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Pour Droïd Fantôm, le vide prend du temps…

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An Pierlé

Les années 'new wave' ont façonné ma culture musicale

Ce matin, c’est le bonheur : je suis invité à boire un café chez An Pierlé. Elle habite en plein centre de Gand, dans une maison sise à deux pas de l'église Sint-Jacobs, en compagnie de son partenaire Koen Gisen. J'ai toujours beaucoup aimé cette artiste flamande, mais son tout nouvel album, ‘Arches’, paru chez [PIAS], a touché une corde sensible, voire même plusieurs cordes sensibles au plus profond de mon être. Il est plus sombre, plus mystique que ses précédents opus, surtout grâce aux grandes orgues, omniprésentes, et aux compositions 'dark' et sensuelles qu'il recèle.

Nous rentrons dans la salle de séjour, une grande pièce de type loft qui ressemble à un gentil capharnaüm. Entre les jouets de la fille d'An, Isadora, les peaux de serpent et les vieux meubles vintage, on découvre un magnifique piano à queue de couleur noire. Ne résistant pas à la tentation d'en jouer, j'égrène les premières notes de ‘Wuthering Heights’. An chantonne la mélodie en préparant le café et me lance : ‘Wow: tu joues bien! Il faudrait que je travaille les accords de ce morceau!’

Ce qui frappe chez An Pierlé, c'est son incroyable simplicité. Elle a cette façon si chaleureuse de sourire et de vous accueillir que l'on se sent immédiatement à l'aise, comme si on appartenait à sa famille.

Tout naturellement, nous entamons la conversation en parlant des années 70 et 80, l'âge d'or de la musique, qui nous a tous les deux tellement marqués. J'aimerais savoir quelles sont les chansons qui ont provoqué un flash chez elle quand elle était jeune. "J'ai eu pas mal de flashs quand j'écoutais la radio. Il y avait une chanson qui passait et tout à coup, le monde s'arrêtait de tourner et j'étais comme fascinée. J'ai vécu cette sensation en écoutant ‘Such A Shame’ de Talk Talk, une chanson que j'ai d'ailleurs reprise par la suite. La même chose pour Gary Numan et son ‘Are Friends Electric?’ Notons au passage que c'est en adaptant ce titre-phare de la new wave qu'An s'est fait connaître lors du Humo Rock Rally, en 1996. "Il y avait aussi ‘The Cold Song’, de Klaus Nomi et, bien sûr, Kate Bush. J'aimais aussi Siouxsie, Jona Lewie ainsi que Men Without Hats, et notamment la vidéo de ‘Safety Dance’. Ces chansons étaient pour moi comme des films, des univers dans lesquels je pouvais me plonger. Les années 'new wave' ont façonné ma culture musicale."

On retrouve toutes ces influences dans les six elpees que l'artiste d'origine anversoise a publiés à ce jour ; de ‘Mud Stories’, paru en 1999 à ‘Arches’, en 2016. Mais sa tout dernière production marque une évolution assez remarquable au niveau des compositions, des arrangements et des atmosphères. Comment ce processus s'est-il mis en place? "C'est venu naturellement. J'ai été choisie comme compositrice officielle de la ville de Gand ; ce qui m'a plongée dans l'univers des musiques d'église et m'a incitée à m’intéresser aux grandes orgues. Ces paramètres ont poussé lentement, comme des petites graines. On a bénéficié de pas mal de temps pour écrire… deux ou trois ans. C'est la raison pour laquelle l'album est plutôt de nature ‘classique’, articulé autour de l'orgue et qu’il baigne dans une ambiance assez solennelle."

Le titre qui frappe le plus sur ‘Arches’ est sans conteste ‘Birds Love Wires’. La mélodie est captivante et séduit dès la première écoute. Une ambiance romantique, médiévale, enveloppe cette compo. Mais quel en est le thème? "C'est une chanson qui part d'une vision : les oiseaux sur les fils téléphoniques. C'est une vision d'enfance car, de nos jours, ces câbles sont tous souterrains. J'ai associé cette vision avec celle, très crue, des femmes qui sont persécutées dans certains pays orientaux. Là-bas, ils pendent les femmes même pour des fautes insignifiante". C'est donc une approche de la composition visuelle, plutôt cinématographique? "Oui, ce sont toujours des images qui me traversent l’esprit, surtout quand je vais me promener dehors. Ou alors, ce sont des mélodies que j’imagine derrière mon piano. ‘Birds Love Wire’, je l'ai élaborée lors du soundcheck quand on s’était produit au festival Boombal. J'avais déjà quelques idées mais là, j'ai profité des circonstances. Tout était installé et l'ingé-son enregistrait pour improviser la chanson complète. Et lorsque je l'ai fait écouter à Koen, il a dit que c'était parfait, qu'il n'y avait rien à changer et ça, ça n'arrive pas très souvent!" (rires)

En parlant de Koen, An décide de m'emmener un étage plus bas, dans le studio, où son partenaire travaille en compagnie d’un groupe local, North. Ici, l'ambiance est feutrée, étouffée par les tapis orientaux disposés à terre et sur les murs. Les vieux Revox et les amplis à lampes côtoient les ordinateurs équipés de 'Pro-Tools'. Nous discutons des productions du label du couple : Helicopter, qui impliquent des formations flamandes talentueuses comme Kiss The Anus Of A Black Cat, The Black Heart Rebellion ou The Bony King of Nowhere. Koen explique le défi qu'a représenté l'enregistrement des orgues de l'église Sint-Jacobs pour l'album ‘Arches’. "On enregistrait la nuit pour éviter les bruits de la ville. Il a aussi fallu intégrer ce son énorme, chargé de réverbération, dans la structure sonore des chansons. Tout un travail sur les fréquences, les effets et le positionnement." Le résultat est, inutile de le rappeler, parfait.

Nous revenons dans le living, car An me réserve une très belle surprise. ‘Cluster’, le mini-album qui servira de seconde partie au diptyque ‘Arches/Cluster’, est déjà bien avancé et j'ai droit à un 'preview' des enregistrements! ‘Road To Nowhere’, qu'elle avait déjà interprété aux Nuits Bota, fait à nouveau forte impression. C'est une lente incantation qui se développe dans une progression lancinante et quasi dissonante. Les autres titres sont dans la lignée de ‘Arches’ mais ouvrent également une dimension plus expérimentale. Un album 'sequel' qui promet! Il devrait sortir en septembre mais comme le 'release' de ‘Arches’ en France a été reporté, le planning pourrait être décalé.

La conversation se poursuit. An me dévoile ses coups de coeur et, notamment Wovenhand. C'est d'ailleurs chez elle que Pascal Humbert a préparé le ciné-concert des Nuits Bota consacré au film de Bouli Lanners ‘Les Premiers, Les Derniers’. An indique également qu'elle a assuré la première partie de 16 Horsepower aux Pays-Bas. Elle évoque Mensen Blaffen, la formation athoise de post-punk qu'elle aimait dans les années 80 sans imaginer que son saxophoniste allait devenir l'homme de sa vie. Malheureusement, après plus de 2 heures, notre interview arrive à son terme, car la belle soit s'occuper de la B.O. du spectacle pour enfants auquel sa fille va participer.

Je remercie mes hôtes et je prends congé. En marchant sur les trottoirs de Gand, je me rends compte que je n'ai pas seulement réalisé une très belle interview d'une artiste tout aussi douée qu'attachante. J'ai fait encore mieux : j'ai rencontré quelqu'un qui, je l'espère, sera à l'avenir une véritable amie.

Ne manquez pas les prochains concerts d'An Pierlé:

          23 juillet: Boomtown (Gand)
          7 août: Festival Dranouter
          13 août: BSF (salle de La Madeleine)
          8 septembre: De Roma (Anvers)
          10 septembre: CU Festival (Liège)
          23 septembre: Muziekgieterij (Maastricht - NL)
          29 septembre: Orgelfestival (St Niklaas)
          5 octobre: Eglise Saint Eustache (Paris - FR)
          22 octobre: Sint-Jacobs (Gand)

Pour lire le compte-rendu du concert d'An Pierlé dans l'Eglise des Dominicains (Nuits Bota), voir ici 

Pour visioner la vidéo de ‘Birds Love Wire’, réalisée par la fille de Jaco Van Dormael, Juliette Van Dormael, c’est  

 

 

Gonzo

Aujourd’hui, le rock est plus lisse, plus produit, mais dans le mauvais sens du terme…

Gonzo est un groupe éphémère réunissant le Montois Baptiste Lalieux (Saule), Geoffroy Heyne (A Mute), Simon Bériaux (Hibou, Le Yeti), Vincent Lontie (Fugu Mango, Bikinians) et Nicolas Vandeweyer (Eleven). Suivant la bio, la formation pratiquerait une musique à la croisée des chemins de Weezer, Bloodhound Gang, Beastie Boys et The Presidents of The United States of America. Avant le concert accordé à l'Alhambra de Mons, Geoffrey et Baptiste on accepté de répondre aux questions de Musiczine. En toute décontraction…

Pourquoi avoir baptisé votre groupe Gonzo ? Est-ce une référence au Muppet Show ou au porno ? (Rires)

J : Du porno ? Nous n’en avons pas seulement consommé au cours de notre jeunesse ! Et puis, nous sommes encore jeunes ! Il faut le souligner. Non, en fait, Gonzo, c’est bien inspiré du délire Muppet, l’homme-canon. Ensuite, on s’est rendu compte qu’il avait plusieurs significations et que toutes nous collaient un peu à la peau.
B : En italien, le terme se traduit par ‘stupide’. Et il nous parle.

Vous avez prévu d’inviter Charlie ?

B : Ce n’est pas dans le cahier des charges. Mais comme il est assez ouvert d’esprit, ce n’est pas exclu qu’il vienne ajouter son grain de folie, dans Gonzo. Nous sommes tous les deux  spontanés. Donc si un jour on l’appelle, il est très susceptible d’accepter.

Vous êtes tous impliqués dans d’autres projets. Alors Gonzo, est-ce une aventure dite ‘éphémère’ ou durable ? Avez-vous l’intention de lui consacrer un long playing ?

Geoffroy (Jo) : Oui, dans le courant de l’année prochaine ; on va s’y mettre tout doucement. A mon avis, on va commencer à enregistrer l’été prochain, mais de toute façon, cet album ne paraîtra pas avant 2017.
Baptiste : Parce que nous avons tous des projets en chantier. Perso, celui de Saule débouchera bientôt sur un nouveau cd.

Votre Ep recèle 5 plages. Comment s’est déroulée l’écriture des morceaux. Et dans quelle ambiance ?

J : Pour déconner, on a accordé un concert de reprises pour des potes, alors qu’à l’époque on jouait du punk. Ensemble. On s’est vraiment bien éclaté. Puis on en a conclu qu’on recommencerait bien l’expérience. Et puis on a fondé Gonzo. Baptiste s’était pété la jambe ; donc il avait eu du temps pour composer presque tous les titres qui figurent aujourd’hui dans notre répertoire. On a lancé le projet, puis le cours des événements a repris ses droits. On a fait quelques dates, ensuite on a tourné la page. Cet épisode remonte d’ailleurs à plusieurs années.
B : Il y a sept ans qu’on a enregistré ces titres. A l’origine, ils n’étaient pas du tout destinés à se retrouver sur iTunes. C’était plus une démo qui n’avait aucun objectif commercial. On avait enregistré ces morceaux pour nous. Et lorsque l’agenda a commencé à se remplir, notre manager nous a conseillé de le sortir. Or le son était garage. On l’avait enregistré en prise directe, ‘rough’. Et en fait, tous ceux en compagnie desquels on bossait, ainsi que notre attaché de presse, nous ont rassurés par leur argumentation. Il s’agissait de notre son, il était super et il fallait le reproduire tel quel. On a juste masterisé. Mais le plus curieux, c’est de voir cet Ep sortir après tant d’années…
J : On a enregistré en prise directe !
B : On a ainsi pu conserver l’énergie du groupe.
J : Tout est allé tellement vite. On n’a pas trop pris le temps de réfléchir ; et finalement le résultat traduit bien nos prestations sur scène, aussi.

J’ai lu, dans une interview, que tu avais l’intention d’inviter Giacomo de Romano Nervoso, lors des sessions d’enregistrement de ce futur elpee ?

