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Interviews

Wolfgang Flür

Conny Plank, le producteur de Kraftwerk, a été aussi important que George Martin, celui des Beatles…

Wolfgang Flür est un des membres légendaires de Kraftwerk, groupe allemand considéré comme pionnier et créateur de la musique électronique. Flür a été le batteur de la formation emblématique, de 1973 à 1987, soit pendant l'âge d'or des génies teutons.

Avant d'entamer l'interview, une petite piqûre de rappel s'impose. Florian Schneider et Ralf Hütter fondent Kraftwerk (traduction : centrale électrique) en 1969, à Düsseldorf. Entre '71 et '73, ils gravent « Kraftwerk », « Kraftwerk 2 » et « Ralf und Florian », des elpees qui proposent une musique avant-gardiste, une forme de krautrock classique, organique, alimentée par des batteries, guitares, etc. Ces long playings rencontrent un succès plutôt mitigé. Militant à cette époque au sein du line up, Michael Rother et Klaus Dinger abandonnent le navire et partent créer Neu !, une autre formation importante dans la genèse de la musique wave, mais face punk et post-punk.

En 1973, poussé par leur producteur, Konrad ‘Conny’ Plank, Kraftwerk se concentre sur la musique électronique basée sur les synthétiseurs et enregistre « Autobahn », le premier morceau 100% electro-pop de l'histoire musicale contemporaine. Le single devient un énorme hit aux Etats-Unis et le duo recrute un batteur/percussionniste, Wolfgang Flür. C'est lui qui développe le premier drum-pad électronique, une invention 100% originale. Le trio part ensuite en tournée, aux States.

Grâce à l'argent d'« Autobahn », Kraftwerk monte ensuite son propre studio, le Kling Klang, laisse tomber Conny Plank et enregistre « Radio-activity », un LP et un 45trs qui font un véritable tabac. Ils permettent au groupe d’acquérir une notoriété certaine à travers toute l'Europe, consacrant ainsi le style dark electro-pop qui sera la source de la new wave popularisée par Depeche Mode, Ultravox, Human League, Gary Numan et plus tard également de la house et de la techno.

Le groupe recrute ensuite un 4ème musicien, Karl Bartos, et publie « Trans-Europa Express » en 1977 et « The Man-Machine » en 1978. En 1981, la nouvelle étape passe par « Computerworld ». Issu de cet opus, le simple « Computer Love » entrera dans l'histoire pour deux raisons : d'abord parce que le riff au synthé a été réutilisé par Coldplay dans son hit « Talk ». Ensuite, car la face 'B', « The Model », se transforme en tube, dès 1982. Cinq ans plus tard, lassé par le despotisme de Hütter et Schneider, Flür quitte le groupe après les sessions de l'album « Electro-City ».

L’album suivant, « The Mix », paru en 1991, compile les hits du band remixés dans le style electro-dance de l'époque. Il faut attendre 2003 pour que Kraftwerk sorte un nouvel LP, « Tour de France Soundtracks », une œuvre qui trahit la nouvelle grande passion de Hütter et de Schneider : le cyclisme. Aujourd'hui, Kraftwerk ne compte plus qu'un membre original, Ralph Hütter, et se concentre surtout sur les concerts ainsi que les performances visuelles et artistiques.

Quant à Wolgang Flür, après 10 ans de divorce avec la musique, il a fondé Yamo dans les années '90, un projet solo qui s’appuyait sur ses compositions personnelle et des collaborations musicales. Aujourd'hui, il se produit sous son propre nom et a gravé « Eloquence », en 2015, un disque au cours duquel il en revient aux fondements de l’electronic-pop d’un Kraftwerk mais en l’élargissant à l'EBM, la house ou la techno, suite à différentes coopérations. « I Was A Robot » est même devenu un hit alternatif (NDR : il a également choisi ce titre pour son livre qu’on vous conseille vivement)…

Wolfgang Flür nous a gentiment consacré plus de 30 minutes d’entretien, lors du festival Winterfest, à Gand. Entrons donc dans le vif du sujet… 

Kraftwerk a évolué d’un krautrock acoustique et organique vers un genre 100% électronique qui l'a rendu célèbre. Est-il exact que Conny Plank, le producteur, a joué un rôle majeur dans ce processus ?

C'est exact. Ralph et Florian travaillaient déjà en sa compagnie avant que je ne les rejoigne. Plank était ingénieur du son pour les groupes américains qui venaient se produire en Allemagne pour les forces armées. J'ai eu l'occasion de parler longuement avec lui et sa femme Christa, y compris après l'aventure Kraftwerk et j'ai appris des choses que je ne savais pas parce que Ralf et Florian ne parlaient jamais ni de Conny Plank ni de son influence. En fait, Plank avait construit son studio dans une ferme en pleine campagne, dans les bois, non loin de Düsseldorf, un très bel endroit, et ses premières productions sont celles de Kraftwerk, et tout particulièrement « Autobahn ». C'est à ce moment-là que j'ai intégré le band et développé un drum-pad électronique en utilisant une petite boîte à rythmes, une drum box automatique incluant des presets valse, bossa nova etc. Kraftwerk ne disposait pas de batteur, parce qu’à l'époque les batteurs jouaient trop fort et trop rock ; en outre, Conny Plank voulait absolument éviter ce côté rock made in USA. Les Américains avaient l'habitude de se moquer des Allemands qui utilisaient des instruments rock et dénigraient cette musique en la qualifiant de ‘krautrock’, de rock ‘choucroute’. Donc, Plank prévenait : ‘Ne jouez pas du rock. Vous ne pourrez jamais égaler les Américains dans cet exercice. Faites votre propre truc.’ Il a donc incité Kraftwerk à réaliser « Autobahn », « Morgenspaziergang », etc. Il a aussi plaidé pour le recours au chant, car auparavant, la musique du groupe était uniquement instrumentale. Et il a insisté pour qu’il soit en allemand plutôt qu'en anglais. Quand j'ai rejoint Kraftwerk, mon jeu minimaliste correspondait parfaitement à ce nouveau style. Un an plus tard, Ralph et Florian ont engagé un autre percussionniste, Karl Bartos, ce qui a donné naissance au quatuor Kraftwerk 'classique'.

Conny Plank a-t-il également influencé l’approche mélodique de Kraftwerk ?

Non, pas au niveau des mélodies mais bien des sons. Plank les proposait pour « Autobahn », notamment en se servant du synthé Moog. Ils imitaient les bruits de l'autoroute, comme celle d’un camion qui passe. Il enregistrait tout sur bande et c'était un peu comme du sampling avant la lettre. Ralf et Florian sélectionnaient les sons et les inséraient dans la composition. C'est alors que j'ai compris le rôle de Plank dans la création de ce premier hit. Dans sa maison, Conny Plank possédait plusieurs disques d'or, remportés pour les productions qu'il avait réalisées. Dans l'histoire, il a été aussi important que Georges Martin, le producteur des Beatles.

Pourtant, Kraftwerk n'a pas continué à travailler avec lui après « Autobahn »...

Ralph et Florian se sont séparés de Conny Plank après « Autobahn » et ils n'ont jamais reconnu ouvertement son importance. Pour « Autobahn », qui a décroché un hit aux USA, il a reçu 5 000 DM ; une somme ridicule. Il n'avait pas signé de contrat ; c'était juste un accord tacite. Et sur le disque, ne figure que la mention : 'Enregistré dans le studio de Conny Plank'. Son travail de production n'était même pas reconnu. Ce mauvais traitement a rendu Conny Plank littéralement malade. C'est ainsi que j'ai découvert la véritable personnalité de Ralph et Florian ; ce qui m’a fortement attristé.

Kraftwerk a-t-il été influencé par Tangerine Dream ? On pourrait le penser vu que les deux formations ont commencé à peu près en même temps à se lancer dans la musique électronique.

Non, je ne crois pas. Nous avons assisté au fameux concert de Tangerine Dream, diffusé par la chaîne WDR. Leur musique était très différente. Ce n’était pas de la pop music, mais plutôt des soundscapes, des B.O. pour films. Perso, je préfère la musique pop qui tient compte de la structure classique couplet/refrain.

Pourquoi « The Model » est-il devenu numéro un en Angleterre ?

Le titre est paru originalement en 1978 sur « Man-Machine ». Plus tard, en 1981, pour promouvoir « Computer World », Kraftwerk a publié la plage titulaire en ‘simple’ et la compagnie de disque a ajouté « The Model » en face B, quasi par hasard. Et c'est cette ‘flip side’ qui est devenue un énorme hit en 1982, pour finalement culminer au sommet des charts anglais. Le thème de « Computer World » n'était pas destiné aux masses, « The Model » bien. En gros, les paroles disaient : ‘Elle est mannequin et elle est jolie et je veux l'avoir’. C'était presque de la musique ‘Schlager’ (NDR : un terme qui désigne la musique allemande populaire de variétés).

Par contre, « Radio-activity » a surtout marché en France. Pour quelle raison ?

J'ai une théorie pour ce phénomène : c'est parce que la chanson est très mélancolique. Au début, le thème n'était pas la radioactivité mais bien l'activité à la radio, le fait que la musique de Kraftwerk était largement diffusée sur les ondes, aux Etats-Unis. Même dans les coins les plus reculés, les réserves indiennes, les stations passaient « Autobahn ». La musique de « Radio-activity » était très semblable à la chanson française, celle de Charles Aznavour ou de Gilbert Bécaud, qui se distingue par sa mélancolie romantique. Et dans « Radio-activity », cette mélancolie est créée, entre autres, par le Vako Orchestron. Acheté aux USA, ce synthé fonctionnait à l’aide de disques de cellophane et était capable de reproduire des samples de violons, d'orgues, des choeurs de voix humaines, etc. C'était le successeur du célèbre Mellotron. Le Mellotron utilisait des bandes dont le temps d’action était limité. Le Vako Orchestron, par contre, exécutait les sonorités en loop de façon illimitée. Kraftwerk a exploité cet instrument pour les voix humaines, ce qui a communiqué un ton très mélancolique à « Radio-activity ». En outre, la manière dont Ralph Hütter chantait, sans émotion, comme un robot, accentuait le côté triste de l'ensemble.

Cette mélancolie émane sans doute aussi de la musique classique française : Debussy, Ravel, caractérisés par des harmonies en accords mineurs. 

Bien sûr ! La chanson française aborde souvent des thèmes relatifs aux amours déçus ou perdus. Comme dans la chanson « Nathalie... » de Gilbert Becaud. « Radio-activity » baigne dans ce même climat...

L'interview audio est disponible via le podcast de l'émission WAVES (Radio Vibration) ici. 

Remerciements : Wolfgang Flür, Winterfest Radio Vibration, WAVES & Musiczine.net

Photo: Wolfgang Wiggers

Calexico

L’amour est un fil ténu, mais assez solide pour relier le genre humain…

Écrit par

Calexico publie son nouvel opus, « The Thread that keeps us », ce 26 janvier 2018. Il s’agit de son neuvième. Le groupe a voulu en revenir à une forme plus expérimentale, moins latino, tout en concentrant ses lyrics sur les problèmes de l’environnement. C’est dans l’air du temps. Mais également soulever la question de la perte de communication entre les êtres humains. Entre autres. Paradoxal, au vu du nombre d’outils technologiques, mis à notre disposition, aujourd’hui. Et bien évidemment, l’occasion était idéale pour discuter du contenu de cet LP. Mais quel bonheur de pouvoir s’entretenir en compagnie de Joey Burns et de John Convertino, tellement leurs conversations sont riches et leurs avis pertinents…

Vous avez enregistré votre dernier album, « The Thread that keeps us », en Californie, au studio ‘Panoramic house’. Mais pourquoi avoir baptisé cet endroit ‘The Phantom ship’ ?

Il ressemble, en quelque sorte, à un vieux rafiot. La coque est constituée de planches délavées et le studio a été construit à l’aide de poutres en bois de charpente. Il y a des hublots comme sur un bateau, à travers lesquels on s’imagine regarder vers l’océan. Il n’y manque que les voiles. Il y a la cave, la cambuse (NDR : le dessous de la ligne de flottaison). C’est là ou se trouve la salle de contrôle. Il y a même un nid-de-pie (NDR : poste de vigie) ; et ce poste d’observation est amusant. En fait, quand on enregistre, on a besoin de s’isoler afin de pouvoir se concentrer. C’est un studio éphémère. Les musiciens bossent sur le pont, où est installé tout comme le matos d’enregistrement. Ce bâtiment est le fruit de la vision d’un mathématicien ; et ce type l’a construit de ses propres mains. Il avait mis beaucoup d’amour pour l’échafauder. Et manifestement, les fondations sont solides, car il a survécu à deux tremblements de terre. Dans la maison, il y avait la photo du gars qui avait construit le bateau. Il est mort. On dirait qu’il hante les lieux. On sentait sa présence pendant les sessions.

Justement, le morceau intitulé « Lost inside », qui finalement n’a pas été repris dans l’opus (NDR : ‘Outtakes lyrics’), évoque une danse avec un fantôme. Il a été écrit dans ce contexte ?

Oui, on y parle de plusieurs revenants. On les a croisés. D’une part, il en existe des personnels et d’autres qui sont impalpables. Ils hantent l’album. C’est comme si on rencontrait le fantôme de son passé. Il pourrait s’agir d’un membre de sa famille. Le souvenir de quelqu’un ou de quelque chose…

Vous avez coproduit l’album en compagnie de Craig Schumacher. Est-il devenu incontournable pour ce job ?

Oui et non. Il est un peu considéré comme un membre de la famille. On l’adore. On se respecte. C’est incroyable ce qu’il a été capable de réaliser au cours de ces dernières années. Aurions-nous pu travailler en compagnie d’autres personnes ? La réponse est oui. Et pourrions nous continuer avec Craig ? La réponse est toujours affirmative…

« Girl in the forest » est une fable qui traite de l’état de notre planète. Et notamment de l’environnement et la déforestation. Elle fait référence à John Muir, un écrivain américain, né en Ecosse. Un des premiers naturalistes modernes, militant en faveur de la protection de la nature. Est-ce un personnage important pour vous ? Et un exemple à suivre ?

Absolument ! Le studio est situé au Nord de San Francisco et de l’autre côté du Golden Gate Bridge. Il existe un sentier baptisé ‘John Muir’ qui sert à la randonnée. On y voit son nom sur un écriteau. Et on l’emprunte pour se rendre au studio. On s’y est souvent baladé et on y a découvert ce qu’il a vu, il y a 100 ans. Quand on entend parler, aujourd’hui, de la réduction de la superficie de parcs naturels pour laisser la place à la prospection de gisements pétroliers, on a une envie urgente de les sauvegarder. Ce sentier est donc devenu un fil conducteur. Car derrière ce sentier, il y a cette réflexion…

Joey, pour ce morceau, tu as écrit les lyrics en compagnie de ta fille, Twyla. C’était la première fois ? Peux-tu en dire davantage ?

