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Il y a toujours un message à faire passer... Spécial

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Lors de la sortie de leur premier opus éponyme, j'en avais conclu que si vous aimez ou avez aimé Jesus & Mary Chain, Le Velvet Underground, My Bloody Valentine et Joy Division, vous adorerez la musique de BRMC. A cause de leur musique sauvage, ténébreuse et bruitiste, dont les ballades lancinantes, fiévreuses et soniques s'impriment sur un tempo implacable. Mais le Black Rebel Motorcycle Club (NDR : patronyme choisi en hommage au nom du gang de motards emmené par Marlon Brando dans 'L'équipée sauvage', un film qui remonte à 1952) se veut avant tout authentique, reprenant le flambeau de ses illustres prédécesseurs pour perpétuer la tradition du rock'n roll. Et leur second opus, " Take them on, on your own ", en est la plus belle illustration. Rencontre avec Robert Levon Been, chanteur/bassiste et co-compositeur du trio californien…

Alors Black Rebel Motorcycle Club ou BRMC ? A l'instar des formations qui ont réduit leur nom par les initiales, la formation californienne ne risque-t-elle pas, un jour, d'être tentée de suivre le même chemin. "C'est étrange, car à l'origine nous nous appelions BRMC. Mais lorsque nos Cds sont arrivés dans les bacs des disquaires, personne ne parvenait à mettre la main dessus. En fait, ils étaient classés dans le répertoire 'BR' au lieu de 'BL'. Donc, on a dû se résoudre à reprendre le patronyme dans son intégralité. Ce qui est amusant, c'est qu'aujourd'hui tu me demandes si un jour nous pourrions faire le chemin inverse. Franchement, je n'en sais trop rien..."

Black Rebel s'est forgé une réputation de groupe réservé, parlant peu. C'est un peu leur modus vivendi. " Nous avons toujours voulu mettre notre musique en avant plutôt que le groupe. Mais il est exact que depuis quelque temps, on se pose des questions. Notamment depuis que nous avons été invités aux MTV awards. Nous y avions joué 'live'. Et les journalistes, les médias, s'intéressaient plus à notre prestation qu'à la raison pour laquelle nous avions décroché ce prix. J'avais le sentiment que pour eux la musique était devenue accessoire. Qu'ils ne comprenaient pas notre langage. Pourtant, il y a toujours un message à faire passer, même si personne ne prend la peine de l'écouter. Mais il est vrai que pour l'instant, nous sommes un peu à la croisée des chemins… " Etonnant, lorsqu'on sait qu'un jour, un des musiciens du combo a déclaré 'Notre musique signifie plus pour le public, qu'elle signifie pour nous !' Ce qui méritait une explication. Robert reconnaît que cette phrase possède un poids énorme. " Tout dépend de l'interprétation qu'on lui donne. Je ne me souviens plus de l'endroit où on a tenu ce discours, mais nous l'assumons. Lorsque je vois l'étincelle dans les yeux de nos fans, j'y lis le bonheur. Et ils le manifestent plus spontanément que nous. Mais composer, enregistrer, se produire en public et assumer du bonheur en même temps, c'est un peu beaucoup. J'admets que nous produisions un certain effet sur les gens, mais je veux garder mes distances par rapport à ce phénomène…"

" Mais de là à ce que 'Stop !' la première chanson du nouvel opus confesse 'Nous ne vous aimons pas, nous essayons seulement de vous juger', il y a manifestement un pas difficile à franchir. Robert s'explique : " Si je me souviens bien, cette chanson a été écrite à Londres, lors de notre premier périple sur le Vieux Continent. A cette époque, nous étions un peu paranos. Nous nous posions beaucoup de questions. L'intérêt que nous portaient les gens nous paraissait un peu trop soudain. Ils nous considéraient comme le groupe dans le vent. Un hype ! Et nous n'aimions pas beaucoup nous retrouver dans cette position. Lors d'un set accordé dans un petit club à Londres, j'ai eu l'impression que c'était le message que le public nous adressait. Il n'aimait pas vraiment le groupe. Il était venu, non pas pour nous voir, mais pour être vu. Alors, lors d'une jam, sur laquelle reposaient une ligne de basse et le jeu de batterie, j'ai commencé à improviser ces paroles. Je ne pense pas qu'une telle situation pourrait encore se reproduire aujourd'hui, mais si elle survenait encore, je réagirais différemment. En chantant pour eux plutôt que de les haïr. Plutôt que de leur dire d'aller se faire foutre. C'est dans ce contexte qu'il faut replacer ces mots… 'Stop !' est une chanson qui a été composée sur scène. Nous jouions ce morceau à la fin de chaque spectacle, parce que nous ne voulions pas terminer notre set sur une note calme. Nous voulions qu'elle s'achève sur un mode rock. Avec du volume. Quatre titres sont issus de prestations 'live'. 'Heart & soul', par exemple. Nous avons réalisé les prises à quatre endroits différents : Paris, Tokyo, Londres et… (NDR : à cet instant quelqu'un est entré dans le local pour aller prendre une bière dans le frigidaire. Et j'ai cru comprendre… Los Angeles). Les versions étaient bien sûr différentes ; mais ensuite on a essayé de mettre toutes les pièces du puzzle ensemble en n'en sélectionnant que les meilleures. Pour atteindre une forme d'apogée au niveau du son. On en a fait en quelque sorte, un 'best of'… "