B : Giacomo, je l’ai déjà croisé à deux ou trois reprises, et je l’apprécie. J’aime son attitude rock’n’roll, sincère et brute de décoffrage. Notre manager nous a rapporté que Romano souhaitait que nous partions en tournée avec son groupe. Mais je dois enchaîner par un autre projet, un conte musical, que j’ai écrit pour Mons 2015. Et donc le timing ne collait pas. Un journaliste m’a demandé si j’avais l’intention de poursuivre cette aventure de super-groupe, en engageant des musicos issus d’horizons divers. Et puis, quel artiste je souhaitais inviter en studio, pour chanter avec moi. J’ai immédiatement pensé à Giacomo.
J : Le délire est toujours aussi anti-conventionnel. 

Quand on vient d’univers musicaux différents, comment faire prendre la mayonnaise ?

B : C’est le fameux ‘un peu de tout’ à la belge. Il y a des tas d’influences un peu différentes. Et même du punk. On partage tous un dénominateur commun, c’est celui d’avoir joué beaucoup de rock et de continuer à l’apprécier. Le punk/rock tout particulièrement. Gonzo, c’est un peu un mélange de tout ça. Certains titres sont un peu plus reggae, d’autres davantage acoustiques. Notre répertoire recèle deux morceaux country ; et pourtant, au départ, la country n’était pas du tout notre truc.
J : Que ce soit de la country ou du reggae, on cherche simplement à s’éclater. On y injecte une dose de punk, on mélange, et hop c’est parti…
B : Honnêtement, je n’ai pas de recette. Je pense que chez Gonzo, elle appartient à tout le monde. Il n’y a pas de patron. Chacun ramène vraiment sa personnalité, contrairement à Saule où je suis plus au front. Ici, il existe une vraie énergie collective. C’est assez chouette de vivre ces moments, de s’observer quand on joue. Aujourd’hui on a accordé un set plus court, mais Jo, normalement, défend sa chanson. Nous somme trois ‘lead vocalists’. Il n’y a pas vraiment une recette. Aussi quand on se produit un dimanche à 17 heures, sur une énorme scène, devant public très familial, et que celui-ci adore ; et bien, on a le droit d’être satisfait. Car le ‘live’, c’est un mix entre la sincérité, la générosité et l’aspect festif.
J : C’est ainsi qu’on l’a également imaginé. Et on l’a créé pour s’amuser, se marrer même. Notre attitude le montre. La réaction du public également. C’est communicatif.

En live, lorsque vous interprétez « Girls », vous invitez les filles à grimper sur le podium. Est-ce par délire ou est-ce voulu ?  

B : On n’a jamais pécho une meuf.
J : Que veux tu dire par ‘c’est voulu’ ? 

Intentionnel ! Lorsque vous vous être produits dans le cadre du BSF, sur l’estrade, vous en avez invité une belle fournée ; mais il y avait de tout : des belles, des moches, des vieilles, des jeunes.

J : Et ce soir, tu as maté un peu ?

Bof, il y avait de tout aussi.

J : Il y avait de la caille.
B : En fait, le morceau parle d’un gars qui se dit ‘Mais pourquoi quand je marche dans la rue, il n’y a aucune nana qui me regarde ?’ J’ai écrit les paroles en pensant à ces donzelles qui te toisent un peu ainsi en disant ‘Mais à quoi tu ressembleras quand t’auras septante ans, toi qui crâne devant nous ?’
J : Tu vois, même sur scène, elles ne nous regardent pas.
B : Oui, même sur scène. Je leur tourne le dos, déjà. C’est un peu un morceau humoristique qui traite de ce sujet. Il est vrai qu’on aime bien faire monter des filles sur les planches.
J : C’est sympa et en même temps génial, d’inviter plein de monde sur l’estrade. Que ce soit des filles ou des mecs. C’est idéal pour mettre l’ambiance. Tu sens les planches qui vibrent. Et il y a toujours un moment dans le morceau au cours duquel ils s’excitent tous. Ils ne savent pas trop à quoi s’attendre, et au départ, il y en a qui ne bougent pas en se disant certainement, ‘Mais qu’est-ce que j’ai fait, pourquoi suis-je monté sur le podium ?’ Mais d’autres ne veulent plus en redescendre.

Toujours dans le cadre du BSF, lorsque vous avez interprété « Gay », une partie de la foule n’a vraiment pas apprécié…

B : Je pense que cette chanson est mal comprise. C’est intéressant que tu nous en parles, parce que notre attaché de presse est homo et au début, il a cru qu’on se foutait de la gueule des gays. Or, le message est totalement contraire. En fait, il raconte l’histoire d’un mec qui en a marre d’être jugé sur sa sexualité. Il l’assume. C’est une chanson pro-gay et pas du tout anti-gay. Mais comme on la chante en anglais sur de gros riffs de grattes, elle n’est pas facile à décrypter. 
J : Elle a été mieux appréhendée lors de notre set accordé à Spa, car Baptiste l’a commentée préalablement. Du coup, le public était plus enthousiaste. Lorsque tu ne prépares pas le terrain, tu favorises les amalgames…

Vous adaptez le « Killing in the name » de Rage Against The Machine ; et franchement la version déchire. C’est un titre fétiche ?

B : Nous préparions la tournée des festivals d’été et il nous manquait quelques morceaux. J’avais encore en magasin deux ou trois compos qu’on n’avait pas encore intégrées dans le répertoire. Et on en a conclu qu’il serait chouette d’y insérer une cover, mais pas qui ressemble à l’originale. Sinon, elle n’aurait aucun intérêt. Et c’est lors d’une répète, qu’on a décidé d’attaquer une reprise de Rage Against the Machine, mais en version folk, country et bluegrass. A l’aide de nos grattes en délire. Et comme on a trouvé le résultat sympa, on a décidé le conserver. Et il est vrai que sa transposition ‘live’ marche plutôt bien.

Jo, pendant « Mister Woodman », tu es victime de ta timidité ou c’est de la comédie ?

B : Tu évoques son attitude, lorsqu’il chante sur la reprise de NOXF ?
J : Oui je suis timide. En fait, je ne suis pas chanteur. Mais ce choix relève du délire de Gonzo. On a pensé qu’il serait intéressant d’insérer un passage complètement dingue aux claviers, de plus de 10 minutes, pendant que je distribue des pralines. Puis on a décidé de passer à l’acte. Génial, on va le faire. Et on l’a fait. Au début, je chiais dans mon froc ; et puis finalement, j’y ai pris goût.
B : C’est un moment qu’on adore car on y casse toutes les conventions. Le batteur devient chanteur. Une sorte de crooner à la Sinatra sur un morceau punk pur et dur. Le claviériste exécute un solo de trois notes, les mêmes pendant une minute. Dans notre local, la formule nous faisait bien rire ; aussi, on voulait voir si elle allait avoir le même effet sur le public, en live. Et il a adoré ! Jo se pointe et distribue des bonbons comme si c’était Saint-Nicolas.

Vous avez l’intention de vous produire à l’étranger ?

B : Oui, on a l’ambition de dépasser nos frontières.
J : Bertrand a des contacts en France. Il y a manifestement de l’intérêt. Mais pour l’instant, il est préférable de calmer les ardeurs, au vu du contrat…

Partants donc pour vous produire ‘unplugged’ ?

B : À ce jour, on n’a accordé qu’un seul set dans le style. Mais si on grave un album, on devra accorder des des showcases. Donc en version acoustique. Et il ne devrait y avoir aucun problème, car nos compositions sont basées sur  les harmonies vocales. On devra les adapter, mais je suis convaincu que le résultat sera probant.  

Lors de votre concert, j’ai constaté l’absence de Vincent. Qui l’a remplacé ?  

J : Au départ, il était convenu que certains membres du groupe étaient interchangeables. Il ne faut pas oublier que Gonzo est, à la base, un side project. Certains sont plus difficiles à remplacer que d’autres. Mais Vincent a un agenda particulièrement chargé. Il a donc décidé d’écoler un petit jeune, Max. Il a parfaitement rempli son rôle et il devrait continuer cet intérim, car le projet est en constante évolution...

Baptiste, ton jeu de guitare semble marqué par la country et le bluegrass ?

B : Absolument. Mais il existe des tas d’autres styles musicaux qui m’inspirent. J’aime l’aspect rugueux, direct, ‘plug and play’ de la country et du bluegrass. J’ai assisté à plusieurs shows de Bob Log. C’est le genre de mec qui débarque sur le podium, coiffé d’une espèce de casque d’aviateur. Il dispose d’une grosse caisse, d’une gratte et d’un bottleneck et il commence à jouer du blues hyper speed. C’est un ovni. J’adore ce type d’extraterrestre, parce qu’il injecte un feeling un peu punk là-dedans. Un côté ‘je me plug et j’y vais’. Le son est dégueu ; mais en même temps, c’est ce qui fait sa force.

Quel soin apportez-vous au sens mélodique ?

B : La mélodie, c’est ce qui est le plus important pour moi, quand j’écris une chanson. Je baigne dans la musique depuis longtemps ; et pourtant, lors de projets précédents, il m’est déjà arrivé de proposer des morceaux dont la mélodie n’était pas top. Ce que me reprochaient certains collaborateurs. Il a fallu que je prenne du recul, mais finalement, je l’ai reconnu. La mélodie, c’est le b.a.-ba d’une chanson. Et chez Gonzo, on accorde beaucoup d’importance au sens mélodique.
J : Une bonne chanson, on doit pouvoir la jouer à la sèche. Gonzo, c’est du punk/rock, ça rentre dedans, mais le répertoire est constitué avant tout de chansons.

Apparemment, les States vous inspirent ? Mais êtes vous davantage ‘années punk’ ou ‘années grunge’ ?

J : On est ‘années punk’, mais à l’époque du grunge. C’est-à-dire le skate à roulettes, Bad Religion, NOFX, Pennywise. Le punk qui rentrait… Green Day, c’est la même époque que Nirvana. Perso, je n’aimais pas le grunge. Aujourd’hui, j’ai changé d’avis. Mais ce n’était pas mes premières influences.
B : Oui, c’est vraiment le rock des années 90. On parlait tout à l’heure de Weezer. J’appréciais beaucoup les Presidents of The United Sates. Des trucs plus durs aussi. Deftones, Korn, … et ce type de groupes qui nous ont marqués très fort dans les nineties. Et il est vrai qu’aujourd’hui –on l’a déjà répété lors des interviews, mais c’est un constat– le rock est plus lisse, plus produit, mais dans le mauvais sens du terme. Il a perdu ce côté énergique et crade qui nous plait. Même les artistes qu’on adorait à l’époque, ont fini par sophistiquer leur son.

Plutôt Nirvana ou Pearl Jam ?

B : Je suis fasciné par le personnage d’Eddie Vedder. Nirvana était –je pense– à l’époque, un phénomène de mode. Mais après avoir vu le documentaire vraiment fabuleux consacré à Kurt Cobain, et en me replongeant dans la discographie de ce groupe, je me suis rendu compte qu’il y avait des trucs de dingue. Et d’un point de vue musical. Ta question est difficile. Finalement, les deux formations méritent autant de crédit. Aussi bien pour la face spirituelle d’Eddie Vedder que celle spontanée et crade de Nirvana.

 

 

Crowbar

Les Beatles, plutôt que les Rolling Stones…

Écrit par

Le Sludge est un dérivé du Metal. Il emprunte des sonorités au Doom, au Punk ainsi qu’aux premiers jours du Hardcore et du Grunge. Un style lourd, lent, incroyablement puissant et au feeling mélancolique. Mais quand on s’intéresse au Sludge, on ne peut s’empêcher de penser à Crowbar, un des pères du mouvement. La formation néo-orléanaise sillonne régulièrement les routes américaines et européennes ; et sa dernière tournée transitait par la Belgique. Un périple destiné à célébrer le vingtième anniversaire de la parution de son elpee, ‘Broking Glass’. L’occasion de rencontrer Kirk Windstein, la figure de proue de Crowbar, afin d’aborder l’actualité du groupe, son passé et ses perspectives futures.