On a tous des enfants. Il se pourrait qu’un jour, on ait des petits-enfants. Et donc, il serait important de conserver ce sentier pour cette progéniture. Ce n’est pas si compliqué à réaliser. Il suffit de quelques changements. Et ils se sont produits au cours de l’histoire. Je t’invite à relire ce que John Muir a écrit et tu comprendras… Ma fille, Twyla a un esprit très créatif. Elle est en contact avec ce monde spirituel et elle possède cette imagination que beaucoup d’entre-nous ont perdue. Le plus souvent, c’est elle qui se réveille la première et je l’appelle le petit oiseau du matin (NDR : ‘early bird’). A partir de ce moment, toute la famille se lève aussitôt. Elle chante au saut du lit. De belles chansons qui évoquent chez moi, les choses les plus douces de la vie. Quand on est allé camper, dans le coin, en compagnie de mes filles jumelles, Genevieve et Twyla, elles m’ont dit, papa, ne pourrait-on pas vivre ici. Ce qui m’a brisé le cœur… J’avais la musique et la mélodie, et puis j’ai calé. Twyla s’est alors pointée et suite à nos conversations, j’ai visualisé une scène de protestation contre la déforestation. Et pas seulement pour blâmer ceux qui abattent les arbres, mais ceux qui vont faire main basse sur les richesses du sous-sol. Et je me fais, en quelque sorte, le porte-parole de ce combat… Cette chanson pourrait mettre en scène une fille qui parle aux animaux, mais aussi à la forêt… Twyla a contribué amplement à la création du morceau. Finalement, c’est son thème. Au début, dans le scénario, il existait deux personnages aux backgrounds différents. Dans une ville près de la Californie, sur la côte, le premier vivait dans une maison où on parle espagnol et l’autre, en anglais. Ils se sont associés pour sauver leur ville et se sont rendus dans la forêt (NDR : la Redwood, forêt peuplée de séquoias) à la recherche des secrets de l’univers qui y sont d’ailleurs toujours. Vous savez, cette nature qui a tant à nous apporter et qu’on ne connaît pas encore. C’est l’inspiration qui se trame derrière cette compo…

Joey, quelques titres de l’elpee sont plus psychédéliques. Comme le superbe morceau d’entrée « End of the world with you », dont la mélodie me fait penser à Wilco?

C’est un compliment ! J’adore Wilco. Quand Jeff chante, mais aussi lorsqu’il parle. Vraiment content qu’il soit sur cette planète ! Avant je rêvais de rencontrer les Beatles et maintenant, c’est Jeff Tweedy. Il incarne quelqu’un d’important pour moi. Pavement aussi. J’aime bien le sens de l’humour et sarcastique de Stephen Malkmus. Ses paroles. Ces gars-là sont mes héros. Par exemple, si je devais te présenter ma collection d’albums, je te montrerai ceux des artistes dont je viens de te parler… J’aime quand l’approche musicale est plus expérimentale. J’en ai marre d’entendre constamment les mêmes morceaux de rock ‘classique’. A la maison, des ouvriers bossent sur mon bâtiment et chacun ramène sa ‘boombox’. La plupart sont latinos et on entend toujours les mêmes morceaux hispaniques et atmosphériques. En fait je suis contraint à écouter de la musique que je ne connais pas et qui est plutôt céleste que terrestre…

Un autre personnage, James Turrell, est cité dans « End of the world with you ». Il est responsable des ‘Skyspaces’, expériences qu’il a menées entre lumière et espace. Est-ce un sujet qui vous passionne ?

Il faut toujours avoir conscience qu’on est petit, insignifiant même. La perspective est importante, bien que je n’ai pas lu beaucoup d’ouvrages de ce gars, il faut savoir qu’on est minuscule, mais que la lumière est importante ; car grâce à elle on entre dans un espace temps (NDR : on en revient quelque part, à Pascal…)

Autre morceau inhabituel, « Dead in the water ». Très offensif, frénétique même, et au cours duquel la voix est caverneuse, alors qu’une cloche revient régulièrement dans le parcours…

C’est le thème de l’antagoniste : Dr Evil (NDR : Dr Evil, alias Denfer, est un personnage de fiction joué par Mike Myers, dans une série au cours de laquelle il parodie les méchants dans les films de James Bond). C’est le guitariste qui joue de la cloche… et il en est fier !

« Another space » est également une plage audacieuse. Il y a cet orgue vintage. Ces rythmes hypnotiques qui me rappellent Suicide, et plus exactement le « Jukebox baby » d’Alan Vega ; et à la fin on entend des solos de trompettes jazzyfiants, rappelant Miles Davis. Calexico aborde rarement des titres aussi complexes, non ?

Oui, il y a longtemps. Et c’était amusant de s’y risquer à nouveau. En fait, on ignorait où cette expérience allait nous mener. Quand on a entamé la chanson, elle se limitait à une sèche, les drums et la boîte à rythmes des années 70. Finalement, il faut admettre que le studio est l’endroit où on crée la chanson. Le studio conditionne la chanson. Et la chanson est le produit du studio. On a ajouté du piano, du triangle, puis plein d’autres éléments.

« Shortboard » est un instrumental au cours duquel il ne manque qu’une voix. Celle de Jim Morrison aurait pu coller à ce titre atmosphérique, non ?

Peut-être. Ce qui aurait été marrant. C’est une impro. On pourrait imaginer Jim Morrison dans « The end »… lorsqu’il prononce (d’une voix caverneuse) ‘and he walked down the hall’... C’est une ritournelle, une boucle en quelques mesures…

Sur « Under the wheels » vous avez utilisé une boîte à rythmes et un peu d’électro. Il est dansant, amusant, et emprunte des rythmes latino, caribéens, et plus exactement jamaïcains. Presque reggae, même !

C’est ce qui arrive quand on fait l’impasse sur la guitare. C’est le claviériste qui a composé la musique (NDR : Sergio Mendoza). Il travaille bizarrement. Il invite des musiciens et enregistre sur un petit quatre pistes. Puis il part en forêt et médite sur le son. Et vraiment, sa démarche est à la fois intéressante et originale. Dans le passé, il avait déjà réalisé l’une ou l’autre démo. Et bien sûr, il me les propose. Ici, il s’agit d’une autre qu’on avait un peu abandonnée. Il se l’est réappropriée et c’est le morceau dont tu parles. Le thème ? Au cours des 15 dernières années, on a dépensé des milliards de dollars dans les guerres et il en est résulté des pertes incroyables en vies humaines et des divisions dans le monde. Cette chanson est une réponse à ces événements. Le sentiment, c’est qu’aujourd’hui, les gens se baladent en regardant le sol. Il se suffisent à eux-mêmes et ne vont pas l’un vers l’autre. Où est cette capacité à communiquer ? On en vient à se demander de quoi on va parler tellement, tellement il y a des sujets à aborder. Où est cette capacité d’écoute ? Ce terreau commun ?

« Flores y Tamales » devrait figurer dans la setlist de vos futurs concerts, je suppose ? Et y rester régulièrement dans le futur ?

Sans aucun doute. C’est une bande-son qui a été réalisée pour la sauvegarde des papillons monarques (NDR : ‘monarch butterflies’). Sa population est en diminution à cause de la déforestation. On les croise au Nord du Mexique où ils nichent. Le thème était intéressant. On a engagé un bassiste espagnol. Et c’est lui qui a composé les paroles. En outre, c’est un de mes morceaux préférés…

« Thrown to the wild » invite-t-il l’être humain à préserver les rêves dans une réalité tourmentée ? Mais laisse-t-il un quelconque message d’espoir ?

Même si ce morceau décrit des scènes sombres et délabrées de l’existence, il concerne peut-être une ville, votre ville, dans le monde, en état de transition. En peu de lyrics, il décrit à quel point la situation s’est dégradée. C’est le signal que la limite est dépassée. Il figurait parmi les incontournables du tracklisting. La deuxième partie vire au chaos. C’est noir. Comme une entreprise qui se crashe. C’est la direction prise par notre terre. Au départ, on voulait clôturer le disque par ce titre, mais il était vraiment trop sombre…

Joey, tu as déclaré qu’au lieu d’écrire des ‘protest songs’, tu préférais propager tes messages en racontant des histoires. Es-tu plus romancier qu’écrivain ?

C’est quelque part entre les deux. Je suis un ‘novellist’ (NDR : un auteur de nouvelles, dans le contexte des short stories, spécifiques aux Américains). Quand une chanson ne dure que 3’, les instruments jouent un rôle important. Il ne reste alors de la place que pour une histoire brève. Par contre, lorsqu’il n’y a pas trop de passages instrumentaux, j’ai tendance à écrire en vers…

Enfin, « The Thread that keeps us », quel est ce fil, finalement?

C’est la question ! Quand on examine cette réflexion, on pense à l’amour. Parce qu’il n’existe rien d’autre qui soit aussi puissant. Il y a bien cette image de fil. Il est ténu, mais assez solide pour nous relier…

Merci à Vincent Devos.

Fischbach

Fischbach, c'est le côté sombre de Flora...

Au moment de clôturer cette année 2017, un bilan s'impose : Fishbach est 'la' révélation de ces derniers mois dans l’univers de la chanson française !

De son véritable nom Flora Fischbach, cette chanteuse est originaire de Normandie mais a surtout vécu à Charleville-Mézières. A seulement 26 ans, elle fait déjà l'unanimité auprès de la critique et du public.

Sa musique est étrange et mêle des influences qui oscillent de Rita Mitsuko à Niagara, en passant par Patti Smith, Daniel Balavoine et... Mylène Farmer. Un cocktail étonnant, voire détonnant ! Le premier album de l'artiste, « A Ta Merci », publié par le petit label Entreprise et distribué par Sony Music, révèle une flopée de titres jouissifs, au son très orienté années 80 et traversés par une obsession : la mort. Fishbach danse sur les tombes...

Après avoir accordé deux concerts à Bruxelles (au Nuits Botanique et au BSF) et trois en Wallonie (Namur, Liège et Arlon), Fishbach se produisait il y a peu à La Louvière, dans un théâtre communal fraîchement rénové. Nous avons pu rencontrer l'artiste dans les loges, avant le concert... 

Penchons nous, tout d'abord, sur l'influence exercée par la musique des années 80. D’où vient-elle ? De tes parents ?

Fishbach : Je crois que c'est surtout l'influence involontaire de la radio. Je suis née au début des années 90 et on y diffusait pas mal de musique des eighties, parce que ce style était encore assez récent. Mes parents n'écoutaient pas un artiste en particulier mais j'ai dû baigner là-dedans. Il y avait aussi les jeux vidéo et les génériques à la télévision, comme 'Les Mystérieuses Cités d'Or'. Ou 'L'inspecteur Gadget', par exemple. C'est un peu comme une madeleine de Proust pour moi, à cause des accords un peu funky, des synthés et de la production audacieuse. Quand j’ai commencé à créer de la musique à l’aide de mon ordinateur, ma tablette ou en me servant des synthés, elle parlait à mon coeur. Et lorsque je compose, ces sonorités résonnent et me font vibrer. Je n'ai pas cherché à singer quoi que ce soit, à m'inspirer des années 80 ou d'un artiste en particulier.

Si on devait citer quelques noms de cette époque-là, qui mentionnerais-tu ?

Là, en ce moment, j'écoute de tout, Toto Coelo, Queen –je suis une grande fan de Freddie Mercury–, les Sparks, Vladimir Cosma, ce genre de trucs. J'aime les musiques aventureuses en général et je crois qu’à cette époque, il y avait une audace, une recherche. Je n'essaie pas de la copier mais j'aime bien bidouiller des sons et créer des atmosphères très denses, voire même parfois 'too much'...

Lors d’une interview, tu avais cité Kas Product. Là, on baigne en plein dans la musique 'new-wave' ou 'wave'...

Oui, c'est un duo issu de Nancy...

Je crois d'ailleurs qu'il existe encore : il est de retour depuis 2005.

C'est vrai : je l’ai vu en concert, il y a quelques années. Au début, je partageais également un duo, en compagnie d’un ami...

Oui, un projet au nom bizarre : Most Agadn’t ?

Exact ! Un nom impossible à prononcer et à retenir (rires). C'était très audacieux aussi comme musique, un peu synthé-punk-metal. Mais je me sentais proche de Kas Product aussi parce que les musiciens sont issus de l'est de la France. Je suis originaire de Charleville-Mézières. On partage une vision commune, assez froide, revendicatrice, pas nécessairement sous un angle politique, mais plutôt dans les sentiments. Quelque chose de dur...

Un côté un peu 'punk', d'une certaine façon ?

Clairement. Je ne me suis jamais excusée d'être à ma place, sur scène, derrière un micro. Avoir la liberté de pouvoir interpréter des chansons, pour soi d'abord, se libérer de plein d'histoires ou s'amuser, et puis après, les proposer en live et les partager, c’est génial...

Te souviens-tu de ton premier flash musical quand tu étais jeune ?

La première chanson dont je me rappelle, je la cite souvent, c'est « Il est libre, Max » d'Hervé Christiani. Le souvenir du lieu et du moment est précis. Certaines comptines pour enfants sont gravées en mon for intérieur depuis ma tendre enfance. Elles appartiennent à mon ADN. J'aime beaucoup les mélodies faciles à retenir, qui s'accrochent et finissent par faire partie de toi.

Et au moment où tu composes, y penses-tu ? Ou plus exactement, voudrais-tu, peut-être, que tes chansons ressemblent à des comptines, faciles à retenir ? Ou alors est-ce carrément un jaillissement, un phénomène d'incontrôlé...

J'y pense sans y penser. Cette nostalgie se réfère à des odeurs, des bruits, des sons, qui évoquent un sentiment confortable, peut-être. De rassurant. Ou alors, au contraire, de dramatique, de tragique… Le choix des sons s’opère à ce moment-là et je me laisse emporter par ce qui me traverse...

En général, tu travailles sur ordinateur ?

Oui, c'est l'outil parfait. Je peux, toute seule, réaliser des productions globales de mes chansons, et y ajouter des arrangements. Créer des maquettes dont la couleur est déjà bien définie. C'est ce qui m'amuse. En me limitant à la guitare et ma voix, je ne pourrais pas aller au bout de ce que j'ai dans la tête. Je ne suis pas une très bonne musicienne, mais plutôt quelqu'un qui perçoit la chanson dans son ensemble...

L'habillage est-il très important pour toi ? Est-il destiné à la création d'atmosphères ?

C'est même plus qu'un habillage, c'est carrément tout un décor qui se pose grâce aux arrangements et aux choix précis et particuliers, même s'ils sont parfois discutables. En tout cas, cette exploration, au-delà de la pure composition des mélodies, m’amuse...

Des musiciens de ta génération m’ont avoué, lors d'interviews, que c’est utilisant les plug-ins et les banques de sons des ordis qu’ils ont découvert, par hasard, les sons des années 80, comme les synthés Roland Jupiter, etc. ; et simplement ils leur ont plu. Bref, ce n’était pas pour plagier une époque ou un artiste bien précis.

Tout à fait d’accord ! Evidemment il doit exister une trace dans l'inconscient, là où on garde nos souvenirs d'enfance. Mais en même temps, c'est dangereux, parce que l'ordinateur, c'est l'infini, l'éternité. La musique est immatérielle. Ce sont des ondes. Mais en se servant de l’ordinateur, elle devient encore plus immatérielle, comme un nuage sans fin...

