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Le Yam 421 ou le 5 000 pour Bright Eyes ?

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Aristide Padigreaux

Aristide Padigreaux

Auteur du premier single punk quelques semaines avant celui des Sex Pistols, The Damned, s’il n’a pas rencontré le même succès, peut cependant se targuer d’une longévité impressionnante pour une formation de ce genre : 45 ans d’existence pour ce groupe vétéran. Excusez du peu ! Captain Sensible, dernier membre fondateur du quintet actuel, au même titre que le chanteur Dave Vanian, a par ailleurs été l’auteur, à titre individuel, d'une carrière solo ponctuée par le tube interplanétaire “Wot !”, au début des eighties. Le guitariste évoque, avec humour, l'étonnante carrière de The Damned ainsi que cet excellent treizième elpee studio aux chansons accrocheuses, d’une fougueuse jeunesse et parfois belles... à se damner…

Votre jeu de guitare se révèle très en avant et trahit sur cet LP (NDR : il s’intitule "Darkadelic"), des accents hard rock, notamment sur le morceau “Girl I'll Stop At Nothting”, dont le solo évoque étrangement ceux que dispensait Ritchie Blackmore au sein de Deep Purple.

(Il rit) En fait, c'est par cette compo que nous terminions les concerts de notre tournée qui vient de s'achever en Europe et au Royaume-Uni. Mon solo était différent chaque soir et opérait une sorte de dialogue entre le synthé et la guitare, à la manière de John Lord et Ritchie Blackmore, à l'époque. D'ailleurs, à la fin de l'un des shows et de ce titre, je me suis écrié : ‘Bloody hell ! Mesdames et messieurs, nous sommes en train de devenir Deep Purple (rires) !’

Comme vétéran du punk justement, que pensez-vous de groupes punkoïdes récents comme Shame, Fontaine D.C., Idles ou Viagra Boys ?

Je n'en connais aucun... Je suis sûr qu'il existe de bons groupes aujourd'hui, mais il y a tellement de merdes autour.

Je n'arrive pas à me résoudre à les écouter et me contente de plonger dans mes anciens disques. Je suis le vieux gars assis dans un coin du pub, à me plaindre que la musique actuelle est nulle. Les autres habitués du bar racontent aux clients de passage qui s'étonnent : ‘Faut pas s'inquiéter, ce vieux grincheux se plaint toujours que toute la musique actuelle est à mettre aux chiottes. On s'en fout de ce que raconte ce débris installé près du juke-box... que plus personne n'écoute non plus (rires)’

L'humour des punks

“Wake The Dead”, “Beware of the Clown” et “Roderick” sonnent comme du gothique avec de l'humour, un peu comme le vampire du Muppet Show à l'époque, les films de Roger Corman ou de Russ Meyer.

Un côté kitch dans le fantastique que nous cultivons, à la manière de certaines icônes du genre comme Vincent Price ou Bela Lugosi, figure qui est certainement liée à l'apparition du gothique dans le rock. Il suffit de regarder le “Bela Lugosi's Death” de Bauhaus, à l'époque.

Les groupes punk ont-ils un grand sens de l'humour ?

Cela devrait être le cas et pourtant... Le punk était une sorte de réaction contre les ‘rock stars’ prétentieuses des seventies qui pensaient avoir inventé la roue et remplissaient les stades. Cette réaction ironique supposait un certain sens de l'humour, mais malheureusement, la plupart des musiciens punk connus se sont également trop pris au sérieux.

Ce qui est incroyable, c'est que Nick Mason, membre de Pink Floyd, archétype du rock progressif, ce qui ne correspond pas vraiment à l'image que l'on se fait d'un groupe punk, a produit un de vos disques ?

