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Bernard Dagnies

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samedi, 08 novembre 2003 04:00

Nous ne sommes pas des copi(ll)eurs

Bien que vivant à Londres, les Raveonettes nous viennent du Danemark. Un duo partagé entre Sune Rose Garner (NDR : le mec) et Sharin Foo (NDR : la fille, et quelle belle fille !) qui voue un véritable culte à l'imagerie des 50's et des 60's ; mais dont la musique semble à la fois influencée par la noisy de Jesus & Mary Chain, la surf music des Beach Boys, le rock'n roll de Buddy Holy et les groupe féminins qui ont sévi au cours des sixties, tels que les Crystals ou les Ronettes. Pas pour rien que Richard Gottehrer (Blondie, Go-Go's) a accepté de produire leur dernier album, alors qu'il avait déclaré, il y a belle lurette, avoir mis un terme définitif à sa carrière. Encore que sa volte-face méritait une explication…

Mais tout d'abord plantons le décor. L'interview se déroule en compagnie de deux correspondants d'un autre website. Je fais face à Sharin. Qui va mener les trois quarts de l'interview. Mes genoux pratiquement collés contre les siens. Impressionné par sa beauté toute scandinave, j'affiche une fébrilité inhabituelle. Ce qui n'empêchera pas la conversation d'être émaillée de grands éclats de rires… Oui, justement, comment expliquer la présence de Richard Gottheherer à la mise en forme de 'Chain gang of love' ? " Nous avons rencontré Richard à Berlin. Nous y avons fait connaissance. Et au fil de la conversation, il s'est épanché. Il a abondamment parlé des sixties, et puis du bon temps qu'il avait passé en compagnie de Richard Hell & The Voivoids. Fatalement, je lui ai parlé de notre musique. Précisant qu'elle était inspirée par les 50's, et en particulier par les groupes de filles de cette époque. Et qu'en outre, nous aimions ce qu'il avait réalisé en leur compagnie. Nous avons gardé le contact, et nous lui avons transmis une démo. Il nous a répondu qu'elle lui plaisait et nous a suggéré de travailler ensemble sur ce projet. Ainsi, nous sommes donc parvenus à le sortir de sa retraite… "

Lorsqu'on écoute la musique des Raveonettes, on ne peut s'empêcher de penser à celle de Jesus & Mary Chain. A cause de leur art à rendre leur noisy mélodique. A Suicide aussi. Enfin, à la musique des eighties, en général. Et puis aux groupes féminins qui ont émaillé les sixties, tels que les Go Go's, les Cookies et les Angels. Des influences que revendique d'ailleurs le duo. " Nous en sommes mêmes fiers, parce qu'elles sont évidentes à l'écoute. Nous n'avons pas peur de le proclamer. Et on peut même y ajouter Buddy Holy, les Everly Brothers et Television. Toutes ces références s'y retrouvent. En mélangeant toutes ces sonorités qu'on aime, on est parvenu à créer notre propre style, quelque chose d'original. Par contre, nous ne supportons pas qu'on nous dise que fassions du copi(ll)age. Nous ne sommes pas des copi(ll)eurs, nous écrivons nos chansons… " Pourtant, dans le futur, le duo n'envisage pas de confier la production à un des frères Reid (NDR : les deux, ce serait un peu difficile, puisque les frangins sont en bisbille depuis un bon bout de temps). " Nous rêvons de pouvoir travailler un jour sous la houlette de à Phil Spector. Ce serait beaucoup plus intéressant, je pense "

Chez les Raveonettes, l'imagerie a une grande importance. Suffit d'analyser la pochette de ‘Chain gang of love’, pour s'en rendre compte. L'imagerie influencée, à l'instar des Cramps, par les films d'épouvante et de série b ; mais aussi les thrillers d'Alfred Hitchcock et de Roger Corman. " Oui, nous sommes des fans de ces films. Surtout ceux des fifties. Ces vibrations cinématographiques correspondent très bien à notre musique. Nous aimons, en outre, restituer cette iconographie, comme des affiches de cinéma. Elle donne également un sens à notre musique… " Mais alors, quel est le duo qui mérite le titre de Bonnie & Clyde du rock'n roll ? Les White Stripes ? Les Kills? Ou les Raveonettes? Une question qui déclenche l'hilarité générale. " Les Kills! Parce que leur musique transpire la plus forte connotation sexuelle… " Un groupe que les Raveonettes apprécient beaucoup. Mais aussi Interpol et les Warlocks. Certains médias ont même écrit que le duo avait confessé que tous ces groupes avaient de nombreux points communs avec eux. Ce qui surprend très fort Sharin. " Qui a dit ça ? Moi ? Je ne pense pas avoir un jour effectué une telle déclaration. Ce que nous avons en commun ? Rien avec Interpol. Nous les apprécions beaucoup, et c'est réciproque. Nous avons tourné et fait la fête ensemble. Les Warlocks ? Le mur de son ! Un son sonique et très intense. Mais notre sensibilité est davantage pop, davantage noisy, davantage bruyante. Les Kills ? C'est un duo comme nous qui essaie de trouver la chanson simple, efficace et immédiate. Composé d'un garçon et d'une fille. Qui chantent. Dont l'attitude est sexy. Notre approche du retour aux roots est similaire. Mais nous évoluons à quatre sur les planches…"

Paradoxalement, les Raveonettes ont dû attendre de s'imposer sur la scène internationale avant d'être reconnus dans leur pays. Sharin confirme. " Il est très difficile de mener une carrière au Danemark lorsqu'on pratique une musique alternative. En fait, les Danois éprouvent toutes les peines à faire le premier pas lorsqu'ils sont confrontés à la nouveauté. Ils attendent toujours la reconnaissance dans les pays anglo-saxons pour leur emboîter le pas. Maintenant nous y sommes également populaires. Nos chansons passent enfin à la radio et le public achète nos disques. "

Pour composer leurs chansons, les Raveonettes se sont imposé des règles : pas plus de 3 minutes pour une chanson (ou exceptionnellement) et un maximum de trois accords. Pourquoi ? Sharin nuance : " Nous préférons parler de canevas plutôt que de règles. Nous avons imposé cette trame sur notre premier mini elpee ('Whip it on'). A l'époque, Sune en avait un peu marre de la musique. Surtout celle qui était surproduite. Et puis il traversait une période de déprime. Il a donc voulu revenir à quelque chose de plus basique, de plus simple. Finalement, en imposant des contraintes, on a tendance à devenir plus créatif. A se fixer des défis. Et à parvenir à repousser nos limites. C'est un peu comme chez les écrivains ou les journalistes. A qui on impose un nombre de lignes. Ou un peintre. Qui décide de n'utiliser que certaines couleurs… Toutes nos chansons sont écrites avec la même clef. En si bémol pour le mini elpee et en si bémol majeur pour le dernier opus. D'une durée de maximale de trois minutes. Et avec un maximum de trois accords. Enfin, sur 'Chain gang of love', on a un peu cassé le canevas. Certaines plages comptent plus de trois minutes et débordent jusqu'à quatre accords. Ces lignes de conduites n'ont pas été élaborées comme des contraintes, mais des outils pour explorer… " Et en 'live' alors ? " Nos sets sont régis par des règles très strictes. Nous essayons de recréer le même son que sur le disque. Un peu comme si c'était une bande qui défilait… " Ah bon !… Dune Rose Wagner est entré dans la loge depuis quelques minutes, et tout en se tenant en retrait, il reste attentif à la conservation. Et justement, lorsque la conversation se porte sur Jack Kerouac, auquel on lui prête une manière similaire de composer, il se manifeste. " Ce n'est pas vraiment au niveau des lyrics, mais de la façon dont il écrivait. A cause de la spontanéité du genre 'stream of consciousness', si vos préférez. La voie mouvante et insaisissable de la conscience. Et donc, j'écris très vite, sous une forme qu'on pourrait qualifier d'écriture automatique…"

Merci à Vincent Devos.

 

 

 

 

Supergrass est, pour l'instant, allergique aux interviews. Surtout Gaz Coombes et Mickey Quinn, respectivement chanteur/guitariste et bassiste du groupe. C'est donc Danny Goffey, le drummer, qui les a remplacés au pied levé. Si certaines questions allaient inévitablement demeurer en suspens, cet entretien devait au moins permettre de rencontrer un autre son de cloche. Ce fut rarement le cas. En fait, le trio (passé depuis l'arrivée du frère de Gaz, à un quartet), s'est fabriqué une telle carapace, qu'il devient de plus en plus difficile de lui tirer les vers du nez. Difficile, pourtant, de comprendre qu'on ne puisse récolter l'une ou l'autre info, au sein d'un terreau aussi fertile que le Supergrass ( ?!?!? ). Heureusement, en creusant un peu, on finit toujours par trouver…

' Life on other planets' constitue le titre de leur quatrième album. Un titre qui en vaut bien un autre. Encore qu'on aurait pu croire qu'il serait une réponse, à peine voilée, aux médias, coupables de les avoir imaginés figurants dans le film 'La planète des singes'. Ce n'est pas le cas. La science-fiction n'est pas la tasse de thé de Danny. D'ailleurs sa réaction fuse, lorsqu'on lui parle de 'La machine à remonter le temps' d'H.G. Wells ou de 'La guerre des étoiles' de Georges Lucas : " A mon avis, c'est toi qui viens d'un autre monde ! " Réponse facile, il faut l'avouer. Même le surnaturel n'a pas l'air de le chiffonner. Sur 'Brecon beacons', les lyrics font pourtant des références bizarres aux sorcières galloises. Danny s'explique : " La chanson est inspirée d'un fait divers imaginaire qui s'est produit dans une petite vile du Pays de Galles, au sein de laquelle une fille a été assassinée. Les sorciers étaient accusés. Or, ce crime avait été commandité par la municipalité. C'est même un policier qui avait commis le crime. Mais la rumeur persistante était parvenue à jeter le discrédit sur des innocents. Même si c'était des sorciers… " En y réfléchissant bien, cette histoire tient bien la route et aurait même pu faire l'objet d'un faits divers…

Mais qu'est ce qui inspire essentiellement les lyrics des chansons ? Pas la politique, en tout cas. La guerre en Irak ? La position de Tony Blair dans ce conflit ? Pas davantage. " Nous avons notre avis personnel sur le sujet, mais nous ne connaissons pas suffisamment la situation et les enjeux pour prendre position. Ce ne serait pas honnête de notre part. " Alors ce n'est pas demain la veille que Supergrass composera une chanson à caractère socio-politique. " C'est vrai que nous pourrions davantage nous consacrer aux questions du bien être social. Nous essayons d'y apporter notre écot, en participant aux concerts caritatifs. Mais de là à écrire un texte sur le sujet… Tu sais, on ne comprend pas toujours ce qu'on raconte dans nos chansons. Ce qui s'explique facilement, lorsqu'on sait que certaines d'entre elles sont écrites par différents intervenants. Ce qui justifie, aussi parfois qu'une même chanson est susceptible d'avoir une signification différente. Aussi bien celles et ceux qui écoutent que pour les musiciens… "

Les relations avec la presse (NDR : surtout britannique) ne sont donc pas au beau fixe, pour l'instant. Faut dire que Gaz a déclaré récemment qu'au plus les groupes ou artistes devenaient médiocres, au plus ils prenaient de la place dans leurs colonnes. Pensait-il à Oasis en faisant cette déclaration ? Danny rectifie : " En fait Gaz parlait surtout des tabloïds. Tu sais cette presse qui passe son temps à photographier les artistes accompagnés de jolies nanas. Ce n'est pas notre truc. Mais c'est vrai que si elles ne posaient pas en notre compagnie, personne ne voudrait nous photographier… " (rires)

Sans la musique, les membres de Supergrass vivraient probablement comme des reclus. " Parce que notre situation nous a obligé à parler avec vous. Lorsque nous étions jeunes, nous sortions beaucoup à Oxford. C'était avant que nous ne devenions aussi connus. Nous étions et nous sommes toujours des êtres sociables. Notre vision de l'existence n'est pas négative. Mais pour nous, la vie serait très difficile sans la musique. Nous serions probablement au bord du suicide. Probablement… (rires)… car nous ne sommes pas foutus de faire autre chose… " Mais comment un (super)groupe comme Supergrass parvient à décompresser ? En général, les artistes qui ont atteint un statut semblable, se réfugient dans le cocooning. Danny nuance " Tout dépend si tu es déprimé… Je ne suis pas nostalgique et préfère regarder vers l'avant. Personnellement, je préfère m'extérioriser. Sortir et boire un coup… ouais ! "

