Le dernier combat de Malween…

Malween est le projet emmené par Julien Buys, auteur, compositeur et interprète, originaire de Nantes. Julien a quitté le monde de la finance, sans regret, en 2017 pour devenir comédien voix-off le jour et chanteur/guitariste a sein de différents projets…

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Glass Beams signe chez Ninja Tune

Glass Beams, groupe énigmatique établi à Melbourne, s'inspire de son héritage indien, infusant son psychédélisme serpentin d'instrumentations cosmiques et de polyrythmies du monde. Son premier album, « Mirage », enregistré en home studio, est une fusion…

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Zara Larsson 25-02-2024
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Interviews

Au Revoir Simone

Au plaisir de se revoir

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Musique atmosphérique, voix planantes, claviers volants. Bienvenue dans l'univers d'Au Revoir Simone, trois New-yorkaises aux longues jambes, chantant sous les étoiles pour mieux faire danser les galaxies. Au-delà d'un charme naturel redoutable, les trois égéries revendiquent un goût prononcé pour les mélopées éthérées, petites harmonies flottant entre les chimères béates de Stereolab et l'électronique hypnotique de Broadcast. Annie, Erika et Heather voltigent ici : aux confins d'une voie lactée de synthétiseurs rêveurs. A l'occasion d'un passage sous les cieux bruxellois, Heather redescend sur notre planète. Le temps d'un entretien plutôt terre-à-terre. Bien le bonjour Au Revoir Simone...

 Aux premières heures de « Verses of Comfort, Assurance and Salvation », la presse s'est empressée de vous comparer à de nouvelles CocoRosie. Votre univers s'éloigne pourtant des folk cabrioles des sœurs Casady. Comment avez-vous vécu ce rapprochement ?

 Heather D'Angelo : Pour être franche, je n'aime pas la musique de CocoRosie. La comparaison me semblait donc malvenue. Nos goûts sont davantage à chercher dans les discographies de Stereolab et de Björk. Annie adore Electrelane. Elle estime ce groupe captivant, vraiment ahurissant. Pour nous éloigner, encore un peu plus, de CocoRosie, j'ajouterai qu'Erika se gave d'albums de Broadcast. En fait, nos influences sont tellement différentes de celles de CocoRosie qu'une association entre nos deux univers ne tient pas la route.

 Selon une rumeur persistante, Annie et Erika se seraient rencontrées dans un train. C'est là, dit la légende, qu'elles ont eu l'idée de lancer les bases de votre formation. Concevez-vous votre musique comme le prolongement de cette rencontre : un projet spontané, rapide, traversant villes et villages de façon éphémère ?

 H. : Cette rencontre a été romancée par de nombreux médias. Qui a véhiculé cette rumeur ? C'est dingue... Bref. En réalité, Annie et Erika sont des amies de longue date. Il y a déjà longtemps qu'elles partageaient un amour commun pour les claviers. Au début, le projet ressemblait davantage à un divertissement : on jouait quelques morceaux sur nos claviers en dégustant du thé. C'était surtout l'occasion de se voir entre copines. Ensuite, nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure en fondant officiellement le groupe.

 Aujourd'hui, il faut bien admettre que le prénom Simone ne figure plus au top de la mode. 'Appelleriez-vous votre fille Simone ?' A cette question, beaucoup riposterait d'une réponse cinglante : 'Et pourquoi pas Gertrude ?' Bref, votre projet, plutôt hype, est en train de redorer le blason d'un prénom en voie de fossilisation...

 H. : C'est drôle, en effet ! (rires) En fait, notre nom de scène puise son origine dans un film de Tim Burton : « Pee-wee's Big Adventure ». Nous sommes vraiment des fans de Pee-Wee. A un moment, dans le film (il faut absolument le voir !), le personnage de Simone, joué par Diane Salinger, dit 'Au revoir Pee-Wee !' Et, d'un accent américain bien trempé, Pee-Wee répond : 'Au We Woir Si-Mo-Ne'. Imaginez un Américain essayant de parler en français. Et vous comprendrez pourquoi ce passage est si amusant !

 Comment êtes-vous passées de votre salon de thé, spécialisé dans l'art du synthé, à une signature sur le label indépendant 'Moshi Moshi Records' ?

 H. : Un de nos amis a lancé un super blog dédié aux Mp3's. Il est très fort... Il a dégoté de nombreuses découvertes sur la toile. Il a proposé « Through the Backyards » en téléchargement sur son site. Le patron de Moshi Moshi est tombé sur cette chanson en surfant sur le web et nous a contactés. A ce moment-là, nous étions déjà signées sur un petit label japonais, baptisé 'Rallye Record'. Ce label est uniquement implanté en Asie. C'est pourquoi nous sommes également présentes de ce côté-là de la planète. Mais, paradoxalement, nous n'avions aucun label pour le reste du monde. En Europe, la Suède nous accordait beaucoup d'attention. Dans une certaine mesure, nous avions l'impression que les Suédois et les Japonais se ressemblaient. Dans ces deux pays, les gens ont l'esprit large et semblent apprécier le côté pop de la musique électronique. Là-bas, le public laisse volontiers tomber les œillères.

 La chanson « Through the Backyards » a été utilisée pour la bande originale de la série « Grey's Anatomy ». Considérez-vous que ce show télévisé a constitué la clef de voûte de votre succès ?

 H. : Non, certainement pas. Par contre, la série a certainement contribué à élargir notre base de fans, essentiellement d'un point de vue démographique. Aux Etats-Unis, cette série est suivie par de nombreux trentenaires, des gens actifs, impliqués dans la vie professionnelle. Pour ma part, je ne connaissais même pas la série... Cependant, mes parents ont trouvé ce concept génial... Leur fille posait sa voix sur une des chansons de leur série du moment : rendez-vous compte !

 Outre cette expérience télévisuelle, votre musique a également touché le nerf sensible de David Lynch. Aujourd'hui, ce n'est plus un secret : le réalisateur demeure un de vos plus fervents admirateurs... Comment a-t-il découvert Au Revoir Simone ? David Lynch serait-il, lui aussi, fan de « Grey's Anatomy » ?

 H. : Non ! (rires). Notre rencontre s'est déroulée de façon... disons... romancée ! En janvier dernier, nous avons participé à une présentation chez 'Barnes & Noble', une des plus grandes librairies américaines, sur Union Square, à Manhattan. Chaque année, elle organise de nombreux événements. Pour notre part, nous avons participé à une manifestation baptisée 'Upstairs at the Square'. Son organisatrice s'appelle Katherine Lanpher, une journaliste, qui a toujours rêvé d'associer les musiciens aux écrivains. Ce projet peut sembler étrange. Mais, en réalité, il est vraiment excitant. Cette fois, elle décidait d'inviter David Lynch pour annoncer la sortie de son nouveau livre : « Catching the Big Fish ». En réalité, c'était notre idée d'associer la musique d'Au Revoir Simone avec le bouquin de David Lynch. Nous ressentons une connivence latente entre notre musique et son univers. Nous lui avons donc envoyé notre album. Et il a accepté l'idée. Son livre est très intéressant. Il s'agit d'une véritable source d'inspiration artistique. Après ce concert chez 'Barnes & Noble', il est devenu fan de notre univers. C'était, d'une certaine façon, le monde à l'envers ! Il a commencé à parler de nous dans ses interviews, lors de conférences de presse... C'est complètement fou !

 Un de nos chroniqueurs s'est un jour posé la question de savoir si la musique d'Au Revoir Simone n'était pas 'un truc de filles fait par des filles pour des filles'. Peut-on classer votre musique dans le dossier 'suffragettes musicales, spécialisées dans les rêveries féministes' ?

 H. : Nous sommes un groupe de filles, composant de la musique pour d'autres filles ? C'est intéressant... Je ne sais pas. Une chose est certaine : nous sommes un groupe de filles ! Cependant, je pense qu'en concert, notre audience se compose aussi bien de filles que de garçons. Peut-être plus de garçons encore... (rires) De manière générale, notre public est mixte. Cependant, au Japon, notre assistance est essentiellement composée de filles. Et là, je ne m'explique pas...

 Récemment, vous avez accompli une tournée en compagnie de We Are Scientists...

 H. : Dans un premier temps, nous nous sommes lancées dans un long périple à travers les Etats-Unis. Ensuite, les musiciens de We Are Scientists nous ont proposé de les accompagner en Europe pendant cinq semaines. C'était vraiment une longue tournée...

 Une tournée plutôt festive... Sur 'You Tube', on peut voir une vidéo, filmée à l'arrache, de votre tournée en compagnie de We Are Scientists... On vous surprend, dans le tour bus, chantant et dansant sur le « Young Folks » de Peter Bjorn & John...

 H. : (Rires) Pendant cette tournée, c'était la première fois que nous écoutions ce morceau de Peter John & Bjorn... Et je ne peux pas expliquer l'effet que nous a procuré ce titre... Mais nous étions véritablement obsédées par cette chanson. Dans le tour bus, nous passions ce morceau en boucle, en dansant et en reprenant les paroles en chœur. C'était un rituel. Quand nous sortions après un concert, on s'empressait d'aller trouver le DJ pour lui réclamer « Young folks ». Ce sont d'excellents souvenirs. En fait, en tournée, la vie n'est pas toujours très rose... Parfois, tu te sens fatiguée, un peu dépressive, loin de ton foyer, de ta famille, de tes amis. Sans compter le stress et la pression de jouer chaque soir, de respecter les horaires, de trouver les clubs, etc. Bref. Cette chanson a constitué une formidable échappatoire pour nous. Elle nous rendait heureuse. En 2006, « Young folks » a été ma chanson préférée. Sans aucun doute.

 A l'écoute du nouvel album, on est assez touché par le charme mélancolique qui en émane. Etes-vous des personnalités éplorées par nature ?

 H. : Nous sommes certainement atteintes d'une certaine mélancolie... Bon, entendons-nous bien : Au Revoir Simone n'est pas un trio de suicidaires ou de demi-folles dramatiques ! D'ailleurs, en général, dans la vie, nous sommes des filles heureuses. Mais, peut-être, sommes-nous mélancoliques des choses heureuses de la vie, des événements extraordinaires qui la façonnent. D'ailleurs, pour être précise, je pense que, dans notre cas, il s'agit davantage de nostalgie que de mélancolie. 

 Pensez-vous que notre époque soit propice à la nostalgie ? Et donc, en un sens, propice à la musique d'Au Revoir Simone ?

 H. : Aujourd'hui, le monde tourne un peu à l'envers... Chaque génération a sans doute posé cette réflexion, un jour. Mais là, je le pense sincèrement. Les choses changent, le monde évolue et tout empire. Spécialement aux Etats-Unis. Une fois de plus, nous sommes impliqués dans une guerre, la société débloque complètement... C'est vraiment une drôle d'époque.

 Quelle est, à vos yeux, la principale différence entre « Verses of Comfort, Assurance and Salvation » et « The Bird of Music » ?

