François Staal revient sur l’île de Bréhat…

François Staal retourne aux sources de son enfance à travers son nouveau clip consacré à « Bréhat (Enez Vriad) », extrait de son dernier album « L'Humaine Beauté ». Il part en tournée de 17 concerts en Bretagne, dont 15 seront accordés sur l’Ile de Bréhat, du…

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Brazen tient la distance…

Après près de dix-huit ans de silence trompeur, Brazen (Genève), revient avec « Distance », une épopée indie-rock ambitieuse où s’entrelacent modulations mélancoliques et harmonies vocales sur un tapis instrumental planant. Les huit titres qui composent…

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Disko Drunkards

You don't touch Michael, man!

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Disko Drunkards. Derrière ce patronyme se cachent quelques musiciens issus du Nord de la frontière belge. Des musiciens qui ont marqué le rock indépendant et créatif, il y a quelques années. Stephane Misseghers (Soulwax, dEUS), Ben Brunin (Vive La Fête), Tim Vanhamel (Evil Superstars, Millionaire) et Francois Demeyer (Vive La Fête, Soapstarter) constituent la fine équipe mise en place par les dj’s-producteurs gantois The Glimmers… Stephane Misseghers, batteur de la formation, nous apporte quelques éclaircissements sur ces ‘ivrognes du dance floor’…

L’album des Disko Drunkards ne sera pas vendu mais offert gratuitement lors de vos concerts. Un concept plutôt original. Mais combien de copies de ces disques comptez-vous distribuer ?

Jusqu’ici, on en a écoulé 5 000, de cette manière, lors de nos concerts. Le nombre s’est élevé entre 15 000 et 20 000 copies, lorsque la revue ‘Dj-Magazine’ a décidé joindre le cd à l’intérieur d’un de ses numéros. A l’avenir, on continuera à presser des disques tant que les opportunités de concert se présenteront.

L’industrie du disque est en déclin. Parallèlement, de plus en plus de compact-discs sortent chaque mois. Vous empruntez le chemin inverse en offrant le disque… Enregistrer sur un tel support est-il uniquement devenu un moyen pour se faire de la pub et décrocher des concerts ?

L’art de produire un disque a toujours été un moyen de révéler ta musique vers le monde extérieur. Je pense, par contre, que la distribution traditionnelle est totalement dépassée. Les maisons de disques gardent le même ‘modus operandi’, parce qu’elles doivent penser à leur survie et en même temps promouvoir les artistes qu’elles signent. Or, actuellement, le phénomène Internet bouleverse radicalement ces principes ; et les maisons de disques ne peuvent rien y faire. Notre idée était donc de se passer de ce cirque et de soutenir ce disque en utilisant des agents de promotion indépendants et une agence de booking efficace. En opérant de cette manière, on a pu décrocher de chouettes dates de concerts ; et en même temps distribuer l’album. Sans devoir abandonner le pouvoir de décision à d’autres personnes.

L’opus rend un hommage éclectique à différents styles de musique : le disco, le punk funk new-yorkais des années 80 (Liquid Liquid, ESG,…) mais aussi l’électro pionnière de Telex. Un style qui remonte entre 1975 et 1980. Quelle importance, en tant que musiciens, accordez-vous à cette période ?

Elle compte beaucoup pour les Glimmers. Surtout parce qu’ils ont commencé leur carrière de dj’s à ce moment-là. J’ai grandi au cours des années 90. Mais à cette époque, j’écoutais du rock à la Led Zep, Black Sabbath ou encore Barkmarket… Je dois admettre que je suis entré dans une nouvelle dimension quand j’ai eu accès à leur immense collection de disques. Nous avons utilisé beaucoup de références musicales afin d’obtenir le bon groove et la bonne ambiance pour le disque. On a donc effectivement beaucoup écouté Liquid Liquid et ESG mais aussi les Jackson 5 et Norman Whitfield.

Une ‘dream team’ du rock belge a été mise en place pour ce projet. Etait-il difficile de réunir tous ces artistes ; et comment l’idée de former les Disko Drunkards a-t-elle germé ?

L’aventure a débuté lorsque les Glimmers m’ont demandé ainsi qu’à Ben (NDR : le bassiste) d’enregistrer des parties instrumentales pour le remix de « Physical » d’Olivia Newton John. Ils pensaient que ce serait une bonne idée de remodeler totalement la chanson en conservant uniquement les paroles. Vu qu’aucun de nous quatre ne possédait les capacités vocales de la chanter, nous avons demandé à Tim Vanhamel de l’interpréter. Il a aimé le projet et est resté. Ensuite, François De Meyer, un pote, s’est pointé aux synthés. Tout simplement parce qu’il est arrivé au bon moment en affichant les goûts de circonstance. Après avoir entendu le résultat de « Physical » on a décidé de continuer à écrire jusqu’à ce que nous disposions de suffisamment de morceaux pour enregistrer un album.

« Physical » est sans aucun doute un des sommets du disque. Comment l’idée de la reprendre vous est venue à l’esprit ?

La marque de vêtement ‘ W.E.S.C.’ a demandé aux Glimmers de réaliser un mix pour lancer une nouvelle ligne de vêtement baptisée ‘Physical’. Ils ont donc mis en boîte une compilation réunissant douze artistes adaptant le même morceau. Quand on y pense, sans ‘W.E.S.C’, les Disko Drunkards n’auraient jamais existé. Quelle pensée effrayante !

Comment avez-vous élaboré les morceaux ? Est-ce une création collective ou alors le groupe a-t-il ‘jammé’ sur les beats des Glimmers ?

Chaque chanson de l’album a été composée en un jour. C’était en quelque sorte notre ‘dogme’. Nous entamions notre travail vers midi en écoutant quelques disques, un peu dans tous les styles… Ensuite, Ben et moi accomplissions quelques tentatives de grooves plutôt basiques jusqu’au moment où nous en dégotions un qui nous plaise. Un groove que nous pouvions répéter pendant des heures sans susciter l’ennui. Une fois le groove basse-batterie prêt, on ajoutait des tas de trucs : des claviers, des guitares, des cris, des sifflets… Je pense qu’un jour, on a même utilisé un sac poubelle en guise de shaker. Touche finale, les Glimmers éditaient le morceau pour qu’il ait une structure acceptable et nous, hum… on retournait à la maison !

Vous vous produisez beaucoup en Belgique. Envisagez-vous de tourner à l’étranger, où la réputation des Glimmers est flatteuse ?

On va d’abord finir la partie belge de la tournée ; et ensuite on fera quelques dates en Italie, en Hollande et en Angleterre. On espère aussi se rendre au Japon, vu que l’album sortira là-bas le 22 août.

Ce projet est-il un ‘one shot’ ou faut-il s’attendre à d’autres sorties des Disko Drunkards, dans le futur ?

On y pense, mais comme vous le savez peut-être, on est tous occupés dans d’autres groupes ; donc il faut d’abord mettre en commun nos agendas respectifs.

Si vous deviez choisir un morceau à reprendre avec les Disko Drunkards, lequel choisiriez vous ? « Optimo » de Liquid Liquid, « There but for the grace of God » de Machine ou « Don’t stop 'til you get enough » de Michael Jackson ?

Pffoohh… sûrement pas Michael ! Faut pas se frotter à Michael mec… Il faut toujours s’assurer que ta version est aussi bonne que l’originale, pas une reprise fade d’un grand morceau. Ainsi tu évites de te planter. Donc dans ce cas-ci je prendrais Machine, histoire de pas prendre de risques !

Vous vous appelez les Disko Drunkards, quelle est la boisson qui a le pouvoir de vous lancer sur la piste de danse ?

Je dirais une bière (ou deux), mais une fois qu’on est lancés, ‘we don’t stop ‘till you get enough !’.

 

Grizzly Bear

Piégé par le net

Écrit par

Aucune question, aucune réponse n’épuisera l’univers foisonnant de « Veckatimest ». Aucun mot ne décrira avec justesse ce travail d’orfèvre, si ce n’est : écoutez-le. Dix fois, cent fois, mille fois. Déversez-vous entièrement. Et peut-être lorsque vous en aurez caressé les moindres saillies, ressenti les fiévreux vertiges ; lorsque vous aurez été à l’écoute de cette mise en abîme mystique ; que ces voix entremêlées auront conté leurs histoires épiques, que ces chœurs lancinants auront ensorcelé, que les crescendo auront percé les nuages, que l’autour se sera émietté devant la grandeur du maître. Lorsque la douceur psychédélique aura enveloppé ce qu’il vous restera de lucidité. Que vous aurez frissonné de ces mélodies en écho soufflées par le vent. Que submergés, désintégrés, il n’y aura d’autre choix que de recoudre les lambeaux et reprendre la route. Alors, les mots, le jugement, la description prendra un peu de sens. Quoique ! Réécoutez-le encore une fois. A l’envers. Ailleurs. Autrement. Et peut-être après…

Dans quel état d’âme étiez lors de l’enregistrement ?

Chris Bear (batteur) : On a essayé d’entretenir une ambiance vraiment très relax, la plus spontanée possible. Pour cet album, on a uniquement œuvré, animé par une véritable volonté de s’y mettre et lorsqu’on était vraiment dans l’humeur. Alors que pour « Yellow House », on s’est mis une pression terrible. Je ne comprends pas pourquoi puisqu’il n’y avait pas d’échéance ; mais en tout cas, on s’était imposé une deadline. Maintenant, il est vrai que nous devions partir en tournée ; et on voulait terminer le disque avant cette date. On a donc voulu éviter de travailler dans la précipitation pour ce nouvel album.

Vous avez travaillé par paires, il me semble ?

C.B. : Oui, nous avons essayé toutes sortes de combinaisons. Ed et moi pour « Two Weeks ». Chris Taylor et moi avons jeté les bases de quelques morceaux. Daniel était absorbé par le projet Department of Eagles ; et comme j’avais déjà enregistré les parties de batterie, j’étais plus libre. Au final, dans le travail de création, j’ai pas mal bossé en compagnie d’Ed.

Et vous avez choisi trois endroits différents pour réaliser ces sessions ?

C.B. : La première partie de l’album a été entamée dans une sorte de grand manoir. On était tous très isolés les uns des autres et on pouvait crier bien fort sans s’entendre. C’était un bon début. Mais nous n’y avons réellement rien concrétisé. Puis, quand on est arrivés à Cape Cod, on a commencé à enregistrer les guitares et les parties vocales. C’est un petit cottage qui appartient à la grand-mère d’Ed. Un petit îlot de beauté. Une presqu’île sur la côte Est des Etats-Unis avec des rochers et la mer. Il fait un peu froid le soir ; et si je me souviens-bien, on entend le craquement du bois sur « Dory ». Et de vivre au milieu de cette nature nous a rendu le boulot plus confortable, nous a détendus. Un tel espace influence vraiment la création. Le grand manoir en bois était très différent. D’un point de vue acoustique aussi. Enfin, les deux premiers morceaux, dont le single « Two weeks », ont été entièrement mis en boîte dans une Eglise, en deux semaines. Puis nous sommes partis en tournée avec Radiohead, avant de revenir à Cape Cod. Au fil de la tournée, on a réalisé qu’on maîtrisait de mieux en mieux les morceaux. En rentrant, on a adopté la même approche ; mais le tempo s’était équilibré. En fait, les compos étaient devenues un peu plus rapides. Un changement d’apparence mineur, mais une belle différence quand même.   

Existe-t-il une volonté collective dans l’écriture des lyrics ? Où est-ce à chaque fois une narration purement personnelle ?

C.B. : Nous débattons peu des textes. Par de façon spécifique en tout cas. Je suis incapable de t’expliquer le sens profond de chaque chanson. Le dialogue est ouvert. On n’évite pas le sujet, mais chacun d’entre nous en fait une interprétation personnelle. Et on se laisse cette liberté. En ce qui me concerne, je ne prête pas beaucoup d’attention aux lyrics. Une vraie bonne parole, j’aime bien, mais sinon…

Quoi en particulier ?

C.B. : Par exemple, j’aime beaucoup les textes de Beach House. J’ai vraiment été séduit par leur dernier cd. Leurs nouvelles chansons sont très très passionnantes ; et puis j’aime aussi beaucoup les derniers trucs de Dirty Projectors. Leur lyrics m’ont frappé ; sans doute parce qu’ils me touchaient personnellement. Pour le reste, j’estime que les paroles ne constituent pas la dimension principale de notre musique.

