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Pour Jane Weaver, l’amour est un spectacle permanent...

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Mardi Gras BB

L art de respirer dans le même rythme...

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Issu de Manheim, en Allemagne, Mardi Gras BB a été fondé par Reverend Krug, un vétéran qui a joué avec le mythe Guru-Guru, non pas à la fin des sixties ni au début des seventies, mais à l'aube des années 80. Une époque au cours de laquelle le groupe avait, suite à l'arrivée d'une chanteuse, repris quelques couleurs. Avant de replonger dans un certain anonymat qui permet quand même à cette légende du krautrock de continuer, aujourd'hui, à tourner dans les clubs ou les festivals de la région. En 1994, le Révérend passe un coup de fil à Docteur Wenz, et lui propose de rejoindre son groupe, un brass band à coloration New Orleans. Le docteur a commencé à jouer à l'âge de 14 ans. C'était déjà en 1979. Il a sévi dans quelques groupes punk, dont le dernier impliquait justement une section de cuivres. Souvent à caractère soul revivaliste. Ce qui lui a quand même permis de se forger une certaine expérience dans le domaine. L'idée semble beaucoup lui plaire, puisqu'il décide de se lancer dans l'aventure…

En fait Reverend avait un but bien précis : rendre hommage, à travers son groupe, à tous les gens qui vivent à la Nouvelle-Orléans. Les noirs, les blancs, toutes les ethnies qui ont participé au développement culturel de cette ville portuaire. Et en particulier musical. Ce qui explique pourquoi il a choisi pour nom de groupe Mardi Gras, jour le plus important de l'année dans cette ville. Mais pourquoi BB ? Les petits coquins penseront sans doute à Brigitte Bardot, alors qu'en toute logique musicale, BB correspond aux initiales ‘brass band’. Le docteur a une toute autre explication : " En fait, BB est simplement le code des crayons de couleur noire ; et ceux qui contiennent le plus de graphite portent cette appellation ".

La Nouvelle-Orléans ! Le Révérend y était en 1992, lorsqu'il a eu l'idée de monter ce projet. Une idée qui ne l'a plus jamais quittée. Et lorsqu'il est retourné en Europe, il a juré qu'il ne ferait plus jamais que de la musique avec des cuivres ; dansante, aussi bien pour lui que pour le public. " La scène est alors devenue notre objectif. Et lors de chaque concert nous avons commencé à jouer pour et dans le public. Mais il nous fallait un chanteur, c'est pourquoi j'ai contacté le Docteur… On a ainsi commencé à développer ce son acoustique, en privilégiant la cohérence, plutôt que la virtuosité. On n'avait pas besoin d'un John Coltrane dans notre groupe, mais simplement tout mettre en œuvre pour jouer à l'unisson, faire battre les cœurs au même moment ". Une philosophie qui n'est quand même pas facile à cultiver, surtout lorsqu'on compte autant de musiciens. Plus d'une dizaine ! Le Doc est du même avis. Pas au point de déléguer un chef d'orchestre, comme c'était le cas au cours des seventies, pour des formations telles que Blood Sweat & Tears ou Chicago. Mais simplement pour maintenir une certaine discipline. Et c'est un peu le rôle que jouent le Révérend et le Doc. Et ce dernier d'ajouter : " Cette discipline, est innée chez tous les Allemands. Ce n'est un secret pour personne. Et cette combinaison de cette discipline avec une approche toute particulière de l'esprit vaudou donne de la consistance au groupe. En fait, le but est de respirer dans le même rythme. C'est à dire comme si on jouait dans un seul corps. Plusieurs personnes qui respirent en une seule. C'est un peu comme dans le sport. En aviron, tout particulièrement. Il faut absolument respirer en même temps, dans le même rythme, si tu veux gagner… "

Reverend Krug joue du sousaphone. Pas un instrument pour extraterrestre, mais une variété de tuba plus facile à manipuler et surtout à transporter. Un instrument qui est d'ailleurs utilisé dans les fanfares pour majorettes. Le Révérend s'en sert, lui, pour canaliser le groove de la musique du combo. Il s'explique : " Il est impossible de jouer un phrasé de groove sur un sousaphone, si tu ne peux pas le sentir et adapter ta respiration en conséquence. Et c'est la même chose pour tous les cuivres. La respiration y tient une place primordiale… Tu t'en rendras compte lorsque tu nous verras sur scène. Le groove est quelque chose de très important, c'est lui qui stabilise nos chansons. " Mais la caractéristique originale de la musique de Mardi Gras. BB procède de la présence d'un DJ : DJ Mahmut. Le Révérend raconte : " C'est notre producteur, Gordon Friedrich, qui nous a permis de le rencontrer. Il voulait améliorer le concept du groupe. Y apporter un plus. Il a ainsi été invité à participer à l'enregistrement de notre premier album, ‘Alligator soup’, pour lequel il a commis quelques scratches sur un titre. Et puis il est parti en tournée avec nous. Depuis, il est devenu un membre du groupe à part entière, et a participé à l'intégralité des sessions du nouvel opus, ‘Supersmel. " Oui mais, vu le contexte musical contemporain, l'engagement de ce DJ n'était-il pas prémédité ? Au Doc de se justifier : " Personnellement, je n'ai jamais eu le sentiment que son arrivée était préméditée. Elle est plutôt le résultat d'une expérience qui s'est bien passée. Et aujourd'hui, nous ne voudrions plus nous passer de lui ". Et le Révérend ajoute : " DJ Mahmout a une énorme culture dans le domaine du funk et de la soul. Il nous a apporté énormément d'idées de samplings. Et de son côté, il s'est dit qu'il serait sans doute intéressant de vivre une telle expérience avec un brass band ".

Le Doc se réserve donc le chant. Une voix plutôt écorchée qui fait même penser à Tom Waits ou à Captain Beefheart. Une comparaison qui ne le dérange pas du tout, puisqu'il apprécie beaucoup ces deux musiciens. M'enfin, il pense plutôt qu'il s'agit d'une coïncidence due au fait qu'il parle, plus qu'il ne chante sur la mélodie. Et puis que sa voix est aussi éraillée. Et d'expliquer : " On ne fait pas du bel canto, je dispose plutôt d'un baryton cassé enclin à raconter des histoires ". Les deux compères ont beaucoup d'admiration pour Dr John. " Parce qu'il représente l'esprit de New-Orleans ", motive le Révérend. Ainsi que pour feu Screamin Jay Hawkins. Sur les traces duquel ils marchent peut-être. Et le Doc d'avouer " Oui, nous avons adopté, quelque part, son jeu de scène, sa manière de présenter les musiciens. C'est même devenu un élément déterminant au sein du groupe. Ce maître est décédé l'an dernier. Et comme nous sommes toujours vivants, nous essayons de perpétuer son héritage… "

(Version originale de l'interview parue dans le n° 89 - janvier/février 2000 du magazine Mofo)

 

Steve Wynn

Le langage de la guitare...

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Avant d'embrasser une carrière musicale, Steve Wynn était correspondant de presse. Pour un journal extrêmement populaire à Los Angeles. Ses articles, il les consacrait à la rubrique sportive ; et en particulier au base-ball, discipline qu'il affectionne d'ailleurs toujours autant, aujourd'hui. Depuis sa tendre enfance, il joue bien de la guitare, seul ou en compagnie de quelques potes. Mais sans grande ambition. Un hobbie qui deviendra, pourtant, une véritable passion. En 1980, après avoir écouté les Pistols et le Clash, il décide de passer à l'action. Et fonde les Suspects, en compagnie de Gavin Blair, Russ Tolman et Kendra Smith. Faut dire, qu'à cette époque, la scène alternative de Los Angeles est en pleine ébullition. Les groupes poussent comme des champignons. Tournent dans les mêmes salles. Les musiciens se rencontrent, apprennent à se connaître, à s'apprécier même. Puis se découvrent une passion commune pour tout ce qui touche au psychédélisme par la guitare. Et en particulier pour des groupes comme le Velvet Underground, Television et Quicksilver. Cette scène, au sein de laquelle on retrouvera True West, les Plimsouls, Rain Parade, Green On Red, Naked Prey et consorts prendra pour nom, le " Paisley underground ". Une scène que Steve espère voir un jour entrer dans l'histoire du rock'n roll.

" Ce serait génial que mes amis et moi-même puissent être reconnus comme une source d'inspiration, de voir les kids pouvoir parler de nous, dans 20, 30 ou 40 ans. C'est important de ne pas être oubliés ! "  Quant à la guitare, c'est encore et toujours pour lui, un manifeste. " La guitare est essentielle ! Parmi tous les instruments, elle demeure à mes yeux, la plus expressive. Deux personnes peuvent jouer exactement les mêmes notes, sur une même guitare, sur un même ampli, dans un même endroit. Et malgré tout obtenir un son différent. La guitare est un langage personnel. Et j'aime ce langage. C'est donc pour moi le meilleur outil pour créer de la musique. Cependant, ce n'est pas parce que la guitare est associée au rock'n roll que je la trouve supérieure, mais parce qu'elle est unique ".

En 1981, il rejoint Sid Griffin au sein des Long Ryders. Mais les deux personnages ont des goûts trop différents ; et Steve éprouve à nouveau le besoin de changer d'air, en fondant le Dream Syndicate avec son ex bassiste Kendra Smith, Karl Precoda et Dennis Duck. Une aventure jalonnée de neuf albums, qui durera jusque 1989, même si Kendra et Karl seront remplacés, respectivement par Mark Walton et Paul B Cutler (devenu depuis un célèbre producteur). En fait, Steve incarne le lien fédérateur entre la plupart des musiciens qui ont sévi sur cette scène. Il a d'ailleurs joué avec pratiquement toutes les personnes qui l'ont fréquentée. Et est même souvent parvenu à concrétiser ces collaborations à travers l'une ou l'autre chanson, voire l'un ou l'autre disque. En 1985, il enregistre ainsi, un album de country rock avec l'imbuvable, quoique talentueux, Dan Stuart, sous le patronyme ‘Danny & Dusty’, expérience qu'il ne compte cependant plus reconduire, puisque Dan est parti, en quelque sorte, en préretraite ( !?!?). " Nous avons travaillé ensemble pendant près de 15 ans. Et nous avons toujours eu d'excellents contacts. Il a un humour génial (NDR : ah bon !) ; mais c'est vrai que les tournées le rendaient de mauvaise humeur (NDR : et le mot est faible !). Il a toujours préféré le studio. Il y est actuellement pour enregistrer ; et je suis certain que son album sera excellent. Parce que Dan dégage un feeling unique, donne tout ce qu'il a dans le ventre lorsqu'il s'investit. Un peu comme Neil Young !… " Neil Young est d'ailleurs un des artistes auquel la presse fait le plus souvent référence, lorsqu'elle parle de Steve. Il considère pourtant cette comparaison comme un compliment. « J'ai toujours admiré Neil Young, Bob Dylan et Lou Reed. Ce sont mes héros. Pourtant, je ne souhaite pas les rencontrer à tout prix. Je veux qu'ils demeurent mes héros. Un point c'est tout ! »

Après avoir milité en faveur du syndicat du rêve pendant presque une décennie, Steve décide de continuer son aventure sous son propre nom. Ce qui va lui permettre de multiplier les rencontres avec d'autres musiciens. Et puis de se remettre en question, un peu comme si chacun de ses disques était une réaction par rapport à l'album précédent. " Je suis facilement influencé par les événements qui gravitent autour de moi. Et cette situation se ressent sur chaque album. Chacun d'entre eux est un peu la photo d'un épisode de ma vie ".

Dès la sortie de son premier elpee solo, il se distingue par la qualité du choix de ses invités. Johnnette Napolitano (Concrete Blonde) pour ‘Kerosene Man’ (1990) et ‘Dazzling display’ (1992), opus sur lequel on retrouve également Peter Buck (REM), Joey Westley Harding et Russ Tolman, qu'il avait côtoyé au sein de True West. " Lorsque je lui téléphone, ce n'est plus pour lui demander de jouer avec moi, mais pour lui réclamer mes royalties, parce qu'aujourd'hui, il travaille pour une firme de disques ".