Une certitude : les Américains ont emporté dans leur sillage, en ce mois de mai, la chaleur de la Louisiane. C’est donc sous un soleil de plomb, en plein quartier industriel d’Hasselt, face au Muziekodroom, que nous nous sommes donné rendez-vous avec le manager du groupe. À l’heure pile, un homme à la carrure impressionnante, casquette vissée sur le crâne et chaussé de lunettes fumées (NDR : de rigueur), vient à ma rencontre et m’entraîne à travers les dédales du club. Nous débarquons finalement dans une salle entourée de murs en briques, meublée d’une table centrale, autour de laquelle se restaurent une dizaine de personnes. Certainement des roadies. Kirk Windstein se retourne, me tend la main et m’invite à prendre place à ses côtés. « N’hésite pas à parler fort », me confie-t-il, « Je suis un peu sourd de l’oreille gauche et il y a beaucoup de monde ».

En vingt-sept ans de carrière, Crowbar a publié pas moins de dix albums studio ; et le dernier en date, ‘Symmetry in Black’, remonte à 2014. Y aurait-il du neuf dans le pipeline ? « En effet, aujourd’hui nous disposons de dix nouveaux morceaux. La musique a déjà été entièrement mise en boîte ; et il ne reste plus qu’à écrire les paroles », explique Kirk, avant de poursuivre : « Quand on rentrera de la tournée, je me poserai quelques jours, puis je rentrerai en studio afin d’enregistrer les parties vocales. On pourra ensuite mixer le tout. Je pense que le disque devrait être disponible vers le 30 septembre. On est vraiment impatient de le voir sortir… » 

Une carrière musicale, dont la longueur n’est pas synonyme de statu quo, mais bien d’une perpétuelle remise en question. Tant et si bien que, ‘The Lord of Riff’ (NDR : c’est également son surnom) confesse au sujet de ce nouvel LP : « On peut s’attendre à quelque chose de plus old-school que sur les précédents. De plus dénudé, de plus concret. Une sorte de version moderne de sonorités de ce style. Tu sais, on a pas mal évolué au fil du temps. J’ai dernièrement réécouté nos plus anciens morceaux, mais également des groupes qui nous ont influencés à l’époque, comme Type O Negative, The Melvins, Carnival in Coal, Trouble, etc. Ce qui m’a mis en condition pour écrire des compositions plus old-school, comme je te le signalais. Je suis vraiment impatient de voir ce que ça va donner ! »

Bien que le combo ait, au départ, affiché plusieurs patronymes (Shell Shock, Aftershock, Wrequiem, The Slugs), avant d’opter définitivement pour celui de Crowbar, Kirk Windstein a toujours été l’homme aux manettes. C’est son band ; et les musiciens qui l’entourent, aussi interchangeables soient-ils, se contentent de l’accompagner. Une création musicale qu’il a pu, au fur et à mesure, imprégner d’une empreinte facilement reconnaissable. « J’écris aussi les paroles, mais je les ajoute toujours en fin de processus », explique-t-il. « Je me focalise généralement sur les sessions d’enregistrement des instruments. Jusqu’au jour où je me rends compte que –merde !– j’ai encore des lyrics à me taper. Les paroles sont très spontanées ; ce sont les idées qui me préoccupent au moment même. Et comme toujours, dans ces périodes de rush, ma femme se tient prête à prendre note des idées qui me traversent l’esprit », admet-t-il, en adressant un clin d’œil à Robin, son épouse, qui nous a rejoints depuis quelques minutes. S’il fallait retracer l’histoire de Crowbar, la rencontre des deux metalheads serait certainement à marquer d’une pierre blanche. « Ma vie a beaucoup changé depuis que j’ai croisé Robin ». C’est notamment ce coup de foudre qui a motivé son départ du supergroupe Down, il y a maintenant trois ans. Une décision mûrement réfléchie, ne souffrant pas d’une ombre de regret de sa part : « J’apprécie encore plus la vie qu’auparavant. Je nous donne simplement plus de temps et j’évite d’être sans cesse sur la route. On a trouvé un équilibre qui fonctionne assez bien. Tu sais, notre formation bourlingue quand même pas mal, et accumule donc des tas de concerts. Vivre en tournée, c’est un job en soi. Actuellement on est en plein dedans, et on récolte un peu d’argent grâce à ces spectacles ainsi qu’au merchandising. Un peu comme si c’était du ‘family business’ ; et il fonctionne bien ».

Sans grande surprise, il paraît que Down imposait aux musicos un rythme de croisière assez éreintant. « Je sentais bien que mon départ allait de toute façon arriver. On n’arrêtait pas de tourner et on n’avait plus aucun moment de répit. C’est peut-être ce qu’ont ressenti également d’autres gars du groupe : Pepper Keenan est aujourd’hui de retour dans Corrosion of Conformity, Jimmy Bower roule sa bosse chez EyeHateGod et Phil Anselmo recommence son projet Superjoint ». L’occasion ici de revenir sur le cas ‘Anselmo’. En effet, fin janvier 2016, l’ex-homme fort de Pantera, passablement éméché, s’était autorisé, en clôture de sa prestation, d’un salut nazi suivi d’un ‘White Power’ fort peu élogieux. Un triste évènement qui a marqué la scène Metal. Reconnaissant ne pas avoir été dans son état normal lors de ce dérapage, Anselmo a finalement pris la décision de faire un pas de côté, pendant quelque temps. « Tu sais j’aime beaucoup Phil et c’est un bon ami à moi et… [Kirk paraît très embarrassé]. Personnellement, je le connais depuis ses quatorze ans et ce mec n’est pas un raciste. Je ne comprends pas très bien pourquoi il a dérapé… [Robin mime à côté de nous quelqu’un qui boit une bouteille au goulot]. Ouais ça doit surtout provenir de là… Mais bon j’évite de parler de cet épisode. Il était apparemment saoul, mais ce n’est pas une excuse. En tout cas, ce comportement ne ressemble pas au mec que je connais et je ne peux l’admettre… » Il n’en dira pas plus à ce sujet.

Crowbar appartient à cette catégorie de formations pas spécialement connues, mais néanmoins reconnues dans le milieu. Considéré comme un des fondateurs du Sludge, The Riff Lord ne se réclame pourtant pas spécialement de ce style : « Ce n’est évidemment pas nous qui avons inventé ce terme. Crowbar joue de la Heavy Music. Ce sont les médias qui ont commencé à nous étiqueter ‘Sludge’. Au final, on ne fait tous que du rock’n’roll. Tous les bands qui ont permis la naissance du Heavy Metal, comme Black Sabbath ou Judas Priest, ne pratiquaient finalement que du rock’n’roll plus dur et plus rapide. Et encore, si on creuse dans le passé, le Rock n’est qu’une forme dérivée du Blues. Tout ce que Crowbar propose depuis ses débuts est basé sur du rock’n’roll et du Heavy Metal des premiers jours ».

Un statut prestigieux, accepté en toute modestie, mais qui ne permet pourtant pas au combo de se produire dans les plus grosses salles ni de figurer en tête d’affiche des festivals. « Je ne sais pas trop comment expliquer pourquoi… On a toujours fonctionné pas à pas. Et plus le temps passe, plus ma philosophie se résume à ‘celui qui va lentement, va sûrement’. Si tu te casses le cul lors de chacun de tes shows, tu ne pourras que progresser. Petit à petit. Je n’ai pas besoin d’être riche et connu. Ce n’est pas mon intention. Je m’investis dans la musique, parce que c’est ce que j’aime. Perso, arriver à en vivre confortablement, c’est tout simplement un rêve qui devient réalité. Et je ne suis pas prêt d’arrêter… »

Outre son statut de talentueux musico, Kirk est avant tout un passionné de musique. L’occasion de lui soumettre quelques choix cornéliens. Brian Johnson ou Axl Rose ? « Bien sûr, je choisis Brian Johnson. Mais j’ai lu un article aujourd’hui à propos de son remplacement. Si Brian Johnson a fait un pas de côté, s’il l’a fait de son propre gré, alors au final pourquoi en effet ne pas le remplacer par Axl ? Il semble bien faire le boulot ! Je n’ai pas envie de trop spéculer, mais bon… des premiers jours, il ne reste plus qu’Angus. C’est lui le patron. Il a peut-être eu aussi envie de continuer cette aventure dix ans de plus et Brian allait peut-être commencer à compromettre son projet à cause de ses problèmes de surdité. Quand j’ai vu la première fois les Guns, c’était à Hollywood, dans les années 80. Ils étaient encore dans leur local de répétition. J’ai tout de suite accroché à leur musique, sentiment qui s’est amplifié en écoutant l’album ‘Appetite For Destruction’. Pour ma part, c’est un incontournable. Je n’attache pas trop d’attention à ce que racontent les médias au sujet des membres du band ; par contre, j’ai lu les livres de Slash et Duff McKagan. Ce sont des mecs bien. Mais pour en revenir à ACDC, oui, c’est peut-être un nouveau futur avec Axl ».

Autre choix difficile : les Beatles ou les Rolling Stones ? « Autrefois j’aurais répondu sans hésitation : les Rolling Stones. Mais maintenant… je dirais les Beatles. Beaucoup de mes compositeurs préférés, comme Peter Steele de Typo O Negative, Bruce Franklin et Rick Wartell de Trouble ou encore Randy Jackson de Zebra m’ont permis de réaliser combien les Beatles étaient bons. J’ai énormément écouté les Stones. Ils sont bons également ; mais… c’est différent. Je m’en fous un peu des premiers jours des Beatles, des elpees du début de leur carrière. Je préfère de loin ce qu’ils ont réalisé par la suite, lorsqu’il se sont diversifiés, et sont devenus plus sombres et plus lourds. C’est un peu leur face démoniaque… »

Pour en revenir au Metal : Iron Maiden ou Judas Priest ? « Je dirais Priest, seulement parce que … [il hésite et cherche ses mots] en fait, quand Bruce Dickinson a rejoint Iron Maiden, ce groupe était mon préféré à l’époque. Son premier album est génial, il m’a rendu complètement fou lorsqu’il est sorti. J’aime beaucoup les anciens morceaux de Maiden, mais après ‘Powerslave’, la formation a commencé à se répéter et à se répéter. Et puis, tant mieux pour eux, mais Iron Maiden est devenu très populaire. Et paradoxalement, c’est également à ce moment-là que Bruce Dickinson et Adrian Smith ont décidé de partir… Bon, Bruce est revenu depuis lors, mais je pense que ça veut dire quelque chose. Bien que ce soit génial pour eux : au départ, ils jouaient dans des petits clubs et maintenant, ils sont devenus un des bands les plus notoires, sur la planète ! Mais depuis la moitié des années 80, à l’une ou l’autre exception près, je n’ai plus beaucoup accroché à Maiden. Si tu prends un peu de recul, tu te rends compte que ‘British Steel’ de Judas Priest représente bien mieux ce qu’incarne le Heavy Metal ».

Et quant aux groupes beaucoup plus contemporains, Five Finger Death Punch ou Baby Metal ? « Baby Metal… [Kirk a l’air surpris et interrogatif] ? Ah ah ! Ouais j’ai entendu parler d’eux… mais je ne les ai jamais écoutés… »

Allez, une dernière question pour la route, non plus d’un point de musical, mais qui traite de l’actualité : Trump, Clinton ou Sanders ? « Ils sont tous mauvais ! Sanders n’est plus dans la course, il est dépassé depuis un petit temps. Aux États-Unis, notre démocratie est basée sur un principe libertaire… et c’est un socialiste ! Et personnellement, je n’ai pas envie que le socialisme soit importé aux États-Unis ! La seule chose que j’apprécie chez Trump, c’est qu’il a fait lui-même sa fortune. Clinton a consacré sa carrière à la politique. Sa femme est dans les coulisses du pouvoir depuis un petit temps… Mais au bout du compte : lui c’est un foutu lunatique, il change souvent d’avis ; et elle, c’est une vraie idiote… donc qu’ils aillent tous se faire voir ».

And Also The Trees

Me and Mister Jones…

Écrit par

A l’issue du concert accordé par And Also The Trees, le 31 mars dernier, à l’Os à Moelle, une petite interview avait été programmée en compagnie de Simon Huw Jones, le chanteur du groupe. L’occasion de parler de son nouvel album, « Born into the waves » (voir chronique ici). Et puis des derniers événements liés à la vie de la formation. Vu le nombre d’aficionados qui souhaitaient tailler une bavette avec les musicos, nous avons alors décidé de la réaliser un peu plus tard, par e-mail. En voici le contenu.

