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Brazen tient la distance…

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Interviews

The Experimental Tropic Blues Band

Le mot ‘Experimental’ prend ici tout son sens…

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Fasciné par le cinéma underground des seventies, Jérôme Vandewattyne avait déjà bossé en compagnie des Tropics, pour « The Belgians », un concept consacré autant à l’album qu’aux projections destinées aux spectacles. Il a donc remis le couvert, mais ici, pour un véritable long métrage. Son titre ? ‘Spit’n’split’. Une référence à une pratique sexuelle dans l’univers du porno. Jérémy, Jean-Jacques et David ont participé comme acteurs à ce tournage. Mais également composé la B.O.. En fait, ce jeune réalisateur a suivi la tournée du trio, pendant deux ans. Et il en relate les aventures et les mésaventures rencontrées par la formation, sous la forme d’une fiction. Dont la démesure conduirait à l’évasion et à l’amour. Enfin, presque. Jérémy et Jean-François ont accepté d’accorder cette interview à Musiczine, juste avant le set du band, accordé dans le cadre du Roots & Roses. Et il faut le reconnaître, en ce qui concerne ce film, qu’il n’est pas toujours facile de leur tirer les vers du nez…

On dirait qu’aujourd’hui, vous avez besoin de thématiques, pour écrire de nouvelles compos. A l’instar de « The Belgians ». Puis maintenant, à travers ce « Spit’n’Split ». Une explication ?

Jeremy : pas vraiment une thématique, mais on ne souhaite plus reproduire la même routine : sortir un disque, faire une tournée, sortir un disque, etc. On préfère quand l’exercice est moins classique et plus complexe.
Jean-Jacques : Nous cherchons à explorer de nouveaux horizons. Celui-ci,
cinématographique, est tout à fait inédit pour nous.

J : il s’intéresse à l’amour dans tous ses états. Finalement, c’est un bon moyen pour évoquer un sujet… différemment.
J-J : c’est un prétexte. Parler d’autre chose. De plus profond.

Sur la pochette figurent des personnages dans leur plus simple appareil. C’est une manière de promouvoir une idéologie naturiste, nudiste… ?

J : non, on a voulu que le projet reste cohérent en montrant l’affiche du film pour lequel on a composé la musique. Et on l’a reproduite sur la pochette.
J-J : être nu, dans la nature, c’est un retour aux sources. En fait, si on observe bien les personnages, ils portent tous des masques de nos visages. Ils nous réincarnent. Bien sûr, c’est un peu morbide…
J : la fin du film est proche et il reflète une forme d’évasion…

Une envie de retour à la nature ?

J-J : exactement.
J : le retour à tout ce qu’il y a de plus simple en nous, quoi.

En préambule à ce long métrage, vous citez une phrase d’Alfred de Musset, ‘Tout le réel pour moi n’est qu’une fiction’. Poète et dramaturge, il était un grand romantique, mais aussi un débauché et un alcoolique notoire, comme Rimbaud…

J : ta réflexion confirme qu’il s’agit bien d’une fiction. Sans trop dévoiler le scénario. Et ce choix communique davantage de saveur. Parce qu’on piste des alcooliques et des débauchés, pendant au moins une heure et demie.

Vous avez intitulé un morceau de l’elpee, « Divine Comedy ». Ce n’est quand même pas un clin d’œil adressé à Neil Hannon ?

J-J : non c’est plutôt un hommage au romancier Dante Alighier. A son œuvre littéraire.
J : du coup, cette référence résume un peu le film. La Divine Comédie. Une approche quand même globale...

Le premier titre du long playing, « Le culte », évoque un rite païen. Tribal. Celui des aborigènes australiens ?

J-J : c’est la secte des Tropics !
J : il a surtout été écrit pour le film. La scène est importante et le réalisateur nous avait demandé d’imaginer une musique qui corresponde à cet état d’esprit. Celui d’une secte. Nous sommes entrés en studio sans un seul riff, mais en se servant uniquement des souvenirs de souhaits émis par Jérôme. Mais on avait aussi envie de composer des chansons à la Tropics, parce qu’il en fallait pour l’album. Ce soundtrack est donc également devenu notre nouveau disque. Qui est enrichi par des tas d’autres morceaux, pour lesquels on a vraiment pu expérimenter. Le mot ‘Experimental’ prend ici tout son sens.

Ce qui explique sans doute aussi pourquoi un titre comme « Baby Bamboo » semble s’inspirer de Swans. Il est chamanique, obsessionnel et hypnotique, sauf en fin de parcours, lorsque des interventions de claviers vintage font leur apparition…

J-J : jamais trop apprécié la musique de Swans…
J. : tu vas découvrir ce morceau, et après on se fera une orgie de « Baby bamboo » (NDR : une pipe psychédélique ?) En outre, je suis le gourou de cette secte…

J’ai lu que dans le film, il y avait des répliques qui tuent.

J : en fait, non, il s’agit plutôt de phrases cultes.

Tout au long de « Straight to the top » et « Power of the fist », le spectre de Jon Spencer se remet à planer. Comme lorsque vous avez publié « Liquid love », long playing qu’il avait produit…

J-J : c’est l’aspect punk du groupe. La face destroy. Le côté Pussy Galore. Ce sont des morceaux qu’on a composés instinctivement, sans réfléchir. Tous les matins on bossait dans ce climat. Pendant une demi-heure à quarante-cinq minutes, on faisait n’importe quoi. Le riff vient ou pas, peu importe. Et on chantait ce qui nous passait par la tête, dessus.

Une forme de brainstroming ?

J-J : exactement ! Et puis, parfois quand on écoute, on se dit, ouais, ça marche, t’as entendu, c’est super. Mais c’est vrai qu’il y a cette énergie Blues Explosion, en plus.
J : et puis on les a laissés, tels quels. Même les voix. On chantait, « Power of the fist ».
J-J : tout était improvisé.
J : La puissance du poing. Lors d’un sport de combat. Le morceau est sorti naturellement et on n’y a plus touché. Et souvent quand tu composes, ce sont les premiers instants, les premières prises, qui sont magiques. Ces instants de magie, on voulait vraiment les capter.
J-J : Quand tu débarques avec des morceaux construits, tu perds quelque chose au moment où tu les enregistres. Des tas de trucs s’égarent en cours de route.
J : Le studio était un laboratoire sonore. On n’avait rien écrit. Toute la journée était consacrée à la recherche sonore. Et à expérimenter. Donc là on se retrouve, on joue, on est devant l’ordinateur. On écoute ce qu’on a fait, puis finalement, on n’en isole qu’une partie. On duplique, on rejoue dessus. Et on peut même ajouter un peu de synthé. On avait plein de matos, et on s’est laissé aller. Et finalement, au bout des sessions on disposait de 40 morceaux. Il a fallu faire le tri de toute cette masse de travail, et Jérôme y a participé. On n’a jamais été aussi productifs, alors qu’on est arrivés en studio, sans rien. Jérôme a pioché dans ce répertoire et s’en est servi pour le film. Il y a même plus de musique dedans, que sur le disque. On n’est pas parvenu à tout inclure.

Vous avez eu recours à une certaine forme d’écriture automatique ?

J : si on veut !
J-J : ce n’était pas intentionnel. C’est arrivé (NDR : près de chez vous ?)

« Ultra erectus » est un titre manifestement post punk, mais on y décèle des traces de r&b. A la limite on pourrait parler de r&b post punk.

J : il me fait plutôt penser aux années 90. A fond. A Lenny Kravitz (rires)…
J-J : à cause de ce côté fusion… ce morceau est encore complètement involontaire. Il n’a pas tellement sa place hors du film, en fait. Je n’aime pas le jouer en live (NDR : les musiciens de The Scrap Dealers débarquent et on se salue…) C’est un morceau qui me fait aussi penser à « Satisfaction » des Stones (NDR : il imite le riff). Oui, c’est vrai le côté r&b, tu n’as pas tort.

« Alas alas » est un slow. Curieux quand même, cette guitare surf et ces cris d’enfants qui semblent émaner d’une cour de récréation.  

J : tout à fait. J’habite à côté d’une école. J’ai emporté mon enregistreur et puis voilà. Les paroles évoquent la relation entre un papa et son fils.
J-J: c’est inspiré d’une séquence que j’ai vue dans « Interstellar ». Qui met en scène Matthew McConaughey. Au cours de ce film, il prétend qu’il deviendra le fantôme de ses enfants. Et c’est un truc qui m’a fort marqué. Le fait de savoir que tu seras le futur fantôme de tes enfants. Cela m’a brisé le cœur. Mais finalement, c’est le contraire qui se produit. Son enfant vieillit avant lui, parce qu’il voyage dans une autre dimension, etc.

Une bonne raison pour aller voir le film ?

J-J : très spécial. Inattendu. Riche. En même temps, trash. C’est un film qui va loin. Dans les tabous. Il brise beaucoup de tabous.

C’était l’objectif ?

J : non, pas vraiment, parce que le film s’est écrit au fur et à mesure de la tournée et Jérôme nous a suivis pendant les deux ans de ce périple. Et après, on a eu besoin d’un an de montage. Un an de boulot. Ca s’est fait comme ça, parce que nous on n’est pas des acteurs et il a fallu jouer la comédie, quoi. C’est vraiment un long processus. Comme réalisateur, il a vraiment été très bon, parce qu’il a nous a pris tels qu’on étaient. Pour créer une fiction qui est ultra réaliste. Ma mère y croyait dur comme fer. Mais après l’avoir vu, elle s’est dit : ‘ce n’est pas possible, je n’ai pas enfanté un monstre pareil’. Et à la fin, un élément remet tout à plat et on en conclut : ‘OK, je me suis fait avoir’. Même si je le dis, tu te feras quand même avoir.

Ce soir, on vous a demandé de reprendre l’hymne du festival, ‘Roots & Roses’. La cover devrait être psyché/noisy, enfin dans le genre.

J-J : psyché oui… noisy, certainement.
J : chaque année les organisateurs invitent un groupe à tenter l’exercice de style, et c’est tombé sur nous. Et la version qu’on va interpréter ce soir, n’est pas vraiment celle diffusée sur Internet.

(Photo : Ludovic Vandenweghe)

 Sortie de l'album "Spit'n'Split", ce 1er mai. Et à l'achat de l'album vous disposerez d'un code pour visionner le film, une seule fois, en streaming.

 

Faon Faon

La complicité, c’est de maintenir notre vie de couple en dehors de la scène…

Écrit par

C’est dans une annexe de la Cense de Rigaux, à Frasnes-lez-Anvaing, petit bourg situé entre Ath et de Tournai, que votre serviteur et Faon Faon ont pris rendez-vous, ce jeudi 23 février.
Rien à voir avec un quelconque cervidé ! Quoique. Derrière ce patronyme cocasse, se cache Fanny Van Hammée et Olympia Boule, dont les visages de poupon me font quand même penser à deux belles biches.
En 2015, elles remportent le concours ‘Du F dans le texte’ ; ce qui va lancer leur carrière musicale. S’ensuit une ribambelle de concerts et de passages en boucle sur les ondes radiophoniques, en Belgique.
Il y a deux ans déjà, votre serviteur avait déjà pu déceler tout le potentiel qui sommeillait en elles, lors d’un show, plus amateur, accordé au LaSemo.
Aguerries depuis à la mécanique du ‘live’, elles ont donné, ce soir, un concert haut en couleur qui restera ancré dans les annales.
Il est approximativement 23 heures lorsque les filles m’accordent un peu de leur précieux temps. Encore ruisselantes de transpiration et la respiration haletante, elles vont se livrer au jeu des questions/réponses tout en soulignant le caractère intéressant de l’entretien. De quoi prendre, bien évidemment, cette réaction comme un sacré compliment !
Avant de commencer l’interview, elles remercient Musiczine d’avoir été un des premiers médias à s’intéresser à elles !

Votre première rencontre remonte à octobre 2008 lors d’une jam dans un bar d’Ixelles (le Chapitre) organisée pour l’anniversaire de Fanny ; et au cours de laquelle une affinité artistique est née. Pourtant, l’aventure de Faon Faon proprement dite n’a véritablement commencée qu’en 2014… Au vu du succès qui est le vôtre aujourd’hui, on est quand même en droit de penser qu’il est dommage d’avoir attendu aussi longtemps…

Fanny : Effectivement, nous nous sommes vues, fortuitement et pour la première fois, lors de cette jam. Et nous nous sommes retrouvées dans le cadre de l’activité professionnelle que j’exerçais à l’époque, en qualité de styliste. Olympia, quant à elle, embrassait une carrière de mannequin. Nous avons évolué toutes les deux dans la sphère de l’image et de la mode ! Nous assistions aux concerts respectifs de nos projets musicaux individuels. Et avec pas mal d’entrain. Mais, jamais, nous n’avions évoqué l’idée d’en concrétiser un en commun.

Deux nanas délurées qui chantent en français, on doit souvent vous comparer au duo Brigitte ! Alors que quatre mecs qui font du rock, rares sont les comparaisons avec les Beatles. Est-ce que cette situation vous énerve ?

Fanny : Non, elle ne nous énerve pas ; et à vrai dire, nous n’entretenons pas spécialement davantage cette ambivalence.
Olympia : Il faut rester sérieux deux minutes (elle semble s’emballer)! On ne va pas cracher sur deux femmes qui ont réussi à imposer un style ! Mais, j’estime très réducteur de comparer Faon Faon aux Brigitte. On chante en français, oui. Et alors ? En plus, les duos sont légion aujourd’hui ! Est-ce la résultante de la crise profonde que traverse la musique ? J’espère tout simplement que lorsque notre répertoire s’étoffera, cette comparaison s’effacera progressivement.

Les textes sont interprétés dans la langue de Voltaire. Pourtant, vous les abordez sous l’angle d’une certaine culture anglo-saxonne. Vous misez ainsi davantage sur le son que va procurer le mot plutôt que le message qui y est véhiculé. Est-il est plus difficile de faire sonner les mots en français qu’en anglais ?