En 1996, il engage la formation bostonienne de Thalia Zedek et de Chris Brokaw, Come, pour assurer le backing group et enregistrer ‘Melting in the dark’. " Ce que nous avons fait était génial, et j'ai beaucoup apprécié les moments où nous avons joué ensemble. Mais je serais incapable de travailler full time avec eux, parce qu'il serait trop difficile de trouver un terrain d'entente. Nous vivons dans des mondes différents ". On le retrouve en 1992, pour un duo composé avec l'ex Long Ryders Steven Mc Carthy au sein de Gutterball, pour l'album ‘A down to earth – Supergroup’. Une expérience qu'il pense renouveler, même si ce n'est pas pour tout de suite. Et il serait injuste de ne pas mentionner les multiples collaborations qu'il a menées avec deux de ses meilleurs potes. Chris Cacavas, tout d'abord. Qu'il retrouve régulièrement en studio. Et Howe Gelb. Dont il a quelque peu perdu la trace. " J'admire ce qu'il fait. Tant en solo, avec Giant Sand qu'au sein OP8. Parce que nous parlons le même langage musical"

Steve Wynn enregistre à une cadence infernale. Mais au cours des dernières années, ses disques sont souvent sortis en édition limitée. " J'ai observé la marge de progression d'un groupe. Si tu souhaites vendre un album au grand public, tu dois attendre deux ou trois ans avant de pouvoir le sortir. Dans ces conditions, il est impossible de voir l'évolution du groupe. Parce qu'il y a une fracture entre chaque disque. Et c'est ce que je veux éviter, en enregistrant le plus d'albums possible, mais en édition limitée. D'ailleurs, je pense que les fans apprécient particulièrement cette démarche. " Et c'est encore le cas pour ‘My midnight’, paru en mars dernier, dont la sortie était limitée à 6000 exemplaires. Depuis novembre, Steve est rentré chez lui. Plus à Los Angeles, mais à New York, où il s'est installé. Il compte prendre un peu de repos, et puis se remettre au travail, pour sortir, dès cet été, un nouvel album….

Version originale de l'interview parue dans le n° 81 (mars 2000) du magazine MOFO

 

 

 

 

 

 

Frank Black

Au bout du tunnel?

Écrit par

Depuis le split des Pixies, Frank Black éprouve toutes les peines du monde à faire décoller sa carrière solo. Il a pourtant gravé 'Teenager of the year' en 1993, 'The cult of Ray' en 1996, 'Frank Black & The Catholics' en 1998 et 'Pistolero' en 1999. Des albums de bonne facture, variés, oscillant du punk au métal en passant par le surf et la new wave. Mais dont le succès n'a été que trop confidentiel. En fait, le fantôme des Pixies hante encore la musique de Frank. Un spectre dont il ne parvient d'ailleurs toujours pas à se débarrasser sur les planches. Un passé qui lui est aujourd'hui plus préjudiciable que profitable. Pourtant, si Frank n'est pas encore au bout du tunnel, il faut reconnaître que son nouvel opus embrasse un nouvel horizon sonore. C'est d'ailleurs principalement au sujet de ce 'Dog in the sand' que nous avons eu un long entretien…

" Au départ, le disque devait s'intituler 'Lano del Rio', mais le manager penchait plutôt pour 'The swimmer', alors que le batteur avait un faible pour 'I'll be blue'. Un jour, en me promenant, j'ai vu chien dans le sable, et cela a fait tilt ". Pas d'ordre alphabétique pour enchaîner les titres, cependant, comme sur les précédents opus ; même si au départ Frank en avait l'intention. " Nous avons décidé, après en avoir débattu entre nous, que 'Blast off' entamerait le CD et que le titre maître l'achèverait ". Enfin, à l'intérieur du booklet, des fossiles marins apparaissent en trame de fond, conférant à la pochette un petit aspect arty tellement caractéristique du design 4AD. A propos de son ancien label, la sortie simultanée de 'Complete B sides' des Pixies ne le dérange pas trop. Bien du contraire. " Rien de tel pour attirer plus de monde lors de mes concerts. Et puis pour la santé de mon compte en banque ! " Pour Frank, si les fans incarnent son inspiration, c'est parce que ce sont les mécènes. Il est l'artiste qui donne la représentation, et ils apportent l'argent. Un peu comme jadis…

Frank aime beaucoup la France. Sa cuisine, sa culture. Mais il ne baragouine que quelques mots dans la langue de Molière. Sur 'Blast off', il a ainsi glissé une phrase ('Union pour la promotion de la propulsion photonique') qui méritait bien une explication. " Il s'agit d'une organisation que je connais mal, mais qui s'intéresse à la planète Mars, en développant des arguments pour justifier le voyage pour s'y rendre. Robert Zubran est un personnage qui est beaucoup respecté dans l'industrie aéronautique. Il a travaillé autrefois dans la NASA avant de devenir interlocuteur privilégié chez CNN. En fait c'est un fameux personnage qui a toujours des bonnes idées à propos de ce périple. Il est même allé jusqu'à suggérer la méthode la plus efficace et la moins coûteuse pour réaliser le projet ; mais personne ne l'écoute. Faut dire que la bureaucratie et la lenteur du monde politique ralentissent considérablement les prises de décision ". 'Blast off' s'intéresse donc à ce voyage difficile entre la terre et Mars. Un voyage qui devrait durer entre 6 à 9 mois. " Je me demande ce que les passagers vont pouvoir faire pendant tout ce temps. Du point 'A' au point 'B' ". Mais pourquoi, alors évoquer dans la même chanson Samuel Beckett ? " Personnellement, voyager dans l'espace et vivre sur une autre planète est quelque chose de très abstrait. Et les abstractions me font penser à Samuel Beckett. Il était Irlandais, mais avait fait de la France sa deuxième patrie. Du moins, il avait décidé que sa deuxième culture deviendrait française. Ainsi donc, pour aller de la terre à Mars, tout le monde a son propre programme. Ses propres idées. Qu'elles soient politiques, économiques, financières, religieuses ou autres. Ce qui fait beaucoup d'opinions différentes à propos de ce qu'on devrait faire avec le nouvel espace à découvrir. Donc le sentiment qui circule dans la chanson c'est ma propre façon de voir les choses. Je retrouve ainsi l'Irlandais qui est en moi, le Beckett qui est en moi… "

Sur 'St. Francis Dam Disaster' il évoque un raz-de-marée qui a endeuillé la Californie en 1928. Un événement qui ne date pas d'hier, mais qui semble encore marquer la population de cette région, et surtout celle de Los Angeles. " J'ai vécu et grandi en Californie. On y voit de belles choses, mais aussi d'affreuses. Notamment dans le domaine de l'environnement. L.A. n'est pas une ville type comme on pourrait la connaître en Europe. C'est une métropole. Elle ne s'est pas américanisée. Elle est en quelque sorte futuriste. Et le responsable de cette situation est William O'Land (NDR : orthographe du nom pas garantie !), un ingénieur des eaux qui a imaginé la construction d'un immense barrage pour alimenter la ville en eau. La Californie pour le meilleur ou pour le pire ! Et sans cette alimentation en eau, L.A. serait un désert. L'eau détient donc ici le pouvoir. La métropole est-elle une bonne ou une mauvaise chose ? L'eau, la terre, le feu et l'air sont les quatre éléments fondamentaux de la nature. Ils sont plus puissants que l'être humain. L'eau va de la montagne à la mer. La détourner de son chemin naturel n'est techniquement plus un gros problème. Mais l'accident est toujours possible, car l'eau essaie toujours de trouver son propre chemin. L'eau a sa propre vision de son futur. C'est ce qui s'est produit en 1928. Il y a eu une gigantesque inondation qui a tout emporté sur son passage… et cette situation pourrait survenir un peu partout dans le monde… "

Frank a une aversion profonde pour les spots publicitaires, et il communique ce dégoût sur 'I've seen your picture'. Sympa, il me remercie pour avoir bien compris le sens de la chanson. " Parce qu'il y a beaucoup de monde qui en donne une interprétation erronée. Ce qui m'amuse. Nous sommes bombardés d'images. Je ne veux pas qu'on me prenne pour un socialiste, mais je suis opposé à cette publicité à outrance. J'ignore pourquoi ? Mais elle me rend malade. Tu sais, j'ai lu dans des magazines qu'on envisageait de mettre des panneaux d'affichage dans la stratosphère. Ce serait vraiment un comble ! On verrait la pub dans les cieux. Comme si on allait à la rencontre de la lune ou des étoiles. J'ignore si ce truc va se réaliser, mais j'ai des appréhensions. C'est un peu comme pour l'affaire des immenses panneaux solaires que la Russie imaginait y placer pour rendre la Sibérie plus lumineuse. Au premier instant, tu te dis que c'est génial, mais après mûre réflexion ; c'est une idée horrible et dangereuse… "

Joe Santiago est venu donner un petit coup de guitare sur 'Rober Onion', mais si cette chanson possède un climat proche des Pixies, ce n'est pas parce que l'ex guitariste des Pixies tient la guitare solo ; il s'est juste contenté de jouer de la rythmique. Autre invité de marque, Eric Drew Feldman. Ce vétéran qui a sévi dans le passé chez Captain Beefheart et Pere Ubu, avait déjà travaillé en compagnie de Frank. Mais sur le nouvel album, il y épand généreusement ses notes de clavier et de piano. Pourtant, Frank avait un jour déclaré que le recours à ce type d'instrument ne correspondait pas à l'esprit de sa musique. Il admet avoir changé d'avis, même si Eric avait déjà prodigué un peu de clavier sur 'Teenage of the year'. Et il remercie les Stones pour lui avoir ouvert les oreilles à ce sujet. Notamment à travers la chanson 'Sympathy for the devil'. Des Stones, le groupe a beaucoup écouté l'album 'Exile on main street' dans la camionnette. " Il était chargé dans un lecteur à 10 CD, et c'était toujours le premier qui passait. Parfois on en avait marre de l'écouter, et puis on le laissait quand même parce qu'on se disait qu'il était vraiment bien. "

Influence inattendue sur son nouvel opus : c'est celle de Dylan. Ce qui explique sans doute pourquoi le groupe a eu recours à une steel guitar et une pedal steel. Il faut croire que la formation voulait s'imprégner du climat laissé par le Zim, parce que 'Blonde on blonde' était également dans le fameux chargeur… " J'ai toujours aimé la musique de Dylan, depuis ma tendre jeunesse. Surtout son attitude faite de mystère et d'intellect, qui est intéressante. C'est difficile à comprendre. Il projette des images fortes dans ses chansons. Tu sais dans les années 60, un kid qui écoutait Dylan devait se demander ce qu'il racontait. L'impact politico-culturel d'une chanson comme 'Blowin' in the wind' est considérable, mais il faut avoir une certaine maturité pour comprendre son message… "

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, Eric Burdon, un autre mythe des sixties a également exercé une influence sur le nouvel opus de Black. Et on le ressent très fort sur 'The swimmer'. " Exact ! J'ai un jour lu la critique d'un journaliste qui comparait ma voix à celle de Burdon. Et j'en étais fier. Oui, sur cette composition j'ai fait une fixation sur les Animals. Mais c'est particulièrement difficile à réaliser. On était un peu sur le mode de 'The house of the rising sun'. Dans le même style on a longtemps essayé de reprendre 'Sister isabel' de Del Shannon. Mais j'étais obligé de chanter une octave plus basse. Trop difficile, on a abandonné le projet ". Pour 'Stupid me', Frank a utilisé la reverb dans la voix, un peu comme Lennon. " J'allais oublier l'influence qu'il a eu sur moi. Jusqu'au jour ou un journaliste m'a dit que cette chanson lui faisait penser à Lennon. Teenager, j'ai beaucoup écouté ses disques…"

L'album a été enregistré sans retouches, ni overdubs. En prise directe quoi. " Il y a des groupes qui enregistrent en 4 à 5 jours, et d'autres qui campent pendant des semaines. Mixer et tout le bataclan pour ne tirer que le meilleur. Un peu comme si on voulait atteindre la perfection technique de Steely Dan. Après 15 années de route, cela fait du bien de se sentir musicien. S'asseoir près du producteur et discuter avec lui. Faire une prise et s'entendre dire : elle est bonne ! Le timing est là, les notes sont là, tout y est. Et c'est mieux que de toujours créer des fac-similés d'un morceau. On a déjà donné quand on était jeunes. "

Et pour terminer l'entretien, nous avons causé des OVNIS, mais vous ne saurez rien de la conversation, nous risquerions d'être fichés par les aliens…

Merci à Vincent Devos, Danièle (Aéronef) à Alice (Naïve).

(Version originale de l'interview parue dans le n° 91 - mars/avril/mai 2001 - de Mofo)

 

 

 

 

Centro-Matic

Peindre des images avec des phrases...