A l'époque, nous avions demandé à l'éditeur musical de Pink Floyd, qui était également le nôtre, s'il pouvait solliciter Syd Barrett, premier leader et chanteur de Pink Floyd, afin qu'il produise notre prochain album. Nous sommes donc allés au studio en attendant Syd Barrett ; et c'est Nick Mason qui a débarqué à la place. Il a déclaré : ‘Oh, je suis désolé, les gars ; Syd n'est pas en état de le faire. Cela vous dérangerait-il que je produise l'album à sa place ?’ Et comme, en plus, il nous proposait d'enregistrer gratuitement dans le studio du Floyd, nous avons accepté.

Marc Bolan

Un des événements les plus étonnants dans votre carrière, c'est que vous avez assuré la première partie de T-Rex, icône du glam rock, genre que les punks sont sensés détester et auquel ils se sont opposés…

C'est vrai, mais Marc Bolan était quelqu'un d'intelligent, contrairement à certains de ses contemporains, de ces grandes stars du rock des seventies qui détestaient la musique punk. Pour sa part, Marc estimait qu’il s’agissait de l’actualité et voulait en faire partie. Il s'est coupé les cheveux et a demandé à son groupe d'accélérer le rythme de chaque chanson, interprétant des versions plus rapides de ses tubes. Tous les soirs, j'assistais à son concert qui se révélait fascinant. Marc était un très bon guitariste et livrait une version brute et bien plus passionnante de ses titres. Il s'est vraiment montré sympa avec nous, nous emmenant dans son bus de tournée en nous prodiguant des conseils pour le choix des studios et en termes de directions musicales...

Lemmy Kilmister de Motörhead aurait joué de la basse chez Damned...

Oui ! C'était à une époque où j'ai quitté le groupe pour rejoindre Amsterdam. Nous étions tous complètement ruinés, au point que je dormais par terre chez des connaissances. Rat Scabies, le batteur de l'époque, m'a téléphoné un jour et m'a proposé de nous reformer pour quelques dates, afin de gagner un peu d'argent et payer les factures. ‘Tu t'occuperais de la partie guitare’ me dit-il, ajoutant ‘Et il ne nous reste plus qu'à dénicher un bassiste’.

Nous avons alors pensé à Lemmy parce que nous savions dans quel pub londonien le trouver. Je suis allé le voir et il m'a dit ‘Ok, laisse-moi essayer’. Pour ces concerts, il devait juste apprendre cinq ou six morceaux de Damned et nous avons fait de même pour une poignée de compos de Motörhead... Et finalement, nous avons tous été payés (rires) !

The Damned - « Darkadelic » - sortie le 28 avril 2023 sur V2.

vendredi, 08 décembre 2023 18:38

De la musique électronique organique…

« Just Can't Get Enough », premier succès de Depeche Mode, c'était lui. Ensuite, il est parti former Yazoo, avant de fonder un autre duo baptisé Erasure. Fervent défenseur de la ‘synth pop’ (NDR : la pop électronique), le voici qui, la soixantaine bien entamée, publie son premier LP solo, quasi instrumental, et ambiant, organique aussi, malgré l'omniprésence des machines, déployant des paysages sonores grandioses nonobstant le climat claustrophobe qui a prévalu à leur création durant les différents confinements dus à la COVID.

Rencontre avec Vince Clarke qui sort son premier album solo en 40 ans de carrière…

Pourquoi ce titre, « Songs of Silence » ?

J'ai eu l'idée de ce titre, que j'ai gardé en tête, alors que je travaillais sur un autre projet il y a quelques années. Mais il s’explique surtout parce que je suis un grand fan de Paul Simon, et au cours de mon adolescence, une de mes chansons préférées était « The Sound of Silence » de Simon and Garfunkel. Par ailleurs, comme il s'agit principalement d'un disque instrumental, le titre coïncide parfaitement avec l'ambiance de l'album.

L'Eurorack, synthétiseur spécial que vous utilisez sur cet elpee, y joue un rôle central...

Il existe de multiples fabricants de modèles dans le monde entier qui créent leur propre style de synthétiseur. Eurorack permet de réunir toutes ces différentes approches. Un peu comme si vous aviez en main la voiture idéale : un moteur Porsche, un design Alfa Romeo... 