En chroniquant leur dernier opus, j'avais conclu que Supergrass n'en finissait plus de revisiter l'histoire de la pop britannique, adressant, pour la circonstance, quelques clins d'œil au glam de Bowie et de Bolan. Et, empruntant même, sur 'La song', l'un ou l'autre riff aux Stanglers. " Oui, mais après 8 années d'existence, on peut quand même affirmer que le groupe s'est forgé sa propre identité. Nous ne voulons pas piquer les idées des autres, même si on ne peut nier l'influence de tel groupe ou de tel artiste. La musique de Bowie est intemporelle. On peut écouter n'importe laquelle de ses chansons. L'oublier un certain temps. Et puis y revenir. Elle plaira toujours autant. J'apprécie aussi beaucoup le rythm'n blues. Sly & The Family Stone, Marvin Gaye. Mais nous écoutons tellement de choses différentes. Nous n'avons pas de préjugés, pourvu que ce soit bon… " Originalité, cet elpee est parsemé de bruitages curieux : des oiseux qui pépient, des moutons qui bêlent, etc. " C'est parce qu'on est légèrement tarés. Parfois il existe trop d'espace entre les plages. Et en réfléchissant à la question, on s'est dit qu'on pouvait y glisser des bruits d'animaux. C'est sans doute de l'enfantillage ; m'enfin… "

Danny aime jouer des drums sur un tempo rapide. Il a l'habitude de jouer de cette manière. Mais sur le dernier opus, quelques titres sont imprimés sur un tempo plus lent. " Gaz et Mickey préfèrent jouer plus lentement, plus doucement. Mais c'est plus difficile pour moi. Jouer vite est plus marrant. J'y prends vraiment mon pied… " Le 9 décembre dernier, Taylor Hawkins, le drummer de Foo Fighters est monté sur scène pour y remplacer Danny, lors d'un concert accordé à Amsterdam. " En effet, nous étions à la même affiche. Et Taylor était venu me voir avant le concert, pour me demander de lui refiler quelques petites astuces techniques. Il a encore besoin d'apprendre. Au cours du rappel, je lui ai fait signe de monter sur les planches. Et il s'est mis à jouer très, très vite. A la fin du morceau, je lui ai sauté dessus et je l'ai aplati. Dave Grohl s'est alors fâché, en me criant 'Ca ne va pas la tête, saute pas sur mon batteur !' "... (rires)

Merci à Vincent Devos.

Quelle est la chanson que Danny préfère chez :

Bowie ? " Hang on to yourself "

Curtis Mayfield ? Il mime, mais ne se souvient plus du titre.

Smiths ? " Asleep "

T Rex ? "Ride the white swan"

Stone Roses ? "Bye bye badman"

Happy Mondays ? "Wrote for luck"

JJ Cale ? Passons le mot grossier…

The Who ? " I can't explain "

The Beatles ? "Helter skelter" et "Happiness is a warm gun"

The Kinks ? "Thank you for the days"

Supergrass? "Richard the Third"

samedi, 30 août 2003 05:00

La politique est un moteur...

" Dance to the underground " constituait le nouvel anthem punk funk de la fin 2001. Dans la foulée, le quintette de New York commettait son deuxième opus l'an dernier, " Gotham ! ". Personnellement, je dois avouer qu'à première écoute, ce disque ne m'avait pas trop accroché. Ce n'est qu'après avoir assisté à leur set 'live' accordé en avril denier, à l'Aéronef de Lille, que je suis tombé sous le charme de leur musique. Et tout naturellement je suis retourné vers l'album, en y découvrant toutes les facettes qui m'avaient alors échappées. Faut dire que j'avais été assez impressionné par la prestation du percussionniste, PJ. Il communique tellement de feeling, de chaleur, de couleurs, aux compositions. Une impression confirmée par leur prestation époustouflante exécutée par la formation lors du dernier festival Pukkelpop. A cette occasion, PJ O'Connor nous avait accordé un entretien, ma foi, fort intéressant.

A l'origine, Radio 4 était réduit à un trio (Greg Collins aux drums, Anthony Roman à la basse et Tommy Williams Jr. à la guitare, ces deux derniers se partageant les vocaux). PJ et Gerard Garone, le claviériste, sont arrivés un peu plus tard. C'est d'ailleurs depuis leur intégration que leur punk funk a pris une orientation plus groovy. A leurs débuts leur style était bien plus radical. Mais comment on réagi les autres membres du groupe à ce changement ? PJ raconte : " La métamorphose s'est opérée spontanément. Il faut d'abord qu'à NYC coexistent une scène consacrée au hip hop et aune autre à la musique électronique. Et Anthony aime chevaucher les deux styles. C'est aussi un peu cela la signification de Radio 4 : quelque part entre les deux. La progression s'est effectuée naturellement sur la chanson 'Dance to the underground'. Avant que je ne débarque dans le groupe. Elle est d'abord sortie sous la forme d'un EP aux States. Nous avons piqué les idées du post punk, là où il s'est arrêté en 1981. Mais on n'a pas voulu faire du revivalisme. Aussi on lui a donné une nouvelle orientation. Il était donc évident que nous allions prendre cette nouvelle direction, après la sortie de ce titre… "

A partir de ce moment, la musique est devenue plus dansante. Le groupe a même déclaré récemment que dans le futur elle le sera encore plus. PJ embraie : " Tout à fait. Sous le nouveau line up, il y aura plus de public qui va taper du pied (NDR : il joint le geste à la parole). 'Dance to the underground' et 'Struggle' sont des appels au groove. Le disco a un son groovy. Le punk recèle une face groove disco. Ce qui nous intéresse, c'est que le public parvienne à prendre son pied, notamment en dansant. Nous allons donc bien accentuer cette tendance… " On comprend ainsi beaucoup mieux pourquoi Tim Goldsworthy et James Murphy, habituellement plus habitués à travailler avec UNKLE ou Primal Scream, ont produit 'Gotham'. " Leur manière de travailler est tout à fait unique. Sur 'Gotham !' je joue des congas sur quelques morceaux. Lorsque j'ai réécouté les bandes, quelle n'a pas été ma surprise de ne plus les entendre ! En fait, ils les avaient enlevés, puis replacés sur d'autres compositions. Donc, vous enregistrez un album, vous leur refilez la matière première, et vous leur laissez faire leur popote. C'est un peu comme si vous donniez une esquisse en noir et blanc à un artiste, pour qu'il y mette de la couleur… "

Radio 4, est le titre d'une composition de PIL, Radio 4 aurait-il des affinités avec l'infâme John Lydon ? " Les affinités sont uniquement musicales. Dernièrement les Sex Pistols ont joué à New York, alors que nous tournions en Europe. Il répondait à une interview, lorsque note single est passé à la radio. Sans se soucier de l'entretien, il a déclaré que nous étions occupés de nous faire un fameux paquet de fric avec cette chanson. Et il pensait au fric qu'il aurait pu se faire s'il avait écrit cette chanson. Ce type est épouvantable, quelqu'un qu'on cherche à éviter. J'ai parfois l'impression qu'il tire une certaine gloriole à décevoir… " Radio 4 se réclame donc du punk. Mais le considèrent-ils comme une mentalité, une mode ou un son ? " Le punk est une mentalité sonore ! Des groupes comme Gang Of Four et les Replacements ont eu une influence énorme sur le groupe. Wire aussi. Et lors de ce festival, nous avons eu le bonheur de les rencontrer. Nous sommes toujours émerveillés devant ce groupe. Ils constituent un exemple pour nous. Leur musique également. Et bien sûr le Clash. C'est aussi un mode de vie. Le DIY. La créativité est un élément indissociable chez Radio 4. Dans ce groupe, il n'y a rien de facile. C'est un peu l'attitude punk. La mode va et vient. Vous avez beau porter des vêtements, ce qui compte, c'est la façon dont le cœur est habillé. " En cherchant à rendre leur musique à la fois furieuse, politique et sexy, Radio 4 marcherait donc sur les traces de Big Audio Dynamite ? PJ acquiesce. " Oui, tu as raison ! Ta réflexion est intéressante. Tout d'abord, l'aspect sexuel de la musique procède des lignes de basse, des drums et des percussions. Dès qu'on entre dans le domaine de la danse, on touche au primal. Le sexe, le rythme et la batterie sont les fondements de la création. Ce qui explique pourquoi nous aimons Big Audio Dynamite ! Mais il est beaucoup plus important de se consacrer à la politique locale, parce que c'est la façon la plus facile de toucher au changement. A contrario de G.W. Bush, on se bat sur ce plan. C'est ce combat qui nous intéresse. Là où on vit. Strummer, Paul Westererg, Dylan et Springsteen se préoccupaient d'événements qu'ils connaissaient et qu'ils comprenaient. Ce sont des modèles pour Anthony, dans le domaine des lyrics. Il n'accorde guère de place à la fantaisie dans ses textes. Il cherche à transmettre des messages importants. C'est aussi la mission de 'Gotham !'. "

Chez Radio 4, la politique est en quelque sorte un moteur. C'est même le comportement du pouvoir administratif de New York qui les a poussés à écrire des textes aussi engagés. A dénoncer ce qu'ils ont vu et vécu. " A la fin des 70's, Clement Burke, le drummer de Blondie, avait annoncé la couleur. Il avait prévu ce qui aller se produire à New York. A Omaha, dans le Nebraska ou à Detroit, les groupes ont le temps d'écrire des chansons sur ce qui se passe. De bonnes chansons. Ils ont même le temps de glander. A Manhattan, les loyers sont trop élevés. Il y a toujours quelqu'un pour frapper à la porte pour te dire qu'il te reste 5 minutes. Ce qui explique pourquoi les habitants émigrent vers Brooklyn. Et que nous les avons imités. L'administration Giuliani, c'était un peu le Big Brother. Un jour, un journaliste du New York Times a écrit que si vous apercevez le sommet de l'Empire State Building, c'est que nous vous apercevons. Il est affolant de devoir subir un pouvoir aussi importun, indiscret. Il empiète même sur votre vie privée. Evidemment, les attentats du 11 septembre continuent de nous affecter. Et il fallait s'attendre à ce que des tas de chose changent. Mais pas dans le sens qu'on imaginait. Je fréquente un club, à cause des lois sur les cabarets. Il n'y a plus moyen de faire la fête. Parfois en pleine soirée, alors que le public est encore occupé de danser, la police vient décréter la fermeture de la salle. C'est absurde et injuste en même temps. On ne peut même plus fumer dans les bars de NY. C'est aussi la raison pour laquelle on est parti à Brooklyn. "

Radio 4 aurait-il trouvé la balance exacte entre l'âme du gospel, l'accessibilité de la new wave et l'attitude du post punk ? " Pas encore. Mais, c'est notre objectif. Mais lorsque nous l'aurons trouvé, cela sonnera le glas du groupe. C'est comme si nous avions accompli notre mission ; atteint la quête du 'Graal', si tu préfères ! "

Merci à Vincent Devos.

 

mercredi, 31 décembre 2003 04:00

La bonne musique se fait rare aujourd'hui.

‘Earthquake glue’ constitue le quinzième album de Guided By Voices. Une formation dont le leader, Robert Pollard, demeure le seul membre originel. Il en est aussi le leader, le compositeur et le chanteur. Avant de se lancer dans l'aventure GBV, Bob était instituteur. Au départ, c'est à dire en 1993, ce n'était d'ailleurs qu'un hobby. Mais progressivement, le public a commencé à s'intéresser à leur musique. Qui sera ultérieurement décrétée lo fi. Pourtant, GBV n'imaginait même pas pratiquer de la lo fi. Simplement, faute de moyens, ils enregistraient sur un quatre pistes. D'ailleurs, l'histoire a failli s'arrêter au bout du sixième elpee. A cause d'une situation financière que la formation va sauver en dessinant ses propres pochettes, à la main…

Robert revient sur cet épisode : " Ce disque devait être notre dernier. On en a enregistré 500 copies. Et on a dessiné les pochettes. Les 150 premières étaient élaborées. Parfois agrémentées de timbres. Puis on s'est un peu essoufflé. Et je regrette de ne pas en avoir conservé davantage. Il doit m'en rester quatre ou cinq exemplaires. Certaines personnes m'ont proposé de leur revendre à 1000 $ US pièce. Peut-être que dans le futur on recommencera l'opération. Je ne sais pas… " Les aventures insolites, le groupe les a cumulées à ses débuts. Pour le fun. Ainsi, afin de se créer un press book, le groupe n'avait rien trouvé de mieux que d'inventer ses propres interviews et d'organiser ses propres sessions de photos. " On pensait que c'était la meilleure manière de se faire connaître. On espérait ainsi que quelqu'un aurait pris la peine de nous écouter. En fait, on n'imaginait pas que nous avions du talent. Avec le recul, je me rends compte que les questions n'étaient pas bonnes. Et les réponses non plus ".