Écrit par

Will Johnson a fondé Centro-Matic en 1995. Mais à l'époque, ce n'était qu'un projet alternatif au groupe Funland. Chez qui il jouait des drums! Aussi, lorsque la formation a splitté, il a décidé de transformer son projet en véritable concept. Au sein duquel il joue, tout naturellement, de la guitare, chante et surtout compose. A une cadence frénétique ! En cinq à six années, il doit avoir écrit plus de 200 chansons. Dont il n'a pu, à ce jour, reproduire l'intégralité sur CD. Faut dire qu'à ce régime, il en aurait sorti près de 20 ! " All the falsest hearts can try " constitue donc et seulement le quatrième opus de Centro-Matic. M'enfin, Will semble avoir trouvé une solution pour écouler son stock de compos, puisqu'il a créé un nouveau projet alternatif : South San Gabriel. En compagnie duquel, il avait sorti un excellent opus essentiellement acoustique, " Song / Music ", début de cette année. " All the falsest hearts can try " explore la face la plus électrique de l'esprit de Johnson. Will n'a d'ailleurs pas besoin de moyens extraordinaires pour composer des chansons qui sortent de l'ordinaire. Et il s'en explique…

" Centro-Matic demeure mon dessein principal ; mais j'ai toujours pensé qu'il était judicieux d'imaginer de nouveaux débouchés pour créer de la musique. Une alternative qui me permet d'éviter la routine. De m'extraire d'un canevas rigide au sein duquel beaucoup de groupes se sont enfermés. Nous avons fondé South San Gabriel, parce que nous disposions d'un tel stock de chansons qu'il était devenu quasi impossible de toutes les enregistrer. J'ai donc choisi de réserver les plus électriques à Centro-Matic, et les plus calmes au projet parallèle. En outre SSG nous a permis d'inviter des amis en compagnie desquels nous avions toujours eu envie de jouer… " Will s'est même lancé dans la musique électronique. Mais il n'aime pas trop en parler : " Elles sont bien cachées sous mon lit ", précise-t-il. ‘Songs/Music’, l'album de South San Gabriel a très bien été reçu par la presse. Une réaction qui a beaucoup touché Will. Parce que si au départ cet opus n'a guère suscité de réactions, au bout de quelques semaines, elles ont commencé à se multiplier. " En fait, ce disque nécessite un cadre bien spécifique pour être apprécié. Parce qu'il est beaucoup plus calme et dégage une atmosphère intimiste… " Essentiellement acoustique, il contraste très fort avec celui de Centro-Matic. En fait, pour Will, le meilleur test pour une chanson, c'est de pouvoir la jouer aussi bien très fort que très doucement. De voir si au volume minimum ou jouée en acoustique, elle passe encore. " Les deux styles interpellent l'auditeur, mais de manière différente. Il est amusant et enrichissant de pouvoir aborder ces deux perspectives. Puissante, rock qui apporte une satisfaction physique ou bien calme, sans scratches ni feedback … "

Si Centro-Matic, à l'instar de Sebadoh, Pavement ou Silkworm émarge à la lo fi, c'est beaucoup plus par manque de moyens que par volonté de respecter une quelconque ligne de conduite. " En vérité, lorsque nous avons commencé à enregistrer, nous avions tellement peu de thunes pour entrer en studio, qu'on a effectué le boulot chez nous. Avec des moyens limités. D'ailleurs, avant que le groupe ne commence, c'était déjà ma manière de procéder. Aujourd'hui, c'est le drummer qui s'occupe de cette tâche. Et vu les conditions au sein desquelles il travaille, j'estime qu'il fait du bon boulot. Nous ne sommes pas des musiciens hors pair, mais nous faisons le maximum pour produire la meilleure musique, tout en gardant notre identité. Et puisque le public semble apprécier notre son rugueux, je ne vois pas pourquoi nous lui arrondirions les angles… " Des conditions qui ne sont probablement pas favorables à l'engagement éventuel d'un Ric Ocasek pour assumer la production. En outre, vu le rôle d'ingénieur du son, joué par le batteur, Will pense qu'il serait sain d'en discuter au sein de la formation avant de prendre la moindre décision. Et puis, il y a toujours cette question d'argent…

Will n'est pas du tout gêné de parler des artistes et des groupes qu'il aime, qui l'influencent et qui l'ont influencé. Neil Young, tout d'abord. Qu'il considère comme une grande star et dont les albums ‘Rust never sleeps’ et ‘Tonight the night’ constituent des références incontournables. " Il n'y a que quelques années que je me rends compte de l'influence qu'il a exercée sur moi. Pas seulement à cause de ses chansons et de sa manière de jouer. Mais par rapport à ce qu'il représente dans l'histoire de la musique. De ce qu'il a réalisé au cours de ces 30 dernières années. De l'intégrité qui le caractérise et qui m'impressionne… " Avant chaque tournée les musiciens de Centro-Matic ont même pris l'habitude de regarder le film ‘The year of the horse’. " Rien que regarder le Crazy Horse jouer me stimule, m'enflamme. Personne n'a jamais joué comme eux. C'est vraiment un des groupes les plus inspirateurs, même si cet avis n'engage que moi… " Autre influence majeure : les Replacements. " J'étais encore très jeune, et un cousin m'a prêté un de leurs disques. Après l'avoir écouté une seule fois, j'ai vraiment flashé. C'est devenu mon idole ! Il était très populaire à l'époque. Tu sais à l'école secondaire on s'identifie souvent à un artiste ou un groupe. Celui-là est nul et par contre celui là est génial. Et j'ai commencé alors à collectionner toute leur discographie. Je suis originaire d'un bled où il n'y avait pas de disquaire. Donc toutes les raisons étaient bonnes pour acquérir ses disques dans une grande ville voisine ou par correspondance. Ma platine doit s'en souvenir… "  

Will considère Guided By Voices comme un exemple à suivre ; parce que nonobstant les difficultés qu'ils ont rencontrées à leurs débuts, ils ont réussi à prendre leur propre destin en main, à créer leur propre univers. " Leur production est phénoménale. Ils symbolisent l'histoire d'un succès américain. A leur place, beaucoup de formations, auraient attendu qu'un label les prenne en charge. Ils sont parvenus à enregistrer de superbes disques avec très peu de moyens. Ils sont uniques en leur genre… " Dinosaur Jr, Uncle Tupelo et les Flaming Lips constituent des références communes aux musiciens de Centro-Matic. Ils ont assisté à de nombreux concerts de ces groupes. " Au début des 90's, il n'était pas évident de rencontrer un bon combo capable d'écrire de bonnes chansons. Car le mouvement grunge, qui était plutôt une histoire de son, avait écrasé les véritables auteurs/compositeurs. Dinosaur Jr, les Replacements et les Flaming Lips avaient été épargnés par ce mouvement. Ils sont devenus, en quelque sorte, des précurseurs. Et c'est grâce à eux que la musique a pris une nouvelle impulsion. Alors, tu comprends que lorsque tu apprends à écrire des chansons, il est difficile d'ignorer de telles influences. Surtout au début ! "

Les musiciens de Big Star habitent un bled sis juste à côté de celui où Will a passé son enfance. " Nous sommes voisins. Nos chiens mangent ensemble… " Mais pourquoi leur a-t-il fallu près de 20 ans de travail pour atteindre un peu de notoriété ? " Ils possèdent une sensibilité pop incroyable. Mais ils ne sont pas arrivés au bon moment. C'est ce qui explique, sans doute, pourquoi leur succès a été si tardif… " Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce sont les grands parents de Will qui lui ont communiqué le goût de la musique country. En lui faisant découvrir, tout gosse, des artistes comme Johnny Cash ou Hank Williams, dont ils possédaient tous les disques. " C'est à eux que je dois mon approche musicale de l'écriture. Une approche qui s'est gravée dans mon subconscient depuis cette époque. Et cet aspect sombre, meurtrier, des chansons, se retrouve plus présent dans le répertoire de South San Gabriel. Des chansons qui consomment un tas de pedal steel, un orgue hammond, et d'autres instruments spécifiques à cette musique. A une certaine époque, j'avais peur de les jouer devant ma mère. Et puis je me suis rendu compte que c'était ces chansons là qu'elle préférait. Je ne remercierai jamais assez mes grands-parents pour m'avoir fait écouter un tel répertoire, plutôt que Village People… "

Mais venons-en justement aux lyrics de Will. Très difficiles à décortiquer, voire à comprendre, ils sont aussi ambigus que ceux de Michael Stipe du REM. Ce qui provoque, instantanément, un grand éclat de rires chez l'intéressé. De nombreux journalistes lui ont déjà posé cette question. Et lorsqu'il leur explique le sens qu'il veut leur donner, ils s'en retournent déçus. Ainsi, il a décidé de ne plus donner d'explications à ce sujet. Parce que pour Will, le plus important est l'expérience que chacun peut retirer de la chanson. " Au lieu de décrire quelque chose en noir et blanc je tente de suggérer plutôt des images. Un peu comme si on peignait des images avec des phrases. Et puis on s'arrête. On s'assied. Et on remet une couche… " C'est sans soute la raison pour laquelle ses lyrics sont souvent comparés à ceux de Stipe. " Il y a même des chansons qui prennent même, après un certain temps, un sens nouveau. Une signification que je ne m'imaginais pas lorsque je les ai écrites. Oui, je sais, ce n'est pas évident. Mais c'est aussi le plaisir que l'on peut tirer lorsqu'on entretient le mystère qui les entoure. Mais je n'écris pas que des textes ambigus. J'en ai également composé de plus directs… " (Il cherche, mais ne trouve pas)

Issu de Denton, donc du Texas de George Bush, il était intéressant de poser une petite colle à Will : son avis sur la peine de mort. Il n'est pas encore parvenu à se faire une opinion définitive sur le sujet. " Je crois que c'est une prise de conscience individuelle. La question est aussi importante que la réponse. Et ma réponse n'est pas définitive. Je suis conscient qu'il y a eu des erreurs. Tout dépend des cas. Parfois c'est justifié. Parfois, pas du tout. Mais je suis encore occupé de réfléchir à la question… "

Merci à Vincent Devos

 

Interpol

Influences internes...

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La scène new-yorkaise est à nouveau en pleine effervescence : Radio 4, les Strokes et puis Interpol en sont probablement les plus beaux fleurons. Interpol consitue cependant la formation qui se rapproche le plus de la scène britannique. Pas la britpop, mais la cold wave… enfin et heureusement, pas seulement. Leur premier album a reçu très bonne presse. Mais c'est surtout sur les planches que le quartet y fait l'unanimité : ils y sont tout bonnement impressionnants. Samuel Fogarino, le drummer, est aussi le plus âgé des quatre. Un personnage d'une grande gentillesse, posé et assez charismatique pour incarner le rôle de guide spirituel d'Interpol. Il s'est prêté de bonne grâce à cette interview…

Mais comment comprendre ce nouveau boom sur la scène new-yorkaise. Samuel explique : " Ce phénomène de renouveau du rock s'y reproduit cycliquement. Je ne suis pas issu de cette métropole, mais je me souviens que lorsque j'y suis arrivé, en 1997, j'ai assisté à des concerts de groupes comme Firewater et Valentine Six. Et chaque fois, ils attiraient au moins 500 personnes. Tout baignait dans l'huile. Ils tournaient aux States et en Europe. Aujourd'hui, tout le monde s'en fout. Mais on les aime toujours. Et maintenant les médias ont mis l'accent sur cette nouvelle scène de New York City. Je respecte tous ces nouveaux groupes. Ils sont bons dans ce qu'ils font. Et les Whites Stripes (NDR: ils sont de Detroit!) ainsi que les Strokes correspondent parfaitement à ce type d'atmosphère. Je leur souhaite d'ailleurs tout le bien du monde. Mais j'avoue avoir davantage d'affinités avec des ensembles qui affichent plus de profondeur et de complexité. D'un point de vue mélodique et rythmique. Comme, par exemple Swervedriver. M'enfin, ce qui peut expliquer ce phénomène procède probablement de la fascination exercée par Andy Warhol sur les groupes de New York. Elle n'a jamais cessée. Début des 90's, la tendance était plus hard, une tendance parfaitement illustrée par un groupe comme Unsane. Il était très agressif, très sombre, sinistre même. Une forme de blues blanc urbain joué de manière redoutable et colérique. C'était un de mes groupes favoris ".

Et pourquoi la musique d'un groupe new-yorkais comme Interpol sonne aussi britannique ? Samuel donne son explication : " Depuis une dizaine d'années, la pop et le rock tendent à épouser une forme très lourde, très agressive, très immédiate, très instantanée. Tu la prends en pleine figure. C'est au détriment de la mélodie et de l'introspection. Un groupe américain comme le Red House Painters a toujours fait le contraire. Et c'est ce que nous avons de commun avec eux. Cet aspect là de la britpop. Privilégier l'atmosphère et l'humeur du moment. Au cours des 80's, des groupes comme Killing Joke et Echo & The Bunnymen correspondaient à cette approche musicale. L'ambiance y était tellement épaisse qu'on pouvait presque la saisir. C'est ce que nous aimons. Et pensons que nous pensons voir réapparaître… " De cette époque, Samuel avoue beaucoup aimer les Chameleons. Et puis Clash. Surtout l'elpee 'London Calling'. De la scène punk américaine, Television, Mission Of Burma, Hüsker Dü, Big Black, Dinosaur Jr. Mais en premier lieu Fugazi. Pas seulement leur musique. Leur sens éthique. Sans oublier les disques de chez 'Dischord'…

L'âme de la musique d'Interpol est incontestablement sombre, ténébreuse. Mais parfois on se demande si en baignant au sein de cette atmosphère, le combo ne cherche pas à exorciser quelque démon. Sam ne formule aucune objection. Mais avoue qu'il n'existe aucune réelle d'intention. " A chaque chanson son démon. Et l'alcool peut aider à les exorciser (NDR : il est hilare !) ". Par contre, alors qu'on aurait pu penser le contraire, il n'est pas un grand admirateur de Joy Division. Ni lui, ni Paul, ni Daniel ne possèdent le moindre de leurs disques. Il préfère New Order. C'est plutôt le bassiste Carlos qui est un fan de ce groupe. Et puis l'ancien drummer. " J'ai rejoint le line up, plus tard. Il y a trois ans. Lorsque je suis arrivé, le groupe avait déjà enregistré quelques démos. La musique y était beaucoup plus lugubre, plus linéaire. Mais au fil du temps on s'est démarqué de cette voie. Et dans le futur, ce sera encore plus flagrant ". Les membres d'Interpol ne partagent guère d'influences communes. Daniel et Sam apprécient Fugazi. Pas les autres. Paul et Sam, les Pixies et Frank Black. Carlos et Sam, Killing Joke. Paul, la pop. Carlos, tout ce qui touche au gothique : Bahaus, Tones On Tail… " Il n'existe pas d'influence externe au groupe, mais des influences à l'intérieur du groupe. Chacun possède une influence externe, mais pas le groupe. On s'influence donc, à l'intérieur du groupe, mais pas à l'extérieur. Et je pense que c'est très sain. Par exemple, je n'assiste pas aux sets des artistes qui jouent en supporting act, afin de conserver mon esprit libre. En tournée, je n'aime pas écouter de la nouvelle musique. J'écoute de vieux standards. Les nouveautés, je les écoute chez moi. Je ne veux pas que notre musique puisse être influencée par quiconque. Je veux rester dans mon propre monde. Jusqu'à ce que le désir de créer se manifeste à nouveau… "

Tout comme au début des eighties, Interpol accorde une importance certaine à l'attitude, au look. Sur les planches, tous les musiciens, et même ceux qui sont uniquement engagés pour la tournée, sont sapés dans des costards à la fois seyants, étroits et élégants. A l'instar des musiciens de Spandau Ballet et d'Elvis Costello. Et Sam d'ajouter : " Il était super dans son costume avec sa Fender, Costello ! ".