Fanny : Chanter en français est un exercice particulièrement excitant ! Réussir à allier le son et le sens est souvent compliqué ! Comme tu l’as très bien décrit, ce qui nous emballe au départ dans le projet, ce sont les sons. Le français contient une bible de mots qui résonnent parfois de manière directe et crue ! Il s’agit de notre langue maternelle et il est de notre responsabilité de pouvoir faire concilier ces deux concepts. Pour y parvenir, il est nécessaire de se poser les bonnes questions. De quoi allons-nous parler ? Quel message souhaitons-nous transmettre ? Comment sera-t-il perçu ? Le public va-t-il le comprendre correctement ?
Olympia : En fait, il s’agit d’un véritable chalenge en soi ! Les artistes ont tendance à narrer l’histoire de manière assez conventionnelle. Nous essayons de sortir des sentiers battus ! Ici, je considère plutôt notre projet comme un tableau surréaliste !

L’une est électro, l’autre est tribale. Si vous deviez étiqueter votre musique, comment la définiriez-vous ?

Olympia : Je crois que nous cataloguer ainsi est une erreur ! Nous sommes chacune un mix des deux ! J’ai plus d’affinité avec les instruments percussifs, c’est vrai ! Fanny, quant à elle, a toujours élaboré ses maquettes sur un PC. Elle est très réceptive aux beats africains. En résumé, Faon Faon raconte une histoire récréative, émotionnelle et colorée sur fond de rythmiques et de mélodies.
Fanny : Notre musique est une invitation au voyage. Elle doit porter et nourrir, non seulement notre imaginaire, mais celui de notre public également. Tout cela, le temps d’une chanson.

Dans quel état d’esprit étiez-vous, lorsque vous avez entamé votre projet ? S’agissait-il uniquement de faire un peu de musique en dilettante ou aviez-vous déjà l’intention de devenir pros ?

Olympia : Fanny venait de perdre son job et moi, je jouais au sein d’un groupe qui était en train de s’effilocher. Franchement, faire de la musique était devenu pour nous un exutoire purement récréatif. Au fil du temps, nous commencions, l’air de rien, à étoffer un répertoire. Le public qui écoute notre CD, chante lorsque nous nous produisons sur scène ou rencontre un intérêt pour notre travail, crédibilise la carrière que nous nous efforçons de mener depuis le début. On ne peut pas y rester insensible. Il faut savoir que la mécanique de l’industrie du disque induit une pression constante. On ne crache évidemment pas dessus. Sans elle, nous ne pourrions pas exister. Mais, nous voulons à tout prix éviter qu’elle ne dénature notre joie de vivre et notre fraîcheur. C’est très compliqué au final, parce que c’est cette même mécanique qui impactera notre sphère musicale, les thèmes que nous allons aborder et inévitablement notre vision des choses. Grâce aux profits engendrés, nous pourrions obtenir plus de moyens et nous entourer d’un panel de collaborateurs toujours plus important. Mais, inutile de se précipiter ! Là, aujourd’hui, nous sommes occupés de prendre le recul nécessaire afin de voir si toute cette histoire a encore du sens pour nous ! C’est en quelque sorte le moment de la récréation !

Les événements se sont précipités pour vous ! En 2015, vous remportez le concours ‘Du F dans le texte’. Ce qui a dessiné, en quelque sorte, votre carrière musicale. Auriez-vous pu continuer à exister sans cette ouverture médiatique ?

Fanny : Jamais ! Encore, un grand merci à la Fédération Wallonie-Bruxelles et au Conseil de la Musique ! Ce concours nous a ouvert toutes les portes ! La bourse décrochée a permis le pressage de l’Ep. Se retrouver en demi finale était une surprise. Gagner a été complètement jouissif ! L’ouverture médiatique nous a permis de nous produire dans de beaux festivals comme le LaSemo ou encore Beautés Soniques. Dire qu’avant cette belle aventure, nous devions sans cesse bricoler à l’aide de bouts de ficelles…

Vous vous êtes produites en supporting act de Puggy et Jain. Une bonne expérience ?

Fanny : C’est quelque chose de très excitant ! Il y a parfois une trentaine de personnes qui oeuvrent en coulisse pour que le spectacle soit une réussite. C’est très impressionnant ! Assurer de telles premières parties est une aubaine sur le plan professionnel ! Et te permet de jauger le projet par rapport aux groupes que tu accompagnes. Mais aussi te positionner par rapport à la réceptivité d’un public qui n’est pas à priori là pour t’entendre toi en tant que tel.

Derrière, cet Ep, on retrouve du beau monde comme Anthony Sinatra et Rémy Lebbos. Quelle leçon retirez-vous de ces collaborations ?

Fanny : Nous avons rencontré Anthony Sinatra fortuitement ! A vrai dire, c’est Nicolas Renard (Manager), un ami d’Olympia, qui nous a mis en relation. Dans le milieu, il bénéficie de beaucoup de crédit ! Nous savions qu’il était capable de produire un Ep qui soit à la fois pop, frais et entraînant. 

Olympia : Concernant Rémy, l’histoire est toute autre. Nous avions déniché un ingé son, mais nous n’étions pas totalement convaincues du résultat. Un jour, par hasard, je me suis retrouvée à table, lors d’un dîner privé, en compagnie des anciens gars de Mineral. A cette occasion, j’ai entendu Lebbos parler de David Bowie. Il tenait un discours particulièrement engagé. Lorsque je lui ai parlé de notre projet, il s’est enthousiasmé rapidement. Nous avons donc enregistré dans son studio. Au-delà de l’échange humain, il a très vite cerné nos aspirations. Ce mec possède des oreilles de fou ! Il est très professionnel. Il bosse jusqu’à la perfection. Du coup, le mixage a pris nettement plus de temps que la production ! Mais peu importe puisque c’était bénéfique. Il est important de faire mûrir les choses.

C’est bien Cécile Kojima qui a réalisé l’artwork ?

Olympia : Tu est bien renseigné dis donc ! C’est une de mes plus fidèles amies ! On se connaît depuis l’âge de six ans. Elle est d’origine japonaise et je dois avouer que je développe depuis toujours une fascination profonde pour sa culture. Et son défunt père n’y est pas étranger. Cécile et moi avons suivi des études d’art appliqué, ensemble. J’ai toujours été fan de son travail. Elle développe une mécanique autour du papier découpé. Fanny est assez vite tombée sous le charme également. La collaboration s’est produite naturellement. C’est non seulement une artiste, mais aussi une plasticienne expérimentée, directrice artistique et graphiste. Réaliser la pochette de notre Ep autour d’un visuel sorti de notre imagination, était un challenge profondément ancré en nous. Philippe Braquenier, photographe, a aussi accompli un travail d’exception qui mérite d’être souligné.

En mars 2016, sur les planches de la Rotonde, vous étiez accompagnées d’un troisième larron. Il portait de grosses chaussures, des chaussettes retroussées et était vêtu d’un pantalon trop court. Ce garçon apportait vraiment un petit plus, d’un point de vue scénique et artistique. Pour quelle raison avez-vous décidé de l’engager ? Et pourquoi, n’a-t-il pas participé au set, aujourd’hui ?

Fanny : Oui, effectivement. Il s’agissait de Simon Malotaux (NDR : Le Colisée). Nous ressentions, à cette époque, le besoin d’élargir notre champ musical. L’expérience était vraiment sympathique. Rémi Rotsaert (NDR : Dalton Telegramme) s’est également prêté au jeu, en se consacrant à la gratte. Ce qui nous convient le mieux pour le moment, c’est ce duo bien spécifique. Même si pour être franche, tout gérer à deux n’est pas toujours facile. J’ajouterai que lorsque tu pratiques de l’électro, tu dois impérativement te caler sur les sons que la machine produit et ainsi, tu perds le coté organique de la musique. Pour communiquer davantage de rondeurs dans le répertoire, nous intégrons des chansons qui ont un certain groove et dans lesquelles le public peut interagir facilement, comme « La montagne », par exemple.
Olympia : Perso, j’ai un point de vue nettement plus terre à terre. C’est un métier difficile ! Il devient très compliqué de gagner sa vie par le biais de la musique. Un groupe comme Boulevard des Airs implique dix membres sur scène. Ils parviennent à subsister financièrement parce qu’ils remplissent des salles ; et puis grâce aux morceaux qui tournent en boucle à la radio. Nous n’en sommes pas encore là, malheureusement ! Mais, notre show fonctionne plutôt bien tel qu’il est et ce serait dommage de tout remettre en cause aujourd’hui.

En ‘live’, vous donnez l’impression que la musique ne suffit pas a elle-même. Est-ce la raison pour laquelle la chorégraphie y occupe une place importante ?

Fanny : Nous adorons danser toutes les deux ! C’est tout à fait naturel ! J’ai toujours adoré bouger, mais pas sur une scène (rires). Il m’a fallu pas mal de temps avant de pouvoir franchir ce pas ! L’idée était de réaliser un show à l’ancienne, en portant des costumes faits main et en proposant des chorégraphies mortelles, du style Claude François et ses Clodettes. Un spectacle à la fois ludique et jouissif !
Olympia : Claude François puisait sa source d’inspiration chez James Brown. La filiation américaine est très présente ! Nous voulions à tout prix garder notre propre identité. Lorsque tu as assisté à notre concert, à la Rotonde, en première partie d’Antoine Hénaut, j’étais assise derrière la batterie. Je suis consciente que le public a ressenti une certaine frustration parce que nous ne nous étions pas suffisamment ouverts à lui. La demande était manifeste ! Encore une fois, il n’est pas aisé de devoir gérer, à deux, non seulement la partie technique et l’instrumentation, mais aussi le visuel. En ce qui me concerne, j’ai de la chance d’avoir pu faire de la danse et des ateliers de performance. Je crois beaucoup au bienfait de la kinesthésie. Si tes gestes parviennent à véhiculer une énergie et un sentiment de bien-être, le public repartira pleinement satisfait. C’est le rôle et la responsabilité de l’artiste !

En parlant de visuel, les fringues sont-elles vraiment artisanales ?

Fanny : Nous avons imprimé la pochette de l’album en nous inspirant des vêtements choisis ce soir. C’est une manière ludique de communiquer ! Tout est fait maison effectivement, mais toujours avec le cœur et l’envie !

Pourquoi cette tresse sur la pochette du disque que l’on retrouve également dans le clip ?

Olympia : Au départ, il s’agissait juste d’un délire visuel ! Puis, cette farce nous a échappée et nous y avons trouvé du sens. Dès lors, on l’a gardée. La tresse, c’est tellement fashion (rires) !

Sur scène, vous affichez une vraie complicité. Aucune ne semble prendre le pouvoir. Cette magie fonctionne-t-elle aussi dans le processus de création ?

Olympia : La complicité, c’est de maintenir notre vie de couple en dehors de la scène (rires). Je dois t’avouer qu’il y a des hauts et des bas ! Une femme, c’est ‘casse burnes’ par définition (rires).
Fanny : Je crois que dans tous les duos, ce phénomène est récurent ! J’aime me comparer à un couple avec enfants. Parce nous ne sommes plus dans la configuration du couple tranquille. Non ! Il y a un enfant et cette situation suppose des contraintes par définition. Comment va-t-on l’habiller ? Dans quelle école va-t-on le scolariser ? Qui seront ses professeurs ? Et j’en passe ! Cet enfant, c’est Faon Faon. C’est une véritable expérience de vie ! Olympia est certes différente, mais nous restons fortement complémentaires. Mais, parfois ces énergies s’opposent ! Il paraît que c’était pareil chez Simon et Garfunkel (rires).

Vous abordez vos thématiques tantôt au premier degré comme pour « Mariage », alors que sur d’autres, il existe un vrai/faux second degré où l’imaginaire est davantage mis en exergue. Et ici, je pense surtout à « Faon sous la douche ». Dans quel style vous sentez-vous le plus à l’aise, finalement ?

Fanny : C’est une excellente question ! Pourquoi choisir au fond ? Cette chanson est davantage une blague potache ! L’humain est très complexe ! Pour reprendre un adage populaire, il y a des jours avec et des jours sans ! J’aurais tendance à dire que nous avons exploré et exploité une palette d’émotions par et pour nos compositions, sans la moindre volonté de les orienter vers telle ou telle direction ! C’est un phénomène très naturel dans la manière d’aborder le processus de création. Peut-être qu’un jour, cette chanson paraîtra décousue. Peut-être qu’aussi, nous estimerons qu’il est temps de s’autocensurer. Aujourd’hui, nous nous sentons nous-mêmes dans ce style ! Et c’est l’essentiel !

Vous abordez un peu naïvement la fonte des glaces dans « Eskimo ». Les enjeux environnementaux vous préoccupent à ce point ?

Olympia : Evidemment ! J’aimerais tant parfois être une activiste ! « Eskimo » était au départ une impro que j’avais gardée au fond d’un tiroir sans vraiment m’y intéresser ! C’est Fanny qui a insisté afin que nous exploitions cette chanson ! Nous avons donc choisi d’y poser un texte. Rien n’était calculé ! La thématique s’est imposée naturellement au fur et à mesure de la composition. Comme une évidence en quelque sorte ! J’ai étudié l’ethnomusicologique, l’anthropologie m’intéresse donc ! Tout ce qui a trait aux cultures minoritaires en voie de disparition aussi ! Donc oui, nous aimons la nature, nous en avons besoin, c’est notre source première. L’être humain a besoin de son calme et de la sérénité qu’elle apporte. Il est important de lui accorder un minimum d’attention afin de préserver cette grande dame qui est en souffrance aujourd’hui. Je considère la planète comme un corps et aujourd’hui, l’humanité toute entière est en train de lui inoculer le cancer. Elle meurt peu à peu ! C’est triste, mais tu as les cartes en main et tu peux tout à fait choisir ton camp !

Pensez-vous que vos chansons puissent prendre une dimension différente selon l’endroit où vous les jouez ? En filigrane, existe-t-il une musique pour chaque heure et chaque humeur ?

Fanny : C’est une très bonne question ! Il y a effectivement la magie du moment en live ! Le succès d’un concert dépend d’une série de facteurs externes tels que la réceptivité du public, la taille de la salle, etc. Je suis très satisfaite de notre prestation de ce soir ! Tout y était ! L’ambiance, l’acoustique et le fait que les gens chantonnaient nos chansons aussi. Du coup, ce feed-back renvoie en nous des ondes positives !
Olympia : C’est une question qui amène la notion de voyage. Lorsque tu es seul chez toi, tu as envie d’écouter des chansons en fonction de l’humeur du moment. En concert, la donne est différente ! Tu as, devant toi, un parterre d’humeurs fort différentes. La manière dont tu les agencer va complètement bouleverser ta propre vision des choses ! Durant quarante-cinq minutes, nous allons transporter le public vers des contrées lointaines. Un condensé émotionnel. Notre inspiration dépend de ce que l’on vit et on la retranscrit à travers nos compos !

