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La musique n'appartient à personne... Spécial

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Ne pas connaître les Young Gods constitue une fameuse lacune dans sa culture musicale. Originaire de Fribourg, en Suisse, ce trio a vu le jour en 1985. Seul membre permanent depuis sa naissance, Franz Treichler en est le chanteur, guitariste et compositeur. Fin des années '80, les ‘Gods’ ont élaboré une musique véritablement innovante, fruit d’un cocktail entre indus (pensez à Einstürzende Neubauten), EBM (imaginé par Front 242), krautrock (en l’occurrence celui d’un de ses pionniers, Can), psychédélisme, blues, rock et punk, au travers d’une approche purement postmoderniste. Dès le départ, la formation a choisi de tourner le plus possible hors de ses frontières, et notamment en Angleterre, où elle a rapidement acquis le statut de groupe culte. Mais c’est grâce à son long format « TV-Sky », paru en '92, que son succès a véritablement explosé, et tout particulièrement aux États-Unis. Elle y a partagé les planches avec rien moins que Nine Inch Nails. En passe de devenir des stars planétaires, les musiciens ont préféré adopter une approche plus ‘indie’, en privilégiant les labels alternatifs et en se réservant une totale liberté de création. Après avoir connu quelques changements de line-up, vécu diverses expériences solos et s’être accordé une période de pause, le band est de retour. En février dernier, il a ainsi publié un nouvel elpee, baptisé "Data Mirage Tangram". Une pure merveille !

Si vous n'êtes pas encore convaincus, sachez que de nombreux artistes et groupes célèbres ont admis avoir été influencés par les Gods, comme par exemple Nine Inch Nails, Ministry, The Edge (U2), Mike Patton (Faith no More) et surtout David Bowie. Le White Duke avait confessé que, pour écrire son album « Outside », publié en 1995, il avait beaucoup écouté les Young Gods.

Aujourd'hui, outre Franz Treichler, le line up du combo implique le claviériste Cesare Pizzi (membre fondateur, il avait quitté le navire en 1988, avant d’opérer son retour en 2012) et le drummer Bernard Trontin, présent depuis 1997.

C'est ce trio que Musiczine a rencontré le lendemain de son concert, accordé au Botanique de Bruxelles.

Un peu d’étymologie d’abord. Pourquoi avoir choisi comme patronyme, The Young Gods ?

Franz Treichler : Je travaillais dans un club à Fribourg et les Swans y avaient accordé un concert en '83 ou en '82. Le lendemain du show, j'ai récupéré la setlist sur le podium sur laquelle y était consignée une chanson intitulée « Young God »... Je l’ai conservée, et 3 ans plus tard, quand on a fondé le groupe, j'ai pensé qu’il correspondait parfaitement à ce que nous représentions à l'époque.

Il véhicule également une signification philosophique ?

FT : J'ai choisi le nom pour plusieurs raisons. Tout d'abord, on peut le considérer comme un synonyme à ‘être humain’. Nous sommes tous de jeunes dieux. Nous ne serons jamais des dieux mais nous exprimons ce désir, cette aspiration. On le voit, par exemple, dans la tendance actuelle du ‘transhumanisme’ aux États-Unis, où ses adeptes veulent devenir immortels grâce à la technologie. C'est une aspiration humaine qui existe depuis des milliers d'années.

Les dieux, ce ne sont donc pas les musiciens du groupe...

FT : Non ! (rires) Ce nom ne révèle pas la nature de notre musique. Et puis, c'est cool parce qu’il incite les gens à réagir en fonction de leur personnalité. S'ils ont le sens de l'humour, ils déduiront qu’il est marrant. Tandis que les intellectuels ou snobs s’insurgeront en se demandant pour qui on se prend. Il existe donc comme un effet miroir dans cette appellation...

Quel a été votre premier 'flash' musical, au cours de votre adolescence ?

Cesare Pizzi : Pour moi, c'est Kraftwerk. J'étais déjà musicien quand j'ai découvert cet univers, un son, une spatialisation, un groove déclenché par des machines : ça m'a vraiment frappé ! C'était aussi la première fois que j'entendais un vocodeur. Je ne comprenais pas comment il était possible de manipuler de telles textures sonores. Et ce jour-là, j'ai cessé de jouer de la basse (rires).
Bernard Trontin : Perso, quand j'étais jeune, à Genève, j'avais un ami anglais, dont le frère aîné rapportait des vinyles d'Angleterre, et j'ai eu un flash en entendant les groupes de glam-rock comme Slade, T-Rex, etc. Le premier disque que j'ai acheté était un album de T-Rex. Le son de la guitare était révolutionnaire.

Et Bowie également ?

