Lethvm : une orthographe atypique, mais surtout une formation qui gravit petit à petit les échelons de la scène métallique belge. Auteur d’un Ep en 2016, le groupe de Doom a participé cet été au ‘Loud Program’ (un concours organisé en Fédération Wallonie-Bruxelles) et a été sélectionné parmi les quatre meilleurs lauréats. À quelques semaines de la sortie de son premier elpee studio (24 novembre), « This Fall Shall Cease », les musiciens reviennent sur les débuts de leur histoire et évoquent un futur plutôt prometteur. Rencontre.
Pourriez-vous tout d’abord indiquer ce qui se cache derrière le mot Lethvm ? Pourquoi avoir choisi ce terme comme patronyme ?
Tony (batterie) : Lethvm tire sa racine du grec ‘lethal’, un mot qui désigne donc un rapport à la mort. Mais une mort plus appréhendée sous la forme d’une érosion physique et mentale. On a ensuite ajouté un ‘h’ et remplacé le ‘u’ par un ‘v’ afin de se forger une identité propre. On ne voulait pas d’un mot qui soit simplement puisé dans le dictionnaire. On souhaitait s’en emparer.
Lethvm ne compte que deux années d’existence, mais vos compositions laissent néanmoins transparaître un certain passé musical. Quels sont vos parcours respectifs ?
Vincent (chant) : j’ai transité par Death By Nature (Mathcore) et Oldd Wvrms (Doom/Sludge), avant de quitter ces bands, pour finalement rejoindre Lethvm.
Ben (basse) : Matthieu (guitare), Tony et moi, nous nous connaissions déjà auparavant. On avait déjà joué tous les trois dans un groupe de rock. On s’est ensuite séparé, jusqu’au jour où Mathieu et Tony se sont revus au festival de Dour et ont décidé de monter un projet ensemble. Je les ai finalement rejoints au sein d’Illensys, avant qu’il ne soit décidé d’opter définitivement pour Lethvm.
Tony : … mais on n’a jamais conservé de titres composés pour l’ancien groupe. Quand on a envisagé, fin de l’année 2015, de lancer Lethvm, on est reparti d’une feuille blanche. Puis notre vocaliste, Vincent, est arrivé. C’est alors que tout a vraiment démarré ; et on a enregistré un premier Ep.
Vincent : on s’est vite rendu compte que si on voulait avancer et décrocher quelques shows, il fallait proposer du concret. Soit un Ep. Il sonne très sale, mais je l’aime beaucoup (rires) ! On a ensuite continué à écrire tout au long de l’année 2016, entre quelques concerts accordés en Belgique et en France.
Jusque mai 2017, où vous avez commencé à bosser pour réaliser votre premier LP studio, « This Fall Shall Cease ».
Mathieu : un travail de longue haleine ! On a beaucoup composé. Certains titres ont même été carrément jetés à la poubelle.
Tony : un peu comme un gros bloc de marbre qui aurait été patiemment buriné. On a éliminé beaucoup d’idées et on a supprimé pas mal de riffs.
Ces morceaux sont un véritable mélange de styles : on y retrouve la noirceur du Black Metal, la lenteur du Doom, le côté oppressant du Sludge. Comment définiriez-vous votre musique ? Et question plus basique, quelles sont vos influences ?
Ben : c’est une question à laquelle il est difficile de répondre, car nos racines musicales sont très différentes. Je suis par exemple davantage immergé dans le Thrash. On a donc dû chercher un équilibre qui corresponde à tous. Ce n’était pas simple, mais je pense qu’on est parvenu à créer une sorte d’alchimie susceptible de plaire à toute personne qui écoute du Metal. Ou du moins, qui accepte d’ouvrir ses horizons.
Tony : quand on a commencé à écrire les morceaux de cet album, on ne voulait pas qu’ils partent dans tous les sens. On a débarqué chacun avec nos idées et on en a conclu qu’il suffisait de composer pour voir ce qui allait en ressortir ! C’est devenu un pot-pourri de Metal (rires) !
Mathieu : c’est en effet le résultat d’un foisonnement d’influences, mais le résultat est cohérent. C’est surtout Tony et Vincent qui ont ici planché pour qu’il soit vraiment homogène. Tu sais, même les fins et débuts de morceaux ont été soigneusement ciselés, afin que tout puisse se suivre de manière fluide.