Je suppose que nous devons remercier la COVID qui vous a enfin permis de sortir votre premier long plyaying solo en quarante ans de carrière ?

Il a certainement été le facteur déclencheur. Durant le premier confinement, j'étais coincé chez moi comme tout le monde, et j'ai passé beaucoup de temps en studio. C'était une période très propice à la réflexion. Beaucoup de mauvaises choses se sont produites dans ma vie et dans celle d'autres personnes proches, ce qui a vraiment influé sur la façon dont j'ai commencé à composer ces morceaux. Je souhaitais exprimer d'une manière ou d'une autre la tristesse que je ressentais à ce moment-là.

Au départ de chacun compo, vous produisez une note et vous ‘tournez autour’ un peu à la façon dont Michael Brooks utilisait son ‘infinite guitar’, il y a trente ans. Cet opus serait-il en rapport avec ce procédé ?

Il y a certainement un lien, mais également avec d'autres musiques ambient électroniques que j'ai écoutées récemment.

En compagnie d'un ami, je produis une émission de radio consacrée à la musique électronique. C’est l'occasion pour moi de découvrir de nombreux artistes différents et divers types de musique ambient. J'ai toujours été curieux de savoir comment ces musiciens s'y prenaient pour composer ; pour ma part, je travaille à la création de chansons classiques depuis 40 ans dans un format refrain/couplet/refrain. Je me suis demandé si je serais capable de créer, développer et étirer un morceau intéressant sans vraiment utiliser ces astuces, plutôt que d'utiliser les traditionnels changements d'accords.

Je comptais sur une texture évolutive. Et j'ai aimé le processus plus que tout. Je l’ai trouvé très thérapeutique dans son ensemble.

Avez-vous été influencé par des artistes comme Brian Eno, David Sylvian, Ryuichi Sakamoto, Laurie Anderson ou Tangerine Dream ?

Evidemment, je connais tous ces artistes programmés dans notre émission de radio ; mais, pour être tout à fait franc, je n'ai vraiment découvert cette musique qu'il y a environ quatre ans. Jusque-là, le genre ne m'intéressait pas particulièrement. C'est sans doute parce que je vieillis un peu ; j'ai plus de patience désormais pour écouter un morceau (il sourit).

Par ailleurs, la musique ambient électronique a fortement évolué. S'il y a 20 ans, quelqu'un m’en parlait, je pensais toujours au bruit de la mer sur le rivage ou au cri des baleines (rires). Le genre s'est énormément développé, parallèlement à l'évolution de l'instrumentation électronique dont on dispose désormais. Le matériel que j'utilise à présent est beaucoup plus ouvert à l'expérimentation et je trouve cette perspective fascinante.

Vous faites est une sorte de ChatGPT musical sous contrôle humain ?

(Il rit) Oui, je suppose. Pour certains morceaux du disque, lorsque j'enregistrais, alors que je produisais quelque chose de très électronique, j'entendais parfois un son plus humain dans ma tête. Ainsi, par exemple, « The lamentations of Jeremiah » était au départ une sorte de paysage sonore de science-fiction. Je l'ai ensuite envoyé à mon ami Reed Hays, un excellent violoncelliste, qui a composé et enregistré une partition de violoncelle par-dessus. Soudain, c'est devenu un morceau complètement différent, très humain et triste.

Et c’est pareil pour le titre « Passage » qui contient une voix de soprano tout au début et en son milieu ; là encore, l'apport de la voix a créé ces morceaux particuliers, subitement complètement différents et organiques.

Pourquoi n'en jouez-vous pas vous-même car le premier instrument sur lequel vous avez joué lorsque vous étiez enfant, c'était le violon ?

C'était il y a longtemps ! J'ai commencé à en jouer à l’âge de 12 ans. J'ai gardé mon violon... qui est irréparable. Mais en vieillissant, j'apprécie d'autant mieux les talents et les compétences des autres d'autant que ceux de Reed Hays sont exceptionnels. Aucune chance que je puisse l'égaler vu mon lamentable jeu au violon (rires).