 H. : « Verses of Comfort, Assurance and Salvation » doit davantage être perçu comme une collection de chansons. Chacune peut être conçue comme une unité élémentaire. Après ce premier album, les choses se sont décantées. Nous avons alors commencé à bosser sur l'image du groupe, son identité. Depuis ce premier enregistrement, nous avons parcouru un bout de chemin ensemble... Pour « The Bird of Music », la musique d'Au Revoir Simone est devenue une version synthétisée de nos trois personnalités. En commençant à jouer ensemble, nous n'attendions rien, nous n'espérions rien... Ce qui explique le côté indépendant des chansons du premier album. Pour le deuxième, toutes nos compositions ont été pensées en fonction de ce disque. Nous savions qu'elles allaient se retrouver sur un album. Cette fois, on peut réellement le comprendre dans sa globalité. Je crois qu'il s'agit là de la plus grande différence entre ces deux enregistrements.

Oi Va Voi

Définitivement socialement engagés !

Écrit par
Dès 2005, les membres de Oi Va Voi se lancent dans l'écriture du successeur de « Laughter through tears », premier essai remarqué à juste titre, en 2003. Parfait exemple de la difficulté du deuxième album, les ennuis s'amoncèlent pour le combo londonien : leur vocaliste KT Tunstall décide de se lancer en solo, ils se séparent de leur maison de disques et de la violoniste Sophie Solomon. Les premières sessions d'enregistrement ne marchent pas et un des membres du groupe tombe gravement malade… Deux ans plus tard, un opus éponyme tombe dans les bacs. Obstacles, mais aussi soif de rencontres culturelles et de conscientisation sociale, le batteur et percussionniste de la formation, Josh, fait le point.

Josh : Ce qui est particulier dans ce qu'on réalise est le fait de ne pas disposer de chanteur attitré pour donner le ton à l'album. En ce sens, on se rapproche sans doute de l'univers de Massive Attack. Les chanteurs sont des invités. KT (Tunstall) était la vocaliste au départ. Elle a toujours envisagé une carrière personnelle ; donc on savait depuis toujours qu'il faudrait la remplacer, même après avoir enregistré « Laughter through tears ». KT a décidé de faire son parcours exceptionnel et aujourd'hui elle vend des millions de disques. Nous avons éprouvé des difficultés lorsqu'on a commencé à enregistrer car on ne trouvait pas de chanteuse qui soit assez bonne, en comparaison à KT. Elle faisait un boulot tellement épatant sur le premier cd…

Vous avez fini par trouver…

J. : On a auditionné des centaines de filles ; certaines avaient de belles voix, mais aucune ne recelait cette qualité d'anglitude'. Elles étaient davantage destinées au r'n'b américain. Finalement, on a rencontré Alice qui possède cette caractéristique. Même si elle ne se réserve que trois titres, il est très important de disposer de cette véritable voix anglaise sur l'album.

Autre changement, Sophie Solomon a quitté le line up. C'est la violoniste australienne Haylie Ecker (NDR : ex-membre du girls band classique Bond) qui vous a rejoint. Comment avez-vous vécu ce changement ?

J. : Nous avons commencé à penser au nouvel album en 2005. Sophie a annoncé qu'elle voulait se lancer dans une carrière solo tout en continuant à jouer chez Oi Va Voi. Ca ne marchait pas vraiment, donc elle est partie. Difficile de se séparer de quelqu'un quand on partage un même projet pendant près de cinq ans. On a commencé le groupe ensemble, en épousant des objectifs semblables. Mais on devait se montrer capables de dénicher une remplaçante. On avait déjà joué en compagnie d'autres violonistes, dont Haylie…

Mike Spencer est votre nouveau producteur. Comment s'est déroulée cette collaboration ?

J. : On a rencontré Mike Spencer après la première année qui nous a valu tant de déboires. C'est un producteur exceptionnel. Il collabore auprès de personnages très connus tels que Jamiroquai ou Kylie Minogue ; mais il exerce également des activités très intéressantes ; il coopère notamment au Programme Alimentaire Mondial… Il s'est concentré sur notre groupe, a compris la situation dans laquelle nous vivions. Il nous a indiqué que les premiers enregistrements étaient de bonne facture, mais recelaient des manques. Il est la personne qu'on cherchait, il nous testait en nous posant des questions pertinentes afin de nous pousser vers les meilleures directions.  

Vous avez enregistré en Israël et à Londres, quelle était votre approche?

J. : Lorsqu'on a commencé le processus, il n'était pas vraiment nécessaire de se rendre en Israël. Mais les évènements survenus en 2005 dans le groupe ont rendu les choses tellement difficiles qu'on a ressenti la nécessité de changer d'air. Nous connaissons de bons amis là-bas et on aussi de très bons musiciens. On sentait qu'il serait passionnant de se plonger dans un nouvel environnement, de s'en inspirer. On a donc suggéré l'idée à Mike qui nous a dit non, parce que c'était trop cher. On a insisté en arguant qu'on avait vraiment besoin de changer de décor mais il refusait toujours. On ne lui a plus lâché les baskets. A tel point qu'il en a eu marre et a fini par accepter (rires). On y a enregistré les trois premiers morceaux. Avec le recul, ce caprice peut paraître stupide, mais il fallait vraiment qu'on y aille pour prouver ce dont on était capables.

Votre premier album a été réellement acclamé par la presse, comment expliquez-vous ce succès critique?

J. : C'était vraiment fou de récoler autant de succès critique pour le premier cd, car on n'attendait rien de ce disque. Eventuellement, quelqu'un vous dit qu'il a aimé. Mais soudain, tu lis que c'est vraiment bien. Un gars du Pérou nous a avoué que notre musique l'a touché plus que toute autre chose. On réalise alors ce qui se passe. C'est très excitant. Des profs nous ont écrit pour nous dire qu'ils avaient utilisé la chanson « Refugee » en classe, pour parler de l'immigration aux enfants. C'est aussi une chanson d'amour ; on peut la comprendre de deux façons. Le fait de savoir que notre musique touche des gens est sans doute la raison pour laquelle on a pu surmonter l'année 2005. Et nous a donné l'envie de recommencer…

Justement, votre musique embrasse une large panoplie de sentiments. Quel est le meilleur endroit pour écouter votre disque ?

J. : … Heu ? … Bonne question…  Où pensez-vous que ce soit ? (Rires)

Je vous le demande ?

J. : Je pense qu'une chanson comme « Dissident » est à apprécier en solitaire, les écouteurs dans les oreilles, quand il y a trop de gens autour et que vous voulez disparaître. « Black sheep » me semble plutôt correspondre au matin. A écouter au réveil. « Worry line » est davantage une chanson pour la route. Il est vrai qu'on couvre une palette d'émotions ; donc les chansons ne peuvent s'écouter au même endroit. Il y a une place pour chaque chanson. J'y réfléchirai… (Rires)

Peut-on parler d'une famille 'Oi va voi'? Quel est votre sang commun ?

J. : Oi Va Voi s'est formé fin 1999, alors qu'on venait tous de groupes différents : funk, rock, hip hop, jazz... Lorsqu'on a décidé d'entamer l'aventure, quelques-uns étaient déjà allés en Russie et avaient découvert cette musique fantastique. D'autres s'étaient rendu en Europe de l'Est et y ont connu la musique des Balkans, qui n'était pas encore à la mode. Très vite, c'est ce qui nous a passionné et lié. Nous étions tous curieux de cette musique et de ce qu'elle signifiait pour chacun d'entre nous, car chaque membre du groupe possède de la famille en Europe de l'Est ou au Moyen-Orient. On se demandait ce que signifie être en partie juif, non pas au sens religieux mais au niveau culturel. On voulait donner une identité yiddish à Londres. C'est vite devenu notre sang commun et la raison d'exister de notre groupe. Tous les groupes revendiquent cette raison d'être : jouer du blues, de la musique américaine, etc. La nôtre était de jouer ce son étonnant issu d'Europe de l'Est.

Vous considérez-vous comme un groupe socialement ou politiquement engagé ?

J. : Définitivement socialement. Politiquement ? Le groupe n'a pas de ligne politique, nous sommes cinq et on ne partage pas toujours exactement les mêmes idées. Il n'y a pas de porte-parole non plus. Socialement, nous sommes très éveillés. La problématique des émigrés ou des réfugiés est importante pour nous. Leur situation est déformée en Grande-Bretagne par les médias qui se contentent de mettre en avant des faits pour montrer comment les événements se passent. Mais il y a plusieurs façons d'en parler. Notre musique et nos textes, c'est notre façon de nous impliquer là-dedans.

Cet album a été particulièrement difficile à réaliser. Pensez-vous déjà au suivant ? Des envies ?

J. : Cet album a vraiment été très difficile à réaliser. Il nous faudra un long break pour penser au suivant. Je suis un peu fou ; donc j'ai commencé à y penser il y a quelques jours, mais c'est dur à dire. Heureusement, on a l'opportunité de se rendre dans de nouveaux coins pour le prochain. Aussi captivants. Mais où ? Je l'ignore encore. On aime beaucoup l'idée de collaborer en compagnie de différents musiciens. Travaillera-t-on avec un musicien flamand épatant, dans le futur ? (rires) Nous apprécions tout particulièrement incorporer à la musique anglaise des nouveaux sons issus de différents pays. C'est ce qui fait notre particularité et on a la chance de pouvoir le concrétiser. On ne veut pas devenir un de ces groupes qui, par vanité, vont là où ils le veulent ; il faut qu'il y ait une raison. On doit encore trouver de bonnes raisons pour visiter d'autres lieux (rires)…

Electro dance, world music, trip hop… dans quel rayon espérez-vous trouver votre album chez un disquaire?

J. : Certainement pas en world music, on n'a jamais voulu adhérer à ce courant. Qu'est-ce que la musique du monde ? Tout ce qui vient d'ailleurs ? Ca ne veut rien dire, c'est beaucoup trop large. On n'appartient pas à l'électro, ni au trip hop. Je dirais qu'on est rock, pop. Même si personne ne partage mon avis… (rires) 

Tom McRae

`J'aime l'idée que la musique pop soit populaire'

Écrit par

De Tom McRae, on connaissait la voix, l’écriture intelligente et les mélodies poignantes. Désormais, il faut compter aussi sur ses envies pop, sans toutefois délaisser la mélancolie. ‘King of cards’, quatrième album déjà, prouve que le chanteur poursuit sa route empreinte de doutes, de colère mais également balisées de notes plus optimistes. Si « Tom McRae » (2001) se révélait en noir et blanc et « Just like blood » (2003) sonnait plus rouge, le nouvel opus du songwriter surprend par sa palette de couleurs.

Je pense que « King of cards » est multicolore. Comme un paquet de bonbons, une boîte de chocolats, c’est très éclectique. Je voulais que chaque chanson soit différente, ait une ambiance particulière. Les autres albums s’inscrivaient dans un certain ton, je ne voulais pas faire quelque chose de similaire. Celui-ci est plus lumineux. Autrefois, on n’écoutait pas un disque de Tom McRae avant de sortir le vendredi soir ou quand on se sentait heureux, par exemple. Je voulais le réaliser, parce que je ne l’avais jamais effectué. Mais ça ne veut pas dire que le prochain ne sera pas sombre et déprimant.

Le titre de l’album provient de la chanson « Sound of the city », pourquoi l’avoir choisi?

Le livre que je lisais en écrivant les chansons parlaient d’Houdini, connu aussi pour être le ‘roi des cartes’, car il a commencé sa carrière en accomplissant des tours de cartes. Beaucoup de chansons parlent de magie, qu’elle soit liée à la religion, à la politique, à l’amour… C’est l’idée de l’album. Et puis, « King of cards » est un titre qui sonne bien…

Vous abordez des thèmes tels que la fuite, l’identité, la disparition… Est-ce la trame du disque?