La lo fi, Robert reconnaît que le groupe en pratiquait à ses débuts. A une époque où le groupe était inconnu. D'ailleurs lorsque le public a découvert Pavement, il y a belle lurette que GBV en avait fait son pain quotidien. Et par la force des choses, le groupe a été intégré au circuit. Robert acquiesce : " Oui, nous avons fait partie du mouvement, mais nous n'en sommes pas les précurseurs. Je crois qu'il faut en attribuer la paternité à Robert Johnson. Je n'ai cependant jamais considéré GBV comme un lo fi band. En fait, nous n'avions pas suffisamment d'argent pour enregistrer en studio. Personnellement, j'estime que la lo fi est l'extension ultime du punk. Pas besoin d'être un virtuose du manche ni d'être un grand technicien de l'enregistrement pour le pratiquer. Il y a un bon bout de temps que nous ne pratiquons plus ce style musical. Je ne dis pas que nous n'y reviendrons pas un jour, mais je me vois mal retravailler avec un quatre pistes ". Propos confirmés par la mise en forme des derniers opus du groupe. Et en particulier 'Isolation Drills', produit par Rob Schnapf (Beck, Elliott Smith) en 2001, et surtout 'Do the Collapse', par Ric Ocasek, en 1999. Depuis 'Universal Truths & Cycles', paru l'an dernier, la production est assurée par le groupe et Tim Tobias, le frère du nouveau bassiste. Dans leurs studios Cro-Magnon, à Dayton (Ohia). Bob précise : " Sur le test pressing que tu as reçu ne figure pas notre single US 'My kind of soldier'. Nous l'avons ajouté. Il s'agit de la seule chanson que nous n'avons pas produite. Elle l'a été à Chicago, dans les studios de Steve Albini ". Mais pourquoi ne plus avoir fait appel à Ric Ocasek ? " Parce que nous souhaitions avoir le contrôle de notre musique. Pour travailler avec Ric, nous avons dû nous rendre dans ses studios dans le Tennessee. Le son y est trop fini, trop uniforme. Et nous préférons que chacune de nos chansons soit un peu différente. Qu'elle ait du relief ! D'autre part, Ric est une rock star. Il a la classe et mène un certain train de vie. Il bosse en col blanc. Le second en bleu de travail. Avec Ric, le climat était austère ; il ne nous aurait jamais suggéré de boire un coup. Au contraire, il nous en aurait empêchés. Etait-ce dû aux injonctions du label ? Je n'en sais rien ! Toujours est-il qu'en compagnie de Tim, c'est l'inverse, il nous arrive de s'arrêter pour décompresser et de prendre un verre. C'est plus cool ".

Malgré son départ en 1997, soit après l'enregistrement de 'Mag Earwhig!', Tobin Sprout et Robert sont toujours en bons termes. D'ailleurs, ils continuent à travailler sur un projet commun : Airport 5. Simplement, la méthode est un peu différente, puisque Tobin qui habite aujourd'hui dans le nord du Michigan, à neuf heures de Dayton, compose la musique dans son studio 'Fading Captain Series'. " Lorsqu'il a terminé, il me transmet les maquettes pour que j'y ajoute les lyrics. Puis nous travaillons les mélodies. Ce système fonctionne bien. J'ai utilisé la même méthode, l'an dernier, pour concocter un album en compagnie de Mac Mc Caughan de Superchunk, 'Go back snowball'. J'aime ce type de collaboration. Tobin est un chic type. C'est bien de rester en contact. Il manque à nos fans… "

En général, les artistes détestent qu'on leur attribue des influences, qu'on cause de leurs références. Pour Robert, ce n'est pas un sujet tabou. Au contraire. Il est même flatté qu'on trouve à son dernier opus, 'Earthquake glue', des affinités avec le Who voire avec le Genesis de Peter Gabriel. Le Who ? Parce que c'était un groupe à hymnes. Et Bob d'ajouter : " 'Who's next' et 'Quadrophenia' sont les albums que je préfère chez le Who. Nous reprenons même 'Baba O' Riley', sur scène. J'ai toujours été fasciné par la puissance de leurs cordes. Sur scène, je balance le micro, un peu comme Roger Daltrey. Oui, définitivement, le Who est une influence majeure. Et puis, nous avons encore besoin d'eux, n'est ce pas ? Genesis ? Leurs quatre premiers elpees sont excellents. Tout le monde est étonné que j'en parle. Parce que leur influence n'est pas très évidente. C'est vrai, qu'elle se limite aux lyrics et aux mélodies. Parce qu'à l'époque, ce type de prog rock accouchait de très longues compositions. On avait même l'impression qu'un seul morceau était découpé en plusieurs chansons. J'apprécie moins le travail de Peter en solo. De cette scène prog, j'ai beaucoup aimé le King Crimson, et puis aussi Vandergraaf Generator. Enfin, je n'ai pas peur de dire que j'aime le Queen ". Une chose est sûre, Bob prend plus son pied à l'écoute de vieux albums qu'à travers la scène contemporaine. " Aujourd'hui, les musiciens pensent plus à la technologie et au recyclage. A mon avis, ces concepts ne correspondent plus à l'esprit du rock. Leur vision est trop à court terme. J'ai même parfois l'impression d'avoir déjà entendu les mélodies. Leur progression de cordes est fatigante. Evidemment, je dois reconnaître qu'il est plus difficile de faire preuve de créativité, aujourd'hui. De se renouveler. Pour l'instant, j'entends trop rarement de bonnes chansons. Il y en a certainement, mais je n'ai plus la patience de fouiller dans les bacs des disquaires. La bonne musique se fait rare aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je préfère écrire des chansons moi-même. Je ne prétends pas qu'elles sont toutes bonnes. Mais je m'efforce d'y parvenir. Je suis peut-être resté coincé dans l'univers des années 60 et 70 ". Paradoxal, mais les mélodies des nouvelles compositions d' 'Earthquake glue' ne sont pas immédiatement contagieuses. Robert s'explique : " Lorsqu'on accroche instantanément, l'effet à tendance à disparaître assez rapidement. Un bon album nécessite plusieurs écoutes pour se l'approprier. A l'instar de tous les grands elpees que j'ai pu écouter. Ce qui signifie que j'ai peut-être gagné en maturité, en tant que parolier. Aujourd'hui, j'attends que la chanson soit terminée avant de la présenter au groupe. Aussi bien sur le plan de la structure qu'au niveau des textes. Je n'écris plus aussi rapidement qu'auparavant. C'est vrai que les idées me viennent tout de suite. Mais j'ai appris à prendre le temps de la façonner, à devenir plus patient afin que de m'assurer que le produit soit bien fini. Ce qui explique que je prends plus de temps pour écrire, qu'auparavant. Et puis mes chansons ont tendance à devenir plus longues. Pas trop longues, quand même. Pas de 20 minutes comme dans les 70's. Trois à quatre minutes suffisent. Pas davantage. "

Pour compléter le tableau, sachez que Robert apprécie beaucoup Lou Barlow et Colin Newman. Le premier, parce que c'est un bon songwriter qui possède une voix fort intéressante. En pleine phase lo fi, ils ont partagé la même scène. " Mais on ne savait pas toujours qui devait ouvrir le concert pur l'autre. A l'époque, nous avons rencontré de sérieux problèmes de communication ". Il aime le travail solo de Colin Newman. Wire aussi, évidemment. " Je suis content que le groupe se soit reformé avec de nouvelles idées. Ce n'est pas parce que le groupe s'était séparé que je ne m'intéressais plus à leur sort. Personnellement, j'estime qu'il s'agit d'un des groupes les plus intègres sur la scène rock. C'est le genre de groupe qui ne commet pas d'erreurs, même s'il a accompli des choses que j'aime moins. Je les apprécie à leur juste valeur. L'intelligence du groupe est d'être parvenu à se ressourcer sans trop de bouleversement. Le changement dans la continuité, quoi ! "

Les musiciens de GBV ont participé au tournage d'une vidéo des Strokes. " Parce que ce sont des bons amis " rétorque Robert. " Ce sont des fans de GBV. Et nous sommes fans des Strokes. Au départ, je n'étais pas chaud pour y participer. Mais le management nous y a forcés, sans quoi, ils l'auraient refilé à Weezer. Nous ne voulions pas que ce soit Weezer qui nous dame le pion. Et on a collaboré à cette vidéo… "

Merci à Vincent Devos

 

mercredi, 31 décembre 2003 04:00

L'impressionnisme musical de Robert Wyatt...

Six longues années après la sortie de " Shleep ", Robert Wyatt nous revient avec un nouvel album, ' Cuckoland ', un disque enregistré à Londres, dans les studios de Phil Manzanera, pour lequel il a reçu le concours d'une belle brochette de collaborateurs : et en particulier le guitariste du Pink Floyd, David Gilmour, Paul Weller, Phil (NDR : bien sûr) ainsi que Brian Eno, deux musiciens qui ont sévi au sein du mythique Roxy Music. N'ayant pas encore reçu le nouvel opus au moment de réaliser cette interview, il me semblait donc judicieux de la tramer sur un fil semi-biographique. D'autant plus que cet entretien s'est penché à la fois sur le passé, le présent et l'avenir de l'artiste…

Fils de l'écrivain Honor Wyatt, Robert est né à Bristol, en 1945. Eveillé très jeune à l'art, et en particulier à la musique (à la maison, son père interprétait notamment des œuvres de Bartök ou encore de Hindesmith), Robert tombe paradoxalement sous le charme du jazz… Aussi bien celui de Thelonious Monk, Ornette Coleman que de John Coltrane. Le jazz, c'est d'ailleurs toujours son credo. Davantage que l'avant-gardisme. Pas pour rien que pour enregistrer son dernier elpee, il a également reçu le concours de la tromboniste Annie Whitehead, du saxophoniste Gilad Atzmon, et puis de Karen Mantler, la fille de Michael et de Carla Bley. Si, si, souvenez-vous de ' The Hapless child ', œuvre du couple, devenu depuis des amis, pour laquelle Robert avait également participé. Il travaille d'ailleurs encore régulièrement avec Michael. " Il vit maintenant au Danemark, et a écrit un opéra subventionné par le ministère de la culture de ce pays. J'y chante une chanson, 'Understanding' et tourné la vidéo de cette composition ". Mais le plus troublant procède de la présence de la fille, trente années après celle de la mère. " Karen possède le même type de voix que celle de Carla. En outre, elle joue de l'harmonica et a repris deux de ses titres, qui figuraient sur son album ' Farewell '. Mais c'est vrai que la situation est assez surprenante. On pourra l'écouter live le 8 novembre prochain à Charles-Mézières, dans le cadre de variations opérées sur certaines de mes compositions. Un projet dirigé par Patrice Boyer, qui va impliquer d'autres musiciens comme John Greaves, que je connais depuis fort longtemps, Sylvain Kassap, etc. Ils se sont déjà rencontrés, mais n'ont jamais joué ensemble. " Ce fameux ' The Hapless child ', Kevin Coyne y avait également contribué. Robert et Kevin s'apprécient beaucoup. Ils partagent d'ailleurs des goûts communs pour la peinture et la poésie. Ils ne se voient plus très souvent. Même très rarement. Surtout depuis que Kevin vit en Allemagne La dernière fois, c'était à Londres, il y a quelques années. Mais leur dernière collaboration remonte à 1980, pour l'album de Coyne, intitulé 'Sanity stomp'.

