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Les rêves surréalistes des Flaming Lips... Spécial

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C'est vrai qu'il est complètement casse-cou d'aller réaliser l'interview d'un groupe sans avoir pu, préalablement, écouter leur dernier album. Mais connaissant l'histoire du groupe, ayant décortiqué les articles de presse qui lui étaient consacrés depuis ses débuts ; et puis surtout, ayant assisté à leur concert, juste avant de rencontrer leur porte-parole, nous étions en droit d'espérer ne pas nous planter. Heureusement, l'entrevue avec Steven Drozd, guitariste, batteur, claviériste, fut particulièrement riche et intéressante ; ce qui a pu nous permettre de mieux comprendre la nouvelle philosophie musicale des Flaming Lips. N'empêche, on ne nous y reprendra plus à travailler dans de telles conditions. Qu'on se le dise ! Ah oui, si vous voyez l'album, faites nous signe…

Existe-t-il un symbole derrière la marionnette articulée par Wayne, live ?

Les spectateurs essaient toujours de trouver une signification à la présence de cette marionnette qui mime le chant de Wayne. Elle n'incarne aucun symbole particulier. Elle est simplement là pour qu'on se marre. Pour passer un bon moment. Elle ne sert qu'à amuser le public. Le but est strictement visuel. Maintenant, si quelqu'un veut en tirer une signification quelconque, tant mieux pour lui.

Ce show, c'est un peu du théâtre ?

En quelque sorte. Quelque chose que le public peut voir, regarder, susceptible d'attirer son attention. Je ne sais pas si le terme théâtre est approprié, mais il existe effectivement une composante dramatique sur scène…

Un peu comme lorsque vous projetez des films vidéo sur grand écran ?

En fait, c'est Wayne qui réalise le montage de la vidéo. Et ces images ne servent que de support au son. Lorsque vous voyez la bombe atomique qui explose, vous entendez en même temps une détonation. Elle rend la musique plus poignante qu'elle ne l'est en réalité. Amplifie sa portée. Mais, il n'y a pas davantage de message à comprendre. Il faut savoir que très souvent, les gens ramènent tout à leurs propre univers. Et lorsque nous disons que la guerre, ce n'est pas bien, l'image ne sert qu'à amplifier cette réflexion. Or, les gens ont envie d'y voir un message. Mais pour nous, il n'existe pas de message profond. Nos fans sont apparemment très créatifs, puisqu'ils fabriquent eux-mêmes le message…

A propos de cette vidéo, n'est-il pas trop difficile de synchroniser l'image avec la batterie ?

Non, non, pas du tout. Cette technique est toute simple. On a capté le son et l'image en une seule prise. Il suffit donc de placer la bande dans le magnéto et de la laisser jouer. La partition va dans la table de mixage et sort pat les haut-parleurs, alors que l'image est dirigée vers le projecteur vidéo qui la reproduit sur grand écran. J'ai assuré les parties de batterie qui sont filmées, alors que Wayne s'est chargé des samples. Nous les avons enregistrées à l'aide d'un caméscope. Puis on a transféré la bande vidéo vers un programme informatique. Lorsque vous voyez l'image, vous entendez le son en même temps. C'est logique. Mais quoiqu'il y ait sur la bande ou quoique il y aura, on la joue de toutes façons en direct. Par exemple, si la batterie et le piano figurent sur la bande, la guitare, la basse et le chant sont joués 'live'. Cette technique est assez facile à appliquer. Beaucoup plus facile qu'on pourrait l'imaginer. Ai-je répondu à la question ?

Absolument !… Vote style est en évolution constante. Mais aujourd'hui, nous avons l'impression qu'il s'inspire de plus en plus de la musique symphonique. Exact ?

Effectivement, notre style a évolué. En fait, le groupe a très longtemps fonctionné avec un guitariste. Le dernier nous a quittés en 1996. Aussi, lorsqu'il est parti, nous nous sommes demandé comment nous allions nous débrouiller pour en dénicher un autre de sa valeur. Mais en même temps, nous commencions à en avoir marre de toutes ces parties de guitares. En fait, nous avions envie d'avoir recours aux sonorités symphoniques. Telles que sections de cuivres, de cordes… Et à l'époque, nous écoutions des tas de choses différentes, tout en essayant de nous extirper de la routine guitare. Et les samples nous ont aidés à créer ces sonorités symphoniques composées de cuivres, de flûtes, de cordes, de timpanis, de gongs, et j'en passe. Or, en studio, nous sommes capables de reproduire tous ces instruments à l'aide d'un clavier. Et le plus frappant, c'est qu'on croirait vraiment que nous sommes accompagnés par un grand orchestre. On s'est alors décidé de supprimer les parties de guitare. Et on a vraiment plus envie d'y revenir. Car ce que nous avons réussi à l'aide des samples est très beau. Chargé d'émotion. Dans le futur, nous allons essayer d'atteindre un niveau plus structuré, plus sophistiqué et plus simple à la fois. Cette réflexion peut vous paraître singulière. A vous et à moi. A nos épouses. Même à ma mère. Mais même ma mère apprécierait. Nous souhaiterions que notre musique passe à la radio. Ce qui explique pourquoi nous nous libérons progressivement de la guitare en la remplaçant par davantage de piano et de claviers…

Est-il exact que les Flaming Lips sont capables de sonner comme neuf groupes différents, en même temps ? Et lesquels ?