Vous êtes toutes les deux des adeptes de ce que l’on pourrait appeler de musique alternative en utilisant des structures, des sons et une identité fort différents des grands formats radios. Paradoxalement, vos chansons restent assez pop et très proche du formatage radio. Est-ce une option envisageable pour l’avenir ?

Fanny : Nous aimons la musique alternative ! Nous vouons aussi une admiration sans faille pour ceux et celles qui font de la pop ! Prends par exemple, « Weekend » des Daft Punk. Cette musique est juste parfaite et intelligemment construite ! Si nous nous inscrivons plus dans le format pop, certaines de nos sonorités sont parfois issues de petits morceaux underground qui mûrissent doucement. On peut dire qu’ils viennent de loin (rires).
Olympia : « Gravité » est un morceau qui reste hors format. Il existe un semblant de structure couplet/refrain, induisant une idée de trajectoire faussement toute tracée. Les outils dont on se sert influencent énormément la finalité de la musique ! Si nous n’utilisions que des grattes, le contexte musical que nous proposerions serait tout autre, évidemment !

« Mariel » est une chanson sur l’enfance que l’on a envie de prolonger, car elle est synonyme de rêve et de pureté. Justement avez-vous l’impression d’être devenues adultes avec un regard d’enfant ou d’être restées enfant avec une contemplation d’adulte ?

Fanny : C’est très joli, ce que tu viens de dire ! Emotionnellement, il y a pas mal de choses chez moi qui se sont cristallisées. Mon passé y est pour quelque chose ! « Mariel », n’est pas qu’une chanson sur l’enfance, à mon sens. Elle véhicule un message très fort.
Olympia : Il faut entendre « Mariel » comme un témoignage du passage des étapes de la vie de l’être humain. Le temps passe inexorablement. Qui n’a jamais eu envie de le stopper, de retourner dans le passé et retrouver cette sphère sécurisante qui caractérise l’enfance ? Ce que j’aime chez eux, c’est leur capacité à rester hors du temps ! L’adulte a cette fâcheuse tendance à accorder de l’importance à des éléments qui n’en valent pas la peine !

Cali

Partager ‘ces choses défendues’… les font revivre…

Écrit par

Cali, c’est ce chanteur français au bel accent ensoleillé qui dépense une énergie folle, en ‘live’. Mais cette tournée des « Choses défendues » dévoile une autre facette de cet artiste jamais à court de ressources. Quelques jours avant d’accorder son concert au Palace d’Ath (20 avril), il a consacré quelques minutes à Musiczine, alors qu’il était sur la route, en direction de Mont-de-Marsan.

Lors de ta dernière tournée, tu te dévoiles beaucoup au travers d’anecdotes, de tranches de vie. Pourquoi avoir choisi CE moment de ta carrière pour relater ces histoires ?

Ce n’était pas vraiment prémédité de les raconter maintenant. Et pas seulement par rapport à ma carrière, c’est aussi ma vie. Dont plusieurs événements m’ont poussé à me poser un peu plus. Et puis, il existait toute une série de compos plus douces que j’avais rangées dans des tiroirs, tout au fond, là où tu ne penses jamais aller les rechercher. Et là, c’était le bon moment pour finalement les ressortir et les proposer au public. Dans mes chansons, je raconte un peu mon existence aussi. Elles en décrivent certaines étapes. Parfois, tu n’as pas forcément envie de te remémorer d’anciens souvenirs. Mais là, aujourd’hui, j’avais envie d’y revenir.

Tu supplies les jeunes de croquer dans « Les choses défendues ». Cali devient-il trop vieux pour ces interdits ou au contraire, en profiter pleinement lui confère-t-il une jeunesse éternelle?

J’aime beaucoup l’idée de jeunesse éternelle mais c’est un peu illusoire. Je crois qu’il y a un peu des deux. Le fait de partager ces choses avec les gens les rend encore vivantes. Mais à un certain moment, t’as aussi le corps qui te rappelle un peu à l’ordre.

Quand tu chantes ou lorsque tu es sur scène : c’est « La vie quoi! ». Ton énergie débordante, ta sensibilité, ton partage… Où puises-tu cette intensité?

Je ne pense pas avoir une vie plus intense que la plupart des gens. Mais je profite de ce que la vie offre. Et notamment dans ces moments sur scène, c’est le moment lui-même qui est intense et donc il faut être pleinement dans ce moment et être avec lui dans l’intensité.

On te voit moins sauter un peu partout sur les planches Est-ce que tu prends autant de plaisir pendant cette tournée un peu plus calme ou est-ce que ce fou de Cali te manque?

Non, pour l’instant ce fou de Cali ne me manque pas. Il me manquera quand cette tournée sera finie. J’aurais alors envie de repartir en compagnie du groupe ; mais pour l’instant, je suis bien dans ce format de concert. C’est autre chose, pour moi et pour le public. Ce qui me permet de revisiter et de faire revivre mes propres chansons. C’est important aussi.

Justement, quelle est la réaction du public pour ces ‘one man shows’ ?

Les retours sont très positifs. Certains me disent, par exemple, avoir impression que je chante pour eux, comme s’il n’y avait que nous. J’évoque des moments de ma vie et les gens s’identifient à ces événements.

Tu reviens en Belgique la semaine prochaine. Tu nourris un lien personnel avec notre pays, il me semble.

C’est plus qu’un lien personnel. Je me sens un peu belge. J’adore venir en Belgique. Parfois, c’est là que je m’y sens le mieux. Il y a toujours un accueil particulier pour mes chansons. Et puis, me balader dans les rues de Bruxelles ou d’Ostende, par exemple, fait vibrer en moi une corde sensible.

Tu évoques aussi les gens qui t’ont artistiquement marqué pendant tes concerts. Tu parles notamment de Ferré. Si tu devais choisir une seule oeuvre qui t’a profondément touchée, ce serait laquelle ? Qu’elle soit musicale, littéraire, cinématographique…

Une seule? Wouah, t’es dur là. Parce que je pourrais en citer plein. Mais je choisirai le « David et Goliath » de Le Caravage. Cette toile m’a bouleversée.

C’est aussi un peu la tournée des anecdotes puisque tu en racontes pas mal pendant les concerts. En as-tu déjà l’une ou l’autre récente à révéler ?

Là aussi, il y en a plein. Mais il y a quelques jours, le concert qui s’est déroulé au Temple de Mulhouse était magique. L’un des plus beaux moments de musique de ma vie. Dans ce décor sublime, il y a vraiment eu ces deux heures hors du temps. Et pour en donner une autre, dans une autre salle, quelqu’un s’est manifesté pendant mon récital. En clamant qu’il était venu pour voir un concert pop/rock et pas entendre raconter ma vie. Dans la foulée, la conversation s’engage et on échange quelques mots. Et ensuite, toutes les chansons de mon répertoire, je lui ai destinées. Aussi, le regard des spectateurs se posait constamment vers lui. Finalement, ils l’ont peut-être regardé plus que moi.

On sait que tu est également attentif à l’actualité. Quel regard portes-tu sur les présidentielles françaises qui approchent?

Elles me terrifient. Cette campagne n’est plus qu’un jeu de ‘punchlines’. On ne parle plus ni de programmes, ni des idées. C’est terrifiant !

Diablo Blvd

Un Boulevard sur le monde

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Au fil du temps, Diablo Blvd est parvenu à se hisser au rang de groupe incontournable dans l’univers du Metal, en Belgique. Actif depuis 2005 et signé dix ans plus tard chez le prestigieux label Nuclear Blast, le groupe vient d’achever l’enregistrement de son nouvel opus et s’apprête, dès le mois de septembre, à conquérir le monde. L’occasion de rencontrer son chanteur, Alex Agnew, qui prétend que le Heavy appartient à son ADN. Un passionné sans limites, dont le credo est de toujours aller plus loin. Le tout, évidemment, à la sauce rock’n’roll. Rencontre.

Le rendez-vous est fixé dans un café de Berchem, dans la périphérie d’Anvers. Le temps est typiquement belge : maussade. Accusant quelques minutes de retard, Alex Agnew finit par débarquer. Perfecto sur le dos, il porte un pull à l’effigie du band Mayhem. Il commande un thé, votre serviteur opte pour le café. L’entretien peut commencer.

Alex Agnew est une hydre à deux têtes. C’est en effet sous son masque de comédien/humoriste que l’artiste est essentiellement notoire au Nord de la Belgique. Il a ainsi rempli pas moins de neuf fois le SportPaleis d’Anvers. Outre-Senne, c’est par contre entouré des musiciens de Diablo Blvd, qu’Alex –ses lunettes noires vissées sur le nez– est le plus populaire. Deux projets couronnés de succès, qui s’entremêlent, et au milieu desquels le bekende Vlaming tente de trouver un équilibre. Il y a trois ans, il prenait un congé sabbatique dans sa carrière d’humoriste. Deux ans plus tard, Diablo Blvd publie ‘Follow the Deadlights’, le 4ème LP du groupe. Depuis 2016, il est revenu à l’avant-plan en créant un nouveau one-man show, baptisé ‘Unfinished Business’, sans pour autant laisser sa formation musicale de côté. Trois années se sont écoulées depuis la sortie du dernier opus… Et aujourd’hui, où en est-il ? « Nous avons achevé l’enregistrement d’un nouvel album. Il sortira en septembre chez Sony et dans le monde entier via Nuclear Blast ! », annonce fièrement le vocaliste.

La formation peut en effet se targuer d’être le premier band belge à être hébergé, depuis 2015, au sein de l’écurie de ce label allemand, un des plus importants et influents de la scène Metal. Cette signature avait permis au dernier elpee, ‘Follow the Deadlights’, de bénéficier a posteriori d’une ‘seconde’ vie, vu qu’il était déjà sorti quasi un an auparavant. Intitulé ‘Zero Hour’, le dernier sera donc le premier à bénéficier d’une diffusion simultanée aux quatre coins de la planète. « On a vraiment bossé dessus pendant un bout de temps, on voulait que tout soit parfait », confie le chanteur. « Avant, les seuls groupes concurrents étaient belges. Il y en a certes de très bons, mais on ne peut pas affirmer qu’il y a en ait énormément. Ici, on va directement se retrouver dans la cour des grands et rivaliser avec plus gros que nous ».

L’occasion idéale pour le quatuor d’opérer un virage dans la composition : « Je voulais quelque chose de plus sombre que dans le passé. Nous sommes toujours, bien évidemment, une formation de Metal, c’est dans notre ADN ; mais il sera désormais davantage nourri par cette vague New-Wave qui a influencé les années 80. Je pense à Type O Negative, Killing Joke, Tears for Fears ou encore Sisters of Mercy », explique-t-il. Plus sombre dans la musique, mais également plus sombre dans les paroles. Le  musicien voulait en effet retrouver davantage d’adéquation entre ses lyrics et la société telle qu’il la voit aujourd’hui. « Vu la tournure que prennent les évènements actuellement, où on parle sans cesse de revenir à un âge d’or qui n’a jamais existé, de bâtir sans cesse des murs entre les gens, je pense qu’il est temps que l’espèce humaine mue vers un être plus intelligent que nous. Un peu comme l’homme de Neandertal : on a fait notre temps, il faut à présent s’en aller, laisser la place à quelque chose de meilleur, avant de vraiment tout foutre en l’air », confie-t-il d’un ton légèrement amer.

Un nouvel opus que l’artiste qualifie également de moins commercial ; ce qui n’a pas manqué d’interpeller le label Nuclear Blast lors d’une première écoute. Le label s’attendait en effet plutôt à quelque chose qui soit dans la veine du répertoire de Volbeat. « On nous compare souvent à eux. C’est sûrement dû à la puissance de nos voix respectives. Mais je ne suis pourtant pas un grand fan de cette formation…  J’ai toujours plutôt été plus inspiré par un Danzig dans années 80. On a d’ailleurs réalisé une reprise de Samhain (NDR : « To Walk the Night »), un des groupes underground de cette époque, où chantait également le chanteur de Danzig. Je n’ai jamais prétendu vouloir ressembler à un band actuel… », déclare Alex Agnew. Un album qui se veut également plus roots, plus primitif et dès lors plus violent. « Le mixage n’est aussi plus tout à fait le même : ma voix se mêle davantage à l’ensemble, les guitares sont plus lourdes et s’est évertué à ne pas devoir les enregistrer quinze fois, afin d’obtenir le meilleur rendu. On voulait un résultat plus spontané, plus cru. Ouais… Les responsables de Nuclear Blast ont vraiment été étonnés, la première fois qu’ils l’ont entendu… », ajoute-t-il en rigolant.

Diablo Blvd, c’est aussi et avant tout une histoire d’amour pour la musique. Le patronyme de ce band a par exemple été choisi en hommage à la chanson du même nom, issue d’‘America’s Volume Dealer’, septième album long playing du combo américain de Stoner, Corrosion of Conformity. Un choix d’autant plus symbolique, suite à rencontre qui s’est produite entre les musicos et Pepper Keenan (le guitariste et chanteur de CoC), il y a quelques années, dans les coulisses de l’Ancienne Belgique. « Quelqu’un avait parlé de nous à Pepper. Il avait demandé un t-shirt et un cd du groupe ; et on est allé lui apporter. Il nous a expliqué que ‘Diablo Blvd’ vient du nom d’une rue en Californie ; ce qu’on savait déjà. Par contre, on ignorait totalement que James Hetfield (NDR : le chanteur de Metallica) habitait au coin de cette artère. Pepper nous a raconté qu’un soir, alors qu’ils se baladaient ensemble (NDR : les deux artistes sont des amis), ils sont tombés sur un panneau indiquant le nom de cette rue. Pepper a alors demandé à James s’il l’avait déjà utilisé pour une de leur chanson. Vu que ce n’était pas le cas, Pepper a alors déclaré qu’il s’en servirait pour une des siennes », raconte Alex Agnew, des étoiles dans les yeux.