Disposer de ce nombre infini d’alternatives doit être parfois paralysant, non ?

Non, parce que les filtres te correspondent et tu construis un univers qui te rassure, des bases...

Te limites-tu, par exemple, à certains sons, à certains plug-ins ou bien t'autorises tu à partir dans toutes les directions ? Parce qu'il existe quand même une cohérence dans ta musique, un son...

Ah oui, bien sûr ! Au départ, je me limite à certains sons. Je dispose d’un panel que j'utilise chaque fois de manière un peu différente. Et puis, en parallèle, quand mon objectif est précis, j’entreprends des recherches. Je m'autorise à m’égarer et d'ailleurs il faut se perdre un peu. Et de manière fortuite, tu peux tomber sur des trucs que tu n'aurais pas imaginés au départ.

Il me semble que l’autre face de ta personnalité musicale, c'est ce côté 'dark', un peu obscur, sombre, voire mystique. Donc, même question : comment cette sensibilité est-elle apparue dans tes créations ?

Je crois qu'on a tous une part d'ombre en nous et cette ombre peut se faufiler à travers la musique. C'est un exutoire aussi, comme le sport. Composer des chansons est thérapeutique. Ce n'est pas plus compliqué que ça. On a tous nos soucis, nos drames et nos rêves... J'ai remarqué, par exemple, que ceux qui font du 'metal', une musique brutale et pleine de testostérone, sont en fait, dans la vie, extrêmement doux, bienveillants, galants, alors que ceux qui font de la pop gentille, endurent plein d'histoires à la Dallas ou rencontrent des problèmes avec leurs maisons de disque. Bref, ils accumulent les problèmes. David Lynch disait que son art, qui est assez 'deviant', assez 'chelou', lui permettait précisément d'être quelqu'un d'assez équilibré dans la vie réelle, justement parce qu'il déversait tout dans son art, que ce soit le cinéma, la musique, la photographie, etc. Perso, je déverse aussi dans mon art tout ce qui est sombre en moi. Fishbach, c'est le côté sombre de Flora.

Les aspects sombres que tu déverses, ils t’attirent également, non ?  

Mais bien, sûr, le côté obscur de la Force ! (rires) Non, je crois que cette vision se limite à ce que je viens de t'expliquer. Dans mon cas, ce n'est pas plus compliqué que ça.

Et si on parlait de tes projets ?

Là, c'est la fin de la tournée qui a traversé la France, la Belgique et la Suisse.

C'est la première fois que tu te produis dans cette région-ci ? (NDR : La Louvière)

Je suis déjà venue en Belgique à plusieurs reprises. Au Botanique et dans le cadre du BSF à Bruxelles, puis à Namur, Liège et aussi Arlon, dans une église...

Ah, dans une église ? J'ai raté l’événement !

J'aime beaucoup jouer dans les églises. Et plus, à Arlon, le prêtre nous a accueilli très chaleureusement, le son ainsi que les lumières étaient très chouettes et le public belge est très cool… Un très beau moment !

Mais donc, c'est la première fois que tu te produis dans cette partie de la Belgique. D'ailleurs, tu racontes dans tes interviews que, quand tu habitais près de la frontière, tu aimais bien sortir dans les boîtes en Belgique. On peut savoir où ?

Je ne m'en souviens plus vraiment. J'étais très jeune ! (rires) On allait parfois jusqu'à Anvers.

Pour terminer, pourrais-tu partager un coup de coeur avec nous ? Un groupe ou un artiste, actuel, que tu aimes vraiment ?

Un groupe français a développé un univers un peu fou. J’ai vu cette formation aux Transmusicales mais je la connaissais déjà auparavant. Elle s'appelle Le Groupe Obscur... Voilà, tu souhaitais un truc 'dark'... (rires) Les musiciens sont très jeunes. Ils sont issus de Rennes, portent des costumes complètement dingues et leur musique, c’est un peu du Kate Bush à la française...

Ouh là ! Très intéressant !

Leur univers est très années 80, très lyrique. Il y a des guitares et des batteries. Ils ont même inventé une langue qu’ils ont baptisé l'obscurien. Je te conseille leur titre « L'Oiseau de Feu ». Il faut les écouter, aller les voir en concert et les encourager parce que leur projet est très prometteur...

Merci, Flora !

Merci à toi !

Remerciements: Flora, ‘C'est Central – La Louvière’, Les Disques Entreprise, Sony Music Belgium, Valérie Dumont, Patrizia Merche et Laetitia Van Hove.

L'interview audio de Fishbach sera diffusée dans le cadre de l'émission WAVES. A suivre via Facebook ou Mixcloud.

Photo : Phil Blackmarquis

Machine Head

Il n’est pas rare que la démo soit meilleure que la version finale…

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2017 arrive presque à son terme que l’année suivante se profile déjà. Et elle sera importante. Mais également intéressante. Métalliquement parlant. Et pour cause, Machine Head s’apprête, le 26 janvier prochain, à publier son neuvième opus studio, « Catharsis ». A quoi dès lors s’attendre ? Que nous a réservé la bande à Robb Flynn ? Afin de tenter d’y voir plus clair, rien de tel que de s’informer auprès du Général en personne. Comme d’habitude, ce fort en gueule ne va pas mettre de filtre.

En tournée dans toute l’Europe, afin de tailler le bout de gras auprès de la presse, Robb Flynn a largué ses amarres en Belgique, le temps d’une journée, dans une chambre du prestigieux hôtel bruxellois Radisson Blu. Son homme de confiance m’ouvre la porte et m’invite à m’asseoir. Robb apparaît dans la pièce, prend place dans un canapé à mes côtés, et entame un copieux hamburger posé devant lui. ‘Ne t’inquiète pas, je mange vite’ me confie-t-il en continuant à fixer son pain double étage. Il finit par déposer son plateau à l’arrière de la chambre et se frotte la bouche d’un revers de la main. L’entrevue peut commencer.

Les premiers mots que tu prononces sur ce nouvel elpee, ‘Fuck the World’, reflètent-ils l’état d’esprit dans lequel tu étais plongé lorsque « Catharsis » a été composé ?

Robb Flynn : (il rigole) Je ne sais pas s’ils reflètent l’état d’esprit dans lequel j’étais tout au long des sessions d’enregistrement, mais bien lors du morceau d’ouverture ! Cette chanson a été en effet écrite et enregistrée le jour de ces atrocités commises à Charlottesville (NDR : le samedi 12 août), cette fameuse date marquée par ces fêlés de la suprématie blanche. Je me souviens… je me suis senti vraiment bizarre en regardant les événements relatés à la TV. C’était juste dingue : voir cette voiture débouler dans la foule et tuer cette fille… Horrible ! Je pense que j’ai écrit ce morceau dans les vingt minutes qui ont suivi le drame. Il s’agit donc là d’une interprétation très brutale et à chaud de mon ressenti par rapport à ce qui s’est produit. Tout ce que j’ai pu y éprouver s’y retrouve.

Le titre de l’album m’interpelle : doit-on y voir ta propre catharsis via ce nouvel LP ou une forme de catharsis offerte à celles et ceux qui vous écouteront ?

Je pense qu’il s’agit un peu des deux… En ce qui me concerne, cet album –mais la musique en général– est très cathartique pour moi. J’avais seize ans quand j’ai commencé à assister aux concerts de Thrash Metal… Je me souviens encore de ce jour où j’ai vu Metallica en ouverture de Raven, devant 250 personnes. C’était mon moment Beatles à moi ! A partir de ce jour-là, j’ai empoigné une guitare et j’ai tout de suite pris conscience que la musique pouvait revêtir ce pouvoir cathartique. C’est ce que j’évoque notamment au cours d’un des morceaux : ‘la seule chose qui me maintienne sain d’esprit / la musique dans mes veines /et si ces mots sont mes poings / peux-tu ressentir ma catharsis ?’ En prenant un peu de recul, je pense qu’il s’agit vraiment d’un album très éclectique : il est d’un côté très sérieux par son approche critique, humaine et politique de la société. Mais d’un autre côté, c’est aussi un appel à la fête. ‘Fuck the World !’ On y passe souvent de la dépression à la joie, en retrouvant tout un panel d’émotions entre les deux. La catharsis est un nettoyage, elle permet de faire table rase de beaucoup de choses. C’est exactement ce qui se produit dans cet album.

C’est également votre opus le plus long : quinze morceaux pour un peu plus d’une heure et quart !

En effet ! Quinze morceaux, c’est quasi le Seigneur des Anneaux (il rigole) ! Pas mal de monde m’a demandé pourquoi je m’entêtais à réaliser des disques aussi longs alors qu’aujourd’hui, on était davantage dans l’ère du single… ?  C’est vrai, il n’y a peut-être que trois morceaux qui en ressortiront vraiment et la plupart des gens ignoreront probablement le reste. Et tu sais quoi ? Ce n’est absolument pas un problème et c’est ainsi ! Je ne vais de toute façon pas changer la façon dont les gens consomment aujourd’hui la musique… C’est notre neuvième LP, j’ai cinquante balais et je le fais comme je le sens. D’ailleurs, je le considère un peu comme un film : une collection de quinze morceaux interconnectés entre eux, qui deviennent une œuvre d’art quand tu prends la peine de l’appréhender dans sa globalité. Tu préfères n’écouter qu’une partie ? Comme tu le sens ! Mais si tu veux gratter un peu plus, comprendre le contenu plus en détail, écoute alors l’ensemble et tu verras…

J’ai aussi l’impression que plus les années passent, moins tu te soucies de ce qu’on peut penser de ton groupe et/ou de toi. Un constat qu’on retrouve dans ce choix audacieux pour votre prochaine tournée, réservant uniquement des dates ‘an evening with…’ Peux-tu nous éclairer un peu plus à ce sujet ?

L’idée remonte à 2012, une année au cours de laquelle on s’est produit dans presque tous les festivals de la terre (il rigole). Et… ça m’a vraiment fait chier. Je n’ai pas du tout aimé. Absolument aucune connexion entre le groupe et l’auditoire. Une vraie perte de temps. Ce n’était ni productif, ni bénéfique, autant pour nous que pour nos fans. On s’est mis alors autour d’une table, on en a discuté et on en a conclu qu’on fonctionnait ainsi depuis vingt-cinq ans, mais que ce n’était pas pour autant la panacée. A-t-on vendu plus de disques ? Non ! A-t-on touché davantage de monde ? Non, au contraire, on était de moins en moins en contact avec notre public ! On a donc pris une décision, celle de mettre un terme aux festivals et de laisser la place aux ‘evening with’ où on jouera entre 2h30 et 3h par soir. Point ! Je suis conscient que cette résolution peut paraître un peu insensée à premier abord, parce qu’on rencontre un certain succès… mais c’est comme ça ! Et oui, on gagnera en effet moins d’argent, parce que les festivals paient les plus gros cachets. Mais tu sais quoi ? Ces ‘evenings with’ sont vraiment plus gratifiantes car on y ressent un lien super fort avec notre audience. Et puis, c’est aussi une manière de remotiver nos fans ! Vous voulez assister à un set de Machine Head ? Rien ne sert de vous rendre dans tel ou tel festival où on ne jouera quand même que quarante-cinq minutes. Mais venez par contre nous voir en salle et vous ne serez pas déçu·e·s ! C’est un peu comme Bruce Springsteen, il n’y pas tout le temps cinq groupes qui ouvrent pour lui. C’est Bruce Springsteen, point ! Comme pour AC/DC ou les Foo Fighters ! Il existe une ancienne tradition dans l’univers du métal qui consiste à proposer des packages de groupes par tournée ou encore des affiches sur lesquelles figurent des dizaines de formations… C’est peut-être bien pour certains bands, mais plus pour nous.

Mais ces premières parties, n’est-ce pas une opportunité accordée à de plus petits combos de se faire connaître ?

(il sourit en coin) … allez, soyons honnêtes, la foule ne se déplace jamais pour les petits groupes, mais bien pour les têtes d’affiche ! Et tu sais, je n’ai rien contre les promoteurs de festival… c’est juste que pour nous, ce système ne fonctionne plus. Mais je pense qu’il demeure, par contre, très intéressant pour de plus petites formations, où elles gagnent là à être connues.

Lors d’une précédente interview accordée au magazine anglais Metal Hammer, en novembre 2014, le journaliste affirmait que Machine Head était finalement et uniquement le groupe de Robb Flynn. Partages-tu son point de vue ?

(il sourit et s’enfonce dans son fauteuil)… je sais que ma réponse peut paraître arrogante, mais oui, c’est le cas. C’est mon groupe. J’ai trouvé le nom. J’en ai dessiné le logo et je suis le seul qui fasse partie du line up originel… Donc, ouais, c’est le mien ! Et je n’ai pas honte d’en être fier ! Il y a vingt-cinq ans que je me casse aussi le cul pour ça. Mais bon… Dave (NDR : McClain, le batteur) milite au sein du line up depuis maintenant 22 ans. Phil (NDR : Demmel, le guitariste), depuis 14 ans. Il y a un bail que ces gars et moi jouons de la musique… et c’est très important pour nous de former un véritable collectif, dans le sens où on bosse tous ensemble. Tu sais, Machine Head, c’est un peu comme une bagnole : je l’ai achetée moi-même mais on a mis ensemble de nouveaux pneus et on a refait la peinture. Mais au final, c’est vrai qu’il n’y a qu’un volant et que je suis le gars qui est derrière.

En 2007, Machine Head publiait « The Blackening » et rencontre alors son plus gros succès à ce jour. Penses-tu avoir atteint ton ‘golden age’, il y a maintenant dix ans ?

Je ne pense pas avoir atteint un quelconque ‘golden age’, du moins je ne pense pas en ces termes là… C’est sûr que grâce à ce disque, on a vécu des moments de dingue. C’était un peu comme sur des montages russes, notre parcours partait dans tous les sens et à une vitesse folle. Mais je reste quelqu’un de frustré, j’ai et j’aurai toujours quelque chose à dire. Je veux donc toujours aller plus loin. D’autant plus que dans l’univers du Metal, je ne me sens pas toujours respecté. Et je voudrais changer la donne ! On n’est jamais nominé pour des ‘Grammy Awards’, par exemple ! Aucune section n’est consacrée au Metal ! On est à des années lumières de recevoir une invitation pour ce genre de cérémonie. Et pourquoi ? On écrit pourtant des chansons. On joue sur nos propres instruments. On n’arrête pas de se produire en concert. Etc. Notre style musical est moins bien que les autres ? Je pense que comme musicien qui pratique du Metal, il est nécessaire de changer son fusil d’épaule et tout faire pour toucher davantage de monde, en intéresser de plus en plus et ne pas sans cesse rester cachés dans l’underground.

… tu n’appartiens donc pas à cette catégorie d’artistes qui voient le streaming musical d’un mauvais œil ?