C’est la trame de ma vie ! Je ne sais pas exactement ce que je fais, ni ce que j’essaie d’être ni où je vais. Je ne suis même pas sûr d’opérer les bons choix ; peut-être devrais-je juste disparaître… Ce sont des questions que je continue à me poser tous les jours. Je n’avais pas envisagé de les traduire sur un disque, mais elles transparaissent dans la musique.

Ce disque est plus éclectique, craignez-vous de vous répéter au fil des albums ?

Je n’ai pas peur, je ne le veux pas. Il ne m’intéresse pas de reproduire ce que j’ai déjà accompli auparavant. Le premier disque était sombre. Je voulais, en réaction au précédent, que le deuxième soit différent. Mais je ne crains pas de me répéter.

Le premier opus a été reconnu comme coup de maître, n’est-ce pas la manière la plus difficile de commencer une carrière ?

Je ne sais pas. J’ai toujours envie de me dire que l’album en cours sera le meilleur. Quand je réécoute le premier album, je me dis que telle ou telle partie était bonne, pareil pour le deuxième etc. Mon meilleur album est probablement un peu de tous. Je ne pense pas avoir déjà exécuté un chef d’œuvre. J’espère toujours y parvenir lors du prochain…

Y a-t-il, pour ce disque, une volonté d’être plus accessible ?

Oui.

Cela signifie-t-il qu’il faut renoncer au dépouillement?

(Il rit jaune) J’aime l’idée que la musique pop soit populaire. J’aime les chansons pop: parfois c’est simple et triste, mais ce sont toujours des chansons pop. Il me plait de penser que sur cet album je pourrais toucher des gens qui ne seraient peut-être pas attirés à la base par ma musique. J’essaie de mettre plus de sucre dans les ingrédients pour voir si cette recette attirera d’autres personnes. Je ne l’avais jamais tenté avant. De nouveau, c’est quelque chose de neuf. Je ne renonce à rien, pas au côté obscur, ni à la mélancolie qui est toujours présente. Je travaille déjà pour le prochain album. Il sera encore plus mélancolique que tout ce que j’ai pu réaliser à ce jour.

La chanson "Keep your picture clear" diffère de ce que ce vous composez habituellement. Quelle était l’idée ?

J’aime les surprises, en musique. J’aime réécouter plus tard ce que j’ai concocté et me dire ‘ça ne sonne pas comme moi, c’est brillant !’, parce que j’en ai marre de ma voix, de ma façon de penser. C’est une de mes chansons préférées, elle commence jazzy, pas vraiment comme Tom Waits mais il y a cette sorte d’esthétique, avec ces claquements de doigts. Et s’achève par quelque chose de très fort, de très rock.

J’ai lu que vous aimiez AC/DC ?

(Rires) Quand j’étais enfant, les premiers groupes qui me plaisaient relevaient du heavy metal : AC/DC, Iron Maiden…

C’est très différent de ce que vous pratiquez aujourd’hui…

Je pense que toutes les musiques sont les mêmes. Je ne pense jouer de la musique folk, mais les compos de heavy metal peuvent être interprétées en folk ; tout dépend seulement de la manière de les jouer.

‘Houdini and the girl’ se réfère au fameux magicien. Vous comparez-vous à lui d’une manière ou d’une autre?

Oui. Quand vous regardez un magicien, surtout ses tours de cartes, vous savez ce qu’il fait, vous connaissez le truc, mais vous voulez croire que c’est magique. La musique est ainsi : ce n’est que de la musique, mais elle offre quelque chose de plus fort, de plus grand. Etre un musicien, c’est être un magicien.

Votre chanson « The ballad of Amelia Earhart » parle de cette aviatrice qui eut une vie incroyable et une mort tragique. Est-ce une héroïne pour vous ?  

Je ne sais pas si c’est une héroïne mais je suis fasciné par les gens qui sont des pionniers. Ce n’est pas seulement le fait qu’elle était pilote, elle a traversé l’Atlantique et parcouru le monde mais surtout qu’à cette époque cette expérience a dû être très dure pour cette femme. Elle devait être incroyablement courageuse. Houdini fut la première superstar mondiale, connu dans le monde entier par ses tours épatants. Ce n’est pas seulement le mystère ou son art à disparaître qui me passionne ; mais surtout le fait d’avoir été le premier à le réussir. J’aime les pionniers.

Pensez-vous être un pionnier ?

Absolument pas, en aucune façon. Je n’ai rien créé de différent, je pratique de la musique pop.

Dans « Lord How Long », évoquez-vous la guerre en Iraq ou en Afghanistan?

Oui, j’ai toujours écrit au sujet de la politique. Il y a au moins une chanson qui en parle sur chaque album. Je vis dans un monde réel, donc je suis fâché par certains événements alors que d’autres m’attristent. Ces réactions se ressentent dans les chansons. Il est très difficile d’écrire au sujet de la politique car tout le monde s’y est déjà frotté. Bob Dylan en particulier. Mais rien n’a changé. Pareil pour le Live8. Les gens en ont marre de la musique et la politique. Mais je pense qu’il est très important de se mouiller, d’exprimer ses sentiments ; même si ça ne change rien. Je le manifeste d’une façon très personnelle sur « Lord How Long », mais aussi sur « Keep your picture clear ». Il ne s’agit pas de parler de ‘comment sauver le monde, comment le nourrir…’ mais juste de dire comment je me sens.

C’est par la musique que vous affirmez votre position quant aux conflits ?

Pas seulement. J’ai participé à nombreuses manifestations pour émettre des protestations. J’ai écrit des lettres. Je suis honteux et gêné.

« On & on » est une chanson assez forte, vous attaquez Dieu ?

Absolument, très explicitement. Je ne crois pas en Dieu.

Votre père était pasteur…

Oui, il l’était.

Vous éprouvez quand même de la colère face à Dieu ?

On ne peut pas être fâché sur ce qui n’existe pas, donc je ne suis pas fâché sur Dieu. Ce qui m’importe, c’est que les guerres sont menées par des gens clamant leur religion comme une cause. Peu m’importe que l’Eglise catholique veuille interdire l’utilisation du préservatif en Afrique et qu’en conséquent le SIDA se répande. Peu m’importe que les fondamentalistes islamiques causent la perte du destin des musulmans qui sont considérés comme radicaux. Il y a beaucoup de fous dans le christianisme comme dans l’islam. La religion est une arme très dangereuse. Sous toute autre forme, une arme serait interdite. On interdit le revolver, la religion, c’est la même chose.

Peut-on tout dire en musique ?

Je pense que la musique jouit d’une liberté totale. On peut parler de mort, d’amour, de sexe, de religion… Il n’y a pas de règles. Ca ne fait pas de différence, c’est juste de la musique.

Les médias vous décrivent souvent comme un songwriter sombre. Partagez-vous leur point de vue ? 

Je pense que c’est vrai, mais j’aime la mélancolie. Mes livres, films et groupes préférés, sont tous mélancoliques. C’est une émotion que j’aime. On n’est pas heureux tous les jours, il y a des hauts et des bas. La mélancolie résume ces états d’âme.

Comment imaginez-vous les auditeurs qui écoutent votre musique?

Je n’y pense pas, d’aucune façon. Cette idée ne me traverse même l’esprit. Je pense que je ne suis pas unique : si j’écris des chansons que j’aime, qui m’émeuvent, je pense que des gens les aimeront aussi.

Que ressentez-vous lorsque vous jouez vos chansons intimes devant un large public ?

Ce n’est pas différent pour moi, ce sont juste des chansons. Je ne monte pas sur scène en cherchant à ressembler à quelqu’un d’autre. J’aime l’idée que sur scène je ne doive pas porter de masque, je peux juste me révéler comme je suis. Ca ne me parait pas bizarre de faire ça, c’est naturel.

Si vous écriviez pour d’autres artistes, lesquels choisiriez-vous?

J’aime vraiment écrire des chansons pour des songwriters country. Surtout les femmes. Patty Griffin… Elle a une voix exceptionnelle et c’est une songwriter de génie. Sinon, Emilie Harris… J’aime les chanteuses country.

Quelle est, selon vous, la meilleure chanson jamais écrite ? Et le disque le plus accompli ?

C’est une question très difficile pour les musiciens parce qu’il y en a tant. Je deviens de plus en plus obsédé par l’écriture des chansons. « Wichita lineman » de Jimmy Webb, interprétée par Glen Campbell, dans les années septante et plus récemment reprise pas Johnny Cash. C’est probablement ma chanson préférée de tous les temps. Meilleur album? « Abbey Road ». Il y a tout sur cet album : des chansons que j’aime, d’autres que je n’aime pas. Un bon album devrait comporter des chansons qu’on n’aime pas. Des paroles brillantes. Les Beatles ont tout fait et sur cet album ils l’ont fait.

Pensez-vous consacrer toute votre vie à la musique ? Dans la négative, que comptez vous entreprendre ?

C’est intéressant… Je ferai de la musique tant que j’aimerai ça. Je ne fais que commencer et je ne veux pas arrêter ici. Si je devais faire autre chose ? Quelque chose de physique, où j’ai les mains sales et je transpire. Abattre des arbres… Non ! Pas abattre! Planter des arbres. Quelque chose comme ça…

 

The Godfathers

Il n’y a rien d’original à se servir du talent d’autrui

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Bien que perpétuant la tradition rock'n rollienne de groupes tels que les Yardbirds ou les Kinks, les Godfathers réfutent  toute analogie avec le revivalisme sixties. Ce qui importe chez eux, c'est l'efficacité de leur musique. Une efficacité qui se manifeste d'abord sur les planches. Là, ils libèrent toute leur énergie, toute leur adrénaline, toute leur rage de s'exprimer. Les mauvaises langues diront que leur rock'n roll n'est plus d'actualité. A notre humble avis, ils auraient mieux fait d'assister à leur prestation qu'ils ont donnée dernièrement à Bissegem (De Kreun). Un petit club sympathique situé dans la banlieue de Courtrai qui pour la circonstance était plein comme un oeuf. Ce soir là, les Godfathers  étaient dans un état de grâce et nous ont gratifiés d'un set de Dieu le Père (!). A l'issue du concert, la bande aux frères Coyne nous a accordé une interview. Rien ne leur a été épargné, même pas les questions auxquelles ils se refusent, en général à répondre. Jugez-vous même du résultat...

Si je ne m'abuse, vous étiez cinq auparavant, qui donc s'est fait la malle?

Chris : Les deux guitaristes et le batteur originaux ont été remplacés. Chris (Burrows) est parti voici déjà quatre ans. Georges (Mazur) l'a suivi très rapidement. Quant à Mike (Gibson), son départ ne date que de Noël 91.
Kevin : Mon entrée chez les Godfathers remonte à novembre dernier. J'ai aussi participé aux sessions d'enregistrement de l'album "Unreal World", et puis je joue sur plusieurs titres du "live"...

Ah, c'est un ‘live’!

C. : Pourquoi, tu ne l'as pas reçu?

Ben non, je croyais qu'il s'agissait d'une compilation. (NDR : le CD nous est parvenu entre-temps, et nous regrettons qu'il n'ait pu bénéficier d'une promo plus conséquente).