Sur leur premier opus, une composition a été intitulée 'Untitled'. Drôle d'idée ! Sam élucide : " Sur la maquette, nous l'avions intitulé 'Intro'. Parce qu'elle ouvre nos concerts. Et puis aussi l'album. Mais elle reste tout simplement une chanson de plus de 3 minutes. Elle est mélodique. Comme nous ne trouvions pas de titre, nous avons décidé de la laisser sans titre. Si on avait conservé le titre ‘Intro’, elle aurait perdu toute sa gravité… " 'Say hello to the angels' adresse, par contre, un clin d'œil aux Smiths. C'est tellement évident que Sam nous répond en rigolant, " Non, non, il faut davantage remonter dans le temps. C'est un clin d'œil à Diana Ross… " Certaines chansons bénéficient de lyrics différents, suivant qu'elles figurent sur l'album ou sur l'EP. Mais là, seul Paul aurait pu résoudre cette énigme.

Tous les musiciens d'Interpol ont flashé sur les Warlocks. Un groupe californien, de Los Angeles très exactement, que Sam a découvert grâce au magazine Magnet. " En lisant l'article qui faisait référence à Syd Barrett et à Spacemen 3, j'ai été interpellé. Surtout que le line up aligne trois guitaristes et deux drummers. J'ai acheté le disque, et je l'ai trouvé excellent. C'est le meilleur truc que j'ai entendu depuis des années. Et pour une fois, tous les membres du groupe partagent le même point de vue. Je suis seulement parvenu à communiquer avec eux via internet. Mais malheureusement on n'a pu les voir sur scène, car lorsqu'on est allé à LA pour assister à un de leurs concerts, il était sold out. Et on n'a pu décrocher de place via la guest list. C'était assez frustrant, je dois le reconnaître. A ce jour, ils ont commis deux Eps et un elpee, parus sur un petit label américain qui s'appelle 'Bump'. L'elpee s'intitule ‘Rise and Fall’. J'espère que tu vas le trouver. " (NDR : ce qui n'est pas évident, mais je vais essayer…)

Lorsqu'on rencontre quelqu'un qui vit à New-York depuis quelques années, on ne peut s'empêcher de reparler des événements du 11 septembre. Des plaies que ces attentats ont laissées. " Mes plaies sont guéries. Je n'ai pas trop changé. Mais lorsque je traverse le pont qui sépare Manhattan de Brooklyn et que je ne vois plus les tours jumelles, je réalise très rapidement ce qui s'est produit. Et je pense que ce sentiment ne s'effacera jamais. J'ai assisté au drame de la fenêtre de mon salon. En direct. Tu sais, c'est facile de mettre cette histoire de côté ; mais lorsque vous vivez dans ce quartier, vous êtes habitués à voir ces immeubles. Mais ils ne sont plus là. Et inévitablement, vous ne pouvez vous empêcher de penser à cette catastrophe… " Bowie, qui vit aujourd'hui également à New York, estime que les Américains n'étaient pas, ou alors très mal, préparés face au terrorisme. Le sont-ils davantage aujourd'hui ? La question méritait d'être posée. " Pfft. Je ne pense pas que vous puissiez être préparés contre le terrorisme. Parce que cela ne se voit pas. Cela n'a pas d'odeur. Le terrorisme est un acte démoniaque, parce qu'on ignore quand il va se produire. " Dans la foulée, et vu les événements qui se bousculent sur la scène internationale, je lui ai demandé si Bush ne manquait pas sa cible, en menaçant l'Irak de représailles. " C'est un con ! Un enculé ! Avec ses méthodes, il va tuer tout le monde. Il va déclencher la prochaine guerre mondiale. C'est comme si il voulait récupérer la guerre du golfe de son père, là où elle s'est arrêtée, il y a 12 ans. Tout tourne autour de l'argent et du pétrole. C'est un être maléfique. En plus il est stupide. Pire, il est con ! Il aurait mieux valu qu'il soit coach de basket ! Je ne suis pas du tout d'accord avec sa politique menée aux States. Ce n'est déjà pas un domaine qui me botte particulièrement, mais depuis que Bush est président des Etats-Unis, il l'est encore moins. Agiter le drapeau américain aujourd'hui : non merci ! Nous n'avons pas besoin d'un conflit armé supplémentaire. Est-il nécessaire d'engager des représailles vis à vis de L'Irak, parce que 2 à 3.000 personnes sont décédées lors d'un attentat ? Tout ce qui risque d'arriver, c'est qu'il y aura encore plus de morts. Un père va perdre son fils. Un fils son père. Cette politique va engendrer une escalade et tuer encore plus de gens. Je ne puis partager sa façon de penser. Tout ce que Bush est parvenu à faire, c'est nous effrayer. Et je ne me sens pas en sécurité… "

Merci à Vincent Devos

 

The Warlocks

Vibration physique et mentale

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Début novembre 2002, Sam Fogarino, le drummer d'Interpol avait dit le plus grand bien des Warlocks. Une confidence concédée au cours d'une interview accordée à Musiczine. Restait donc à se procurer leurs disques. Et pas une mince affaire, puisqu'ils n'étaient alors disponibles qu'en import. Mais il faut avouer que " Rise & Fall " et surtout " Phoenix " méritent les éloges qui ont pu leur être adressés. Parce que le psychédélisme électrique véhiculé par ces deux opus est à la fois vivace, frénétique, dense, fiévreux et envoûtant. Faut dire que cette formation californienne, de Los Angeles très exactement, compte la bagatelle de sept musiciens : une claviériste, un bassiste, deux drummers et trois guitaristes dont un chanteur. Et pour corser le tout, Sonic Boom (NDR : le leader du défunt et mythique Spacemen 3 !) est venu leur donner un coup de main pour enregistrer leur dernier elpee. A la six cordes. Pas étonnant que la musique des Warlocks rappelle… quelque part… Spacemen 3… Tout ceci méritait quelques explications. C'est Corey Lee Granet, le soliste, qui a bien voulu répondre à nos questions.

Comment expliquer la présence de Peter Kembler (alias Sonic Boom) ? Corey raconte : " Nous étions tous des fans. Et nous avons commencé à échanger quelques e-mails. Puis la correspondance est devenue de plus en plus régulière. D'appréciations réciproques en commentaires divers, nous avons fini par nous faire inviter en Angleterre, pour y accomplir une tournée. Fatalement on s'est donné rendez-vous. Nous ne nous connaissions qu'à travers le net. Et pourtant, le courant est passé tout de suite. Nous ne nous lâchions plus. Ce type est vraiment brillant. Et en plus il est sympa et a beaucoup d'humour ; même si comme tout le monde il a aussi ses moins bons côtés. Finalement, je ne vois pas comment il aurait pu refuser de participer à notre périple. Live, nous avons vraiment pris notre pied en sa compagnie. Et il a également participé à l'enregistrement de 'Phoenix', pour un morceau. Trois guitares c'est bien, quatre c'est encore mieux… " Oui mais un line up qui implique autant de guitaristes et surtout deux drummers, ce n'est quand même pas monnaie courante. Si mes souvenirs sont exacts, le Ginger Baker Airforce comptait deux batteurs. Corey réagit : " La présence de deux drummers ne reflète certainement pas une volonté de pratiquer du bidouillage à la hippie, ni le fruit d'une quelconque admiration pour Adam & the Ants. Et un mélange des deux serait horrible. Simplement nous n'avons pas eu le culot d'en virer un des deux. Parce que ce sont des amis. Prendre une telle décision serait un véritable cauchemar. Par contre la présence de trois guitaristes au sein du line up se justifie amplement. Et si cette formule n'est pas habituelle, elle n'est quand même pas exceptionnelle. Mais il est vrai que trouver un équilibre idéal, quand on est sept musiciens, ce n'est pas toujours facile. Enfin, rien n'est jamais facile… "

A une certaine époque, Grateful Dead et le Velvet Underground se sont appelés les Warlocks, avant d'opter pour leur légendaire patronyme. Une information qui surprend Corey, mais qui surtout le ravit : " Wouaw !!! C'est cool d'apprendre une telle info. Surtout en ce qui concerne le Velvet " Le Velvet Underground est une influence majeure, on est heureux de l'apprendre. Car le combo n'aime pas trop qu'on fouille dans ses références. Et en particulier de se voir taxer de psychédélique ou de garage. Il préfère parler d'expérience sonore. " Parce qu'on y sent une présence physique. Elle est palpable. On entre dans le domaine du sensoriel. On est en présence d'une combinaison mentale et physique des sons, plutôt que de vers et de refrains. Nous sommes davantage qu'un groupe pop. Nous cherchons à faire vibrer notre public physiquement et mentalement… " Pourtant, difficile de ne pas parler de psychédélisme, lorsqu'on écoute leur musique. Corey confesse : " Je n'aime pas le terme psychédélique, parce qu'il vous cantonne dans un genre bien défini. Une sorte de combat d'arrière-garde. C'est comme si on annonçait à un fan de 13th Floor Elevators que nous les réincarnions. S'il vient assister à un de nos concerts, il va être déçu et se dire 'Qu'est ce que c'est que ce groupe de merde !' Notre musique est beaucoup plus contemporaine et puise son inspiration tous azimuts. Y compris dans le psychédélisme. Mais nous cloîtrer dans ce seul univers serait faire preuve d'étroitesse d'esprit… " Ce qui n'empêche pas plusieurs musiciens du band de collectionner les fameuses compiles 'Nuggets'. Ou encore de s'intéresser à la science-fiction. Encore que le chanteur soit également un féru d'histoire. Et en particulier de tout ce qui a trait à la guerre 40-45. Oui mais lorsque à l'instar d'un Frank Black ou d'un Greg Sage, on est aussi passionné par la science fiction, on est en droit de se poser une question : n'y aurait-il pas également un certain intérêt pour le phénomène OVNI ? Pan dans le mille ! " Mes parents ont vécu une rencontre du 3ème type en 1974. Dans le désert de Mojave. Ils ont vu un OVNI. Et le lendemain, ils ont lu dans la presse qu'ils n'étaient pas les seuls à avoir assisté à ce phénomène. Il existe même des centaines de témoignages de cette manifestation. Ce qui la crédibilise davantage. Et je les crois sur parole. Vu les circonstances, il serait d'ailleurs cruel de les prendre pour des menteurs. Et ceux qui ont jeté le discrédit sur ces aveux, ont l'esprit bien obtus… "