Les peintres et les poètes ont toujours davantage influencé Robert que les musiciens. Ses héros répondent au nom de Picasso et de Miro. Son épouse, Alfreda Benge est d'ailleurs peintre. C'est elle qui réalise les illustrations de ses pochettes. " Mon nouvel album est surtout instrumental. Il comporte des tas de textures et de tangentes, comme dans leur peinture. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour un peintre d'inventer les choses qu'il peint. Si tu peins quelque chose, c'est ta vision de cette chose que tu peins. " On entre ici dans le domaine de l'impressionnisme que Robert a toujours voulu traduire dans sa musique… D'ailleurs, lorsqu'il est entré à l'université, c'était pour y suivre des études de peinture. A Canterbury. Il y fait la connaissance des frères Hooper, de Mike Ratledge et de David Sinclair. Tout ce petit monde, rejoint début des années soixante par Daevid Allen et Kevin Ayers, décide de fonder un groupe : les Wilde Flowers. Des rencontres déterminantes qui déboucheront sur la naissance de ce qu'on va appeler la 'Canterbury school' : Soft Machine, Caravan, Hatfield & The North, etc. La Canterbury school ? Pas moyen de savoir si Robert a encore des contacts avec Daevid Allen ou Kevin Ayers. Ce type de question débouche sur un silence lourd d'interrogations. Les interviews de ses anciens acolytes avaient entraîné la même réaction. Quant à l'influence que cette scène a pu avoir aujourd'hui sur des groupes comme Sea & Cake ou Tortoise, il en est flatté. Mais il n'a jamais entendu parler de ces groupes…

Robert joue alors de la batterie et participe au chant. Mais il apprend aussi à jouer du piano du violon et de la trompette. Après avoir enregistré quatre albums, Robert quitte le Soft Machine, qui à ses yeux a pris une trop forte coloration froide et technique. Après avoir commis un premier elpee solo ('The end of an ear') en 1970, travaillé sur ceux de Syd Barrett, Daevid Allen ou encore Kevin Ayers, mis un nouveau groupe sur rails en 1972, Matching Mole, responsable de deux opus, il tombe accidentellement du troisième étage d'un immeuble. Il devient alors paraplégique. Au cours de sa convalescence, il conçoit son deuxième album solo, 'Rock bottom'. Une œuvre qui paraît en 1974. Littéraire et incisive, elle sera consacrée en France par l'Académie Charles Cros. Un disque produit par le drummer du Floyd, Nick Mason, mais dont la sortie a été permise par l'organisation d'un benefit concert. Cet accident va surtout donner une nouvelle orientation à la carrière de Wyatt. A partir de ce moment sa voix va devenir son principal instrument. Un falsetto clair, fragile, bouleversant, qu'il souligne le plus souvent d'un clavier fluide. " A l'origine j'étais un drummer qui chantait un peu ; puis, par la force des choses, je suis devenu un chanteur qui joue un peu de drums ". Et puis sa carrière, qui jusqu'alors s'articulait autour du groupe, va devenir individuelle. Un artiste solo qui va le plus souvent apporter sa contribution aux autres. Et les autres vont bien lui rendre. En plus de trente années, Robert Wyatt a participé à l'enregistrement de tellement de disques, qu'il serait fastidieux de tous les énumérer. Et, encore, en tentant de réaliser cette discographie, on finirait par oublier l'un ou l'autre détail. " Presque toutes les collaborations que j'ai reçues m'ont été proposées. Je ne demande pas non plus à mon entourage. Je suis trop timide pour solliciter les autres. Et même si je trouve génial d'avoir pu participer à autant d'expérience, j'en ai toujours été très surpris. J'essaie simplement de faire ce qu'on me demande. Parce que, par nature, je suis un solitaire. Un peu comme les peintres et les poètes. Ce n'est ni délibéré, ni un plan de carrière… "

En 1974, Robert se retrouve dans les charts britanniques avec l'interprétation retravaillée d'une composition de Neil Diamond, ' Im a believer''. Ce sera le début du conflit avec Virgin. " En fait, je n'imaginais pas ce que le label allait faire une utilisation commerciale de cette chanson. J'aimais beaucoup Virgin lorsqu'il était à l'échelle humaine. Mais manifestement, c'était devenu leur nouvelle ligne de conduite. Je n'ai jamais été dans le monde commercial. Je n'ai jamais considéré le business comme une fin en soi. J'ai toujours éprouvé des difficultés à communiquer avec l'industrie musicale. Ma conception de la culture est totalement étrangère à ce concept. Il est éprouvant de constamment devoir face aux pressions de managers qui veulent un hit ou quelque chose comme cela. Du moment que j'ai assez pour vivre décemment et accueillir mes amis, ça me suffit ".

En 1975, Robert participe également à un projet consacré à la musique contemporaine : ' Voices & instruments ' de Ian Steele et John Cage. Puis enregistre un post-scriptum à ' Rock Bottom ', ' Ruth is stranger than Richard '. C'est aussi à cette époque qu'il commence à se passionner par la politique et qu'il s'inscrit au parti communiste. Il considère ce mouvement comme la seule réelle alternative au changement. Dans le même temps, Wyatt passe par un état de doute généralisé. Il a l'impression que ses chansons, quels que soient les sujets qu'il aborde, ne changeront jamais la vie des personnes, et qu'elles servent uniquement à flatter son ego, voire à lui faire passer le temps. Il ne faut pas non plus oublier qu'au cours de la seconde moitié des seventies, le mouvement punk est en pleine explosion. Et la prog en plein marasme. Enfin, son état de santé semble de moins en moins compatible avec le côté harassant de la vie en tournée. Tout ceci explique le quasi silence de quatre années qui vont suivre. Et c'est paradoxalement la new wave qui va lui rendre des couleurs. La new wave intellectuelle et engagée, bien sûr. Celle des Raincoats (NDR : il participe à un titre de l'elpee ' Odyscape '. Sans oublier d'Elvis Costello qui lui écrit les lyrics de ' Shipbuilding ' (NDR : un pamphlet contre la guerre des Malouines). Wyatt commence alors à changer de fusil d'épaule, en manifestant davantage de sympathie pour la chanson pop. " Depuis que j'ai découvert la beauté de cette musique à la fois simple et populaire, j'ai une admiration pour les bons musiciens pop ". On le retrouve ainsi chez Working Week ou Scritti Politti, mais c'est aux côtés de Ben Watt, le futur leader d'Everything But The Girl, qu'il va se monter le plus actif. Dans le même registre, il reprend même en 1984, le célèbre ' Biko ' de Peter Gabriel, hymne à la gloire d'un martyr de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud.

Une constatation s'impose cependant, au cours de cette période, Robert n'en rate pas une pour crier tout haut ce que tout le monde pense tout bas, tout en affichant ses convictions politiques. Le plus bel exemple viendra de ce coffret de quatre singles, réunissant notamment des adaptations d' ' Auroco ', chant chilien dénonçant l'extermination des Indiens par les latino-américains, de ' Cainamera ', l'hymne national cubain, ' Strange fruit ', qui pleure les lynchages racistes perpétrés dans le sud de l'Amérique, ' Stalin wasn't Stallin ', chant de propagande pro stalinien, et une version très émouvante du ' At last I'm free ' de Chic. Des titres qui vont se retrouver sur l'album rouge, ' Nothing can stop us '. Le tout ponctué de la bande originale du film ' The Animals ', une œuvre cinématographique qui dénonce la cruauté envers les animaux, notamment dans le domaine de la recherche médicale. Paradoxe, Robert déclare ne pas être un 'protest singer', même si d'une certaine manière, il proteste. " Quand vous écrivez des chansons, ce qui se trouve dans les journaux au moment même me vient directement à l'esprit. C'est instinctif. Je ne suis pas rebelle, mais si les politiciens faisaient correctement leur job, les artistes ne devraient pas défendre le droit des peuples à la dignité. Je ne crois pas que les artistes puissent changer quoique ce soit au monde, mais quand on est conscient de certaines choses, on écrit des textes et le sujet vient naturellement ". Oui mais comment comprendre que des covers puissent refléter un sentiment personnel ? " Tout ce que je fais est personnel. Même mes reprises. Je pense que tout dépend de l'interprétation qu'on leur donne. Je pense qu'on peut tomber amoureux de certaines idées ou de certaines personnes. C'est une expérience très subjective. Et je reste fidèle à cette expérience ". Cette phase aboutit à l'enregistrement de ' Old Rottenhat ', un album minimaliste et douloureux, partagé entre chroniques acerbes et politiques, et plages limpides et aériennes. Un nouveau chef d'œuvre qui va pourtant passer inaperçu. Et six ans plus tard, c'est à dire en 1991, il remet le couvert avec ' Dondestan ', un disque sans doute plus abstrait et oppressant, mais toujours aussi bouleversant. Au cours de cette nouvelle pause, on n'avait cependant retrouvé sa trace que lors d'une rencontre avec Ryûichi Sakamoto et Brian Wilson des Beach Boys. Et en 1992, il atteint le paroxysme de sa période minimaliste sur l'EP 4 titres ' A short break ', dont il a réalisé l'enregistrement à la maison. Faut dire que Robert n'a jamais roulé sur l'or. " J'ai longtemps vécu dans la pauvreté. La pauvreté financière, pas de l'esprit. Mais aujourd'hui, je suis un peu moins pauvre (rires) ".

Au milieu des nineties, Robert commence à être de plus en plus attiré par les expérimentations technologiques. On le retrouve ainsi sur l'album d'Ultramarine (' United Kingdoms ') et de Millenium (' A civilized world '), un disque enregistré en Belgique, sous la houlette du maître ès techno, Jo Bogart, alias Technotronic. Fin 95, il chante trois titres du très beau ' Songs ' de John Greaves, avant de concocter ' Schleep ', un long flirt entre le jazz et la musique contemporaine, auquel participe Philip Catherine, dans des conditions forts similaires à son nouvel opus. Détail, mais il de l'importance, les sessions d'enregistrement de ' Cuckooland ' ont été opérées en deux fois. " Je me suis basé sur le timing des elpees. Les Cds sont trop longs ". (NDR : à mon humble avis, il devait parler d'un double elpee, puisque ce nouveau CD dépasse allègrement les 75'). Au même moment, une compilation consacrée à Wyatt vient également de paraître : ' Solar burn for you '. " Si ces deux disques sortent en même temps, c'est une pure coïncidence. Hormis une démo et deux nouvelles chansons enregistrées en compagnie de Hugh Hopper (NDR : un ancien Soft Machine !), le reste réunit des archives qui datent de plus de 30 ans : des sessions réalisées pour l'émission Top Gear de la BBC, la bande sonore d'un film expérimental, et un film tourné à la même époque… 

Pour Wyatt, le rock ne représente pas un véritable véhicule de l'expression personnelle. Bien sûr, il porte un intérêt évident à la musique, mais craint le narcissisme contraint de l'industrie. Il se considère simplement comme un chanteur, affectionnant emballer convenablement une chanson en fonction d'une qualité dépendante de la sélection et du contrôle de ses ressources ; et s'il a parfois choisi de s'exprimer avec une attitude politique consistante, il refuse d'entrer dans une catégorie, préférant se mêler à la foule, tel un guetteur anonyme. Pourtant, aucun autre artiste que lui n'est capable d'aborder l'abstraction avec autant d'humilité et de charme. C'est sans doute ce qui le rend aussi intemporel.

mercredi, 31 décembre 2003 04:00

Interaction...

Considéré comme un des groupes les plus déroutants et les plus novateurs apparus à l'époque du punk, Wire vient donc de se reformer pour la deuxième fois. Et d'enregistrer deux Eps et un nouvel album : " Send. Un elpee qui a la pêche. Le groupe a retrouvé toute l'énergie de ses débuts. Mais avec un groove plus contemporain ; un peu comme si le quartet avait décidé de flirter avec le heavy metal dansant. Pas du nu métal, mais du rock puissant et qui remue les tripes. Colin Newman, le chanteur guitariste, avait donc beaucoup de choses à raconter. Il ne s'en est pas privé, tout au long de cet entretien, ma foi, riche en enseignements.