Peter : En fait, nous avions engagé un second guitariste. Mais il s'évertuait à reproduire des clichés dont nous ne voulions plus entendre parler. Comme nous avions décidé de faire une croix sur notre passé, nous avons estimé qu'il était préférable de s'en séparer. Et puis, Kevin s'acquitte de son rôle à la perfection. Il joue bien et fort. Nous n'avons donc plus besoin de guitariste supplémentaire. La formule à quatre est beaucoup plus équilibrée. Elle nous permet de prendre notre pied sur scène...

Jouer ‘live’, c'est important pour les Godfathers?

P. : Absolument! Que ce soit devant 45.000 personnes ou dans un petit club comme ce soir, nous essayons toujours de créer un climat différent. Le nombre de spectateurs importe peu. Ce qui compte, c'est la qualité du set et la relation qui se crée entre la foule et le groupe.
C. : Je préfère quand même me produire dans des petites salles. C'est plus intime. Il n'y a pas de barrières entre les musiciens et le public. Et puis c'est plus pratique pour embrasser les jolies filles...

Pourtant vous semblez particulièrement violents et même irascibles sur les planches!

C. : Nous libérons de l'énergie sans plus. La colère est une valeur négative. Chez les Godfathers la violence véhicule une forme d'excitation susceptible de vous apporter une sensation de bien-être.

Cette succession de tournées n’est-elle pas trop pénible ?

Ali : Après plusieurs semaines d'exode, nous sommes contents de prendre un bon repas à la maison.

Vous aimez la nourriture anglaise? Le porridge par exemple? (NDR : Beurk!)

K. : Absolument! En hiver, lorsque le temps est froid, prendre une ration de porridge salée ou poivrée (NDR : Rebeurk!) est un excellent reconstituant pour la santé...
C. : Nous aimons beaucoup voyager. Ces tournées nous permettent de rencontrer beaucoup de monde, de voir du pays...

Pourquoi toutes ces tournées?

P. : Le succès est lié à l'argent et vice versa. C'est vrai que les tournées coûtent cher, mais si tu ne te fais pas connaître, tu ne gagnes pas d'argent. Et sans argent, tes chansons ne valent pas un clou. Il existe de nombreux groupes de rock. Certains gagnent beaucoup d'argent, d'autres moins. Nous n'avons pas à nous plaindre. Nous aurions tout aussi bien pu émarger au chômage!

Cela me permet de passer à un sujet qui touche particulièrement les Britanniques: la politique. La Grande-Bretagne souffre d'un taux de chômage particulièrement élevé. Pourtant, les insulaires continuent de voter pour les conservateurs. Pourquoi? Malgré le retrait de Margareth Thatcher, rien ne semble avoir changé...

C. : Cinquante-six pour cent de la population détestaient Maggie, mais quarante-deux pour cent la plébiscitait. Tout le monde n'a pas la chance de voter en Angleterre. Il faut payer la poll-tax pour pouvoir donner ta voix. Alors si tu es dans la dèche tu dis ‘merde’ aux élections. Ce n'est pas démocratique. Et puis il y a les paresseux qui oublient de voter. Enfin, les opportunistes qui prétendent défendre la cause des travaillistes ou tout au moins admettre leurs idées, et qui en dernière minute se rétractent parce qu'ils pensent à leur propre situation. Ils ne pensent alors plus du tout aux autres, ni à leur pays. Ils s'en foutent de la Grande-Bretagne et de ses sans-abris. C'est leur portefeuille qui compte! 

"Birth School Work Death", c'est une conception de la vie?

P. : Non, c'est le titre d'une bonne chanson!

Pourtant, vous êtes un groupe à thèmes. Dans l'étymologie de Godfathers (NDR : traduction littérale de parrain), on retrouve les mots "God" (Dieu) et Fathers (Pères), croyez-vous en Dieu?

P. : Nous sommes fondamentalement croyants. Mais chacun d'entre nous possède sa propre spiritualité. En ce qui me concerne, cette foi vit au plus profond de moi-même; j'espère simplement qu'elle m'aidera à sauver mon âme...

Pourtant la religion est une des principales sources des conflits qui gangrènent notre monde?

P. : Evidemment! Tu sais, la foi c'est quelque chose de personnel. La religion implique des dogmes. Et ces dogmes peuvent conduire à l'intolérance. Regarde en Angleterre, le football est devenu une forme de religion. Il a conduit au hooliganisme. Et dans notre monde, il y a tellement d'idéologies différentes, qu'elles finissent par devenir conflictuelles...

La politique, c'est un peu une autre forme de religion, alors?

C. : La politique est accusée de tous les maux de la terre. Mais, c'est un élément indispensable de la vie sociale. C'est encore une fois l'intolérance qui conduit à la destruction du tissu social. Le monde entier craint l'extrémisme; mais si tu fais ton examen de conscience, tu te rends compte que ton comportement fait le lit de l'extrémisme. Aux Etats-Unis, si tu as la peau noire, tu n'as pratiquement aucune chance de décrocher un job. Dans l'ex Allemagne de l'Est, on prend pour cible les immigrés qui seraient responsables du chômage. En France Le Pen n'a pas bonne presse, mais son crédit augmente de jour en jour. Là est le danger!

Pourquoi détestez-vous parler des sixties?

P. : Parce que ce sujet entraîne inévitablement des comparaisons rétrogrades. Il est vrai que les sixties constituent une période productive. Pas seulement pour le rock, mais également pour toutes les autres formes musicales. Productive et créative. C'est pourquoi tant de groupes y trouvent leur inspiration. Tu sais, les charts des sixties étaient beaucoup plus excitants. Ils étaient inondés de chansons plus formidables les unes que les autres. Et les bouleversements du Top Ten étaient uniquement provoqués par le renouvellement des hits. Aujourd'hui, c'est de la merde!...

La house, la techno et les samplings, ce n’est pas votre truc alors?

A. : Au départ, la house était intéressante, mais plus aujourd'hui. Elle étouffe complètement la mélodie. Il ne reste que du bruit sur lequel les kids doivent se droguer pour éprouver un semblant de quelque chose. C'est stupide!
P. : Le sampling n'est pas à priori mauvais. C'est son utilisation abusive qui est néfaste. Regarde Jesus Jones, sa consommation excessive de samplings rend sa musique dépressive. Et puis quel manque d'imagination de puiser dans le répertoire des autres pour le réinjecter dans ses propres compositions. Il n'y a rien d'original à se servir du talent d'autrui.

Pourquoi avez-vous quitté Epic?

P. : Nous sentions que ce label cherchait à nous manipuler. Et comme nous ne voulions pas devenir un autre groupe de pop merdique, nous avons préféré changer d'air...

Quel est votre voeu le plus secret?

A. : Etre heureux tout simplement!
K. : Vivre jusque 93 ans et voir que le monde se souvient encore des Godfathers...
P. : Mourir dans mon lit en faisant l'amour...

Et pour tout savoir à leur sujet, ils aiment... The Beatles, Iggy Pop, Sex Pistols, Gene Vincent, Elvis, Hendrix, les films classés "X", mais détestent... Sonic Youth, My Bloody Valentine, Mark E Smith, Guns 'n Roses, Prince, la vanité.

(Version originale de l'interview parue dans le n° 7 – novembre 1992 - de Mofo)

 

Wilco

Avec Volswagen, pas d’problème, pas d’problème…,

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Lors du dernier festival de Dour, Wilco a accordé un set en tous points remarquables, une prestation dont l’apothéose électrique valait à elle seule le déplacement. Mais aussi un concert contrastant d’une manière étonnante avec leur sixième album, ‘Sky blue sky’, un disque de très bonne facture, mais dont le climat particulièrement cool, nous replonge curieusement dans l’univers des seventies. Pas trop étonnant, lorsqu’on sait que le line up implique aujourd’hui des musiciens huppés ; et notamment le guitariste Nels Cline. Agé de 52 balais, ce véritable virtuose de la guitare est considéré depuis février de cette année, par le magazine Rolling Stones, comme un des meilleurs gratteurs sur la scène pop/rock. Faut dire que le personnage joue de la six cordes depuis l’âge de 12 ans, compte une discographie impressionnante (plus de 100 albums !) et on ne dénombre plus le nombre de collaborations au sein desquelles il a été et est toujours est impliqué. C’est lui qui s’est prêté à l’exercice des interviews. Il n’a éludé aucune question même les plus embarrassantes. Un type d’une extrême gentillesse en compagnie duquel on a même fini par trinquer.

Mais en récoltant ce fameux prix, les autres membres du groupe ne l’ont-ils pas trop charrié ? Nels avoue : « Ouais, effectivement. En fait, cette distinction est à la fois très flatteuse et en même temps stupide. Inévitablement, certains n’ont pas raté l’occasion de se payer ma fiole. Par contre, j’en ai causé à ma mère. Et elle était fière de moi… » Une chose est sûre, au cours de sa carrière, il a côtoyé une multitude d’artistes, aussi bien issus de l’univers de la pop, du rock, du jazz que de la musique expérimentale. Parmi les plus notoires, on retiendra Mike Watt (Minutemen), Thurston Moore (Sonic Youth), et Carla Bozulich (Geraldine Fibbers). Justement, a-t-il encore des contacts avec ces musiciens ? « Oui, oui, régulièrement. Carla a ouvert quelques uns des concerts de Wilco lors de notre dernière tournée européenne. Pour la circonstance, je l’ai rejointe sur les planches pour interpréter l’un ou l’autre morceau. J’ai participé au nouveau projet solo de Thurston Moore. J’y joue de la guitare. Mike Watt et moi militons au sein d’un autre projet : The Crew of The Flying Saucer. Stephen Perkins (le drummer de Jane’s Addiction), Willie Nelson et quelques autres y participent. Enfin, il y a The Black Gang. Un trio. Ce sont mes musiciens préférés… » Ce qui veut dire que Nels n’a pas abandonné ses desseins personnels. « Non, non, je bosse maintenant full time pour Wilco ; mais quand il y a des périodes de pause, je recommence à jouer ma propre musique ou alors j’organise des rencontres destinées à l’improvisation. Un peu partout dans le monde. A New Yok, Chicago, San Francisco… »   