Sur leur nouvel album figure une composition à caractère politique, 'US governement'. A ma connaissance, elle constitue leur seule concession dans ce domaine. Alors, engagement ou accident ? " Tout est accident ! Même se retrouver au sein d'un groupe. En fait, cette chanson a été écrite à nos débuts. Il y a longtemps. A l'époque, nous la jouions déjà 'live'. Très, très fort ! Et nous la réservions à la 'b side' de notre premier disque. Mais au moment où nous allions le sortir, le 11 septembre est arrivé ; et face au désarroi des victimes, nous pensions qu'il était inutile d'en rajouter une couche. Mais au fil du temps, nous avons commencé à la maîtriser de mieux en mieux sur scène ; et, pour ne pas désavouer nos fans, nous en avons conclu qu'il serait ridicule de la cacher sur une flip side… " Paradoxal, lorsqu'on sait qu'à leurs débuts, la formation avait déclaré qu'ils n'avaient pas uniquement l'intention de s'adresser à un public bien ciblé. Aux cool kids, en particulier. Et que s'ils se rendaient compte que c'était le cas, ils changeraient de fusil d'épaule. " Cet épisode remonte également aux débuts du groupe. Nous vivions à San Francisco. Nous étions dans le trou. Mais on essayait d'en sortir. On cherchait à gagner les faveurs du public. Nous n'appartenions à aucune scène. Nous étions considérés comme un groupe local. Bien sûr, je n'ai rien contre les groupes locaux. Mais si à SF il existe de nombreuses scènes impliquant de nombreux groupes, nous avons eu un mal de chien à y trouver notre place. Encore que je me demande si nous l'avons un jour trouvée ou si nous la trouverons un jour. Et je pense que ce n'est pas plus mal. Regarde la 'New York revolution' ! Ou si tu préfères, la musique de la nouvelle génération. Les médias veulent absolument enfermer tous les groupes qui y émargent dans le même sac. Du formatage ! Nous ne voulons surtout pas y être associés. Et encore moins récupérés. C'est une campagne de marketing, à laquelle nous refusons de souscrire ! Nous voulons créer de la musique qui plaise à tout le monde. Depuis la jeune fille au vieillard, plutôt que de cibler un public particulier. 'Cool kids f*****g !'

En parlant de formatage, aurait-il un œuf à peler avec les Strokes, les White Stripes, Interpol, les Warlocks et les Kills ? " Je ne mettrai pas les Kills dans le même sac. Ce sont des groupes qui possèdent d'indéniables qualités artistiques. Mais ils sont différents. Et on n'a pas le même feeling. J'apprécie plus particulièrement les White Stripes, Interpol et les Warlocks. On a joué avec ces derniers à Los Angeles. Devant 20 personnes. Ils sont authentiques et véhiculent un esprit bien personnel. C'est la raison pour laquelle je pense qu'ils sont respectables ; mais on ne peut pas dire que tout ces groupes soient rock'n'roll. Ils font de la pop. Seul leur déguisement est rock'n roll. Ils n'écrivent pas des chansons hymniques qui portent les gens, mais cherchent un mode d'évasion. Pour nous, notre devise est 'Stay awake !' (Restons éveillés !). Maintenant, je suis conscient qu'aujourd'hui, il faut plaire aux jeunes. Et que pour y parvenir, il faut soigner les pochettes, accorder des interviews, remplir les pages des magazines. Mais nous, on veut aller au-delà de tout ce strass. Avoir une démarche plus profonde… " Peut-être dans l'esprit des Stones. A cet égard, 'We're all in love' me semble tellement hanté par l'esprit des Stones ? Et en particulier par la composition 'Gimme shelter'… " C'est la meilleure chanson que les Stones ont écrite depuis 1970 ! On ne nie pas l'évidence. Et il est vrai que nous essayons de faire revivre l'esprit de cette époque. Dans le domaine de l'amour, tu peux être en compagnie de quelqu'un, mais en même temps très éloigné de cette personne. Et cette tension est terrible. Mais dans le même ordre d'idées, lorsque tu es éloigné de cette personne, tu ressens de l'espoir, de l'optimisme, au plus profond de toi-même. Il existe en nous cette idée d'euphorie de l'amour, lorsque vous êtes éloigné de l'autre. Comme si vous viviez une profonde angoisse. Du 'non dit' ! Car vous pouvez côtoyer l'autre, sans déclarer votre flamme. Cette situation existe. Vous ne pouvez pas la voir, l'entendre ou la toucher, mais vous savez que ce sentiment brûle au plus profond de votre âme… "