Parmi les ensembles contemporains, Les Warlocks apprécient beaucoup Interpol. " Evidemment ! " Les Kills. " Des amis ! "  Beachwood Sparks. " Des amis également, mais ils viennent de splitter. Chris Gunst a entamé une carrière solo. Les autres ont fondé The Tyde " Tout comme les Warlocks, Beachwood Sparks a également transité par Bomp ! Records. Apparemment une mine d'or, pour celles et ceux qui cherchent de nouveaux talents. " Oui, ce label regorge de groupes plus intéressants les uns que les autres. Et hormis le back catalogue au sein duquel on peut y retrouver des mythes tels qu'Iggy Pop et les Stooges, les artistes sont, pour la plupart, inconnus du grand public : Nikki & the Corvettes, Brian Jonestown Massacre, Dead Meadow… Dead Meadow tient sans doute quelque chose des Happy Mondays… " Tiens curieusement, la chanson 'Hurricane heart attack' me semble à la fois hantée par l'esprit des Mondays et des Stones circa 'Street fighting man'. " Ce n'est pas tout à fait faux. Pour les Mondays, c'était 20 ans plus tard. Et nous 15 années encore plus tard. C'est un chant de colère. Lorsque nous l'avons jouée à Manchester, le public criait 'Mondays' 'Mondays'. Une réaction bizarre et un pur hasard, car notre chanteur n'a jamais écouté le moindre morceau des Happy Mondays… " Les Warlocks ont eu un coup de foudre pour une formation qui répond au nom de Lyca Sleep. " C'est un jeune groupe issu de la région de Middlesbrough. Leur son est très proche de ce que pratiquait The Verve, à l'époque de 'Nothern soul'. Donc, ils ne peuvent que dispenser de la bonne musique. On les a rencontrés en tournée et on a assisté à un de leurs sets. Impressionnant ! J'espère qu'ils pourront poursuivre leur aventure le plus longtemps possible. Ils le méritent. Mac Cabb a eu une grande influence sur eux… sur nous également… "

Les membres des Warlocks n'ont pas seulement une corde (musicale) à leur arc. Plusieurs d'entre eux pratiquent différentes activités artistiques, dont la photographie. Pourtant, ils ne dessinent pas leurs pochettes. " On ne peut pas tout faire ! Nous sommes effectivement tous impliqués dans l'art, à divers degrés ; mais chacun d'entre nous possède sa propre vision artistique. Nous sommes quand même au nombre de sept dans le groupe. La pochette de 'Phoenix' est différente en Europe de celle que nous avions réservée aux States. Elle a été inspirée par Andy Warhol ; mais en fait, le projet a été réalisé par notre drummer. Il existe deux perspectives dans ce type de travail. Il faut opérer un choix. Le nôtre s'est posé sur quelqu'un d'extérieur au groupe… " Scoop : un nouvel album est en préparation. C'est la confidence que nous a faite Corey. " Nous rentrons à Los Angeles dans trois semaines. Nous prendrons alors une période de congé d'une quinzaine de jours avant d'entrer en studio. On ne sait pas encore qui en sera le producteur, ni où il sera enregistré. Mais toutes les chansons sont terminées. Et pour te donner une petite idée du contenu, elles navigueront quelque part entre 'Risen Fall' et 'Phoenix', tout en faisant davantage appel à l'instrumentation acoustique… "

Merci à Vincent Devos

 

 

 

 

Hot Hot Heat

Un certain feeling new wave...

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‘Bandages’ est un hit que vous avez sans aucun doute déjà entendu sur l'une ou l'autre station radiophonique. Un tube dont les lyrics ont suscité la controverse. Cette chanson a même été interdite à la BBC. Une aubaine pour le groupe canadien qui n'en demandait pas tant pour se faire de la pub. Pourtant, on ne peut pas dire que les débuts du groupe ont baigné dans l'huile. Il a même fallu attendre le départ du chanteur, Matthew Marnik, et son remplacement par le claviériste Steve Bays, pour que la mayonnaise commence à prendre. Dustin Hawthorne, le bassiste, s'est volontiers proposé comme porte-parole de cette formation qui devrait bientôt sortir son deuxième album…

Le puritanisme britannique s'est encore distingué. Une cerise sur le gâteau dont se délectent les musiciens de Hot Hot Heat depuis des mois. Et pour cause ! Cette publicité gratuite a même fait le tour du monde. Dustin en rit encore : " Partout où on est allés, les médias sont revenus sur le sujet. Même en Australie et au Japon. Même à l'époque où on n'était pas encore connus. Sur les plateaux de TV, ils se disaient : 'On la passe ou on ne la passe pas ? Une heure avant le journal ou une heure après ?' Finalement tout ce toutim nous a procuré une pub fantastique. Nous n'en demandions pas autant. Et finalement, la chanson a décroché un numéro un en Grande Bretagne ". Une chanson dont la formation est particulièrement fière. " Lorsque nous la jouons 'live', nous entrons en osmose avec le public. Une espèce d'hymne qui accroche instantanément… Et il n'est pas rare que le public monte sur les planches lorsqu'on l'interprète sur scène… " Pour s'adonner au stagediving ? " Non, non, pas le stagediving ! Lors de spectacles accordés à LA et à Melbourne, une partie du public est montée sur scène et a commencé à danser. Imaginez-vous 60 personnes sur les planches ! C'était vraiment la fête. A la fin, il ne restait plus que la batterie. Mais cette situation fait partie du show. Par contre, nous n'aimons pas trop que les spectateurs se jettent dans la foule. Une jeune fille a ainsi failli, un jour, se rompre le cou. Et nous avons eu très peur. Tu comprends mieux maintenant pourquoi il existe des gardes du corps et des barrières de sécurité, lors d'un concert. Toute cette organisation est destinée à empêcher les spectateurs de monter sur scène. Et surtout d'éviter le risque de blessures. Enfin, je reconnais que je commence à vieillir ; et je deviens dès lors moins téméraire… "

Le premier album a donc été enregistré au sein de deux studios différents : à Vancouver et à Seattle. Drôle d'idée de concocter un elpee dans deux studios différents, alors qu'il ne fait que 33 minutes. " Sur notre premier EP figurait 5 titres. Et au départ, on avait l'intention d'en réinterpréter deux pour les intégrer au nouvel opus. Mais on s'est rendu compte, que de toutes manières, il aurait encore été trop court. En fait, nous n'avions pas assez de matière première. Deux semaines avant d'entrer en studio, nous étions encore occupés de composer... La brièveté de cette plaque n'est pas délibérée. Elle a été conditionnée par le manque de temps. Le recours aux deux studios nous a, par contre, permis de donner des colorations différentes aux chansons. A Seattle, nous avons travaillé dans un espace réduit. On se sentait vraiment à l'étroit. Mais les prises étaient très basiques ; en outre, nous avons bénéficié du concours de l'ingénieur du son maison. A Vancouver, nous disposions de davantage d'espace. Nous avions tout le confort : la TV, à bouffer, etc. "

Dans une interview accordée à un magazine britannique, la formation a déclaré que dans le futur, elle pourrait réaliser un concept album. Alors, est-ce une blague ou le groupe a-t-il cherché à lever un coin du voile qui dissimule la face prog rock chez Hot Hot Heat ? " Une blague ! Nous n'avons pas l'intention de reconduire un quelconque 'Sergent Pepper' ou 'Dark side Of The Moon'. En fait, les paroles ont sans doute été extraites de leur contexte. Par contre, nous ne sommes pas fermés à l'expérimentation. A donner une nouvelle dimension à notre musique. Une chose est sûre, il ne sera ni conceptuel, ni prog. Lorsque nous atteindrons la quarantaine, il sera peut-être temps d'y penser… "

Les musiciens de Hot Hot Hot Heat aiment la new wave des eighties ; et en particulier des formations ou des artistes tels que XTC, Jam, Cure et Elvis Costello. C'est manifeste ! Pas pour rien que la plupart des médias évoquent ces références lorsqu'ils parlent de 'Make up the breakdown'. Mais qu'en pense Dustin ? Est-ce une réflexion embarrassante ou pertinente ? " Un peu des deux ! Il serait malhonnête de ne pas reconnaître un certain feeling new wave au sein de notre musique. Et que ces groupes ou artistes ne constituent pas des influences majeures. Mais nous ne voulons pas être taxés de revivalistes new wave. Cure, Costello et XTC sont des noms absolument incroyables. Et notre guitariste, Dante, adore XTC. S'il n'existe aucune filiation avec XTC, il faut reconnaître que c'est la formation qui nous a le plus influencés. C'est un des points culminants atteints par la musique entre la mi eighties et 1990. Très jeunes, nous entendions cette musique. Inconsciemment, progressivement, elle nous a imprégnés, influencés… " Si HHH ne connaît pas Supergrass, il voue un grand respect à Blur. " J'apprécie beaucoup leur approche de la composition. Elle est toujours différente. Et quelque part, comparable à la nôtre. A contrario des Strokes, leurs accords, les tempi, sont toujours différents. Leur son est vraiment unique et il est impossible de les cataloguer dans un registre, même si on les considère comme les pères de la britpop…mais je ne connais pas Supergrass… et tout ce que nous écrivons n'entre pas dans le cadre de la new wave… " Encore que pour le look, il y a de quoi se poser des questions. Une certaine presse estime même qu'ils s'habillent et se coiffent comme les Dexy's Midnight Runners… Une réflexion qui fait sourire Dustin. " A ce sujet, je me référerai plutôt à A Flock Of Seagulls. Des types complètement extravagants que j'avais eu l'occasion de voir en concert… Il est vrai que dans le look des Dexy's, il y a des similitudes. Ils étaient bien fringués. Mais je pense qu'on est plus proches d'eux musicalement qu'esthétiquement… "

Dans le domaine de la musique contemporaine, les musiciens avouent quelques coups de cœur. Tout d'abord pour un ensemble mystérieux répond au nom de Badger King. " Un duo qui est issu de Portland, dans l'Oregon. Un garçon et une fille. Il programme des sequencers et joue de la guitare. Elle chante et joue également de la guitare. Leur musique est vraiment novatrice. Ils avaient assuré notre supporting act lors d'une de nos premières tournées, il y a un an et demi. A Salt Lake City, dans l'UTAH. Depuis, on les a quelque peu perdus de vue. Un groupe étrange et passionnant… " Pour les Liars, également. " Un groupe fantastique. Nous avions assisté à un de leurs shows à Seattle. C'était à l'époque où Sub Pop était venu nous voir avant de nous signer. Nous étions à la même affiche. En première partie. Nous étions stressés à mort. Leur show nous a vraiment soufflés… " De Sub Pop, Hot Hot Heat est donc passé chez Warner Music. Une situation qui ne semble pas trop perturber Dustin. Pourtant, il est de notoriété publique que lorsqu'un artiste ne vend pas suffisamment chez Warner, il passe à la trappe… " En fait, Sub Pop est une succursale de Warner. Lorsque Sub Pop s'est rendu compte de notre potentiel, il s'est adressé à Warner pour leur demander si notre produit les intéressait. Ils ont répondu favorablement. Mais tout ce qui relève du domaine artistique appartient toujours à Sub Pop. Warner se charge du volet financier. Donc nous n'avons pas de problème de diktat ni de formatage inhérents aux grosses compagnies. Warner sert ici en quelque sorte de banque… Bon, maintenant j'espère que nous n'allons pas vivre une mésaventure semblable au 'Catch 22' de Joseph Hiller. Ce serait une situation inextricable. Etre un groupe créatif et ne pouvoir sortir sa production nous rendrait fous. On est quand même un peu inquiet à ce propos. Mais pour l'instant, nous regardons les aspects positifs de notre contrat… " Une philosophie qui risque quand même de se retourner contre eux, lorsqu'on sait qu'ils ne s'intéressent guère aux bénéfices tirés de la vente de leurs disques, mais plutôt de leurs tournées. " C'est notre manière de concevoir le business dans le monde de la musique. L'argent gagné par les disques, nous le réinvestissons dans les avions, les tournées ; et en retour ces tournées nous apportent de l'argent. On réinvestit de l'argent pour faire plus d'argent. Nous n'avons pas vendu des cargaisons de disques. L'argent vient des tournées. De la vente des tickets et du merchandising… "

Tous les musiciens du groupe sont multi instrumentistes. Une faculté qu'ils ne mettent pas en exergue, à l'instar d'un Beta Band, lors de leurs concerts. Dustin explique : " J'ai assisté à de nombreux concerts au cours desquels les groupes se plient à cette pratique. Mais j'estime qu'elle nuit à la création. Nous préférons nous concentrer sur l'instrument que nous maîtrisons le mieux. Je joue, par exemple de la batterie, mais pour pouvoir en jouer 'live', j'aurais besoin de 3 mois de répétition. En outre, nous ne voulons pas qu'on nous prenne pour des gens qui savent tout faire. Personnellement, il ne faut pas me demander de jouer du piano. Je ne connais pas suffisamment les accords. Cependant, chaque musicien s'intéresse aux autres instruments. Ce qui est important dans l'écriture d'une chanson. Car nous les écrivons ensemble. Et donc, lorsqu'on commence à la jouer, on est capable de repérer les accords du clavier et la première note de la basse. Enfin, comme je suis bassiste, le suis fort intéressé par tout ce qui touche à la batterie. Ce qui entre dans la logique, à partir du moment où on s'intègre dans une section rythmique… "

Merci à Vincent Devos.