Pour enregistrer ‘Sky blue sky’, les musiciens de Wilco se sont davantage impliqués dans la composition. Bien plus que dans le passé. Mais qui a pris la part la plus large des arrangements ? La patte de Nels serait-elle responsable des sonorités davantage seventies ? « Ce n’est pas moi ! La plupart des idées musicales ont été apportées par Jeff. La structure, aussi. Sans la moindre exclusive, tout le monde a participé aux arrangements. A parts égales. Finalement nous avons tous apporté nos idées et la plupart ont été utilisées. Pat a apporté de nombreuses idées. Mais automatiquement, on a été entraîné à en parler, puis à répéter. Cependant, les premières idées n’aboutissent pas nécessairement. Et la mouture finale est parfois bien différente de la première. Certaines compos aboutissent très rapidement et d’autres nécessitent un processus d’élaboration assez long. En ce qui concerne ma propre contribution, je ne pense pas être le responsable des sonorités seventies. Si on les ressent, c’est qu’elles existaient déjà avant. Je ne pense pas qu’il était dans notre intention d’épouser un tel profil sonore, mais simplement c’est la façon dont nous ressentions les événements. Donc on n’a pas eu recours à des artifices pour obtenir un tel résultat. Tu entends probablement des distorsions et des effets spéciaux, mais ce n’est pas ce qui nous préoccupait le plus. Ce qui nous intéressait, c’était le feeling. Tous les membres du groupe ont des sensibilités différentes ; ce qui nous permet de multiplier les possibilités et d’accentuer le processus créatif. Mais en fin de compte, on est capable de chercher et de prendre des décisions sans tergiverser continuellement… » On ne va pas en faire une fixation, mais une plage comme ‘Impossible Germany’ est basée sur une dualité de guitares me rappelant Delaney & Bonnie. Qu’en pense notre interlocuteur ? « On nous a même déjà dit qu’on avait été inspiré par Television et Blue Oyster Cult. En fait, j’avais écrit les lignes de guitare pour cette compo, et Jeff m’avait répondu qu’on n’avait pas besoin de cet instrument pour cette chanson-là. Avec lui, tu ne sais jamais quel instrument on va utiliser pour un morceau. Et Pat ne le sait pas davantage. Jeff et Pat ont commencé à créer les harmonies. Et Jeff avait dans la tête qu’on n’utiliserait pas la guitare. Bref, on allait interpréter une chanson que j’avais composée à la guitare, sans guitare. Et qu’est ce qu’on fait maintenant ? Finalement Pat s’est assis derrière les claviers, Jeff a empoigné la guitare et on a fait une jam. Et à la fin, Jeff a dit : ‘Elle est prête maintenant la chanson’. Donc on n’avait jamais pensé à qui que ce soit en l’interprétant. Même pas aux Allman Blues Brothers… » Enfin, dans le même ordre d’idées ‘Please be patient with me’ et ‘Hate in her’ trahissent des affinités avec les Beatles. Pour la première elles sont puisées dans le ‘double blanc’. Pour la seconde, les claviers rognés sont utilisés comme Billy Preston sur ‘Abbey road’. La réponse fuse : « Je suis obligé de réfuter cette réflexion, car si je la partage, je dois la prendre pour un compliment ; mais en même temps je suis nul à chier. Maintenant, il y a tellement de diversité dans le double album blanc… un peu comme pour ‘Blue Sky blue’… » Certaines des compos de ce nouvel opus étaient d’anciennes chansons. Ont-elles été retravaillées en profondeur ? Nels s’explique : « Oui. Mais j’ignorais, au départ, que certaines d’entre-elles avaient été écrites il y a longtemps. Seuls Glenn et Mike étaient au courant. Ce n’était pas plus mal. Ainsi, il n’était pas possible d’anticiper. Et le processus est devenu plus clair, plus ouvert. Et plusieurs d’entre elles ont été largement améliorées à cause des nouveaux arrangements. Finalement on a davantage discuté de la musique et des notes et pas nécessairement du climat au sein duquel ces morceaux avaient été écrits… » Un climat qui semble d’ailleurs bien plus optimiste, tout au long de ‘Sky blue sky’. Ce qui doit certainement procéder d’un meilleur état de santé de Jeff Tweedy. Elle serait même devenue aujourd’hui excellente. Nels nuance : « Certainement. Mais ce n’est qu’une partie de la vérité. En fait, Jeff a vécu un rafraîchissement dans ses sentiments, dans sa vie ; et il avait déclaré qu’il allait enregistrer un disque plus enjoué. Néanmoins, il n’est pas nécessairement plus allègre, mais te donne cet espoir. Il y a toujours un sentiment de doute, d’ambiguïté, pour jouer sur les contrastes. Je pense que si on veut rendre l’angoisse et la souffrance romantique, il faut le traduire d’une manière rayonnante, enlevée, optimiste. Si tu peins des climats et des humeurs uniquement en noir, il n’y a pas de contrastes. S’il n’y a pas de contrastes, il n’y a pas de tension et de relâchement. Et donc on ne se sent pas dans l’obligation de continuer à écouter. Comparé aux autres albums de Wilco, il est moins angoissant. Ce qui n’empêche pas d’y explorer des aspects plus ténébreux. C’est cela aussi notre musique… » Mais qu’est-ce qui plaît dans les lyrics de Tweedy ? « Je ne suis pas toujours sûr de bien comprendre ce dont parle Jeff, dans ses textes. En fait, ses chansons sont ouvertes. Il pose des questions ouvertes. Certains textes sont frivoles, d’autres plus personnels, plus intimistes. On n’y trouve pas de plaintes, de récriminations ou de protestations. Mais plutôt une analyse du cheminement individuel des êtres humains. A la recherche de la vérité, ils privilégient la sincérité et l’authenticité… » (NDR : en d’autre termes : ils sont autobiographiques…)

Mouais ! Alors comment comprendre que certaines chansons issues de ‘Sky blue sky’ aient été retenues pour servir de bande sonore à de la pub ? A la TV. Lors de la dernière campagne promotionnelle pour Volswagen. Plusieurs. Et une pour la promotion d’un mobile téléphonique. En Espagne. Difficile de ne pas perdre son intégrité lorsqu’on accepte un tel contrat. Nels semble embarrassé (NDR : finalement, on se demande si Jeff n’a pas décidé de refuser d’accorder des interviews pour ne pas devoir répondre à des questions semblables. Et il envoie ses ouailles au casse-pipes…) « Tu m’apprends ça ! C’est un non-problème. Aux States, du moins. Car il est impossible d’être diffusé sur les ondes des radios commerciales. Et la programmation d’une radio commerciale ressemble très fort à une succession de spots publicitaires. Et donc toutes les minutes sont vendues. On fait de la promo que vous haïssez peut-être et finalement, même si vous êtes payés, ce sera Volswagen ou quelqu’un d’autre qui percevra les dividendes. On ne passe pas sur les radios publicitaires. Dès lors, comment faire pour permettre au public qui nous apprécie d’écouter notre musique ? J’admets que c’est toujours scabreux de mélanger la musique et le business. Les Flaming Lips ont leur méthode : ils ont acheté des spots publicitaires pour diffuser leur musique à la radio… Le public a enfin pu se rendre compte de l’existence de Nick Drake, parce qu’une de ses chansons était associée à un spot publicitaire. Evidemment tout se décide également en fonction de la famille que tu dois nourrir. Personnellement, je n’ai pas d’enfant. Les autres bien. Et ton choix est parfois dicté par des contraintes financières. Maintenant, j’aurais certainement été plus mal à l’aise si on avait vendu notre musique à Mc Donald ou à une banque. M’enfin, quand on y réfléchit, ce système est vraiment du capitalisme. Et tout compte fait, Volswagen, ce n’est pas si mal que ça. En plus, cela ne me dérangerait pas si l’entreprise m’en offrait une (rires)… non, je n’ai jamais roulé en Volswagen, mais en Volvo… »

Merci à Vincent Devos

 

Rollerskate Skinny

Rollerskate Skinny et son ange gardien.

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Auteur d'un premier album mystérieux, élaboré mais très mélodique, ce groupe dublinois pourrait devenir très important. C'est en tous cas l'impression que partage l'ensemble de la presse britannique. Elle n'hésite d’ailleurs pas à comparer le quintette à Mercury Rev voire à Sonic Youth. Et comme si la richesse musicale ne suffisait pas, ce disque recèle des textes visionnaires, thématiques sur le monde contemporain. La rencontre des deux guitaristes, Jimi et Ger, puis du chanteur/lyriciste Ken, a enfin permis de lever un morceau de voile de l'énigme Rollerskate Skinny...

Pourquoi choisir pour nom de groupe le titre d'un roman qui a inspiré l'assassinat de John Lennon?

Jimi : Une pure coïncidence. Nous avons même été surpris de le lire dans je ne sais plus quel magazine. Il n'a jamais été dans notre intention d'établir la moindre corrélation avec cette affaire.

Ce n'est donc pas un sujet à approfondir? Pas plus, je suppose que celui des Beatles?

Ger : C'est une évidence!

Vous vous identifiez sans doute à des groupes plus contemporains comme Mercury Rev ou Sonic Youth?

J. : Nous serions de mauvaise foi en refusant d'admettre l'influence que Sonic Youth a exercée sur le groupe. Mais pas son aspect métallique. Plutôt l'exploration simultanée de différentes perspectives mélodiques.

Un peu à la manière de Wire?

G. : Je n'ai jamais prêté attention à ce genre de groupe.

J. : Ce n'est pas davantage ma tasse de thé. Leur musique était un peu trop capricieuse à mon goût!

G. : Chacune de nos compositions abrite différentes influences. Pour Mercury Rev et Sonic Youth, elles ne sont cependant que superficielles. Evidemment, il est plus facile de se référer à ces deux ensembles, puisqu'ils ont acquis une certaine notoriété.

Quel album de votre collection personnelle ne céderiez-vous sous aucun prétexte?

G. : "Closer" de Joy Division et "The Movie" de Jimi Hendrix (NDR: Est-ce un bootleg?)

J. : Pas un seul. J'y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Je ne vois donc aucune raison de m'en séparer!

Vous semblez manifester un goût plutôt prononcé pour l'extrême. Est-ce typiquement dans le caractère irlandais.

J. : Ce n'est pas spécifiquement irlandais, mais le reflet de nos personnalités.

G : Des sentiments universels que tout être humain est susceptible d'éprouver.

J. : Chaque pays vit ses extrêmes. En Belgique, vous vivez les vôtres à travers les disparités entre Flamands et Wallons. En Irlande, ils sont d'une toute autre nature. Pour Rollerskate Skinny, ils s'inscrivent exclusivement dans un espace multidimensionnel, au sein duquel nous avons voulu reculer les limites.

Vous avez assisté à la projection du film "In the name of the father"?

G. : Non!

J. : Oui. L'intrigue est excellente. Un film très intense inspiré d'un fait réel. Mais je suis un peu déçu que la vérité soit quelque peu tronquée. L'accumulation de détails artificiels et la concentration des événements dans le temps n'étaient pas indispensables. La véritable histoire était suffisamment dramatique. Il ne fallait pas en rajouter. Ce qui explique pourquoi il est nécessaire de prendre un certain recul. Sans quoi, c'est un grand film... J'ai, en outre, tenté une expérience originale pour le visionner. D'abord, en Irlande. Puis en Angleterre. Et les réactions suscitées sont diamétralement opposées. Etonnant!

Bono et Sinea O'Connor ont collaboré à l'enregistrement de la bande sonore de ce film. Est-ce que leur participation a une valeur symbolique à vos yeux?

J. : J'apprécie énormément Sinead O'Connor. Je ne partage cependant pas tous ses faits et gestes. Mais elle dit ce qu'elle pense en toute liberté, spontanément et avec énormément de passion. Et puis elle a de si beaux yeux... une très jolie fille (rires)... Tout ce qu'on a pu médire sur son compte a été monté de toutes pièces. C'est comme l'intérêt excessif porté à U2. C'est de la manipulation médiatique!

G. : Le jour où elle a déchiré la photo du pape, il a dû se passer quelque chose de saugrenu dans sa tête. De saugrenu, mais également de sensé. Il faut replacer cet événement dans son contexte. L'Irlande du Nord vit en quelque sorte une guerre de religion. Et dans l'esprit de Sinead, le pape en porte une certaine responsabilité. Il était ainsi plus facile de la faire passer pour hérétique.

C'est un peu comme dans votre chanson "Bring on to stigmata" où vous semblez très amers vis à vis de la religion?

G. : Elle ne vise pas seulement la religion. Mais tous les problèmes qui existent dans le monde en général. Elle reflète en quelque sorte notre état d'esprit à l'égard de ces événements; et puis d'une manière plus personnelle traite de nos expériences vécues. Comme celles que nous avons traversées à Londres.

