te dire qu’ils apprécient ce que tu fais?

C'est extrêmement enrichissant de rencontrer tant de personnes différentes à travers le monde. J'adore ces moments de communion et il m'est toujours douloureux d'en repartir les mains vides, sans plus aucune trace de ces bribes de conversations. Que les souvenirs (NDR : à cet instant, une ombre passe sur son visage, puis il semble se ressaisir). Je suis quelqu'un d'assez drôle même si on ne le devine pas à premier abord (NDR : il rit). Les gens sont parfois surpris parce que je raconte des blagues pendant le concert ou que je parle beaucoup.

Parce que ce que tu chantes est singulièrement triste, peut-être ?

Oui, sans doute. Les gens doivent se dire que je suis un sinistre larron (NDR : à ce moment, il se saisit de l’album d’Agnès Obel qui traîne sur un coin de table). Est-ce que tu penses qu’on formerait un joli couple elle et moi ? Tu connais ?

Je l’ai vue dernièrement. Disons que vous partagez une certaine sensibilité mais…

Elle est grande ou petite ?

Petite.

Laisse tomber ! (NDR : il jette la tête en arrière et s’affale dans le divan et m’avoue que cet état d’épuisement est difficile à gérer… nous transgressons quelque peu avant de reprendre le fil de la conversation).

Josh, ton état d'épuisement affecte-t-il tes concerts?

Et bien... (NDR : il réfléchit, prend une grande inspiration avant de répondre). En fait, à un certain stade, tu oublies la fatigue ou en tout cas, tu t'en accommodes. Tant que tu es lancé, tu peux continuer, encore un peu plus. Le plus pénible, c’est quand tu t'arrêtes. Il devient alors beaucoup plus difficile de relancer la machine. En tout cas, j'essaie de garder un maximum d'énergie pour la scène, afin d’offrir le meilleur à ceux qui me font l'honneur d'être présents. Mais, oui, je suppose que quelque part, à la longue, cette situation affecte mes concerts d’une certaine manière. Je ralentis le rythme de mes chansons. Nous ne sommes pas des machines ; donc, ça demande pas mal d'efforts pour ne pas craquer. Ce n'est pas le pire des jobs. J'en ai fait de vraiment terribles. Mais quand je suis sur la route, je souffre de l’absence de mes amis et de ma famille. Je manque de stabilité. Mais c'est nécessaire. En tout cas, je fais tout pour ne pas le laisser transparaître cet état d'épuisement. Mais uniquement sur scène.

Il y a quelques jours, tu étais à Londres afin de donner un concert exclusif pour ton label. Tu y as interprété une série de reprises d'artistes abrités par Mute. Comment s’est déroulé l'expérience?

Elle était amusante et récréative. Tu sais, je dois distraire le public en me servant de avec ma seule voix et de ma guitare. Ce qui n'est pas toujours gagné!

Tu reprends Erasure, notamment.

Oui. Tu as entendu?

Oui, et j'aimais beaucoup. Parce que tu mettais beaucoup de toi dans cette chanson.

Merci. J'essaie toujours de donner un peu de moi. La meilleure partie en tout cas (NDR : il rit). Je reprends Moby aussi (NDR : il commence à fredonner « Natural Blues »). C'était juste pour l'occasion. Parfois, je glisse l'une ou l'autre reprise, mais en général, je développe déjà assez mes propres chansons en longueur (NDR : elles durent en moyenne 10 minutes et il lui arrive d'en enchaîner deux à la suite ou encore de se raconter tout en jouant ses morceaux). Donc en général, je suis venu à bout de la patience du public…

Parlons de ton album. Tu t'es impliqué tellement dans celui-ci, y a mis tellement de choses personnelles, t'es tellement dévoilé. Comment te sens tu après coup? Mieux?

Je ne sais pas encore. Je ne peux pas dire que je me sente mieux. C'est difficile à dire. C'était une sorte de catharsis. Mais de là à dire que je me sens mieux... Certaines personnes m'ont dit qu’ils étaient bien, après l'avoir écouté. Dans ce cas, cette réaction me rend effectivement heureux. En ce sens, oui, je me sens mieux. Il faudra peut-être encore un peu de temps pour que je puisse statuer sur cette question.

Est-ce justement le rapport avec le public qui t'a poussé à enregistrer ces chansons?