Cette idée me séduit. En fait, comme tout le monde, nous écoutons les autres, empruntons aux autres et puisons des influences tous azimuts. Ce qui explique sans doute pourquoi, parfois on sonne comme Led Zeppelin, Frank Sinatra, Pink Floyd, Sonic Youth ou quelques autres… Il y a tellement de choses qu'on a écoutées, qu'on aime, et dont on voudrait s'inspirer. Dernièrement, nous sommes tombés sur un spot publicitaire diffusé sur MTV. Il projetait des extraits de concerts de Led Zeppelin mélangés à d'autres de Frank Sinatra. Le message était clair. Leurs musiques ne collaient pas ensemble. Mais à cette époque, nous travaillions sur un morceau que nous voulions sis aux confins de Led Zeppelin et de Frank Sinatra. Couplant des batteries jouées très haut et des sections de cordes. Merde alors, s'est-on dit, c'est justement ce qu'on essaie de réaliser…

Y-a-t-il des artistes ou des groupes que tu aimes plus particulièrement ?

Il en existe tellement qu'il m'est impossible de tous les citer. J'aime un peu tous les styles. Depuis la soul au rock classique, en passant par le jazz, le classique, l'indie rock, la bande son de film… (le concert de Silverchair couvre de plus en plus nos voix, et Steven s'arrête quelques instants en tendant l'oreille…) Pas ce genre de musique par exemple…

Est-il cependant possible d'apprécier les Dead Kennedys et Diana Ross en même temps ?

Je crois que beaucoup de gens manquent d'ouverture d'esprit. Tu vois, nous concoctons des compiles pour écouter sur la route. Des chansons ou des musiques que nous aimons. Mais nous veillons à mette sur la bande Neil Diamond auprès de Chrome, les Stooges à côté de Roberta Flack. Et lorsqu'on écoute toutes ces choses, on a l'impression que les uns sont les réponses des autres. Lorsqu'on prête l'oreille à quelque chose de mélodieux, puis de plus dingue, ce qui est plus fou, te paraît encore plus cinglé qu'en réalité. Et en même temps, si tu écoutes quelque chose de cinglé avant quelque chose de doux, la douceur  te paraîtra encore plus moelleuse. C'est ce qu'on essaie de traduire à travers notre musique. On la rend jolie, puis vilaine… 

Pourquoi les meilleures chansons des Lips ont toujours dégagé une tristesse désespérée, négative ?

Parce que c'est la vérité. Un point final. Et tant pis, si c'est négatif !

Penses-tu vraiment que l'être humain peut vivre seulement dans ses rêves ?

En vérité, je ne suis pas encore mort dans un rêve. Si vous pensez mourir dans un rêve, vous mourrez. J'ai presque déjà vécu cette sensation. Tu parles probablement d'une de nos chansons qui évoque la vie après la mort. Mais existe-t-il une question plus profonde que celle de l'existence après la mort ? Vous comprenez ce que je raconte ? Mais lorsque tu atteins 120 ans, à un certain moment, tu te dis, laissez moi mourir en paix ! Cela me paraît, somme toute, sensé…   

Est-il exact que les longs titres de vos chansons émanent d'influences surréalistes puisées chez Salvatore Dali ?

C'est Wayne qui écrit les textes. Il est passionné par l'œuvre de Salvatore Dali. Nous sommes allés visiter son musée en Floride. Wayne adore toute son imagerie. Il aime également d'autres peintres et artistes. Tels que Klimt. En fait, il écrit les lyrics de ses chansons comme s'il utilisait des mots pour peindre. Dali, c'est un monument…

Peut-on affirmer que les Flaming Lips créent de la musique tridimensionnelle pour un monde unidimensionnel ?

C'est comme si tu te trouvais dans une pièce grise et que tu te demandais s'il serait judicieux de mettre un peu de couleur sur les murs. Dans la musique rock si tout le monde jouait dans la même catégorie, elle deviendrait ennuyeuse. Nous, nous voulons nous faire plaisir en tentant de communiquer ce sentiment à d'autres. Nous essayons de mettre le plus de couleurs possible sur les murs de cette pièce grise…

Que penses-tu de ce que fait aujourd'hui, votre premier guitariste, Jonathan Donahue, chez Mercury Rev ?

Ils sont devenus aujourd'hui très populaires. Je les aime bien en tant qu'êtres humains. Ils sont vraiment hyper sympas. Mais je n'ai pas tellement apprécié leur dernier album. Je trouve qu'ils font toujours la même chose. Mais ne mentionnez pas ce que je viens de dire au sujet de leur disque, dans cette interview ! Nous avons tourné deux semaines ensemble en Angleterre et en Ecosse. Nous assurions leur première partie.

Merci à Vincent Devos.

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