Pouquoi, vous n'y vivez plus?

J. : Si, mais nous allons retourner à Dublin.

Quand?

G. : Dans une bonne semaine!

Vous vous y étiez fixés depuis deux ans, il me semble?

J. : C'est exact. Mais la vie à Londres est pénible. Cette ville est trop grande, impersonnelle, morne, robotisée. Nous n'y avions pas d'amis. Nous ne parvenions plus à nous situer. Nous avions peur, en quelque sorte, de perdre nos racines. Nous avons donc voulu revenir aux sources de notre inspiration. A Dublin. Un retour qui correspond pour nous à une renaissance.

G. : Londres peut être intéressant pour ses extrêmes. Mais son gigantisme est déprimant. Ce sera de toutes manières une bonne expérience d'y avoir transité.

J. : Nous regretterons sans doute les petits clubs. Parce qu'ils jouissent, au niveau musical, d'une excellente réputation. Et puis, parce qu'ils dégagent une atmosphère propice à l'épanouissement des groupes de rock...

La chanson "Violence to violence", est-ce un constat d'échec ou un cri de désespoir?

J. : Plutôt un cri de désespoir. Mais cette composition ne devait pas s'intituler "Violence to violence". Nous l'avions écrite pendant la guerre du golfe, mais avons décidé de changer le titre à la dernière minute, car il était devenu trop indulgent vis à vis de l'épisode dramatique qui venait de se dérouler.

Que signifie "Shoulder voices"?

J. : La conscience. L'ange gardien qui se tient constamment derrière toi pour guider tes actes.

Jimi, tu vois encore régulièrement Kevin?

J. : Kevin?

Ton frère!

J. : (NDR: apparemment embarrassé) De toute évidence, ce n'est plus un secret pour personne. Oui. Pour l'instant, il est en studio avec My Bloody Valentine pour enregistrer son nouvel album.

La citation qui figure à l'intérieur de la pochette, est-ce une diatribe contre les marchands de canons?

Ken : C'est de l'ironie pure. Comme dans la chanson "Slave" par exemple. Elle s'intéresse à l'esclavage des principes que tu ne comprends pas et auxquels tu dois te soumettre. Et lorsque tu imagines être capable d'influer sur ce système, tu te berces royalement d'illusions... En fait, j'écris au sujet des problèmes humains et des situations qu'ils entraînent...

Est-ce que les rêves et les cauchemars constituent la moelle de ta prose?

K. : Oui, c'est exact! A Londres, j'ai passé de longs moments à dormir (rires). J'étais complètement fauché. Et sans argent à Londres, tu ne vas pas très loin. J'ai toujours trouvé étrange le moment où l'inconscient commence à s'embrouiller avec le conscient. Mes rêves, par exemple, sont souvent effrayants, paranoïaques. Et ils finissent même parfois par se fondre avec la réalité. Parfois, je tombe amoureux dans un songe. Mais lorsque je me réveille, je me rends compte m'être seulement épris de mon corps (rires)...

Est-ce la raison pour laquelle, dans tes textes, tu déformes constamment la réalité?

K. : Je ne la déforme pas. Elle est simplement le reflet de mon état d'esprit à un moment très précis. L'être humain tient comme indiscutable l'existence d'une seule réalité. C'est une erreur. Ce n'est pas une constante. La réalité est multiforme. Suivant la perspective adoptée, tu la conçois autrement. J'ai besoin de ces environnements différents pour créer. Mais je n'aime pas que l'on me colle l'étiquette d'artiste, parce que j'ai trop de respect pour l'esprit des gens...

 

Version originale de l’interview parue dans le n° 23 du magazine Mofo de mai 94.

Band Of Susans

Politiquement engagés…

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Plus qu'une seule Susan chez ce quintette newyorkais dont la principale caractéristique procède de la présence de trois guitaristes. Et plus que deux membres fondateurs. Soit Susan Stenger et Robert Poss, respectivement bassiste-chanteuse et guitariste-producteur. Nous avons recueilli pour vous leurs impressions lucides, engagées, mais non dénuées d'humour, sur la politique, la société américaine, MTV, le féminisme et la conscience musicale d'un groupe très électrique...

Quelle est la signification du titre de votre dernier album? Y a-t-il une corrélation avec Simone Veil?

Robert : Non, mais la théorie est plutôt intéressante...

Susan : En fait le choix du nom est lié à la structure de notre musique. Aux différentes couches de son qui la composent. Aux liens informels, mystérieux qu'elle suscite...

R. : Au plus tu écoutes notre musique, au plus tu souhaites en capter toutes les facettes. Veil exprime cette soif de découvrir ce qu'il y a derrière le mur de bruit...

Est-il exact que les New York Dolls incarnent une sorte de mythe pour Band Of Susans? Avez-vous assisté à un de leurs concerts?

R. : Oui. En 1973. Les Dolls opéraient une tournée en compagnie de Mott The Hoople et d'Aerosmith. Pour Aerosmith, c'était d'ailleurs son premier périple. Nous étions très jeunes et bénéficions de ‘backstages’. Un souvenir inoubliable. Tout baignait dans l'atmosphère intense et dangereuse du glitter. Des musiciens fascinants et redoutables, un peu comme les Sex Pistols...

Est-il possible de développer des perspectives musicales sombres lorsqu'on apprécie à la fois les Beach Boys et les Jesus & Mary Chain?

R. : Susan aime les Beach Boys. Je préfère les Mary Chain et les Ramones. La bande aux frères Reid découpe ses mélodies de la même manière que le mythe californien, mais en adopte une interprétation sombre. Nous ne sommes pourtant pas aussi pessimistes que les Mary Chain. Notre conception musicale est différente parce qu'elle est susceptible d'apporter de l'espoir et même du bien-être. Il est cependant exact que certaines de nos chansons sont très réalistes...

S. : A contrario, les Beach Boys peuvent se révéler effrayants...

R. : Beaucoup plus effrayants que Nick Cave, Alice Cooper, Lou Reed ou le Velvet, par exemple...

En 1993, les Ramones, c'est pas un peu démodé?

R. : Les Ramones appartiennent à l'histoire de la musique américaine. Tout comme le blues ou la musique du XVIème ou du XVIIème siècle. Leur création n'a jamais tellement évolué. Mais elle a toujours été excitante. Lorsque je me procure un disque des Ramones, je ne cherche pas une surprise, mais à prendre mon pied. J'admets quand même que le mythe commence à tomber en désuétude. D'ailleurs, si au départ, nous nous en sommes quelque peu inspirés, aujourd'hui, nous n'avons plus grand chose à voir avec eux...

Band Of Susans est-il aussi engagé politiquement qu'il le prétend?

S. : Absolument! Mais ce n'est pas une raison pour croire que nous allons changer le monde. Nous n'avons jamais eu la prétention de colporter une semblable idéologie. Mais certaines de nos chansons ont une portée politique. D'autres sont plus personnelles ou traitent de problèmes de société comme celui du viol ou du stress, par exemple.

R. : Nos textes impliquent toujours des développements politiques, même lorsque nous parlons d'amour, d'espoir ou de rêve. Nous analysons et examinons ces thèmes en fonction de ce qui se passe autour de nous. Nous tentons ainsi d'aborder les multiples problèmes rencontrés par la société contemporaine...

Comme celui de la religion?

S. : Seulement ses excès. Son fanatisme. Parce que d'une certaine manière nous sommes aussi des fanatiques de notre musique. Nous lui vouons un culte. Nous cherchons à en libérer le mysticisme...

Un peu comme une secte quoi?...

R. : Si tu veux...

BOS ne menait-il pas à l'origine, comme Babes in Toyland et L7, un combat féministe?

R. : Ces deux formations sont totalement différentes. L7 joue du heavy metal on ne peut plus classique. Son attitude féministe se conjuguerait plutôt comme un machisme au féminin...

S. : Les femmes qui cherchent à défendre des idées aussi arrêtées, comme Polley Harvey et Juliana Hatfield, se trompent de cible. Elles se retranchent derrière des principes pour pouvoir exprimer leur exaspération. Elles pensent qu'en se retirant dans un ghetto, elles pourront pigeonner les mâles. Je ne pense pas que ce soit la bonne solution pour donner à la femme la place qu'elle mérite. Que ce soit dans le rock ou dans la société. Un groupe comme L7 a néanmoins son rôle à jouer dans le monde de la musique. Notamment, parce qu'elles organisent des concerts, dont les bénéfices servent à financer la lutte pour la dépénalisation de l'avortement. Et je pense que cet engagement est tout à fait louable.

R. : La société a besoin de tels groupes. Extreme en est un autre exemple. Mais au masculin.

S. : Le problème procède d'une fâcheuse tendance à penser que tous les ensembles féminins de rock mènent un combat extrémiste. Ce qui ne m'empêche pas de militer pour la présence d'un plus grand nombre de femmes dans le rock'n roll, d'amener le public à attacher plus d'importance aux compétences musicales qu'à l'aspect physique, même si elles sont jolies (rires...). Je veux jouer dans une formation partagée entre genre masculin et féminin. Dépasser ces principes du sexe pour me concentrer sur la musique.

R. : Le public a toujours assimilé le rôle de guitariste à celui du mâle, et apparemment le contraire semble déranger, même encore de nos jours...

S. : Les gens pensent qu'une femme est incapable de jouer d'un instrument et ne servent qu'à coucher avec les mecs. A ce sujet, je passe le chapelet de réactions déplacées dont j'ai déjà fait l'objet, avant de monter sur scène. J'ai quand même une anecdote à raconter à ce sujet. Nous partagions dernièrement l'affiche d'un concert avec un autre groupe, à Chicago. Les musiciens de l'autre formation m'ont ignorée toute la période qui a précédé le concert. A l'issue du spectacle, ils m'ont enfin adressé la parole en flattant mes compétences de bassiste. Ajoutant m'avoir croisée en ‘backstage’, en pensant que j'étais la petite amie de quelqu'un. A quoi donc est réduit le rôle d'une femme? Je ne pouvais donc prétendre à un statut de musicien dans un groupe? C'est à la fois ridicule et discriminatoire...

Pourquoi n'êtes-vous jamais diffusé sur MTV?

R. : C'est une très bonne question! (rires)

S. : En fait nous venons seulement de tourner notre premier clip. Ne me demande pas s'il sera un jour programmé sur MTV. Je n'en sais strictement rien!

R. : Nous ne sommes pas obsédés par l'idée de passer ou de ne pas passer  sur MTV. Cette chaîne est tellement conservatrice aux States... Elle diffuse essentiellement des artistes qui relèvent des majors. Pour les petits labels, il est difficile d'obtenir une tranche d'antenne, aussi minime soit-elle. Pour y parvenir, soit vous déboursez des millions de dollars, soit vous vendez père et mère, couchez avec tout le monde (rires) ou acceptez d'être esclave pour dix ans. Alors, peut-être, consentira-t-on à passer votre vidéo. A moins de s'appeler Nirvana... J'aimerais ouvrir une parenthèse au sujet du grunge. Tu vois ce vêtement de flanelle (NDR: il sort la chemise de son pantalon). Je le porte depuis 1960. J'étais alors âgé de quatre ans (rires). C'est cela que j'appelle grunge...

