Ex-membre de Crosby, Stills, Nash & Young, Graham Nash sort son premier album ‘live’… à 80 ans !
Fondateur des Hollies dans les sixties, membre CS&N puis de CSN&Y, il peut se targuer d’une carrière impressionnante de musicien, mais aussi de photographe, voire d'auteur ; et bien que Britannique, il n'a jamais cessé de s'engager aux Etats-Unis pour la paix, la dénucléarisation ainsi que la justice sociale, et ce, jusqu'à aujourd'hui.
Jeune… octogénaire, il sort aujourd'hui un live qui reprend intégralement ses deux premiers elpees solos, assurément les meilleurs…
C'est votre premier LP ‘live’ depuis le début de votre carrière solo : pourquoi maintenant ?
L'explication tient en deux mots : mon épouse ! (rires)
Elle souhaitait absolument que j’interprète les morceaux de mes deux premiers albums solos dans leur intégralité. Vu cette pression maritale, j'ai monté ce projet.
Des titres comme "Military Madness" ou "Be Yourself" résonnent malheureusement toujours de façon très actuelle…
En effet. Je viens de terminer une tournée de 22 dates, et d'habitude je commence le concert par une chanson classique de mon répertoire, afin que les spectateurs s'installent tranquillement, rejoignent leur fauteuil, tombent la veste….
Mais à cause de la guerre en Ukraine, j’ouvre désormais mon set par "Find The Cost of Freedom" de Crosby, Stills, Nash and Young pour ensuite embrayer par "Military Madness", en parlant de l'Ukraine et de Poutine.
Comme cofondateur de MUSE (Musicians United for Safe Energy) en 79, une organisation qui luttait contre le développement des installations nucléaires, continuer encore et toujours à vous battre pour la dénucléarisation de la planète doit vous paraître insensé ?
Le reste du monde est complètement terrifié par la perspective que quelqu'un comme Poutine, dont beaucoup aujourd'hui pensent qu'il est actuellement une sorte d'handicapé mental, a le doigt sur le bouton de cinq mille têtes nucléaires. Chacune d'elles sont mille fois plus puissantes que les bombes qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki.
Si Poutine est poussé dans ses derniers retranchements, il ne fait nul doute dans mon esprit qu'il appuiera sur le bouton.
Cette forme de ‘protest songs’ est donc toujours d'actualité ?
C'est certain, et pour d'autres sujets comme l'immigration ("Immigration Man", enregistré en compagnie de David Crosby), "Oh ! Camil", chanson que j'ai écrite au sujet du Vietnam…
Toutes ses compos prennent encore sens aujourd'hui. Rien n'a changé…
Et même lorsque vous avez participé à ‘Occupy Wall Street’ en compagnie de David Crosby ?
Absolument, et pourquoi pas ? A mon âge, j'essaie encore de vivre la meilleure existence qui soit.
Seriez-vous une sorte de Bernie Sanders du rock ?
(il rit). J'adore Bernie. J'ai voté pour lui et je l'ai supporté durant sa dernière campagne.
En ce qui concerne "Chicago : We Can Change The World", vous vous référez à Trump, mais en modifiant les paroles. Pourquoi ?
Parce que ce sont toujours les mêmes satanés événements qui se produisent encore et encore. On dirait que nous n'avons rien appris de l'histoire, de l’avènement et la chute des empires…
Je voulais faire comprendre au public que cette folie militaire dure depuis des siècles, et durera encore pour les siècles à venir. Parce que l'humanité, à ces niveaux de pouvoir, est tout à fait stupide.
Vous êtes également un pionnier en matière d'écologie…
Pourquoi pas ? Nous n'avons qu'une planète…. et nous sommes occupés de la détruire.
Qu'allons-nous faire ensuite ?
Déménager sur Mars ou la Lune et commettre les mêmes erreurs ?
Julian Assange peut désormais être extradé de Grande-Bretagne vers les États-Unis. Comme anglo-américain, qu'en pensez-vous ?
Il essayait d’accomplir ce qui était juste. Julian Assange a toujours tenté d’étaler la vérité au grand jour, et malheureusement il s'est retrouvé prisonnier de la politique britannique. Et je réprouve son extradition vers les États-Unis où il sera jugé.
Les journalistes devraient toujours être protégés.
Au cours de votre carrière, vos photographies se sont-elles révélées plus importantes que vos mémoires publiées en 2014 ou est-ce l'inverse ?
Ma musique, la photographie, mes écrits ou mes positions émanent tous de la même énergie. Je supporte l'underdog : je soutiens toujours l'équipe qui n'était pas sensée gagner, mais qui y est parvenue. Aux cow-boys, je préfère les Indiens…
Durant votre période Crosby, Still and Nash, vous aviez hérité du surnom Willy. Pourquoi ?
Parce que mon identité complète est Graham William Nash. C'est ainsi que je devine l'âge de mes amis… S'ils m'appellent Willy, c'est qu'ils me connaissent depuis au moins cinquante ans ! (rires)
Que faisiez-vous de votre ‘englishness’ à l'époque dans un groupe américain ?
Rien. Disons que j'ai juste apporté le savoir acquis chez les Hollies, que j'avais fondés avec Allan Clark, en décembre 62.
Mais vous étiez anglais ?
Oui, je crois (rires). J'ai amené avec moi la faculté d'écrire une chanson que vous ne pouviez oublier si vous l'aviez écoutée deux fois. Faculté que nous possédions chez les Hollies. Il est cependant vrai que nous alignions des tubes dont les mots n'étaient pas d'une profondeur vertigineuse.
Lorsque j'ai déménagé en Amérique pour rejoindre David Crosby et Steven Stills, je me suis rendu compte que si je pouvais mettre davantage de profondeur dans les paroles, je signerais de meilleurs morceaux.
Quelle est l'importance du skiffle dans votre carrière ?
Il est essentiel. Parce qu'il était à la fois facile de pratiquer ce genre musical et de former un groupe lorsque vous saviez en jouer : une guitare acoustique bon marché, la planche à laver sur laquelle votre grand-mère avait l'habitude de préparer la lessive, et des dés à coudre au bout de doigts qui servaient de percussion.
Après la Deuxième Guerre mondiale en Angleterre, la plupart des garçons de 15 ans n'avaient pas grand-chose à faire et manquaient d'argent ; mais si vous pouviez vous offrir une guitare acoustique bon marché, et que vous connaissiez trois accords, vous pouviez pour ainsi dire jouer toutes les chansons que Buddy Holly avait écrites.
Une sorte de musique do-it-your-self ?
Tout à fait.
John Mayall et vous êtes deux survivants d'une époque…
C'est sûr. Mais vous devez bien comprendre qu'il est bien plus âgé que moi ! (rires)
J'ai assisté au concert d’Andrés Segovia, le génie espagnol de la guitare à San Francisco alors qu'il avait 92 ans et il m'avait ébloui.
Si je parviens à vivre jusqu'à cet âge, je voudrais bien continuer à jouer de la musique comme lui.
Il n'y a pas d'âge pour le rock ?
Non, même Mick Jagger a plus de 30 ans ! (rires)
Graham Nash : « Live – Songs for Beginers / Wild Tales » (V2) paru le 6 mai 2022