Le nouvel elpee épouse un profil plus psychédélique. Plus proche de Department of Eagles. Surtout « Dory » et « Hold still ». D’accord ?

C.B. : Totalement… Et en particulier « Hold still » et « Dory ». Le toucher de guitare de Daniel est beaucoup plus présent. Mais ce n’est pas un hasard puisque les deux morceaux ont été enregistrés au cours de la même quinzaine. Effectivement, Ed et Daniel partagent le chant sur « Dory ». Daniel au début ; et Ed reprend la section suivante. Pour cette compo, Daniel a d’abord dessiné les lignes de guitare. Ed disposait de ‘chœurs’ qu’il avait préenregistrés. Ils ont apporté leurs contributions. Et c’est de cette concertation mutuelle que le morceau est né. C’est vrai que la tonalité fait très ‘Daniel’...

Mais comment faites-vous pour bien distinguer les projets Grizzly Bear et Department of Eagles ?

C.B. : Grizzly Bear est en évolution constante. Le style a beaucoup changé depuis les débuts. Le groupe offre une dimension plus flexible, alors qu’« In ear Park » réunit au départ des morceaux d’Ed, de Daniel et de Chris. Bon, tout est relié à Grizzly Bear ; mais par exemple, l’ancien répertoire de Department of Eagles est totalement différent ! Les morceaux de Daniel font davantage partie d’un concept ; et il aurait été inopportun de les mélanger avec ceux de Grizzly Bear. Et puis je crois que Grizzly Bear avait aussi envie de prendre une pause ; et même si on a fini par jouer à nouveau beaucoup ensemble pour Department of Eagles, c’était différent. Je ne devais pas être présent tous les jours. Il était possible de prendre du recul, car il y avait une vision très claire de l’objectif à atteindre. En fait, Daniel est arrivé avec déjà presque toutes les chansons ! Alors que le nouveau Grizzly Bear voulait être le fruit d’une collaboration optimale entre tous les musiciens ; au sein d’un univers où on créerait les morceaux petit à petit, dans une évolution qu’on allait tous vivre. Mais il est sûr que je ne pense pas nécessairement d’une façon complètement différente quand je joue pour Department of Eagles ou Grizzly Bear…

Il paraît que votre album a ‘leaké’ très vite ? Connais-tu l’origine de ces ‘fuites’ ?

C.B. : Après avoir terminé les sessions d’enregistrement, on a envoyé les maquettes au mastering. Le produit fini était prêt pour être envoyé et reproduit dans les dix jours ; et c’est à ce moment-là que j’ai reçu un message d’Ed m’informant que notre disque avait ‘leaké’. Je me suis dit que le phénomène avait quand même été rapide. Parce qu’en général quand ça ‘leake’, c’est suite à l’envoi d’un ‘advanced cd’ à un magazine musical. Quelqu’un tombe dessus par hasard et décide de le poster sur internet. Je ne sais pas quel est son but mais bon… Ca arrive. Or, aucune promo n’avait encore été transmise à qui que ce soit. Donc j’ignore d’où vient la fuite…

Du mastering ?

C.B. : Non impossible… j’ai mes suspicions à ce niveau. Mais bon, de toute façon, ça n’a pas d’importance. Il n’y a plus rien à faire. C’est trop tard. N’empêche, on pourrait comparer cette situation au monde du cinéma. Quelqu’un prend un temps fou pour réaliser un film, y consacre des années de tournage, le peaufine pour qu’il soit superbe sur grand écran ; puis, il constate qu’il est posté sur Youtube sur un écran de 10cm x 10cm. Et en ce qui nous concerne, on concentre tous nos efforts pour bien le mixer, le mettre joliment sur des ‘analog tapes’ ; et puis tu découvres qu’il est disponible sur internet via des téléchargements numériques au son pouilleux [crappy download].

Mais franchement, votre public n’est pas vraiment celui qui écoute votre musique par ‘crappy download’ ?

C.B. : C’est aussi ce que je pense donc ; ceux qui veulent l’apprécier à sa juste valeur, l’achèteront ou le téléchargeront sous une forme de bonne qualité. Et ceux qui veulent juste downloader n’importe comment ne changeront pas de méthode. Que ce soit maintenant ou plus tard, c’est la même chose. Maintenant, si certains avaient très envie de l’entendre et ne pouvaient plus attendre, je peux encore le comprendre. M’enfin, on s’est dit c’est arrivé ! Que peux-tu faire ?

Que vous ont apporté les périples accomplis en compagnie de Radiohead, Beach House et Feist ?

C.B. : Se produire en première partie de Radiohead était évidemment impressionnant. Il n’y a pas un jour où on n’a pas regardé leur set! Et ils changeaient le show chaque nuit ! Johnny est vraiment super cool, c’est clairement une idole ! Maintenant, je crois qu’on a appris des deux ; autant d’ouvrir pour des groupes, que de faire la première partie. C’est pas qu’on a changé nos chansons mais je crois qu’on a dû adapter notre répertoire. Par exemple, pour Radiohead on n’aurait clairement pas interprété les morceaux calmes. Genre « Hold still »,  devant 20 000 personnes qui commandent des bières. Je crois que pour un groupe de notre taille, ça aurait été triste. Mais lors des shows de Feist, on a dû privilégier les compos calmes ; car l’ambiance était plus théâtrale, la foule plus paisible. Ce n’était pas un concert de ‘rock’. Le groupe réagit autrement et donc nous sommes amenés à jouer dans un autre registre. Et pour TV & The Radio, forcément on a joué beaucoup plus fort ! On cherche toujours à amener une énergie similaire. Donc ce travail est très intéressant : apprendre à reconnaître celui avec qui tu joues et, en fonction, trouver le registre approprié.

C’est plus gratifiant de jouer en puissance pour un batteur, non ?

C.B. : Plus fatiguant en tout cas ! Franchement, quand j’ai réécouté les enregistrements de ces concerts, je me suis vraiment demandé comment j’avais pu frapper ainsi. Je ne me rappelais pas qu’il était possible de jouer si vite et si fort !

Où allez-vous ensuite ?

C.B. : Demain on retourne à New-York. A la maison… J’espère qu’il fera aussi beau qu’ici !

 

Cold War Kids

Des Clash aux Cold War Kids

Écrit par

Les questions bouillonnent à l’approche d’une rencontre pour ‘remettre les points sur les i’. On ne peut que vouloir comprendre les critiques assassines, assénées sans répit par Pitchfork, aux quatre Californiens, depuis leurs débuts. A travers leurs langues de vipère, elles résonnent, cinglantes et sans appel. Les Cold War Kids ne feraient donc que du ‘pastiche poli qui insulte l’intelligence des amateurs d’indie-rock’ ? Du son de ‘boy-scout’ ? Du ‘storytelling superficiel’ ? Il y a de quoi s’étonner d’une telle hargne alors que les autres avaient encensé –avec raison– « Robbers and Cowards » (2007) et préludaient un avenir tout aussi radieux à « Loyalty to loyalty » ; surtout que ce nouvel album, derrière des mélodies en apparence moins indélébiles et plus décousues, dévoile en profondeur un ton plus mûr et décomplexé. Certes, il faut aimer encore et toujours cette voix poussée à l’extrême dans les aigus; s’accommoder de cette allure brouillonne et chiffonnée, de ce côté touche-à-tout de l’accent blues du terroir, de ce riff de rock crasseux. Mais quand on dit pleinement ‘oui’, l’énergie devient carrément contagieuse et les refrains se vident de leur contenu pour imposer leurs formes, bousculer les endormis, rappeler à la vie. Impressions recueillies auprès du chanteur/pianiste/guitariste Nathan Whillet et du bassiste Matt Maust.

Le patronyme ‘Cold War Kids’ s’inspire de ton website ?

Nathan Willett : oui, je me suis occupé d’un website pendant quelques années. Il permettait à mes proches d’exprimer toutes les formes de leurs expressions artistiques. Comme le contenu était alimenté par cet éventail aussi large de collaborateurs, tous les membres du groupe s e sont identifiés, comme lieu de création. Une idée traduite en création ‘collective’.

J’ai l’impression que l’atmosphère du premier album était plus uniforme, alors que « Loyalty to loyalty » se révèle plus éclectique ? Intentionnel ?

N. : Ce n’est pas étonnant, car on a enregistré ce deuxième album dans plusieurs pièces. Ce qui explique pourquoi les morceaux sonnent différemment. Après réflexion, ce n’est pas un hasard si on a opté pour cette formule, car c’est vraiment le chemin qu’on voulait emprunter. A l’instar des Clash, dont le répertoire propose des compos très différentes les unes des autres. Et disons que pour notre second cd, nous avons accompli un petit pas dans cette direction.

Cherchez à appliquer d’autres principes à vos compositions ?

N. : oui. On estime qu’il existe une différence fondamentale entre les groupes qui ‘sont’ leur son et ceux qui sont beaucoup plus grands que leur album, pour le meilleur et pour le pire. Pour ces derniers, c’est l’image qu’on leur attribue ou leur manière de la projeter qui détermine si sa musique est consistante et intéressante. Prend par exemple Neil Young et Tom Waits. Ils enregistrent des albums. Mais ils ont une manière très personnelle de jouer. Surtout sur scène où ils sonnent complètement différent. Aucun des morceaux interprétés en ‘live’ ne ressemble à ceux figurant sur leurs disques. Parce que ces compos on grandi, ont été interprétées. Celles de Tom Waits, des dizaines de personnes, au cours des dix dernières années, les ont adaptées. Mais ces versions n’atteignent pas le phénomène Tom Waits, car son personnage est beaucoup plus fort que ses albums. Et nous, on serait plutôt enclin à adopter une philosophie similaire. Une chose est sûre, vu la manière dont le public parle de nous, nous serions davantage un ‘live band’ qu’un groupe de studio. Sur scène, les morceaux interprétés sont parfois totalement différents de ceux proposés en studio. Certains apprécient, d’autres pas du tout. Mais ce n’est guère important pour nous. Notre ‘live show’ tient la route et c’est un atout important si on souhaite que notre musique grandisse et devienne plus ‘mature’.

Qu’avez-vous évité de reproduire sur ce deuxième opus ?

N. : Notre premier était plus serré, plus dense. Il y avait plus de basse et de batterie.

Matt Maust : en fait, pour le second, on a voulu que les compos respirent davantage, que l’ensemble soit plus aéré.

J’étais surprise de lire à la fois de très bonnes critiques, mais aussi, comme celle émise par Pitchfork, d’autres qui vous descendent carrément. Avez-vous une explication ?

N. : il existe différente causes à ce phénomène. Parce que lorsqu’on est ambitieux, et je pense à un groupe comme les Clash ou à des formations qui sont ‘plus grandes que leur nom’, le public a une réaction plus tranchée. On est pour ou contre. Et puis, on a tellement polarisé son attention depuis longtemps que sans s’en rendre compte on a placé la barre rapidement très haute. Tout dépend de la manière dont les individus découvrent un groupe. En ce qui nous concerne, nous avons été essentiellement révélés par nos concerts et internet. Et c’est totalement différent de quelqu’un qui découvre un groupe par lui-même ou par l’intermédiaire d’un ami. Parce que tu as peut-être moins d’attente. C’est une règle pour tous les groupes ; mais en ce qui nous concerne, cette situation a provoqué une bipolarisation entre ‘ceux qui nous aiment’ et ‘ceux qui ne nous aiment pas’. Alors que lorsque tu entames ta carrière –un acteur, un chanteur– tu voudrais que tout le monde t’aime. C’est même un objectif ! Pourtant quand on a réalisé que l’avis du public était si tranché à notre égard, on en a conclu qu’il avait quelque chose de positif ; car il oblige les gens à avoir une position franche par rapport à ta musique.

Mais revenons à Pitchfork. Leur critique est aussi très contradictoire. Elle attaque beaucoup vos références religieuses. On se demande même si ce n’est pas un règlement de compte personnel !