Avant de sortir leur nouvel album, le groupe avait commis deux Eps : 'Read and Burn 1 et 2'. Nonobstant le sigle, ces deux disques ne font aucune allusion au rythm'n blues ; ou alors elle est vraiment involontaire. Trois titres de chaque EP se retrouvent sur " Send ", une situation inédite chez le quatuor insulaire, qui avait toujours pris le soin de ne jamais graver le même morceau sur des supports distincts. Colin s'explique : " Ils sont légèrement différents. On a élargi le concept via ces 'R&B'. Imagine que sur l'album ils symbolisent une couleur ; et bien sur les 'R&B' ils en reflètent une et demie. C'est différent, mais cette différence est minime. " Mais pourquoi cette distribution des Eps est-elle exclusivement réservée au net ? " Au départ, nous voulions mettre un 'six track' sur le web, afin que les fans puissent le télécharger. Pendant quelques jours. Mais le concept a remporté un tel succès, qu'on a été un peu dépassé par les événements. On s'est ainsi rendu compte que ces disques pouvaient être commercialisés Mais nous avions déjà établi le tracklisting de l'album, et nous ne souhaitions pas mettre tous les œufs dans le même panier. Nous voulions préserver notre patrimoine ; et en particulier conserver les morceaux que les gens n'avaient jamais entendus. Nous avons ainsi dû batailler ferme pour que les distributeurs ne puissent pas en disposer. Nous en avons écoulé lors de nos concerts et via internet. Si les gens avaient pu se procurer les deux Eps sur le marché, ils n'auraient pas acheté l'album. Seuls les fans purs et durs qui commanderont ou qui ont commandé les deux maxis via le web (http://www.posteverything.com/pinkflag) recevront ‘Send’ et un 'live' en prime. Nous sommes autant consommateurs que musiciens. Il faut penser à ceux qui achètent. Qu'est ce qu'ils vont avoir en main ? Les inconditionnels achèteraient l'opus, même s'il n'y avait que 4 nouvelles chansons. Mais nous voulions leur offrir un peu plus. Certains ont acquis le premier, d'autres le second, d'autres encore rien du tout. Et je ne pense pas que ceux qui ont acheté le 'R&B 1' et le 'R&B 2' voudront délier les cordons de la bourse pour se procurer l'album. " Colin s'exprime maintenant en tant que boss de firme de disques et artiste : " Personne ne nous dicte notre ligne de conduite. Nous sommes seuls maîtres à bord. Si nous nous étions adressés à un label, il aurait voulu sortir d'abord l'album, alors que nous voulions un Ep. Nous aurions alors dû prévoir un budget marketing conséquent et dépenser beaucoup d'argent. Ensuite lancer le disque sur le marché. Il aurait alors fallu vendre une tonne d'elpees pour récupérer notre mise. Ce n'est pas la seule manière de procéder. C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé autrement".

Qu'est ce qui pousse Wire à se reformer périodiquement ? Un coup de fil ? Un calendrier de rencontres ? Une envie instinctive de réactiver la machine. Colin rectifie : " C'est beaucoup plus formel que tu l'imagines. Nous avions été invités à participer à une réception organisée pour la remise de distinctions. Elle doit s'être déroulée début 2000. Nous nous sommes rencontrés. On s'est revu. Et le groupe s'est reformé naturellement. Puis on s'est remis à la création. Mais au départ, on n'imaginait pas encore que nous allions revenir avec quelque chose d'aussi neuf en aussi peu de temps. Nous craignions que ce soit la galère. D'autant plus que nous ne voulions pas d'approche traditionnelle de la composition. Pour nous, c'était un mauvais plan ; et nous n'aurions pas bien fonctionné sous cette optique. Nous sommes donc passés d'abord à l'écriture. Puis on a laissé macérer. La plupart du temps, nous avons travaillé dans mon studio. Et on y a concocté tout ce qui a permis d'enregistrer les Eps et l'album. " Wire est donc toujours aussi inventif. Aussi bien dans la forme que dans le fond. Colin précise : " On nous reproche souvent de vivre dans l'abstrait. Mais il faut bien faire la différence entre ce qu'on veut dire par concret et abstrait. Par littéral et non littéral. Par premier degré et second degré. Notre objectif est de faire autrement que les autres. Il est de plus en plus difficile d'être différent de manière flagrante ; donc nous essayons d'apporter des petites touches différentes à notre création ; même si globalement, aujourd'hui, tout le monde joue de la même manière. Nous avons tendance à être réducteur. Si quelqu'un décide de couper un morceau en trois parties, nous n'en concéderons que deux. S'il a recours à trois accords, on s'en contentera d'un seul. Si sa chanson compte un refrain, nous en écrirons deux. L'analogie est subtile, mais nous nous engageons volontairement dans ce processus réducteur. Ce qui est une bonne façon de gagner de l'argent. Mais tu sais, nous pensons à autre chose qu'à la rentabilité… " Maintenant, combien de temps la nouvelle aventure de Wire va-t-elle durer ? Colin est confiant pour l'avenir. Il existe une structure formelle autour du groupe. Bruce et lui se rencontrent deux fois par semaine. Au studio de Colin. Ils accumulent les démos. Le travail ne se limite pas à écrire 'x' chansons et puis de mettre la clef sous le paillasson. Il est constant. Organique. Et comme ils bossent de manière continue, ils ont le loisir d'opérer des choix. D'élaborer de nouveaux projets (concerts, etc.) et d'expérimenter tout ce qui peut les influencer dans la création : " Il existe beaucoup de choses qui m'intéressent. Notre vision n'est pas unique. J'aime voir le résultat de l'interaction entre plusieurs composants. Voir comment ils se rencontrent. Observer le fruit de ces rencontres. C'est comme le monde, il n'est qu'interaction. Ce ne sont donc pas uniquement des choses simples, mais comment les choses communiquent entre elles. "

Cependant, que sont devenus les projets parallèles des musiciens de Wire ? Et en particulier ceux de Bruce Gilbert et de Graham Lewis ? C'est à dire Dome et He Said ? Les deux premiers appartiennent à l'histoire. Bruce travaille cependant sur un nouveau projet, en Suède. Duet Emmo, celui de Bruce et de Daniel Miller ? Il est au frigo. Colin rencontre encore le boss de Mute, de temps à autre, lors de l'un ou l'autre concert. Il ajoute : " Lorsqu'il me téléphone, c'est pour me demander quelque chose de spécifique. Bruce n'envisage pas de reprendre la collaboration pour l'instant. Peut-être l'année prochaine. Ils disposent encore de démos qui doivent être remodelées, car elles sont toujours à l'état brut. Mais il y aura une suite. "

Minimal Compact, vous vous souvenez ? C'était le groupe au sein duquel figurait l'excellente chanteuse Malka Spiegel, l'épouse de Colin. Un groupe cosmopolite que j'appréciais beaucoup, et qui a disparu comme par un mauvais enchantement. Je n'ai pu m'empêcher de demander à Colin des nouvelles de cette formation. Et il semble ravi que je lui pose cette question. " Ah, tu savais que j'étais l'époux de Malka ! Elle a enregistré trois albums solos. Un avec moi. Puis deux 12 inches sous le nom d'Emotion. Sans oublier son projet destiné à mêler art et musique. Concernant Minimal Compact, un réalisateur israélien a tourné un film sur l'histoire du groupe. Un documentaire fort intéressant. Il y a eu une première à Tel Aviv, voici 2 semaines. Ils ont parlé de refaire quelque chose ensemble. Enfin Samy, surtout. Les deux guitaristes sont de grandes stars en Israël. Et Berry (NDR : Sokhoroff), probablement une super star. Mais pas ailleurs. Ils ont accordé un concert prestigieux à Tel Aviv. Et ils vont probablement se produire aux Transmusicales de Rennes, à la fin de l'année. Mais j'ignore s'ils vont enregistrer quelque chose de neuf…"

Pour les références et les influences, il faut un peu poser la question à l'envers. En fait, fondé en 1976, Wire est une référence ou une influence pour de nombreux groupes. Lors de la sortie de sa trilogie indispensable ('Pink Flag', 'Chairs Missing', '154'), il a été taxé de Pink Floyd du punk. A cause de son approche psychédélique vaguement réminiscente de Syd Barrett. Pour Colin, le psychédélisme n'a rien à voir avec Wire. Il s'agit, pour lui, de musique sous l'influence de drogues. " La dernière fois que j'ai entendu parler de groupes pratiquant ce style, c'était à l'époque de l'acid house et du baggy. Depuis lors, je ne pense pas que l'on puisse encore parler de psychédélisme. En tout cas, je ne l'ai pas remarqué. " Et pourtant… Concernant Syd Barrett, Colin reconnaît que Wire a peut-être quelque chose de commun avec lui dans la tonalité, mais pas dans l'intention. Pour lui, Barrett était l'esprit, l'essence même du Floyd…

Mais que ressent-il lorsqu'un groupe ou un artiste se réclame de Wire ? La réponse fuse : " Tout est relatif. REM ? Il ne faut pas exagérer. Je ne voudrais pas que la responsabilité de ce qu'ils font nous soit attribuée. Je serais mal à l'aise. Nous ne le revendiquons certainement pas. Même si certaines personnes le clament. Peut-être à une certaine époque. Mais s'ils avaient persisté, ils n'auraient jamais eu de succès. Les Pixies ? Je ne les connais pas suffisamment. Mais j'ai lu que nous les aurions influencés. Certaines personnes seraient fières de cette situation. Nous en sommes conscients, mais nous n'en tirons aucune vanité. "

 Merci à Vincent Devos.

jeudi, 01 mai 2003 05:00

La thérapie du Folk Implosion...

Au cours des trois dernières années, Lou Barlow a vécu des moments difficiles. Sebadoh provisoirement au frigo, il comptait beaucoup sur son Folk Implosion pour revenir dans le parcours. Mais son opus éponyme, paru en 1999, a été mal reçu par la critique. En outre, son fidèle bassiste John Davies, avec lequel il avait fondé Folk Implosion et en compagnie duquel il partageait l'écriture, a pris du recul par rapport au monde de la musique. Dans ces conditions, pas difficile de comprendre que Lou n'avait plus le moral et se soit tapé une déprime. Heureusement, le troisième opus de Folk Implosion figure déjà parmi les musts de l'année. Intitulé " The New Folk Implosion " il devrait lui permettre de voir le bout du tunnel. Enfin, c'est tout le mal qu'on lui souhaite.

En empruntant Imaad Wasif chez Alaska, Lou semble avoir fait le bon choix. Après 10 jours de répétition, le trio est parti en tournée avec les Melvins. La mayonnaise a pris instantanément. Chaque concert est devenu un exutoire pour Loobie. Et lorsque le groupe est rentré de ce premier périple, il a décidé de poursuivre l'aventure et s'est mis à écrire de nouvelles chansons. Le New Folk Implosion était donc né. Lou s'épanche : " Le thème de cet elpee reflète ce que j'ai vécu au cours de cette période difficile. De cette obligation à me surpasser pour en sortir. Du besoin de trouver une main tendue. Les lyrics des chansons traduisent cet état d'âme et les questions qui taraudent mon for intérieur. Comment comprendre, appréhender le changement ? Et chaque fois que je joue une de ces chansons 'live', c'est un pas de plus vers la guérison. J'avais un besoin vital de me remettre à écrire, à jouer. J'ai enregistré cet album en sachant que nous partirions en tournée. Cet objectif m'a aidé à en sortir. Mais aussi les véritables amis, en qui j'avais confiance… "  

Folk Implosion semble à nouveau remis sur rails. Mais que devient Sebadoh ? L'aventure est-elle provisoirement ou définitivement terminée ? A-t-il l'intention de la reprendre un jour ? Loobie demeure fort évasif sur le sujet : " Je ne sais pas. J'y pense beaucoup ; mais j'ignore où et quand. Pas pour l'instant en tout cas ; mais peut-être lorsque je jugerai le moment opportun… " Dans le passé, chacun des groupes ou projets montés par Barlow véhiculait sa propre identité. Sentridoh canalisait ses expérimentations lo-fi, réalisées sur son quatre pistes, chez lui. Sebadoh correspondait davantage à la face folk et rock de son répertoire, alors que fruit d'un énorme travail studio, Folk Implosion reflétait surtout sa face pop/rock la plus avant-gardiste, n'hésitant pas à intégrer la technologie la plus moderne. Depuis la sortie de 'The New Folk Implosion', on a l'impression que les différences ne sont plus aussi nettes. Il rétorque : " Je ne suis pas tout à fait d'accord. Folk Implosion épouse une forme plus pop, alors que Sebadoh privilégiait la face la plus expérimentale. En fait, elles changent constamment. Je ne souhaite pas m'imposer des règles. Plus je vieillis, plus je pense que l'esprit expérimental implique une approche intello. L'expérimentation devrait être naturelle, sans qu'un processus ne soit préétabli, ni qu'elle soit le fruit d'une décision consciente. J'aime les jolies chansons basiques. J'aime les sonorités qui flattent l'oreille. Et j'aime assister à la combinaison de tous ces éléments…"  