 

Electric Six

Le sexe, c est plus de la suggestion que de l exhibition

Danger, danger ! High Voltage : les six malades d'Electric Six sortent enfin leur premier album, un concentré jubilatoire de rock'n'roll, de disco, de garage et de funk. Yeah ! Leurs riffs éjaculatoires, leur dégaine de rockeurs insomniaques, leurs textes hilarants : ça pète dans tous les sens, pour le plaisir des yeux et des oreilles ! Leurs 13 chansons boutent le feu au dance-floor, c'est l'apocalypse électrique, c'est Electric Six ! Ces phrases sonnent comme des slogans publicitaires, mais pour une fois c'est vrai : le produit est de qualité. Les journées promo doivent être exténuantes pour ces jeunes stars montantes du show business, qui voient défiler devant eux des journalistes à la chaîne, comme les bières dans leur gosier. A 18h, au Falstaff de Bruxelles, c'était le tour de Musiczine : après avoir cuvé leur blanche pendant des heures, Dick Valentine et Surge Joebot auraient pu lâcher l'affaire, envoyer paître ce petit con et ces questions débiles. Mais non : Dick, le frontman extraverti aux faux airs de méchant, et Surge, le guitariste chauve à la voix graveleuse, se sont prêtés au jeu avec joie, buvant leur blanche cul-sec et se tenant la barbichette, " le premier qui rira aura une tapette ". Action !

Alors les gars, dites-moi, qui sont vraiment les Electrix Six ?

Surge Joebot : Juste six types de Detroit qui tentent de survivre, de se battre, de faire leur trou…

Dick Valentine : … d'inscrire leur musique sur la grande tapisserie du rock.

?… Et cette histoire de complot sur votre site, de ‘sélection naturelle’ dont le groupe serait à l'origine ! ?

S.J. : Tout le monde est impliqué dans une sorte de complot géant sans vraiment savoir ce que c'est… Il n'existe pas de preuves ! Ce n'est pas inscrit dans la réalité, pour autant qu'on le sache. C'est un des webmasters qui nous l'a dit. Entre-temps, il a été viré.

D.V. : Nous avons beaucoup trop de webmasters qui s'occupent de notre site : on ne sait jamais ce qu'ils vont écrire… On ne contrôle rien, mec ! Les gens pensent maintenant qu'on est des gens tarés, qu'on dit des trucs cools, mais ce n'est pas vrai ! Une fois que la tournée sera finie, on s'occupera de ces types… Ils n'auraient pas dû dire ça.

Comment vous connaissez-vous ?

S.J. : Nous sommes allés au même lycée, mais ce n'est qu'après qu'on a commencé à travailler ensemble. Au départ, on s'appelait The Wild Bunch, mais on a dû changer de nom à cause d'une sombre histoire de copyright. Un Dj nous a menacés de poursuite judiciaire…

Un Dj trip hop de Bristol (NDR : les futurs Massive Attack) ?

S.J. : Ouais : un Dj, c'est quand même la dernière personne par qui on a envie d'être poursuivi… Et donc on a changé de nom ! C'était aussi l'occasion pour nous de faire table rase du passé, ce qu'on a fait, et voilà : bingo !

Comment définiriez-vous votre musique ?

D.V. : On essaie à tout prix de ne pas définir notre musique. Si tu cherches à vouloir décrire ce que tu fais, la meilleure chose à faire est de ne pas employer de mots… Parce que si on commence à parler de punk, de dance, de rock, alors c'est ce qu'on finit par être, et nous on veut être un tas de choses différentes ! Quand on s'assied pour écrire une chanson par exemple, on ne se dit pas " Voilà comment ça doit sonner " ou " On va faire un album comme ça "… Conneries ! On écrit toutes sortes de morceaux très différents, mais susceptibles d'être reliées sur un album par des thèmes communs : à la fin, tu te retrouves avec un album intéressant… " Fire " est le résultat de ce genre de réflexion.

S.J. : Si on planifie trop, il n'y a plus de place pour les surprises : on voit ce qui se profile à l'horizon, on réfléchit trop… Or il faut réfléchir le moins possible ! A dire vrai, nous ne sommes pas un groupe de grands penseurs !

Et si je vous disais ‘disco-punk’, ‘drunk garage’, ‘clit rock’ ?

D.V. : Clit rock ? !

Ouais ! ! ! C'est un terme inventé par votre amie Peaches pour décrire sa musique !

S.J. : Yeah, j'aime ça ! Parce que tout tourne autour de ça, du clitoris… " Rock the clit while you still can ! "

D.V. : C'est vrai : dès qu'on voit Peaches, la première chose à laquelle on pense, c'est le clitoris.

Vous avez collaboré avec elle…

D.V. : Elle a repris " Gay Bar ", et nous son " Rock Show ", c'était très sympa. Elle a fait du bon boulot.

Je dis ça parce qu'écouter votre musique, c'est un peu comme tirer son coup.

S.J. : C'est fantastique ! Vraiment, je pense qu'aucun groupe ne pourrait entendre plus beau compliment… C'est la meilleure chose à laquelle ta musique puisse être comparée ! (Dick acquiesce)

Y a pas de quoi, les gars… Mais changeons de sujet : vous venez de Detroit… A-t-elle une influence sur la musique que vous faites ?

D.V. : La ville peut-être, mais pas vraiment la scène ou tous ces groupes qui en ont fait l'histoire… On aime la plupart des groupes de Detroit, mais on ne sonne pas comme eux. Vivre à Detroit, c'est pas la joie : c'est froid, désolé et pluvieux, il n'y a pas de magasins ni de supermarchés, c'est pour cela qu'il faut créer son propre amusement, parce qu'il n'y a rien à faire et à acheter. C'est la raison pour laquelle il y a beaucoup de bons groupes à Detroit, parce qu'à la fin de la journée, il faut bien s'amuser : il n'y a pas d'endroits pour acheter des jeux vidéo, ce genre de trucs… Alors on fait de la musique.

Et ces noms ridicules, c'est aussi pour se marrer ?

D.V. : Tu sais, ce sont des choses qui arrivent : ta maman et ton papa se rencontrent, ils font un bébé et à un moment, ils décident de lui donner un nom. C'est comme ça que ça marche…

Sans rire, c'est ton Vrai nom : Dick Valentine ?

D.V. : Yep, aussi surprenant que cela puisse paraître…

S.J. : Je ne pense pas que les noms de scène soient nuls : je me suis toujours imaginé avec un nom de scène… Je le sentais comme ça. Et puis c'est une tradition dans le monde du divertissement, un paquet d'artistes ont des noms de scène : Jack White est un nom de scène, sans vouloir décevoir personne… John Wayne… Gene Simmons… Vin Diesel… Tous ces noms sont fabriqués. Ca arrive souvent dans le show business.

Johnny Hallyday ! ! !

D.V. : " John Weedee " ? ! ?

Johnny, quoi ! ! ! La plus grande star de l'histoire du rock'n'roll français !

D.V. : Me dis rien… Nous sommes américains ! Jamais entendu parler…

S.J. : Mon nom de scène vient en fait de Serge Gainsbourg. C'est un hommage.

Et concernant les titres de vos chansons ? 1/ " Dance Commander "… C'est un ordre ? Est-ce important pour vous de composer de la musique sur laquelle les gens peuvent danser ?

D.V. : Nous ne sommes pas sûrs de l'identité de celui qui donne cet ordre. Voilà de quoi parle cette chanson ! C'est un mystère : qui est vraiment ce " Dance Commander " ? On ne sait pas trop. Mais c'est très important de danser. On veut être reconnu comme un groupe dance, en plus d'être reconnu comme un groupe rock. Donc, danser, c'est primordial : on y pense tout le temps. Mais de là à savoir qui est le " Dance Commander "… On n'a pas encore trouvé ! Ca nous permet en tout cas d'envisager une suite : " Dance Commander : Part II ".

Tu pourrais être le ‘Dance Commander’ !

D.V. : Toi aussi ! Je n'en sais rien… L'un de nous doit être le " Dance Commander ", et un autre la taupe.

La taupe ?

D.V. : L'espion. Quelqu'un sait qui est le " Dance Commander ". Quelqu'un est le " Dance Commander ". Yeah.

2/ " Electric Demons " : l'un d'entre vous est peut-être le " Dance Commander ", mais qui sont ces " Electric Demons " ?

D.V. : Ce n'est pas nous : c'est une chanson sur le vaudou, en fait. Sur ces gens qui sont bons de cœur, mais qui se rendent compte que le mal est peut-être la voie à suivre. Ils ont une petite vie clean et confortable, mais à un moment ils se disent " Merde ! La vie est trop courte ! ", et ils se mettent au vaudou et à la sorcellerie pour obtenir ce qu'ils veulent. Voilà le concept.

Et " Electric Six ", " Electric Demons " : c'est quoi cette obsession de l'électricité ?

S.J. : Well, c'est partout autour de nous. Regarde autour de toi, tout fonctionne à l'électricité !

D.V. : Tu vois, quand t'es dans une pièce et que les plombs sautent… Quelle est ta première réaction ? " Putain ! ! ! Qu'est-ce que je vais faire ? ! "… Qu'est-ce que tu vas faire ? Ton webzine, sans électricité, personne ne peut le lire…

C'est vrai !

D.V. : Yep. La moindre des choses qu'on pouvait faire, c'était d'écrire quelques chansons à ce sujet…

Mais vous pourriez aussi composer des chansons acoustiques.

S.J. : Je ne sais pas comment jouer de la guitare acoustique… Jamais été bon à ça…

3/ " Naked Pictures (of Your Mother) " : encore du cul. Ca vous inspire ?

D.V. : C'est évident. C'est ce qui nous fait carburer. Cette chanson parle de chantage. Un mec fait du chantage pour baiser une fille, en utilisant des photos nues de sa mère. Yeah !

Bande de pervers… C'est une histoire vraie ?

D.V. : Non, c'est purement fictionnel. Cela ne nous concerne pas ! C'est juste une histoire… On est des amuseurs publics : on enfile nos costumes pour raconter des histoires… Nous sommes…

S.J. : … Des raconteurs d'histoires en costumes.

D.V. : C'est ça. C'est ce que nous sommes !

N'empêche, vous avez l'air de vouloir communiquer à vos auditeurs une sorte d'adrénaline… sexuelle.

S.J. : J'espère bien ! C'est notre boulot. C'est la raison pour laquelle on est là. On est content de faire partager cette idée, surtout si elle peut servir à quelqu'un...

Pourquoi ne jouez-vous pas à poils, alors ?

S.J. : Aaaah, je ne pense pas que quelqu'un veuille vraiment nous voir ainsi… Et puis si on le faisait, les filles ne voudraient plus nous raccompagner… Cela n'aurait aucun sens !

D.V. : Le sexe, c'est plus de la suggestion que de l'exhibition.

C'est vrai. 4/ " Danger ! High Voltage " : est-ce qu'Electric Six est un groupe dangereux pour la musique, pour le bon goût ?

D.V. : Je ne pense pas que nous soyons dangereux : on est des gentils. C'est juste une chanson à propos…

S.T. : … de faire du blé !

D.V. : Yeah… Qui parle d'un braquage : celui des charts ! On l'a écrit avec l'objectif d'en faire un hit, et on a réussi. C'est aussi simple que ça.

De quand date-t-elle ?

D.V. : De dix ans, environ. Le riff date de cette époque, et les paroles de trois ans, puis on l'a enregistrée. On aurait pu la sortir directement, mais on voulait qu'elle mûrisse lentement ; c'est pour cette raison qu'on l'a d'abord refilée en vinyle à des DJ's. La sauce a pris assez vite ; et cela nous a permis de signer un contrat avec une maison de disques, qui l'a poussée pour qu'elle devienne un hit. C'était bien planifié !

Je vous ai découvert, comme beaucoup de gens, sur la compile des 2Many DJ's… On peut donc affirmer que c'est la Belgique qui a lancé votre carrière !

S.T. : Tu sais quoi ? C'est tout à fait vrai ! Je réfléchissais l'autre jour à notre liste de remerciements, et je me suis dit qu'on aurait dû remercier ces deux types pour nous avoir réservé une place sur leur compile ! Donc, merci à eux, et merci à la Belgique !

Ce John S. O'Leary crédité aux chœurs, c'est Jack White ?

D.V. : Le véritable nom de John S. O'Leary est John S. O'Leary. Un mécanicien de Cleveland qui a remporté notre concours sur Internet pour chanter sur " Danger ! High Voltage ", point barre. Je sais que beaucoup de gens pensent qu'il s'agit de Jack White, et tant mieux pour nous : on vendra plus de disques.

Un mécanicien ? !

D.V. : Yeah. Il a une femme, des enfants… Il ne nous parle plus.

Pourquoi donc ?

D.V. : Après avoir enregistré le morceau, on est tous allés manger, mais aucun d'entre nous n'avait de l'argent, alors on l'a obligé à payer l'addition… Il est un peu en colère… Pourtant, il aurait dû nous remercier pour l'honneur que nous lui avons fait !

Il ne reçoit aucunes royalties pour cette chanson ? Il chante dessus quand même !

D.V. : On a brûlé toutes les preuves. Nous ne sommes pas toujours fiers de ce que nous faisons, mais bon…

5/ " She's White " : " I was born a dancer in your disco fire " ? ! ? C'est une métaphore sexuelle ?

D.V. : Non : juste un hommage à nous-mêmes. Ce " Disco Fire ", c'est nous. Tu connais Steve Miller, " Some people call me the space cowboy " ? C'est la même idée : si on peut de temps en temps s'autocongratuler, pourquoi rater cette occasion ?