N. : Nos textes se rapportent souvent à de simples références à la musique pop. Des références qu’on adore. De Bob Dylan à Tom Waits en passant par Leonard Cohen. Il y a toujours un sens spirituel chez ces artistes. Leurs morceaux abordent des thèmes sérieux et fondamentaux. Mais enfermer notre musique au sein d’un concept religieux est très réducteur. Cette réaction s’écarte réellement de la véritable nature de notre musique. Car elle n’est pas religieuse. Elle reflète simplement un éventail de styles que nous aimons. Mais franchement, on s’en fout de ces réflexions, non ? Enfin, les médias, tu sais…
M. : On ne voulait pas édicter un quelconque dogme religieux, mais rappeler quelques principes fondamentaux de la morale. Car aujourd’hui, elle est tellement bafouée. Ou même tout simplement oubliée. Quels groupes s’en soucient encore ? On voulait aborder des sujets un peu plus profonds. Le discours de notre deuxième album a été stéréotypé. Un exemple ? Nous avons osé décréter que boire 73 bières en une nuit, n’était pas vraiment une bonne idée… Cependant, il y a un message un peu plus profond là derrière.
N. : Ces médias prennent leurs cibles pour des idiots. Mais ce sont leurs jugements qui sont stupides. Ils ne se rendent pas compte que n’importe quel bon groupe véhicule des idées intelligentes. J’en reviens au Clash. Leurs messages étaient parfaitement négociés. Et c’est ce que les gens attendent ! Sauf peut-être les ados. Mais toutes les autres générations confondues préfèrent écouter des lyrics qui ont du sens. Autre chose que ces textes qui invitent juste à faire la fête, à prendre du bon temps, parlent de ‘fun’ et de sexe. Et il est dommage que lorsque tu essaies de trouver une alternative, les médias ricanent derrière toi…

 

 

Cali

Ne pas oublier les lo(Cali)tés…

Écrit par

Lors de la tournée de concerts intimistes, programmée à travers la Wallonie, Cali s’est produit à la Maison de la Culture de Tournai. Une belle occasion pour l’interviewer. Rencontre avec un personnage sincère, réellement sympathique et amoureux de notre Belgique.

Autant l’écrire tout de suite, la plupart des vedettes de la chanson ou de variétés françaises n’accordent (lorsqu’elles vous l’accordent), en général, qu’un temps d’interview très limité. Souvent même minuté. Soit par souhait de l’artiste ou tout simplement par décision de leur management. Et je craignais le pire ce soir, après avoir transité par Live Nation, le label et enfin un attaché de presse… Car finalement, un autre contact m’annonçait vers 16 heures que l’interview prévue à 18 heures serait déplacée à… minuit !

Et pourtant, une fois face à Bruno (alias Cali) et son entourage, tout s’arrête. La générosité dont vient de faire preuve le Français sur scène, ainsi que tout son staff –sa ‘famille’ comme il l’appelle– va se prolonger pendant la bonne demi-heure d’interview. C’est juste à sa sortie de scène que Bruno est attendu. Très affable, il nous demande gentiment de patienter 5 minutes, le temps de prendre sa douche. Mais surprise, une bonne vingtaine de fans féminines ont été autorisées à faire la file devant la loge. Cali est à peine rhabillé que celles-ci se bousculent au portillon pour le rencontrer. Aussi, il me demande toujours aussi poliment d’attendre encore 5 minutes. Et nouveau témoignage de sa générosité, il ne va pas leur consacrer 5, mais 20 minutes, au cours desquelles il va signer des autographes ou se faire mitrailler par les flashes des admiratrices. Son producteur finira quand même par écourter la séance. Juste avant d’entamer l’entretien, je leur demande quand même le temps qu’il me reste pour cette interview. Ils me rassurent tous les deux, en m’invitant à prendre tout le temps nécessaire pour la réaliser. Je n’en croyais pas mes oreilles, et pourtant, c’était la vérité…

Vous vous transcendez toujours sur scène. Où puisez-vous votre énergie ?

Et bien figurez-vous que ces derniers jours j’étais fiévreux. A quelques heures du concert, je me demandais encore comment j’allais me débrouiller pour assurer le spectacle. Mais la scène c’est ma vie. Je me sens plus vieux quand je ne suis pas sur les planches. Et puis il y a ce public. Beaucoup d’artistes commencent d’ailleurs leur tournée par la Belgique pour se mettre en confiance.

Vous prenez également le temps de rencontrer vos fans…

C’est adorable de les rencontrer, et j’en profite. Un concert permet de passer la journée avec ses amis, répéter ; mais aussi, après le spectacle, de consacrer du temps à ses fans.

Après Forest National en 2008, vous avez opté pour la formule de la tournée acoustique et dans des petites salles. Pourquoi ce choix ?

En fait ce n’était pas prévu. Fin octobre 2008 on pensait arrêter après la tournée des grandes salles et des festivals. Et puis j’ai rappelé mes copains. J’avais besoin de rhabiller mes chansons. De les interpréter sous un format plus intimiste. Il est aussi important de se produire un peu partout et pas uniquement dans les grandes villes.

En 2007 vous aviez annoncé vous ménager une trêve. Elle a été de brève durée…

(rires) C’est vrai ! Depuis 2003, je n’ai pas vraiment arrêté. Ma tournée s’achève fin juin et puis je vais m’imposer un gros break. Je vais quand même jouer en compagnie d’un groupe qui s’appellera ‘Les Hyènes’. Seront impliqués le batteur et le bassiste de Noir Désir.

Votre label vous impose-t-il de débattre de votre album ?

Oh non, c’est pas grave, tu es libre de causer de ce que tu veux, tu sais ! Tu peux me poser toutes les questions que tu souhaites...

Merci, mais parlons en quand-même. Un live serait-il en préparation ?

Et oui, je peux même t’avouer que les concerts de Tournai et Mons serviront de ligne de conduite. Mais ce disque sera couplé avec la tournée électrique qui avait visité les grandes salles, en 2008.

Un mot sur notre compatriote Karin Clercq qui vous accompagne en première partie…

Je l’adore. On a partagé des scènes ensemble à nos débuts. Et là je suis content de la retrouver. C’est une artiste qui n’hésite pas à se remettre en question. A changer de formation. Elle m’interpelle beaucoup car elle évolue constamment. Et c’est très important.

Y a-t-il une question que vous aimeriez que l’on vous pose ?

J’aimerais surtout évoquer notre date du 10 mai aux Nuits du Botanique au cours de laquelle nous partagerons l’affiche avec Matthieu Boogaerts. Je suis très content d’y retourner. Je suis déjà passé par toutes les salles du Bota.

Que manque-t-il encore à votre brillante carrière ?

Je suis fier d’avoir chanté en compagnie de Simple Minds et des Waterboys. Mais aussi de Goeffrey Burton, dont le groupe Hong Kong Dong devrait bientôt percer. Mais lors d’une émission du ‘Grand journal’ de Canal +, j’ai eu la chance de croiser les musiciens de U2 et j’ai demandé une dédicace à Bono. Je rêve d’un duo avec lui. J’adorerai aussi partager l’univers d’Anton Corbijn.

Vous avez du succès auprès du public féminin ?

Ce qui me réjouit avant tout, c’est de voir des familles entières se déplacer pour assister à mes concerts. Quand je vois des grands-parents (NDR : et il y en avait dans la salle) et des petits-enfants qui se côtoient, cela me fait chaud au cœur.

Lorsque je me lève pour remercier Cali et clôturer cette sympathique interview, il n’hésite pas à prolonger la discussion.

Tiens je vois à ton T-shirt que tu es fan des Pogues, j’adore aussi, m’avoue-t-il…

Il me questionne sur l’actualité du groupe, sur la photo. Il revient à nouveau sur le Botanique… Bref la discussion se prolonge encore quelque temps. Cependant, je ne tiens pas à abuser, et quitte les lieux, après l’avoir vivement remercié de son accueil. Sans quoi, j’ai vraiment l’impression que nous en avions encore pour toute la nuit, à discuter…

O’Death

Esprit, es-tu là?

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Une interview qui débute face à trois interlocuteurs, et se termine en compagnie du line up au complet, ce n’est pas courant. Et pourtant, il n’a pas fallu plus de 10 minutes pour que l’ensemble du quintet newyorkais décide de participer activement à l’entretien. Des gars extrêmement sympathiques qui, quelques minutes auparavant, avaient terminé un mini-set destiné aux enfants, accordé en fin d’après-midi. Seul souci, en décryptant la bande d’enregistrement, pas toujours facile de reconnaître qui avait pris la parole. Il a donc fallu, parfois, extrapoler. Ah oui, et pour que vous vous y retrouviez, Greg Jamie est le chanteur/guitariste, Gabe Darling le préposé au banjo, Bob Pycior, le violoniste, David Roger-Berry le drummer et Newman, le bassiste…

Question bateau pour commencer, pourquoi avoir choisi un patronyme aussi funèbre ? Rien de bien extraordinaire, puisqu’il s’agit d’une chanson traditionnelle américaine qu’ils interprétaient en studio à leurs débuts. Elle figure d’ailleurs sur leur premier opus, ‘Carl Nemelka Family Photographs’, paru en 2004. Par contre, la mort, on peut dire que le combo a été confronté à cette épreuve, puisque David Rogers-Berry, le drummer a perdu sa fiancée, il y a plus ou moins deux ans, victime d’une rupture d’anévrisme. Le dernier album recèle d’ailleurs une chanson qui lui est consacrée, ‘A light that does not dim’. Qu’ils interprètent même en ‘live’. Mais que ressentent-ils, et en particulier David, lorsqu’ils la jouent en public. Le principal intéressé semble surpris de la question mais n’élude pas le chapitre. « Cela a un effet catharsis. De temps à autre, c’est un bon feeling. A d’autres moments, c’est plus difficile, et j’y pense très fort. Mais quand vous jouez cette chanson tous les soirs, son sens profond finit par vous échapper… » La mort et le sexe sont deux sujets qu’on retrouve régulièrement dans leurs lyrics. Dans son essai poétique, ‘The Lords’, Jim Morrison liait déjà intimement ces deux pôles. Newman admet : « Le sexe et la mort sont probablement les deux pierres angulaires de la vie. L’histoire l’a démontré… » Des lyrics souvent proposés sous la forme de contes, qui parlent de magie de sorcellerie et de spiritisme. Il était donc bon de savoir s’ils étaient inspirés par des légendes pour écrire de telles fables. Ou si elles étaient le fruit de leur imagination. Pourquoi, ils écrivaient de tels récits ? Et enfin, s’ils croyaient à ce qu’ils racontaient. Aux esprits, à la vie après la mort, à un dieu ? Vaste débat ! Ils se regardent tous en se demandant qui va répondre ; mais c’est Gabe qui se jette le premier à l’eau : « Nous sommes les auteurs de ces paraboles. » Et Greg d’embrayer : « La plupart d’entre elles sont inventées de toutes pièces. Mais certaines d’autres possèdent une signification historique. Ce qui nous intéresse, c’est de proposer une autre approche de la mythologie, de créer notre propre imagerie. » Gabe argumente : « L’imagerie est quelque chose d’essentiel. Le langage imagé est plus important que l’image elle-même » Newman s’épanche : « Cependant, le fait de s’intéresser à la sorcellerie et au spiritisme ne veut pas nécessairement dire que nous croyons à la vie après la mort. Les deux thèmes ne sont pas nécessairement liés. Néanmoins, oui, je crois à la magie. D’autant plus que nous avons vécu des événements qu’on ne peut pas expliquer de manière rationnelle ». Bob insiste : « Tu crois que nos esprits se promènent ? » Gabe revient à des propos plus terre-à-terre : « Ce qui nous passionne, c’est ce qui se passe aujourd’hui ; et notamment les problèmes écologiques… » Car, entre les lignes, le groupe cherche à faire passer un message de retour à la nature. Ce qui évidemment me fait penser à la philosophie prônée par les hippies, à la fin des sixties. La question déclenche de grands éclats de rires. Gabe réagit : « Ce n’est pas une philosophie, mais plutôt une frustration par rapport à notre civilisation. Par exemple quand tu analyses le stress éprouvé par la population de New York City ou de L.A., il y a de quoi se poser des questions. La société contemporaine est devenue égoïste. Egocentrique, même. Beaucoup plus que celle des sixties. Et elle n’en a rien à cirer de l’environnement. Or, il est urgent de s’en soucier. D’essayer de le sauvegarder. » Greg insiste : « Nous sommes capables de dépasser nos petits problèmes du train-train quotidien de la vie en groupe. Nous nous intéressons à des valeurs bien plus fondamentales, primordiales même. Nous nous soucions des aspects de la vie qui ne nous sont pas familiers. Comme par exemple les problèmes relatifs à la nature. On est sensibles à ces sujets, auxquels, apparemment, le commun des mortels ( ?!?!) n’a pas le temps de se préoccuper… »