Deadsy, formation de nu métal, au sein de laquelle on retrouve le fils de Cher, Elijah Blue, a repris dernièrement une chanson de Lou : 'Brand new love'. Il apprécie la démarche. " Superchunk avait été le premier à reprendre une de mes chansons. Il y a également James McNew de Yo La Tengo, Teenage Fan Club… Mais celle que je préfère est celle de Deadsy. Ils ont réalisé un travail remarquable. J'ai été très honoré par cette cover… " Et si cet exercice de style est un flop ? " Il reste un compliment. Je n'ai jamais interdit quiconque de le tenter. Ce qui compte, à mes yeux, c'est d'avoir pris le risque. Et si elle n'est pas trop réussie, ce n'est pas de leur faute, mais de la mienne. Non, ce type de démarche est un compliment… " Imaad Wasif préposé à la guitare, Lou a repris le rôle de bassiste qu'il assumait à ses débuts, au sein de Dinosaur Jr. Pas facile de jouer de la basse et de chanter en même temps. Ce n'est pas le premier musicien qui est confronté à cette difficulté. Et qui l'avoue. Mais il aime le challenge : " Se concentrer sur le rythme me semble facile. Mais conjuguer rythme et mélodie est une autre paire de manches. C'est une technique que je suis toujours occupé d'apprendre. J'essaie de développer un style qui me soit propre. J'aime les instruments à 4 cordes. J'ai d'abord appris à jouer de la guitare, puis de l’ukulélé. C'est un instrument qui ne compte que 4 cordes. J'y suis très à l'aise. Six, c'est trop pour moi. En outre, dans le style que je pratique, c'est amplement suffisant. Mais chanter et jouer de la basse en même temps est une lutte de tous les instants. J'aime les choses difficiles. Elles m'attirent. Plus c'est difficile, plus j'ai envie de m'y frotter ; même si je n'obtiens pas toujours les résultats escomptés. La difficulté est un challenge, pour moi…" 

Deux producteurs (Aaron Espinoza et Micky Pretalia) ont participé aux sessions d'enregistrement de l'elpee. Etonnant de sa part, lorsqu'on sait qu'il a déclaré récemment ne pas trop aimer les disques surproduits. " Tu sais c'est un peu un service que je leur rends. Ce sont des amis ; et il faut bien leur procurer du boulot. Pour moi, travailler avec un producteur est une formalité. Car dans le fond, je prends toutes les décisions finales. Malheureusement, dans le futur, il ne me sera plus possible de faire appel à eux ; car je ne dispose plus autant d'argent qu'avant. Et puis, je pense que travailler seul constituera un nouveau défi pour moi…"  

Parmi les chansons de son nouvel elpee, j'ai un petit faible pour 'Coral' ; un formidable périple dans le Paisley Underground que n'aurait pas désavoué le Dream Syndicate. Loobie semble surpris. " Ah bon, toi aussi ! C'est curieux. C'est celle que nous aimons le moins ; et toutes les personnes que nous rencontrons pensent comme toi. Nous allons devoir nous mettre à la répéter… Le Paisley Underground du Dream Syndicate ? J'écoutais beaucoup ce groupe quand j'avais 17 ou 18 ans. Mais ta réaction peut se comprendre, car Imaad et Robert sont tous deux californiens. " Ben tiens ! L'occasion était donc belle de lui demander ce qu'il aimait et écoutait lorsqu'il était jeune. Il avoue que sa jeunesse a baigné dans la musique sombre, ténébreuse de Cure, Joy Division, Bithday Party, des Bad Seeds, d'Einsturzende Neubauten et plus curieusement du krautrock (NDR : Can, Faust, je suppose). Et puis, il a découvert Black Sabbath. " A l'instar des groupes nés au cours des 60's et des 70's, je trouvais que leur musique était bourrée de fun. Très marrante, quoi ! " Ah bon ! Et il revient une deuxième sur Black Sabbath, lorsque je lui parle de 'Creature of Salt', que j'imaginais fruit de la rencontre entre Nick Drake et King Crimson. " J'aime bien Nick Drake. Moins King Crimson. Il est composé d'excellents musiciens. Mais leur musique et trop complexe. En fait, au départ, cette chanson était acoustique, et on a décidé, en l'électrifiant, de l'interpréter avec plus de pêche, à la manière de Black Sabbath… " Je comprends aujourd'hui beaucoup mieux pourquoi le trio a accompli cette tournée avec les Melvins. " C'est vrai, les Melvins ont surtout été influencés par Black Sabbath et nous par les Melvins… King Crimson était beaucoup plus monochrome (il mime le son). Black Sabbath mettait davantage l'accent sur les lyrics. C'est vrai que leur musique était sombre. Mais pas pour moi… "

Lou a également joué avec les Four Tenors, l'an dernier. Mais qui sont ces Four Tenors ? " J'ai découvert ce groupe punk lorsque j'étais encore en secondaire. Ce fut un de mes premiers concerts. J'étais alors âgé de 14 ans. A cette époque, je considérais alors Steve Westfield, son leader, comme un héros. Un personnage marrant, charismatique qui me faisait, en quelque sorte, rêver. La formation adore se produire en Europe et ses concerts se terminent souvent dans le chaos. Et puis l'an dernier, on a effectué une tournée d'une semaine et demie, deux semaines, ensemble. Steve, Stevo Matthewson et Sophie Williams avaient tout organisé. C'était fantastique et en même temps incroyable de jouer en leur compagnie… "

Il est faux de croire que Loobie serait inspiré par tout ce qu'il déteste. A cet égard, il tient à remettre cette déclaration dans son contexte. " J'avais lu une interview de Robert Altman qui reconnaissait que ses meilleures influences ils les puisaient dans les films qu'il détestait. Parce qu'après avoir assisté à la projection d'un film qu'il déteste, il en conclut que c'est le genre de film qu'il ne tournera jamais… Je ne joue que ce que j'ai envie de jouer ". Tant qu'on est dans le cinéma, les musiciens de Folk Implosion ont participé au tournage d'un film. Bien qu'ils y jouent le rôle de musiciens, ils sont acteurs ! " C'était une aventure intéressante, même si je n'aime pas interpréter un rôle, réciter du texte. Cela paraît fort complexe. Il y a un monde fou qui tourne autour de vous. Beaucoup d'argent investi. Les acteurs travaillent énormément. Ils exercent un métier bizarre, mais qui nécessite une grande force mentale. Et j'ai été impressionné par l'énergie que ce métier exige. Mais, j'ai apprécié de me retrouver sur un plateau, palper l'atmosphère qui gravite autour, observer tout ce qui se passe au cours d'un tournage. Avoir pu expérimenter une autre forme d'art et rencontrer des gens fut pour moi une aventure enrichissante. Mais devenir acteur, merci beaucoup. Il y a trop de tension… "

Loobie entretient deux sites web. C'est cependant son frère qui lui a tout appris. " J'ai un frangin très intelligent. Un génie de l'informatique. Nous avons travaillé ensemble sur les projets, mais c'est lui qui a réalisé la maquette. Il fait tout pour rendre la vie la plus facile aux artistes. Il avait donc choisi le système le plus simple, le plus direct, à utiliser. Et il m'a enseigné la manière de créer des fichiers, de calibrer les scans, d'uploader, etc., Je n'y dépense pas toute mon énergie, mais pour rester à la page, il fallait que je me familiarise à cet univers. Cependant j'aime assez bien me consacrer à l'entretien de ces sites…"

Merci à Vincent Devos 

samedi, 08 novembre 2003 04:00

Un certain feeling new wave...

‘Bandages’ est un hit que vous avez sans aucun doute déjà entendu sur l'une ou l'autre station radiophonique. Un tube dont les lyrics ont suscité la controverse. Cette chanson a même été interdite à la BBC. Une aubaine pour le groupe canadien qui n'en demandait pas tant pour se faire de la pub. Pourtant, on ne peut pas dire que les débuts du groupe ont baigné dans l'huile. Il a même fallu attendre le départ du chanteur, Matthew Marnik, et son remplacement par le claviériste Steve Bays, pour que la mayonnaise commence à prendre. Dustin Hawthorne, le bassiste, s'est volontiers proposé comme porte-parole de cette formation qui devrait bientôt sortir son deuxième album…

Le puritanisme britannique s'est encore distingué. Une cerise sur le gâteau dont se délectent les musiciens de Hot Hot Heat depuis des mois. Et pour cause ! Cette publicité gratuite a même fait le tour du monde. Dustin en rit encore : " Partout où on est allés, les médias sont revenus sur le sujet. Même en Australie et au Japon. Même à l'époque où on n'était pas encore connus. Sur les plateaux de TV, ils se disaient : 'On la passe ou on ne la passe pas ? Une heure avant le journal ou une heure après ?' Finalement tout ce toutim nous a procuré une pub fantastique. Nous n'en demandions pas autant. Et finalement, la chanson a décroché un numéro un en Grande Bretagne ". Une chanson dont la formation est particulièrement fière. " Lorsque nous la jouons 'live', nous entrons en osmose avec le public. Une espèce d'hymne qui accroche instantanément… Et il n'est pas rare que le public monte sur les planches lorsqu'on l'interprète sur scène… " Pour s'adonner au stagediving ? " Non, non, pas le stagediving ! Lors de spectacles accordés à LA et à Melbourne, une partie du public est montée sur scène et a commencé à danser. Imaginez-vous 60 personnes sur les planches ! C'était vraiment la fête. A la fin, il ne restait plus que la batterie. Mais cette situation fait partie du show. Par contre, nous n'aimons pas trop que les spectateurs se jettent dans la foule. Une jeune fille a ainsi failli, un jour, se rompre le cou. Et nous avons eu très peur. Tu comprends mieux maintenant pourquoi il existe des gardes du corps et des barrières de sécurité, lors d'un concert. Toute cette organisation est destinée à empêcher les spectateurs de monter sur scène. Et surtout d'éviter le risque de blessures. Enfin, je reconnais que je commence à vieillir ; et je deviens dès lors moins téméraire… "

Le premier album a donc été enregistré au sein de deux studios différents : à Vancouver et à Seattle. Drôle d'idée de concocter un elpee dans deux studios différents, alors qu'il ne fait que 33 minutes. " Sur notre premier EP figurait 5 titres. Et au départ, on avait l'intention d'en réinterpréter deux pour les intégrer au nouvel opus. Mais on s'est rendu compte, que de toutes manières, il aurait encore été trop court. En fait, nous n'avions pas assez de matière première. Deux semaines avant d'entrer en studio, nous étions encore occupés de composer... La brièveté de cette plaque n'est pas délibérée. Elle a été conditionnée par le manque de temps. Le recours aux deux studios nous a, par contre, permis de donner des colorations différentes aux chansons. A Seattle, nous avons travaillé dans un espace réduit. On se sentait vraiment à l'étroit. Mais les prises étaient très basiques ; en outre, nous avons bénéficié du concours de l'ingénieur du son maison. A Vancouver, nous disposions de davantage d'espace. Nous avions tout le confort : la TV, à bouffer, etc. "

Dans une interview accordée à un magazine britannique, la formation a déclaré que dans le futur, elle pourrait réaliser un concept album. Alors, est-ce une blague ou le groupe a-t-il cherché à lever un coin du voile qui dissimule la face prog rock chez Hot Hot Heat ? " Une blague ! Nous n'avons pas l'intention de reconduire un quelconque 'Sergent Pepper' ou 'Dark side Of The Moon'. En fait, les paroles ont sans doute été extraites de leur contexte. Par contre, nous ne sommes pas fermés à l'expérimentation. A donner une nouvelle dimension à notre musique. Une chose est sûre, il ne sera ni conceptuel, ni prog. Lorsque nous atteindrons la quarantaine, il sera peut-être temps d'y penser… "