6/ " I Invented the Night " : êtes-vous les seigneurs de la nuit à Detroit ?

D.V. : Plutôt les " juges de la nuit " : on s'assied, on cogite et on évalue chaque nuit.

Euh… 7/ " Gay Bar " : " I've got something to put in you at the Gay Bar ", " Let's start a nuclear war at the Gay Bar "… Vous êtes homophiles ou quoi ?

D.V. : Nous sommes totalement homophiles. Je ne chante pas " Start a nuclear war " au sens propre, parce que si tu lâches une vraie bombe dans un bar gay, tu souffles avec toute la ville. Soyons sérieux : une guerre nucléaire ne pourrait se limiter au bar… C'est plutôt une chanson sur la confiance en soi, genre " Ce soir, je vais faire péter le dance-floor comme une bombe nucléaire ". Ca n'a rien à voir avec le fait de tuer des gens, mais avec le fait d'être le centre d'attraction de la soirée. Dans un bar gay.

8/ " Nuclear War ", " Fire ", " Electric ",… Tous ces termes vous ont posé problème pour la sortie de l'album ?

D.V. : On a dû postposer la sortie du single " Gay Bar " à cause des références à la guerre nucléaire. L'atmosphère générale, surtout en Amérique, était trop tendue, parano. Mais nous ne sommes pas les seuls à avoir été victimes de la censure…

C'est ridicule ! Que pensez-vous de votre président et de sa façon d'agir ?

S.J. : Kill Bush ! ! !

D.V. : Ici on peut le dire. Si on gueulait ça chez nous, on irait directement en prison !

J'ai lu que votre premier concert date de 1996, précisément le jour de l'anniversaire des bombardements à Hiroshima et Nagasaki. C'était délibéré ?

D.V. : Non. On s'en est rendu compte après.

Est-ce que par la suite, cet événement a eu une influence sur votre manière d'écrire vos textes ?

D.V. : C'est juste une affaire de coïncidences. On ne s'est pas assis en se disant : " Et si on faisait une chanson sur la guerre nucléaire ? ". Je pense que ça fait partie de l'" infini cosmique ", tu vois, c'est astrologique. Moi-même je suis verseau.

D'accord, mais cette question du nucléaire… Seriez-vous la réponse atomique à tous ces groupes minables qui squattent aujourd'hui nos ondes et nos écrans ?

S.J. : Je pense qu'il y a pas mal de bons groupes en ce moment, à l'exception de Good Charlotte… Mais on n'a rien à prouver, à personne. On essaie juste de faire du bon rock, sans vraiment se soucier des autres. La seule chose qu'on puisse essayer de changer, c'est nous-mêmes.

9/ " I'm the Bomb " : encore cette obsession pour ce qui pète ?

D.V. : Ici encore, c'est une chanson à propos de la confiance en soi. C'est une expression populaire en Amérique : " I'm the Bomb ! ". Ce n'est pas un commentaire politique ou quoi que ce soit. Le protagoniste de cette chanson dit juste : " Voilà mes qualités, ce que j'ai à vous offrir ", même si le type est un beau parleur.

10/ " Improper Dancing " : une référence à la politique sécuritaire de l'ex-maire de New York, Giuliani ?

D.V. : Non. C'est à la fois de la fiction et la réalité. L'idée nous est venue lorsqu'un ami à nous s'est fait jeter d'un night club miteux de Michigan pour " danse inappropriée ". Il était en train d'effrayer les gens sur le dance-floor… On a juste transposé cette histoire à New York, parce que c'est plus chaud, avec toutes ces jolies pépettes qui se trémoussent… Si à New York la moitié de la population dansait de manière " inappropriée ", imagine le délire ! Mais il n'y a rien de politique dans cette chanson.

Alors, Electric Six, c'est le groupe dont vous rêviez ?

D.V. : On fait la musique qu'on a envie de faire, mais je ne dirais pas qu'Electric Six est le groupe de nos rêves… Nous sommes tellement tarés que pour être dans le groupe de nos rêves, il faudrait qu'il incorpore plein de trucs qui n'existent même pas ! N'empêche, on est super heureux de pouvoir faire ce qu'on veut. Certaines de nos chansons ont plus de cinq ans d'âge, et souvent on nous demande si on n'en a pas marre de tout le temps les jouer, et la réponse est " non ". Là on a deux semaines de break promo, et je n'attends que de pouvoir remonter sur scène.

S.T. : Parfois on joue " Gay Bar ", et c'est comme si c'était la première fois ! C'est génial, parce que pris sous cet angle, on n'est pas prêt de s'emmerder !

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

En chœur : Yeah, Kill Bush ! ! ! (rires)

 

P.S. : Surge Joebot ne fait plus partie du groupe, tout comme Rock and Roll Indian et Disco. Ils ont été remplacés par Johnny Na$hinal, The Colonel et Frank Lloyd Bonaventure. Les raisons de ces démissions restent obscures : Dick aurait-il un ego démesuré, serait-ce une opération marketing pour attirer l'attention des médias et du public, Surge en aurait eu-t-il marre de jouer " Gay Bar ", se serait-il mis à la guitare acoustique, John S. O'Leary lui aurait-il pété la gueule après cette sombre histoire d'arnaque au resto ? Nous ne le serons sans doute jamais, c'est la loi du show-biz. Bon vent à toi Surge, et surtout, " Rock the clit while you still can " !

The Jai Alai Savant

Une histoire de casquettes...

Écrit par

The Jai Alai (prononcez The hi-a-lie-sa-vant) est un sport populaire mais particulièrement dangereux pratiqué au nord-est des Etats-Unis. Soit dans le Rhode Island, le Connecticut et la Floride. Ce sont d’ailleurs les seuls états où il est autorisé. Les joueurs le plus talentueux sont surnommés Jai Alai Savant. C’est également le patronyme choisi par un trio fondé par Ralph Darden. Préposé à la guitare, au chant, compositeur et lyriciste, ce musicien noir porte, en outre, de multiples casquettes. Il nous en parle au cours de cette interview. Mais tout d’abord, pourquoi avoir choisi un nom aussi difficile à prononcer pour son groupe ?

« Avant de fonder la formation, je savais déjà que j’allais l’appeler The Jai Alai Savant. Cette idée remonte à l’époque où j’étais coursier à Philadelphie. Ce métier fait partie de la liste des 10 activités les plus dangereuses au monde. Parmi les autres, on y trouve plongeur, chauffeur de taxi à New-York et la pratique du Jai Alai. Ce sport puise son origine au Pays Basque (NDR : on suppose qu’il s’agit de la pelote basque revue et corrigée suivant la philosophe yankee ; pensez au soccer devenu aux States le football américain) et a émigré en Floride via Cuba. On y dénombre de nombreux blessés à l’issue des rencontres, parfois graves ; et 3 à 4 personnes y perdent la vie tous les ans. En outre, ce sport suscite des paris clandestins… J’ai réfléchi à cette situation et en choisissant ce patronyme, j’ai voulu souligner ses risques » Tiens quelque part, ce Jai Alai me fait penser au film culte ‘Rollerball’. L’occasion de lui poser la question. « Non, sincèrement, je ne l’ai jamais vu. Mais au vu du scénario que tu me décris, je ne vais pas tarder à essayer de me le procurer pour le visionner… » Avant de s’installer à Chicago, Ralph a donc vécu à Philadelphie. Mais quel est son parcours comme musicien ? « Il y a neuf ans, je jouais au sein d’un groupe qui répondait au nom de Franklin. Lorsque cette aventure s’est terminée, j’ai essayé de développer mes talents comme producteur. J’ai toujours aimé toucher un peu à tout. Comme jouer de différents instruments. Ou écrire des chansons. Finalement, je me suis lancé dans un projet solo. Et j’ai commencé à chercher des collaborateurs pour me produire en ‘live’. J’ai toujours été attiré par la scène. C’était il y a 5 ou 6 ans. Depuis, le line up a subi six changements avant de trouver sa formule définitive. La dernière en date est celle en compagnie de laquelle je tourne actuellement… »

Deuxième casquette, Ralph s’est forgé une réputation de DJ sous le pseudonyme de Major Taylor à Philadelphie, auprès des Diplo et autre Hollertronix. Mais depuis qu’il a émigré à Chicago, enflamme-t-il encore les soirées des dancefloors ? « Plus à Philly ! Mais bien à Chicago. J’aime jouer sur cette dualité de mon identité. Et passer de l’une à l’autre. Avant même de jouer au sein de Franklin, j’assumais déjà ce rôle de DJ. Et personne ne soupçonnait que je jouais aussi dans un groupe. La séparation entre ces deux registres est claire et nette. Très tranchée même. Oui, j’accomplis encore ce double job. Parce que ce sont des expériences à la fois très chouettes et excitantes. » Mais comment s’est-il débrouillé pour signer son groupe chez City Slang ? « C’est une histoire amusante. Un de mes amis était producteur à Chicago. Et il avait invité un de ses potes chez lui. Un Allemand (NDR : Christof Ellinghaus, le boss de City Slang). Il l’a conviée à une soirée, au cours de laquelle Dj Major Taylor se produisait ( ?!?!?) et lors de la soirée, ce Christof a confié à son ami que le DJ était terrible. Et mon ami de lui répondre ‘Et encore, tu ne l’as jamais vu quand il se produit avec son groupe’. Je l’ai rencontré et je lui ai remis une démo. Il est retourné en Allemagne et puis il nous a oubliés. Puis un beau jour, la démo est étrangement réapparue. L’avait-t-il retrouvée ? Toujours est-il qu’il a décidé de sortir l’ep, puis nous a invités à enregistrer l’album. Cependant, on est parti en tournée européenne avant qu’il ne paraisse… » (‘Flight of the bass delegate’ est sorti le 7 avril). Pour enregistrer cet opus, TJAS a reçu le concours de quelques collaborateurs et notamment de cuivres. Ralph précise : « Oui, oui, tout à fait ! Bruce Lemon, tout d’abord. Un saxophoniste qui joue chez Jacuza (orthographe non garantie). Le trompettiste Fred Erskine. Il était chez Hoover. A une certaine époque nous nous sommes côtoyés au sein de Just A fire. Un musicien fantastique ! Il joue aussi du clavier. Damon Locks du groupe The Eternals (mais aussi de Trenchmouth) aux backing vocaux. Damien Thompson des Watchers. Il se charge des percus sur deux ou trois plages. Si jamais ces gars tournent à Chicago, ils mettront un point d’honneur à venir nous voir sur scène. Et ils n’hésiteront pas à monter sur les planches pour nous rejoindre. J’estime que recevoir la collaboration d’invités est une expérience très enrichissante… » Et pour la production ? (sur le ton de la boutade) « Major Taylor (NDR : c’est lui !) Je suis très satisfait de son travail. Il a été très coopératif sous tous les domaines. J’émets les idées, fixe les objectifs et il les met en pratique. En outre, il n’est pas avare de suggestions. Non, vraiment, nous avons eu beaucoup de plaisir à travailler ensemble » (NDR : comme quoi le dédoublement de personnalité…) Troisième casquette ! Le tout premier Ep, ‘Thunderstatement’ était paru sur le label d’Omar Rodriguez (Mars Volta), Gold Stadard Lab. En 2005. A-t-il encore des nouvelles d’Omar. « Il y a un bon moment que je ne lui ai plus parlé. Il possède un appartement à Brooklyn, mais il n’y habite pas. La dernière fois, c’était lors d’un festival musical à New York. Et j’ai séjourné quelques jours chez lui. Dès qu’on aura l’occasion de se revoir, ce sera les grandes retrouvailles… »

Ralph est un grand amateur de BD. Américaine, bien sûr. Et de science fiction en particulier. Pensez à Batman et Spiderman. On lui prête même des talents de dessinateur. Et ce septième art inspire inévitablement les lyrics de ses chansons. « Batman et Spiderman, je les adore. Ils m’inspirent. Hulk également. Sans oublier les personnages qui illustrent Gorillaz. En chacun de nous vit le combat entre le bien et le mal. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, je suis davantage fan d’artistes que de personnages. Personnellement, l’auteur qui m’a le plus marqué est Frank Miller. L’influence de la BD américaine est énorme dans mes textes ; et j’y insère volontiers des messages cachés. Quelque part, il faut être initié pour comprendre leur signification. Dans cet univers, j’ai créé un super héros et mon écriture est guidée comme si c’était le scénario d’un comic book. Un concept album, si tu préfères, mais adapté à la BD. » Quatrième casquette !