Vous êtes un passionné de technologie et d'instruments de musique. Aviez-vous l'impression durant l'enregistrement d'être semblable à un pilote de drone ?

(Il réfléchit) Je ne sais pas... L’intégralité du processus d'enregistrement de ce disque s'est révélée complètement différent de tout ce que j'ai réalisé auparavant.  D'abord, j’étais seul en studio ; enfin, mon chat et moi. Évidemment, lorsque j'écris des chansons avec mon partenaire d'Erasure, cela n'a rien à voir. Mais ces sessions n’étaient pas censées se retrouver sur disque. C'était juste moi qui expérimentais et créais de la musique en studio. Donc à l'origine, les morceaux s'intitulaient drone 1 2 3 4. Puis j’ai envoyé les fichiers à mon ami Daniel Miller de Mute Records qui m'a suggéré de les graver sur un album, ce qui n'était pas du tout mon intention au départ. J'aurais pu être simplement heureux de continuer à triturer ces morceaux à l'heure où je vous parle. Mais j'en ai tiré beaucoup de satisfaction, notamment du processus, probablement plus que toute autre chose. Un voyage intéressant.

Mais alors pourquoi des titres comme « White Rabbit » et « Red Planet » ?

(Il rit) J'avais l'habitude, pour les albums d'Erasure, d'écrire les chansons, et de laisser le choix des titres à Andy qui est bien meilleur que moi dans ce domaine.

Soudain, la responsabilité était mienne... résultat, c’est devenu un cas vraiment classique du son du morceau qui suggère le titre.

Par exemple, j’estime qu'un titre comme « White Rabbit » semble assez frénétique.

Et évidemment, c'est une référence à ‘Alice au pays des merveilles’. Le passage, dans lequel chante la soprano, me donnait l'impression d’un voyage difficile. Mais les titres ont surgi spontanément ; il m'a fallu à peine une demi-heure pour intituler les dix morceaux. Je devais sans doute inconsciemment y penser ces deux dernières années, car soudain ils ont émergé à la surface de ma conscience...

Et « Mitosis », est-ce une référence au jeu vidéo ou à cet élément scientifique qualifié de mitose ?

C'est une référence au phénomène scientifique, à l'activité frénétique des cellules qui se divisent.

Je souhaitais un titre qui exprime la vitesse et le chaos. Et c'est le mot qui a surgi.

« Red Planet », se réfère, je suppose, à la planète Mars.

En effet. Et je suis un grand fan de science-fiction.

Il en était donc de même pour un autre morceau, intitulé « Last Transmission ». Ils sont le résultat de visionnages de films de science-fiction pendant la COVID.

Donc, si Ridley Scott vous demandait de composer la bande originale du nouveau ‘Prometheus’, vous répondriez avec enthousiaste ?

Et comment ! Le tout premier titre que j'ai composé et qui m'a inspiré l'album, « Cathedral », l'a été après avoir visionné ‘Blade Runner 2049’ que j'ai dû voir six fois. A la fin, j'ai commencé à prêter attention à la bande originale. Et je me rappelle juste m'être dit :  ‘J'adore cette B.O. et je crois que je vais composer celle de ‘Blade Runner 3’... Mais j'attends le coup de fil, on verra bien (rires).

Mais rêvez-vous de composer la bande originale non seulement d'un film de science-fiction ou tout simplement d'un film ?

J'ai en quelque sorte composé quelques petites choses par ci par là, mais c'est un autre monde. Je me suis penché là-dessus il y a peut-être 20 ans. J'ai passé du temps à Los Angeles avec des gens du cinéma et des directeurs musicaux. Après ces rencontres, j'ai réalisé que c'était un univers dans lequel je ne voulais pas évoluer. Il y a beaucoup de politique en jeu, et puis je ne souhaitais pas composer en compagnie de quelqu'un qui regarde par-dessus mon épaule.