L’artiste n’a jamais en effet jamais caché sa passion pour Metallica : « J’adore ! Les musiciens ont toujours eu besoin de tenter des challenges et se foutent pas mal de ce qu’on pourrait penser d’eux. On l’a bien vu lorsqu’ils ont enregistré un disque avec Lou Reed. Une telle démarche teste les limites de leurs fans… Mais qu’importe, ils l’ont fait ! Nombreux sont ceux qui considèrent Slayer comme un vrai groupe de Metal. Mais ces gars n’ont jamais pris de risques ! Et à la fin… ça peut devenir chiant ! », et d’enchaîner : « Prends maintenant ce duo avec Lady Gaga ! C’est aussi un truc bizarre, mais qui peut être intéressant ! Lady Gaga est une bonne chanteuse. Elle a une bonne voix. Une chose est sûre : s’ils partent en tournée ensemble, j’irai les voir ! », ponctue-t-il dans un éclat de rire.

Même si un prochain périple, en compagnie de Metallica, semble relever davantage de l’utopie que de la réalité, Alex Agnew reconnait que la publication prochaine de son nouvel LP, en septembre, sera certainement l’occasion d’écrire une nouvelle page dans l’histoire du band, qui sera  ponctuée par une tournée internationale. Quant à savoir qui a la préférence pour partager les planches, le souhait est empli d’espoirs de bons moments futurs. « Ce serait super intéressant de pouvoir tourner en compagnie de Ghost par exemple ou encore Gojira ou Down. Mais perso, je pense être capable tourner avec n’importe qui… », admet-il, pensif, avant d’embrayer : « Mais Killing Joke, ce serait vraiment un de mes rêves. Bon, on serait déchiré tous les soirs, mais on s’en fout ! ».

Hasard du calendrier, Channel Zero, l’autre porte-drapeau du Metal en Belgique, publiera également son nouveau long playing à la rentrée scolaire. Et ce n’est pas la première fois que les chemins de ces deux combos se croisent. On se rappellera notamment la précédente édition de ‘Music for Life’, cet évènement caritatif organisé chaque année par la radio néerlandophone Studio Brussel. « Franky (NDR : De Smet Van Damme, le vocaliste de Channel Zero) a déjà chanté avec nous ; c’était avant que Channel Zero ne se reforme, en 2009. C’était sur le toit de la Glazen Huis, à Anvers. On avait joué une reprise du ‘Sad But True’ de Metallica. Et une autre de Killing Joke, ‘Eighties’ ; Marcel Vanthilt, un présentateur de la TV néerlandophone qui avait auparavant travaillé pour MTV, était aussi de la partie », s’épanche Alex, jamais à court d’anecdotes.

Quant à imaginer une tournée belge en compagnie de ces deux formations phares du plat pays, Alex Agnew n’est en tout cas par opposé. En forme de clin d’œil, il confie d’ailleurs que de leurs derniers elpees respectifs, c’est Diablo Blvd qui en vendu le plus. « Il y a toujours eu comme une saine rivalité entre nous, afin de savoir quel LP déchirera le plus. Et cette compétition est nécessaire, c’est ce qui te fait avancer ! Tu t’obliges à toujours être le meilleur ! ».

 

Sourblast

Il ne s’agit que d’une explosion acide…

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Depuis 3 ans, Sourblast est en perpétuelle recherche. D’un son personnel. D’une homogénéité au sein du groupe. Il semble donc avoir trouvé sa voie et devrait sortir, au cours de cette année, son premier album. Ce qui ne l’empêchera pas de se produire sur les planches, là où depuis ses débuts, il met littéralement le feu. En proposant un Heavy-Stoner-Rock pur jus. Il était donc judicieux de prendre le pouls auprès de ce quatuor bruxellois. Rencontre. 

En 2014, vous avez gravé votre premier disque. Un Ep quatre titres. Il vous a donc fallu trois longues années avant de vous décider à publier un premier opus. Quand sortira-t-il ? A quoi doit-on s’attendre ? Quel a été votre parcours, tout au long de cette période de transition ?

En fait, nous avons écumé les concerts pendant toute cette période, afin de défendre notre premier Ep. Dans l’intervalle, le line up a changé, avant d’atteindre aujourd’hui, sa forme actuelle et définitive. Nous voulions vraiment nous poser afin de repartir sur des bases solides, en compagnie de musiciens qui se comprennent, s’entendent le mieux possible, tant sur scène que dans la vie quotidienne. Et c’est alors qu’on a entamé, il y a quelques mois, l’enregistrement de notre premier LP, au 6th Sense Sound, un studio géré par Tom (NDR : le bassiste) et André (NDR : cet ex-guitariste du band est devenu aujourd’hui leur ingénieur du son). Sans être pressé par une quelconque ‘dead line’, nous avons réalisé un album sans compromis, qui nous ressemble, et dont nous serons tous fiers en définitive. Nous ne souhaitions plus bricoler une énième démo au sein d’un garage ou dans un local de répétition. Nous voulions que cette nouvelle étape nous permette de se doter d’une véritable identité. N’y mettre que le meilleur de nous-mêmes. Le premier single paraîtra entre avril et mai de cette année. Il sera suivi, dans quelques mois, de l’album, qui sera disponible en versions vinyle et numérique.

Quelle est l’origine du patronyme Sourblast ?

Dès le départ, nous briguions un nom qui claque. Qui soit bref, explosif et précis, à la fois. On l’a choisi à l’issue d’un exercice de brainstorming. Pas la peine d’y déceler une quelconque explication mystique. Il ne s’agit que d’une explosion acide !

Sourblast réunit des musiciens qui jouissent d’une belle expérience ‘live’, acquise antérieurement. Comment est née cette nouvelle aventure ? 

Son histoire remonte à quelques années. Fred (guitare et chant) et Geoffrey (batterie) sont des amis de longue date. Ils aspiraient à jouer ensemble, depuis pas mal de temps ; un vœu réfréné par leurs implications au sein de formations différentes. Finalement, ils ont décidé de les quitter afin de créer un projet commun ; un concept qu’ils ne retrouvaient pas chez leurs bands respectifs. Un peu plus tard, Terry (guitare) et Tom (basse) ont rejoint le line up. L’histoire de Sourblast venait de commencer.

Quand on écoute la musique de Sourblast, on ne peut s’empêcher de penser à Down, Kyuss ou encore Baroness. Ce sont vos sources majeures d’inspiration ?

On ne peut nier ces références. C’est une évidence. Pourtant, chaque membre possède ses propres influences ; ce qui, inévitablement est répercuté lors de la composition des morceaux. Mais nous essayons ensuite d’épurer le tout, le mieux possible, afin qu’au final la compo soit considérée comme du Sourblast pur jus, et pas la copie de tel ou tel groupe. Mais bon, on ne peut cacher nos sources d’inspiration. C’est-à-dire Baroness, Alice In Chains, Stone Temple Pilots, Mastodon ou Creed… Enfin, notamment...

Quel est le processus d’écriture au sein de l’équipe ?

En général, c’est le chanteur/guitariste (Fred) qui trace la ligne de conduite. Il amène une idée, un riff voire un morceau complet. Il soumet ensuite la démo aux autres. Puis on retravaille la compo, de manière à ce qu’elle agrée tout le monde. Fred se charge également des lyrics. Il y raconte ses expériences, son vécu, son appréhension de la vie sentimentale et des relations humaines en général. Il pose un regard perplexe sur la société contemporaine.

Toutes proportions gardées, il faut admettre que le Stoner est devenu, au cours de ces dernières années, un genre musical à la mode, dans l’univers du Metal. Bon nombre de groupes se revendiquent du Stoner et l’adaptent à leur sauce. Dans ce contexte, pas facile de se forger une identité personnelle ?

En fait, l’identité de Sourblast dépend d’un son : épais, caractérisé par une rythmique lourde, puissante et agressive et couplée à guitares ultra mélodiques. Nous sommes, et ce n’est pas récent, devenus des acheteurs compulsifs d'amplis, de guitares et de batteries. Ce qui nous permet de disposer d’une palette sonore assez riche… même si c’est au détriment de notre portefeuille ! On travaille aussi nos compositions afin qu’elles soient ‘catchy’, mais en les abordant dans un esprit très pop. Ce qui crée un mélange hybride, une forme de Heavy rock/Stoner qui soit très susceptible de plaire au mélomane lambda.

En 2016, vous avez participé aux ‘Tremplin Durbuy Rock’. Ce genre de concours est-il idéal pour se révéler, en Belgique ?

C’est indéniablement un fameux soutien ! Pour un jeune groupe qui souhaite participer à des festivals de taille respectable, ces tremplins constituent évidemment une vitrine assez intéressante. De plus, les jurys réunissent souvent des professionnels du métier. Capables de remarquer une formation qui se détache du lot, ils leur proposent souvent, par la suite, des collaborations intéressantes. Bref, c’est toujours bénéfique à tous points de vue !

Nous sommes à la fin du mois de mars et la saison des festivals commence petit à petit à approcher… avez-vous des projets pour cet été ?

Pour le moment, on se concentre à 200% sur la sortie de notre album. Nous avons néanmoins déjà tourné le clip du premier single (« Memories »), qui devrait sortir entre avril et mai. On va ensuite faire un maximum de dates afin de promouvoir l'album. Mais en attendant, nous continuons à travailler main dans la main avec notre manager, pour rôder au mieux possible notre set live. Nous n’avons qu’un seul but en tête : que chaque concert de Sourblast laisse une trace indélébile dans la mémoire du public !

Entretien réalisé par e-mail, le 27 mars 2017

 

Silence is the Enemy

La passivité est un silence assourdissant

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Actif depuis maintenant sept ans, Silence is the Enemy est parvenu progressivement à se forger une place au sein du paysage belge des musiques dites extrêmes. Mais également à imposer son Fusion Groove Metalcore en mélangeant autant les parcours de ses musiciens que les influences sonores. Après avoir gravi la seconde marche du podium du Loud Program, le quintet bruxellois continue son ascension, poursuivant la marche en soutenant toujours le même dessein : se faire entendre.

« Silence is The Enemy », c’est le titre d’une composition de Papa Roach, mais aussi de Green Day. Vous l’avez choisie comme patronyme. Pourquoi ?

En fait, il date de la naissance du groupe, lors du premier line up, soit vers 2010. A l’époque, l’idée était assez directe : on écrivait des textes qui véhiculaient des messages socialement engagés. Ce côté un peu militant –Voice of the Voiceless– était destiné à inciter les gens à ouvrir les yeux sur des phénomènes de société discutables. Silence Is The Enemy était, pour nous, à la fois accrocheur et évocateur. Ce qui nous a tout de suite bien plu ! Maintenant, au fil du temps, nos thématiques sont devenues plus matures et originales. Notre état d’esprit est moins révolté contre le système. Mais bon, la notoriété du groupe a fait son chemin et le nom est resté. Et donc, non, aucun lien ni avec Papa Roach, ni Green Day !

En octobre 2016, vous avez publié votre premier Ep cinq titres, « The Call ». Apparemment, il y a un concept derrière ce disque…

Après avoir sorti notre maxi single « Ghost », en 2015, on a cherché à développer une identité créative plus forte en créant un univers musical et visuel bien personnel. « The Call », c’est un peu notre ‘call’ : regardez et écoutez maintenant ce vers quoi Silence is the Enemy s’oriente pour la suite. Un peu comme un manifeste, un épisode pilote.

Avez-vous écrit de nouvelles compos ? Et si oui, avez-vous l’intention d’entrer en studio pour les enregistrer ?

On est en plein dedans, en effet! De nouveaux morceaux sont en cours d’écriture. Nous sommes très enthousiastes car on a l’impression d’avoir atteint notre rythme de croisière.

En digérant vos influences ?

L’écriture de « The Call » avait été, quelque peu, un exercice de funambule, où il avait fallu trouver un équilibre entre toutes nos influences. Elles sont nombreuses et, par la force des choses, très hétérogènes. Chaque membre du groupe pourrait donner une réponse différente! Là où l’un citerait Gojira ou Lamb of God, un autre mentionnerait Mastodon et un dernier évoquerait Dark Tranquillity et Soilwork! Maintenant, comme nous avons trouvé la formule qui nous plaît, tout avance beaucoup plus vite.

La base Metalcore de Silence is the Enemy est indéniable. Vous y greffez des touches de Death mélodique, le tout dans une ambiance condensée, voire oppressante. Mais comment décririez-vous votre musique ?

Ce qu’on veut faire ressentir à l’écoute de « The Call », c’est le contraste entre des moments lourds, oppressants, sombres, et des épisodes plus aériens, mystiques et lyriques. La base musicale est effectivement le Metalcore/Death mélodique, dont on apprécie la puissance et la musicalité ; mais on va ensuite puiser dans différents genres pour véhiculer les émotions que nous souhaitons. On a donc intégré, ça et là, des touches de Sludge, de Groove, de Black Metal, de Stoner, de Prog et de Psyché. Afin d’obtenir une musique dynamique et contrastée, des compositions où il se passe quelque chose, où l’auditeur voyage en notre compagnie. En tout cas, de notre côté, on n’a pas envie de se contenter de répondre aux codes du Metalcore. C’est pourquoi on a décidé, dès le départ, de ne se fixer aucune limite en matière d’inspiration lors de l’écriture. Après… c’est très difficile de résumer le tout en quelques mots sans participer à l’inflation des sous-genres dans le Metal ! Si on veut vraiment être précis, on peut affirmer qu’on joue du ‘Fusion Groove Metalcore’.

Silence is the Enemy, c’est aussi la rencontre entre musiciens issus d’horizons différents. Mais qui apporte quoi ?

C’est précisément grâce à cette diversité d’horizons qu’on arrive à puiser nos sources de tous les côtés afin de créer notre propre son. Nous partageons tous une culture Metal. Elle nous réunit. Mais on a également écouté des sous-genres différents dans nos jeunesses respectives. Silence is the Enemy est au carrefour de tous ces parcours. Concrètement, François (chant) amène une touche Punk/Metalcore, André (guitare) un côté Prog/Groove, Thomas (basse) les aspects Stoner et Clément (guitare), la nuance Death mélodique/Black Metal. 

En 2015, vous figuriez parmi les quatre finalistes du Loud Program (NDR : un dispositif d’accompagnement de groupes de la scène rock dur et métal issus de la Fédération Wallonie-Bruxelles mis en place avec la collaboration du Magasin 4, de l’Entrepôt, de l’Atelier Rock et de l’Alhambra), vous permettant alors de vous produire sur les planches du Botanique et du Festival de Dour. Ce concours vous a-t-il servi de tremplin ?