Pour enregistrer « Born into the Waves », vous vous seriez inspirés de vos visites en Europe de l’Est et au Japon. Ont-elles marqué davantage votre musique ou les textes ? Ou les deux ? Peut-on en savoir davantage ?

shj - Ce sont deux voyages différents plutôt qu’une tournée. Si vous êtes capables d’oublier le côté conneries rock’n’roll liées à la ‘route’, ils peuvent susciter l’inspiration. Nous avons toujours été fortement influencés par notre environnement. Et tout d’abord par celui, rural, du Worcestershire où nous habitions ; mais quand nous avons commencé à tourner sur le continent européen, ces périples ont coloré notre musique et mes paroles également. « Slow Pulse Boy » et « The Street Organ » ont été influencés par des séjours en Belgique, au cours des premières années, par exemple. Le son de guitare de Justin s’est inspiré par ceux accomplis en Italie, en Europe de l’Est et aux USA…

Ainsi, pour cet album, nous avons été influencés, il est vrai, par nos voyages en Ukraine, Roumaine, Lituanie et au Japon… c’est autant subliminal qu’intentionnel, cependant. Notre processus d’écriture dans son ensemble est d’ailleurs assez subliminal. La musique et les mots vont assez bien de pair ; c’est-à-dire que ce qui influence la musique influence les mots. La musique d’abord. La musique vient toujours d’abord et trace la voie…

Un groupe qui s’appelle And Also The Trees et accueille le chanteur de Dead Forest Index (Andy Sherry), c’est quand même paradoxal. Et pourquoi pas la prochaine fois, n’inviteriez-vous pas celui du groupe américain Woods, Jeremy Earl ?

shj - Une autre coïncidence, c’est que A Dead Forest Index réunissent deux frères, comme Justin et moi ; et ils ont aussi vécu dans le Worcestershire au cours de leur enfance et… nous ne nous connaissions pas avant de nous rencontrer au Festival de Leira, au Portugal, l’été dernier. Mais le plus incroyable, c’est que nous avons apprécié la musique l’un de l’autre. 

Vous avez assuré le supporting act de Cure, dernièrement, à Londres. C’était un peu des retrouvailles. Il n’y a pas eu de jam en fin de spectacle ?

shj - Un jour, alors que j’étais adolescent et ivre, je suis monté sur les planches et j’ai jammé avec un groupe au sein duquel militait un ami ; un ancien membre du groupe rock psychédélique, The Move. Le matin suivant, ce souvenir m’a tellement embarrassé, qu’il m’a presque tué ; et cet épisode me cause encore occasionnellement des cauchemars. Evidemment, j’ai décidé de ne plus jamais participer, dans le futur, à de telles expériences.

C’était chouette de retrouver Robert Smith et Simon Gallup, à nouveau. Il y avait tellement longtemps qu’on ne s’était plus vus. Les concerts étaient épatants et ces quelques jours passés ensemble se sont révélés fantastiques. 

Sur « Season & the Storm », « The Sleeper » et « The Skins of Love », le son des claviers me rappelle celui de Genesis à l’époque de l’album « Trespass ». Est-ce une coïncidence ?

shj - Il n’y a pas de claviers sur ces chansons. Ce que tu entends, c’est la guitare de Justin. Quand il a commencé à jouer, un idée lui trottait dans la tête, celle d’en jouer en la faisant sonner le moins possible comme une guitare. C’est ce qu’il continue de réaliser, et avec succès.

Nous n’avons jamais été des fans de Genesis et ne connaissons pas la chanson à laquelle tu fais référence ; pas que nous ne les aimons pas, mais parce que nous n’avons jamais accroché à sa musique.

Lorsque le tempo devient offensif, « Bridge me rappelle le « One of these Days » du Pink Floyd. Vous avez écouté en boucle des disques de musique progressive, lors des sessions d’enregistrement ?

shj - Nous connaissons l’album 'Meddle', mais nous ne l’avons plus écouté depuis longtemps. Ainsi, ce n’est pas une influence. Nous ne cherchons pas à puiser une influence directe dans la musique des autres groupes.

D’après ce que j’ai pu lire, Paul Hill fabrique des percussions à l’aide de cylindres, percus qu’il utilise, apparemment, sur l’instrumental « Naitö-Shinjuku » ? Il en fabrique souvent des instruments insolites ?

shj - Paul a fabriqué des drums à l’aide de pots de colle industriels et les a accordés en y forant des trous. Il aime toujours fabriquer des trucs –pas forcément des instruments– qui ressemblent davantage à des sculptures ou des inventions folles. Il a créé un appareil baptisé Zoetrope qui projette des dessins animés en utilisant des miroirs et des lampes. Je suis sûr que qu’il sera très utile à l’avenir.

 « Hawksmoor & the Savage » et « Seasons & the Storms » sont deux superbes compos Mais certains confrères estiment que si elles avaient été plus longues, elles seraient devenues sublimes. Partagez-vous cette critique ou simplement aviez-vous l’intention de créer un manque, pour leur donner davantage d’intensité ?

shj - Pour nous, elles semblaient avoir la bonne longueur. Je ne les ai jamais imaginées plus longues. Mais ces observations ou critiques sont malgré tout intéressantes.

Plusieurs chansons de l’album parlent de l’amour sous sa forme la plus pure, par opposition à la haine. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce sujet ? Ne penses-tu pas que suite aux attentats terroristes perpétrés à Bruxelles, elles collent plus que jamais à l’actualité ? 

shj - Le premier pas vers l’écriture de l’album est arrivé quand Justin m’a présenté quatre morceaux de musique à la guitare, qu’il avait écrits, ajoutant qu’il s’agissait d’histoires d’amour issues de différentes parties du monde. Et le concept de l’histoire d’amour, de la chanson d’amour, a été omniprésent tout au long du processus. Je l’ai aimé et ai commencé à décrire ces différentes personnes issues des quatre coins de la terre avec cette même émotion commune. Curieusement cependant, elles sont souvent apparues solitaires et dans des grands espaces ouverts. Ainsi, j’ai observé ou contemplé l’amour dans quelques-unes de ces formes les plus diverses et recherché certains de leurs fils conducteurs dans la musique.

Apparemment, ces derniers temps, vous multipliez les projets personnels. Peut-on en savoir davantage ?

shj - Et bien, je travaille encore sur un second opus en compagnie de Bernard Trontin des Young Gods… Nous l’appellerons « November » et l’enregistrement est terminé. Il nous reste à le mixer, maintenant. J’ai aussi bossé en compagnie d’Olivier Mellano, un guitariste et compositeur français, sur un énorme projet commissionné par l’Orchestre Symphonique de Bretagne. Justin a joué récemment sur l’album de Marc Almond… Mais ce sur quoi nous sommes le plus focalisés pour l’instant, c’est le projet 'Brothers of the Trees', au cours duquel Justin et moi retravaillons des chansons d’And Also The Trees et pour lesquelles nous souhaitons parfois inviter des musiciens… et pour être ouvert à l’improvisation, peut-être du ‘spoken word’ et même des reprises jusqu’à un certain point, si nous estimons qu’elles recèlent quelque chose d’original ou d’amusant.

Le titre de l’album, « Born into the waves », a-t-il une signification particulière ?

shj - Le titre émane des paroles de « The Skeins of Love ». Il colle bien avec l’illustration de la pochette comme avec l’atmosphère musicale générale. Mais il est aussi ambigu.

Qui est Maësharn (« Your guess) ?

shj - Elle est dans la musique. Elle est comme tu la vois.

(Merci à Vincent Devos)

Sophia

Le nouvel album de Sophia est plus positif, plus ouvert...

Leader de The God Machine, une formation américaine 'culte' qui a sévi au cours des années 90, et de Sophia, son projet actuel, Robin Proper-Sheppard est un musicien remarquable mais surtout, un être foncièrement attachant. Dans le hall des tout nouveaux locaux de PiaS, en plein centre de Bruxelles (juste à côté du Centre Belge de la Bande Dessinée), son accueil est chaleureux. Aujourd'hui, c'est la journée 'promo' pour la sortie du dernier opus de Sophia, ‘As We Make Our Way (Unknown Harbours)’. Robin est habillé de noir (tout comme votre serviteur) ; souriant, il me propose un café et la conversation s'engage tout naturellement sur le thème de Bruxelles, la ville où il a élu domicile, il y a de nombreuses années.

« J'aime beaucoup Bruxelles », confie-t-il. « Au départ, j'ai choisi cette ville lorsque mon ex-épouse et moi se sont séparés, parce que cette solution permettait aisément de faire un saut à Londres en Eurostar pour voir ma fille. Et aujourd'hui, je m'y sens très bien. J'habite dans le centre et j'ai un petit territoire privé qui s'étend entre mon appartement du côté de Sainte-Catherine, le Delhaize de La Bourse et l'Archiduc. »

L'Américain a vite trouvé en notre pays une terre d'accueil qui soutient les artistes. « Le gouvernement ici a pris des mesures en faveur des artistes et il est possible d'obtenir des subsides, ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays. Et les conservatoires de musique sont plus ouverts aux musiques modernes et alternatives. Les musiciens belges avec lesquels je travaille vivent uniquement de la musique. »

A l’instar des productions précédentes, ‘As We Make Our Way’ propose un indie-rock flirtant avec le folk et le post-rock. Mais on sent quand même une évolution importante. « La plus grande nouveauté, c'est que ce disque n’est pas aussi triste que les précédents. Auparavant, mes compositions exprimaient la souffrance de mes amours déçues ; tandis que sur celui-ci, le point de vue est moins personnel. La production est moins brute et laisse davantage de place aux expérimentations sur le son, les textures et la dynamique... Oui, le nouvel album de Sophia est plus positif, plus ouvert. »

Un des deux premiers titres qui a servi de 'teaser', ‘Resisting’, témoigne de cette évolution. Il se distingue par une superbe progression, très post-rock, vers un refrain qui résonne comme un hymne. « C'est juste ! J'ai constaté que mes nouvelles compositions avaient un impact différent. Mes amis m'ont avoué qu'ils étaient touchés par ce côté plus ouvert, moins égocentrique. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai changé le titre de l'album : à l'origine il s’intitulait 'As I make my way' et j'ai remplacé le 'I' par 'We' pour souligner cette ouverture. »

La chanson ‘You Say It's Alright’ est également un bel exemple de la nouvelle direction empruntée par Sophia. « Je l'ai composée à la guitare, mais on a beaucoup travaillé sur les arrangements, en introduisant un arpeggio au synthé, afin de créer une tension tout au long du morceau. Au départ, les fans de Sophia ont été surpris par ce côté électro ; mais maintenant les retours sont très positifs. Et le riff de guitare, à la fin, rappelle un peu The God Machine. » Après plusieurs écoutes, les voix atmosphériques font aussi penser à M83.

Mais c'est le côté très 'dark' de Robin Proper-Sheppard qui intéresse surtout votre serviteur. L'occasion d'en savoir plus sur ses références postpunk/new-wave ! « J'adore The Cure, Bauhaus et tous ces groupes issus des années '80. En fait, au début, on exécutait des reprises chez The God Machine. Par exemple le ‘Double Dare’ de Bauhaus. ‘Disintegration’ de The Cure m’a également énormément marqué. De même que le répertoire d’Echo And The Bunnymen. Eux-mêmes étaient influencés par la musique garage et psyché des années 70. J’apprécie aussi beaucoup Wire ; Graham Lewis est un ami. »

Irait-on jusqu'à affirmer qu'il existe un élément de postpunk dans sa musique ? « Oui ! C'est aussi une question d'attitude. Je n'ai pas peur de choquer, de surprendre. Il y a une 'angularité', un 'anti-conformisme'. A la fin de 'Drifter', par exemple, les synthés sont dissonants. Ce n'est pas une chanson 'pop' ! Et ce concept, je le tiens de toutes ces formations nées dans les années '70 et '80. »

Il existe également une structure 'prog' dans la musique de Sophia. Pas comme chez Genesis ou Yes, mais dans l'approche progressive des compositions, qui recèlent différentes séquences, différentes atmosphères. Un peu comme chez Radiohead et les formations de post-rock. Qu'en pense le principal intéressé ? « Je confirme ! Merci pour ces comparaisons, qui m'honorent ! »

Ce qui surprend lors de cette interview, c'est que contrairement à la plupart des musiciens connus, Robin Proper-Sheppard s'intéresse véritablement à son interlocuteur. Ce qui permet de présenter mes activités comme scribouillard bénévole pour différents 'webzines', DJ et animateur d’émission radio. On parle du nouvel elpee de The KVB, paru sur Invada Records ; de l’interview que votre serviteur a réalisée en compagnie de John Foxx et je promets de lui envoyer 'Hiroshima, Mon Amour', le titre culte d'Ultravox !