‘Broken hymns limbs and skin’, leur dernier album a été produit par Alex Newport, un personnage dont la carte de visite mentionne des mises en forme d’elpees de Mars Volta, Two Gallants, Rival Schools, Death Cab For Cutie, Me First and the Gimme Gimmes, At the Drive-In, The Melvins, Sepultura ou encore System Of A Down. Envisagent-ils de collaborer à nouveau avec lui, pour le prochain opus ? Newman réagit immédiatement : « Non. Parce qu’on ne peut plus se le permettre. C’est un cher client. Et pourquoi on l’avait quand même engagé ? C’est parce qu’il avait accepté de baisser ses prix. Même que c’était encore trop onéreux. Finalement, c’est notre label qui s’est chargé de régler la différence. Bien sûr il est un excellent ingénieur du son autant que très bon producteur, mais ce n’est pas sur notre dos qu’il se fera de l’argent. » Gabe a son avis personnel sur le sujet : « En fait, je pense qu’il est plus judicieux de bosser, pour chaque disque, en compagnie de producteurs différents, car ils apportent à chaque fois des perspectives d’enregistrement différentes. » Newman ajoute : « Heureusement, cet album a été réalisé en deux temps trois mouvements. En fait, les morceaux étaient rôdés depuis au moins deux ans. Et Newport a mis trois jours pour tout ficeler. » Gabe enchaîne : « Mais pour le prochain album, on va y consacrer plus de temps ». De nouvelles chansons ont-elles déjà été écrites ? Greg confie : « On vient d’en composer une nouvelle » Pour un nouveau 7 inches ? Probablement, puisqu’apparemment le groupe a l’intention de sortir davantage de disques sous ce format. Gabe nuance : « Il faudra voir. Nous avons déjà concocté des covers qui sont parues en single » Newman explique : « Effectivement, on a enregistré une chanson à Hambourg. Elle est destinée à un 7 inches. Nous étions en congé… » Bob lui coupe la parole : « Il faut être fou pour passer toute la journée dans un studio… » Mais quelle est la part d’improvisation dans le répertoire de O’Death ? Bob reprend le crachoir : « On n’improvise pas tout le temps. Maintenant, il arrive qu’une chanson naisse d’une session d’impro. » Greg confirme : « Quoiqu’il arrive, il y a toujours de l’impro. Mais il faut un élément déclencheur. Alors l’inspiration nous tombe du ciel. » Newman a sa propre idée sur le sujet : « Ce phénomène arrive surtout sur scène. Pas comme lors d’une session de jazz. Mais parce qu’on bondit, fait des cabrioles, se bouscule, balance des vannes… C’est aussi de l’impro. » Gabe poursuit : « Une même chanson est jouée des centaines et des centaines de fois, et donc inévitablement, lorsqu’on la maîtrise parfaitement, on est capable de l’interpréter différemment. » Bob intervient : « On peut y mettre davantage d’effets de violon, de reverb… » Greg donne un point de vue plus pointu : « Mon impro se focalise davantage sur les lyrics. Notamment, quand je formule des paroles différentes de celles du texte original. C’est un peu comme je le sens. » Impro ou pas, David est lui très intéressé par les percussions insolites, à l’instar de Meric Long et Logan Kroeber des Dodos. « J’ai toujours aimé collectionner ce type de matos. J’en fabrique également. Mais je vis dans une maison trop petite pour pouvoir entasser tout ces instruments. Au cours des huit dernières années, j’ai déménagé au moins une fois par an. Et chaque fois, mon domicile est encombré d’un tas de brol. Il me faudrait davantage d’espace pour pouvoir entreposer tout ce que j’acquiers. Un jour j’aurais un studio. Et je pourrais y mettre au moins douze pianos. »

La musique d’O’Death n’est pas vierge d’influences. Violent Femmes, Gogol Bordello et les Pogues, semblent, à mes oreilles, les plus évidentes. A voir maintenant si le groupe partage cet avis. Gabe reconnaît : « Il est sûr que nous sommes très enthousiastes quand on nous parle de ces trois groupes. Ils jouent du folk dans le meilleur sens du terme. D’une manière énergique. » Newman confirme : « Indéniablement, on est influencé par ce type de rock folk énergique, dynamique, rapide, souple, efficace. Et puis on ne nie pas avoir été marqués par des groupes de pré-heavy métal. Peut-être même plus proches du punk que du métal. En fait, ce qui nous botte, c’est l’énergie qu’ils libèrent. On aime ainsi autant Black Sabbath que les Ramones. » O’Death puise aussi ses sources dans la musique gothique et appalache. Un peu comme 16th Horsepower ou Wovenhand. Gabe commente : « J’ai rencontré David Eugene Edwards récemment. En fait, ce sont nos racines qui sont proches. Celles héritées de la tradition. Du gospel aussi. Quand tu es jeune, tu as une approche académique de la musique. Mais au fil du temps, tu construis ton propre style et tu dépasses tes propres influences. Tom Waits est également un personnage qui me fascine. A cause de sa manière d’intégrer différents styles et différentes époques dans sa muse ». Pour en rester aux références, le quintet new-yorkais apprécie tout autant Outkast que John Fahey. Explications confirmées par Newman. « Absolument, parce que l’ex-rappeur de Wu-Tang Klan est quelqu’un qui a marqué le hip hop. Mais c’était il y a cinq ans. Aujourd’hui, ce style musical est devenu insipide. Quant à Fahey, je ne sais pas où tu es allé chercher tes infos. Fallait gratter pour le savoir. Il s’agit d’une de nos influences les plus obscures. En fait, nous sommes intéressés par l’approche scientifique de sa musique… »

Merci à Vincent Devos

The Bony King Of Nowhere

L’important, c’est le groove…

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C’était il y a deux ans, dans une review consacrée au festival Pukkelpop. Votre serviteur écrivait ceci: ‘La dernière journée du Pukkelpop commence en douceur par The Bony King Of Nowhere. Derrière cet étrange nom, se profile le jeune Gantois Bram Vanparys, grande promesse qui s’est révélée au public lors d’un concert de Devendra Banhart. Le jeune homme est ainsi sorti d’un relatif anonymat. Par la suite, il a remporté un concours rock (De Beloften), joué à l’occasion des défricheuses soirées Rock&Brol et figure à l’affiche du prestigieux festival Domino à l’Ancienne Belgique. Et croyez-nous, ce garçon ne va pas s’arrêter en si bon chemin.’ La preuve par neuf: à 22 ans Bram Van Parys sort “Alas My love”, un premier album prometteur qui confirme, en partie, son grand talent.

Tu es très jeune, mais il y a beaucoup de mélancolie dans ta musique et tes chansons abordent des thématiques sérieuses comme la mort (dans « Maria »). D’où te vient ce spleen?

Je ne sais pas… Prenons l’exemple de “Maria”: j’ai écrit la mélodie de cette chanson en une demi-heure. Les paroles m’ont pris dix minutes. Quand je l’ai composée, je n’avais pas du tout l’intention d’écrire à propos de la mort. C’est seulement un an plus tard que la signification du morceau est devenue claire pour moi: un homme est en train de mourir, il ne lui reste plus que quelques heures à vivre. La Vierge Marie lui apparaît et lui dit qu’il sera en sûreté dans les bras des anges: ‘Oh Lord, they have come. They took me high in heaven’… Une chose étrange est arrivée quand nous enregistrions “Maria” avec Koen (NDR : Gisen, producteur de “Alas My Love” et collaborateur d’An Pierlé). Je cherchais une nouvelle guitare pour la chanson et un jour j’en ai trouvé une très bonne et ancienne qui valait une petite fortune. Le type qui la vendait la cédait pour très peu d’argent. Je suis allé le voir en lui demandant pourquoi il bradait une aussi bonne guitare. Il m’a répondu qu’il était en train de mourir et qu’il n’en avait plus que pour quelques mois… J’étais abasourdi, je ne savais pas quoi dire… J’ai acheté la guitare, je l’ai amenée au studio et enregistré “Maria”. Après tous ces événements, tout est clair pour moi maintenant: il y a trois ans j’ai écrit cette chanson pour cet homme, en ignorant que j’allais le rencontrer deux ans plus tard…

Ta musique, ton nom de scène et ta voix doivent beaucoup à Radiohead. Est-ce que la bande à Thom Yorke est à l’origine de ta vocation pour la musique?

C’est seulement un des nombreux groupes qui m’ont incité à faire de la musique… il y en a vraiment trop pour tous les énumérer…

Tu mentionnes une autre influence dans ta bio, beaucoup plus originale: l’excellent chanteur brésilien Tom Zé. Qu’est-ce qui t’as le plus influencé dans sa musique? Ses travaux des années 60/70 ou son retour dans les années 90/2000?

Plutôt ce qu’il a accompli au cours des sixties et seventies. J’aime beaucoup la façon dont il arrange ses morceaux. Par exemple, il fait jouer un riff par quatre guitares différentes et chacune joue seulement certaines notes de ce riff. Il jongle ensuite avec la stéréo et le résultat est vraiment étrange… J’adore aussi les chœurs, les percussions bizarres qui traversent les titres et le son typique des années soixante! Tom Zé est le Léonard Cohen brésilien!

D’un autre côté, sur “Alas My Love” il n’y pas vraiment de chanson évoquant la musique de Tom Zé…

Ouais, peut-être que tu as raison, mais ça ne veut pas dire qu’il ne m’a pas influencé! J’ai aussi été marqué par les Beatles, mais il n’y a encore personne qui m’a dit que “Alas My Love” lui rappelle les Beatles. D’un autre côté, “Adrift” est, je pense, surtout inspiré par le mouvement ‘tropicalista’ (NDR : courant pop avant-gardiste brésilien des années 60) et même Ennio Morricone.

Justement, parlons d’“Adrift”. C’est un instrumental percussif surprenant sur ce cd. C’est aussi une bouffée d’air frais dans ta musique. Envisages-tu de développer cette approche sur ton prochain disque?

J’aime bien le son de ce morceau. Ce n’est pas vraiment une chanson, c’est un peu plus expérimental. Peut-être que le prochain album ressemblera à “Adrift” et “My Invasions”. Ce sont aussi les chansons les plus récentes. Je compare “Adrift” à la bande originale d’un film: quand je l’entends, je peux voir et sentir le désert. Les voix à la fin me font penser à un vieux train qui passe…

Ca t’intéresserait de composer la musique pour long ou court métrage ?

Hmmm, bizarre… chaque fois que je réponds à une question, la question suivante est dans ma réponse précédente! En tout cas oui, c’est quelque chose que j’aimerais réaliser. Je n’écrirais pas des chansons à proprement parler, mais plutôt des vignettes sonores… dans le style d’“Adrift”!

Qui est ton réalisateur favori?

J’aimerais disposer de plus de temps pour regarder des films… Mais j’aime beaucoup David Lynch, Sergio Leone, Oliver Stone…

La presse a beaucoup parlé de toi avant que tu sortes ce disque. Les Inrocks ont écrit que ‘la Belgique avait trouvé son Devendra Banhart’ et Le Soir a consacré des articles élogieux sur ta musique. Comment as-tu géré la pression et l’attention des labels qui t’on courtisé?

C’était très flatteur bien sûr, mais à l’époque je n’étais pas prêt à enregistrer un album complet. Je savais que mes chansons n’étaient pas encore assez bonnes pour être gravées sur disque. Je disais à tout le monde d’attendre encore deux ans. Maintenant il est terminé et je peux finalement dire qu’il est très bon. Ca valait le coup d’attendre!

A propos de Devendra Banhart, on dirait que son influence sur ta musique est beaucoup moins palpable que dans le passé. Tu n’écoutes plus ses disques?