Les musiciens de Hot Hot Hot Heat aiment la new wave des eighties ; et en particulier des formations ou des artistes tels que XTC, Jam, Cure et Elvis Costello. C'est manifeste ! Pas pour rien que la plupart des médias évoquent ces références lorsqu'ils parlent de 'Make up the breakdown'. Mais qu'en pense Dustin ? Est-ce une réflexion embarrassante ou pertinente ? " Un peu des deux ! Il serait malhonnête de ne pas reconnaître un certain feeling new wave au sein de notre musique. Et que ces groupes ou artistes ne constituent pas des influences majeures. Mais nous ne voulons pas être taxés de revivalistes new wave. Cure, Costello et XTC sont des noms absolument incroyables. Et notre guitariste, Dante, adore XTC. S'il n'existe aucune filiation avec XTC, il faut reconnaître que c'est la formation qui nous a le plus influencés. C'est un des points culminants atteints par la musique entre la mi eighties et 1990. Très jeunes, nous entendions cette musique. Inconsciemment, progressivement, elle nous a imprégnés, influencés… " Si HHH ne connaît pas Supergrass, il voue un grand respect à Blur. " J'apprécie beaucoup leur approche de la composition. Elle est toujours différente. Et quelque part, comparable à la nôtre. A contrario des Strokes, leurs accords, les tempi, sont toujours différents. Leur son est vraiment unique et il est impossible de les cataloguer dans un registre, même si on les considère comme les pères de la britpop…mais je ne connais pas Supergrass… et tout ce que nous écrivons n'entre pas dans le cadre de la new wave… " Encore que pour le look, il y a de quoi se poser des questions. Une certaine presse estime même qu'ils s'habillent et se coiffent comme les Dexy's Midnight Runners… Une réflexion qui fait sourire Dustin. " A ce sujet, je me référerai plutôt à A Flock Of Seagulls. Des types complètement extravagants que j'avais eu l'occasion de voir en concert… Il est vrai que dans le look des Dexy's, il y a des similitudes. Ils étaient bien fringués. Mais je pense qu'on est plus proches d'eux musicalement qu'esthétiquement… "

Dans le domaine de la musique contemporaine, les musiciens avouent quelques coups de cœur. Tout d'abord pour un ensemble mystérieux répond au nom de Badger King. " Un duo qui est issu de Portland, dans l'Oregon. Un garçon et une fille. Il programme des sequencers et joue de la guitare. Elle chante et joue également de la guitare. Leur musique est vraiment novatrice. Ils avaient assuré notre supporting act lors d'une de nos premières tournées, il y a un an et demi. A Salt Lake City, dans l'UTAH. Depuis, on les a quelque peu perdus de vue. Un groupe étrange et passionnant… " Pour les Liars, également. " Un groupe fantastique. Nous avions assisté à un de leurs shows à Seattle. C'était à l'époque où Sub Pop était venu nous voir avant de nous signer. Nous étions à la même affiche. En première partie. Nous étions stressés à mort. Leur show nous a vraiment soufflés… " De Sub Pop, Hot Hot Heat est donc passé chez Warner Music. Une situation qui ne semble pas trop perturber Dustin. Pourtant, il est de notoriété publique que lorsqu'un artiste ne vend pas suffisamment chez Warner, il passe à la trappe… " En fait, Sub Pop est une succursale de Warner. Lorsque Sub Pop s'est rendu compte de notre potentiel, il s'est adressé à Warner pour leur demander si notre produit les intéressait. Ils ont répondu favorablement. Mais tout ce qui relève du domaine artistique appartient toujours à Sub Pop. Warner se charge du volet financier. Donc nous n'avons pas de problème de diktat ni de formatage inhérents aux grosses compagnies. Warner sert ici en quelque sorte de banque… Bon, maintenant j'espère que nous n'allons pas vivre une mésaventure semblable au 'Catch 22' de Joseph Hiller. Ce serait une situation inextricable. Etre un groupe créatif et ne pouvoir sortir sa production nous rendrait fous. On est quand même un peu inquiet à ce propos. Mais pour l'instant, nous regardons les aspects positifs de notre contrat… " Une philosophie qui risque quand même de se retourner contre eux, lorsqu'on sait qu'ils ne s'intéressent guère aux bénéfices tirés de la vente de leurs disques, mais plutôt de leurs tournées. " C'est notre manière de concevoir le business dans le monde de la musique. L'argent gagné par les disques, nous le réinvestissons dans les avions, les tournées ; et en retour ces tournées nous apportent de l'argent. On réinvestit de l'argent pour faire plus d'argent. Nous n'avons pas vendu des cargaisons de disques. L'argent vient des tournées. De la vente des tickets et du merchandising… "

Tous les musiciens du groupe sont multi instrumentistes. Une faculté qu'ils ne mettent pas en exergue, à l'instar d'un Beta Band, lors de leurs concerts. Dustin explique : " J'ai assisté à de nombreux concerts au cours desquels les groupes se plient à cette pratique. Mais j'estime qu'elle nuit à la création. Nous préférons nous concentrer sur l'instrument que nous maîtrisons le mieux. Je joue, par exemple de la batterie, mais pour pouvoir en jouer 'live', j'aurais besoin de 3 mois de répétition. En outre, nous ne voulons pas qu'on nous prenne pour des gens qui savent tout faire. Personnellement, il ne faut pas me demander de jouer du piano. Je ne connais pas suffisamment les accords. Cependant, chaque musicien s'intéresse aux autres instruments. Ce qui est important dans l'écriture d'une chanson. Car nous les écrivons ensemble. Et donc, lorsqu'on commence à la jouer, on est capable de repérer les accords du clavier et la première note de la basse. Enfin, comme je suis bassiste, le suis fort intéressé par tout ce qui touche à la batterie. Ce qui entre dans la logique, à partir du moment où on s'intègre dans une section rythmique… "

Merci à Vincent Devos.

 

vendredi, 07 novembre 2003 04:00

Vibration physique et mentale

Début novembre 2002, Sam Fogarino, le drummer d'Interpol avait dit le plus grand bien des Warlocks. Une confidence concédée au cours d'une interview accordée à Musiczine. Restait donc à se procurer leurs disques. Et pas une mince affaire, puisqu'ils n'étaient alors disponibles qu'en import. Mais il faut avouer que " Rise & Fall " et surtout " Phoenix " méritent les éloges qui ont pu leur être adressés. Parce que le psychédélisme électrique véhiculé par ces deux opus est à la fois vivace, frénétique, dense, fiévreux et envoûtant. Faut dire que cette formation californienne, de Los Angeles très exactement, compte la bagatelle de sept musiciens : une claviériste, un bassiste, deux drummers et trois guitaristes dont un chanteur. Et pour corser le tout, Sonic Boom (NDR : le leader du défunt et mythique Spacemen 3 !) est venu leur donner un coup de main pour enregistrer leur dernier elpee. A la six cordes. Pas étonnant que la musique des Warlocks rappelle… quelque part… Spacemen 3… Tout ceci méritait quelques explications. C'est Corey Lee Granet, le soliste, qui a bien voulu répondre à nos questions.

Comment expliquer la présence de Peter Kembler (alias Sonic Boom) ? Corey raconte : " Nous étions tous des fans. Et nous avons commencé à échanger quelques e-mails. Puis la correspondance est devenue de plus en plus régulière. D'appréciations réciproques en commentaires divers, nous avons fini par nous faire inviter en Angleterre, pour y accomplir une tournée. Fatalement on s'est donné rendez-vous. Nous ne nous connaissions qu'à travers le net. Et pourtant, le courant est passé tout de suite. Nous ne nous lâchions plus. Ce type est vraiment brillant. Et en plus il est sympa et a beaucoup d'humour ; même si comme tout le monde il a aussi ses moins bons côtés. Finalement, je ne vois pas comment il aurait pu refuser de participer à notre périple. Live, nous avons vraiment pris notre pied en sa compagnie. Et il a également participé à l'enregistrement de 'Phoenix', pour un morceau. Trois guitares c'est bien, quatre c'est encore mieux… " Oui mais un line up qui implique autant de guitaristes et surtout deux drummers, ce n'est quand même pas monnaie courante. Si mes souvenirs sont exacts, le Ginger Baker Airforce comptait deux batteurs. Corey réagit : " La présence de deux drummers ne reflète certainement pas une volonté de pratiquer du bidouillage à la hippie, ni le fruit d'une quelconque admiration pour Adam & the Ants. Et un mélange des deux serait horrible. Simplement nous n'avons pas eu le culot d'en virer un des deux. Parce que ce sont des amis. Prendre une telle décision serait un véritable cauchemar. Par contre la présence de trois guitaristes au sein du line up se justifie amplement. Et si cette formule n'est pas habituelle, elle n'est quand même pas exceptionnelle. Mais il est vrai que trouver un équilibre idéal, quand on est sept musiciens, ce n'est pas toujours facile. Enfin, rien n'est jamais facile… "

A une certaine époque, Grateful Dead et le Velvet Underground se sont appelés les Warlocks, avant d'opter pour leur légendaire patronyme. Une information qui surprend Corey, mais qui surtout le ravit : " Wouaw !!! C'est cool d'apprendre une telle info. Surtout en ce qui concerne le Velvet " Le Velvet Underground est une influence majeure, on est heureux de l'apprendre. Car le combo n'aime pas trop qu'on fouille dans ses références. Et en particulier de se voir taxer de psychédélique ou de garage. Il préfère parler d'expérience sonore. " Parce qu'on y sent une présence physique. Elle est palpable. On entre dans le domaine du sensoriel. On est en présence d'une combinaison mentale et physique des sons, plutôt que de vers et de refrains. Nous sommes davantage qu'un groupe pop. Nous cherchons à faire vibrer notre public physiquement et mentalement… " Pourtant, difficile de ne pas parler de psychédélisme, lorsqu'on écoute leur musique. Corey confesse : " Je n'aime pas le terme psychédélique, parce qu'il vous cantonne dans un genre bien défini. Une sorte de combat d'arrière-garde. C'est comme si on annonçait à un fan de 13th Floor Elevators que nous les réincarnions. S'il vient assister à un de nos concerts, il va être déçu et se dire 'Qu'est ce que c'est que ce groupe de merde !' Notre musique est beaucoup plus contemporaine et puise son inspiration tous azimuts. Y compris dans le psychédélisme. Mais nous cloîtrer dans ce seul univers serait faire preuve d'étroitesse d'esprit… " Ce qui n'empêche pas plusieurs musiciens du band de collectionner les fameuses compiles 'Nuggets'. Ou encore de s'intéresser à la science-fiction. Encore que le chanteur soit également un féru d'histoire. Et en particulier de tout ce qui a trait à la guerre 40-45. Oui mais lorsque à l'instar d'un Frank Black ou d'un Greg Sage, on est aussi passionné par la science fiction, on est en droit de se poser une question : n'y aurait-il pas également un certain intérêt pour le phénomène OVNI ? Pan dans le mille ! " Mes parents ont vécu une rencontre du 3ème type en 1974. Dans le désert de Mojave. Ils ont vu un OVNI. Et le lendemain, ils ont lu dans la presse qu'ils n'étaient pas les seuls à avoir assisté à ce phénomène. Il existe même des centaines de témoignages de cette manifestation. Ce qui la crédibilise davantage. Et je les crois sur parole. Vu les circonstances, il serait d'ailleurs cruel de les prendre pour des menteurs. Et ceux qui ont jeté le discrédit sur ces aveux, ont l'esprit bien obtus… "

Parmi les ensembles contemporains, Les Warlocks apprécient beaucoup Interpol. " Evidemment ! " Les Kills. " Des amis ! "  Beachwood Sparks. " Des amis également, mais ils viennent de splitter. Chris Gunst a entamé une carrière solo. Les autres ont fondé The Tyde " Tout comme les Warlocks, Beachwood Sparks a également transité par Bomp ! Records. Apparemment une mine d'or, pour celles et ceux qui cherchent de nouveaux talents. " Oui, ce label regorge de groupes plus intéressants les uns que les autres. Et hormis le back catalogue au sein duquel on peut y retrouver des mythes tels qu'Iggy Pop et les Stooges, les artistes sont, pour la plupart, inconnus du grand public : Nikki & the Corvettes, Brian Jonestown Massacre, Dead Meadow… Dead Meadow tient sans doute quelque chose des Happy Mondays… " Tiens curieusement, la chanson 'Hurricane heart attack' me semble à la fois hantée par l'esprit des Mondays et des Stones circa 'Street fighting man'. " Ce n'est pas tout à fait faux. Pour les Mondays, c'était 20 ans plus tard. Et nous 15 années encore plus tard. C'est un chant de colère. Lorsque nous l'avons jouée à Manchester, le public criait 'Mondays' 'Mondays'. Une réaction bizarre et un pur hasard, car notre chanteur n'a jamais écouté le moindre morceau des Happy Mondays… " Les Warlocks ont eu un coup de foudre pour une formation qui répond au nom de Lyca Sleep. " C'est un jeune groupe issu de la région de Middlesbrough. Leur son est très proche de ce que pratiquait The Verve, à l'époque de 'Nothern soul'. Donc, ils ne peuvent que dispenser de la bonne musique. On les a rencontrés en tournée et on a assisté à un de leurs sets. Impressionnant ! J'espère qu'ils pourront poursuivre leur aventure le plus longtemps possible. Ils le méritent. Mac Cabb a eu une grande influence sur eux… sur nous également… "

Les membres des Warlocks n'ont pas seulement une corde (musicale) à leur arc. Plusieurs d'entre eux pratiquent différentes activités artistiques, dont la photographie. Pourtant, ils ne dessinent pas leurs pochettes. " On ne peut pas tout faire ! Nous sommes effectivement tous impliqués dans l'art, à divers degrés ; mais chacun d'entre nous possède sa propre vision artistique. Nous sommes quand même au nombre de sept dans le groupe. La pochette de 'Phoenix' est différente en Europe de celle que nous avions réservée aux States. Elle a été inspirée par Andy Warhol ; mais en fait, le projet a été réalisé par notre drummer. Il existe deux perspectives dans ce type de travail. Il faut opérer un choix. Le nôtre s'est posé sur quelqu'un d'extérieur au groupe… " Scoop : un nouvel album est en préparation. C'est la confidence que nous a faite Corey. " Nous rentrons à Los Angeles dans trois semaines. Nous prendrons alors une période de congé d'une quinzaine de jours avant d'entrer en studio. On ne sait pas encore qui en sera le producteur, ni où il sera enregistré. Mais toutes les chansons sont terminées. Et pour te donner une petite idée du contenu, elles navigueront quelque part entre 'Risen Fall' et 'Phoenix', tout en faisant davantage appel à l'instrumentation acoustique… "

Merci à Vincent Devos

 

 

 

 

mardi, 31 décembre 2002 04:00

Influences internes...