Oui, c’est en effet vraiment grâce au Loud Program que le groupe a atteint les premiers paliers. Ce qui a débouché sur des contacts avec Court-Circuit, les salles du Botanique et de l’Alhambra. On a aussi rencontré Chris Michez (NDR : chanteur du groupe montois de Hardcore, Do or Die) qui a été notre coach pendant cette période. En très peu de temps, on a accumulé une grosse expérience. La formation a donc réalisé un énorme bond en avant à la fin de l’année 2015. S’en sont suivies des prestations au Durbuy Rock et au Dour Festival en 2016, et on voit maintenant que les événements ne sont pas prêts de s’arrêter!

Au début de cette année, Wolves Scream et Reach The Shore lançaient un concours dont le vainqueur assurera leur première partie à l’Ancienne Belgique. Sur six candidats finaux, vous êtes malheureusement arrivés seconds. Pas trop déçus ?

Un peu déçus, évidemment, vu que ce sera une superbe date ! Et la perspective de partager cette scène avec Wolves Scream et Reach The Shore –des amis, il faut le souligner– était vraiment belle. Mais ce sont les règles du jeu et on arrive juste sur la deuxième marche du podium ; ce qui nous donne juste envie de bosser encore plus! En prenant du recul, cette compétition a été une chouette expérience pour nous : on était ravi de voir tout ce support, toutes ces personnes qui nous ont soutenus tout au long des épreuves. On s’en est certainement sorti grandi. Et puis, le 18 mars prochain, nous serons présents afin d’assister aux prestations de ces deux excellents groupes qui se produiront pour leur double release party. On invite d’ailleurs tout le monde à faire de même. La soirée s’annonce énorme! Quant à nous, ce sera pour la prochaine fois : au rythme où les choses avancent, on finira bien par faire l’Ancienne Belgique, tôt ou tard!

Des concerts sont prévus dans un futur proche ? Et lors des festivals d’été ?

On a repris la route du local de répétition pour rôder notre set live et on démarre les hostilités le 5 mai au Klinker, à Aarschot, en ouverture de Darkest Hour. C’est également une grosse date pour nous. Et là, pour l’instant, on démarche afin de dénicher des contrats à partir de début mai. On se tient en même temps disponible auprès des salles et programmateurs qui voudraient nous booker. On vient d’intégrer le catalogue du Programme Rock de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; ce qui devrait nous filer un sérieux coup de boost !

En cette période d’anxiété, de peurs et voire même de paranoïas, tout en se référant au nom du groupe, est-ce que le silence est vraiment un ennemi ? Pour reprendre l’expression connue : le silence des pantoufles est-il plus dangereux que le bruit des bottes ?

Forcément, c’est dans l’air depuis un an. On a d’abord eu les attentats, le radicalisme, l’exclusion, et puis récemment les dérives politiques, la corruption, les scandales à répétition… Ce sont des événements dont il faut parler. Laisser le silence s’installer, c’est abandonner la parole à celles et ceux qui l’ouvrent le plus fort. Et ceux-là ont rarement les avis les plus nuancés... Maintenant, il faut lancer un véritable débat et permettre de vraies discussions avec les gens. Ces phénomènes font peut-être beaucoup de bruit virtuel et excitent tous les Keyboard Warriors de Twitter et Facebook qui s’évertuent à balancer de grands coups de post chocs du style ‘ouvrez les yeux’ ; mais ces déclarations se perdent entre des petites annonces pour guitare et des photos de vacances. C’est le vrai silence, celui de la vraie vie, qui est assourdissant… Après, rompre le silence, ne se limite pas seulement à un idéalisme politique et social. Cette attitude implique un engagement concret dans la vie quotidienne, à titre individuel. Certains vivent dans l’angoisse ou la censure permanente, sont harcelés au travail, malmenés par leur conjoint, victimes d’injustices… et eux aussi auraient besoin de cette prise de parole, besoin d’être entendus. Là aussi le silence est clairement l’ennemi…

Dario Mars

Un discours tranchant… comme une guillotine…

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Renaud Mayeur a donc monté un nouveau projet, Dario Mars & The Guillotines. Une formation responsable de deux albums, à ce jour. Le premier, ‘Black soul’ est paru en 2013, et le second, ‘The last soap bubble crash’, l’an dernier. Un disque fort intéressant dans un style qu’une certaine critique musicale a qualifié de spaghetti-western-voodoo-garage. Avant de se lancer dans cette nouvelle aventure, il avait notamment drivé les Anges et Hulk, et sévi, début de ce millénaire, chez La Muerte ; mais s’est surtout illustré par ses bandes originales de films, dont celle qu’il a composée pour ‘Eldorado’ de Bouli Lanners.

Si les B.O. de films et tout particulièrement celles destinées aux westerns constitue ses principales sources d’inspiration –pensez à Sergio Leone et Ennio Morricone– on se demande quand même si cette fascination n’est pas née au cours de son enfance, quand il regardait la TV. La réponse fuse : « Evidemment. Et tout particulièrement les séries. Même les beats de batterie et les accords de guitare wah wah. Il y avait des bandes-son de haut vol. Bizarroïdes, expérimentales, fabuleuses même. On était particulièrement gâtés. Pense à ‘Starsky et Hutch’, ‘Mannix’ ou ‘Colombo’ ; enfin au début, avant que les épisodes ne passionnent plus que les mémères. C’est ainsi qu’on a été initiés au jazz, au funk, à la soul motown. Bon, les séries étaient des conneries sans nom, mais elles collaient aux seventies. ‘Le prisonnier’ et ‘Chapeau melon et bottes de cuir’ étaient certainement plus élaborés. C’est vrai. Dans cette dernière série, les prises de vue sont d’ailleurs de l’art. J’ai été biberonné à ça, ainsi qu’aux westerns spaghetti. Et pas seulement. Au films cultes, comme ceux de John Ford. » Oui, mais comment est-t-il parvenu à se faire une place comme compositeur de musiques de film. De nombreux artistes ont déjà émis ce souhait. Et très souvent sans qu’on leur accorde la moindre chance. Rappelons quand même qu’il en a réalisé également pour François Pirot, Hubert Gillet, Matthieu Donck et Marc des Marais (NDR : c’est le chanteur de La Muerte). Serait-ce dû aux bonnes relations, à un bon filon ou son job au départ ? Il rétorque : « Ah non, ce n’est pas mon job au départ. C’est le fruit du hasard. Notre manager était alors Bernard Carapelle, alias ‘Sourire’. C’est un Liégeois d’origine sicilienne. Mais aussi un bon pote de Lanners. On venait de sortir un album des Anges. Il avait amené Bouli pour assister à un de nos concerts. Bouli a entendu un morceau intitulé ‘Vendetta’. C’est une compo très western. Entre du Morricone et du Black Sabbath. J’ai toujours estimé qu’il y avait des traces de western dans la musique de cette formation. Bouli souhaitait ce morceau pour son film. Ensuite, il m’a demandé si j’avais d’autres trucs qui pourraient correspondre à ses aspirations. Parce qu’au départ, il avait sollicité An Pierlé pour cette tâche ; mais le deal n’a pas fonctionné. Il a donc conclu que si j’avais du matos, je pouvais foncer. Et c’est ce que j’ai fait. Il était content. Et le film a eu du succès. En outre, la B.O. a été appréciée. Ce qui m’a permis de contracter directement deux films. Dont ‘Dans tes bras’ d’Hubert Gillet. C’est un drame qui met en scène Michèle Laroque. Soit (rires). Michèle Laroque dans un film dramatique (rires) ! Contre-emploi. Et puis la suite s’est enchaînée. Pour moi, c’était un rêve. J’avais déjà envoyé pas mal de démos de musiques de films, au cours des années 90. Mais je n’avais jamais reçu l’ombre d’un retour. Pourtant, j’avais remarqué que souvent, les boîtes de production s’intéressaient aux artistes émergents. A mon avis, c’est parce qu’elles cherchent à toucher un public alternatif. Tu vois, quand un groupe sort un album, elles s’interrogent… Et comme la presse consacrait pas mal d’articles aux Anges, elles ont voulu faire d’une pierre deux coups. ‘On va prendre ce gars, car il vient de sortir un album. Ce qui risque de ramener du monde. Ca c’est bien mi…’ (rires) Et puis j’ai probablement aussi un don, dans ce domaine. Mais ne n’est pas toujours facile. Je me souviens avoir dû réaliser une bande sonore pour François Damiens qui apprenait la mort de son père. Et qui doit vite tourner la page. Délicat ! Heureusement, dans ce genre de situation, je parviens quand même à me débrouiller ».

Mais pourquoi avoir choisi comme patronyme Dario Mars & The Guillotines ? Il s’explique : « Pour lui donner un visage cinématographique. Evocateur, en même temps. Dario affiche un côté latin. Comme la musique proposée. Je suis un fan de Morricone. De de Roubaix. De Balamenti. J’ai une culture européenne. J’aime le flamenco, la musique balkanique, roumaine grecque, etc. Mars symbolise le côté cosmique. Et Guillotines souligne l’aspect tranchant (il joint le geste à la parole). Ce n’est pas un nom de groupe classique. Mais tout évolue si vite. L’esthétique et les codes changent. Et c’est bien. C’est un peu comme chez les bluesmen. C’est la touche ‘revival’. Et puis, c’était vraiment chouette qu’il sonne comme un titre de film. Enfin, j’avais besoin d’un pseudo pour déposer mes oeuvres. Notamment pour les B.O. de films ». Le long playing s’achève par une reprise étonnante du ‘I Wanna be loved by you’, une chanson popularisée par Marilyn Monroe (NDR : composée par Herbert Stothart et Harry Ruby, sur des textes de Bert Kalmar) dans le long métrage ‘Les hommes l’aiment chaud’ de Billy Wilder. Alors, toujours cette référence au cinéma ? « C’est toujours cette référence au cinéma, mais dans ce cas particulier, il s’agit d’une projection de ce à quoi la vie de Norma Jean ressemblait. La Marilyn démaquillée et malheureuse qui épanche toute sa solitude et sa tristesse, en chantant la version de sa propre existence. Qui n’était pas aussi glamour que ce qu’on aurait pu croire. Loin de là ! C’est aussi une critique du ‘star system’ et tout ce qu’il charrie. C’était une mangeuse d’hommes. Qui courait d’une relation à l’autre. Elle recherchait peut-être le clone de son père. C’est pas très jojo tout ça ». Paradoxe, mais la musique de Mario Mars & The Guillotines a beau tremper dans le cinéma, on ne peut pas dire que la toile regorge de clips cinématiques qui colleraient parfaitement aux ambiances des compositions. Il y a bien ‘Cold sun’, mais pour le reste, on reste sur sa faim. Un manque de moyens ? Pas le temps ? Ou pas envie ? « C’est un manque de moyens bien sûr. Jusqu’à présent, on est resté dans un cadre basique. On a bricolé, travaillé avec des bouts de ficelle. Parce que dans ce domaine, j’ai d’autres ambitions. Bien sûr, la musique se suffit à elle-même, mais bon on travaille aussi sur l’image. Clairement. Il est vrai que ce qu’on fait est un peu un suicide commercial. Maintenant, on a pu signer sur un chouette label. On a un manager. Les choses vont mieux, donc on va pouvoir mettre la gomme. Mais le clip dont tu parles nous a quand même coûté entre 300 et 500€. Et on a payé l’album comme on pouvait… » 

Renaud a remplacé quelque temps Paul Van Bruystegem, le bassiste de Triggerfinger. Qu’a-t-il retiré de cette expérience ? « C’est relativement un bon souvenir. Les musiciens sont chouettes ; mais c’est en compagnie de Paul que je me suis le mieux entendu. Mais dommage qu’il n’était pas là (rires). J’ai appris énormément auprès d’eux. Au niveau de la rigueur. De l’assurance. Il n’y a pas de place laissée au hasard. Et puis, ce sont des ‘sound designers’, si on peut dire. Tout est calculé. Et le son est nickel. Ils m’ont aussi permis de progresser au niveau de la performance live. Qu’ils veulent irréprochable. C’est leur réputation. Ils peuvent tenir 1h30, 2 heures, 2 heures et demie et même plus. En concert, ils sont capables de capter l’attention des derniers rangs, en les interpellant. Mais leur réussite, ils l’ont obtenue à la sueur de leur front. Ils ont écumé les salles. C’est éminemment respectable. Il y a eu ce coup de pouce de cette reprise, qui n’est pas leur meilleur morceau (NDR : ‘I follow rivers’ de Lykke Li). Mais peu importe le flacon… (rires) Enfin, il était vraiment intéressant de jouer en phase avec Mario (NDR : Goossens). C’est un tueur à la batterie. Etre soutenu par son drumming, c’est fantastique. Et puis c’est un mec qui veut réussir. Il n’est pas là pour rigoler, ni pour faire la fête. »

Lorsque La Muerte s’est reformé, pourquoi notre interlocuteur n’a-t-il pas été sollicité pour reprendre du service ? « Didier avait envie de faire quelque chose de plus brutal. Le line up est très métal d’ailleurs. Il n’existe plus, dans cette musique, ce côté garage, déjanté, à la Nick Cave, même… C’est devenu de la boucherie, quoi ! Il est vrai que cette démarche féroce a toujours existé chez La Muerte. En même temps, pour parvenir à reproduire ce feeling sur les planches, il fallait des mecs qui aient encore ce feu intérieur. Vu mes visions parfois atmosphériques, je ne correspondais plus à ce profil… » Mais quels contacts a-t-il encore avec les autres musiciens des Anges et de Hulk ? « Sandra (NDR : Hagenaar, la claviériste, une véritable furie en ‘live’, qui a également milité chez 50 Foot Combo) est toujours une amie. Les autres sont restés des collègues de travail. Non, je n’ai plus trop de contacts. Et l’histoire s’est assez mal terminée. On a passé 8 ans ensemble. Mais il y a eu du contentieux. Il y avait des divergences d’opinion…. » Notamment entre Renaud et Giacomo (NDR : alors drummer et devenu le chanteur au sein de Romano Nervoso). Il s’épanche : « À l’époque, il était fan de grunge. De Pearl Jam, de Nirvana. Et ce genre de saloperies. Et ça passait assez mal entre nous. Je n’encaisse pas du tout ce genre. On s’est souvent pris le chou à ce sujet. Maintenant, il a changé de registre. Il a remplacé sa collection de disques. Et sa panoplie vestimentaire. Grand bien lui fasse. Bon maintenant, je ne suis pas sûr que ce soit également un bon choix. On se prenait beaucoup la tête sur la direction musicale à emprunter. D’autant plus que je m’occupais intégralement de la composition… »