Aaaah, tu as remarqué! C’est vrai. J’aime toujours la musique de Devendra Banhart ; mais aujourd’hui, je préfère me tourner vers les ‘maîtres’: les Beatles, Moondog, Tom Waits, Leonard Cohen, Tom Zé, les Stones, Karen Dalton, etc.! J’estime plus intéressant de me pencher sur la manière dont ces gens écrivaient, arrangeaient et produisaient leurs compositions. Pour l’album, Koen a uniquement utilisé du vieux matériel (micros, préamplis). Le son d’“Alas My Love” est sombre, et on n’a retravaillé aucune compo. Quand une guitare enregistrée était un peu désaccordée, fausse, on s’en foutait et on ne touchait plus à rien. Même chose pour les batteries: si une prise n’était pas tout à fait dans la mesure, on la laissait telle quelle. Tant que le groove était bon, c’est ce qui était important. Si tu écoutes un classique comme “Sympathy for the Devil”, les percussions ne sont pas vraiment dans le temps, mais putain qu’est ce que ça groove! Et est-ce que quelqu’un trouve quelque chose à y redire? Je ne pense pas…

Je t’ai vu plusieurs fois en concert ces dernières années. A chaque fois, j’étais surpris de constater que les membres du groupe avaient changé. Est-il difficile de trouver de bons musiciens ou tout simplement des collaborateurs motivés pour la musique?

Tout d’abord, ce n’est pas facile de travailler avec moi! Je me braque vraiment sur tous les détails… Mais surtout, comme tu dis, il est très difficile de rencontrer les bonnes personnes. J’avais deux choix: engager des professionnels et tuer le feeling dans ma musique ou alors dénicher des jeunes qui avaient envie de travailler. Et par là je veux dire vraiment travailler, pas juste s’amuser ou passer le temps. J’ai bien entendu choisi la seconde option, mais c’était la plus difficile à mettre en place! Le plus dur était de leur expliquer l’atmosphère et le type de groove que j’essayais d’obtenir. Quand tu écoutes le cd, tu te rends compte qu’il y a plein de détails, plus que tu n’en imagines. Obtenir la même atmosphère sur scène était vraiment très difficile. On a dû répéter deux mois pour seulement apprendre tous les arrangements du disque. Et je dois avouer qu’on n’a pas rigolé tous les jours… on a même failli en pleurer! Mais maintenant on vient d’accorder deux concerts sold out à l’Ancienne Belgique et au Vooruit ; et on a pris notre pied. On n’en revenait pas. Les spectateurs ont partagé notre bonheur également, et c’est dans ces circonstances que tu comprends pourquoi tu as choisi ce métier!

A quel type de formation peut-on s’attendre sur scène alors?

En gros, des guitares acoustiques et électriques, une batterie, des claviers, une basse mais on a recours à davantage d’instruments en ‘live’, peut-être trop : une orgue, un Rhodes, un piano acoustique, un synthé, beaucoup de percussions, un ukulélé, d’autres guitares, un xylophone… Ah oui j’oublie: il y aura aussi des tas de chœurs!

Imaginons qu’une radio t’invite à reprendre en studio un morceau des Beatles? Ils te proposent d’interpréter un de ces trois titres : “I’m only sleeping”, “Eleanor Rigby” ou “Good Night”. Lequel choisis-tu?

“Good Night” est la plus belle des trois mais en même temps c’est la plus compliquée… Ca serait un bon challenge mais j’aurai besoin de mon groupe alors. Pourquoi tu demandes? Il faut qu’on commence à répéter?!

Comment imagines-tu ta situation, dans dix ans? Reconverti dans un boulot classique, toujours impliqué dans la musique intimiste ou alors embarqué dans une aventure noise-rock psychédélique, dans un groupe?

Toujours dans la musique! Mais je n’ai pas la moindre idée du style…

Veence Hanao

Les robots et les humains…

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Rencontre avec ce jeune emcee hyperactif dont le premier album officiel est paru après une multitude de passionnants projets underground encore téléchargeables gratuitement sur le net. Veence Hanao est passionné par les beats innovants de Madlib et du défunt Jay Dee mais aussi par des fines plumes de la chanson française comme Gainsbourg. Ce qui donne un mélange musical audacieux et prometteur qu’on vous enjoint à découvrir au plus vite !

Pour « Saint-Idesblad », tu t’es passé des beats de ton fidèle complice Noza. Qu’est-ce qui t’a amené à vouloir assurer les parties musicales et les paroles ?

J’ai bossé pendant des années en compagnie de Noza ; et il y aura certainement encore d’autres projets en commun. Ce gars est super talentueux. Simplement, sur celui-ci, j’avais besoin d’être seul dans ma bulle, de m’évader quelque temps, et d’aller au fond de mon univers. Aussi bien pour le fond que pour la forme. Je pense que cette envie se ressent à l’écoute du disque. C’est une ‘tranche de vie’, témoignage plutôt très personnel, relativement ‘fermé’ en ce qui concerne les possibilités de conception. Quant à l’aspect purement pratique, la plupart l’ignore, mais il y a des années que je produis des sons (depuis mon premier groupe SLK). Par exemple : « Midi Pile » sur Autumn I, « Photo de classe » sur Autumn II, « Anal Sex » sur le projet de Claud’French… J’ai senti qu’il était temps que je le fasse.

« Manège » me fait un peu penser à « Where’s my Mind ? » des Pixies, c’est un hommage ou le pur hasard ?

Un pur hasard ! On me l’a fait remarquer à mon retour à Bruxelles, quand l’album était bouclé. Cette allusion ne m’inquiète pas. Au contraire, cette histoire me fait marrer. Puisqu’on m’a déjà posé la question, c’est bien ma voix, et pas un sample grossier. Par contre, le hasard fait bien les choses, si l’on observe que mon premier projet solo s’ouvrait sur un sample de Tyler Durden (du film « Fight Club ») et que « Where’s my Mind » des Pixies a été utilisé pour le climax de ce même film. Etrange…

Pour le clip de « Manège », on te voit déambuler à la Foire du Midi, comment s’est passé ce tournage ?

Très bien ! Et relativement à l’arrache, comme on aime. Toute l’équipe (Florent Sauze – Eve Duchemin) était sur la même longueur d’ondes. On voulait un clip ‘cinéma/docu humain’ dont le grain sente la vraie vie plutôt qu’un clip de ‘graphiste/studio’ trop parfait, tourné sur fond vert, comme beaucoup le sont aujourd’hui. On l’a tourné au feeling, freestyle, caméra épaule, let’s go. On a arpenté la Foire comme si on filmait un docu et ils ont pris les images que la vie nous donnait, plusieurs soirs d’affilée, dont la clôture, le dernier jour, afin de capter le départ des forains. On pensait qu’on nous ferait chier davantage, mais les gens ont été cool. Notre plus gros obstacle, finalement, aura été ma réticence à monter dans certaines machines infernales. J’ai un putain de vertige.

Comme pour le projet « Autmun », le jazz est omniprésent dans « St Idesbald ». Il contribue à l’atmosphère sombre et enfumée de l’album. Dans quels disques puises-tu la matière sonore ? D’où te vient la passion pour cette musique ?

Passionné, c’est un grand mot. J’écoute autant de jazz que de chanson française, de rap ou d’électro. C'est-à-dire en petite quantité (rires). En fait, j’ai un rapport bizarre à la musique. J’ai accroché au jazz et à la soul grâce à des sons Hip Hop signés Jay Dee, Pete Rock, Mos Def, Talib Kweli, Madlib ou même Oxmo, Rocé et consorts. C’est un domaine que j’explore depuis des années. En essayant de savoir ce qu’ils avaient samplé. Puis d’écouter un peu la racine, et au-delà, les grands noms qui m’avaient déjà, c’est vrai, un peu giflés (rires) ! C’est donc un contact indirect. A la base, je suis de formation classique. A 12 ans, stop, j’ai bouffé du Hit Box, comme tout le monde. Puis du rap, comme beaucoup. Puis toujours du rap, mais plus le même. Et ça m’a fait du bien d’écouter un autre genre de Hip Hop. Le jazz et la soul m’intriguent particulièrement, c’est vrai, car ils me renvoient des images, des ambiances, des sensations. Atmosphère sombre, mouais. Enfumée, à mort. Hallucinée, un peu. En quelques notes tu te retrouves dans un film. Le jazz, j’ai l’impression qu’il permet de pleurer en souriant. Ou l’inverse, je ne sais pas. Quant aux disques dans lesquels je puise, bah je fonctionne par heureux/malheureux hasard, m’aventurant dans des vieux bacs, soldes de braderies, brocantes et vieux greniers …

Le grand absent musical du disque, c’est le rock. C’est un genre qui te passionne peu ?

Il y a des choses énormes, mais dans le rock actuel, j’ai du mal, je ne sais pas. C’est peut-être parce qu’en Belgique, l’establishment culturel rock m’a saoulé. Mais j’écoute cependant certains trucs.

« Saint-Idesbald » est un disque où tu saccages et sabotes les formats ‘chanson’. Est-ce que tu as déjà essayé de démarcher les grosses radios de la bande FM pour obtenir quelques passages ? Quelles sont les réactions ?

Et dire que j’ai fait quelques efforts (rires). « Manège » et « Force et Honneur », non (rires) ? Non, sérieusement, il est trop tôt pour que je puisse répondre à cette question. Nous sommes occupés de négocier.

On sent un certain désabusement dans ce disque. Qu’est-ce qui t’inspire ce dépit ? La précarité à laquelle est (souvent) condamné un artiste en Belgique ou la ‘robotisation’ de la société, dont tu parles dans les « Robots » ?

Tout ! Oui, la robotisation, l’abrutissement, la culture imposée, nos références prises pour vérités, nos médias, le côté ‘carotte devant l’âne’, les œillères qui en découlent, la difficulté voire l’impossibilité de se soustraire à ce régime sans passer pour un branleur, un malade ou un danger… Les émissions « Next » ou « Parental Control » diffusées en journée devant des gosses qui n’ont pas nos grilles de lecture ; de quoi devenir crétins et on le cautionne. Le mec lucide en vient à se sentir anormal de n’être pas intéressé par la même chose que les autres, de ne pas vouloir une caisse, un écran de 3 mètres, une baraque, un jardin, un i-Pod… Paraît que j’suis un con parce que je ne veux rien foutre de mes journées sinon de la musique. ‘Je n’ai envie de rien, suis-je normal ?’ Je ne comprends pas pourquoi je devrais passer ma vie à la gagner. On la vit quand alors ? Mais la peur l’emporte. La notion de sécurité est bien ancrée. Salaire, pouvoir d’achat = outils de survie modernes. La peur de tout perdre. L’individu est vraiment un tube, cette fois. Bosser/acheter, gagner/jeter. Poursuivre un idéal vendu. Bouffer, chier. ‘On ne va pas refaire le monde’ ! Et tout paraît normal. Je ne suis pas pessimiste, mais réaliste : il n’y a plus rien ! En tous cas, pas de ce côté-là. Il reste des petits plaisirs du quotidien humain. Je pense qu’une discussion de comptoir vaut toujours mieux qu’un samedi devant Arthur. Rencontrer des gens, le dialogue, les barres de rire, les regards codés, décodés, pas ceux qui fuient en rue, les moments spontanés et privilégiés, les échappées, les filles, le cul, une bonne bouffe, la peau grillée sur du poulet, une Duvel (rires). Non mais c’est sérieux… Il reste l’humain derrière les machines. Dur à trouver, mais il doit être là quelque part.

Est-ce que la multiplication de projets dans le collectif d’artistes que vous formez (Festen, Autumn, Claud’French, Carl) ne crée pas une confusion dans l’esprit des gens qui essaient de vous suivre ?

Bah, au pire ils se disent que les différents projets sont issus de la même ‘famille’ ; mais je trouve que chacun d’entre eux est assez bien identifié et identifiable. C’est la raison pour laquelle on leur a attribué un nom différent. Jusqu’ici, iles étaient underground et touchaient des gens relativement initiés. Sans quoi ils n’auraient pas eu vent de nos activités. Sinon, ouais, faut un peu creuser (rires). C’est possible qu’il y ait une confusion, mais cette situation ne nous tracasse pas. On fait ce qu’on veut et ce qu’on aime, et je pense que les gens ne sont pas cons. D’ailleurs, il aurait été pire de tout regrouper sous une même appellation. Ici, chaque projet a son nom et sa couleur. A ce propos, en faisant abstraction de mon album, un nouveau verra le jour en 2009 : DAWNZONE (Teme Tan et moi-même). On finalise, c’est une méduse, c’est pour bientôt.