Tony : Je pense que l’album n’aurait pas du tout la même gueule si les chansons avaient été classées dans un ordre différent ! Lors des sessions, on avait toujours en tête nos enchaînements. Nous voulions que notre disque ne suscite jamais l’ennui. C’est pourquoi nos compositions vont piocher à droite et à gauche dans notre passé musical.
Utilisez-vous Lethvm pour transmettre un message en particulier ?
Vincent : non, nos compos ne véhiculent pas de messages. Je veux en effet délibérément être éloigné des mots afin de communiquer uniquement un ressenti. Aller au-delà des termes. En anglais, le chant est complètement saturé ; donc soyons clairs : en live, tu discernes mal ce qui est raconté. Et même sur disque, il faut lire les paroles pour les comprendre. J’y accorde certes une importance personnelle, mais elles n’ont pas nécessairement la même signification pour quelqu’un d’autre. Ou si elles venaient à en avoir, ce sera d’office différent de ce que j’ai pu ressentir en les écrivant. Ma voix n’est qu’un vecteur d’émotions. Pour les lyrics, je travaille avec Tony et on a une façon un peu particulière d’opérer. J’écris tous mes textes en français. Ce qui représente des pages et des pages. Tony les traduit ensuite en anglais. Je les pose ensuite sur les chansons et n’en retire que certaines phrases. Ce qui crée, au final, de nouveaux textes. Aléatoire, cette manière de fonctionner me permet d’accéder à mon inconscient. Mais il existe ainsi des éléments dans l’album qui n’ont toujours pas de sens pour moi ; cette signification viendra peut-être plus tard, quand je pourrais disposer du recul nécessaire.
Ce premier opus studio sortira chez Deadlight Entertainment. Par quel hasard avez-vous décroché un tel deal ?
Mathieu : On avait été invité au Roadburn Festival par les mecs de Doom of Occult, des amis à nous. Après avoir assisté à leur show, on a croisé Alex, le responsable de Deadlight. On a parlé de tout et de rien. Au cours de notre discussion, je lui ai demandé de jeter un œil à notre clip. Et chaque fois qu’un membre de Cult of Occult s’approchait de nous, il lui répétait : ‘Mec, si tu dois signer un groupe, c’est bien eux’…
Tony : Un gros travail a été opéré en amont avant qu’Alex nous signe. Je dois dire qu’en sortant du studio d’enregistrement, on espérait très fort un dénouement favorable.
Mathieu : … en fait, l’élément déclencheur remonte au 26 novembre 2016, lorsqu’il est venu assister à un show au cours duquel on ouvrait pour Bathsheba. Je pense qu’il a vraiment apprécié notre prestation. À la fin du set, il nous a demandé notre Ep. Il m’a filé en échange deux ou trois autocollants de son label… j’y ai donc vu un signe. Et depuis le mois de janvier, c’est lui qui est venu régulièrement me parler, en me disant qu’il attendait qu’on lui propose quelque chose.
Tony : Mais on a aussi deux autres labels ! Ce nouvel album paraîtra en effet également en cassette, chez Denses Record, une boîte indonésienne. On avait déjà sorti notre précédent Ep sous la forme d’une cassette et on trouvait l’idée plutôt fun. « This Fall Shall Cease » sera ensuite gravé en vinyle chez Dunk!records. Le premier support sera sûrement la K7, suivi du CD à la fin du mois de novembre et finalement le vinyle pour janvier 2018. Pour le vinyle, on y ajoutera une touche visuelle supplémentaire ; mais ça, c’est encore secret !
Vous avez participé, cet été, au ‘Loud Program’, un concours qui s’adresse aux formations de Metal et musique extrême en Fédération Wallonie-Bruxelles, dont les lauréats bénéficient, ensuite, d’un dispositif d’accompagnement. Un nouveau tremplin pour Lethvm ?
Vincent : En effet, dès qu’on a reçu notre mix final, on l’a envoyé au ‘Loud Program’.
Tony : quand tu participes à un concours, il est normal qu’on puisse espérer être sélectionné. Mais quand on a compris qu’on l’était parmi plus de 80 candidats… wow !
