" Dance to the underground " constituait le nouvel anthem punk funk de la fin 2001. Dans la foulée, le quintette de New York commettait son deuxième opus l'an dernier, " Gotham ! ". Personnellement, je dois avouer qu'à première écoute, ce disque ne m'avait pas trop accroché. Ce n'est qu'après avoir assisté à leur set 'live' accordé en avril denier, à l'Aéronef de Lille, que je suis tombé sous le charme de leur musique. Et tout naturellement je suis retourné vers l'album, en y découvrant toutes les facettes qui m'avaient alors échappées. Faut dire que j'avais été assez impressionné par la prestation du percussionniste, PJ. Il communique tellement de feeling, de chaleur, de couleurs, aux compositions. Une impression confirmée par leur prestation époustouflante exécutée par la formation lors du dernier festival Pukkelpop. A cette occasion, PJ O'Connor nous avait accordé un entretien, ma foi, fort intéressant.
A l'origine, Radio 4 était réduit à un trio (Greg Collins aux drums, Anthony Roman à la basse et Tommy Williams Jr. à la guitare, ces deux derniers se partageant les vocaux). PJ et Gerard Garone, le claviériste, sont arrivés un peu plus tard. C'est d'ailleurs depuis leur intégration que leur punk funk a pris une orientation plus groovy. A leurs débuts leur style était bien plus radical. Mais comment on réagi les autres membres du groupe à ce changement ? PJ raconte : " La métamorphose s'est opérée spontanément. Il faut d'abord qu'à NYC coexistent une scène consacrée au hip hop et aune autre à la musique électronique. Et Anthony aime chevaucher les deux styles. C'est aussi un peu cela la signification de Radio 4 : quelque part entre les deux. La progression s'est effectuée naturellement sur la chanson 'Dance to the underground'. Avant que je ne débarque dans le groupe. Elle est d'abord sortie sous la forme d'un EP aux States. Nous avons piqué les idées du post punk, là où il s'est arrêté en 1981. Mais on n'a pas voulu faire du revivalisme. Aussi on lui a donné une nouvelle orientation. Il était donc évident que nous allions prendre cette nouvelle direction, après la sortie de ce titre… "
A partir de ce moment, la musique est devenue plus dansante. Le groupe a même déclaré récemment que dans le futur elle le sera encore plus. PJ embraie : " Tout à fait. Sous le nouveau line up, il y aura plus de public qui va taper du pied (NDR : il joint le geste à la parole). 'Dance to the underground' et 'Struggle' sont des appels au groove. Le disco a un son groovy. Le punk recèle une face groove disco. Ce qui nous intéresse, c'est que le public parvienne à prendre son pied, notamment en dansant. Nous allons donc bien accentuer cette tendance… " On comprend ainsi beaucoup mieux pourquoi Tim Goldsworthy et James Murphy, habituellement plus habitués à travailler avec UNKLE ou Primal Scream, ont produit 'Gotham'. " Leur manière de travailler est tout à fait unique. Sur 'Gotham !' je joue des congas sur quelques morceaux. Lorsque j'ai réécouté les bandes, quelle n'a pas été ma surprise de ne plus les entendre ! En fait, ils les avaient enlevés, puis replacés sur d'autres compositions. Donc, vous enregistrez un album, vous leur refilez la matière première, et vous leur laissez faire leur popote. C'est un peu comme si vous donniez une esquisse en noir et blanc à un artiste, pour qu'il y mette de la couleur… "