Alors là pas du tout, j’adore ça ! Le streaming a changé ma façon d’écouter et d’apprécier la musique ! Je passe ma vie à parcourir le monde, je ne vais quand même pas sans cesse me balader avec une valise pleine de cd ! Même mon ordinateur portable n’a plus d’entrée pour les cd, c’est dire… Tout est à présent dans mon téléphone et je dois avouer que je suis devenu un accro à Spotify. Toute l’histoire de la musique est ainsi à portée de main. Tu aimes les Misfits ? Tape le nom du groupe et tu tomberas sur 20 singles différents, des faces B, des morceaux rares, des titres live, etc. Putain, mais c’est génial quand même ! Je n’ai plus aucune utilité de me rendre au disquaire du coin, qui n’aura de toute façon pas ce que je cherche… Grâce au streaming, tu peux aussi voir ce que les gens aiment actuellement, les morceaux les plus écoutés, etc. Il faut s’y faire : on est devenu une société à la demande. Tu en connais encore beaucoup toi des gars qui vont louer des DVD ? (rires).

Revenons à votre nouvel album : lors du processus d’écriture, penses-tu déjà à l’impact que pourrait provoquer un morceau lors de son interprétation en live ? Je pense notamment à « Kaleidoscope », qui semble être taillé pour la scène !

... bonne question. Je n’en ai vraiment aucune idée. Tu sais j’écris et j’enregistre les chansons comme elles me viennent et je ne pense pas vraiment à sa transposition sur les planches. Mais c’est marrant que tu évoques ce titre car la façon dont on l’a enregistré, et tout l’album d’ailleurs, était vraiment neuf pour nous. Comme d’habitude, on a répété près du studio d’enregistrement, là où on avait notamment mis en boîte « The Blackening ». Mais dès qu’on disposait de trois pistes, on filait au studio, on les enregistrait en une prise ou deux et puis on ressortait tout aussi vite. Pas question pour la circonstance de rester enfermés des semaines entières afin d’arranger telle ou telle partie de chanson pour qu’elle sonne idéalement. En se servant de ce système, on avait à peine joué les riffs quelques fois qu’ils étaient déjà dans la boite ! Ce qui insuffle aux compos une incroyable énergie. On ne les a pas répétés cent fois avant, on fonce et on y va ! Tu sais, particulièrement dans le Metal, il n’est pas rare –voire même fréquent– que la démo soit meilleure que la version finale, car elle conserve précisément cette énergie et cette spontanéité ! Et justement, pour « Kaleidoscope », c’était la toute première fois qu’on l’interprétait en entier, notamment au niveau des paroles. Je tenais ma feuille sur laquelle figurait les lyrics en main pendant que je les chantais et c’était à peine si je savais suivre ! Et rien à faire, ce côté spontané, on le ressent ! On a essayé ensuite de la réenregistrer mais les prises suivantes n’ont rien donné du tout. On perdait alors cette tension où tout pouvait déraper. Après… c’est toujours facile de tout lisser en se servant de logiciels tels que Cubase ou ProTools. J’adore pourtant ces logiciels, mais la perfection n’entre pas dans l’esprit du Metal. On a donc ici expressément voulu laisser quelques imperfections sur cet album.

… et puis,  le Metal n’a de toute façon jamais été quelque chose de parfait !

Tout à fait ! Et justement, c’est ce qui est génial : c’est un beau bordel. Mais il n’empêche pas notre nouvel essai de bénéficier d’une grosse production. On voulait qu’il soit imposant et épique. Et aussi cinématique ! C’est un film !

Peux-tu finalement réserver quelques mots l’artwork de Catharsis ?

Une fois qu’on est tous tombé d’accord sur le nom de l’album, on a imaginé différentes manières pour l’illustrer. Il s’agit d’un concept qui n’est pas si évident à mettre en images… Après quelques recherches sur Internet, j’ai découvert une photo représentant un corps recroquevillé en sang et entouré de roses. L’idée me semblait simplement géniale ! Je l’ai donc transmise aux autres membres du band. Ils ont tout de suite aimé ! J’ai demandé au gars qui avait réalisé cette photo, s’il pouvait nous en recréer une dans le même style. Mais… il m’a répondu que si je l’aimais, je pouvais la prendre et m’en servir ! On a donc ensuite réalisé avec lui un shooting dans le même esprit, afin de compléter l’artwork. On a envoyé le tout à Nuclear Blast et les responsables du label nous ont informé qu’ils allaient imprimer un livret de 24 pages ! Ce booklet me tient à cœur. Quand on l’ouvre, on ne tombe pas simplement sur les paroles. Ce n’était d’ailleurs pas mon souhait. Je veux qu’elles soient immergées dans notre monde et qu’on la fasse voyager !

Interview réalisée le 25 octobre à Bruxelles.

Merci à Jaap (Nuclear Blast) !

RIVE

Complices dans la musique comme dans la vie…

Écrit par

Treize années déjà que le Centre culturel de Soignies organise son ‘Août en éclat’. Gratuit et pluridisciplinaire, ce sympathique festival se déroule dans le centre historique de la ville.
Un évènement qui fédère à lui seul une vingtaine de spectacles. Outre ceux consacrés à la musique, il accueille un village des enfants, un marché du monde et des saveurs ainsi que des animations de rue.
Votre serviteur se dirige tout droit vers les loges de Rive, binôme électro pop sexué, découvert en novembre 2016 à Frasnes-lez-Anvaing dans les locaux de la Cense de Rigaux, un ancien corps de ferme gracieusement réhabilité, avec goût et raffinement…
Un véritable coup de cœur !
Formé en 2015, le tandem s’est rapidement illustré en décrochant des prix au dernier Franc’Off de Spa ainsi qu’au Bota, dans le cadre du concours ‘Du F. dans le texte’…
Plutôt populaire dans le plat pays, le tandem vient tout juste d’achever une prestation dans le cadre du festival ‘Les Solidarités’, à Namur… Il reste très en verve malgré une fatigue légitime…

Vous avez l’un et l’autre évolué au sein de projets plutôt rock. On pense notamment à ‘Juke Boxes et Arthur’. Aujourd’hui, vous formez un binôme éléctro pop en proposant des textes dans la langue de Molière. C’est un sacré changement, non ?

J. : Notre projet a pris forme, fin 2015. Nous écoutions pas mal d’électro auparavant comme celle proposée par Moderat ou Breton. Virer vers ce style musical s’est opéré assez naturellement. Quant aux textes, ils sont dans notre langue maternelle, parce qu’elle est agréable autant à parler qu’à écouter. Elle offre une palette de nuances tant dans le sens, que dans l’interprétation. Je pense que c’était un bon choix. Nous n’en retirons que du positif !

Si cet idiome permet d’insuffler davantage de subtilités dans le texte et le chant, il est plus difficilement exportable que l’anglais… Est-ce une manière de privilégier l’artistique au détriment du marketing ?

J. : Je partage ton avis ! Le français permet effectivement de faire passer davantage de subtilités. Chanter dans la langue de Voltaire nous a probablement ouvert plus d’opportunités. Nous avons ainsi joué en Suisse. Les gens ont accroché assez vite au concept. C’est très agréable. Je suis à chaque fois surprise d’un tel engouement ! Nous devrions décrocher quelques dates au Québec. En France également. Il n’y a aucune préméditation de notre part. Nous avons mené à bras le corps ce projet, sans penser une seule seconde à l’aspect stratégique ou marketing. Ne perdons pas de vue que le français s’exporte aussi. Tu sais, nous ne sommes pas les seuls à avoir fait ce choix. J’ai même l’impression que, depuis quelque temps, une nouvelle scène francophone prend progressivement forme. La Femme, en est un bel exemple. Je suppose que la formation parvient à tourner dans des pays non francophones…
K. : Personnellement, je m’en fous complètement. J’ai la chance de pouvoir faire de la musique que j’aime. Le reste n’a pas d’importance…

Lorsqu’on choisit de chanter en français, il est souvent aussi difficile de trouver un compromis dans la manière de poser les sons, la musicalité et les textes. Or, à l’écoute de votre Ep, l’équilibre est atteint. La patte de Rémy Lebbos ? Comment cette collaboration est-elle née ?

J. : Nous avons coopéré sur d’autres projets auparavant. Nous avions apprécié sa vision du travail. Nous lui avons apporté nos arrangements et lui est parvenu à magnifier le tout intelligemment. Que demander de plus ? Il est très précis et rigoureux dans son approche. Il comprend très vite le niveau d’exigence des artistes. C’est aussi un personnage haut en couleur, humainement. Nous sommes vraiment satisfaits du produit fini. Et pourquoi pas une nouvelle collaboration dans le futur ?

Il y a quelques années, Kévin, tu t’es rendu en Angleterre pour y monter un projet. On ressent dans la musicalité de Rive des relents anglo-saxons. Est-ce que ce voyage a façonné la façon dont tu conçois la musique ? Cette filiation s’est-elle dessinée naturellement ?

K : J’ai découvert la chanson française pratiquement à la naissance de Rive. J’en écoutais très peu. J’ai baigné dans la culture anglo-saxonne grâce à cette sonorité particulière et l’émotion qu’elle véhicule à travers l’instrumentation. Si tu écoutes attentivement nos compositions, tu te rendras compte de la dualité permanente entre la puissance de l’électro et la douceur des mélodies. Les textes ont du sens et recèlent ci et là quelques jolies métaphores. Juliette a énormément de talent !
J. : Les textes poétiques et ouverts étaient notre leitmotiv. J’ai par contre remarqué qu’ils pouvaient connaître parfois un double sens, ce qui n’était absolument pas prémédité. Par exemple, « Nuit » parle de toutes celles qui ont mené des combats féministes dans les années 70 afin de se réapproprier la sphère publique. Pour moi, le message est très clair. J’en ai parlé il n’y a pas très longtemps dans une interview. Des amis l’ont écoutée et m’ont avoué n’en avoir pas saisi le message. Mais, tant mieux ! Au final, chacun crée sa propre histoire.

Les événements se sont précipités pour vous. Rive est né en 2015. Vous remportez douze prix au dernier Concours ‘Du F. dans le texte’ en mars 2016. Un premier Ep est salué par la critique. Est-il plus stimulant d’avancer dans un projet en réalisant des objectifs à court terme ?

K. : Participer à ce concours a été le détonateur de notre carrière. Nous venions de réaliser un titre en studio. Nous l’avons envoyé et avons été sélectionné à notre grande surprise. Même si nous en rêvions, nous ne nous y attendions pas. Nous nous sommes retrouvés au pied du mur en quelque sorte. Nous n’avions d’autres choix que d’avancer. Et pour y parvenir, il fallait bosser dur. Les efforts ont payé ! Nous avons gagné les demi-finales et ensuite la finale. Nous avons raflé douze prix au total, ce qui n’est pas mal quand même. Nous étions assez fiers de nous. Ce succès inespéré nous a encouragés à poursuivre encore et toujours dans cette voie. Ce concours nous a permis aussi de rencontrer du beau monde avec lequel nous travaillons et de te parler, par exemple, aujourd’hui. Cette aventure est merveilleuse…
J. : Aujourd’hui, la dynamique de travail que nous nous sommes fixée nous permet d’anticiper. Nos échéances restent sur le court et le moyen terme. Pas le long terme, car le monde de la musique est tellement instable qu’il est difficile de s’y projeter dans le futur. On essaie d’avoir un maximum d’actualités aussi. Ce qui nous permet au moins de rester positif par rapport à ce que l’on fait et de continuer à travailler le plus fidèlement possible !

Vous venez de m’expliquer que participer à un concours, comme celui ‘Du F. dans le texte’, sous-entend un investissement personnel important : l’enregistrement d’une démo, tenir vingt minutes devant un jury d’experts et trente pour la finale. Aviez-vous une ligne de conduite tracée en terme de dynamique ?

J. : Pour être franc avec toi, nous n’avions que peu de dynamique de travail. On s’intéressait aux sorties d’albums et aux concerts. Nous avons connu des hauts et des bas. C’est le propre de tous les musiciens, je crois. Ce qui est chouette dans ce projet, c’est que nous n’avons pas eu de temps mort jusqu’à présent. A vrai dire, nous avons toujours vécu dans l’urgence. Produire un set de vingt minutes, de vingt-cinq ensuite, de trente et enfin de quarante-cinq. Ici, on sait qu’on doit tenir au-delà d’une heure. Ce n’est pas évident. Il n’y a pas vraiment de latence. Il y a toujours du travail et du coup, on garde toute l’énergie nécessaire… 

Le contraste est étonnant. Juliette incarne le côté ouaté de la formation par la douceur dans le grain de voix, une ligne mélodique sulfureuse et une pointe de mélancolie. Et Kévin, ton drumming est plutôt tribal. Sur scène, la magie opère. Comment vous définiriez-vous l’un par rapport à l’autre ? Complices ou complémentaires ?

J. : Pour moi, il y a les deux sans aucun doute !
K. : Je pense qu’effectivement, il existe de la complicité et de la complémentarité. Ca ne fait aucun doute. Rive est un projet commun ! On compose ensemble, on s’occupe des arrangements, des mélodies, etc. Nous avons chacun un rôle à jouer sans la moindre rivalité. Juliette et moi avons vécu nos chansons en amont au moment de leur confection dans notre home studio. Tu nous as déjà vus en concert, tu as donc remarqué que c’est sur scène qu’elles s’expriment véritablement. Ma batterie me procure un côté instinctif, voire animalier. Lorsque je suis face au public, je vis pleinement les compositions. J’ai parfois l’occasion de voir mes prestations en replay, je le conçois, j’exécute de drôles de gestes. Et alors ? Ca me fait plutôt rire ! Je te rassure, dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un de très calme et posé…
J. : Nous sommes assez complices dans la musique, mais aussi dans la vie. Il y a plus de dix que l’on se connaît. Ici, on vit en colocation, c’est pour te dire… On se voit donc tous les jours. Ca aide ! C’est même plutôt une chance. Nous sommes assez complémentaires aussi. Je m’attache aux mélodies, aux paroles et à l’aspect des chansons. Kévin, lui, se consacre davantage aux arrangements. Il n’y a aucune compétition entre nous. Les tâches sont bien réparties. C’est très agréable de travailler de cette manière…

A votre avis, la mouvance electro pop/dream pop dresse t-elle un pont entre les musiques du passé et une véritable modernité ou alors doit-elle être perçue comme un fossoyeur du rock’n’roll ?

K. : Je ne pense pas qu’il faille voir les choses sous cet angle. C’est l’époque qui veut ça. Aujourd’hui, il y a plus de techniques et de technologies qu’auparavant. Les musiciens aiment expérimenter. Certains de nos titres regorgent d’arrangements, d’autres moins. En tous cas, nous pouvons sans problème les adapter en piano/voix.
J. : Sur les planches, il y a une batterie, une guitare et un piano. Nous restons attachés aux instruments. Nous aimons en jouer, c’est sûr ! Je partage l’avis de Kévin, quand il affirme que tenter de nouvelles expériences peut devenir très vite agréable. A la maison, nous disposons de matériel assez minimaliste qui ne nous coûte pas très cher. Juste un ordinateur et une carte son. Ce qui nous apporte plus d’autonomie. On prend le temps de chercher et de composer à notre rythme. On reste assez libre…

« Vermillon » a été financé par la plateforme de crowdfunding ‘Kiss Kiss Bang Bang’. Est-ce que le financement participatif est devenu une formule inéluctable aujourd’hui ?