C’est un peu une mode aujourd’hui, les musiciens participent à différents projets. Et tout particulièrement David Kostman, le nouveau bassiste, notamment impliqué chez Jane Doe & the Black Bourgeoises. « Et aussi King Child. Faut dire qu’il est considéré comme un mercenaire, tant il a collaboré à de nombreux projets. Parce qu’il est extrêmement compétent. C’est un excellent musicien. Compositeur. Arrangeur. Etc. Mais comme il le dit lui-même, il n’est spécialiste dans rien. Sinon en musique classique et en jazz. Il a fait le conservatoire. Puis l’école de jazz à Anvers. C’est une brute épaisse. Il arrive à donner de la profondeur à ce que je fais. Par les arrangements, les accords et la composition. Car il compose aussi. Il a pris part à 25% de l’écriture dans cet album… » Ex-Flying Superckick, Vincenzo Capizzi a été remplacé. Il confirme : « On a engagé quelqu’un d’autre. Pour des raisons que je n’ai pas envie d’approfondir. Mais il continue son parcours, de son côté. On a recruté un Hollandais, Barry van Esbroek, dont la culture musicale est formidable. Il connaît tous ses classiques. Il est capable de jouer des shuffle blues texans, du Chicago blues, du surf, du r&b. Nous sommes un peu les deux rockers dans l’âme, alors que David apporte une touche plus musicale, plus classique. Pas dans le sens symphonique, hein ! Ainsi il a la faculté de déterminer à quel endroit il faut placer un septième ou une quinte… »

‘The last soap bubble crash’, c’est le titre du nouvel opus. Serait-ce une critique formulée à l’égard de ceux qui se contentent de vampiriser les légendes du rock ? (NDR : il semble surpris par la question). « Non, c’est plutôt une métaphore sur les illusions qui se cassent la gueule. Tout simplement. Pourquoi me poses-tu cette question ? » Parce qu’en lisant une de tes interviews, tu fustigeais les artistes qui se contentaient de reproduire ce que font leurs idoles ! « Oui, c’est agaçant. Ca va mourir ! Eddie Cochran était constamment en recherche. Il mettait des micros sur sa gratte, les changeait. Chuck Berry aussi. Les Stranglers également (NDR : on y reviendra). Même MC 5 qui a mixé du jazz, du rock, de la soul et du punk. Si on se contente de tirer un polaroid de ce que les mecs ont fait après avoir cherché, c’est leur recherche qu’il faut aussi admirer. Une façon de faire. Oui ça m’agace religieusement de voir qu’on change de panoplie tout simplement pour adopter tous les codes d’un style musical. On en est au sixième revival du hard rock, après Airbourne. Nashville Pussy en est encore un mauvais exemple. Il y en a d’autres, bien évidemment. Et bien à un moment, ça suffit. Cela en devient grotesque. C’est la raison pour laquelle le rock se meurt. Parce qu’il n’y a plus aucune prise de risques. A ses débuts, Black Sabbath avait été descendu en flammes. Les critiques les plus virulentes disaient que c’était de la merde. Et pourtant ! Même Bon Scott chez AC/DC a été critiqué. Cette rythmique en béton sur ces accords ouverts blues a été refait 3 milliards de fois ; mais au départ, c’était nouveau, hein ! Et ce n’est pas une évidence à les reproduire. Avant, cette forme de disco-hard-blues n’existait pas. Mais il y avait Humble Pie et Grand Funk. La manière de chanter de Muddy Waters a été recopiée à l’infini par des centaines de groupes. C’est chiant bordel de m*****. C’est à se flinguer. Bon maintenant, le but n’est pas de plaire à tout le monde. Mon bassiste et moi avons conclu qu’après avoir réalisé ce qu’on voulait, on pouvait mourir. Je ne prétends pas que ce que nous faisons est extrêmement audacieux, mais on a tenté quelque chose, on a mélangé des éléments qu’on aimait le plus. Quitte à parfois se mettre en difficulté. Comme par exemple en intégrant le concept de la musique de film… »

On en vient donc aux Stranglers, formation dont il est un fan inconditionnel. « Oui, c’est vrai ». Pourtant, après le départ de Hugh Cornwell l’étoile du groupe a pâli. « Tout à fait ! Mais c’est un des groupes qui me comblent. Et il me comble toujours. Sa musique n’a pas pris une ride. Ecouter ‘The Raven’ ou ‘La folie’ est un pur bonheur. Tout au long ce dernier album, les textes sont mi-déclamés, mi-chantés. Les arrangements sont superbes ! La créativité est omniprésente et le spectre sonore, ample. C’est ce qui m’inspire. C’est un groupe punk classieux. Comme The Damned. Ou MC5. Pas une caricature. Il y a une classe aussi dans le rock’n’roll. Le rock’n’roll, ce n’est pas que se droguer parce qu’il faut se droguer. Etre drogué et faire semblant de boire du whiskey. Et beugler dans un micro ‘one-two-three-four’. Ca ne suffit pas. Les Ramones le faisaient, mais c’était eux. Je n’ai jamais été un grand fan des Ramones. Ni du punk bourrin rigolo. Je n’ai jamais d’ailleurs trouvé que les mots rock’n’roll et bourrin étaient conciliables ».   

Du garage, on en trouve à tous les étages, dans toute l’histoire du rock’n’roll. Depuis les 60’s (NDR : les compiles Peebles et Nuggets en sont de formidables témoignages ; pensez aux Sonics, Standells, Strangeloves, Seeds et 16th Floor Elevators) jusqu’au nouveau millénaire (Hives, Strokes, The Jim Jones Revue, The Jon Spencer Blues Explosion), en passant par des mythes comme les Fleshtones, les Cramps et les Fuzztones. Et la liste est loin d’être exhaustive. Et ce sujet semble passionner Renaud. « Les Fuzztones ? Ce n’est pas trop ma tasse de thé. Ils se contentent de passer en revue toute une panoplie de références. Je préfère les Saints. Et puis les Nomads et les Cramps. J’en suis fan. Sans oublier les incontournables Stooges. Ouais. J’aime moins ces groupes contemporains. Certainement pas les Hives. C’est du pillage d’attitude. Quoique efficaces, leurs compos sont bateau. Formatées radio. Jon Spencer ? Sa musique est indigeste. J’adore sa voix, mais je préfère son Heavy Trash. C’est extrêmement organique et authentique. Par contre, Gluecifer a d’excellentes compos et parvient à injecter une énergie 2000. En remontant aux sources, les Sonics, 16th Floor Elevators, Electric Prunes, The Music Machine ; autant que tu veux… Mais le revival me dérange un peu. Quand tu empruntes aux sources, tu dois amener quelque chose de neuf. Les Nomads l’ont fait en leur temps. Un p***** de bon groupe qui a écrit de très bonnes compos. DMZ, il ne faut pas l’oublier. Et puis The Lords of The New Church. ‘Russian roulette’, c’est un p***** de bon morceau. Et ses albums sont vraiment remarquables. Quand tu t’inspires du garage, tu ne dois pas rester calé au revival ; il faut faire mieux. Faire juste pareil, bof ! Faire mieux, c'est-à-dire faire de bonnes chansons et avoir un son qui est de ton époque. Un petit quelque chose en plus quoi ». 

Lors des sessions d’enregistrement, il n’est pas rare que l’on utilise le re-recording. Notamment pour la guitare. Est-ce le cas ? « Non, non, il n’y a qu’une guitare sur l’album. Parfois deux, mais rarement. En règle générale et plus précisément dans 90% des cas, il y a une guitare, basse, batterie. Pas de deuxième gratte. Je laisse ça à Metallica (rires). » Ce qui permet d’aborder le sujet de ses maîtres dans ce domaine. « Mes deux préférés sont Wayne Kramer (MC5) et Joe Perry (Aerosmith). Jimmy Page est génial, mais il est trop bavard. Hugh Cornwell, bien sûr. Il joue très intelligemment, sans jamais se mettre en valeur. Sans éruption. Ses interventions sont très jazz aussi. Il dessine de très beaux thèmes, de très belles suites d’accords. Je citerai également Tommy Iommi, surtout pour ses riffs, Angus Young, Jimi Hendrix, Pete Townsend, Link Wray, Dick Dale, Nick Gray, Joe Perry et hors catégorie, Brian Setzer. Scotty Moore et Chuck Berry encore. Pour la couleur. Mais là on se réfère plutôt aux 50’s. »

Renaud semble un peu mitigé au sujet de Led Zeppelin. Et pourtant, sur son elpee, on retrouve parfois un groove qui véhicule des accents similaires. Il confesse : « Oui, bien sûr. J’assume. J’aime bien Led Zeppelin. Mais j’aurais préféré que le chanteur soit celui des Small Faces et d’Humble Pie… » Steve Marriott ? « Oui, effectivement. D’ailleurs Robert Plant a tout piqué à Marriott. Il chante de la même façon. Ou Bon Scott. Je n’aime pas Plant. Il me casse les burnes. J’aime bien quand il chante medium. Mais quand sa voix est maniérée, elle m’irrite. Bien évidemment, l’ossature basse/guitare/batterie de Led Zeppelin est phénoménale. Surtout lors des éruptions, des moments de bravoure. Alors, c’est le pied. Cependant, quand Plant se coince les doigts dans la porte, c’est chiant (rires). Tu vois, tout à l’heure, je te parlais d’être comblé. Et bien le Led Zeppelin ne me comble pas complètement. ‘Stairway to heaven’, c’est chiant comme la pluie. Idem pour le ‘Child in time’ de Deep Purple. Ces longs bazars prétentieux me pompent l’air… »

En concert ce 1er mars 2017 à la Rotonde du Botanique

Marie Davidson

Des adieux au Dancefloor pour ouvrir les portes de l’enfer…

Il y a plus de trois ans que les carrières de Marie Davidson et de Pierre Guerineau sont suivies –attentivement– par Musiczine. Un pied à Montréal et l'autre à Berlin, les deux artistes produisent une musique électronique particulièrement novatrice à travers deux projets : celui personnel de Marie Davidson et le duo Essaie Pas. Leur univers musical évolue quelque part entre ‘ambient’ introspective et ‘minimal synth’, tout en affichant un côté ‘clubbing’ nu-disco/techno. Le tout sublimé par une prose 'voice-over' déclamée ou chantée. Le caractère onirique, quasi-cinématographique, est omniprésent, un peu comme si on écoutait la bande-son d'un film imaginaire.

Nous avons retrouvé Marie Davidson le jour du concert qu’elle a accordé en solo, au Beursschouwburg, à Bruxelles, dans le cadre d'une soirée 'Nose Job' orchestrée par Rick Shivers. Elle venait y présenter sa nouvelle production individuelle, « Adieux au Dancefloor », parue sur Cititrax, le second label de Veronica Vasicka, la 'boss' du célèbre label new-yorkais Minimal Wave. 

Par quel hasard as-tu rencontré Veronica Vasicka ?

Marie Davidson (MD) : On s’est produit lors d'une même soirée à Montréal en septembre 2015. C'est ainsi que je l'ai rencontrée.

Le titre « Adieux au Dancefloor » est un peu contradictoire parce que le contenu est dans l'ensemble très dansant.

MD : Oui mais il figure à la fin du disque. C'est la petite touche d'humour noir pour clôturer.

Le morceau correspond aussi à une période où tu en avais un peu marre de la vie nocturne et du clubbing?

MD : Oui, oui, bien sûr.

Surtout à Berlin ?

MD : Oui, à Berlin mais ailleurs aussi. Attention : j'aime la danse et la musique dansante mais le monde de la 'nightlife' a quelque chose de fatiguant, de 'drainant'... Je m'y suis sentie frustrée. Ce qui m’a donné l’envie de prendre mes distances et d’ironiser  en y ajoutant un peu d'humour. Il existe tellement de musiques 'dark' dans ce domaine ; et j'avais envie de faire quelque chose de...

...de fun ?

MD : Oui, exactement.

La chanson recèle un côté pop française, un peu dans l’esprit d’Elli & Jacno, voire même de Lio...

MD : Oui, je dirais plutôt Lio. Il existe une connexion avec la ‘chanson française’ qui est assez inhabituelle pour moi. C'est aussi le seul titre de l'album composé en compagnie de Pierre (NDR : Guerineau). J'ai écrit les paroles et la musique mais Pierre a mis sa touche, bien française, dans les arrangements.

On voit bien le lien avec « La Chute », le dernier titre de l'album d'Essaie Pas, et avec Christophe, un chanteur que Pierre apprécie tout particulièrement...

MD : Oui, exactement. Beaucoup d'idées ont été suggérées par Pierre. J’ai beaucoup apprécié de travailler auprès de lui, sur cette compo.  

Sur ton elpee, certaines plages s’ouvrent vers de nouveaux horizons, notamment « Inferno ».

MD : Il ouvre les portes de l'enfer ? (rires)

Son profil techno-industriel évoque même Orphx...

MD : Je ne peux pas cacher qu'Orphx m’a énormément influencé. Je n'y ai pas pensé consciemment quand j'ai composé « Inferno », mais le lien est clair. Ce sont des amis et une grande source d'inspiration. Mes nouveaux morceaux empruntent un peu cette direction : ils sont plus énergiques, plus concentrés sur les rythmiques. L’élément mélodique est toujours bien présent ; mais l’aspect rythmique est plus accentué qu’auparavant.

D'ailleurs, tu as collaboré à l’enregistrement du dernier opus d’Orphx. Notamment sur un titre qui me botte particulièrement : « Walk Into The Broken Night ». En fait, la musique et la voix développent un univers assez différent de celui proposé habituellement. Il est assez 'dark', presque 'gothique' même...

MD : Ce sont eux qui l’ont composé, y compris les paroles. Ils écoutent beaucoup de musiques différentes et sont influencés par un large éventail de styles : shoegaze, industrial, new-wave, cold-wave, musique classique, etc. Ils sont très ouverts et possèdent une grande culture musicale. Pour réaliser ce dernier album, ils ont voulu incorporer certaines de ces influences dans leur musique, qui est en général plus techno.