Plus tard, Robin accordera un showcase privé devant une centaine de fans dans la petite salle, chez PiaS. Sans micro et sans amplification, il va nous réserver des versions acoustiques de ses chansons, en agrémentant sa prestation d'anecdotes savoureuses. Un moment inoubliable !

Sophia se produira en concert au Botanique le 26 avril (c’est sold out) et dans le cadre du festival Pukkelpop, le 19 août.

Pour vous procurer le nouvel album « As We Make Our Way (Unknown Harbours) », c’est ici 

Photo Philip Lethen

Giedré

Mes chansons sont instinctives....

Écrit par

Giedré, c’est un phénomène. Pas seulement parce que cette chanteuse –mignonne comme tout– se prend pour tout, sauf une princesse qui fait des cacas papillons. Surtout parce qu’elle propose un répertoire particulier et est la seule à le vendre si bien aujourd’hui. Surtout parce que cette artiste n’a pas d’ambition dans ce métier. L’entretien se déroule dans le hall de son hôtel. D’un côté, Giedré et sa manager. De l’autre, votre serviteur. Nous nous installons dans des fauteuils un peu plus loin, au sein du hall. J’ai l’impression d’être passé dans son salon. Sa manager s’éloigne.

C’est encore plus sympa chez vous que chez moi (rires).

Oui mais c’est normal, car je suis dans le showbiz. Légitime que vous ne disposiez que de chaises et moi de fauteuils. D’ailleurs, je devrais demander qu’on vous installe sur des tabourets. Il existe quand même une certaine hiérarchie sociale à respecter…

Ces premiers mots sont prononcés dans la bonne humeur ; des propos qui restent dans le cadre d’une plaisanterie. Il y a de ces artistes qui jouent aux intouchables, prennent parfois leur interlocuteur de haut. Giedré, certainement pas. Il ne manque plus qu’une bière sur la table pour s’imaginer être occupé de discuter avec une copine perdue de vue depuis longtemps qui vous raconte ce qu’elle est devenue.

En regardant un peu vos interventions dans la presse, on a l’impression qu’on vous pose toujours les mêmes questions. Quelles sont les trois questions auxquelles vous êtes fatiguée de répondre?

Ah, c’est une bonne question ! On ne me l’avait pas encore posée, d’ailleurs… Vous n’avez pas l’impression d’aller trop loin? Ca c’est le top 1 ! Giedré, c’est votre vrai prénom? A quel moment, peut-on dire qu’il a été choisi comme nom de scène ? Et la troisième, vous auriez pas l’heure ? Parce que je n’ai pas de montre alors…

L’entretien est lancé. Au cours de cette grosse demi-heure, elle va balancer réponses hyper sensées et intéressantes ainsi que plaisanteries ou autres jeux de mots rigolos.

Aussi, qu’aimeriez-vous qu’on vous pose comme question pour la promo de votre album ? Celle qu’on ne vous a jamais posée ?

Heu… Bonne question ! Vous n’avez que des bonnes questions en fait. Il faut venir en Belgique pour entendre de bonnes questions. Celle qu’on ne m’a jamais posée ? Quel est le poids du disque, par exemple. Ou ses dimensions exactes. Il pèse 60 grammes environ et doit mesurer 12 centimètres. J’en suis sûre, parce que je l’avais pesé et mesuré pour les faire-part de naissance ; c’était important !

Question un peu par l’absurde. Qu’est-ce qui, musicalement, ne vous inspire pas du tout, voire vous révulse ?

En fait, ce qui pourrait me révulser me motive pour passer à autre chose. De positif ! Restons donc positifs ! Chimène Badi, par exemple. Ou la collégiale des Enfoirés. C’est ce qui pourrait me dégoûter.

Pas sûr que vos chansons soient toujours très positives. Exact ?

C’est la raison pour laquelle j’aime les blagues, sans quoi il n’y aurait plus qu’une seule issue, le suicide.

L’Homme, vous n’y croyez pas trop, les enfants, on n’en parle même pas. En quoi croyez-vous ?

Je crois que ça pourrait être mieux sinon je ne composerais pas des chansons. Enfin, je ne sais pas. J’en sais rien. En tout cas, je pense qu’il faut commencer par regarder les choses en face. Et alors à ce moment-là, on pourra se poser d’autres questions que ‘Est-ce que j’envoie larguer au 8 12 12 ?’

A quel moment décide-t-on de l’écriture de ce type de chansons ?

Vers 16h. Et c’est souvent un mardi (rires). Non, mais j’ai débuté l’écriture très tôt. Lorsque j’ai commencé à jouer de la guitare, je voulais trouver un écho sur la plage. Je devais avoir 14-15 ans. Mes chansons sont instinctives. Mais ma chance, c’est que je n’ai jamais eu l’ambition d’en faire un métier. D’attirer du monde lors des concerts pour chanter mes chansons. C’est arrivé vraiment par surprise. Et quand on n’a pas d’ambition, on ne se pose pas les mauvaises questions, on ne cherche pas à plaire. Ce qui préserve de l’orgueil, de l’égo et tout le reste…

Quelles sont les limites de l’inspiration de Giedré ? Dans les sujets par exemple?

Je ne conçois pas mon inspiration en terme de sujets. Je crois qu’on peut composer 20 chansons sur le même thème, selon l’angle abordé, et elles peuvent être toutes différentes. Je ne vois pas l’inspiration comme ‘Oh tiens, j’ai jamais écrit une chanson sur les obèses tétraplégiques, il faut absolument que j’en fasse une’. C’est plutôt : ‘Qu’est-ce qu’on pourrait dire d’intéressant ?’ Et alors une chanson consacrée à un fauteuil peut être bien plus ‘transgressive’ qu’une autre sur la politique. Tout dépend de l’histoire du fauteuil qu’on veut lui donner.

A qui on devrait offrir l’album de Giedré ?

Mon rêve serait de l’offrir aux enfants. Mais on a rencontré des problèmes avec les services sociaux. Aussi, je suis encore en pourparlers pour les régler. Je suis persuadée qu’on pourrait leur économiser des années de doutes et de tortures… Au moins, ils ne seraient pas déçus en grandissant et en vivant la vraie vie.

Il y a quelques chansons, vous racontiez que les femmes étaient ‘Toutes des putes’. Maintenez-vous cette opinion ? Quel est votre tarif ?

Oui, je maintiens. En fait, je me fais la messagère, hein, de ce propos universellement répandu, que nous sommes toutes des putes. Et mon tarif ? Je sais pas. A Bruxelles ? 14€ ou 20€… On essaye de rendre les prix accessibles, quand même.

Vos apparitions publiques reflètent-elles un personnage construit de toutes pièces ou y a-t-il un peu de vous là-dedans ?

En fait, ça exige énormément de préparation. Ce qui explique pourquoi j’étais un petit peu en retard à l’interview parce qu’au quotidien je m’investis plutôt dans la cordonnerie. Je possède un petit atelier dans le Nord de la France et surtout, j’ai 45 ans, je mesure 1m50 et je suis Congolais. C’est drôle parce qu’on me pose toujours cette question. Et pourtant, je pense qu’il faudrait plutôt interroger ceux qui chantent des chansons hyper fédératrices sur le partage, l’humanisme… et sont pourtant des exilés fiscaux en Suisse. Perso, c’est à eux que j’aimerais demander : ‘Votre personnage, est-ce que vous pourriez nous en parler ?’ C’est rigolo parce qu’on ne leur demande jamais de parler de leur personnage public. Et c’est rigolo, parce que je mets juste des fleurs et des couleurs et on me pose constamment la question du personnage. Quand on est en représentation, on choisit ce qu’on veut montrer de soi, on n’est plus dans le contrôle. Sinon, si c’était la vraie vie, en plein milieu du concert, je m’arrêterais pour manger un sandwich et passer un coup de fil à ma mère. Tout en soi n’est pas intéressant à montrer. Ce n’est pas une question de personnage, c’est une question de représentation. Quand on est regardé, on a le choix de ce qu’on va montrer à l’autre.

Essayez-vous de faire passer un message à travers vos chansons ou est-ce juste de la déconne?

Je n’ai pas vraiment envie de répondre à cette question, parce que j’ai toujours fait partie de ceux qui, dans les musées, ne lisent pas les petits encarts à côté des œuvres d’art. Je n’ai jamais souhaité qu’on m’en explique la signification. J’accorde suffisamment de confiance aux gens qui m’écoutent pour comprendre, parce que je pense qu’ils sont beaucoup moins bêtes que ce qu’on leur dit à longueur de journée. Et puis je ne suis pas vexé quand on perçoit mon message au premier degré et qu’il fait bien rigoler ; c’est déjà bien de pouvoir juste rigoler.

Et qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cette aventure puisque vous ne cherchez pas la gloire ?

Les putes, la drogue, le showbiz… (rires) Vous me demandiez tout à l’heure en quoi je crois ? Partir en tournée donne moins envie de mourir parce que tous les jours on rencontre des gens qui comprennent ce qu’on raconte. Que finalement on est peut-être nombreux à penser de la même manière. Et peut-être qu’un jour on va se mettre tous debout.

Giedré, elle n’est définitivement pas comme les autres. Elle a répondu avec simplicité, sincérité et humour. Mais toujours d’une manière sensée et pleine d’intelligence. Il y a des fans de ses chansons. Il y a et y aura des fans de ce qu’elle raconte. Merci à elle pour ce moment délicieux…

 

The Rhythm Junks

Pas de cuivres ni de guitare, mais pas mal d’impro…

The Rhythm Junks réunit des vieux briscards issus de la scène blues, roots et jazz du Nord de la Belgique. A l’origine, le line up impliquait le jeune harmoniciste Steven De Bruyn, le drummer Tony Gyselinck et le vétéran Roland Van Campenhout. Depuis, ce dernier a cédé sa place à l’ex-Admiral Freebee, Jasper Hautekiet. Après 11 années d’existence, la formation vient de publier son quatrième elpee, « It Takes A While ». Steven et Jasper ont accepté d’accorder un entretien à Musiczine, ce 20 janvier, dans un petit bistrot, sis à quelques pas de la Bourse. On vous en relate les moments forts…

Roland a définitivement abandonné The Rhythm Junks ?

Steven : Il a participé aux sessions d’enregistrement du premier album, « Fortune Cookie ». Il y a 22 ans que je connais Roland. Tout a commencé à Bruxelles, lors du Jazz Marathon. J’étais venu en compagnie d’un ami qui s’est chargé de nous présenter. A l’issue de notre rencontre, on a joué trois morceaux ensemble. Ensuite il m’a demandé quel était mon emploi du temps, le lendemain. Je lui ai répondu que je ne savais pas encore. Il m’a alors invité à Louvain-La-Neuve, dans le cadre du Boogie Town Festival. Il devait remplacer Big Sugar, un groupe canadien. Il m’a dit que je pouvais jouer avec lui. Donc le lendemain, je me suis rendu là-bas, et on a joué ensemble. On n’avait jamais collaboré et là on se produisait dans un festival. Nous sommes restés amis. De temps à autre, on coopère encore. Après 20 ans d’existence, on n’avait toujours rien enregistré. J’avais seulement participé à l’enregistrement de quelques morceaux sur des disques de Roland. Et on en avait conclu qu’il fallait remédier à cette carence. Ce qui explique pourquoi on a réalisé « Fortune cookie ». De temps à autre, quand The Rhythm Junks se produit, comme au Japon, Roland vient nous rejoindre...

Collaboration atypique, celle entre Steven à l’harmo, Roland et Helmut Lotti, à l'AB, en compagnie d’une belle brochette d’invités. Tu t’en rappelles ? C’était en 2013.