BT : Bowie aussi bien sûr, mais surtout plus tard lors de sa période allemande. Drummer, j’ai vécu d'autres flashes, plus tard, qui m'ont incité à jouer de la batterie comme aujourd’hui, mais mon premier flash, c'était T-Rex.
FT : Mon frère, de 5 ans mon aîné, m’a initié à la musique, en particulier lorsqu’il a ramené le 33trs « Meddle » de Pink Floyd. Je me souviens qu’un jour, alors que j'étais seul à la maison, j'ai poussé le premier morceau de l'album, « One of These Days » à plein volume. Sur cette compo une voix hurle, à un certain moment, ‘One of these days I will cut you into pieces’. Et ma réaction a été : ‘Wow, c'est quoi ce truc ?’. Ce sera une 'épiphanie', comme disent les Anglais.

Une révélation ?

FT : Oui. Et donc, mon désir de communiquer des sentiments par le biais de la musique se réfère beaucoup aux vieux disques du Floyd. C'est ce genre onirique qui te transporte dans un autre monde.

Vos références constituaient une très bonne base pour commencer la musique : l'électronique, le glam et le prog/psyché !

FT : Oui, pour passer ensuite du psyché-glam-rock-électronique ! (rires)

En tout cas, toutes elles alimentent d'une certaine manière la musique des Young Gods. En ajoutant, évidemment, le côté ‘industrial’. Elle est le résultat d’un 'crossover' entre différents styles, abordé à la manière de Nine Inch Nails ou Radiohead. Un kaléidoscope d'influences intégrées et restituées par une signature unique.

FT : Merci !

Parlons du nouvel opus. Il est parfaitement en phase avec les anciennes productions, mais, en même temps, il ouvre la porte à quelque chose de nouveau...

FT : Je suis d'accord. Jusqu'à présent, depuis le retour de Cesare, on se focalisait surtout un répertoire soit, composé à l'origine par nous deux, soit, plus tard au gré des différents line up et en compagnie de Bernard, depuis 1997. Ici, par contre, il a été écrit à 100% par nous trois. Nous nous connaissons depuis les années '80 mais on n'avait jamais coopéré sous cette forme auparavant.

C'est aussi unique parce que vous avez réalisé l'album en improvisant...

BT : Tout a été composé au festival de jazz de Cully, en Suisse, où on nous a proposé une résidence permettant d'improviser en public dans un club. C'était un vrai défi pour nous car on n’avait aucune idée de ce qu'on allait faire et si le résultat serait publiable. C'était aussi une occasion de rebattre les cartes et de se lancer dans de nouvelles expérimentations. Et ça a fonctionné.

C'est sans doute pourquoi le disque est si cohérent. Comme dans les années ‘70, c'est une série homogène de chansons qui tracent un parcours à travers différents univers.

BT : Oui, c'est cohérent parce que tout a été composé par les mêmes personnes, au même moment et au même endroit.

La résidence 'jazz' s'entend aussi un peu dans la chanson « Moon Above », qui affiche un côté jazzy...

BT : Oui, c'est carrément du free jazz.
FT : Quand on enregistrait le morceau, on a perdu le métronome, ce qui nous a permis d'improviser une rythmique 'free'. (rires)
BT : C'était en quelque sorte un accident. Il y a souvent des accidents qui sont exploités dans l'art.

Parfois, le son devient plus 'ambient', un peu dans l’esprit d’ECM, le label de jazz expérimental...

BT : Oui, absolument !

Et je pense tout particulièrement à Terje Rypdal...

BT : Oh mon Dieu : tu connais Terje Rypdal ?

Oui ! Il existe un élément commun, un côté aérien, voire cosmique. Comme dans une de ses compositions, « Den Forste Sne »…

BT : Oui, je connais ce morceau.
FT : Cette comparaison est très juste...

Parlons maintenant de l'impact des Young Gods. De nombreux artistes ou groupes très célèbres ont confié qu’ils avaient été influencés par vous, dont David Bowie...

FT : C'est drôle parce que le premier single que j'ai payé de ma poche, c'était « Jean Genie » de Bowie.

A propos, sais-tu d'où vient ce titre ?

FT : Non.

C'est un jeu de mot sur le nom de Jean Genet.

FT : Et bien, tu m'apprends quelque chose...

En restant dans le thème de l'influence, Picasso avait prononcé cette célèbre phrase : ‘Les mauvais artistes copient, les vrais artistes, eux, volent’.

FT : C'est tellement vrai ! Pourquoi voudriez-vous copier quand vous pouvez voler.

La différence étant...

FT : ...que lorsque vous copiez, les gens se rendent comptent que vous copiez, alors que lorsque vous volez, l'objet est entre vos mains, il a changé, vous vous l'êtes approprié. De toute façon, la musique n'appartient à personne. Tout le monde est influencé par tout le monde. Les musiciens qui nous ont cités comme influence étaient précisément ceux qui nous ont influencés au début. Bowie était un personnage très curieux qui cherchait toujours de nouveaux débouchés et nous, on a toujours fait pareil. Depuis qu’on est ados, on achète des disques… qui finissent par nous influencer. Après tout, rien n'est jamais original à 100%. L'originalité se manifeste lorsque vous allez au-delà de vos influences. Donc, la phrase de Picasso est un peu ironique mais elle est vraie. C'est pourquoi les artistes, à mes yeux, ont trop souvent tendance à exagérer quand ils parlent de leurs 'créations'. C'est un bien grand mot. Personne ne sait exactement ce qui se trame pendant le processus de création. Et il est impossible de reproduire ou de dupliquer le processus par la suite. Vous devez à chaque fois repartir à zéro. C'est précisément ce qui rend l'art si précieux.