Il s’est produit un événement majeur dans ma vie, il y a quelque temps. Je jouais dans un petit club en Irlande, pour le plaisir. Après le concert, deux gars à la stature imposante se sont approchés de moi, des larmes dans les yeux, et ils m'ont demandé pourquoi je n'enregistrais pas mes chansons, pourquoi je refusais de les partager. Je me suis dit, si je suis capable de toucher des gars pareils, et crois moi, ils ressemblaient à des durs à cuire, et bien, peut-être devrais-je en effet enregistrer un album. J’aime l’idée que mon disque puisse aider d’autres personnes. Attention, je ne veux pas sauver le monde, hein. Non, mais ma contribution, aussi simple soit-elle me procure une sorte de bien-être.

Et donc, tu t’es rendu dans un studio, à Berlin ?

Le reste s'est déroulé fort naturellement. On a booké 10 jours et enregistré deux nuits, en prises directes. C’était un procédé très spontané. Mais la bonne manière de parvenir à nos objectifs.

Regrettes-tu parfois la dissolution prématurée de Lift To Experience ?

Non, je n'ai pas de regrets. Pour des jeunes comme nous étions à l'époque, c'était une magnifique expérience, traverser l'Europe et tout ça. Mais nous n'avions pas envie de frayer avec le music business. On vivait au milieu de nulle part. Dans le bled où on habitait, il n'y avait vraiment rien à faire, alors on tournait en rond. Donc, c'était amusant un temps, mais mieux valait arrêter avant de se lasser. Et puis, il nous est arrivé pas mal de merdes. Non, je ne regrette pas.

Et maintenant? Que vas-tu faire?

Dormir ! (NDR : il rit). Non, en fait, je vais continuer à courir. J'ai encore quelques dates. Amsterdam, demain, une radio session en Ecosse vendredi, et puis je joue ici à Bruxelles bientôt, non?

Oui, samedi.

Ensuite, quand j'aurai fini toute cette promo, je rentrerai quelque temps au Texas. J'ai besoin d'y retourner. Je vis à Londres en ce moment. Enfin, je ne sais plus très bien où je vis pour l’instant…

Je repars au Texas en juillet. J'irai faire des tours en moto et je prendrai un peu de repos. Avant de recommencer.

A ce stade, la conversation prend une autre tournure, et c'est Josh T Pearson qui me pose les questions, sur ma vie, sur ce que je fais. Mais cette conversation est bien moins captivante pour vous, amis lecteurs…

 

Adam Kesher

Un défi à la nature…

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Deux ans après publié un premier album qui avait marqué les esprits (et les pistes de danse), la formation française Adam Kesher vient de lui donner une suite, « Challenging Nature ». Produit par Dave One de Chromeo et mixé par Philippe Zdar de Cassius, il s’agit d’une véritable collection de petites bombes électro-rock destinées à mettre le feu aux festivals estivaux. C’est Julien Perez, le chanteur/claviériste, qui s’est fait le porte-parole du quintet.

Cette question doit probablement souvent revenir sur le tapis : qui est Adam Kesher ?

Adam Kesher est un personnage issu du film ‘Mulholland Drive’, réalisé par David Lynch. Le nom sonnait bien. C'est marrant, parfois les gens pensent qu'il s'agit d'un chanteur, alors que nous sommes un groupe.

Pourquoi avoir choisi Dave One (Chromeo) et Philippe Zdar (Cassius) pour produire et mixer « Challenging Nature » ? Qu’attendiez-vous d’eux ?

Nous avons rencontré Dave One par l'intermédiaire de Matthieu Couturier qui dirige le label ‘Disque Primeur’. Il y a longtemps qu'on cherchait quelqu'un capable d’avoir du recul par rapport au groupe, mais dont les idées étaient compatibles avec les nôtres. Matthieu nous a proposé Dave, un de ses amis, et le courant est passé tout de suite. C'était cocasse de bosser avec lui, car il est fan de groupes ou de chanteurs comme Phil Collins, Fleetwood Mac ou même Indochine. Au départ, ses goûts me faisaient flipper ; mais finalement, tout c’est très bien passé. En ce qui concerne Philippe Zdar, Chromeo mixe presque tous ses titres chez lui et Pierrick, notre bassiste, a aussi joué de la guitare pour Cassius. Nous bénéficions donc de quelques entrées. On a été assez impressionnés par les séances de mixing !

Quelle orientation souhaitiez-vous emprunter lors de l’enregistrement de ce nouvel album ? Perso, j’y décèle des traces de Friendly Fires (sur « Gravy Train ») voire de Foals sur certains titres.