Depuis que vous avez signé chez DFA pour Essaie Pas et Cititrax pour ton elpee solo, as-tu constaté un changement dans l'évolution de ta carrière ?

MD : Oui, je reçois plus de propositions, il y a plus d'opportunités ; mais dans l'ensemble, je continue à faire ce que je faisais avant, du mieux que je peux.

J'ai notamment lu un article consacré à Essaie Pas dans The Guardian...

MD : Oui, DFA a fait pas mal de 'com'. Du côté de Cititrax, Veronica Vasicka a réalisé l’artwork de l'album en personne en se basant sur des photos de Corinne Schiavone, une très bonne photographe de Los Angeles. Veronica s’est également chargée du mastering. Mais question 'com', il n'y a rien eu de particulier. Tout s’est fait naturellement.

Depuis que tu vis à Berlin, je suppose que tu as retrouvé des tas de musiciens et d'artistes qui viennent d'un peu partout. De Montréal ? De New York ?

MD : Oui, Berlin est une ville très cosmopolite.

Night Musik s’y est établi ?

MD : Oui, Shub Roy. C’est un ami. Un Montréalais.

Ancient Methods également, fer de lance de la scène techno-indus...

MD : J'aime beaucoup Ancient Methods mais je ne le connais pas personnellement.

C'est Michael Wollenhaupt; il est très chouette.

MD : J'aime aussi le projet qu’il a monté en compagnie d’Orphx : Eschaton.

Qu’écoutes-tu pour l'instant ?

MD : Le nouveau release de Schwefelgelb (NDR : l'Ep « Dahinter Das Gesicht »). Ce sont aussi des amis.

Oui, Sid Lamar et Eddy ! Ils proposent une musique particulièrement techno-EBM.

MD : C'est très contemporain; bien réalisé et particulièrement efficace.

Et si tu devais sélectionner un 'classique', par exemple, le premier titre sur lequel tu as flashé quand tu étais jeune et qui aurait défini ce que tu allais devenir musicalement?

MD : D'abord, j’ai été marquée par le « Smells Like Teen Spirit » de Nirvana. J'avais 7 ans. Mais il n'existe pas vraiment une chanson qui soit idéale pour définir mon style, vu que je ne parviens même pas à le définir... (rires). Il est le fruit d’une combinaison de tellement d’éléments.

Oui, tu aimes aussi le disco, les musiques de films et même les Doors, non ?

MD : Oui, j'adore les Doors. D'ailleurs, une composition me touche toujours énormément aujourd'hui, c'est « You Forget To Answer ». Elle figure sur l'album « The End » de Nico. Quand je l’ai entendue, elle a provoqué un déclic dans ma vie.

Dans quel sens ?

MD : Je ne pourrais pas l'expliquer. C'est métaphysique. Quand je l'écoute maintenant, elle me fait encore de l'effet. J'en ai des frissons. C'est un langage musical et esthétique qui me correspond. Et m’atteint droit au coeur. Cet album a été produit par John Cale. Il date de 1974. Brian Eno joue du synthétiseur sur certains titres.

Ce qui est bien chez Nico, c'est que sa musique est super 'dark'. Même ses œuvres précédentes. Elles sont très dépouillées, sombres. Notamment à cause de sa voix. Elle est peut-être la première chanteuse gothique de l'histoire !

MD : Oui, ça c'est vrai ! (rires)

Parmi tes influences, on pourrait également citer les musiques de film de John Carpenter, je crois, non ? « Assault on Precinct 13 », par exemple ?

MD : Oui ! Et encore plus « Halloween III ». John Carpenter ne l'a pas réalisé mais il a composé la musique et c'est juste énorme. C'est aussi une référence importante pour moi.

Et là, tu travailles sur des nouveaux morceaux ?

MD : Oui, toujours. Ne t'inquiète pas... (rires) C'est un principe qui ne changera jamais : je ferai toujours de la musique...

Merci, Marie !

MD : Merci à toi.

Pour écouter et commander l'album « Adieux au Dancefloor » de Marie Davidson, c’est ici 

Pour écouter l'interview réalisée en août 2015 dans l'émission WAVES, en français, c’est , et en anglais, c’est encore ici

Photo : Corinne Schiavone

Exodus

Exodus, c’est avant tout Gary Holt !

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Metallica, Testament et Exodus sont considérés comme des pionniers du Trash Metal. Il serait né aux States, et tout particulièrement en Californie, dès le début des eighties. Aujourd’hui impliqué chez Metallica, Kirk Hammett est un des membres fondateurs d’Exodus. Il avait d’ailleurs rejoint ‘The Four Horsemen’, dès 1983. Mais ce soir, dans la ville portuaire d’Anvers, c’est un autre homme fort du band que Musiczine rencontre : Steve Souza, mieux connu dans le milieu sous le pseudo de Zetro (NDR : il en dévoilera la raison en fin d’entretien…) Vocaliste de 86 à 93, de 2002 à 2004 ; et, enfin, de retour depuis 2014, Zetro n’a jamais mâché ses mots. Une réputation qu’il n’a pas usurpée…           

L’infrastructure du Trix est encore vide à cette heure-ci. Les hostilités ne commencent que dans une bonne heure. Les têtes d’affiche sont partagées entre Exodus et les icônes du Death Metal old school, Obituary. Les sonorités guident mes pas. J’ouvre les portes de la salle de concert et assiste quelques minutes au soundcheck de King Parrot, un des deux ‘opening acts’ (NDR : l’autre, c’est Prong) de la soirée. Pas de doute, elle risque d’être mouvementée. Julia, la tour manager d’Exodus, m’invite à la suivre. Je passe à l’arrière de la scène, la précède dans un labyrinthe de couloirs, avant d’arriver à destination ; c’est-à-dire face à une petite loge où m’attend Zetro, assis dans un canapé en similicuir blanc. Les cheveux en bataille, vêtu d’un jeans noir et d’un maillot à l’effigie des Calgary Flames (NDR : c’est le nom d’une équipe de hockey canadienne), le vocaliste pianote sur son smartphone. Je m’installe à côté de lui et déclenche l’enregistreur.

En octobre 14, soit quatre mois après le retour annoncé de Zetro derrière le micro, ‘Blood in, Blood out’, le dixième opus studio du band, est paru. Un an plus tard, y a-t-il du neuf à l’horizon ? « Je n’en ai pas encore causé avec Gary (NDR : Holt, le guitariste et leader du combo) de vive voix ; on en a juste touché un mot par correspondance. Un nouvel album est en effet en préparation, mais la date de sortie n’a pas encore été déterminée. Si tout se déroule normalement, ce sera peut-être pour l’année prochaine. Tu sais, on est déjà en novembre. On rentre à la maison à la fin du mois. On passe les fêtes en famille et on entamerait donc l’écriture en janvier. On réaliserait les sessions en février. On assemblerait le tout d’ici avril/mai et terminerions l’enregistrement final pendant l’été ; bien que le temps file toujours plus vite à ce moment-là. Donc oui, peut-être qu’en octobre ou en novembre de l’année prochaine, on devrait avoir quelque chose à se mettre sous la dent (NDR : dans l’oreille ?), si on ne se réserve pas trop de temps libre », argumente le chanteur, avant de poursuivre : « J’ai bien quelques idées de lyrics derrière la tête, mais, comme je l’ai expliqué, il faut que j’en discute avec Gary… Je suis sûr qu’un nombre incroyable de sujets violents lui a déjà traversé l’esprit ; des sujets bien spécifiques au Thrash ».

Bon, on le comprend très vite : Gary Holt joue un rôle prépondérant dans le groupe. À peu de choses près membre fondateur (Gary était au départ roadie de Kirk Hammett et n’intègrera le line up du combo, qu’un an après sa formation), le guitariste est clairement au gouvernail. Et pourtant, ce musicien est rarement présent lors des prestations du band. En effet, depuis 2011, Gary milite comme second gratteur chez Slayer. Au départ, il était le suppléant intérimaire de Jeff Hanneman. Mais en 2013, suite au décès de ce dernier, il le remplace définitivement. Or Slayer est un groupe qui tourne inlassablement depuis plusieurs décennies, monopolisant une grande partie du temps du guitariste. Une situation difficile à gérer ? « Exodus, c’est avant tout Gary Holt ! », réagit Zetro. « C’est un peu comme son enfant : c’est lui qui coordonne l’ensemble, autant la musique que les paroles. Il est toujours le seul à être référencé sur chaque morceau. Mais ce n’est pas un problème pour nous. Il a toujours fait un très bon boulot et on est tous conscients d’avoir la chance de composer et jouer avec lui ». Il prend une pause, avant d’admettre : « Mais évidemment, on ne pourrait plus continuer à tourner si on devait attendre sa présence. Il est donc fréquemment remplacé par d’autres musiciens. Au final, cette situation se reproduit chez d’autres formations de Thrash. Ainsi au sein d’Anthrax, quand Charlie Benante était empêché, c’est Jon Dette qui le remplaçait. Pareil pour Scott Ian, devenu parfois le substitut d’Andreas Kisser. Ce qui n’a jamais empêché le groupe de continuer son parcours… C’est sûr que depuis qu’il a rejoint Slayer, sa présence en ‘live’ a été plus que limitée. Mais il n’empêche qu’Exodus, c’est avant tout Gary, et personne d’autre dans le groupe ne pourrait ou ne voudrait même prendre sa place. Ce serait un sacrilège : la mentalité, l’attitude, la façon d’écrire les morceaux… tout ça, c’est lui… »

Mais qu’importe l’importance du capitaine, il ne fera jamais avancer le navire à lui tout seul. Comme vocaliste, Zetro reste co-auteur des paroles des morceaux et pour lui, le Thrash est une musique sociétale « Il suffit d’ouvrir le journal et de lire tout ce qui touche à l’actualité, pour y puiser des thèmes d’inspiration. Du social au religieux, du militaire au politique, toutes ces nouvelles formes de guerres qui éclatent un peu partout… Il se produit tellement d’événements négatifs à travers le monde. Ce ne sont pas les sujets qui manquent ! Pas étonnant que le Metal soit souvent la musique préférée de fans de films d’horreur ! », déduit-il en rigolant…

Il est vrai que le Thrash Metal, cette incroyable rencontre entre la New Wave of British Heavy Metal et le Hardcore de l’époque, n’a jamais eu la vocation de devenir source de bande-son pour les films de Walt Disney. Zetro appartient à cette catégorie d’artistes qui ont lancé ce style musical. Il se souvient : « C’est vrai que tout a commencé il y a déjà presque quarante ans… Nous sortions en 85 notre premier album, ‘Bonded by Blood’ ; et il est exact que ce style de musique était né quatre ou cinq ans auparavant », concède-t-il avant d’embrayer, pensif : « Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis lors… suffit de penser à l’arrivée du cd, puis de l’avènement d’Internet… C’est fini la période où on s’échangeait des cassettes ! Mais malgré le temps, c’est incroyable de voir le nombre de fans qui nous suivent toujours aujourd’hui… C’est un peu ça la magie du Metal. Jamais tu n’entendras de la bouche d’un véritable amateur du genre : ‘Ouais, non, finalement le Metal ça ne me dit plus rien…’ C’est impossible ! »

Même si la figure charismatique de Zetro est intimement liée à Exodus, son parcours au sein du combo n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. En effet, dès 93, le band décide de splitter et ne reprendra ses activités que quatre ans plus tard, en compagnie de Paul Baloff, le vocaliste originel. Ce dernier décède en 2002 d’un AVC et Zetro est rappelé à la barre. Mais deux ans plus tard, il tire sa révérence, suite à des divergences de vues. S’en suivront dix années au cours desquelles il accomplit un demi pas de côté par rapport à la scène musicale. « J’ai notamment écrit quelques chansons pour Testament et fondé, en compagnie de Chuck (NDR : Billy, le chanteur de Testament), un groupe baptisé Dublin Death Patrol. J’ai aussi apporté ma collaboration à Tenet. Et puis lancé un autre projet auquel participe mes fils, Hatriot. On peut donc attester que j’ai tenté quelques expériences pendant cette période ; mais plus au sein d’un ‘mothership’ comme Exodus. En 2004, mes enfants étaient encore des ados. Ils sont devenus des adultes. C’est donc plus facile aujourd’hui. Je dois moins me soucier de la situation familiale, que chacun de mes enfants ait de bonnes notes à l’école. En outre, je ne suis plus marié à leur mère et j’ai à présent une magnifique petite amie. Il y a maintenant huit ans que nous sommes ensemble. Elle aime m’accompagner en tournée et je ne dois plus me préoccuper de toutes ces merdes quotidiennes à la maison. Dix années peuvent vous changer énormément dans une vie », confie l’artiste.

Mais revenons un peu à Dublin Death Patrol et Hatriot. Quel est donc le sort de ces projets parallèles depuis qu’il a rejoint à nouveau le paquebot Exodus ? « Tu sais, avec Chuck Billy, on a décidé de lancer sur les rails Dublin Death Patrol parce que les autres musiciens de ce band n’avaient jamais eu l’opportunité de jouer en division supérieure. Ils étaient vraiment derrière nous, car, c’est vrai, tous les side projects dans lesquels nous nous lançons ont cette chance d’attirer l’attention du public. Et donc on l’a fait ! On s’est embarqué dans l’aventure et on a enregistré un album. Ensuite, ils ont voulu partir en tournée, et ça aussi, on l’a fait ! Comme ils ont vu que ça marchait, qu’ils commençaient à devenir des rock stars, ils ont souhaité réaliser un second LP… Et puis là –wow !–  j’ai dû calmer les ardeurs. A ce moment-là, je venais juste de lancer Hatriot. Je ne voulais pas m’investir dans un autre projet de la taille d’Exodus. Et puis l’histoire a voulu que je rejoigne à nouveau ce band… » Un brin nostalgique, le musicien se justifie : « J’aurais bien voulu rester chez Hatriot, comme le fait Gary pour Slayer, mais c’était trop lourd pour moi. Et il me prenait trop de temps. C’est pourquoi mon fils aîné a repris le chant à ma place. Et je dois dire qu’il se débouille très bien ! », se défend-t-il en affichant un sourire, non sans une certaine fierté...