J. : Non, ce n’est pas un passage obligé. Chacun finance ses projets comme il le sent. Ce métier est difficile. Des moyens financiers importants sont exigés. Pour ma part, je crois qu’il faut vivre avec son époque. J’estime qu’il faut considérer cette démarche comme une prévente, nous assurant au moins d’écouler quelques albums.
K. : Se produire en duo rend forcément la part contributive de chacun plus importante. Lorsque tu milites au sein d’un quintet par exemple, ce sera de facto plus facile parce que l’investissement par tête de pipe sera moins important mathématiquement. D’où cette idée du crowdfunding.

Sur cette plateforme, le don maximal (850€ ou plus) donnait droit notamment à un concert privé chez le donateur. Avez-vous obtenu le succès escompté ? Dans l’affirmative, combien de concerts ont été accordés sous cette forme ?

J. : Nous n’avons pas eu cette chance (rire). Le projet était encore peu connu. Nous n’avons donc pas eu le succès escompté (rire).

A propos de l’artwork, que représente la symbolique du corps modelé ‘Renaissance’ et le bateau à la place de la tête ?

J. : Il faut appréhender ces éléments sous l’angle du contraste. Le corps de cette femme au buste corseté représente l’enfermement, tandis que le bateau, lui, tend vers l’imaginaire et le rêve. Tu as envie de crier ‘Allons à l’attaque, larguons les amarres’. Une jolie manière d’aborder la vie en quelque sorte…

Le clip de la chanson « Vogue » vous a propulsés auprès du grand public en cumulant plus de 115 000 vues sur Vimeo. Le clip réalisé par Julie Joseph évoque le même contraste que la chanson. Aviez-vous des idées bien définies sur le sujet ou lui avez-vous laissé carte blanche ?

K. :  Julie était notre colocataire. Nous avons vécu ensemble et sommes restés très proches. Nous avons vraiment démarré le projet ensemble. Nous à la musique et elle à la réalisation du clip. C’était une chouette collaboration !

Vous étiez déjà bookés dans certains festivals avant même la sortie de votre premier Ep. Au final, vu la crise que traverse l’industrie musicale, les concerts ne sont-ils pas plus un environnement et le disque un prétexte ?

K. : Les programmateurs avaient écouté les morceaux préalablement. Je pense que le disque est important en tant qu’objet. Nous y avons mis tout notre cœur. Il s’agit donc d’une carte de visite à ne pas négliger. Lorsque nous jouons en live, la dynamique est différente. Les gens qui ne te connaissent pas nécessairement viennent te voir et apprécient ou pas, l’univers musical dans lequel tu tentes de les porter. Je dirais que le disque et les concerts se complètent assez bien. Quitte à choisir, nous préférons quand même la scène…

Vous êtes d’origine française ! La Belgique est souvent perçue de l’extérieur comme un pays surréaliste à bien des égards. Comment percevez-vous cette assertion ?

K. : C’est drôle que tu poses cette question parce que nous en discutions justement tout à l’heure dans la voiture. La Belgique est un pays qui accueille énormément de festivals. Le public est réceptif et sympa en général. Il existe aussi pas mal d’échanges entre les groupes. Nous avons découvert de belles choses depuis que nous y sommes. Je trouve qu’on a beaucoup de chance de vivre et de jouer dans ce pays…

La mode est aux reprises iconoclastes. Il y a quelques minutes, sur scène, vous avez formidablement repris un titre de Léo Ferré. Là maintenant, si vous deviez tenter à nouveau le coup, quelle chanson choisiriez-vous ?

K. : En ce qui me concerne, j’aimerais reprendre un titre de Françoise Hardy. J’adore cette artiste. Juliette l’ose parfois et sa version lui va très bien.
J. : Avant de reprendre un morceau, il faut déterminer ce que l’on peut y apporter. Il faut pouvoir accomplir les tâches étape par étape, sans se précipiter. D’abord l’aimer et ensuite lui apporter une plus-value, sans quoi l’exercice risque d’être inutile…

FùGù Mango

Le travail de composition doit être rapide, sinon, ça ne fonctionne pas…

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Souvenez-vous ! Jean-Yves et Vincent Lontie s’étaient d’abord illustrés au sein de Bikinians. Deux Eps, publiés respectivement en 2008 et 2009 leur procureront d’ailleurs une critique impressionnante dans les pages d’un célèbre magazine français, qui les compare alors à Oasis et Supergrass. Les deux frangins fondent alors Fùgù Mango en 2013. En compagnie d’Anne Hidalgo (basse, percus, synthés) et Frank Baya (drums). Ce dernier a été cependant récemment remplacé par Sam Gysen. Depuis, la formation s’est davantage orientée vers une musique qu’on pourrait qualifier de cocktail subtil entre pop, afro et électro…
C’est dans le cadre de la treizième édition du festival ‘Août en éclat’ que la fratrie est venue défendre l’étrange déclamation d’amour « Alien Love », un arc en ciel brut, riche en émotions. Un entretien qui va s’avérer particulièrement chaleureux et sympathique…

Vous avez fait appel à du beau monde pour collaborer à l’enregistrement de votre premier opus, comme Luuk Cox (Stromae, Girls in Hawaii, Roscoe) et Alex Gopher. Peut-on affirmer aujourd’hui que Fùgù se donne le moyen de ses ambitions ?

V : On a beaucoup tourné pendant trois ans afin d’expérimenter les morceaux. Nous voulions vraiment marquer le coup en réalisant ce premier album. Raison pour laquelle nous nous sommes entourés des collaborateurs les plus pointus dans le domaine. A commencer par Luuk Cox, compositeur, producteur, interprète et multi-instrumentiste hollandais. Il a joué chez Buscemi et a formé Shameboy, en 2004, un projet de musique électronique éclectique. Son expérience nous a été fort utile.
J-Y : Luuk a une bonne connaissance de la musique des vingt voire même des trente dernières années. On en a conclu, que c’était une bonne idée de travailler avec lui. Nous avons enregistré à l’ICP de Bruxelles. C’était une très chouette expérience. Ce studio regorge d’instruments en tout genre : guitares, synthés, percussions classiques et autres. Luuk a l’habitude d’y bosser. Il est donc un peu chez lui (rires). On y a passé douze jours au total. Ensuite, nous nous sommes rendus en Angleterre pour le mix. Là-bas, nous avons reçu le concours d’Ash Workman qui a notamment bossé pour Metronomy, mais également Christine & The Queens. Puis, enfin, le mastering a été opéré à Paris par Alex Gopher, musicien et réalisateur artistique français de musique électronique.
V : Alex ressentait bien la pulse dans laquelle nous souhaitions nous diriger, ce mix de musique acoustique et électronique. Luuk et lui avaient déjà travaillé ensemble auparavant.

« Alien Love » est un titre surprenant pour un elpee. Par quel hasard, l’avez-vous choisi ?

V : C’est également celui d’un morceau de notre album. Sans doute le plus surréaliste. Il raconte l’histoire d’un alien qui débarque sur terre afin de suivre des cours dans le domaine de l’amour et le sexe. Au départ, il s’agit d’un délire que nous partagions auprès d’Anne (NDR : Hidalgo)…
J-Y : On estimait que la compo reflétait parfaitement le climat du disque. Ce choix nous paraissait assez évident. Ce qui me plaît dans cette chanson, c’est le mélange des genres : il y a de l’électro, beaucoup de percussions, des nappes de synthé, des claviers et des guitares. Elle est assez complète dans la sonorité. En outre, les voix de Vince et d’Anne se complètent à merveille.

Lors d’une interview, vous avez déclaré que vous étiez fans des accidents musicaux. Le départ de votre batteur attitré (Frank Baya) vous a amené à utiliser des percussions électroniques et à programmer certaines mélodies sur des machines, ce qui réduit la flexibilité au profit de la rigueur. S’agit-il d’une remise en question ou tous simplement de maturité nouvellement acquise, dans le processus musical ?

V : C’est une excellente question ! Lorsque nous avons réalisé cet LP, nous nous sommes fortement remis en question. FM devait évoluer ! Pas mal de sons samplés sont davantage disponibles aujourd’hui sur le net, ce qui élargit grandement notre champ d’action. C’est un travail de recherche qui nous a quand même pris entre six mois et un an. Le temps nécessaire pour dénicher ce qui nous plaisait vraiment. Tu parlais de maturité. Oui, je confirme ! Il en faut dans la composition et dans la maîtrise de celle-ci. Lorsque tu bosses en production, face à un ordinateur, tu es dans le ressenti. Mais quand tu crées une chanson, tu dois puiser dans ton expérience pour définir des directions ou des grooves. Certains morceaux ont bénéficié du concours de batteries électroniques. L’ICP regorge de petits bijoux technologiques. Les fûts traditionnels n’ont pas été oubliés pour autant. Au final, le rendu procure un produit assez riche et complexe…

Ces machines apportent une coloration très 80’s. Et parfois, difficile de ne pas penser à Fleetwood Mac. Une filiation que vous revendiquez ?  

V : Oui, effectivement ! C’est ce que Luuk nous a avoué de suite, au studio ICP, lorsqu’il a entendu les maquettes. Il était très content que nous l’ayons choisi parce qu’il apprécie beaucoup notre univers. Comme je te l’ai déclaré tantôt, c’est quelqu’un de pointu dans le milieu. Il nous a permis de partager son vécu en nous communiquant de belles références d’albums, et notamment « Rumours ». Personnellement, « Tango In The Night » m’a particulièrement marquée ; les sonorités de cette chanson sont géniales. Il nous a aussi conseillé d’écouter « So » de Peter Gabriel. J’ai découvert une sphère musicale qui m’était jusque là inconnue…

Si je puis me permettre, n’était-ce pas justement le jeu de Frank qui incarnait l’âme de Fùgù Mango ?

V : Frank a apporté beaucoup au groupe, c’est vrai. Au départ, c’est moi qui ai mis en place le set up de drums. Mais lorsque je les crée, les patterns ne sont pas vraiment adaptés pour les batteurs. Raison pour laquelle celui qui assure la rythmique sur FM doit faire preuve d’une grande souplesse parce que l’exercice n’est pas des plus traditionnels. Les beats sont désarticulés, si tu veux. Néanmoins, notre projet reste très ouvert et ludique. Celui qui se démerde un peu sur cet instrument pourrait facilement donner sa touche personnelle. Je ne pense pas que le gars aurait énormément de difficultés. En session live, Sam Gysen, notre batteur, a su faire preuve de tact et d’intelligence afin de conserver ce fil rouge particulier et unique.

En parlant de Sam Gysen, qui a notamment bossé pour Arno et Arsenal, comment l’avez-vous rencontré ? Est-ce que la passation de flambeau s’est déroulée sans heurts ?

V : Nous avons gardé des contacts avec Frank Baya. On ne s’est pas brouillés ! Il remplace d’ailleurs Sam dans son groupe de musiciens africains. La rencontre n’a rien de spectaculaire puisque c’est par l’entremise de notre ingé son que nous l’avons croisé. Ils sont tous deux originaires de Gand. Et le contact a été immédiatement excellent. Il était emballé par le projet. Mais outre Fùgù, il en mène d’autres. C’est un résident régulier du ‘Charlatan’, un bar à Gand. Il y mixe plus d’une fois par mois. Il est particulièrement connu en Flandre. Il aime faire danser les gens en live !

Généralement, on décide d’aller voir un groupe sur scène, après avoir écouté son disque. Le vôtre déclenche un processus contraire. De quoi être persuadé que celles et ceux qui vont l’acheter ou l’ont déjà acheté, ont d’abord assisté à un de vos concerts…

V : L’album est un aperçu de ce qu’on est. Les live sont plus vivants et énergiques. Explosifs même ! En enregistrant « Alien love », notre premier objectif était de combiner la pop des eighties à une certaine modernité. Je crois que c’est plutôt réussi ! Nous sommes assez fiers du produit fini. Il est agréable à écouter et dégage une énergie hors du commun…

Le début d’une longue série alors ?

V : Nous nous sommes remis à composer. Notre optique est la même : essayer de transmettre cette énergie d’ensemble.

Mais cet opus est-il suffisamment taillé pour le live ?

V : Il a été d’abord pensé pour le studio. Nous avons composé et enregistré dans notre home studio. La principale difficulté a donc été de l’adapter à la scène…
J-Y : Auparavant, nous travaillions de manière différente. Au début, les idées émergeaient essentiellement de jams ou de morceaux rôdés en live. Pour cet album on a été davantage dans un travail de réflexion.

Une bonne musique naîtrait de la complicité entre ses musiciens. Vous confirmez ?

V : Jean-Yves et moi, nous sommes frères. Tu dois donc te douter que ce n’est pas facile tous les jours (rires). Je pense qu’il est important de créer, d’étonner les autres, de faire plaisir et d’animer, c’est la base d’une bonne dynamique de groupe. FM est très familial. On se connaît depuis pas mal de temps, ce qui rend le déroulement des opérations encore plus intenses. Tu sais, on n’a pas forcément besoin de se parler pour se comprendre. Il serait vraiment dommage que cette connexion nous échappe un jour. Mais, pour l’instant, on avance bien dans le processus de gestion du combo. On est parvenu à exploiter au maximum les qualités de chacun. On a ainsi évité de perdre du temps. Le travail de composition doit être rapide, sinon, ça ne fonctionne pas…

Vous avez commencé vos répétitions dans une cave sans fenêtres. Pour ce long playing, vous avez emménagé dans un studio à la campagne. Le single « Blue Sunrise » reflète justement cette sensation de liberté et d’évasion. Est-ce que ce nouvel environnement de travail a influé sur le développement créatif ?

V : Absolument ! On a beaucoup travaillé l’été, ce qui a rendu les conditions de travail, plus agréables. Je dirais que cet environnement a sans doute contribué à la couleur de notre disque, même si la partie studio était forcément plus confinée.
J-Y : Bénéficier d’une vue magnifique donne des ailes effectivement. Les idées deviennent tout de suite plus simples. Je crois que c’est important pour favoriser la créativité. Lorsque tu regardes par la fenêtre, tu contemples de grands espaces. Tu te sens libre. Ce qui est sympa dans ce genre d’endroit, c’est que tu peux prendre ta gratte et riffer tranquillement sur la terrasse quand tu veux. Tu rentres dans une sorte de bulle. Une transe qui peut durer plusieurs heures…

Vous avez repris « Golden Brown » des Stranglers, un standard musical qui permet sans doute de se faire connaître plus facilement en touchant un public plus large. Est-ce qu’il s’agit d’un ‘one shot’ ou peut-on imaginer un exercice du même style dans le futur ?