Radio 4, est le titre d'une composition de PIL, Radio 4 aurait-il des affinités avec l'infâme John Lydon ? " Les affinités sont uniquement musicales. Dernièrement les Sex Pistols ont joué à New York, alors que nous tournions en Europe. Il répondait à une interview, lorsque note single est passé à la radio. Sans se soucier de l'entretien, il a déclaré que nous étions occupés de nous faire un fameux paquet de fric avec cette chanson. Et il pensait au fric qu'il aurait pu se faire s'il avait écrit cette chanson. Ce type est épouvantable, quelqu'un qu'on cherche à éviter. J'ai parfois l'impression qu'il tire une certaine gloriole à décevoir… " Radio 4 se réclame donc du punk. Mais le considèrent-ils comme une mentalité, une mode ou un son ? " Le punk est une mentalité sonore ! Des groupes comme Gang Of Four et les Replacements ont eu une influence énorme sur le groupe. Wire aussi. Et lors de ce festival, nous avons eu le bonheur de les rencontrer. Nous sommes toujours émerveillés devant ce groupe. Ils constituent un exemple pour nous. Leur musique également. Et bien sûr le Clash. C'est aussi un mode de vie. Le DIY. La créativité est un élément indissociable chez Radio 4. Dans ce groupe, il n'y a rien de facile. C'est un peu l'attitude punk. La mode va et vient. Vous avez beau porter des vêtements, ce qui compte, c'est la façon dont le cœur est habillé. " En cherchant à rendre leur musique à la fois furieuse, politique et sexy, Radio 4 marcherait donc sur les traces de Big Audio Dynamite ? PJ acquiesce. " Oui, tu as raison ! Ta réflexion est intéressante. Tout d'abord, l'aspect sexuel de la musique procède des lignes de basse, des drums et des percussions. Dès qu'on entre dans le domaine de la danse, on touche au primal. Le sexe, le rythme et la batterie sont les fondements de la création. Ce qui explique pourquoi nous aimons Big Audio Dynamite ! Mais il est beaucoup plus important de se consacrer à la politique locale, parce que c'est la façon la plus facile de toucher au changement. A contrario de G.W. Bush, on se bat sur ce plan. C'est ce combat qui nous intéresse. Là où on vit. Strummer, Paul Westererg, Dylan et Springsteen se préoccupaient d'événements qu'ils connaissaient et qu'ils comprenaient. Ce sont des modèles pour Anthony, dans le domaine des lyrics. Il n'accorde guère de place à la fantaisie dans ses textes. Il cherche à transmettre des messages importants. C'est aussi la mission de 'Gotham !'. "
Chez Radio 4, la politique est en quelque sorte un moteur. C'est même le comportement du pouvoir administratif de New York qui les a poussés à écrire des textes aussi engagés. A dénoncer ce qu'ils ont vu et vécu. " A la fin des 70's, Clement Burke, le drummer de Blondie, avait annoncé la couleur. Il avait prévu ce qui aller se produire à New York. A Omaha, dans le Nebraska ou à Detroit, les groupes ont le temps d'écrire des chansons sur ce qui se passe. De bonnes chansons. Ils ont même le temps de glander. A Manhattan, les loyers sont trop élevés. Il y a toujours quelqu'un pour frapper à la porte pour te dire qu'il te reste 5 minutes. Ce qui explique pourquoi les habitants émigrent vers Brooklyn. Et que nous les avons imités. L'administration Giuliani, c'était un peu le Big Brother. Un jour, un journaliste du New York Times a écrit que si vous apercevez le sommet de l'Empire State Building, c'est que nous vous apercevons. Il est affolant de devoir subir un pouvoir aussi importun, indiscret. Il empiète même sur votre vie privée. Evidemment, les attentats du 11 septembre continuent de nous affecter. Et il fallait s'attendre à ce que des tas de chose changent. Mais pas dans le sens qu'on imaginait. Je fréquente un club, à cause des lois sur les cabarets. Il n'y a plus moyen de faire la fête. Parfois en pleine soirée, alors que le public est encore occupé de danser, la police vient décréter la fermeture de la salle. C'est absurde et injuste en même temps. On ne peut même plus fumer dans les bars de NY. C'est aussi la raison pour laquelle on est parti à Brooklyn. "
Radio 4 aurait-il trouvé la balance exacte entre l'âme du gospel, l'accessibilité de la new wave et l'attitude du post punk ? " Pas encore. Mais, c'est notre objectif. Mais lorsque nous l'aurons trouvé, cela sonnera le glas du groupe. C'est comme si nous avions accompli notre mission ; atteint la quête du 'Graal', si tu préfères ! "
Merci à Vincent Devos.