S. : Notre conception de la musique ne correspond pas à l'idée qu'MTV veut faire passer chez les jeunes. Nous n'utilisons pas les vocaux de la même manière que la plupart des groupes contemporains. Prend l'exemple de Nirvana dont toute la structure est focalisée sur le timbre vocal du leader. Nous accordons beaucoup plus d'importance aux différentes tonalités des guitares. Elles couvrent même régulièrement le chant. Je ne pense pas qu'MTV ou n'importe quelle radio à caractère commercial soit intéressé par ce type de musique. Ils la jugent trop dense,  nécessitant un trop grand effort de concentration pour pouvoir être assimilée...

R. : Les programmes d'MTV sont élaborés par des chefs d'entreprise qui décident ce qui va marcher et cherchent la meilleure méthode pour vendre leurs produits. Ainsi, ils n'hésitent pas à fabriquer des groupes de toutes pièces pour parvenir à leurs fins. Nous n'accepterons jamais d'être manipulés pour répondre à des soi-disant critères de séduction. Nous voulons concevoir une musique qui plaise à notre public. Et qui nous plaise, bien sûr. L'objectif est sans doute difficile mais il répond à notre aspiration profonde...


Version originale de l’interview parue dans le n° 20 du magazine Mofo de février 94.

Hollywood P$$$ Stars

Repartir pour un tour

Écrit par

L’effet de surprise est passé. Cette fois, tout le monde a entendu (parler) des morceaux d’ Hollywood P$$$ Stars . Attendus au tournant après un premier album (« Year of the Tiger ») à l’énergie contagieuse et au succès retentissant, Anthony Sinatra et son collègue Redboy voulaient éviter les redites. « Satellites », le nouvel album des P$$$  Stars, prend donc le contre-pied de « Year of the Tiger ». Né de l’imagination fertile d’Anthony Sinatra, remodelé démocratiquement, enregistré sous la houlette de Christine Verschoren (Ghinzu, Montevideo) et mixé par John Goodmanson (Wu-Tang Clan, Blondie, Death Cab for Cutie), ce second essai prend rapidement de l’altitude. Logique quand on s’intitule « Satellites ». Mais avant d’évaluer son champ de gravité, nous nous devions de les rencontrer.

Que ce soit par l’entremise de My Little Cheap Dictaphone ou de Piano Club, vous êtes aujourd’hui sur tous les fronts musicaux. Est-il évident pour vous de vivre l’aventure Hollywood P$$$  Stars en étant impliqués dans ces autres projets ?

Anthony : C’est quelque chose qui a toujours existé chez nous. Nos groupes parallèles ont précédé notre projet commun. Au fil du temps, nous avons réussi à mettre sur pied trois groupes aux influences et à l’imagerie différentes. La composition des morceaux ne pose pas spécialement de problème. La répartition s’effectue naturellement. Entre Hollywood et My Litlle Cheap, la question ne se pose pas. Ce n’est pas le même compositeur, pas le même chanteur. Par contre, entre Piano Club et Hollywood P$$$ Stars, on retrouve forcément une même griffe dans la mesure où je chante et compose la plupart des morceaux…

Redboy : On rencontre parfois quelques difficultés pour gérer nos agendas respectifs. Mais à partir du moment où nous sortons un nouvel album pour Hollywood P$$$ Stars, il est évident que, pendant deux ans, ce sera notre priorité absolue… 

Est-ce que vos expériences au sein de vos projets respectifs sont bénéfiques pour Hollywood P$$$ Stars ? 

R. : Que ce soit sur scène ou en studio, tu tires toujours des enseignements de tes expériences musicales. Sans parler d’échappatoire, l’existence de nos projets personnels nous permet de respirer pour, finalement, mieux nous retrouver…

A.: Cette situation favorise également notre envie de jouer ensemble. A nos yeux, nos projets respectifs constituent davantage un bon moyen de se ressourcer qu’une cause d’éparpillement artistique.

Hollywood P$$$ Stars est un groupe né dans l’urgence, l’impulsion et la précipitation d’un concours (NDR : le Concours Circuit). Conservez-vous encore des traces de cette époque : une attitude spontanée, un côté empressé ? 

R. : Nous sommes très attachés au côté spontané de nos chansons. En composant les nouveaux morceaux, on a toujours évolué en ce sens. Par contre, au fil du temps, nous avons appris à prendre du recul. Cette distance nous permet d’être plus performants, d’aller au-devant de chacune des étapes qui jalonnent la vie d’un disque : le choix du studio, des chansons à enregistrer, etc. Nous avons donc trouvé un équilibre au sein du groupe.

A. : Ce qui ne nous a pas empêchés de conserver notre esprit d’aventure. Quand on se lance le défi de créer un groupe pour essayer de remporter un concours, ça laisse forcément des traces... Pour le nouvel album, on s’est également imposé des challenges. On sait que ce disque est attendu, contrairement au premier. A partir de là, nous pouvions passer des mois en studio. Mais, une fois encore, on a préféré foncer. Prendre des risques. Se limiter à dix jours de studio et ne pas regarder en arrière.

Vous avez enregistré l’album en compagnie de Christine Verschoren. Pourquoi ce choix ?

R. : Sur le premier, elle avait mixé deux morceaux. On était très content de son travail. Pour « Satellites », elle a donc opéré toutes les prises sonores. Chaque morceau a bénéficié de sa propre journée. Ce timing nous permettait de dépasser l’approche initiale de nos chansons. Chaque jour, on repartait donc à zéro, en quelque sorte. Pour le reste, il a été mixé par le producteur John Goodmanson. Depuis nos débuts, on rêvait de travailler avec lui. Il a bossé sur les albums de groupes qu’on apprécie énormément : Death Cab for Cutie, Blonde Redhead, The Von Bondies, The Blood Brothers ou Sleater-Kinney.

Après le succès de « Year of the Tiger », ressentiez-vous une certaine pression à l’entame de votre nouvel album ?

R. : Peut-être… Mais elle n’a pas eu de conséquence sur le résultat final. On a réalisé « Satellites » dans notre bulle, sans tenir compte des avis extérieurs.

A. : Par contre, on a tiré des enseignements de notre premier cd. Dans le passé, on jouait sur le second degré. On s’est aperçu que certaines personnes ne nous comprenaient pas. On identifie donc un côté plus posé, plus mature, en filigrane de nos nouveaux morceaux. En fait, sur « Year of the Tiger », on entrevoit les prémisses du nouvel album. Cette fois, nous avons poussé les choses plus loin sans recourir aux clichés du simple rock basique…

En attendant, ‘Andy’, votre premier single, verse dans un rock puissant. C’est un titre assez différent des autres chansons de l’album…

A. : A nos yeux, c’est un morceau qui opère une charnière entre « Year of the Tiger » et « Satellites ». C’est pour cette raison que cette chanson ouvre le disque. Après ce titre, on plonge dans une autre atmosphère…

R. : Néanmoins, ce n’est pas le morceau le plus représentatif du nouvel album… On a beaucoup travaillé sur les intensités. De nombreuses chansons vont ainsi se dévoiler au fil des écoutes…

A. : Il est certainement moins immédiat. Mais on a vraiment l’impression d’avoir enregistré un ensemble de chansons cohérentes, pas seulement un tube perdu dans la mêlée. 

« Satellites » est-il obsédé, voire persécuté, par la mort et les disparitions ? Des titres comme « Crimes », « Ben’s dead », « Calling the ghosts », « There’s a god » pourraient, en effet, le laisser penser. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?

A. : Ce sont les différents concepts qui traversent l’album : la distance qui sépare les gens, la vie et la mort, l’absurdité et la réalité. Ces grands thèmes côtoient des histoires réellement vécues, abordées de façon romancée. Si le disque s’adresse à la première personne du singulier, il n’est pas autobiographique pour autant. Tous les textes ont été écrits sur une période très courte. Pas nécessairement la plus heureuse de ma vie. Mais je n’ai jamais cherché à verser dans l’amertume. On recherche toujours l’espoir, les aspects positifs de l’existence.

Nicolas Alsteen

 

En concert :

Le 3 novembre à la Cecoco (Ciney)
Le 10 novembre au CC René Magritte (Lessines)
Le 14 novembre à la Soundstation (Liège)
Le 15 novembre à l’AB Club (Bruxelles)
Le 16 novembre à L'Entrepôt (Arlon)
Le 17 novembre à L'Eden (Charleroi)

The Teenagers

Obsessions adolescentes

Écrit par

Quentin Delafon, Dorian Dumont et Michael Szpiner, alias The Teenagers, se confrontent à la réalité d’une carrière décollant sur les chapeaux de roues. Ils remixent les plus grands, recueillent les éloges du NME et accouchent de leur premier bébé, « Reality Check ». Les Teenagers ne sont manifestement plus des enfants.

Les Teenagers, est-ce une histoire d’amour adolescente ou celle d’une relation durable ?

Dorian : On s’est rencontré à l’école. Quentin et moi, nous côtoyions depuis plus de dix ans. Quant à Michael, je le connais depuis plus ou moins quinze ans. Nous n’avions jamais partagé d’expérience musicale auparavant. Mais en 2005, à Noël, on a composé une chanson pour rigoler. Dans la foulée, la même nuit, notre Myspace était créé et cette chanson y était proposée en écoute. Ensuite, nous sommes retournés à nos occupations pendant six mois. L’idée de monter un groupe était en gestation ; puis, en juin 2006, on a composé « Homecoming ». Et tout a commencé. Quelques labels nous ont contactés et The Teenagers est devenu est un vrai groupe.

Dans les textes, on retrouve beaucoup de préoccupations adolescentes. Le nom du groupe reflète-t-il votre état d’esprit lorsque vous composez ?

D. : On est à un âge où l’on ne sait pas vraiment s’il faut grandir et devenir plus sérieux. On a plutôt penché pour l’autre option, celle de rester jeunes et de continuer à faire la fête. Nos textes viennent de préoccupations que l’on a aussi (rires). Ils sont arrivés sans que l’on ne doive se forcer.

La femme a une grande place dans « Reality Check ». Hormis Nicole Ritchie et Scarlett Johansson, que vous célébrez à votre manière, respectivement sur « Fuck Nicole » et « Starlett Johansson », quelles sont les femmes qui ont influencé vos textes ?

D. : - Ma maman. (rires)

Quentin : - Ma sœur.

D. : - On a effectivement écrit une chanson au sujet de Nicole Ritchie et une autre sur Scarlett Johansson ; mais je sais pas si les femmes, en général, ont vraiment influencé les textes…

Q. : - Les paroles de nos chansons pourraient être considérées comme misogynes, mais nous ne le sommes pas du tout. On est juste timides (rires). Je peux comprendre qu’il y ait une mésinterprétation, mais on est vraiment loin d’être misogynes.

« Homecoming » a été élu 4e meilleur single de 2007 dans le fameux magazine anglais NME. Vous attendiez-vous à un tel accueil en Grande Bretagne ?

D. : - Je suis content qu’on nous pose cette question, je l’ai attendue toute la journée ! Tout le monde s’en fout, apparemment ! (rires)

Q. : - Quand on a commencé, c’était vraiment pour s’amuser. Il n’y avait aucune attente. On était donc très surpris et super content de retrouver l’une de nos chansons dans le top 4 des meilleurs morceaux de l’année. On était juste avant ou après Rihanna, il me semble…

D. : - Avant !

Q. : - On a battu Rihanna et son parapluie !

D. : - Pas mal…

Q. : - Ouais. Le classement était un top 50. Quand on a regardé l’ensemble, on a tout de même constaté qu’il y avait pas mal de beau monde. C’était étrange de se voir en photo devant tous les groupes anglais qui avaient cartonné pendant l’année.