Vous n’avez jamais pensé à enregistrer un disque en impliquant tout le collectif, à la manière du Wu-Tang dans les années 90 ?

Je pense que cette idée nous a traversé l’esprit… mais elle n’a pas fait long feu (rires). Plus sérieusement, on aime bosser en binôme ou en trio, mais sinon, c’est trop compliqué. Nos personnalités sont trop complexes et trop chiantes.

Tu es un des rares Mc francophones belges à toucher d’autres personnes que le public hip hop de base. Baloji a pas mal puisé dans la soul et le funk pour pondre un disque très ambitieux et James Deano a privilégié l’humour. C’est quoi ta recette ?

Je ne sais pas. Il n’y a pas de calcul. Heureusement pour l’intégrité de ma démarche. Je n’ai pas cherché à quitter le rap –j’estime d’ailleurs que ce n’est pas le cas– pour un plus grand public. Simplement, je tiens à être fidèle à ce que je suis, sans démagogie, sans me plier aux modes et pressions de mes différents environnements. Résultat, je suis au carrefour de plusieurs intentions. Je veux pleurer et rire, faire du son et du texte, gueuler et chuchoter, parler de robots ou de sexe, que ma musique me fasse du bien, ne soit pas commandée, que mes textes soient des tranches de vie et qu’il se passe un échange.

A l’inverse, comment es-tu perçu dans les sphères de ce que tu appelles le ‘rap social’ ?

Ca dépend. Il y a des mecs fermés, et d’autres pas. J’ai d’excellents rapports avec certains groupes de la scène belge. Pour d’autres, par contre, je fais du rap institutionnalisé, bourgeois, récupéré. C’est leur avis. Qu’est ce que je peux y faire ? J’ai moins d’envie et d’énergie à leur donner pour m’expliquer ou les clasher qu’auparavant... Pour moi, ce sont les rappeurs clichés que je vois à la télé qui ont été récupérés. Pas moi. Les faux clashs, les fausses cailles, le rap français qui fait des pompes et qui roule en berline, ça, pour moi, c’est du rap récupéré qui surfe sur la vague ! Mais à l’époque, quand je parlais de ‘rap social’, et que je disais qu’il me saoulait, je parlais plutôt d’une sorte de rap pseudo militant pas mûr, bidon, sans revendications réelles. Celui qui pataugeait dans un amateurisme décrédibilisant pour tous ou d’un rap d’éducation permanente, où on fait croire tout et n’importe quoi à des gars qui rappent depuis 3 mois.  

Tu es accompagné par Teme Tan sur scène. C’est une formule que tu vas développer/élargir à d’autres musiciens pour cet album ?

C’est une question qui me saute à la gueule chaque matin quand je me réveille. Pour l’instant, la formule fonctionne très bien ainsi. Et j’ai du mal à me dire que j’arriverai à faire entrer quelqu’un d’autre dans la bulle de l’album… Pour l’instant, en tous cas.

Imagine qu’on te propose 1 featuring pour un artiste français. Tu ne peux en choisir qu’un. Qui choisis-tu entre Oxmo Puccino, Abd Al Malik et Rocé ?

Sans aucune hésitation, Oxmo Puccino. Il a bercé une période-clé de ma vie.

Tu vas tenter de faire sortir cet album en France ?

On a un peu démarché, mais je suis relativement hors format et apparemment ‘pas facile’. Et la musique, en France comme partout actuellement, fonctionne par étiquettes et par images. Si ça se passe bien en Belgique, oui, on essaiera d’aller plus loin. Mais chaque chose en son temps.

Quelles sont tes ambitions/objectifs pour cet album ?

Ce n’est pas très précis, mais on va s’investir à fond : le faire tourner un maximum, gagner en visibilité, aller plus loin que pour les précédents. Essayer, effectivement, de dépasser un peu nos limites, et accorder de bons concerts… La scène, c’est un des objectifs principaux.

Sur certains titres de « St Idesblad », tu es à la limite du chant. T’as jamais pensé à chanter sur tes disques et abandonner progressivement le rap ?

Une nouvelle fois, c’était totalement involontaire. L’adaptation s’est produite super naturellement, sans calcul. Arrêter le rap, ou choisir un camp, je ne prendrai jamais une telle décision. Ca sort comme ça sort. Effectivement, je me suis surpris, sur plusieurs morceaux, à pousser la chansonnette. Ca m’a plu. Hors de question de me mettre un filtre et des barrières. Donc on verra où cette évolution mènera.

 

The Dodos

‘On peut comparer le studio au boulot et le concert à une récréation…’

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The Dodos, un nom à coucher dehors. Mais The Dodos, c’est surtout le patronyme choisi par une formation issue de San Francisco. Devenue un trio depuis peu. C’est-à-dire lors de l’intégration du xylophoniste/percussionniste Joe Haener. Les deux piliers de cet ensemble californien sont cependant le drummer Logan Kroeber et le chanteur/compositeur/guitariste Meric Long. Et c’est ce dernier qui a choisi le nom du groupe. En fait il s’agit tout simplement d’un mot tendre chuchoté par sa maman lorsqu’il était nourrisson. Une Tahitienne. Donc de nationalité française. Ce qui peut expliquer le choix. Avant de nous gratifier d’un set époustouflant au VK de Bruxelles (voir review), le groupe nous a accordé une interview. Au grand complet, même si Joe ne prendra jamais la parole, se contentant épisodiquement de hocher la tête ou de sourire. Et pour entrer dans le vif du sujet rien de tel d’aborder un sujet percutant : les percussions…

Ainsi Meric estime qu’il existe quelque chose de primal et d’universel dans l’art du drumming et des percus. Il est fasciné par les polyrythmes pratiqués à l’Est de l’Afrique, et en particulier au Benin et au Togo, discipline qu’on appelle aussi le West African Ewe (Wikipédia :  http://en.wikipedia.org/wiki/Ewe_drumming). Il s’explique : « Effectivement. De manière générale, les gens apprécient les percussions, les toms qui résonnent. Qu’elles soient jouées en force ou subtilement. Mais ce qui nous intéresse, ce n’est pas uniquement le rythme, mais le rôle ou l’apport du percussionniste dans la mélodie. Ce qui importe, c’est la façon dont le musicien arrange sa chanson plutôt que son niveau technique. En fait, on base notre recherche sur des éléments simples. Exemple : la batterie. Et ensemble, on arrive à tramer le tout de manière à rendre les morceaux intéressants (NDR : en quelque sorte, la somme des interactions est plus importante que les parties individuelles). Ce qui ne veut pas dire qu’on se marche sur les pieds… » Mais dans cet esprit, peut-on dire que Meric joue de la guitare comme des drums et Logan des drums comme de la guitare ? Meric admet : « Sûrement ! Je traite parfois ma guitare comme une batterie et Logan ses drums de manière très mélodique. Enfin, la façon dont nous jouons chacun de notre instrument est très percussive. C’est mon explication. » Meric joue de la gratte depuis son plus jeune âge. Mais il a d’abord commencé sur un ukulélé. Celui de son oncle. Ce qui explique peut-être un certain goût des Dodos pour les instruments insolites. « J’ai même hérité de cet ukulélé. Et il est exact que c’est le premier instrument sur lequel j’ai joué. Je voulais une guitare, et je me suis retrouvé avec un ukulélé… Vu que nous gagnons mieux notre vie aujourd’hui et avons acquis une certaine notoriété, on va pouvoir penser à se payer des instruments insolites. Je connais un luthier qui fabrique des instruments à cordes sur mesure. Et nous allons lui demander d’en confectionner l’un ou l’autre… » N’empêche, pour afficher une telle dextérité aux cordes, Long doit avoir suivi des cours. Pas à l’Académie, mais dans une autre école artistique. Il reconnaît avoir bénéficié des conseils d’un excellent prof. « Mais mon truc, c’était plutôt la dance et la pop. Je compte encore enregistrer trois ou quatre albums, dans le style proposé actuellement par les Dodos, puis j’envisage de reprendre des études musicales. Approfondir mes connaissances, mais dans un autre domaine que la pop. En fait, c’est toujours ce que j’ai fait : jouer, chanter, écrire de la musique. C’est mon truc et un type d’existence que je compte poursuivre… »  Logan est davantage branché sur le metal progressif. Etonnant pour un musicien impliqué dans un tel projet. Il se justifie : « En fait, dans le métal progressif, les drums sont joués très rapidement. Et c’est ce qui m’intéresse. » Pour l’anecdote, Logan et Joe consomment de nombreux sticks durant un concert. Mais c’est ce dernier qui détient le record absolu de bris de baguettes…

A travers les différentes revues de presse, les Dodos sont comparés tour à tour à Tyrannosaurus Rex, Led Zeppelin (album III), Animal Collective, Velvet Underground, The Feelies, High Places, Yeasayer, Indian Jewerly, Magnetic Fields, Sufjan Stevens, Gorky’s Zygotic Mynci, Syd Barrett, Arcade Fire, Beta Band, Tom Waits, Robert Johnson ou Elliot Smith. Les musiciens n’aiment pas trop les comparaisons. Ils préfèrent parler d’influences. Finalement au plus la liste est longue, au plus elles sont diluées. Et au plus leur musique devient originale. Logan est même ravi d’entendre dire que leur musique a atteint un tel niveau de complexité qu’elle pourrait incarner la synthèse des artistes et groupes susvisés. Par contre, aucun des deux interlocuteurs ne connaît Johnny Dowd. Ils n’en ont jamais entendu parler, mais ont promis de prêter une oreille à sa musique. Il est vrai que même si ce Texan émarge à la roots, il est très friand de percus et de bruitages insolites… Dans un autre registre, Meric apprécie beaucoup Orchestral Manœuvres In The Dark. Ce qui méritait une explication. « Effectivement. Les voix, les mélodies. Andy McCluskey et Paul Humphreys étaient de grands compositeurs de chansons. Et la plupart d’entre elles sont devenues intemporelles. »

Qu’est-ce qui botte le plus les Dodos, le live ou le studio ? Logan réagit instantanément : « Sans hésitation : les concerts ! » Meric nuance : « Cela dépend. Ce sont des expériences différentes. Jouer en concert, c’est comme quand tu t’injectes une petite dose. C’est rapide. L’adrénaline te booste immédiatement. Mais la réaction n’est satisfaisante que jusqu’au lendemain matin. Et puis, lorsque tu te réveilles, il faut se remettre au travail. En fait, on peut comparer le studio au boulot et le concert à une récréation… » A propos de ‘live’, le groupe n’a-t-il pas l’intention d’enregistrer en public ? La réponse de Logan fuse : « Un Dvd sort ce mois. Nous l’avons enregistré à Londres. » Pourtant, Logan n’aime pas trop les festivals. Il estime qu’ils projettent une image tronquée du groupe. Il commente : « Lors d’un festival, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. C’est la façade ! Et dans ce gros bazar, il y faut faire passer un maximum d’artistes sur les planches. Imagine le concert que nous allons donner ce soir, dans une petite salle, et transpose-le dans un grand festival. Ce n’est plus la même chose. L’amplification et l’éclairage sont différents. On n’a l’impression de ne plus vivre dans la réalité. Tout le monde est mélangé et on doit même jouer au milieu des rockers… »

Laura Gibson (http://www.myspace.com/lauragibson) est une chanteuse/guitariste américaine qui vient poser sa voix sur le deuxième opus des Dodos. Mais comment l’ont-ils rencontrée ? Meric raconte : « Un an avant que nous enregistrions notre premier elpee, je l’ai croisée dans un studio d’enregistrement à Portland. Nous avons fait connaissance. Elle appréciait notre musique. Elle m’a refilé un cd et on s’est échangé nos e-mails. On s’est ensuite revus à New York. Et je cherchais une voix féminine pour participer aux sessions de ‘Visiter’, notre deuxième opus. J’avais pensé à Diane Krall, mais elle n’était pas disponible. Aussi j’en ai profité pour lui demander et elle a accepté l’invitation. Elle ressent les choses qu’elle chante. Elle a participé aux vocaux pour trois compos. La situation était surprenante, car Logan et moi l’observions de la salle de contrôle. Elle était de l’autre côté de la vitre. Nous ne l’entendions pas. On la voyait simplement remuer les lèvres. Et nous nous inquiétions du résultat. En définitive, nous avons fait le bon choix, car sa voix et belle et très riche… »

Merci à Vincent Devos.