La scène new-yorkaise est à nouveau en pleine effervescence : Radio 4, les Strokes et puis Interpol en sont probablement les plus beaux fleurons. Interpol consitue cependant la formation qui se rapproche le plus de la scène britannique. Pas la britpop, mais la cold wave… enfin et heureusement, pas seulement. Leur premier album a reçu très bonne presse. Mais c'est surtout sur les planches que le quartet y fait l'unanimité : ils y sont tout bonnement impressionnants. Samuel Fogarino, le drummer, est aussi le plus âgé des quatre. Un personnage d'une grande gentillesse, posé et assez charismatique pour incarner le rôle de guide spirituel d'Interpol. Il s'est prêté de bonne grâce à cette interview…

Mais comment comprendre ce nouveau boom sur la scène new-yorkaise. Samuel explique : " Ce phénomène de renouveau du rock s'y reproduit cycliquement. Je ne suis pas issu de cette métropole, mais je me souviens que lorsque j'y suis arrivé, en 1997, j'ai assisté à des concerts de groupes comme Firewater et Valentine Six. Et chaque fois, ils attiraient au moins 500 personnes. Tout baignait dans l'huile. Ils tournaient aux States et en Europe. Aujourd'hui, tout le monde s'en fout. Mais on les aime toujours. Et maintenant les médias ont mis l'accent sur cette nouvelle scène de New York City. Je respecte tous ces nouveaux groupes. Ils sont bons dans ce qu'ils font. Et les Whites Stripes (NDR: ils sont de Detroit!) ainsi que les Strokes correspondent parfaitement à ce type d'atmosphère. Je leur souhaite d'ailleurs tout le bien du monde. Mais j'avoue avoir davantage d'affinités avec des ensembles qui affichent plus de profondeur et de complexité. D'un point de vue mélodique et rythmique. Comme, par exemple Swervedriver. M'enfin, ce qui peut expliquer ce phénomène procède probablement de la fascination exercée par Andy Warhol sur les groupes de New York. Elle n'a jamais cessée. Début des 90's, la tendance était plus hard, une tendance parfaitement illustrée par un groupe comme Unsane. Il était très agressif, très sombre, sinistre même. Une forme de blues blanc urbain joué de manière redoutable et colérique. C'était un de mes groupes favoris ".

Et pourquoi la musique d'un groupe new-yorkais comme Interpol sonne aussi britannique ? Samuel donne son explication : " Depuis une dizaine d'années, la pop et le rock tendent à épouser une forme très lourde, très agressive, très immédiate, très instantanée. Tu la prends en pleine figure. C'est au détriment de la mélodie et de l'introspection. Un groupe américain comme le Red House Painters a toujours fait le contraire. Et c'est ce que nous avons de commun avec eux. Cet aspect là de la britpop. Privilégier l'atmosphère et l'humeur du moment. Au cours des 80's, des groupes comme Killing Joke et Echo & The Bunnymen correspondaient à cette approche musicale. L'ambiance y était tellement épaisse qu'on pouvait presque la saisir. C'est ce que nous aimons. Et pensons que nous pensons voir réapparaître… " De cette époque, Samuel avoue beaucoup aimer les Chameleons. Et puis Clash. Surtout l'elpee 'London Calling'. De la scène punk américaine, Television, Mission Of Burma, Hüsker Dü, Big Black, Dinosaur Jr. Mais en premier lieu Fugazi. Pas seulement leur musique. Leur sens éthique. Sans oublier les disques de chez 'Dischord'…

L'âme de la musique d'Interpol est incontestablement sombre, ténébreuse. Mais parfois on se demande si en baignant au sein de cette atmosphère, le combo ne cherche pas à exorciser quelque démon. Sam ne formule aucune objection. Mais avoue qu'il n'existe aucune réelle d'intention. " A chaque chanson son démon. Et l'alcool peut aider à les exorciser (NDR : il est hilare !) ". Par contre, alors qu'on aurait pu penser le contraire, il n'est pas un grand admirateur de Joy Division. Ni lui, ni Paul, ni Daniel ne possèdent le moindre de leurs disques. Il préfère New Order. C'est plutôt le bassiste Carlos qui est un fan de ce groupe. Et puis l'ancien drummer. " J'ai rejoint le line up, plus tard. Il y a trois ans. Lorsque je suis arrivé, le groupe avait déjà enregistré quelques démos. La musique y était beaucoup plus lugubre, plus linéaire. Mais au fil du temps on s'est démarqué de cette voie. Et dans le futur, ce sera encore plus flagrant ". Les membres d'Interpol ne partagent guère d'influences communes. Daniel et Sam apprécient Fugazi. Pas les autres. Paul et Sam, les Pixies et Frank Black. Carlos et Sam, Killing Joke. Paul, la pop. Carlos, tout ce qui touche au gothique : Bahaus, Tones On Tail… " Il n'existe pas d'influence externe au groupe, mais des influences à l'intérieur du groupe. Chacun possède une influence externe, mais pas le groupe. On s'influence donc, à l'intérieur du groupe, mais pas à l'extérieur. Et je pense que c'est très sain. Par exemple, je n'assiste pas aux sets des artistes qui jouent en supporting act, afin de conserver mon esprit libre. En tournée, je n'aime pas écouter de la nouvelle musique. J'écoute de vieux standards. Les nouveautés, je les écoute chez moi. Je ne veux pas que notre musique puisse être influencée par quiconque. Je veux rester dans mon propre monde. Jusqu'à ce que le désir de créer se manifeste à nouveau… "

Tout comme au début des eighties, Interpol accorde une importance certaine à l'attitude, au look. Sur les planches, tous les musiciens, et même ceux qui sont uniquement engagés pour la tournée, sont sapés dans des costards à la fois seyants, étroits et élégants. A l'instar des musiciens de Spandau Ballet et d'Elvis Costello. Et Sam d'ajouter : " Il était super dans son costume avec sa Fender, Costello ! ".

Sur leur premier opus, une composition a été intitulée 'Untitled'. Drôle d'idée ! Sam élucide : " Sur la maquette, nous l'avions intitulé 'Intro'. Parce qu'elle ouvre nos concerts. Et puis aussi l'album. Mais elle reste tout simplement une chanson de plus de 3 minutes. Elle est mélodique. Comme nous ne trouvions pas de titre, nous avons décidé de la laisser sans titre. Si on avait conservé le titre ‘Intro’, elle aurait perdu toute sa gravité… " 'Say hello to the angels' adresse, par contre, un clin d'œil aux Smiths. C'est tellement évident que Sam nous répond en rigolant, " Non, non, il faut davantage remonter dans le temps. C'est un clin d'œil à Diana Ross… " Certaines chansons bénéficient de lyrics différents, suivant qu'elles figurent sur l'album ou sur l'EP. Mais là, seul Paul aurait pu résoudre cette énigme.

Tous les musiciens d'Interpol ont flashé sur les Warlocks. Un groupe californien, de Los Angeles très exactement, que Sam a découvert grâce au magazine Magnet. " En lisant l'article qui faisait référence à Syd Barrett et à Spacemen 3, j'ai été interpellé. Surtout que le line up aligne trois guitaristes et deux drummers. J'ai acheté le disque, et je l'ai trouvé excellent. C'est le meilleur truc que j'ai entendu depuis des années. Et pour une fois, tous les membres du groupe partagent le même point de vue. Je suis seulement parvenu à communiquer avec eux via internet. Mais malheureusement on n'a pu les voir sur scène, car lorsqu'on est allé à LA pour assister à un de leurs concerts, il était sold out. Et on n'a pu décrocher de place via la guest list. C'était assez frustrant, je dois le reconnaître. A ce jour, ils ont commis deux Eps et un elpee, parus sur un petit label américain qui s'appelle 'Bump'. L'elpee s'intitule ‘Rise and Fall’. J'espère que tu vas le trouver. " (NDR : ce qui n'est pas évident, mais je vais essayer…)

Lorsqu'on rencontre quelqu'un qui vit à New-York depuis quelques années, on ne peut s'empêcher de reparler des événements du 11 septembre. Des plaies que ces attentats ont laissées. " Mes plaies sont guéries. Je n'ai pas trop changé. Mais lorsque je traverse le pont qui sépare Manhattan de Brooklyn et que je ne vois plus les tours jumelles, je réalise très rapidement ce qui s'est produit. Et je pense que ce sentiment ne s'effacera jamais. J'ai assisté au drame de la fenêtre de mon salon. En direct. Tu sais, c'est facile de mettre cette histoire de côté ; mais lorsque vous vivez dans ce quartier, vous êtes habitués à voir ces immeubles. Mais ils ne sont plus là. Et inévitablement, vous ne pouvez vous empêcher de penser à cette catastrophe… " Bowie, qui vit aujourd'hui également à New York, estime que les Américains n'étaient pas, ou alors très mal, préparés face au terrorisme. Le sont-ils davantage aujourd'hui ? La question méritait d'être posée. " Pfft. Je ne pense pas que vous puissiez être préparés contre le terrorisme. Parce que cela ne se voit pas. Cela n'a pas d'odeur. Le terrorisme est un acte démoniaque, parce qu'on ignore quand il va se produire. " Dans la foulée, et vu les événements qui se bousculent sur la scène internationale, je lui ai demandé si Bush ne manquait pas sa cible, en menaçant l'Irak de représailles. " C'est un con ! Un enculé ! Avec ses méthodes, il va tuer tout le monde. Il va déclencher la prochaine guerre mondiale. C'est comme si il voulait récupérer la guerre du golfe de son père, là où elle s'est arrêtée, il y a 12 ans. Tout tourne autour de l'argent et du pétrole. C'est un être maléfique. En plus il est stupide. Pire, il est con ! Il aurait mieux valu qu'il soit coach de basket ! Je ne suis pas du tout d'accord avec sa politique menée aux States. Ce n'est déjà pas un domaine qui me botte particulièrement, mais depuis que Bush est président des Etats-Unis, il l'est encore moins. Agiter le drapeau américain aujourd'hui : non merci ! Nous n'avons pas besoin d'un conflit armé supplémentaire. Est-il nécessaire d'engager des représailles vis à vis de L'Irak, parce que 2 à 3.000 personnes sont décédées lors d'un attentat ? Tout ce qui risque d'arriver, c'est qu'il y aura encore plus de morts. Un père va perdre son fils. Un fils son père. Cette politique va engendrer une escalade et tuer encore plus de gens. Je ne puis partager sa façon de penser. Tout ce que Bush est parvenu à faire, c'est nous effrayer. Et je ne me sens pas en sécurité… "

Merci à Vincent Devos