Steven : Les personnalités de Roland et Helmut Lotti sont totalement opposées. Je me souviens, lorsqu’on a attaqué les sessions, Helmut voulait déjà savoir quand on aurait terminé. Je lui ai répondu qu’on n’avait même pas encore commencé. Et qu’on verrait bien quand ce serait fini. Parce que pour Roland, c’est toujours le moment et on joue l’instant présent. Helmut Lotti est un perfectionniste. Il veut savoir où il va… Roland et moi étions très fatigués. On répétait quotidiennement. Un jour il a joué un morceau, et une demi-heure plus tard, il l’a rejoué, mais de manière complètement différente. Ça c’est Roland ! Il joue à chaque fois différemment. Tout dépend de son feeling du moment.

The Rhythm Junks vient de graver son quatrième elpee. Qu’est-ce qui a changé en 11 années d’existence, chez ce groupe, hormis le départ de Roland ?

Jasper : Pour le premier et le deuxième album, on avait reçu le concours de cuivres. Un contexte qui nécessite une structure, notamment pour les arrangements. Puis on s’est limité au trio batterie, basse et harmonica. Ce qui nous accorde davantage de liberté pour improviser. « It Takes a While », c’est la suite logique de « Beaten Borders ».
Steven : On a enregistré ‘live’ lors des sessions. Quand on avait recours aux cuivres, il était indispensable de se fixer une ligne de conduite avant d’entrer en studio. Mais pour ce disque, je cherchais à entretenir une tension comme dans le « Kind Of Blue » de Miles Davis, où il y a de l’impro. On disposait déjà d’une charpente pour les morceaux, mais on a décidé de les interpréter suivant le feeling du moment, pas comme si on devait suivre une partition. Et ça a bien marché.

Pourtant, les compos de l’elpee semblent plus radiophoniques, accessibles, universelles aussi. Une explication ?

Jasper : C’est l’album qu’on avait le moins préparé avant d’entrer en studio. Sans réfléchir. On y a joui d’une plus grande liberté. C’est chouette de penser qu’elles puissent être universelles. Et pourtant, on n’a jamais déterminé à l’avance si elles seraient destinées aux radios.
Steven : En fait, on a voulu mettre en forme des versions élémentaires. Les plus longues sont destinées au ‘live’…

« It Takes A While » c’est le titre du long playing. Mais il faut un certain temps pour quoi ?

Steven : Quand il t’arrive un drame ou un événement de très grave dans la vie, il te faut du temps pour l’encaisser. Mais apprendre des vertus profondes, prend aussi du temps.

« Headphone City » me fait penser à dEUS. Même la voix évoque celle de Tom Barman. Une coïncidence ?

Jasper : les influences de dEUS sont également multiples. Ce qui fatalement nous rapproche. Mais on ne copie personne ; simplement certaines références sont probablement similaires.

« Calling Massala » est certainement le titre le plus coriace. A cause de sonorités de guitare, ma foi, particulièrement métalliques. C’est un créneau que vous comptez explorer, dans le futur ?

Steven : Il n’y a pas de guitare. Mais de la basse. Il y a même un solo de cet instrument. En fait, on se sert d’un omnichord (auto-harpe), dont les tonalités sont spécifiquement métalliques. Mais cette compo a une histoire. Massala est une fille qui vit à Nairobi. On s’est produit là-bas, il y a deux ans, dans le cadre du premier festival de jazz du Kenya. Et nous avons visité un projet mis en place dans un bidonville, à Korogocho, qui nous a beaucoup touchés. Il est destiné à permettre aux enfants à jouer de la musique classique ; ce qui permet d’améliorer leurs résultats scolaires, car leur capacité de concentration est plus longue. On voulait participer à ce projet. On a donc fait parvenir 150 harmonicas là-bas. Et sur Skype, je donne des cours à Massala, qui les répercute auprès des enfants.


Vous partez bientôt en tournée, à travers le monde, en compagnie de Balthazar et Triggerfinger?

Jasper : On a assuré la première partie des deux groupes en Suisse et en Allemagne, il y a deux ans. En Allemagne, il se racontait que The Rhythm Junks était le lien manquant entre Triggerfinger et Balthazar. Nous avons les mêmes racines que Triggerfinger, et une base assez simple comme celle de Balthazar. Sans grande guitare. C’est sans doute la raison pour laquelle on a décrit notre musique, sous cet angle. Et assurer la première partie de ces deux groupes, c’était super chouette.
Steven : Le public de Balthazar est plus jeune que le public de Triggerfinger. Chez nous, il y a beaucoup de solos. Et quand tu en réalises un devant les fans de Balthazar, ils commencent à tripoter leur écran de téléphone. Ils n’y sont pas habitués. Les aficionados de Triggerfinger nous comprennent mieux. Mais les deux publics ont été sympas à notre égard. Une bonne expérience.

En mai, vous vous rendrez au Japon dans le cadre de la fête de la bière. Arsenal et Intergalactic Lovers ont été invités avant vous. Un passage obligé ou une opportunité ?

Steven : Nous aimons le Japon car c’est un pays très intéressant et très différent de la Belgique. C’est une opportunité de pouvoir jouer là-bas. Certaines personnes prennent même l’avion d’une ville à l’autre pour venir nous voir parce qu’ils aiment beaucoup notre musique. De temps en temps, ils nous rejoignent sur scène. C’est très chouette. Et complètement fou! Le photographe qui a réalisé la pochette de l’album est japonais.
Jasper : On l’a rencontré à Kyoto et on a fait un photoshoot.

Steven tu es originaire de Heusden-Zolder. Tu as tourné 8 courts-métrages sur ta région. Une raison ?

Steven : Mon beau-père était mineur. Il était d’origine italienne. Il a commencé à bosser dès l’âge de 14 ans. Il s’était expatrié pour avoir du boulot dans les charbonnages. Lors de mes 12 ans, un de mes amis d'école a perdu son père, dans un accident. Un événement qui a secoué le village. J’ai pensé qu’il était judicieux de ne pas rester les bras croisés et de rencontrer les habitants. C’est un très chouette petit village, près de Genk. J’y retourne toutes les 3 ou 4 semaines. Mais aujourd’hui, la crise économique l’a plongé dans la désolation.

Bowie vient de s’éteindre, des suites d’un cancer. Steven, tu as collaboré à l'écriture d'une chanson pour financer la lutte contre le cancer. Es-tu particulièrement touché par cette maladie ?

Steven : Bien sûr, je suis encore jeune et j’ai déjà perdu des amis à cause de cette maladie aveugle. Les meilleurs sont parfois touchés en premier lieu…
Jasper : Bowie était en fin de vie. Son album est une forme de testament. Il avait peut-être tout programmé. Il savait que tel jour, c’était fini et que son disque allait sortir.
Steven : C’était un perfectionniste, un freak control. Je ne suis pas sûr que dans sa situation, j’aurais enregistré un album. J’aurais sans doute préféré rester auprès de ma famille.
Jasper : C’est peut-être le choix qu’il avait fait, car l’œuvre ne comporte que 6 ou 7 morceaux, dont certains étaient déjà sortis, il y a un ou deux ans…
Steven : Un clip comme « Lazarus », ne se réalise pas en une heure. Et quand tu vis dans de telles conditions, il est très difficile de tourner une vidéo pareille. Je l’ai regardée avant sa mort, et j’ai immédiatement conclu qu’il vivait ses derniers jours. C’est émouvant…

 

 

Tout Va Bien

Pas envie de devenir une diva…

Tout Va Bien, c’est le pseudo choisi par Jan Wouter Van Gestel, en 2013, lorsqu’il s'est lancé dans l'aventure ‘De Nieuwe Lichting’, une compétition destinée aux jeunes talents organisée par Studio Brussel. Et en accordant une brillante interprétation du classique de Jacques Brel, « Ne Me Quitte Pas », il est devenu lauréat de la première édition du concours musical de Stubru, aux côtés de Rhino’s Are People Too et Soldier’s Heart. Tout va donc très bien pour ce Malinois, puisque son single « This Fight » a squatté les charts belges pendant des semaines et son premier LP, « Kepler Star », est paru chez Warner Music. Produit par Arne Van Petegem (Styrofoam), il a été enregistré à Los Angeles. C’est juste avant son concert à l’AB, que l’artiste a bien voulu accorder une interview à Musiczine…

Un Néerlandophone qui choisit Tout Va Bien comme patronyme pour son projet… plutôt paradoxal, non ?

Je bossais devant mon ordinateur et il fallait que je me trouve un nom, car je devais envoyer une démo à Studio Brussel. A l’époque, tout n’allait pas si bien… Je traversais une période sombre. Faut dire que j’ai vécu des tas de mésaventures. Je passais mes journées au piano à écrire des textes ou composer des morceaux. Du soir au matin. J’étais encore aux études. C’est alors que j’ai eu l’idée de transmettre une démo à Studio Brussel. Juste avant de partir faire mon jogging en compagnie de mes potes. Je m’étais alors dit : ‘Pfff, tout va bien !’ C’était une réaction un peu sarcastique. Aujourd’hui tout va vraiment bien, donc ce n’est plus du tout un sarcasme ! Mais j’étais loin de m’imaginer que cette démo allait déboucher sur quelque chose de concret. Or, trois semaines plus tard, j’ai reçu un coup de fil de la part de Koen, animateur à Studio Brussel. C’était incroyable ! J’ai participé à la finale. Une liste de 100 morceaux avait été soumise aux concurrents, et il fallait en sélectionner pour en faire une reprise, sur deux jours. J’avais lu le nom de Jacques Brel dans ce catalogue, mais je n’osais pas m’y frotter. Il est intouchable ; et puis, on ne peut pas faire mieux que lui ! Mais mon esprit revenait sans cesse sur cette chanson dont le texte s’identifiait à une période de ma vie. Alors j’ai finalement décidé de me jeter à l’eau. Pas en français, comme Brel, mais en anglais. Car je ne pouvais pas rivaliser avec sa force…

Ton album « Kepler Star », tu l’as réalisé aux States ?

Je voulais me rendre à l’étranger pour l’enregistrer. Dans ma tête, je me voyais déjà à LA, car la famille de ma copine vit là-bas et on aurait pu rester chez elle. J’ai soumis la proposition à Warner, mais les responsables n’ont pas trouvé l’idée très bonne, car ce séjour était trop onéreux. J’ai donc acheté le billet d’avion moi-même. Et je leur ai signalé que je partais là-bas pendant trois mois et qu’ils avaient intérêt à me mettre en contact avec des membres de leur staff, car quoiqu’il advienne j’y allais. Avec ou sans eux. A cette époque, je commençais à composer. Seul, au piano. J’ai longtemps cherché les personnes idéales capables de donner la bonne couleur à l’album. Je trace les traits, j’exécute personnellement le dessin, mais il est très important de le colorer à l’aide des bonnes teintes. Puis j’ai rencontré Arne Van Petegem. Je voulais vraiment me charger de l’écriture, car c’est quelque chose de très subjectif ; et puis par chance, elle connaissait aussi du monde à LA. Donc nous y avons quand même séjourné. Pendant trois semaines. On y a beaucoup écrit et on a bien travaillé sur l’album. C’est là qu’on a trouvé le son et le sens de l’album. J’y ai aussi côtoyé Chris Thomson, qui m’a parfaitement guidé, surtout dans l’écrire des textes et la prononciation anglaise, car je ne suis pas anglophone.

Comment définir ta musique ?

C’est une question difficile qu’on me pose souvent. Elle est plutôt ‘dreamy’ et douce. Et pleine de sonorités. On y retrouve le bruit d’une étoile qui s’éteint. Il y a beaucoup de sons naturels et électro. En résumé, elle est à la fois visionnaire, organique et électronique.

Tu semble fasciné par l’exploration de l’univers ?

Oui. Extrêmement ! J’ai commencé très jeune à regarder National Geographic. La découverte, les voyages, l’aventure, tout ça m’intéresse. Mon grand-père était capitaine, tout comme mon arrière-grand-père, une fonction qui se perpétue depuis des générations. Je viens d’une famille de marins. J’ai toujours en moi cette envie d’aller vers l’inconnu, de découvrir... Si on me demandait de partir pour la planète Mars, je n’hésiterais pas une seconde. Je m’installerais dans la navette et je m’envolerais sans réfléchir!

Quelques mots sur les musiciens qui t’accompagnent en tournée ?