 

Mercury Rev

Le mariage de la nature et de la technologie...

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Ce 29 septembre paraîtront donc deux albums de Mercury Rev. Le premier, « Snowflake Midnight », sous une forme matérielle, et le second, « The Strange Attractor », uniquement téléchargeable via leur site. Ce qui demandait évidemment quelques explications. Mais la surprise procède du style musical proposé par le groupe sur ces deux œuvres. Une conclusion née de l’écoute de leur ‘advanced cd’. En fait, la formation a décidé de se frotter à la musique électronique. Une démarche comparable à celle de Radiohead pour « Kid A » et « Amnesiac », même si manifestement la perspective est différente. Un tremplin idéal pour entamer un entretien en compagnie du guitariste Grasshopper et du drummer/claviériste Jeff Mercel.

Et justement, pourquoi s’être plongé dans la musique électronique. Grasshopper argumente : « C’est un peu les circonstances qui nous ont poussé à s’y intéresser. Et puis c’est dans l’air du temps. En fait, on avait déjà exploré ce style auparavant. En utilisant des synthétiseurs moog. On a donc cherché à créer. On a expérimenté l’électronique sous son aspect le pus large possible. Grâce aux programmes informatiques, on peut construire des sonorités à la manière d’un designer. On peut inventer des sons. Et c’est un domaine qui nous a toujours intéressés. C’est en quelque sorte notre révolution électronique et je ne peux en dire plus. » Pourtant, aujourd’hui, il devient de plus en plus difficiles de concevoir de nouvelle sonorités dans ce type musical ; parce que c’est plutôt la technologie qui crée les nouvelles tonalités qu’une réelle recherche. Il faut donc croire qu’ils ont utilisé des logiciels de pointe : « On a essayé des tas de choses neuves. Beaucoup de softwares de la nouvelle génération. Et en particulier des générateurs de notes aléatoires. Tu introduis les paramètres dans l’ordinateur et le programme va concevoir la mélodie. Il vous appartient ensuite de l’interpréter. En quelque sorte, il est exact que nous avons laissé la technologie dicter notre démarche. Mais on a toujours pris le soin d’en garder le contrôle… » Etonnante réponse, puisqu’après avoir écouté ‘Snowflake Midnight’, j’ai eu la nette impression qu’ils s’étaient imprégnés des eighties. De l’indus et de l’ambient, notamment. Puisant apparemment leurs sources chez Tangerine Dream, Depeche mode circa ‘Violator’, Ryuichi Sakamoto, Boards of Canada et surtout John Foxx. C’est toujours Jeff qui tient le crachoir : « On ne peut pas ignorer les influences. Nous écoutons de la musique comme tout le monde. Ce n’est pas parce qu’on vit dans un endroit isolé du monde, qu’on est hermétiques aux influences externes ; surtout quand ce qu’on écoute est pertinent. Notre isolement nous permet simplement d’avoir une manière très personnelle de travailler. Mais si certains de nos morceaux concèdent des influences, il n’était pas dans nos intentions de jouer comme tel ou tel groupe. Comme Tangerine Dream, par exemple. Nous considérons ces sources comme un cadre de référence et notre imagination joue le rôle de filtre. » Mais comment comptent-ils reproduire ce type de musique en ‘live’. Avec de vrais instruments ? Jeff poursuit : « Il y aura aussi des guitares, de la basse et bien sûr des synthés. Ce sera une combinaison des deux. En y ajoutant, bien sûr des effets visuels… »

Mais pourquoi sortir deux albums le même jour ? Jeff s’explique : « Nous disposions d’énormément de compos. On a beaucoup bossé pour disposer d’un large répertoire. Mais au moment de faire des choix, on s’est rendu compte qu’il serait dommage d’écarter une telle somme de travail. Surtout aussi valable. Aussi, on a donc imaginé cette formule pour satisfaire le plus possible le public. En fait, ce n’est pas la première fois que nous avons recours à cette formule. Mais précédemment, nous nous limitions à un ou deux morceaux. Donc il suffira de vous rendre sur notre site le jour de la sortie de l’album et vous pourrez télécharger ‘The Strange Attractor’. » La pochette de ce dernier est illustrée par un chat qui se reflète dans un miroir et celle de ‘Snowflake Midnight’ par un lapin noir. Des animaux qui éveillent inévitablement une sensation de tendresse, de quiétude…. Jeff précise : « En fait, le lapin est très sombre. Tout le monde imagine être en présence d’un animal doux, mignon, etc. Mais ce n’est pas le cas ici. Pas qu’il soit sinistre, mais il est plutôt mystérieux. Et cet aspect me plaît bien. Quand au chat, il est reflété dans le miroir, à l’infini… » Grasshopper ajoute : « Le chat et le lapin sont des créatures assez étranges. Pourtant ils font partie du décor. De notre entourage. Ce qui ne les empêche pas de manifester des attitudes singulières. Pour nous, ils symbolisent le passage vers un autre monde. Notre musique objective ou subjectivise ce voyage. Ce sont des symboles inconscients… » Mais ce chat reflété dans le miroir, qui reflète ce chat dans le miroir, etc., n’est-ce pas la vision de l’infini ? Grashopper confesse : « Je ne sais pas, mais je pense que oui. On essaie de saisir le dernier, mais on n’y arrive jamais. Quand on imagine parvenir au but, ce n’est qu’une illusion. » Jeff ajoute : « Il y a ici une allusion. Une chanson dans la chanson va se répéter. Mais pas de la manière attendue, car il y aura toujours une fraction qui sera différente… » Une symbolique du miroir qu’on retrouve dans le film de Jean Cocteau, ‘Orphée’. Grassphopper clarifie : « Plutôt chez le poète de la beat generation, William S. Burroughs… »

Ce qui permet de passer à un autre chapitre : les compositions de Mercury Rev. Et tout d’abord les lyrics. Un domaine au sein duquel, on retrouve de plus en plus de métaphores relatives à la nature. Mais est-ce uniquement pour donner une face plus poétique aux compos ou simplement parce que la nature est devenue leur nouveau credo ? Il faut savoir que Sean et Jonathan (Donahue, le chanteur) vivent aujourd’hui dans les montagnes de Castkill, au nord de New-York. On suppose donc que cet environnement doit influer sur l’imagerie des chansons. Grassphopper admet : « Oui, le fait de vivre là-bas insinue l’environnement dans les paroles. Mais j’ai tendance à y devenir de plus en plus claustrophobe. Cependant, si dans nos chansons, vous décryptez le thème de la nature, il y a également celui de la technologie. En fait, nous essayons de les lier intimement. » Des chansons qu’on pourrait décrire comme des contes de fées surréalistes destinés à célébrer l’irrationnel. Une réflexion qui déclenche de grands éclats de rires. Jeff confirme : « Tu as tout dit ! » Tout comme Grasshopper : « Pas grand-chose à ajouter ! » Jeff confie : « Lorsque nous sommes allés en Espagne, l’année dernière, nous avons visité le musée consacré à Salvatore Dali. Et nous avons été impressionnés… » Finalement, hormis William S. Burroughs, les auteurs n’influencent les textes de Mercury Rev, que très indirectement. Grasshopper commente : « La beat generation est une référence incontestable. On utilise ainsi l’inconscient. Ce qui est aussi une manière surréaliste de travailler. Plus les événements deviennent chaotiques, plus l’esprit tente de s’y engager, y est sensibilisé… » Ce qui explique sans doute pourquoi Mercury Rev vit aujourd’hui dans sa propre petite bulle… Grasshopper réagit : « Mercury Rev n’existe pas du tout… » (rires) Jeff en remet une couche : « Est-ce que quelque chose existe ? Tu sais ce que font deux bulles quand elles se rencontrent ? Soit elles éclatent, soit elles fusionnent. » Grasshopper embraie : « Oui, il existe une petite bulle au sein de laquelle nous créons. Mais on a bien souvent fait aussi éclater cette bulle. Une bulle peut ainsi devenir dix bulles… » Sans doute une allusion à une de leurs déclarations qui n’était pas passée inaperçue. Et pour cause, ils avaient avoué que les accidents heureux rendaient les événements plus humains et favorisaient la découverte… Jeff s’explique : « Si vous connaissez d’avance ce qui va se passer en studio avant d’y entrer, vous allez vous y ennuyer mortellement. Vous avez parfois besoin de frictions, de vous engueuler. D’échecs aussi. Cela appartient au processus de création. Peut-être que si le résultat n’est pas concluant, il faudra retenir l’expérience acquise, qui elle aura un impact positif. Et puis on a rencontre régulièrement des incidents en studio, car la technologie n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes. » L’origine de la création et le Big Bang sont apparemment des sujets qui fascinent les musiciens de Mercury Rev. En fait, c’est ce qu’on croit comprendre lorsqu’on voit les projections visuelles utilisées pendant les concerts. Est-ce la raison pour laquelle, ils pensent qu’il est possible d’organiser le chaos ? Grasshopper réagit : « Ce n’est pas nous qui organisons le chaos, dans la mesure où le chaos est déjà organisé. Le chaos se situe à un autre niveau. Ce que vous pensez être un système chaotique respecte un ordre. Epouse des structures ». Jeff embraie : « Et pour voir cette structure chaotique émerger, il faudrait avoir un grand angle de vision qui dépasse l’échelle humaine. »   

Dans la musique de Mercury Rev, il y a quelque chose de symphonique. Une majesté, un sentiment de grandeur, susceptible de provoquer une élévation de l’âme. Jeff répond : « Je ne nie pas les influences symphoniques. Car nous écoutons des tas de styles musicaux. Depuis le rock’n roll à la musique de chambre. Dans celle que nous jouons actuellement, nous ne pouvons pas exclure ces références. Pas que nous soyons férus en la matière. Mais nous écoutons tous de la musique classique. En fait, on essaie de repérer dans ce genre musical ce qu’on pourrait utiliser pour notre création. » Ce qui devrait dès lors permettre au groupe de jouer en compagnie d’un orchestre symphonique ? Jeff réagit : « Nous avons tenté l’expérience à plusieurs reprises en Belgique. En fait l’idée est excellente, mais au lieu de la développer à l’aide d’un orchestre symphonique, je préfèrerai la limiter à la musique de chambre. Toujours dans le but de combiner les éléments naturels et l’électronique. Juxtaposer les deux. La plupart du temps, dans ce type d’expérience, les groupes sont soutenus par une armée de violonistes. Mais nous on préfère être prudents. Ne pas être trop présomptueux. Car il faut que le résultat de cette combinaison soit réussi » La formation a d’ailleurs travaillé sur un projet de musique de chambre imaginé par James Joyce. Trente-six musiciens y ont participé. Mais qu’est-il devenu ? Grasshopper répond : « Ca date de longtemps. Au moins cinq ans. Mais c’est vrai qu’il doit bientôt sortir » Jeff embraie : « Le retard est consécutif à des problèmes de droits d’auteur » Et Grasshopper d’avouer : « Je ne me souviens plus des artistes qui avaient collaboré au projet. C’est loin ! Mais on aime bien James Joyce… »

Les Flaming Lips et Mercury Rev bossent en compagnie du même producteur, Dave Fridmann. Mais partagent-ils la même vision de la musique ? Jeff répond : « D’une certaine manière. Nous avons une approche aventureuse de la musique comme eux. Mais leur style est personnel. Ils ont leurs propres règles. Ils ont le besoin de créer des choses excitantes. Parfois risquées. Ce n’est pas que notre musique ressemble à la leur, mais c’est surtout notre philosophie qui est semblable. » Mais ont-il encore des contacts avec Wayne ? Grasshopper répond « Occasionnellement. » Jeff précise : « On se croise plutôt. Et on s’envoie de temps autre des petits messages. » Grassphopper confirme : « Ce n’est pas que nous le voyons. C’est lui qui nous voit… » Dans le même ordre d’idées, ont-ils encore des contacts avec l’ancienne flûtiste Suzanne Thorpe et l’ex-chanteur David Barker. Grashopper répond : « Suzanne Thorpe a émigré sur la côte Ouest des Etats-Unis. Son travail est encore plus expérimental que le nôtre. Elle joue de la musique vraiment avant-gardiste. Pour l’instant elle bosse en compagnie de Pauline Oliveros. David Barker s’est établi à Chicago. Il est toujours impliqué dans le monde de la musique, mais plus comme musicien. Il est producteur et ingénieur du son. »

Merci à Vincent Devos

En concert le 24 novembre à L’Ancienne Belgique de Bruxelles.