V : On a déjà repris un titre de Noir and Haze qui s’intitule « Around », dans le passé. Une chanson qui avait été d’ailleurs interprétée par Solomun. Cette question est une pure coïncidence parce que figure-toi que nous venons récemment de franchir un nouveau cap. En fait, on s’est attaqué à un standard du rock français, « J’aime regarder les filles » de Patrick Coutin. Mais oui, ces deux reprises, on les joue parfois en soirée et elles plaisent au plus grand nombre.
J-Y : La compo de Coutin est très psyché rock. On a vraiment voulu la redynamiser. A l’instar de « Golden Brown », qui n’a rien à voir avec la version originelle. C’est cet écart qui rend l’exercice périlleux. Mais, ces versions resteront toujours une belle expérience.
V : Oui, ce sont des compos d’une puissance inégalable. C’est comme si tu étais au volant d’une voiture confortable. Tu roules et tout va bien (rires). J’aime cette métaphore !

Vous baignez dans l’univers de la musique depuis plus de vingt ans maintenant. Cette longévité vous permet-elle de prétendre à une certaine crédibilité sur la scène belge ?

V : Je dirais plutôt que cette longévité a fédéré petit à petit une masse de gens autour du projet ! Cette notoriété ne s’est pas construite du jour au lendemain. Nos tournées s’étendent aujourd’hui au-delà de la Belgique. On a un label en France et on y accomplit des tournées. Mais pas que ! En Allemagne aussi. Parmi les autres pays étrangers dans lesquels nous avons eu la chance de se produire, je citerai la Croatie, l’Italie et la Slovénie. Ces périples sont nécessaire, si tu veux vendre ton produit. En Belgique, nous avons été beaucoup aidé par Paul-Henri Wauters, le programmateur des Nuits Botanique. Il nous a ouvert pas mal de portes. Mais, une réussite n’est possible que si le projet séduit les gens. Et c’est plutôt fâcheux, dans le cas contraire…

Quelques dates d’une tournée précédente ont été assurées en présence des sœurs BINTI (NDR : elles sont égyptiennes !). Ce qui a rendus vos compos plus douces et sucrées. Envisagez-vous de remettre le couvert prochainement ?

V : Oui, je te rejoins ! Je pense qu’une des filles est retournée en Egypte récemment. Nous avons encore des contacts avec elles. Nous les avons d’ailleurs revues lors d’une fête privée, il y a quelque temps. Non, pour être honnête, ce n’est pas au programme. A l’époque, elles devaient nous accompagner pour un seul show, au Bota. Les spectateurs ont accroché, on a donc décidé de réitérer l’exercice. C’était une expérience fabuleuse, mais il était compliqué d’assimiler tous ces nouveaux paramètres, sur les planches. On s’est rendu compte aussi que nous devions concéder tout un pan de notre dynamique ; mais, je persiste à dire qu’elles possèdent un talent inné. D’autre part, je pense que nous avons suffisamment d’objectifs à atteindre pour cette année. Le premier sera le visuel que nous souhaitons mettre sur pied, dans le cadre de notre spectacle prévu à l’Ancienne Belgique, en février prochain. Nous allons collaborer avec une boîte française. On va se relancer dans le DJing aussi. Mais dans un cadre plus ambitieux que nos tentatives précédentes. On souhaite communiquer davantage de sensations. Tout en conservant cet esprit festif…

 

Death Angel

Du Thrash qui a du cœur

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Le Trix d’Anvers accueille, au beau milieu du mois de novembre, trois grandes pointures du Thrash : Testament, Annihilator et Death Angel. L’occasion de revenir sur l’actualité de ces derniers. Ont-ils prévus quelque chose de neuf sous le sapin ? Quel regard portent-ils sur leur 9ème elpee studio, « The Evil Divide » ? Quelques réactions recueillies en backstage, peu avant le lancement des hostilités.

Après un trajet en voiture pour le moins chaotique –le mois de novembre nous réservant, en cette fin d’après-midi, tout l’éventail des joyeusetés météorologiques qu’il a en stock– votre serviteur débarque enfin dans la salle anversoise en accusant un quart d’heure de retard. Le temps de passer un coup de téléphone à la ‘tour manager’, afin de lui signaler ma présence sur les lieux, elle répond, un peu confuse, devoir d’abord régler un petit problème et qu’elle me rejoindra plus tard. S’il faut patienter, alors autant lier l’utile à l’agréable et jeter un œil aux mouvements qui se produisent dans la salle de concert. Quelques roadies sont au turbin. Ils préparent la stage pour le show de Testament, la tête d’affiche du jour. Une imposante silhouette observe ce qui se déroule sur le podium. C’est Chuck Billy, le chanteur de Testament. Fidèle à son surnom, ‘The Chief’, il vérifie que tout soit en ordre. Assister au soundcheck de ce band yankee, il y a pire comme situation, dans la vie. La ‘tour manager’ finit enfin par arriver. Ce ne sera finalement pas le guitariste Rob Cavestany qui répondra à mes questions –il est encore dans les bras de Morphée– mais bien son acolyte, Ted Aguilar. On s’adaptera, ‘keep it rockin!’

C’est aujourd’hui la troisième fois cette année que vous foulez le sol belge. Les fans du groupe qui y vivent, n’ont donc pas d’excuses à faire valoir s’ils n’ont pas eu l’occasion de vous voir en concert, au cours de l’année 2017 !

Ted Aguilar : (il rigole) oui, en effet ! Et c’est aussi la seconde date à Anvers. On y était déjà passé cet été, dans le cadre de l’‘Antwerp Fest’ (NDR : qui s’est déroulé le 9 juillet) ! Mais la dernière fois qu’on a mis les pieds ici au Trix, c’était lors du ‘Thrashfest’, en 2010. Suicidal Angels, Exodus et Kreator étaient également à l’affiche.

Votre dernier long playing en date, « The Evil Divide », est maintenant sorti depuis un peu plus d’un an. Quoi de neuf à l’horizon ?

Un an et demi pour être précis ! Concernant notre prochain LP, on en a en effet déjà discuté ensemble… On a bien quelques idées, mais encore rien de concret. On va sérieusement se remettre à l’ouvrage après les fêtes de fin d’année. Quoi qu’il en soit, c’est de toute façon prévu !

Comptez-vous composer des morceaux dans le style de ceux qui figurent sur votre précédent opus ?

Ah… c’est une question à laquelle il est toujours difficile de répondre… Quand on compose, on ne pense pas nécessairement à ce qu’on a fait auparavant. On souhaite simplement réaliser les meilleures chansons possibles. D’autant plus que quand on se met à écrire, on n’a jamais vraiment une vue d’ensemble au moment présent. Du moins, en ce qui me concerne. Ce n’est que lorsque le master est prêt, que je m’assieds, je l’écoute et peux enfin conclure : ‘Ah ouais, je vois enfin ce que ça donne maintenant…’ (il rigole). Je ne suis pas le compositeur principal, je possède donc encore moins cette vision globale. Il m’est donc quasi impossible de présager ce qu’on va produire… On va écrire et puis on verra bien !

Dan le processus d’écriture chez Death Angel, vous composez d’abord la musique ou les paroles ?

La musique ! Rob (NDR : Cavestany, le guitariste principal) est généralement le premier à composer, sur base de quelques-unes de ses idées ou un squelette du morceau qu’il a imaginé. On se voit ensuite, lui et moi. On en parle jusqu’au moment où on sent qu’on tient quelque chose de concret. On passe finalement à l’enregistrement et on envoie le tout à Mark (NDR : Oseguada, le chanteur de la formation). C’est à partir de cet instant que Mark commence à prendre son stylo et du papier et qu’il se lance dans l’écriture des lyrics… Il a toujours besoin de la musique au préalable. Il est incapable d’écrire sans support. Il doit ressentir les mélodies avant que les idées ne se mettent à germer.

Dans quel état d’esprit étiez-vous lorsque vous avez composé votre dernier long playing ?

C’est une bonne question ! Je pense qu’on souhaitait un résultat davantage Heavy et un peu plus mélodique. L’album précédent, « The Dream Calls for Blood » (NDR : paru en 2013), était vraiment très Thrash. On a bien sûr conservé cet aspect rentre-dedans au niveau de la rythmique, mais musicalement, la coloration est bien plus Heavy. Mais bon, on reste évidemment un groupe de Thrash. Mais quand tu écoutes une chanson comme « Father of Lies », surtout le début du morceau, tu ressens cette petite touche propre à Black Sabbath. Et de manière plus générale dans « Lost »… Tu sais, quand Rob a écrit ce titre, il pensait à l’ambiance si particulière qui règne en festival, quand tout le monde lève les bras et crie en même temps. Il voulait vraiment que ce morceau incite les festivaliers à chanter. Je pense que nous étions dans cet état d’esprit à ce moment-là : insuffler une ambiance de festival, tout en parsemant ça et là, la compo de quelques touches de Heavy.

Te souviens-tu du groupe ou du morceau qui t’a transmis le virus du Metal ?

(il prend le temps de réfléchir) Wow, ça remonte ! Je pense que c’était du Black Sabbath… mais la période au cours de laquelle Dio était au chant (NDR : à partir donc de 79). Je n’ai vraiment découvert les compositions impliquant Ozzy Osbourne que plus tard. Je pense que c’est à cette époque que j’ai flashé sur ce qu’était le son typiquement lourd du Metal. Je me souviens aussi de l’album « Mob Rules ». Sa pochette était vraiment terrifiante. En réfléchissant, c’est un des premiers skeuds de Metal que j’ai écouté…

Le 20 janvier prochain, vous vous produirez en compagnie d’autres bands pour une soirée caritative afin de venir en aide à Sean Killian, le vocaliste de Vio-Lence (NDR : atteint d’une cirrhose, récemment diagnostiquée, il est en attente d’une transplantation). Pour vous, la solidarité n’est pas un vain mot ?

En apprenant cette terrible nouvelle, quelques groupes de la Bay Area dont Exodus, Testament et évidemment le nôtre ont décidé d’organiser un show ensemble et d’y jouer, entre autres, quelques morceaux de Vio-Lence. Toutes les recettes de cette soirée seront destinées à Sean pour son traitement. On espère du peuple pour ce concert un peu particulier et que de généreux donateurs assistent au spectacle. Je pense aussi qu’entouré de tous ses amis issus de la Bay Area, ce soutien devrait lui apporter du réconfort. On va prendre du bon temps tous ensemble…

…et vous reproduirez ce même type d’action en fin d’année, à l’occasion de votre Xmas Show, les 15 et 16 décembre prochains, à San Francisco, afin de venir en aide aux victimes des incendies qui ont ravagé le nord de la Californie, en octobre dernier.

En effet, on a décidé de leur reverser une partie des revenus issus de la vente des tickets et du merchandising. On y vendra également quelques trucs sympas du groupe, dont notamment l’une ou l’autre guitare. On fera de notre mieux !

L’espace contigu de la backstage de Death Angel, environs 8m², commence à devenir un peu à l’étroit pour quatre personnes. En effet, au cours de l’interview, le batteur Will Caroll et le vocaliste Mark Oseguada nous ont rejoints dans la loge. Ce dernier, sort à peine de la douche et ne porte qu’un essuie de bains autour de la taille. Il est d’ailleurs occupé de se brosser les dents. Un cadre quelque peu surréaliste ! Il est temps que je quitte temporairement mes hôtes du jour, pour les retrouver une poignée de minutes plus tard, sur les planches…

Interview réalisée le dimanche 12 novembre, au Trix d’Anvers.

(Merci à Nuclear Blast d’avoir permis cette rencontre !)

Archive

Nous sommes un groupe de pop/rock… expérimental.

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Le Festival de Ronquières se singularise, depuis ses débuts, par une affiche aussi populaire qu’éclectique. Il y en a vraiment pour tous les goûts : du hip-hop au folk, en passant par le rap et le rock ! Sans oublier, pour être au goût du jour, des pointures de l’électro, comme PFR ou encore Kid Noize…
Après un passage remarqué en 2013, le collectif britannique Archive est venu lui aussi fouler les planches installées près du Plan Incliné, dans le cadre de cette sixième édition, pour défendre un long playing, sans doute moins accessible que les précédents, « The False Foundation ».
Plutôt expérimental, il divise un public pourtant habitué à ses évolutions musicales. Il emprunte aussi bien au rock qu'à la musique électronique et au trip hop ; mais au fil des opus, son style est devenu de plus en plus déroutant.
Initialement prévue vers 17 heures, l’interview est sans cesse reportée, le car véhiculant le combo ayant pris énormément de retard. C’est finalement vers minuit trente qu’elle va se dérouler en backstage, en compagnie d’une des chevilles ouvrières, Danny Griffiths (NDR : l’autre, c’est Darius Keeler), passablement exténué d’une journée riche en émotions.
Les cernes sous les yeux en disent long… Votre serviteur, pourtant persévérant, comprendra plus tard pourquoi son hôte est peu prolixe ! La vie d’artiste est parfois mise à rude épreuve !
Le musicien se livre bon gré mal gré au jeu des questions/réponses dans la langue de Shakespeare.

Ronquières est un festival très diversifié. Comment appréhendez-vous votre set face à un public qui n’est pas forcément venu pour Archive ?

Ce festival propose une affiche variée, c’est vrai ! Je suis tout à fait conscient qu’une frange de la foule ne s’est pas forcément déplacée pour Archive. Ce qui ne me pose aucun problème ! C’est justement cette démarche qui est intéressante. Des gens vont découvrir un univers musical qu’ils ne connaissent pas et se charger ainsi de nous procurer une certaine notoriété, par la même occasion. C’est l’effet domino !

L’électronique est très présente dans vos compositions. Une volonté de s’éloigner du rock ?

A vrai dire, je milite au sein du groupe depuis sa création. J’en connais donc toute l’histoire et son évolution. Comparer Archive à de la simple musique électronique serait un peu réducteur ! Au travers nos différents albums, nous avons tenté, avec plus ou moins de succès, de mêler l’électronique au rock en y ajoutant une touche d’orchestration. Aujourd’hui, notre souhait est de revenir à une base un peu plus électronique. Pour nous en donner les moyens, nous avons construit un studio analogique en Angleterre et utilisé du matériel ‘old school’, lors des sessions.

« The False Foundation », votre nouvel elpee, exige davantage de maturité en terme d’écoute que les précédents. Qu’en pensez-vous ?

On peut dire qu’à l’exception d’« Axiom » (2014), de « With Us Until You’re Dead » (2012) et « Restriction » (2015), nous avions l’habitude de proposer des disques un peu plus commerciaux. « The False Foundation » est sans doute un peu moins accessible, c’est vrai ! Il s’adresse à un public qui affiche une plus grande maturité musicale. Mais cette tendance s’est développée naturellement, à vrai dire. Nous sommes issus de l’underground et la créativité est un paramètre naturel chez nous.

Vos elpees sont tous différents. La prise de risques est-elle dans vos gènes ?

C’est véritablement dans la culture d’Archive. Ne jamais se reposer sur ses lauriers ! Créer, toujours et encore. Expérimenter d’autres sons et les tester lorsque nous entrons en studio. Si tu veux continuer à exister, il est nécessaire se dépasser constamment. C’est la recette de notre pérennité. Je pense sincèrement que nous n’aurions pas pu arriver à ce stade, sans une telle dynamique de travail.