Je suis un adepte du positivisme. Je crois que si tu te concentres sur un événement, il va bien finir par se produire. Donc je me suis focalisé sur une catégorie bien précise de musiciens. Ils devaient être sympas, capables de faire abstraction de leurs égos et ne pas afficher un caractère trop bien trempé, afin que l’entente entre nous reste au beau fixe. Donc, j’ai cherché des collaborateurs en fonction de ces critères, mais en même temps disponibles pour partir en tournée. En utilisant le bouche-à-oreille. D’abord, dans mon entourage. Des connexions qui facilitent les relations. Car finalement tout le monde se connaît assez bien dans le milieu. Le recrutement s’est déroulé naturellement, calmement et dans la bonne humeur. Nous sommes d’ailleurs partis en week-end, il y a peu. On ne s’en rend pas forcément compte quand on est sur les planches, mais il règne une véritable cohésion dans l’équipe ; c’est important !

Tu t’es produit aux Nuits Botanique, aux Lokerse Feesten et à Rock Werchter. Belle progression quand même ?

Nous sommes rapidement montés sur scène. Le premier concert remonte à avril 2015. C’était dans l’Arenbergschouwburg. Le mois suivant nous étions programmés au Botanique, et deux mois plus tard à Werchter. En ce qui concerne l’ambiance, j’estime que le Botanique est l’un des endroits les plus magiques de Belgique. Surtout la Rotonde. C’est un honneur d’avoir pu y jouer. Et que dire de Werchter ? Pouvoir s’y produire, alors que je suis encore très jeune. Nous avions demandé cette faveur aux organisateurs, et ils ont accepté. Je craignais que le chapiteau ne soit rempli qu’au quart ou à moitié ; et finalement 6 000 personnes sont venues nous voir et nous écouter. Je n’osais pas regarder la foule. Je suis monté sur le podium et j’ai remarqué qu’il y avait du monde jusqu’au fond de la tente. Je me suis mis à pleurer. C’était une expérience très intense.

Au Pukkelpop, tu as chanté en compagnie de Geike. Comment t’es venue l’idée de former un tel duo ?

Je voulais réaliser un truc original au Pukkelpop. J’essaye toujours de tenter de nouveaux défis. Geike est une grande dame. Elle a une voix remarquable. J’ai grandi en écoutant ses chansons. Je cherchais une partenaire pour faire un duo. Pourquoi pas elle ? Nous nous sommes finalement rencontrés, grâce à l’un ou l’autre intermédiaire ; et le courant est bien passé entre nous. Elle et Arne Van Petegem, mon producteur à l’époque, travaillaient sur l’écriture de nouveaux morceaux. En fait, elle connaissait et appréciait déjà ma musique. C’était un honneur de pouvoir monter sur scène avec elle et le sentiment était partagé. Très chouette de voir deux générations réaliser un projet commun.

Ce soir, l’AB Club était sold out. Prochaine étape, la grande salle ?

C’est toujours le but, bien sûr. Alors oui, si j’en ai l’occasion. Mais je ne me suis pas encore rôdé à l’idée que des gens payent et se déplacent pour venir me voir. Pour moi, c’est un rêve. Mais qui sait ? Peut-être après la sortie du deuxième album… On ne sait jamais ce qui peut se passer…

Tu as été sélectionné pour participer à l'Eurosonic de Groningen. As-tu déjà prévu ta set list pour cet événement ?

Je n’ai pas encore pensé à l’Eurosonic. Au sein du groupe, on est surtout occupé à écrire. On va voir ce qu’on va en retenir. Je suis quelqu’un qui marche au feeling. Je suis capable de me concentrer deux semaines sur la setlist. C’est, en général, ma méthode de travail. 

Ta nouvelle tournée, tu y penses ?

On va écrire de nouveaux morceaux et les jouer lors des concerts. Quand je pense à cette tournée à l’étranger, je vois cet énorme bus dans lequel on voyagera tous les jours pour rejoindre les salles de concerts.

Antony and The Johnsons, Patrick Watson, Radiohead, des références pour toi ?

Patrick Watson et Radiohead ont eu une emprise énorme sur moi. La musique d’Antony and The Johnsons est superbe, mais j’essaye de ne pas trop l’écouter, car elle est trop proche de la mienne. Je ne souhaite pas être contaminé. Mais mon influence majeure, c’est le songwriter Matt Corby. Autant pour son talent que pour le personnage. Je me suis parfois demandé pourquoi je persistais dans telle ou telle voie. Après avoir eu un gros coup de mou, j’ai lu certaines de ses interviews. Elles m’ont rendu la force pour recommencer à écrire. C’est pourquoi Matt Corby est ma plus grande muse. Un exemple pour moi !

Tout Va bien est également le titre d’un long métrage de Jean-Luc Godard. Branché sur le cinéma ?

Pour être honnête, je ne l’ai pas vu. Mais j’aime le cinéma. Les bons films. Comme ceux de Wes Anderson. ‘The Grand Budapest Hotel’, par exemple. Les histoires sont absurdes, mais riches en couleurs. Elles sont très intéressantes d’un point de vue humain. J’ai toujours aimé les musiques de films. Et je pense en écrire un jour. C’est un de mes objectifs.

Comptes-tu te produire en francophonie ?

Non. C’est étrange. C’est très difficile pour les groupes flamands de se produire en Wallonie. Musicalement, il faut la concevoir comme un autre pays ! J’ai un jour assuré le supporting act au Reflektor. C’était sympa. Mais pour moi, la Wallonie se résume au Botanique. Cette salle est fantastique. J’aimerais me produire dans le Sud du pays, mais je dois d’abord améliorer mon français.

Cette soirée au Reflektor constituait une inauguration officielle pour cette salle, tu t’en souviens ?

J’ouvrais pour Oscar & The Wolf. C’était une soirée sympa. J’assure souvent la première partie pour d’autres artistes. Je n’avais plus joué seul depuis un bon bout de temps. Le public était chouette. A propos de cette soirée, j’ai une anecdote à raconter. Après mon set, j’ai assisté à celui d’Oscar & The Wolf. Et dans le public, certaines personnes me disaient que ma prestation était ‘terrible’. Un Néerlandophone traduit cette réflexion par ‘horrible’. Tu imagines ? Je suis allé voir le programmateur de la salle qui m’a rassuré. En fait, en français, c’est un compliment, pas un reproche !  

Lorsque tu t’es produit aux Lokerse Feesten, un journaliste à écrit que tu avais une voix de diva. Ce qui apparemment ne t’as pas trop plu. Tu as quand même conscience qu’elle est très particulière ? Elle me fait même parfois penser à Jimmy Somerville voire Asaf Avidan. Alors voix de diva ou pas ?

La voix d’une diva… je veux bien l’accepter ; mais moi-même, je ne suis pas une diva et je n’ai certainement pas l’intention d’en devenir une…

 

Marlon Williams

Du fingerpicking à deux doigts !

Marlon Williams n'est pas le fils de Hank. Pourtant, il est –en général– coiffé d’un chapeau de cow-boy. Et puis, sa musique baigne dans la country, le bluegrass et l’americana. Néo-zélandais, ce prodige est âgé de 25 ans. Il se produisait pour la première fois, en Belgique. Ce 18 janvier 2016. Au Huis 123 de l’AB. En acoustique. A l’issue du showcase, l’artiste a accepté d’accorder une interview à Musiczine.

Tu portes le même nom de famille que le célèbre musicien américain de country. Tu as des ancêtres communs ?

Oui. Enfin non. Plutôt oui et non. C'est le même patronyme. Ma famille a vécu au Pays de Galles, il y a 300 ans. Je suis sûr que si on retraçait mon arbre généalogique, on trouverait une connexion. Mais honnêtement, je n’en connais pas.

Tu es considéré comme un grand espoir de la musique country. En as-tu conscience ?

J'essaie de ne pas trop penser y penser. Quand tu commences à réfléchir à la place que tu mérites dans la musique, tu perds ta motivation. Il est préférable de te concentrer sur ce que tu composes et joues.

Depuis quand tu en joues ?

Depuis l’âge de 11 ans. Professionnellement, lors de ma dernière année passée au lycée, alors que j'avais 17/18 ans.

Est-il possible d’accomplir une carrière musicale en Nouvelle-Zélande ou est-il indispensable de s’expatrier pour se réaliser ?

Le pays ne compte que 4 millions d'habitants et est tellement loin de tout. Il faut trouver le juste milieu. Tu dois écumer les concerts pour garder la tête au-dessus de l'eau, mais pas trop au risque de saturer le marché. 

Tu viens d’entamer une tournée européenne. Elle est longue ?

Pour ce premier périple européen, il n’y a que quelques dates. Après Londres, je pars aux States. Puis je reviens en accorder trois autres en France. Et en avril, il est prévu une autre tournée sur le Vieux Continent qui transitera pas l’AB Club, le 16 avril, en compagnie d’un véritable groupe. On jouera du bluegrass.

Est-ce la première fois que tu te produis en Europe ?

Non, je suis venu à l’âge de 16 ans, en compagnie d’une chorale catholique. Nous chantions dans les cathédrales. En Europe de l’Est. On a ainsi vu du pays. Oui, c'est ma première tournée solo, en Europe.

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Elles sont multiples. J'ai du mal à dire ce qui me pousse à écrire ou jouer. Mais j'aime tellement chanter. Parfois une chanson qui ne me plaît pas est susceptible de m’inspirer. Ou encore un piètre instrumentiste. Tout simplement en réfléchissant à ce que je déteste. Il ne faut pas nécessairement écouter une musique de qualité pour détecter ce qu'on aime. En fait, il m'arrive de composer des chansons en m’inspirant d'autres que je n'apprécie pas, et je les adapte.

Quel est l’artiste ou le groupe qui t’a incité à te lancer dans la musique ?

Probablement les Beatles. Je suppose ne pas être le seul à le reconnaître, mais difficile d’imaginer un autre choix. J’ai baigné dans leur musique avant de trouver ma propre voie…

As-tu déjà pratiqué le rugby ?

Non, jamais.

Es-tu fan des All Blacks ?

Bien sûr, j'adore les regarder jouer.

Pourrais-tu réaliser une version du ‘haka’ en mode country ?

(Gros rires) Une version country du ‘haka’ ? Non je ne pense pas. Je n’ai d’ailleurs jamais tenté l’expérience.

Que penses-tu de Willy Moon et Pokey Lafarge, deux de tes compatriotes ?

Je ne connais pas personnellement Willy Moon, mais j’en ai déjà entendu parler. Il s’est établi à Londres depuis un bon bout de temps. Il n’est pas très connu en Nouvelle-Zélande, car il ne s’y est guère produit. Par contre, j’ai rencontré Pokey, à plusieurs reprises. Il a tourné avec ma copine dans mon pays et je l’ai croisé dans le cadre d’un festival à Winnipeg où on s’est bien amusés.

Tu as repris le « Silent Passage » de Bob Carpenter. Une raison ?  

J'ai découvert son album éponyme, il y a plus ou moins 4 ans. Il est conceptuel et te permet de te situer sur la carte musicale. La chanson a fortement influencé Midlake ; et perso, elle m’a carrément envoûtée. A cause de la manière dont elle a été enregistrée. De la voix. Des chœurs (NDR : ils sont assurés par Emmylou Harris et Anne Murray). Il fallait que je l’enregistre ; et si j’avais pu, j’aurais repris tous les morceaux de cette œuvre. Par simple plaisir personnel.

D'ou te viens cette technique du fingerpicking à l’aide de 2 doigts ?

C'est une bonne question. Par manque de capacité ou par paresse, peut-être. Avant de gratter de la guitare, j'écoutais du vieux blues. Tout en l’écoutant, j'essayais de retrouver l’air en me servant de deux doigts. Il y a 2 ou 3 ans, j’ai tenté d’en ajouter un troisième ; mais je ne suis pas parvenu à l’utiliser correctement. Ca n’a pas marché. J’aime la façon dont la ligne de basse tourne autour des sonorités de cordes. Tu as la mélodie et la basse s'inverse et tu commences à jouer la cinquième à la place de la première… C’est ainsi que cette technique est née !