Vincent : surtout quand tu sais que certains de ces groupes ont bien plus de vécu que nous. On a vraiment été étonné, mais dans le bon sens du terme !
Cette sélection vous a notamment permis de décrocher une résidence et un coaching. Savez-vous où et qui sera votre mentor ?
Vincent : notre première réunion s’est déroulée, il y a deux semaines. On y a rencontré le responsable de Thot, Grégoire Fray. Cette résidence s’étalera sur deux jours et précédera notre concert que nous accorderons en compagnie d’Au-Dessus (NDR : c’était le 6 novembre, à Arlon). On lui a demandé de se concentrer sur le son, en façade, ainsi que de prévoir une meilleure approche des lumières. Vu que notre musique est lente, on est généralement très soft en matière d’éclairage. En guise de préparation, il nous a conseillé de bosser sur les paroles des chansons, afin de savoir quel était le message véhiculé et comment on envisageait le faire vivre sur scène. On verra comment ça se passe…
Des dates de concert sont-elles prévues d’ici la fin de l’année ?
Ben : oui, presque dix !
Vincent : on va se produire en France, au Luxembourg, puis en Belgique ; à Liège, Bruxelles, Dour, etc.
Mathieu : et puis on fêtera évidemment la parution de l’album au Doom Wood Festival (le 25 novembre à Sambreville), dont je suis le co-organisateur. On voulait initialement le sortir en mai ou en juin, après l’avoir enregistré en janvier. Mais on s’est vite rendu compte que ce timing ne tenait pas la route et qu’il serait préférable de retarder sa sortie. Et il s’est ensuite avéré qu’en accord avec notre label Deadlight, le mois de novembre serait le meilleur moment. Alors autant le faire au Doom Wood… qui va être une belle fête entre amis !
J’imagine que vous avez aussi quelques projets pour l’année 2018 ?
Vincent : on voudrait réaliser un split. On est déjà occupé à plancher sur de nouvelles compositions. Le but serait de respecter un agenda semblable à celui de cette année : enregistrer en mai pour sortir quelque chose vers septembre ou octobre.
Qui pourrait être intéressé de participer à ce projet ? Une idée ?
Mathieu : oui et non… On voudrait le sortir en compagnie d’un groupe hébergé chez Dunk ! ou Deadlight. Mais il faut encore voir si l’un d’entre eux est intéressé. On a aussi établi des contacts au Canada. Ce qui pourrait dès lors peut-être déboucher sur une tournée européenne et canadienne.
À propos de tournée, qui choisiriez-vous partager l’affiche ?
Vincent : j’avoue que si on pouvait la partager en compagnie de Cult of Luna, Neurosis et Amenra, la tournée serait plutôt sympa ! (rires)
Mathieu : Cult of Occult, certainement, mais la tournée deviendrait trop vite ingérable… et puis on est déjà vraiment heureux que le Loud Program puisse nous procurer quelques dates. On pense notamment à celle du 9 décembre au Botanique, où on devrait rencontrer pas mal de monde. Et qui sait… peut-être qu’un booker professionnel nous remarquera ?
Vincent : on ne regarde pas seulement vers le haut. Abynth est une formation qui nous suit beaucoup et on essaye de l’emmener dès que l’occasion se présente.
Mathieu : ils ont dix ou quinze ans de moins que nous, mais assurent vraiment ! Ils pratiquent une musique inspirée des premiers Black Sabbath. Du bon vieux Doom à l’ancienne ! Et puis… au niveau picole, ils assurent aussi ! (rires)
Ben : rencontrer les musicos d’Absynth a vraiment été une chouette expérience humaine ! De notre côté, on essaye de les épauler comme on peut. Et puis du leur, ils nous assurent aussi un très bon soutien ! Ils avaient notamment organisé une soirée pour la sortie de leur Ep et nous avaient demandé de jouer après eux. Tous leurs fans sont restés pour nous écouter ! Ce qui nous a vraiment fait plaisir. Ils croient beaucoup en nous. Et nous, on les voit évoluer de concert en concert. On essaye de s’entraider. On est déjà tellement peu de groupes du style, en Wallonie, alors autant ne pas se tirer dans les pattes !
(Interview réalisée à Bruxelles, le 22 septembre 2017).