« Reality Check », est-ce votre propre confrontation à la réalité ? Un bilan de ce qui s’est passé pour vous ces derniers mois ?

D. : - Entre autres.

Q. : - Parce qu’on peut lui attribuer différentes significations. Mais la majorité des chansons sont basées sur l’imaginaire, le fantasme. C’était donc marrant d’avoir un disque qui s’intitule « Reality Check ».

D. : - Comme on le disait, au départ, The Teenagers n’était pas un véritable groupe. Juste trois mecs qui balançaient des chansons sur MySpace. Et là, on se retrouve chez un vrai label, responsable d’un véritable album qui va sortir partout dans le monde et à la veille de participer à de vraies tournées mondiales. Un dénouement qui pousse au questionnement. Tout ce qui arrive, c’est un peu notre ‘reality check’. Une confrontation avec notre nouvelle vie…

Vous vous êtes exilés en Grande Bretagne. Un choix artistique ?

Q. : - En fait, après mes études, j’ai vécu pendant trois ans en Angleterre parce que je ne savais pas trop quoi faire. Les autres sont restés à Paris. Entretemps, The Teenagers est né. Les deux autres se sont finalement décidés à venir me rejoindre. On n’a donc pas vraiment débarqué là-bas dans l’espoir que ça marche mieux pour nous.

D. : - Michael et moi y avons effectivement émigré pour des raisons pratiques. Le label, le tourneur et le manager du groupe sont domiciliés à Londres. De plus, The Teenagers a pas mal tourné l’année dernière en Grande Bretagne. C’était donc plus simple que les trois membres du groupe se retrouvent dans la même ville.

Musicalement, est-ce la vie parisienne ou votre aventure londonienne qui vous influence le plus ?

D. : - Je sais pas trop. The Teenagers n’appartient pas à une scène spécifique. Des chansons ont été composées à Paris et d’autres à Londres. Cette dernière est sans doute une ville où tu peux exprimer un peu plus aisément ta créativité. Hormis cette réserve, je pense qu’on exprimait déjà assez bien la nôtre à Paris. Il est vrai qu’à Londres, les gens ont moins honte de tenter des expériences. Mais on ne s’est jamais gêné chez nous, à Paris, de les entreprendre. Le déménagement n’a pas vraiment changé grand-chose.

Et vos influences artistiques ?

D. : - Elles sont très larges. Elles vont de Jacques Lu Cont (NDR : Les Rythmes Digitales), aux Strokes en passant par Britney Spears. On est aussi bien influencés par des groupes indés que d’autres plus électroniques. Et également par tout ce qui est ‘mainstream’.

Vous avez remixé Au revoir Simone, Chromeo, Air, ou encore Simian Mobile Disco. D’autres projets de remixes ou de simples collaborations en vue ?

D. : - Pas pour le moment. Terminer notre album était une priorité qui nous semblait beaucoup plus importante qu’une collaboration. Aujourd’hui, tout le monde cherche des ‘featurings’ pour vendre des disques. The Teenagers n’a jamais vraiment bataillé pour obtenir des collaborations. Elles arrivent plutôt naturellement. Quant aux remixes, nous avons reçu beaucoup plus de sollicitations que nous n’avons proposé d’offres. Parfois, il arrive que des artistes demandent à leur label de les mettre en contact avec d’autres artistes. D’autres fois, ce sont juste les maisons de disques qui effectuent la démarche.

Q. : - Cependant, bosser en compagnie de Jacques Lu Cont ne nous déplairait certainement pas.

Vous venez de terminer une tournée aux Etats-Unis, quel bilan tirez-vous de cette aventure ?

Q. : - C’était ‘ouf’ ! ‘C’est la folie’ ! (chantant un extrait de « Streets Of Paris »)

D. : - On a vécu trois semaines dingues. Je rêvais d’y aller. Et le fait que le séjour se soit bien passé n’a rien gâché. Le groupe s’est produit dans des salles qui pouvaient accueillir entre 400 et 600 personnes. La moitié des concerts étaient sold-out. En sachant que l’album n’était même pas encore sorti, le bilan est tout simplement : ‘génial !’.

Des rencontres artistiques intéressantes ?

D. : -  Non, pas vraiment. Juste les gens du label.

Q. : - Il faut avouer que les groupes programmé en première partie étaient assez miteux. Nous n’étions pas du tout sur la même longueur d’ondes. A Los Angeles par contre, on a découvert deux groupes assez bien et on est descendu les voir. Rien d’autre.

Pour finir, dans le morceau « Steets of Paris », vous chantez ‘Les rues de Paris, c’est la folie’. Quelle est l’histoire la plus folle qui vous est arrivé en Ile de France ?

Q. et D. (en chœur) : - La nuit où on s’est fait agresser à Paris.

Q. : - On a du courir vite. Si on n’avait pas pris nos jambes à notre cou, on se serait bien fait castagné, je pense. « Streets Of Paris » est en fait la seule chanson autobiographique de l’album.

D. : - Sinon en Grande Bretagne, c’est plus palpitant. Il s’y passe des aventures qui ne se produiraient pas à Paris. A Londres, tu ne sais jamais où, quand et comment la fête s’arrêtera…

 
Album : « Reality Check », sortie le 14-03-2008 (XL Recordings / Merock / V2)

Concert : Les Nuits Botanique, 17-05-2008

 

The Black Crowes

Make up your own fuckin' mind!

Écrit par

Les Black Crowes ont sorti le meilleur de leurs albums de nostalgie seventies dont ils se défendent être les représentants : "By Your Side". Heureusement, ces jeunes hippies américains qui traînent derrière eux une carrière chahutée vieille de dix ans déjà ont un discours autrement plus convaincant quand il traite des remous puritains qui secouent (hé, hé) leur pays...

Pour l'un de vos albums, "Amorica", vous aviez commis une pochette choquante ornée d'une photo d'un monokini aux couleurs du drapeau américain d'où dépassaient quelques poils pubiens... Quelle est ta réaction face à ce qui s'est passé aux Etats-Unis pour Bill Clinton?

Chris Robinson : Je ne suis pas vraiment surpris que des gens baisent, que le président baise... Je ne suis pas tellement étonné par ce qui se passe non plus. Aux States, c'est le règne de la fausse moralité qui prévaut: les couples dorment dans des lits séparés... Je ne regarde pas les infos. Je ne crois pas au gouvernement américain, je crois aux gens. Les politiciens manipulent pour leur propre bénéfice. Ils sont pires que les rock-stars. Il faut être diablement machiavélique pour devenir président. Tout le monde semble surpris qu'il ait menti: savez-vous combien de gens mentent là-bas à Washington? C'est devenu ‘l'American Way Of Lying’! Aucun politicien ne dit la vérité car elle est trop dangereuse. Quand on ose la dire, il y aura toujours quelqu'un pour ne pas être d'accord. Et cette situation, les politiciens veulent absolument l'éviter parce qu'ils ont besoin du vote de tous. Je n'ai besoin du vote de personne. Pour qu'on ne s'attarde pas sur les sujets importants, les médias et le gouvernement tentent de dévier notre attention vers des histoires de grosses dondons à cigare.

Pourquoi n’en parles-tu pas dans tes chansons?

Chris Robinson : Ce consumérisme, cette rapacité est un mensonge pour moi, et je ne veux ne rien avoir à faire avec lui. C'est pourquoi je ne m'intéresse pas aux nouvelles.

Mais en tant que personne médiatisée, tu pourrais avertir ton public de...

Chris Robinson : Pourquoi? Je parle de ma politique en matière de relations humaines et d'émotions. Si je commence à dire aux gens ce que j'en pense et ce qu'ils doivent faire, je deviens alors moi-même un politicien. ‘Make up your own fuckin' mind’! Je dis ce que je pense, mais je ne pense pas que ce soit forcément bien pour tout le monde... Chacun doit avoir son propre jugement.

Tous les soucis rencontrés par le groupe vont finalement donner un certain sens de la sérénité?

Chris Robinson : Oui. Comme le reste. Au plus longtemps on reste sur cette planète, au plus de merde on doit traiter... Moi, je peux écrire des chansons à ce propos, mais des chansons qui peuvent signifier quelque chose à quelqu'un dans une situation similaire. Et nous passons tous par là des périodes différentes ou identiques de la vie. C'est ce qu'on appelle apprendre, la sagesse en quelque sorte.

Croyez-vous que l'accomplissement total d'un album, peut se faire uniquement dans la douleur et l'effort?

Steve Gorman : Pas nécessairement. Travailler dur peut aider mais ce n'est pas nécessaire. On se sent bien mais après être passés par la douleur, la confusion et l'angoisse. C'est la vie.

Chris Robinson : Les seules personnes qui sont constamment heureuses sont les chrétiens ou les gens qui se sont fait lobotomiser. Le reste du temps, c'est... je fais face!

Croyez-vous que la nostalgie des seventies vous a aidés dans votre carrière?

Steve Gorman : Non, parce que s'il existe une nostalgie pour les années 70, j'imagine qu'elle va rapidement céder sa place à une autre pour les années 80.

Chris Robinson : C'est ce qui se passe...

Steve Gorman : Si les gens qui écoutent nos albums se rappellent leur jeunesse, c'est leur perception de notre musique.

Chris Robinson : Notre musique n'a rien à voir avec les seventies. On a beau porter les cheveux longs et des boucles de ceinture imposantes... Les gens du heavy metal avaient les cheveux longs lorsque nous avons débarqué. Et je déteste le heavy metal.

Que pensez-vous de tous ces vieux groupes qui se reforment?

Steve Gorman : Ca dépend. Si on se réunit pour le chèque, les gens le voient. C'est leur choix, leur formation et leurs chansons. C'est mieux qu'un autre groupe les imitant pour chanter la même chose. L'âge n'est pas un problème dans le rock si tu as conscience de l'âge que tu as et que tu n'entres pas en compétition avec toi-même. Avec toi à 21 ans ou avec quelqu'un qui a cet âge alors que tu en as déjà 10 de plus. Mick Jagger aurait dû grandir il y a bien longtemps je crois. Il pourrait, en tant que plus grand frontman du monde, être un peu plus sincère, je pense.

Voyez-vous des liens entre vous, les Stones, Aerosmith et Ten Years After?

Chris Robinson : Nous nous sentons plus proches de Bob Dylan ou de Neil Young.

Steve Gorman : Ils enregistrent des disques qui leur ressemblent et c'est sans doute la raison pour laquelle ils sont toujours populaires. Ils restent sincères.

Quel bilan tirez-vous de vos dix ans d'existence?

Chris Robinson : Le bilan est... que quelque chose a survécu, ce qui n'est pas rien... Il est bon de savoir que nous avons fait ce que nous avions envie de faire et que nous sommes toujours là. C'est comme quelqu'un qui atteint la maturité, qui se retourne et voit dix ans dans le rétroviseur en se disant qu'il peut réellement jouir du moment présent parce qu'il sait que c'est ici et maintenant. Et qu'il espère survivre à d'autres épreuves et connaître d'autres joies.

 

Interview parue dans le magazine Mofo n° 71 de mars 99.

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