Ce 20 janvier 2024, Tom Van Laere (aka Admiral Freebee) se produisait à l'Ancienne Belgique dans le cadre de Rewind ; l'occasion pour ce musicien d’exécuter dans l'ordre et intégralement son premier elpee éponyme. En 20 ans de carrière, cet artiste –frère du galeriste anversois Tim Van Laere– qui avoue s'inspirer énormément de Tom Waits, mais dont la musique lorgne manifestement vers Neil Young et Bob Dylan, a pris de l'amplitude et n'a cessé d'améliorer son jeu. Pas étonnant quand on sait qu’avant de se lancer dans la musique, c’était un espoir du tennis belge, sport qu'il pratique cependant, toujours quotidiennement… L'occasion de demander, sans le prendre de ‘court’, à ce manieur de raquette et de guitare anversois son avis sur l'évolution du rock belge depuis deux décennies…
Quelle est l'importance d'Anvers dans votre musique ?
Énorme... Sur mon premier album, que je vais réinterpréter complètement demain, la chanson « There is a Road » évoque la Noorderlaan. Je suis né à Brasschaat, et cette artère mène à Anvers.
Sur « Get out of town », la première chanson du disque, je parle de la transition difficile vers l'âge adulte tout comme l’effort qu’exige aller de Brasschaat à Anvers. Ensuite, se rendre à New York ou à Tokyo n'est pas compliqué quand on a pris confiance en soi, et lorsqu’on devient un homme. Car en ville, on découvre la vraie vie, on doit se prendre se prendre en main et on y fait de bonnes et de mauvaises rencontres…
Dans vos chansons, on ressent souvent une pointe de l'amertume…
Je ne suis pas quelqu'un d'amer dans la vie, mais j’éprouve le droit de l'exprimer dans ma musique ; c'est une sorte de catharsis. Lorsque je suis sur scène, je chante incarner un ‘loser’ et quand je m’adresse au public, j'affirme que nous le sommes tous, mais que nous allons célébrer cette condition. En tant qu'Admiral Freebee, je proclame ne pas savoir comment m'y prendre avec les impôts, les femmes... bref, que je ne sais pas comment vivre, mais que le public va se reconnaître dans les paroles de mes chansons. Ce qui engendre une certaine communion d’esprit, de progression collective...
Sur « I'm Bored », Iggy Pop chante ‘I'm the chairman of the bored. I'm a bit the chairman of the losers’ (rires)
La compo « The Worst Is Yet To Come » symbolise cette perspective ?
C'est du Schopenhauer (NDLR : un philosophe allemand qui a exercé un impact important sur de très nombreux écrivains, philosophes ou artistes majeurs du XIXe siècle et du XXe siècle) ! Il a écrit que lorsqu’on imagine le pire, on a l'heureuse surprise de constater ensuite que ce n'est pas le cas. Bref, il est préférable de prévoir le pire...
Vous aviez débuté une carrière de tennisman. Quel est le rapport entre le tennis et la guitare ?
Il y en a tellement que je pourrais rédiger un livre sur le sujet. À l'instar du tennis, en matière de jeu de guitare par exemple, on vous apprend que pour ‘speed up, you have to slow down’. Pour être meilleur, il faut ralentir un peu son jeu.
Par ailleurs, lorsque je dispute un match de tennis important ou me produis à l'AB voire à Werchter, c'est chaque fois dans ces moments importants que je joue le plus mal. Question de mental !
Enfin, dans ces deux disciplines, c’est au bout de milliers d’heures de pratique qu’on atteint un certain niveau.
Et vous pratiquez toujours le tennis ?
Oui, une fois, voire deux fois par jour ! Mais j'ai arrêté un moment, car la musique devenait trop envahissante. Mais désormais, comme je joue au tennis plus souvent et mieux, mes concerts sont bien meilleurs ! Ma résistance s‘est accrue eet mes poumons sont en pleine forme. Le tennis est un sport très intense, et chanter ressemble à de la course à pied...
Et puis j'écoute beaucoup au tennis... car de nombreux joueurs crient, sans que ce soit du chiqué…
J'entends cela et je me dis ‘c'est génial le rock’ (rires) ! Je vais m'y mettre aussi ! Donc en concert, j'imite un joueur de tennis (rires) !
Quel est votre guitariste préféré...
Keith Richards. Enfin, notamment ; parce qu'il joue à l’économie, sans emphase. Ce qui n'est pas simple ; et il rejoint ainsi l'approche du tennis. Il a confié dans une interview que si la toile est le support du peintre, pour le guitariste, c'est le silence...
Après 20 ans de carrière, comment jugez-vous l'évolution du rock en Belgique ?
Immense ! Lorsque j'ai débuté, tout le monde était influencé par dEUS, moi y compris. La formation combinait des éléments du rock qui ne l'avaient jamais été précédemment. Aujourd'hui, elle mélange bien d'autres styles : rap, hip-hop, jazz... Comme des tas d'autres groupes, d’ailleurs…
Qu'en est-il de la scène, des concerts ?
On ne parle plus de concert, mais de show. À mes yeux, un concert c'est quand on commet des fautes. C'est forcément imparfait. Lors d’un show, entre en compte le jeu de lumière et la gestion par ordinateurs qui évite les erreurs ; tout y est parfait… trop parfait, trop léché…
Y a-t-il désormais trop de festivals en Belgique ?
Non. Beaucoup de groupes belges sont excellents parce qu'ils peuvent justement se produire dans de nombreux festivals.
Comment expliquez-vous qu'il y ait autant de groupes en Flandre et moins en Wallonie ?
Mais il existe de nombreux bons groupes en Wallonie. Cependant, je ne comprends pas pourquoi les groupes wallons ne se produisent pas davantage en Flandre. Sans doute parce que les Flamands sont snobs... (rires)
Pourtant, à mes yeux, la meilleure artiste belge, la plus authentique c'est Mélanie De Biasio. Elle joue d'ailleurs énormément en Flandre. Elle est tellement formidable, qu'au début, je pensais qu'elle était flamande (rires)
La réédition des 4 premiers albums d’Admiral Freebee est sortie ce 10 novembre, en série limitée, sous forme de vinyle et dans un même box.