Le groupe devient-il de plus en plus expérimental au fil du temps ?

On nous catalogue, effectivement, comme un band expérimental. Pourtant, dans notre répertoire figurent des chansons plus abordables. Au final, je dirais que nous sommes un groupe de pop/rock… expérimental.

Au fond, « Fuck U », résume un peu ton analyse ?

Oui, quelque part, ce titre incarne bien Archive ! Le message véhiculé est très fort.

Archive et les voix féminines, est-ce une grande histoire d’amour ?

Absolument ! En live, comme en studio, on privilégie ce type de collaboration. C’est un peu l’ADN de la formation. D’ailleurs, nous disposons de quelques titres en préparation dans lesquels nous pourrions y intégrer des voix féminines. Nous devons encore étudier cette opportunité.

Certaines de vos compositions sont plutôt longues. Deux morceaux de plus de 7’ figurent encore sur « The False Foundation ». On est loin du format radio. Pourquoi persister dans ce type de structure ?

Encore une fois, la démarche d’Archive est tout à fait naturelle. Nous ne cherchons pas à rentrer dans un cadre radiophonique à tout prix ! Notre travail recevra toujours un écho auprès de celles et ceux qui affectionnent notre macrocosme. Si tu aimes, tant mieux. Dans le cas contraire, passe ton chemin.

Vous avez joué en première partie de Muse, au Parc des Princes. Une forme de consécration ?

A l’époque de la tournée qui a suivi la sortie de « Lights », notre agent nous a proposé d’assurer le supporting act de Muse. Nous ne pouvions évidemment pas refuser une telle opportunité ! Le trio a découvert notre univers et l’a manifestement apprécié. Nous étions très contents. Cette date a enrichi notre carte de visite !

Vous vous êtes produits à Londres en avril et en juin. Pourquoi ne parvenez-vous pas à vous faire une place au soleil au Royaume-Uni, alors que c’est votre pays d’origine ?

Il assez difficile pour un groupe comme le nôtre de percer dans de grosses villes comme  Manchester, Liverpool ou encore Southampton. Et ce, pour des raisons plurielles ! D’abord, nos chansons bénéficient rarement d’une place de choix sur les ondes radiophoniques. La culture musicale est diamétralement différente en Belgique et en France. Ces pays sont nettement plus enclins à diffuser nos compos. Je les en remercie vivement d’ailleurs ! Je me rappelle tout de même avoir entendu certaines plages de notre dernier album sur ‘Radio 6 music’, qui appartient à la BBC. Ce qui est plutôt prometteur. Mais, je ne m’inquiète pas de cette situation ! Il faut aussi relativiser ! Le contexte économique actuel est difficile. Aujourd’hui, rares sont les organisateurs qui peuvent se permettre de payer des groupes renommés. On s’est déjà produits à Londres où nous avons vécu une très belle expérience. Prochain objectif : l’Amérique !

De nombreux changements sont intervenus au sein du line up depuis vos débuts. Est-il enfin devenu plus stable, aujourd’hui ? Quelles sont les forces de la nouvelle mouture ?

La colonne vertébrale du band est constituée de Darius, Danny, Pollard et Dave, depuis maintenant quatorze années. Si pour certains, ces changements peuvent se révéler source de problèmes, en ce qui nous concerne, ils ont été bénéfiques. Aujourd’hui, comme tu peux le constater, nous existons toujours. Je crois qu’il faut considérer ces tribulations de manière positive. Les personnes qui se sont succédées au sein du band ont apporté un plus, permis d’évoluer, de se surpasser, de se remettre en question et d’explorer des styles différents. La base s’est consolidée au fil du temps. Il est maintenant stable ! J’espère ne plus connaître les avatars rencontrés à l’époque. En live, la base est immuable. Par contre, en studio, la présence d’autres musicos nous permet d’expérimenter et de disposer d’une palette de couleurs sonores plus large.

Vous avez composé la bande originale du long métrage Michel Vaillant ? Ce film s’est soldé par un échec ! L’expérience a quand même été intéressante ?

Le film était vraiment de la merde ! En bref, la bande originale était bien meilleure. Je n’avais alors pas encore rejoint la formation. Mais c’était tout de même une bonne expérience !

En début d’entretien, tu as déclaré que quelques nouveaux morceaux avaient déjà été ébauchés. Vous envisagez de graver un nouvel opus, dans un futur proche ?

Je peux juste te dire que nous sommes de retour en studio. Nous bossons en compagnie de collaborateurs que nous souhaitions impérativement inviter. Pour l’instant, il ne s’agit que d’un travail d’écriture et d’enregistrement. Il est toutefois encore trop tôt pour en parler. Nous avons aussi un autre projet destiné à une boîte célèbre de jeux vidéo. C’est tout ce que je peux te dire aujourd’hui.

 

Mat Bastard

La langue, c’est un chemin, pas une destination…

Écrit par

Aulnoye-Aymeries, petite ville du Nord de la France, accueille maintenant depuis plusieurs années, un festival éclectique baptisé ‘Nuits Secrètes’, chaque dernier week-end du mois de juillet.
Il a vu défiler des artistes comme Alain Bashung, Bernard Lavilliers, Neneh Cherry, Selah Sue, Vitalic, Funkadelic & Parliament, Laurent Voulzy, Alain Souchon, Deluxe, Casseurs Flowters, Julien Doré et bien d'autres.
Proposant un peu plus de 70 concerts, répartis sur trois jours, son affiche a de quoi satisfaire un grand nombre des mélomanes !
Les parcours secrets –le fleuron des Nuits– sont, bien sûr, toujours intégrés au programme. Le principe ? Grimper dans un bus, vitres calfeutrées, pour une destination et un concert dont on ignore le lieu et le nom de l’artiste ou du groupe.

Votre serviteur a fixé rendez-vous à Mat Bastard, de son véritable nom Mathieu-Emmanuel Monnaertune, une des figures de proue du mouvement punk, en France. En compagnie de potes du lycée, il avait fondé son tout premier groupe Carving, une aventure qui s’est déroulée de 1994 à 2007.
Mais, c’est grâce à Skyp The Use, un combo formé en 2008, que sa notoriété va grimper en flèche. Le band est rapidement invité à se produire dans des festivals internationaux, et assure même des premières parties pour Trust et Rage Against the Machine. Le divorce par consentement mutuel est cependant acté fin 2016.
Armé d’une batterie de nouvelles compositions et l’envie de renouer avec ses vieux démons, Mat rappelle ses vieux copains d’antan, Mike et Olive.
Plus engagé et énervé que jamais, il décide d’offrir (de s’offrir) un premier album solo sobrement intitulé « LOOV ». Percutant, il recueille une critique favorable unanime.
C’est pour causer de cette actualité brûlante, de son parcours musical et de ses rapports établis entre lui et le peuple, que ce tête à tête est prévu. Il ne durera que quelques minutes…

Skip The Use a décroché un statut jamais atteint par une formation rock régionale et rarement dans l’Hexagone. Pourtant, tu as monté un nouveau projet. La musique est-elle, pour toi, comparable à une famille ou un couple dans lequel il y a parfois des remises en question nécessaires ?

A vrai dire, je n’en sais rien. C’est très difficile à expliquer. La différence essentielle entre un couple et un groupe, ce sont les sentiments qui animent la relation. J’aime ma femme ! Quant à mes comparses, je les appréciais. C’est tout ! Il ne faut pas tout mélanger. Lorsque je crée un band, c’est par idéal et parce que j’ai envie de le fédérer autour d’un concept particulier, au moment le plus opportun. Si l’une des parties s’éloigne de l’essence même de ce partage, je ne vois pas l’intérêt de continuer l’aventure. Nous ne voulions plus simplement faire de la musique pour les mêmes raisons. Mais, jamais, je ne dirais des musiciens que je côtoyais qu’ils étaient des connards. J’ai vraiment vécu une aventure humaine exceptionnelle et j’en garde de bons souvenirs…

As-tu un besoin permanent de changement, d’expériences et de découvertes ?

La vie est une longue route au cours de laquelle chaque individu apprend de ses expériences. Au sein de STU on a vécu une belle histoire artistique et humaine. Mais, au fil du temps, je ne souhaitais plus faire de concessions. Lorsque tu joues en groupe et que tu as la responsabilité d’écrire la musique et/ou les paroles, tu dois recevoir l’assentiment des autres membres. Ce qui, en cas de désaccord, peut devenir très vite compliqué. Ce n’est pas toujours évident à gérer ! Dans ce projet, je suis seul aux commandes. J’ai forcément plus de latitude. Il m’appartient d’emprunter les bonnes directions et d’assumer mes erreurs. Est-ce que c’est mieux pour autant ? Pas forcément ! Mais, ce n’est pas un problème. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise solution en la matière. Perso, j’avais envie de vivre une aventure solo. Les autres souhaitaient travailler en compagnie de quelqu’un d’autre. Nos chemins se sont séparés de manière naturelle au bon moment. C’était une bonne décision, je pense. Je me sens moi-même dans ce nouveau projet. Mon disque et la tournée marchent bien. Que demander de plus ?

Pourtant ton single, « More Than Friends », n’est pas tellement éloigné du style proposé par STU. Le virage va s’opérer en douceur ?

Non pas vraiment ! Dans l’imaginaire collectif, j’étais juste le gars qui se concentre sur le micro et fait le mariole sur scène. Or, sans aucune prétention de ma part, j’étais la cheville ouvrière. J’écrivais les chansons. Ma plume est la même aujourd’hui, projet solo ou pas. Mes idéaux et mon combat sont identiques aussi. Tu sais, j’ai commencé la musique en 1993, au sein de Carving, un groupe punk. Une belle aventure qui a duré 17 années ! J’ai bien bourlingué quand même. Mon disque est un condensé de toutes ces années auquel j’ai ajouté les belles collaborations réalisées et tout ce que j’ai pu découvrir aux Etats-Unis. Il est donc normal d’y déceler des similitudes avec mon passé. C’est même mieux ainsi, finalement. De toute façon, à quoi bon dire le contraire ?

Le tandem électro/pop A-Vox (Anthéa et Virgile) a participé à l’enregistrement de ce morceau. Par quel hasard les as-tu rencontrés ?

J’ai également une casquette de producteur et de réalisateur. Et quand je les ai rencontrés, j’ai trouvé leur projet intéressant. Ils dégageaient vraiment quelque chose. Nous avons travaillé dessus ensemble, durant quelques mois. Nous nous sommes ensuite rapprochés ; à tel point qu’aujourd’hui, Anthéa partage ma vie. Elle est devenue mon épouse. Cette chanson raconte cette histoire étrange. Comment passer d’une relation purement artistique à une liaison plus personnelle et intime ? J’ai bien compris qu’un groupe implique souvent des concessions car il y règne une certaine démocratie et qu’il est difficile d’y imposer des règles.

Comme tu l’as souligné, par ailleurs, un projet solo permet de réaliser un travail nettement plus incisif et introspectif. Mais paradoxalement, la coopération de tes potes Mike et Olive, ex-Carving, ne traduit-elle pas le premier pas vers un travail plus collectif que personnel ?

Non, il ne faut pas voir ces événements sous cet angle. Il faut bien distinguer les différents paramètres. La réalisation, la production et l’écriture d’un disque impliquent un travail plutôt personnel, voire introspectif. Sur scène, je restitue ce résultat auprès de mes musiciens. A ce moment là, je ne suis plus seul. Nous sommes cinq en tout. Un vrai travail collectif. Plus qu’un groupe même, une famille ! C’est une notion qui est d’ailleurs très importante à mes yeux. Il me serait difficile d’agir autrement. Je connais le personnel qui m’entoure depuis des années. Que ce soit celui qui boucle les dates, les techniciens, les musicos, les gars de la maison de disque etc. Nos femmes et nos gamins respectifs se connaissent. J’ai vraiment besoin de cette filiation. Lorsque je produis ou réalise des albums, je ne change pas d’équipe, j’y suis très attaché.

Tu as passé toute ta vie artistique en groupe. Quel sentiment éprouves-tu quand tu vois ton propre nom sur la pochette d'un disque ?

Pour être franc avec toi, je m’en fous complètement. Je n’ai jamais été fan des noms sur les pochettes. C’est d’ailleurs sans doute le dernier sujet auquel je pense lorsqu’il s’agit de finaliser le disque. Est-ce que c’est la meilleure manière de considérer ce chapitre ? Je n’en sais rien… Tu n’es pas le premier à me poser cette question. C’est drôle de voir à quel point ce détail suscite autant d’interrogations. Ce qui m’intéresse, c’est la prise de position, le débat et l’échange à travers les compositions. Que le disque existe et les chansons prennent vie me suffisent amplement.

A propos de ce projet, tu as déclaré avoir ressenti l’envie d’écrire des choses. Mais, tu composais déjà les paroles chez STU. Comment abordes-tu ton processus d’écriture ?

La façon d’aborder les thématiques n’a pas vraiment changé. J’ai toujours écrit, que ce soit pour moi ou les autres. Le processus est assez identique à chaque fois. Ce qui fait la différence essentielle, c’est la culture ou le style du groupe pour lequel tu proposes ta plume. J’ai commencé à bosser sur mon projet en 2014 alors que je figurais toujours au sein de la formation. Lorsque la matière première s’est accumulée, j’en ai conclu que je disposais d’un stock suffisant pour le mettre en forme sur un support. Ces chansons étaient davantage incisives et personnelles. Elles n’auraient pas collé au répertoire de STU…

L’anglais est-il un obstacle à la francophonie ? La plupart de tes compos sont interprétées dans la langue de Shakespeare. Pourtant, le français permet de véhiculer des messages.

Du temps de STU, je voulais un jour m’adresser à la France toute entière. J’ai écrit « Etre heureux ». La seule chanson en français. J’ai réitéré cet exercice ici à travers « Vivre mieux ». Je ne pense pas que parler anglais soit vraiment un obstacle à la francophonie. Je crois que ce sont des conneries tout ça ! La langue, c’est un chemin, pas une destination ! Dans tous les cas, je ne suis pas venu défendre l’identité nationale de mon pays. Je suis fier de groupes comme Justice, Daft Punk, Phoenix ou encore un artiste comme David Guetta. Ils représentent bien la France à travers le monde. Je suis content que ces artistes décrochent des ‘Grammy Awards’ aux Etats-Unis. Sincèrement, je me tape qu’ils exercent leur art en anglais ou en français. Si c’était en chinois, ce serait pareil ! Je suis un fan inconditionnel de Brel, de Renaud et d’Arno. J’adore le texte et j’estime que les chansons sont bien plus belles lorsqu’elles véhiculent un message fort quelle que soit la langue utilisée. Je n’ai aucun souci avec ça ! Il s’agit plus de fainéantise que d’idéologie.

Au fond, l’artiste doit-il se servir de son statut pour véhiculer certains messages ?