Friendly Fires

D.I.Y. : le crédo de Friendly Fires…

Friendly Fires est une formation britannique. Issue de St Albans, dans le Hertfordshire. Fin 2007, le groupe avait édité un single fort intéressant : "Paris". Depuis, le combo s’était enfermé dans son studio pour enregistrer son premier elpee. Un accouchement difficile. Et pour cause, non seulement les musiciens sont des perfectionnistes, mais ils ont voulu tout contrôler. Même la pochette. De passage à Bruxelles, Ed Macfarlane, Jack Savidge et Edd Gibsonnous se sont expliqués sur leur manière de concevoir l’enregistrement d’un album ; mais également, nous ont parlé de leur parcours accompli depuis maintenant un peu plus de deux ans…

Pour l’instant, vous vivez un peu un rêve éveillé, non? Je m’explique : vous êtes signé chez XL (Radiohead, The White Stripes, Adele), votre single “Paris” a été élu meilleur single par le Guardian et le NME, vous avez joué en première partie d’Interpol à Dublin et même Bono a été impressionné par votre performance. Cette situation vous est-elle tombée soudainement sur la tête ou est-elle le résultat d’une lente et longue progression ?

Ed : Je pense qu’elle est le fruit d’une progression constante. Nous avons commencé à composer vers l’âge de quatorze ans. Mais nous avons dû attendre des mois avant de pouvoir monter sur les planches des clubs locaux. Car, en général, ce sont souvent des groupes de reprises qui s’y produisent. Et, enfin, quand on a commencé à y jouer, il n’y avait qu’une trentaine de personnes pour assister à nos sets. No potes ! Mais on a recommencé l’expérience plusieurs fois. Jusqu’au moment où on a décroché quelques concerts à Londres. C’était, super, géant même. Nous partions cependant dans l’inconnu. Le public potentiel avait peut être écouté quelques chansons sur MySpace ; cependant, il se demandait surtout ce que nous avions dans le ventre. Mais ce parcours nous a permis de nous frayer un chemin jusqu’ici.
Jack : En fait, depuis que nous sommes devenus Friendly Fires, soit plus ou moins deux ans et demi, notre itinéraire a été graduel. Nous avons eu besoin de beaucoup de temps pour sortir un album. Un cheminement bien plus progressif que celui de la plupart des autres groupes. Aujourd’hui, dès qu’une formation manifeste un peu de potentiel, on tente de forcer les événements. Tout va alors trop vite. Nous n’avons jamais voulu accepter de marcher dans ce système.
Edd : On est plus à l’aise ainsi. On ne se sent pas lâché dans un rêve au sein duquel on ne maîtrise plus rien.
Ed : C’est clair. Au départ nous ne disposions que de deux bonnes chansons. Or nous voulions, au moins, en écrire une dizaine. Tu sais, de bonnes chansons, susceptibles de plaire au public

Oui, d’ailleurs j’ai lu que vous aviez passé des heures et des heures à enregistrer... (rires)

Ed : Ouais, on a vraiment pas mal de trucs qui sonnent bien. Mais, bon ce sont surtout des jams ; et si les lignes de basse sont vraiment chouettes, tu ne peux pas vraiment transformer ces morceaux en chansons pop.

Sans quoi, vivez-vous de votre musique ou exercez-vous d’autres jobs, en parallèle ?

Jack : Non, c’est notre job, pour l’instant on n’a que ça.
Ed : Qui a dit ça ?
Jack : C’est moi, Jack (rires)

Donc vous avez réussi votre pari, vu que vous ne vouliez pas bosser chez HMV ?

Ed : Oui ! HMV est un magasin de disques à St Albans. Notre plus grande crainte était de se taper un job de routine. Mais finalement les circonstances nous ont été favorables. On a eu de la chance, quoi…

Militez-vous au sein d’un seul groupe ou certains d’entre vous participent-ils à d’autres projets ?

Ed : Non ! D’abord l’écriture de cet album a exigé beaucoup de temps. Et puis on veut beaucoup tourner. Aussi, si on veut vraiment s’impliquer à fond, on ne peut pas se disperser. Pour nous, multiplier les projets est impossible. Du moins pour l’instant. Quand on aura rôdé tout ce gros travail dans le groupe, on pourra donc y penser ; mais pour l’instant, l’objectif qui focalise notre attention, c’est Friendly Fires .

Votre premier album sort début septembre. J’imagine que votre excitation est à son comble ?

Tous : Absolument !
Jack : Par contre, on y croira vraiment que lorsque nous pourrons tenir le boîtier et la pochette en mains. L’enregistrement physique, comme objet naturel. Pour l’instant il n’existe pas vraiment. Les fichiers PDF et le booklet sont ‘congelés’ dans un ordinateur.
Ed : Je serai vraiment content lorsqu’il sortira. C’est le résultat de deux ans de travail.

A ce sujet, vous déclarez, dans votre bio, que cet album est ‘le produit fini de deux ans d’inspiration, de frustrations, de dur labeur et de passion’. Voulez-vous préciser votre idée ?

Ed : Comme nous avons produit le disque nous-mêmes, dans notre garage, nous éprouvons un sentiment de frustration. A force de réécouter tes chansons, tu finis par conclure que tel ou tel passage aurait pu sonner un peu mieux. Si quelqu’un d’extérieur produit ton album, il débarque au studio pendant quelques heures. Il fait l’une ou l’autre prise, puis décrète qu’elle est bonne. Un producteur t’emballe des chansons pop en buvant son café. Pas nous ! En nous réservant personnellement cette tâche, nous avons voulu que le résultat soit le plus parfait possible. Nous sommes des perfectionnistes. En ce qui me concerne, j’ai passé un temps fou à écouter et réécouter ma propre voix. Mais je crois que cette méthode a fini par payer.
Edd : Parfois, on écrit des chansons de bonne facture. Mais pas assez valables à notre goût. Aussi, on bosse dessus pendant des heures, en espérant l’améliorer. Et finalement, on se rend compte qu’il est impossible de rectifier le tir. Aussi, on l’abandonne… 

Vous enregistrez dans votre garage. Hormis une compo (NDR : "Jump In The Pool", produite par Paul Epworth), vous avez mis en forme l’intégralité de l’opus. Ce choix est-il dicté par une éthique DIY (Do It Yourself = Fais-le toi-même) ou est-ce plutôt une volonté de vouloir contrôler la moindre décision ?

Ed : Nos EPs et nos singles sont parus en édition limitée. Et nous nous étions chargés du design de la pochette. On a fait le choix de tout contrôler. Ainsi, tu risques moins de te faire ‘baiser’, si je puis m’exprimer de cette manière. Tu es responsable de tout. Finalement, l’artwork va aussi refléter ton identité en tant que groupe.
Jack : Nous avons une vision très particulière de notre création. Nous voulons tous être impliqués à tous les niveaux ; parce qu’il est vraiment fondamental de bien maîtriser les événements. De ne pas devoir accepter la manière de voir ou de penser d’une personne extérieure.

Ces choix étaient-ils partagés par votre label ou avez-vous ressenti de la résistance à cet égard ?

Ed : Totalement. Je crois qu’ils étaient derrière nous à 100%.
Jack : En même temps, lorsque le label est entré en jeu, nous avions déjà réalisé 70% de l’album. Maintenant, il est vrai que d’autres labels nous ont proposé de réenregistrer les pistes dans leur studio. Mais ce n’était pas dans notre projet. XL a accepté notre choix. Notre son. C’est la manière dont on perçoit les choses. Et ils ont marqué leur accord à ce sujet.

Edd : En fait, nous avions établi cette règle avant qu’un label ne se manifeste. Et certains concurrents on voulu changer la donne. Pas XL.
Ed : XL montre vraiment beaucoup de respect pour ses artistes. Il admet qu’ils puissent avoir une autre manière de travailler. De penser. Pourvu que le résultat soit à la hauteur.  

Votre répertoire est assez éclectique. Quelles en sont les raisons ? Votre humeur du moment ? Une évolution de vos influences consécutives aux deux années nécessitées pour l’écriture et l’enregistrement du disque ou est-ce simplement un choix ?

Ed : Lorsqu’on écrit une chanson, il n’y a jamais de plan préétabli. Par exemple, quand on a composé « Paris », on aimait vraiment la rythmique. On a ajouté plein de mélodies ; et le résultat était probant. Nous étions satisfaits du résultat et nous étions prêts à reproduire la même recette. Mais finalement, à l’issue des sessions d’enregistrement, la chanson était totalement transformée. En fait, on a simplement commencé à jammer et quand on s’est arrêté, la compo n’était plus la même.
Jack : Je pense aussi qu’inconsciemment, personne ici ne veut repasser les plats.
Ed : En fait, je crois qu’on est incapables de répéter une bonne partie des morceaux qu’on a construits. J’espère que je me que je me fais bien comprendre.
Jack : Je pense tout à fait le contraire…
Ed : Bien sûr, on pourrait écrire un deuxième « Paris » ; mais quand on arrive en studio avec une chanson, elle est systématiquement modifiée par les jams. Et dans 99% des cas, le résultat final est différent.
Edd : Oui mais par contre, on peut facilement reprendre deux accords percutants comme base d’une chanson, et construire un truc distinct ensuite.
Ed : Personnellement j’écoute rarement un album de 45 minutes de bout en bout. Mais si quelqu’un est capable d’y parvenir de A à Z, il doit ressentir une drôle d’impression. Surtout si la musique est totalement linéaire. D’ailleurs je pense que la nôtre baigne dans un univers tout autre que celui de la house et de la dance, car elle fluctue constamment. Et comme tous les titres sonnent distinctement, tu es obligé de les écouter attentivement. Si c’est répétitif, au bout d’un certain moment, tu déconnectes et tu n’y prêtes plus guère attention.

J’évoquais tout à l’heure Bono qui avait été impressionné par votre performance. Estimez-vous que Friendly Fires est un groupe qui prend toute sa dimension en live ?

Ed : Oui ! Nous avons dû modifier certaines composantes pour les adapter à la formule ‘live’. En concert, nous sommes quatre ; et certaines partitions sont impossibles à recréer sur scène de manière totalement identique. Il y a la version studio et la version ‘live’. Je pense d’ailleurs que c’est positif. La version ‘live’ est beaucoup plus agressive, trashy, brute. Nous ne nous contentons pas d’interpréter le titre exactement comme sur le disque. Il reflète davantage l’esprit de nos 15 ou 16 ans. On y injecte toute notre énergie, toute notre détermination à remuer. On y met les guitares bien en avant. Bref, on cherche à rendre notre excitation très perceptible, parce que si un groupe est à fond dedans lors des concerts, c’est déjà 60% de gagné. C’est plus important que la perfection de la musique ou du son.
Edd : Donc au cours de toutes ces années, tu essayais seulement de bien paraître ? (rires)
Ed : Non, je ne dis pas qu’on essaye de bien paraître, mais je pense que cette attitude impulsive est très importante en ‘live’ ; parce que la plupart du temps, en concert, les retours sont quasi inexistants, et tu tentes désespérément de percevoir ce que tu joues. Aussi, si le groupe semble s’investir à fond dans son trip, le public va être beaucoup plus impressionné.

Donc on arrive à ma dernière question, plus bateau : quels sont vos projets pour l’année prochaine, hormis tourner pour promouvoir l’album ?

Jack : Nous n’avons pas beaucoup de choix pour l’instant. Nous sommes ‘bookés’ jusque fin octobre. Au moins !
Ed : Même décembre, si on tient compte de la tournée américaine et de quelques autres concerts... Sinon, on va se remettre à composer ; mais je crois qu’on va s’y consacrer lorsqu’on sera de retour en studio ; car sur la route on est dépendant d’un portable. Pas l’idéal ! Je veux dire que sur un ordinateur, tu te contentes d’enchaîner des sons ; et ce n’est pas la meilleure manière d’écrire des chansons. Il est toujours plus judicieux d’utiliser nos instruments pour accomplir cette tâche. Mais on verra plus tard…

Jack : Oui, plus tard. Enregistrons un album pour Noël...
Ed : Oui, un Christmas Album... (rires)

 

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