La pochette évoque le ‘Best of’ de The Cure, un disque paru il y a bien longtemps, dont la photo en noir et blanc représente le visage d'un vieil homme ?

Lorsque cette aventure s’est transformée en album, j'ai souhaité que la pochette corresponde un peu plus à un documentaire ou soit un peu plus sérieuse que celles des disques auxquels j'ai participé par le passé.

L’idée que ce soit dans un style très documentaire et très rugueux me semblait intéressante. J'ai 63 ans et il me plaît de ne pas faire semblant de ne pas avoir mon âge. Les visuels donnent un peu plus de poids au disque ; c'est pourquoi nous avons choisi le noir et blanc. Et le photojournaliste Eugene Richards n'est pas du tout un photographe musical, mais plutôt documentaire.

Comment revoyez-vous aujourd'hui à cette scène électro qui a sévi au début des années 80 ? Je pense à John Fox, Heaven, 17, Human League et Fad Gadget ?

C'étaient mes héros. Je garde donc de très bons souvenirs de cette époque et, j'écoute encore toujours ces disques.

Lorsque j'étais jeune, la musique punk est apparue, ce qui était assez excitant ; mais en fin de compte, je ne la trouvais pas très révolutionnaire. Juste du rock and roll joué un peu plus vite...

Ce qui ne veut pas dire que je n'aimais pas. Au contraire j'adore les trucs punk.  Mais quand la musique électronique a émergé, elle m'a paru révolutionnaire.  La réinvention de tout, du son, surtout grâce à des groupes comme Human League, Fad Gadget et Neu!, c’est quelque chose que nous n'avions jamais entendu auparavant.

C'était donc incroyablement excitant. Eh bien avant de commencer à faire de la musique pour de l'argent, mes amis et moi étions fans de ces formations qui ont émergé à l'époque…

Ceux que j'ai mentionné pratiquaient de la cold wave. D'un autre côté, des bands comme OMD, Ultravox, Pet Shop Boys et The Bronsky Beat étaient plus pop. Vous les appréciiez autant ?

Oui. Je suis un grand fan de ces groupes simplement parce qu'ils ont sorti énormément de bonnes chansons. A l'époque de Depeche Mode, nous étions tous fans de musique pop, de chansons qui duraient trois minutes, sans doute parce que c'est ce à quoi nous avons été exposés à la radio en grandissant. Dans le cas d'Erasure, on dit souvent que nous sommes un groupe de synth-pop. Mais je préfère entendre qu’Andy et moi sommes de véritables auteurs-compositeurs.

Simplement, nous utilisions des synthétiseurs. Les chansons que j'ai le plus aimées sont pop, dont je suis grand fan et je n’ai pas honte de le dire.

Les Sparks et Jean-Michel Jarre ont-ils exercé une grande influence sur vous ?

Oh, « This Town's Not Big Enough For The Both Of Us » a été le tout premier disque que j'ai acheté. J'avais 15 ans et ma sœur travaillait chez un disquaire et pouvait bénéficier d’une réduction. Ce qui était donc important. C'était la première fois que l'on voyait un claviériste qui ne souriait pas... Par la suite, évidemment, tout le monde l'a imité... (rires).

Et Jean Michel Jarre ?

J'ai eu la chance de travailler avec lui sur quelques titres d'un album. Il m'a contacté, puis est venu me voir à New York. Ma femme et moi étions très stressés parce que c'était la personne la plus célèbre que nous ayons jamais rencontrée. J'ai signalé à mon épouse qu’il fallait acheter du bon vin et lui proposer de l'excellente cuisine... (rires). Bref, nous étions vraiment très anxieux. Mais il s'est avéré être l'une des personnes les plus charmantes que je n'ai jamais rencontrée. Et puis, il est tellement enthousiaste ; il adore ce qu'il fait, c'est évident. Cette rencontre a été un véritable honneur pour moi et j'étais très flatté.

Suivez-vous encore la carrière de Depeche Mode ?