D’un point de vue musical, l’histoire de Zetro et celle du chanteur de Testament sont intimement liées. En effet, alors que Testament n’en était qu’à ses premiers balbutiements et répondait alors au patronyme de The Legacy, son vocaliste n’était autre –à ce moment-là– que… Zetro en personne. Annonçant qu’il allait quitter la formation peu de temps après avoir enregistré une première démo, afin de rejoindre Exodus, Zetro propose pour remplaçant, Chuck Billy. Ce même Chuck en compagnie duquel il lancera Dublin Death Patrol et qui, pendant un certain temps, deviendra le manager d’Exodus. Et c’est toujours ce même Chuck qui, selon certaines rumeurs, aurait poussé vers la sortie Rob Dukes (chanteur d’Exodus de 2004 à 2014), afin de ramener Zetro au micro. Un retour d’ascenseur ? « Je ne suis pas trop au courant du déroulement des événements à cette époque », soutient-il. « Je sais juste que les autres membres voulaient savoir si ça pouvait à nouveau marcher entre nous ; mais je n’ai jamais vraiment su trop pourquoi. Enfin, je n’ai jamais cherché à le savoir, on n’a jamais abordé ce sujet. C’est entre le groupe et Rob. Mais peu importe ce que Rob a pu faire, les quatre autres musiciens n’étaient plus spécialement satisfaits de lui. Apparemment il s’est passé beaucoup de choses en cours de route… Mais c’est vrai qu’on entend beaucoup d’histoires et qu’on ne sait jamais trop dissocier le vrai du faux… Je peux juste dire qu’un jour, Chuck est venu me voir et m’a dit : écoute, Gary est occupé de chercher quelqu’un pour faire le boulot et tu dois le faire! »

Après avoir vécu une première dissolution du groupe et rendu son tablier quelque temps plus tard, peut-on croire à un retour de Zetro sur le long terme ? « Tu sais ce qu’on dit : jamais deux sans trois ! », réplique-t-il, un long rire à l’appui. « Non, mais sérieusement, je pense que cette fois-ci, autant physiquement et mentalement, tout va beaucoup mieux. Ma voix est bien meilleure. Plus aucun élément extérieur ne peut entraver mes capacités. Regarde derrière toi… », me dit-il, en montrant du doigt les packs entassés dans mon dos. « Ouais mec, c’est de l’eau ! Fini ce temps où je buvais une ou deux bouteilles de vin par jour… Mentalement, c’est juste totalement différent ».

L’interview touche à sa fin, mais je ne pouvais pas m’en aller sans savoir pourquoi tout le monde l’appelle Zetro « C’est tout con. L’explication vient de l’époque où j’étais encore un gamin. J’avais 16-17 ans. Je m’étais pris un trip au LSD et je voulais que tout le monde me surnomme ‘Z’. Les gens m’interpellaient en disant : ‘Hey Zed ! Hey Zed !’ Et au fil du temps, le sobriquet s’est transformé en Zetro… il y a donc 33 ans qu’on m’appelle sous ce pseudo, maintenant ! »

Avant de laisser l’artiste se préparer pour le show de ce soir, je lui demande, avec un brin d’ironie, s’il n’est pas trop triste de ne pas être aux États-Unis pour l’instant afin d’élire le futur président des States. Celui qui succèdera à Barack Obama à la Maison-Blanche (NDR : nous sommes en effet à quelques jours des élections américaines du 8 novembre). Contre toute attente, la réplique de Zetro est cinglante : « Mais pas du tout, vu que j’ai déjà voté par anticipation ! Et j’ai choisi la personne la moins pire des deux… et j’en resterai là ! À toi de voir comment tu le prends… », conclut-il, en se marrant.

Et seuls les murs des coulisses du Trix sauront pour qui Zetro a finalement donné sa voix...

(Interview réalisée le mardi 1er novembre, au Trix à Anvers)

Napalm Death

Un mec engagé à la tête d’un noisy fucking band…

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‘Napalm Death’ : deux mots qui claquent de manière brutale. Cependant, au fil de ces trente-cinq dernières années, ils se sont vus attribuer, dans le monde du Metal, le symbole d’un groupe reconnu, respecté et admiré par un grand nombre pour ses explorations sonores, le plus souvent au sein des marges les plus violentes, sous les étendards punk-hardcoriens du Grindcore. Un style musical dont les Britanniques sont par ailleurs considérés comme les pères fondateurs. Rencontre avec un des leurs, le vocaliste Mark ‘Barney’ Greenway, pour aborder l’actualité du band, mais également la facette engagée de l’artiste.

Quelques badauds sont adossés sur la devanture de la salle mythique bruxelloise du Magasin 4, en attendant que le hangar ouvre ses portes. Le tour manager m’invite à y pénétrer et me demande de patienter près du comptoir d’entrée. Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvre et, dans l’embrasure, apparaît Mark Greenway, mieux connu dans le milieu sous le pseudo de ‘Barney’. Et surtout, comme chanteur emblématique de Napalm Death, groupe de Grindcore qui impacte les esprits depuis plus de trois décennies. Il me fait signe de le rejoindre. J’entre donc à mon tour dans la pièce où sont installés, au centre, deux vieux canapés recouverts de couvertures. Le reste de la pièce est occupé par des lits ; certainement un endroit où se reposent les groupes avant de monter sur les planches. La lumière est plus que tamisée, mais petit à petit, je m’acclimate à la pénombre. Barney s’assied en face de votre serviteur. Il a presque la cinquantaine, mais en paraît 10 de moins. Il est vêtu d’un vieux t-shirt de couleur bleue et d’un pantalon noir. Ses cheveux sont quelque peu en désordre. Le genre de gars qu’on pourrait croiser en rue sans se retourner, et surtout sans jamais penser qu’il a tant influencé la scène musicale marquée du Triton.

Napalm Death appartient à cette catégorie de formations qui ne chôment pas ; il a ainsi publié dix-neuf elpees studio en trente-cinq ans d’existence. Le dernier en date, ‘Apex Predator – Easy Meat’, unanimement acclamé par la critique, est paru il y a un peu moins de deux ans. Les Britanniques auraient-ils quelque chose de neuf sous le coude à proposer ? « Non, mais on en parle… », explique Barney. « Encore rien de vraiment tangible : pas encore de répétitions ni de dates de studio. On en est juste au stade du bla bla ». Mais le nœud du problème, c’est surtout l’absence, depuis fin 2014, de Mitch Harris, le guitariste ? Il a pris ses distances pour des raisons familiales (NDR : depuis lors, il a été remplacé par celui de Corrupt Moral Altar, John Cooke). « Cette absence nous complique quand même l’existence » admet-il. « On ne sait pas encore vraiment comment on va résoudre le problème. On sait que les gens nous attendent, mais voilà… », poursuit-il, pensif.

Une absence, certes handicapante, mais qui n’en est pas encore à menacer la survie du combo. La recette miracle ? « Nous aimons toujours ce que nous faisons. Tout simplement ! C’est important, surtout après tant d’années. Je connais d’autres formations qui sont également sur la route depuis aussi longtemps, mais ne sont plus impliquées comme elles devraient l’être. Je ne veux absolument pas vivre une telle situation. J’aime vraiment ce projet. J’aime ce que nous abordons et l’autonomie que nous avons, progressivement, acquise… » Le quatuor serait donc prêt à rempiler pour les vingt prochaines années ? Cette question, l’artiste préfère ne pas se la poser et appréhender le futur en des termes plus courts. « Tu sais, chaque fois qu’on réalise un nouvel album, et surtout maintenant, c’est un peu comme si on arrivait à une fin. Pendant le processus d’écriture et d’enregistrement, on ne peut s’empêcher de penser que ce sera peut-être le dernier et qu’il doit donc nécessairement être le meilleur possible. Ce genre de questionnement peut faire peur, mais pour nous c’est le genre de truc qui nous motive », soutient Barney.

Mais ce n’est pas parce que la longévité de Napalm Death pourrait en faire pâlir plus d’un qu’il ne fréquente plus que les arènes et les stades. Loin de là. Le vocaliste reste à ce sujet très modeste : « Il n’a jamais été question de bétonner un plan de carrière et de miser uniquement sur de grosses dates. Notre motivation est dictée par ceux qui se bougent pour venir nous voir. Et peu importe si elles sont plus petites… » Il s’arrête, réfléchit, avant de reprendre : « Et puis, tu sais, je ne me fais pas d’illusion : Napalm Death a toujours été un noisy fucking band. Il faut être réaliste, on n’est absolument pas taillé pour jouer dans des amphithéâtres ! Je ne voudrais, au final, pas militer au sein d’un groupe plus grand… et qui finirait, d’une façon ou d’une autre, par disparaître dans l’espace de ses propres attentes… »

L’histoire de la musique a de plus déjà démontré que les stades n’étaient pas toujours remplis par les groupes les plus talentueux. Par contre, ce dont Napalm Death peut se targuer, c’est d’avoir acquis une solide notoriété dans le milieu ; ce dernier lui attribuant notamment la paternité du Grindcore. « C’est évidemment sympa à entendre », dit-il en souriant, « Mais ce n’est pas un compliment sur lequel on se repose. Si on veut rester bon, on doit continuer d’évoluer. Par exemple, en enregistrant des albums qui rencontrent nos aspirations. Mais tout en ne perdant pas de vue ce qui représente l’essence même du band. La musique de Napalm Death est avant tout du rentre-dedans très rapide. On a toujours refusé de se reposer uniquement sur notre réputation, on doit être proactif ! », explique-t-il avec entrain. Du rentre-dedans très rapide, quatre mots qui ne pourraient pas mieux coller au style de la formation. Mais quelle définition le parrain du Grind donne-t-il au mot ‘extrême’ ? « C’est large… très large ! Au niveau musical, ce terme peut se traduire par une volonté de ne pas se conformer, de ne pas rentrer dans les standards de la production. En règle générale, le monde de la musique dicte ce qui doit être ‘adéquat’, selon ses propres critères. Mais le spectre sonore est si important, si large, qu’il est nécessaire de pouvoir tout exploiter, en ce y compris les parties rarement explorées. Si lors de sessions, tu es derrière le desk et tu vois que ça crache… que ça crache délibérément… et que le producteur te dit : mais bon sang, qu’est ce que tu fous ?! C’est qu’on est dans le bon, c’est à ce moment-là que nous devenons extrêmes ! », raconte-t-il en rigolant.

Mais hormis la musique, Barney est également un personnage très engagé. Il n’est pas rare qu’il exprime ses opinions, que ce soit à propos de la misère rencontrée quotidiennement par les réfugiés, de la séparation indispensable entre l’Etat et les institutions religieuses, du droit des animaux ou encore à travers ses coups de gueule qui dénoncent l’occupation des territoires palestiniens. « Perso, j’estime que la politique, c’est d’abord comment se comporter en tant que femme ou homme et tenter de percevoir ce que fait actuellement l’humanité. Je grossis le trait, mais c’est aussi comprendre pourquoi un individu qui appartient à tel camp ou vit d’un côté ou l’autre de l’océan n’a plus le droit d’être appelé ‘être humain’. Même si je sais que c’est enraciné au plus profond de l’homme d’avoir un comportement exclusif », justifie-t-il, avant de poursuivre : « A mon humble avis, je suis seulement un être humain et j’essaie simplement de faire passer quelques idées. Après, tu peux évidemment me reprocher d’être de gauche ; mais c’est vrai, et j’ai un certain background. J’ai besoin d’exprimer ce que je pense. Si, au final, on veut rendre ce monde meilleur, il faudra faire beaucoup d’efforts. A commencer par des gens ordinaires comme toi et moi, pour comprendre et tout mettre en œuvre afin de développer l’égalité entre les individus, sauvegarder la dignité et le bonheur de chacune et chacun ».

C’est également dans cet état d’esprit que Barney, en 2015, avait écrit au Président indonésien, fan du groupe (!), afin de lui demander de gracier trois Anglais condamnés à mort pour détention de drogue. Une situation dont le chanteur se souvient particulièrement bien : « Auparavant j’étais engagé dans une organisation de défense des droits de l’homme, en Australie. C’est via cette association que j’ai été informé de la menace de mort qui pesait sur la tête de trois Britanniques. Or l’un d’eux était également fan de Napalm Death. En outre, le Président d’Indonésie apprécie également notre musique… Je lui ai donc fait savoir que j’étais un opposant convaincu à la peine capitale. Et puis, j’avais ouï dire qu’il était un dirigeant réfléchi ; ce qui n’a pas toujours été le cas là-bas… J’ai donc voulu débattre avec lui des raisons du maintien de la peine de mort ; ce qui, à mes yeux, a toujours plus ressemblé à un recul de civilisation qu’autre chose… » Et même si cette interpellation n’a finalement pas permis d’annuler leur condamnation à mort, le chanteur affiche un certain optimisme : « Au moins, pour le futur, mon intervention a permis une certaine ouverture. Ce n’était malheureusement pas la première fois que j’intervenais pour abolir cette sentence. Mais je tiendrai toujours le même discours : qu’elle émane d’un État ou de n’importe quelle autre organisation, personne n’a le droit d’envoyer quelqu’un à la mort ».

Ce déni de justice, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de sources qui nourrissent continuellement les textes de Barney, chez Napalm Death. « Quand on lit nos lyrics, on pourrait parfois penser que nos paroles sont déprimantes. Mais c’est tout le contraire ! Ce qui est vraiment déprimant, c’est quand on retourne en arrière. Ce serait tellement facile de se dire : OK, je vis en Angleterre ; c’est un pays relativement calme où rien de grave ne se passe vraiment… Mais non ! Ce n’est pas ma vision des événements. » Barney met sa main sur mon épaule et se confie : « Par exemple, toi, je ne te vois pas comme un Belge, mais un être humain, en compagnie duquel je prends plaisir à parler. Pour moi, l’origine ou la nationalité sont loin d’être des facteurs prépondérants… Comme je milite au sein d’un groupe, mes idées peuvent bénéficier d’un certain écho… En fait, je me considère comme un internationaliste. »

Il s’arrête, sourit, et conclut : « Et puis, même si je ne participais pas une telle aventure, je pense que j’agirais de toute façon de la même manière ! »

(Interview réalisée à Bruxelles, au Magasin 4, le 25 septembre 2016).

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