 

Tindersticks

L’obsession du temps qui passe…

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Découpé en 11 plages, « The waiting room », le nouvel album de Tindersticks, sert de support à onze courts-métrages réalisés par différents vidéastes. Mais pas seulement. L’aspect musical n’a pas été négligé ; cependant, sans son support visuel, les compos sont plus difficiles à appréhender. Suart A. Staples, le leader était bien évidemment bien placé pour donner son point de vue. L’interview s’est déroulée ce 25 novembre, à l’hôtel Métropole de Bruxelles. Pour un provincial qui débarque dans la capitale, on ressent qu’une atmosphère étrange et angoissante y plane. Il y a des militaires et des policiers à tous les coins de rues. Un climat à la fois rassurant et inquiétant.

Et cette situation entraîne une première question concernant les attentats de Paris, où le clip de « We were once lovers » a été tourné, autour du ring et dans un des aéroports, bien avant le funeste vendredi 13 novembre. D’autant plus que Stuart y séjourne régulièrement. Il s’explique : « Je suis encore sous le choc. Je n’y étais pas à ce moment-là, mais c’est aussi chez moi. Paris, ce n’est pas seulement les soldats dans la rue. La vie est rapidement remontée à la surface. Mais en créant cette psychose, les terroristes ont gagné leur pari ; car tout Parisien ressent qu’il est devenu une cible potentielle… »

En découvrant les vidéos, la veille de l’entretien, il a été difficile de déterminer s’il existait un lien entre chacune d’entre elles. La question méritait d’être posée. Et Stuart clarifie la situation : « En fait, ce projet est né pendant que j’assistais au festival du Court Métrage à Clermont, section expérimentale. J’ai imaginé la confection d’une bonne bande sonore qui puisse servir de support à des images, des images susceptibles d’explorer une multitude de directions ; et ce afin d’en tirer un max de satisfaction. Le but n’était pas de raconter une histoire, mais plutôt de pouvoir rebondir d’une vidéo à l’autre… Il me restait donc à briefer les concepteurs, afin qu’il ne décrivent pas la chanson, mais créent un espace pour qu’elle puisse exister. On a donc choisi volontairement des réalisateurs différents. Pour Suzanne (NDR : son épouse) et moi, il était important que nous puissions nous réserver le premier et le dernier film, afin de conserver la maîtrise de l’œuvre. »

‘Follow me’ ouvre l’album. Sur la vidéo, il n’y a qu’une porte fermée. Mais qu’y a-t-il derrière cette porte ? « La terre tourne. Et au fil des heures, la lumière change. Ma femme est peintre et elle est confrontée quotidiennement aux caprices de ce phénomène. Pour elle, à travers la vidéo, c’était une opportunité de capturer cette lumière au moyen d’un média différent. Car elle était frustrée de ne pouvoir y parvenir à l’aide de sa peinture… » Cette chanson est instrumentale. C’est une reprise d’une B.O. du film ‘A Mutiny on the bounty’ (En version française : ‘Les révoltés du Bounty’) dans lequel jouait Marlon Brando. Un tango. Pas le dernier à Paris. Mais il évoque un autre film de Yann Tiersen, ‘Le fabuleux destin d’Amélie Poulain’. Serait-ce une coïncidence ? Il semble surpris : « Je n’y avais jamais pensé. Cette mélodie trottait dans ma tête depuis longtemps. Je souhaitais marquer une halte avant que l’œuvre ne soit entamée. Comme quand on appuie sur la touche ‘pause’ du lecteur… »

‘Like only lovers’ clôt l’opus. Ce n’est pas une reprise d’Ed Harcourt, dont une chanson porte pourtant le même titre. Et la vidéo visite une exposition d’animaux empaillés. Serait-ce un message adressé aux taxidermistes ou alors une vison de la vie éternelle ? Il réagit instantanément : « C’est mon film. Ma contribution. Ce projet a pris pas mal de temps et exigé une grande dépense d’énergie. En fait, je l’ai complètement sous-estimé. On avait acheté une caméra et un programme d’édition (NDR : traitement d’images et de montage) pour le concevoir, car relever un défi est naturel chez nous. On aime l’esprit de challenge. Mais réaliser un film est un exercice particulièrement difficile. Je suis entré en contact avec une taxidermiste qui nous a prêté des oiseaux issus d’une collection privée datant de plus de 150 ans… On a aussi vu un gars en Grèce qui regardait la mer alors qu’une tempête se préparait. Et c’est cette vision conjointe entre ces oiseaux empaillés et cette tempête en formation, au sein d’un magnifique ciel méditerranéen, qui a suscité cette révélation. Ces deux éléments sont entrés en collision dans mon esprit ; et c’est là que je dois avoir eu une vision de la vie éternelle. J’aime ce morceau de ciel et ces nuages qui passent au dessus de nos têtes, tout comme cette perception de ces oiseaux dans des boîtes en verre. Et ces émotions, j’ai voulu les capturer. Je pense malgré tout, que par rapport aux autres vidéos, c’est un piètre film… »

Le morceau ‘The fear of emptiness’ traduit-il la peur de la mort ? Il admet : « D’une certaine façon, mais pas de manière explicite. Ce n’est pas antinomique (NDR : son GSM sonne…) Personnellement j’utiliserai plutôt le mot ‘edgy’. Il n’existe pas vraiment de traduction exacte en langue française. Un collaborateur français m’en a donné une signification plus ou moins proche ; en fait, cette source d’inquiétude, d’angoisse et d’anxiété se traduirait donc, par ‘la peur du vide’… »

Sur ‘Hey Lucinda’, Stuart et feu Lhasa de Sela, décédée 5 ans plus tôt, partagent un duo. Un contexte pas vraiment évident quand on doit retravailler une telle chanson. Il confesse : « Je l’ai écrite il y a plus de 10 ans. Lorsqu’on l’a interprétée, on n’était pas convaincu par le support musical. Pas que je ne croyais pas à son talent ; mais la musique ne correspondait pas aux vocaux. Et quand Lhasa est partie, je n’ai plus eu le courage de l’écouter. En 2014, l’envie m’est revenue. Il a fallu que je me reconnecte avec ce moment précis où nous chantions ensemble. Et finalement, j’ai enlevé la musique de départ ; puis j’ai reconstruit le morceau autour de cette conversation entre nous deux. Mais pour y parvenir, nous avons dû mobiliser toute notre expérience. C’était presque abstrait de déterminer tout ce qui était nécessaire à mettre dedans. Et quelque part, j’espère qu’on lui a rendu justice… » Sur cette vidéo, on voit des passants qui marchent sur un trottoir devant des magasins de jouets et un Luna Park. Et parfois, ils disparaissent comme des fantômes. Un lien de cause à effet avec sa disparition ? Stuart concède : « Il existe une connexion entre le film et la sensation de la fugacité du temps qui passe, au milieu de la chanson. Et puis les arrangements de cordes accentuent cette impression. Comme si on jetait un regard dans le rétro ; et c’est cette réminiscence que le réalisateur a voulu faire passer… »

Sur ‘We are dreamers’, Stuart partage un autre duo vocal avec Jenny Beth des Savages. Une future collaboration serait-elle en vue ? En outre, sur la vidéo, on est sidéré par cet immense poids lourd dont les roues sont plus grandes que la jeune fille mise en scène, une pelle de chantier à la main. La situation peut même paraître effrayante. Quelle en est l’explication ? « Quand j’ai reçu ce film, c’était un grand moment. J’ai adoré ce que Gabraz et Sara ont réalisé. La manière dont ils ont interprété le concept. Cet aspect futile entre cette jeune fille et le camion gigantesque est très particulier. Comme pour les autres collaborateurs, je leur avais donné carte blanche pour qu’ils puissent développer l’aspect créatif. Je ne voulais pas exprimer mes propres idées et surtout les influencer. Je ne souhaitais, en aucun cas, dévoiler la chanson pour qu’ils puissent la visualiser. Pas de commentaires. Pas de texte. Il y avait un espace de créativité. Et j’ai immédiatement su que cela allait marcher… Bosser à nouveau dans le futur avec Jenny ? Je n’en sais rien (rires). Je cherchais d’autres sonorités. Par exemple des cuivres. Mais quand j’ai entendu sa voix, j’ai su immédiatement qu’elle avait la couleur du film. Je lui ai proposé, et elle a aimé la chanson. Je ne voulais pas qu’elle se contente du backing vocal, mais qu’on puisse échanger un véritable duo. Particulièrement marqué par le contraste entre nos deux voix… »

‘Help yourself’ constitue certainement la meilleure plage de l’elpee. Il y a des cuivres, sous la direction du musicien de jazz britannique Julian Siegal. Elle rappelle même le mouvement jazz/rock qui a marqué les seventies, et dont If, Blood Sweat & Tears et Chicago Transit Authority constituent certainement les références. Il admet : « Cette musique m’a influencé. ‘Help yourself’ est une des premières chansons que nous avons écrite. D’abord on a pensé à autre chose. J’étais occupé de tapoter sur une guitare. Puis je l’ai posée contre la table de mixage ; et je me suis rendu compte qu’elle répercutait une forme de réverbération. J’ai enregistré ces bruits et j’ai créé une boucle. Ensuite, j’ai empoigné ma basse et on s’est servi de cette boucle pour construire la trame. Et quand le groupe s’est pointé, je lui ai dit que j’avais une idée. Les musiciens ont écouté. Et ils ont tous explosé de joie. Quelque part, on est parvenu à injecter de l’énergie fraîche dans ce morceau… A cet instant, je travaillais sur un autre projet en compagnie de Julian et je lui ai dit de faire ce qu’il voulait de cette chanson. Il est revenu avec sa section de cuivres et ses arrangements. Ils l’ont jouée. Nous nous sommes rendus dans la chambre de contrôle (NDR : pour le mixage) et puis, ils l’ont rejouée. On ne savait plus qui faisait quoi. C’était devenu un travail collectif. Comme pour le film. Ce n’est pas comme lorsqu’un artiste compose dans son salon et qu’il file la compo à des musiciens pour l’interpréter sans le moindre enthousiasme. Je préfère entrer en relation avec les musiciens pour générer de la créativité ; leur permettre ainsi de faire fonctionner leur imagination et pas simplement qu’ils se contentent de reproduire la partition du leader… »

‘How we entered’ relate un mariage probablement célébré quelque part en Amérique du Sud, au cours des 50’s ou des 60’s. Le film est en noir et blanc. Pour quelle raison ? « C’est le film de Gregorio Graziosi ! La cérémonie a été immortalisée lors de l’union entre son grand-père et sa grand-mère. Et ça, c’était sa connexion avec la chanson. C’est un film très joyeux et en même temps nostalgique. Pas que le mariage soit triste, mais c’est l’époque qui est nostalgique. Et donc cette musique t’interroge sur ce qui s’est produit entre ce mariage et le moment au cours duquel on a composé la musique de ce film. Il y a ce décalage entre le temps de l’action et le moment de réflexion. On est parvenu à créer un lien entre la musique et la vidéo. Ce n’est ni pesant, ni ironique. On ne cherche pas à délivrer de message. C’est simplement un film qui immortalise un moment dans le temps et la vie d’une personne. Finalement, c’est un souvenir mélancolique d’un temps révolu. Je ressens la connexion entre Grégory et son grand-père. Et je perçois ce que je lui ai demandé… »

L’illustration du booklet a été réalisée par le photographe français Richard Dumas. On y voit un homme avec une tête d’âne, assis à une table. Il attend, mais qui ou quoi. La réponse fuse : « La suite. Ce qui va se produire prochainement. La future idée, le prochain échange. Et cette attente peut durer des mois voire des années… »

Alors finalement, l’elpee sans le film, il tient la route ? « Je ne souhaitais pas que les chansons soient trop dépendantes du film. J’ai voulu qu’elles aient leur vie à part entière. Il a été enregistré avant la sortie des clips L’essence du travail, c’est le disque. Et j’ai l’impression qu’on est parvenu à atteindre un objectif aussi puissant et proche de ce dont on est capable. A partir de là, d’autres idées peuvent rayonner. Ceci dit, l’album étant une priorité ; c’est lui que je veux privilégier. Il est vrai que parfois, ce serait sympa de projeter les films, mais ce n’est absolument pas indispensable… »

Petite boutade pour terminer cette interview, sachez que Stuart n’est pas membre d’un club de tir à l’arc. Il y a d’ailleurs longtemps qu’il n’est plus retourné à Nottingham. « La statue de Robin des Bois est toujours devant le château, mais on lui pique régulièrement toutes ses flèches… »

(Photo : Richard Dumas)

Tindersticks : « The Waiting room » (album paru ce 22 janvier 2016)

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