Je ne pense pas que ce soit une obligation en soi, mais pourquoi pas ! Je respecte des gars comme Kendji ou Maître Gims qui baignent plutôt dans l’‘entertainment’. STU appartenait également à cette dynamique. Je ne dis pas que c’est mal, mais elle ne me correspond pas du tout. Encore une fois, j’aime susciter la prise de position à travers les compos. Quitte à avoir le projecteur, autant le mettre sur quelque chose et non sur quelqu’un !

Justement, tu as évoqué aussi le féminisme à outrance, par exemple. Au fond, l'artiste sait mieux que quiconque utiliser son micro pour combattre les inégalités sociétales ou mêmes politiques ?

Cette chanson a été un vecteur de débat. Les gens l’ont écoutée et entendue. C’est un exercice intéressant. Il permet l’échange et l’ouverture d’esprit. Et fait grandir…

A cet égard, les réseaux sociaux restent une bonne alternative…

Personnellement, j’utilise beaucoup les réseaux sociaux. En terme de communication et d’information, on ne fait pas mieux ! On en parle souvent à cause des dérives qu’ils peuvent engendrer. Mais, c’est simplement une question d’utilisation et d’apprentissage. Récemment, j’ai posté un article que j’estimais touchant. D’autres internautes l’ont lu et ont commenté. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice. C’est la magie du partage !

Au final, tout ne reposerait que sur des codes linguistiques ?

Je pense que le véritable obstacle à l’humanité, c’est l’obscurantisme et l’ethnocentrisme. Tantôt, tu me parlais de la langue française. Ici, nous sommes à Aulnoye-Aymeries, pas très loin de Roubaix et de Lille. Y vivent des Arabes, des Africains, des blancs, des Chinois et des Turcs. Certains parlent correctement le français et d’autres pas. Vas chercher un kebab chez un turc qui ne parle pas ta langue. Tu l’auras ta bouffe, crois-moi ! Où est le problème ? On s’en fout franchement! Il ne faut pas rechercher là-dedans une identité nationale. C’est ensemble qu’on la créée !

Au fond, Wallons et Flamands, même combat ?

Les Wallons et les Flamands ne forment qu’un sur l’échelle nationale ! Pas de communautarisme stp ! Personnellement, je considère ces querelles politiques et linguistiques complètement ridicules ! Quelle perte de temps et d’énergie ! Lorsque je me rends dans ton pays, je vais en Belgique. Point final ! Jamais je ne me spécifierai voyager au Nord ou au Sud du pays. J’ai notamment vécu à Wezembeek-Oppem et à Bruxelles et pourtant j’ai des potes issus de Charleroi et de la Louvière. Tout se passe bien, tu sais… En outre, ton pays a été pendant longtemps précurseur dans pas mal de domaines. Et j’aime le rappeler. Alors, tu sais, la langue, une fois encore, c’est un débat qui n’a pas lieu d’exister !

 

Lethvm

Un travail d’écriture vraiment particulier…

Écrit par

Lethvm : une orthographe atypique, mais surtout une formation qui gravit petit à petit les échelons de la scène métallique belge. Auteur d’un Ep en 2016, le groupe de Doom a participé cet été au ‘Loud Program’ (un concours organisé en Fédération Wallonie-Bruxelles) et a été sélectionné parmi les quatre meilleurs lauréats. À quelques semaines de la sortie de son premier elpee studio (24 novembre), « This Fall Shall Cease », les musiciens reviennent sur les débuts de leur histoire et évoquent un futur plutôt prometteur. Rencontre.

Pourriez-vous tout d’abord indiquer ce qui se cache derrière le mot Lethvm ? Pourquoi avoir choisi ce terme comme patronyme ?

Tony (batterie) : Lethvm tire sa racine du grec ‘lethal’, un mot qui désigne donc un rapport à la mort. Mais une mort plus appréhendée sous la forme d’une érosion physique et mentale. On a ensuite ajouté un ‘h’ et remplacé le ‘u’ par un ‘v’ afin de se forger une identité propre. On ne voulait pas d’un mot qui soit simplement puisé dans le dictionnaire. On souhaitait s’en emparer.

Lethvm ne compte que deux années d’existence, mais vos compositions laissent néanmoins transparaître un certain passé musical. Quels sont vos parcours respectifs ?

Vincent (chant) : j’ai transité par Death By Nature (Mathcore) et Oldd Wvrms (Doom/Sludge), avant de quitter ces bands, pour finalement rejoindre Lethvm.
Ben (basse) : Matthieu (guitare), Tony et moi, nous nous connaissions déjà auparavant. On avait déjà joué tous les trois dans un groupe de rock. On s’est ensuite séparé, jusqu’au jour où Mathieu et Tony se sont revus au festival de Dour et ont décidé de monter un projet ensemble. Je les ai finalement rejoints au sein d’Illensys, avant qu’il ne soit décidé d’opter définitivement pour Lethvm.
Tony : … mais on n’a jamais conservé de titres composés pour l’ancien groupe. Quand on a envisagé, fin de l’année 2015, de lancer Lethvm, on est reparti d’une feuille blanche. Puis notre vocaliste, Vincent, est arrivé. C’est alors que tout a vraiment démarré ; et on a enregistré un premier Ep.
Vincent : on s’est vite rendu compte que si on voulait avancer et décrocher quelques shows, il fallait proposer du concret. Soit un Ep. Il sonne très sale, mais je l’aime beaucoup (rires) ! On a ensuite continué à écrire tout au long de l’année 2016, entre quelques concerts accordés en Belgique et en France.       

Jusque mai 2017, où vous avez commencé à bosser pour réaliser votre premier LP studio, « This Fall Shall Cease ».

Mathieu : un travail de longue haleine ! On a beaucoup composé. Certains titres ont même été carrément jetés à la poubelle.
Tony : un peu comme un gros bloc de marbre qui aurait été patiemment buriné. On a éliminé beaucoup d’idées et on a supprimé pas mal de riffs.     

Ces morceaux sont un véritable mélange de styles : on y retrouve la noirceur du Black Metal, la lenteur du Doom, le côté oppressant du Sludge. Comment définiriez-vous votre musique ? Et question plus basique, quelles sont vos influences ?

Ben : c’est une question à laquelle il est difficile de répondre, car nos racines musicales sont très différentes. Je suis par exemple davantage immergé dans le Thrash. On a donc dû chercher un équilibre qui corresponde à tous. Ce n’était pas simple, mais je pense qu’on est parvenu à créer une sorte d’alchimie susceptible de plaire à toute personne qui écoute du Metal. Ou du moins, qui accepte d’ouvrir ses horizons.
Tony : quand on a commencé à écrire les morceaux de cet album, on ne voulait pas qu’ils partent dans tous les sens. On a débarqué chacun avec nos idées et on en a conclu qu’il suffisait de composer pour voir ce qui allait en ressortir ! C’est devenu un pot-pourri de Metal  (rires) !
Mathieu : c’est en effet le résultat d’un foisonnement d’influences, mais le résultat est cohérent. C’est surtout Tony et Vincent qui ont ici planché pour qu’il soit vraiment homogène. Tu sais, même les fins et débuts de morceaux ont été soigneusement ciselés, afin que tout puisse se suivre de manière fluide.
Tony : Je pense que l’album n’aurait pas du tout la même gueule si les chansons avaient été classées dans un ordre différent ! Lors des sessions, on avait toujours en tête nos enchaînements. Nous voulions que notre disque ne suscite jamais l’ennui. C’est pourquoi nos compositions vont piocher à droite et à gauche dans notre passé musical.

Utilisez-vous Lethvm pour transmettre un message en particulier ?

Vincent : non, nos compos ne véhiculent pas de messages. Je veux en effet délibérément être éloigné des mots afin de communiquer uniquement un ressenti. Aller au-delà des termes. En anglais, le chant est complètement saturé ; donc soyons clairs : en live, tu discernes mal ce qui est raconté. Et même sur disque, il faut lire les paroles pour les comprendre. J’y accorde certes une importance personnelle, mais elles n’ont pas nécessairement la même signification pour quelqu’un d’autre. Ou si elles venaient à en avoir, ce sera d’office différent de ce que j’ai pu ressentir en les écrivant. Ma voix n’est qu’un vecteur d’émotions. Pour les lyrics, je travaille avec Tony et on a une façon un peu particulière d’opérer. J’écris tous mes textes en français. Ce qui représente des pages et des pages. Tony les traduit ensuite en anglais. Je les pose ensuite sur les chansons et n’en retire que certaines phrases. Ce qui crée, au final, de nouveaux textes. Aléatoire, cette manière de fonctionner me permet d’accéder à mon inconscient. Mais il existe ainsi des éléments dans l’album qui n’ont toujours pas de sens pour moi ; cette signification viendra peut-être plus tard, quand je pourrais disposer du recul nécessaire.

Ce premier opus studio sortira chez Deadlight Entertainment. Par quel hasard avez-vous décroché un tel deal ?

Mathieu : On avait été invité au Roadburn Festival par les mecs de Doom of Occult, des amis à nous. Après avoir assisté à leur show, on a croisé Alex, le responsable de Deadlight. On a parlé de tout et de rien. Au cours de notre discussion, je lui ai demandé de jeter un œil à notre clip. Et chaque fois qu’un membre de Cult of Occult s’approchait de nous, il lui répétait : ‘Mec, si tu dois signer un groupe, c’est bien eux’…
Tony : Un gros travail a été opéré en amont avant qu’Alex nous signe. Je dois dire qu’en sortant du studio d’enregistrement, on espérait très fort un dénouement favorable.
Mathieu : … en fait, l’élément déclencheur remonte au 26 novembre 2016, lorsqu’il est venu assister à un show au cours duquel on ouvrait pour Bathsheba. Je pense qu’il a vraiment apprécié notre prestation. À la fin du set, il nous a demandé notre Ep. Il m’a filé en échange deux ou trois autocollants de son label… j’y ai donc vu un signe. Et depuis le mois de janvier, c’est lui qui est venu régulièrement me parler, en me disant qu’il attendait qu’on lui propose quelque chose.
Tony : Mais on a aussi deux autres labels ! Ce nouvel album paraîtra en effet également en cassette, chez Denses Record, une boîte indonésienne. On avait déjà sorti notre précédent Ep sous la forme d’une cassette et on trouvait l’idée plutôt fun. « This Fall Shall Cease » sera ensuite gravé en vinyle chez Dunk!records. Le premier support sera sûrement la K7, suivi du CD à la fin du mois de novembre et finalement le vinyle pour janvier 2018. Pour le vinyle, on y ajoutera une touche visuelle supplémentaire ; mais ça, c’est encore secret !

Vous avez participé, cet été, au ‘Loud Program’, un concours qui s’adresse aux formations de Metal et musique extrême en Fédération Wallonie-Bruxelles, dont les lauréats bénéficient, ensuite, d’un dispositif d’accompagnement. Un nouveau tremplin pour Lethvm ?

Vincent : En effet, dès qu’on a reçu notre mix final, on l’a envoyé au ‘Loud Program’.
Tony : quand tu participes à un concours, il est normal qu’on puisse espérer être sélectionné. Mais quand on a compris qu’on l’était parmi plus de 80 candidats… wow !
Vincent : surtout quand tu sais que certains de ces groupes ont bien plus de vécu que nous. On a vraiment été étonné, mais dans le bon sens du terme !

Cette sélection vous a notamment permis de décrocher une résidence et un coaching. Savez-vous où et qui sera votre mentor ?

Vincent : notre première réunion s’est déroulée, il y a deux semaines. On y a rencontré le responsable de Thot, Grégoire Fray. Cette résidence s’étalera sur deux jours et précédera notre concert que nous accorderons en compagnie d’Au-Dessus (NDR : c’était le 6 novembre, à Arlon). On lui a demandé de se concentrer sur le son, en façade, ainsi que de prévoir une meilleure approche des lumières. Vu que notre musique est lente, on est généralement très soft en matière d’éclairage. En guise de préparation, il nous a conseillé de bosser sur les paroles des chansons, afin de savoir quel était le message véhiculé et comment on envisageait le faire vivre sur scène. On verra comment ça se passe…

Des dates de concert sont-elles prévues d’ici la fin de l’année ?

Ben : oui, presque dix !
Vincent : on va se produire en France, au Luxembourg, puis en Belgique ; à Liège, Bruxelles, Dour, etc.
Mathieu : et puis on fêtera évidemment la parution de l’album au Doom Wood Festival (le 25 novembre à Sambreville), dont je suis le co-organisateur. On voulait initialement le sortir en mai ou en juin, après l’avoir enregistré en janvier. Mais on s’est vite rendu compte que ce timing ne tenait pas la route et qu’il serait préférable de retarder sa sortie. Et il s’est ensuite avéré qu’en accord avec notre label Deadlight, le mois de novembre serait le meilleur moment. Alors autant le faire au Doom Wood… qui va être une belle fête entre amis !

J’imagine que vous avez aussi quelques projets pour l’année 2018 ?

Vincent : on voudrait réaliser un split. On est déjà occupé à plancher sur de nouvelles compositions. Le but serait de respecter un agenda semblable à celui de cette année : enregistrer en mai pour sortir quelque chose vers septembre ou octobre.

Qui pourrait être intéressé de participer à ce projet ? Une idée ?

Mathieu : oui et non… On voudrait le sortir en compagnie d’un groupe hébergé chez Dunk ! ou Deadlight. Mais il faut encore voir si l’un d’entre eux est intéressé. On a aussi établi des contacts au Canada. Ce qui pourrait dès lors peut-être déboucher sur une tournée européenne et canadienne.

À propos de tournée, qui choisiriez-vous partager l’affiche ?

Vincent : j’avoue que si on pouvait la partager en compagnie de Cult of Luna, Neurosis et Amenra, la tournée serait plutôt sympa ! (rires)
Mathieu : Cult of Occult, certainement, mais la tournée deviendrait trop vite ingérable… et puis on est déjà vraiment heureux que le Loud Program puisse nous procurer quelques dates. On pense notamment à celle du 9 décembre au Botanique, où on devrait rencontrer pas mal de monde. Et qui sait… peut-être qu’un booker professionnel nous remarquera ?
Vincent : on ne regarde pas seulement vers le haut. Abynth est une formation qui nous suit beaucoup et on essaye de l’emmener dès que l’occasion se présente.
Mathieu : ils ont dix ou quinze ans de moins que nous, mais assurent vraiment ! Ils pratiquent une musique inspirée des premiers Black Sabbath. Du bon vieux Doom à l’ancienne ! Et puis… au niveau picole, ils assurent aussi ! (rires)
Ben : rencontrer les musicos d’Absynth a vraiment été une chouette expérience humaine ! De notre côté, on essaye de les épauler comme on peut. Et puis du leur, ils nous assurent aussi un très bon soutien ! Ils avaient notamment organisé une soirée pour la sortie de leur Ep et nous avaient demandé de jouer après eux. Tous leurs fans sont restés pour nous écouter ! Ce qui nous a vraiment fait plaisir. Ils croient beaucoup en nous. Et nous, on les voit évoluer de concert en concert. On essaye de s’entraider. On est déjà tellement peu de groupes du style, en Wallonie, alors autant ne pas se tirer dans les pattes !

(Interview réalisée à Bruxelles, le 22 septembre 2017).

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