Le reggae, le ska, le dub et le punk sont les principales composantes de la musique de The Jai Alai Savant. Les influences majeures sont ainsi partagées entre Bob Marley, Peter Tosh, King Tubby, Jah Wobble, Fugazi, The Specials, Madness et The Clash. Ralph acquiesce : « Tous ces groupes ont manifestement eu une influence majeure sur notre musique. King Tubby, bien sûr. Fugazi ? Tout le monde aime Fugazi. Mais en particulier The Clash. C’est un peu un modèle pour moi. Sa production musicale est énorme et pourtant, il n’avait jamais eu peur d’expérimenter. On y recelait du punk, du reggae, du rockabilly, du rock, mais aussi du disco, n’ayons pas peur des mots. Même du rap. Mais je ne voudrais pas que le public imagine que nous n’incarnons que la somme de toutes ces influences. C’est une erreur. Ecoute attentivement notre album, et tu te rendras compte que note musique possède sa propre personnalité. Quarante ans plus tôt, quand un groupe avait emprunté un créneau, tous les albums subséquents étaient de la même trempe. Du même style. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. D’ailleurs, j’ignore encore comment notre prochain va sonner. » Ralph Darden possède un timbre vocal qui rappelle tantôt Perry Farrell, tantôt Sting. De là à aimer Janes’s Addiction, Porno for Pyros ou The Police… Pirouette, je lui demande s’il s’est procuré un ticket pour un des concerts qu’accordera The Police lors de la tournée mondiale de reformation qui passera par les States. (rires) « J’aimerais bien, effectivement. C’est un groupe énorme. Mais je reste méfiant. Ceux qui ont pu les voir au cours des années 80 risquent d’être déçus. C’est un peu triste. Oui, je compte y aller. Ils sont à l’affiche, à Chicago. Mais les tickets ne sont pas pour rien… » En ce qui concerne Perry Farrell, Ralph est conscient des affinités que son timbre partage avec Perry Farrell. « Tu nous compares à Jane’s Addiction ? C’est bizarre. Lorsque j’avais16 ans, absolument. Et en particulier le groupe Franklin. Un power rock band avec deux guitares. A l’époque, l’objectif était de fonctionner comme groupe. Et mon chant était comparable à celui de Farrell. Mais plus celui de Porno for Pyros que de Jane’s Addiction, parce que je n’y ressentais pas de provocation. Et puis j’ai toujours eu un petit faible pour leur tout dernier album (NDR : ‘Good God's Urge’ paru en 1996). » Certains médias n’ont pas hésité à étiqueter The Jai Alai Savant comme le TV On the Radio du reggae punk. Qu’en pense Ralph ? « Franchement je ne vois vraiment pas de similitude. Ce n’est pas une insulte, mais quand même. Mais il faut être conscient d’un phénomène, une fois que ton disque est sorti, tout t’échappe et on est parti pout les comparaisons en tous genres. Et il faut accepter ce jeu là. Maintenant, si cette analogie te satisfait, alors je peux le considérer comme un compliment. Ce n’est pas un problème. Mais personnellement la seule comparaison valable qui puisse exister, c’est que le chanteur est noir comme moi. Finalement, je préfère qu’on me compare à The Police, les affinités sont plus évidentes… »

Sur la chanson ‘Scarlett Johansson why don’t you love me’ (Née à New-York en 1984, Scarlett Johansson est une actrice de théâtre et surtout de cinéma qui a notamment joué dans ‘L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux’, ‘Lost translation’, ‘Match point’, ‘La jeune fille à la perle’, ‘The Island’ ou encore ‘Scoop’. En 2007, elle s’est lancée dans la musique et a décidé d’enregistrer un album de reprises consacrées à Tom Waits), il y a un riff calqué sur le ‘My Sharona’ de The Knack. Etait-ce délibéré ? « Ah non, pas du tout. Ce n’est pas un problème pour moi d’effectuer l’un ou l’autre emprunt, mais pas le ‘My Sharona’ de The Knack. Je déteste cette chanson ! (je lui mime le riff) Ouais, mais tu n’es pas le seul à me l’avoir fait remarquer. Damon Locks de The Eternals, également. Mais ce n’est pas un emprunt » (il mime à son tour le riff). Et dans le même registre, ‘Arcane theories’ prélève quelques notes à ‘Can you feel it’ des Jackson 5. « Oui, petite canaille. Tu l’as décelé. Mais j’ai écrit cette chanson, il y a quelques années (il chantonne). Elle figure sur le dernier bon album enregistré par les Jackson 5 ; et je me suis dit que ce serait cool de l’utiliser. » Je sors une photo du groupe pour lui demander un autographe et instantanément, il réagit : « Ce n’est pas une bonne photo ; depuis les deux autres musiciens ont été remplacés ». Je lui explique que ce n’est pas grave et que c’était simplement pour immortaliser notre rencontre à travers quelques mots transcrits de sa main sur cette photographie… Ajoutant qu’il ne n’était pas possible de recueillir son seing sur la pochette, car elle était trop noire (il éclate de rire).

Merci à Vincent Devos

 

 

Nada Surf

Un très long mais beau voyage...

Nada Surf vient de sortir un live, enregistré à l'AB le 31 mars 2003. Nous y étions (voir notre rubrique " reviews "), et nous avions même interviewé Matthew Caws (chanteur/guitariste) lors de leur passage à Dour, en été dernier. L'occasion de revenir sur la genèse de " Let Go ", un des albums pop rock de 2002, et sur la carrière de Nada Surf, un des groupes les plus mésestimés de sa génération.

Votre album est sorti maintenant il y a quelques mois… Il marche plutôt bien, non ?

Matthew Caws : On est très content et très surpris ! Et très occupé aussi : on n'a pas arrêté de tourner depuis le 1er septembre (2002)… Ca n'arrête pas ! En tout ça fera 15 mois. C'est l'année la plus chargée de notre carrière. Ce qui est bizarre parce que les gens nous voient comme le groupe d'un seul tube… Mais en ce moment tout marche très bien : le public vient nous voir en masse. Nous sommes enfin acceptés pour ce que nous sommes vraiment : un groupe de plusieurs chansons, pas d'une seule.

Vous êtes donc en train de vivre votre période la plus active… Mais que s'est-il exactement passé avec " The Proximity Effect " ?

C'est une histoire très classique, à savoir que cet album est sorti au moment où c'était la fin d'un genre. " Popular " était tombé au bon endroit au bon moment, et notre maison de disque - une major - voulait un deuxième " Popular "… Il faut savoir qu'en 1998, toute cette ère de richesse alternative prenait fin. D'où la panique de notre maison de disque. 'Il nous faut un tube énorme', et bla bla bla : tu vois le genre… Quand on leur a fait écouter " The Proximity Effect " - un disque dont on était très fier et qui aurait bien marché, je crois -, ils l'ont mis au placard. On aurait pu faire semblant de rien et continuer notre chemin… Mais on voulait que ce disque sorte ! Donc on a attendu pour le sortir nous-mêmes. Et il nous a fallu un an et demi pour racheter les droits…

Ce fut une période d'intense frustration, je suppose ?

Absolument. Mais cet épisode nous a rendus aussi plus forts. Il nous a même permis reprendre une vie normale. Pendant deux ans, j'ai travaillé chez le disquaire du coin, tout en sortant tous les soirs avec des amis. Une période de ma vie assez relax et sans ambition, que je n'aurais jamais pu avoir avant. Parce que si je n'avais pas joué dans un groupe, il m'aurait fallu choisir une carrière et la suivre… Or, comme il y avait Nada Surf, je préférais ne pas être trop occupé au cas où… Il me fallait juste tuer le temps ! Et même si d'un côté cette transition peut être rapidement déprimante, elle était aussi une manière d'un peu ralentir les choses. Ce qui explique pourquoi " Let Go " est écrit du point de vue du type qui a une vie normale. Mais maintenant nous sommes repartis pour la vie surréaliste ! Nous habitons dans des autobus et des hôtels… Mon appartement et mon job de disquaire me manquent un peu !

Est-ce que cette période de ta vie a eu une incidence sur la manière de composer " Let Go " ? On vous sent plus unis que jamais…

C'est exact ! Tu connais l'expression : " Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ". On prend un plus grand plaisir à jouer. Et puis c'était mieux que personne n'attende ce disque. Tu sais, moi, le matin, j'avais l'habitude de consulter mes mails pendant cinq minutes, pour me rappeler que j'avais un groupe : " Ah oui ! Il y a des gens qui nous adorent et attendent qu'on fasse un disque ! ". Puis je devais aller boulotter… Mais à part ça, il n'y avait pas grand monde qui se souciait encore de nous… Et c'est la raison pour laquelle on a pu faire ce disque si naturellement. Pour " The Proximity Effect " il y avait pas mal de pression, mais pas pour celui-ci. Maintenant par contre…

Pourquoi avez-vous choisi d'ouvrir l'album par une ballade toute simple, sans batterie ni basse (" Blizzard of 77 ") ? Pour marquer le coup, comme un nouveau départ ?

Tout à fait. Et aussi parce ce qu'elle ne dure seulement que deux minutes, et qu'on ne savait pas comment débuter l'album ! Et puis j'aime bien le fait que ce soit juste une guitare, parce que dès le deuxième morceau la basse et la batterie arrivent … C'est comme une ascension.

Et la chanson " Là pour ça " ? C'est la première de Nada Surf en français.

C'est Daniel (Lorca, le bassiste) qui l'a écrite. On avait accompli une très longue tournée en France, en compagnie de deux membres d'AS Dragon, et comme Daniel est plus francophone que moi, il a écrit cette chanson d'une traite, de manière très naturelle… On l'a repris sur le disque parce qu'on aime bien une certaine variété. Elle figure même sur les versions US et anglaise.

Ce qui surprend à l'écoute de ce titre, c'est qu'il semble couler de source : comme si le fait de ne pas être des francophones d'origine vous sauvait des tics du langage. D'où cette spontanéité qui fait plaisir à entendre… Et qu'on ne retrouve plus forcément dans la chanson ou le rock français d'aujourd'hui.

Ah ben c'est cool ça, je suis content ! Personnellement, je suis intimidé par la langue française. J'aime bien Gainsbourg, mais il est bien trop fort pour qu'on tente de s'y mesurer ! Comment veux-tu écrire en français après ce qu'il a fait ? Mais merci pour le compliment !

Quand Daniel chante " Vive la marée haute et vive la marée basse mais surtout vive la différence ", qu'est-ce qu'il veut dire exactement ?

Ben c'est la vie, quoi. Et le voyage entre les deux, c'est ce qu'on fait tous les jours.

C'est vrai que du premier album à celui-ci, ce fût un long voyage…

Un très long voyage, mais un beau voyage. Je crois en fait qu'on collectionne les clichés à la Spinal Tap : les camions qui tombent en panne, les managers de gros bizness, le tube, la chute, le come-back,… Ira (Elliot, batteur) et moi on a même fait de la taule au Texas pour détention de drogues ! Portant des uniformes à lignes noires et blanches, comme dans " O Brother Where Are Thou ? " (rires)

Comment t'es venue l'idée de la chanson " Blonde On Blonde " ? Comme tu le chantes : t'étais dans la rue, t'écoutais Dylan… et voilà ?

Oui, exactement : c'est une chanson très simple. Il pleuvait, je marchais, les autres gens marchaient plus vite… Mais ce que je ne dis pas dans la chanson, c'est que je traversais une période difficile dans ma vie. Mais j'avais un bon imperméable, et un de mes disques favoris dans mon discman, et tout à coup j'étais heureux. Ce n'est même pas un hommage à Dylan. C'est juste une berceuse. Même si j'adore " Blonde On Blonde " de Dylan, et que je l'adorerai toujours. Et chaque fois que je l'écoute, je ressens quelque chose de nouveau.

Lors de votre dernier concert à l'AB (dont est tiré le disque live qui vient de sortir), il était difficile de ne pas ressentir un certain décalage entre vos fans et votre musique (cfr review du concert). On dirait que vos fans ne grandissent pas en même temps que vous, comme si Nada Surf souffrait encore du malentendu " Popular ". D'autant que cette chanson est très ironique ! Il s'agit d'un double malentendu, en fait ?

Mouais, c'est vrai… Mais ça ne nous gêne pas. Le malentendu avec " Popular " au départ, c'était que les gens critiqués dans la chanson l'adoraient ! Les footballeurs, les cheerleaders, tous ces gens étaient présents dans le public lors de notre première tournée ! C'était marrant, mais en même temps assez flippant. Mais heureusement ils ne sont jamais revenus après ça ! Quant au fait que notre public soit jeune, c'est un fait… Mais il vient pour entendre les chansons de " The Proximity Effect " et de " Let Go ".

Vous pourriez pourtant aisément toucher un public plus mature ?

J'admets, mais ça vient. Lentement mais sûrement. Tu sais, notre nom sonne un peu californien, jeune. Même si sa signification est toute autre : " Nada ", c'est le rien. " Surfer sur le rien ". Sur le vide. Cela dire… (un temps) qu'on est des rêveurs. Comme si on n'était pas là, parfois. Au pire. Nous sommes plutôt déconnectés. Surtout quand on est en studio et qu'on écoute de la musique. L'explication est un peu embarrassante, mais en même temps elle nous fait passer pour des gens qui restent secrets, et j'aime ça. Tu peux continuer à découvrir des trucs en écoutant Nada Surf. C'est un peu le côté " culte " des choses. Mais le public plus âgé commence à venir, et c'est tant mieux.

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