Vous avez toujours adopté une démarche très artistique...

FT : Oui et une approche carrément anarchiste. Pour nous, la propriété est un vol. Au début, on utilisait beaucoup les samples et les échantillonnages, qui, pour une grande part, provenaient de vinyles d'autres artistes. En créant de cette manière, on voulait montrer que l'on pouvait produire du neuf avec du vieux. Un historien de l'art dirait que c'était du post-modernisme, car nous nous sommes appropriés des éléments de différentes périodes pour bâtir quelque chose de nouveau. Dans un sens, c'était aussi du 'readymade' à la Duchamp, vu qu'on prélevait quelque chose pour le replacer dans un autre contexte. Comme, par exemple, combiner du Mozart et du heavy metal. Ce qui paraissait surréaliste ; mais finalement, notre approche était 100% instinctive. On voulait démontrer qu'il n’existe qu'une seule musique. Le rock, quand il devient trop conservateur, perd de sa valeur. On voulait prouver que jouer du rock sans guitare était réalisable, mais en produisant ces sonorités à l’aide d'un clavier. Montrer qu'il est possible d'introduire de la musique classique ou de la musique concrète dans le rock. Ce sera une surprise totale à l'époque. Le public a vraiment été secoué par nos 3 premiers albums. C'était imprévisible. Il ignorait ce qui allait arriver ensuite. Sur disque, parce que la dynamique pouvait changer radicalement en une seconde, mais aussi sur scène, parce que, par exemple, en ‘live’, il n’y avait pas de guitariste qui exécutait un mouvement pour dispenser un son très puissant. Un tel son pouvait surgir à tout moment sans avertissement, complètement brut. L’état de réceptivité du spectateur devait être différent. Ses oreilles et ses sens, plus ouverts. Au cours des nineties, on a essayé de surprendre à nouveau en modifiant la formule et en explorant d'autres horizons musicaux...

Vous avez un lien particulier avec la Belgique, je crois ? Ne fût-ce que par celui qui est votre booker depuis les débuts, Peter Verstraelen ?

FT : Oui ! En plus, notre deuxième album, « L'Eau Rouge » a été publié par PiaS et on a sorti plusieurs albums sur ce label. On a également enregistré « TV-Sky » au studio ICP, à Bruxelles.

Et vous entretenez des liens étroits, je crois, avec pas mal d'artistes belges, et notamment avec ceux de TC-Matic et Front 242…

FT : TC-Matic, c’était un modèle à nos débuts. Sur leur premier album, Arno chantait en français de façon naturelle, en vidant ses tripes ; et pour la première fois, sans que cette formule ne sonne 'chanson française'. Et avec une attitude punk. Grâce à lui, j'ai compris qu'il ne fallait pas avoir peur de chanter en français. Les 2 premiers albums des Young Gods sont exclusivement interprétés dans cette langue et, paradoxalement, ils ont eu plus de succès en Angleterre qu'en France. Ainsi, on se détachait à nouveau du 'dogme' rock et on adressait un pied-de-nez à la ‘police du rock’….

Et Front 242 ?

FT : On a assuré de nombreuses premières parties pour eux, au début. La formation était beaucoup plus connue que la nôtre. Elle avait déjà gravé « Headhunter ». On partageait le même label. Et on est toujours restés en contact.
CP : Le groupe a ressorti un de ses premiers elpees, je crois ?

Tu parles sans doute d'UnderViewer, le projet de deux d'entre eux, Jean-Luc De Meyer et Patrick Codenys, qui date d'avant Front. Il y a deux ans, ils ont réédité leurs titres originaux dans des versions modernisées et remasterisées : un album fantastique !

BT : A l'époque, j'écoutais aussi un groupe belge, Univers Zéro.

Ah oui, je connais.

BT : C'était un groupe expérimental prog, très sombre.

Il était un peu dans la mouvance de Magma, je crois.

BT : Oui. Les musiciens se servaient d’instruments électriques mais aussi d’un basson, d’une vielle et d’un harmonium : un mix intéressant ! J'étais très impressionné par leur batteur, Daniel Denis.
CP : Il y a aussi Sttellla ! (rires)
FT : On est très proches de La Muerte également. On rencontre aussi régulièrement dEUS. Et récemment, on a été invités par Triggerfinger pour un concert spécial à Louvain. On a beaucoup d'amis en Belgique...

Pour écouter l'interview complète en audio, c'est ici

Pour lire la chronique du concert des Young Gods au Botanique : en français, c'est et en néerlandais, ici.

Merci aux Young Gods, au Botanique et à David Salomonowicz

 

 

 

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