Je pense que personne chez Adam Kesher n'écoute Friendly Fires ou Foals ; mais nous partageons très probablement des références en commun. En ce qui concerne « Gravy Train », la grosse influence sur ce titre, c'est Dinosaur L, le projet disco d'Arthur Russell monté dans les années 80. D'ailleurs on écoutait pas mal de ‘Weird disco’ et d'electro funk lorsqu’on a réalisé ce disque, que ce soit des trucs issus 80's ou plus récents. Par exemple, la production des labels DFA, Italian Do it Better ou Permanent Vacation. Mais aussi de la pop mainstream : Prince, Michael Jackson ou même Depeche Mode. De la musique répétitive également. Terry Riley et Steve Reich, notamment. Ou encore de l’indie rock comme Deerhunter et Jay Reatard.

Certaines de vos dernières découvertes musicales vous ont-elles influencées ?

On est rarement influencé par un groupe en particulier, c'est plutôt une culture musicale, dans tout ce qu'elle peut avoir d'hétérogène, qui s'exprime lorsqu'on la transpose en musique.

Qui fait quoi dans le groupe ? Est-ce que tout le monde participe au processus créatif ?

Il n’existe pas de recette miracle pour écrire. Parfois, l'un de nous pond un morceau en entier ; à d’autres moments, c’est vraiment le résultat d’un travail de groupe au cours duquel on fait tourner un plan pendant des heures.

Quel a été votre emploi du temps depuis la sortie de votre premier  album ? Manifestement, certains collaborateurs ont quitté le navire.

On a pas mal tourné depuis ; aux Etats Unis, au Canada et en Europe. Deux membres sont partis et Pierrick nous a rejoints. Le groupe a enfin trouvé son équilibre… On a aussi des ‘side projects’ comme Zooey, Beatmark, A Fight for Love et 25 Hours a Day.

Selon vous, quelle est la principale différence entre ce nouvel album et le précédent ?

Même si nous aimons toujours le premier disque, on nous a surtout reproché son côté patchwork. Nous y explorions diverses directions musicales avec une envie peut-être un peu immature de montrer tout ce que nous savions faire. Sur le nouvel album, nous avons cherché à réaliser un disque plus cohérent, qui tienne la distance. Il a donc fallu opérer un choix parmi les morceaux. Au départ, nous disposions d’une vingtaine de démos. Dave et nous avons conservé les dix morceaux susceptibles de se fondre dans un ensemble. Et puis, nous avons voulu faire un vrai disque pop, qui soit accessible au plus grand nombre. Nous avons tenté de mettre en valeur les mélodies ; option que nous ne prenions pas, forcément, avant. Nous avions tendance à tout noyer sous des nappes de synthés et des couches de guitare !

Pourquoi avoir choisi « Challenging Nature » comme titre pour votre cd ? Considérations écologiques ou défi à la nature ?

A l’époque où nous terminions les sessions d’enregistrement, se déroulait une rétrospective consacrée à Werner Herzog à Paris. Nous avons revu ‘Burden of Dreams’, le documentaire d'Herzog sur le tournage de ‘Fitzcarraldo’. Herzog y déclare, au cours de la projection, qu'à l'inverse de son acteur Klaus Kinski, dont la vision de la jungle est romantique, il n'y voit qu'un territoire hostile et obscène. Il conclut ensuite par ces mots : ‘What we're doing here is challenging nature’ (Trad : ‘Ce que nous faisons ici c’est défier la nature’). On aimait bien ce passage un peu grandiloquent et puis on trouvait qu’il collait au titre d’un d'album de rock. On y aborde différents thèmes comme le défi ou l’élévation de l’âme. Et puis, il y a aussi une part d’humour dans ce titre.

Vous reconnaissez-vous dans une certaine scène musicale française ? Bordelaise, par exemple ?

Nous avons longtemps vécu à Bordeaux. Cette ville a vu naître de très bons groupes : Kap Bambino, Magnetix, Weak Ends, Alba Lua, Glass Figure. Certains d'entre eux sont des amis. Sans quoi, en France, se détachent également de lot Discodeine, Zombie Zombie, Turzi, Arnaud Rebotini ou Phoenix... Beaucoup d’entre eux sont talentueux et nous les apprécions, même si nous n'avons pas l'impression de relever d’une scène en tant que telle.

Quels sont ceux qui vous bottent le plus, pour l’instant ?

Art Department, Crystal Ark, Kurt Vile sont les dernières formations sur lesquelles nous avons flashé. Tout récemment, nous avons aussi découvert William Onyeabor, un musicien nigérian qui pratiquait une forme de funk, au cours des 70’s. Il a gravé des morceaux incroyables !

Adam Kesher s’est forgé une excellente réputation en ‘live’. Le public belge aura-t-il la chance de vous voir bientôt sur les planches ?

Le 10 juin au K Nal à Bruxelles ! Nous brûlons d’impatience de nous y produire. En Belgique, les soirées sont toujours pleines de surprises…

 

 

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