Lorsqu'on écoute la musique de BRMC, on ne peut s'empêcher de penser au Velvet Underground, à Joy Division et surtout à Jesus & Mary Chain. Les prestations 'live' baignent même dans un nuage de fumée, comme chez le défunt J&MC. Des comparaisons qui reviennent régulièrement chez la plupart des journalistes. Mais qu'en pense notre interlocuteur ? " Je ne sais pas. Contrairement aux apparences, les comparaisons, ce n'est pas mon fort. Chacune de ces formations pratique de la bonne musique. Ce sont, quelque part, des légendes. Et être comparés à ces légendes, c'est un compliment. D'autre part, il y a sans doute une certaine paresse de la part des médias qui se contentent de telles analogies. Car, il existe autre chose derrière tout cela. Maintenant, il est exact que tous les groupes passent par le stade des comparaisons ; c'est la transition nécessaire avant de parvenir à acquérir sa propre identité…" 

Par contre, Robert voue une grande admiration au défunt groupe britannique The Verve. " Un groupe génial, expérimental. Qui était parvenu à pousser le son dans ses limites. Un concentré d'énergie. Aussi bien à travers la musique que les lyrics. Mais lorsque Nick McCabe est parti, tout s'est écroulé. A ce moment là, je me suis rendu compte que l'univers de la musique avait perdu quelque chose de vital. Tout ce qui a suivi 'Nothern soul' n'a plus jamais eu la même dimension. Triste ! Ce groupe était fantastique, parce que sa musique évoluait sans cesse. J'ai assisté à trois de leurs sets 'live', dont un à San Francisco. C'est ce que j'ai vu de meilleur sur scène à ce jour. Tout comme le Primal Scream… " Ah, bon ! (NDR : le seul concert de Primal Scream, auquel votre serviteur a assisté fût tout bonnement catastrophique. Il y a presque 20 ans. A l'AB de Bruxelles. Je lui ai donc fait part de mon étonnement. Et il s'est simplement mis à rire. Faut croire que la bande à Bobby Gillepsie a fait d'énormes progrès sur les planches. Enfin, au bout de deux décennies, ce serait quand même dommage de ne pas être parvenu à s'améliorer. Attention, je parle bien de prestation scénique ! Les albums de Primal Scream sont, pour la plupart, de petits bijoux. Dont acte !)

Petit détail amusant, le père de Robert, n'est autre que Michaël Been, le leader du défunt Call, une formation fondée en 1979, dont le premier opus est une petite merveille. Ce qui avait d'ailleurs, à l'époque, poussé Peter Gabriel à les soutenir. J'avais même lu, dans un article, que Michaël était devenu le manager de BRMC. Bob rectifie. " Non, pas du tout. Il est le responsable du mixing lors de nos tournées " Donc, quelque part, il apporte son expérience au groupe. Robert semble assez gêné d'en parler. " J'ai beaucoup de mal à expliquer sa contribution. Je savais qu'il était capable de faire du rock'n'roll. Mais il est âgé de 47 ans. Il est difficile de parler de son père quand il ne fait pas un métier comme Monsieur tout le monde. Qu'il n'est pas garagiste ! Je me mets à sa place. On attend que je confesse qu'il m'a procuré des conseils, mais non, ce n'est pas le cas. Il mixe, et puis c'est tout. Le monde de la musique est tellement chaotique. Il change constamment. Dans ce domaine, il n'existe pas de règle d'or. Ce n'est déjà pas facile de parler de nous. D'expliquer les raisons pour lesquelles vous prenez telle décision, signez sur tel label. Alors, parler de son père… Je pense que du moment que vous fonctionnez à l'instinct, le reste… "

Merci à Vincent Devos

 

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