Pas de façon compulsive, mais j'ai écouté leur dernier album ainsi que les deux précédents qui sont probablement parmi leurs meilleurs disques. L'écriture de Martin (Gore) y est phénoménale.

Le plus récent est évidemment très poignant à cause de la mort d'Andy Fletcher. Lorsque le premier single est sorti, j'ai demandé au label s'il était paru avant ou après la mort d'Andy Fletcher. C'était avant. Pourtant, il reflète le drame de son décès. Martin est un véritable génie…

Vous composez souvent à la guitare dans Erasure. Mais pour cet elpee, vous avez débuté par la machine…

En effet et avec des sons très simples, puis j'en ai progressivement introduit d'autres et des éléments divers, sans planning, dans un processus évolutif.

Ce qui a pris du temps car j'étais totalement absorbé par le projet. Il ne m'a jamais paru comme une corvée, et j'y ai trouvé beaucoup de sérénité.

Vince Clarke - Songs of Silence (Mute) – Date de sortie : 17 novembre 2023

samedi, 15 juillet 2023 11:58

Un mod qui vit au 21ème siècle…

Miles Kane a sorti son cinquième album "One Man Band", ce 4 août 2023. Toute guitare dehors, cet elpee se révèle un subtil mélange de pop-rock catchy et condensée, d'hymnes propulsés par les riffs rugissants et la voix assurée de Miles Kane. Le comparse d'Alex Turner –leader des Artic Monkeys– dans The Last Shadow Puppets, replonge dans ses racines liverpuldiennes, sur cet opus, au fameux Merseybeat, et à celles des premiers âges du rock. Sans oublier la référence à sa propre enfance et son premier héros… le footballeur italien Roberto Baggio

"Baggio"est l'un des titres phare de l'album. Pourquoi cette référence au joueur de foot italien des nineties ?

C'est la première personne que j'ai adorée : j'avais huit ans et ce joueur de football avait quelque chose de particulier, non seulement dans son jeu, mais aussi dans son attitude sur le terrain, toujours pacifique, sans animosité à l’égard de ses adversaires ; il était différent et il est devenu mon premier héros qui a déclenché en moi, cette volonté de me démarquer, renforcée ensuite par les vidéos d'Oasis ou les films sur T. Rex...

Cette chanson évoque en fait mon parcours et ce que je suis aujourd'hui à 37 ans

Vous saviez qu'il était bouddhiste ?

(Il rit) Non pas à huit ans, mais je l'ai appris récemment ; quelqu'un m'a d'ailleurs transmis un livre sur le bouddhisme que je vais m'empresser de lire pour en savoir un peu plus...

"Trouble Son" parle de votre jeunesse ?

Oui si l'on veut, mais tout le monde peut se reconnaître dans les paroles de cette chanson, qui évoque les années d'adolescence, lesquelles comportent souvent des moments plus difficiles...

Mais elles se réfèrent également à l’enfant unique que j’étais, très proche de sa mère, et incapable d'avoir une relation de longue durée dans laquelle très vite je deviens claustrophobe...

Asthme

Être asthmatique comme Iggy Pop vous a-t-il poussé à devenir musicien ?

J'ai écrit une chanson qui s'intitule "Inhaler" ! Mais bon, une rockstar ne souffre pas nécessairement d’asthme (rires). Il est vrai que lorsque je me sens oppressé j’ai envie de crier, de chanter, de me libérer...

Vous citez souvent T. Rex, The Jam et Paul Weller parmi vos influences. Vous n’oubliez pas les Yardbirds ?

J'adore ! Et c'est vrai que j'oublie souvent de les citer ; Jeff Beck reste un de mes guitaristes favoris

Vos chansons sont très pop et accrocheuses comme celle de Supergrass à l'époque…

Merci ! C'est exact qu'il s'agit d'un groupe que j'aime et que j'écoute encore souvent... C'est d'ailleurs ce que je vais faire après cette interview

Et pas les Pixies ?

Je ne connais pas trop. Disons que je suis resté très insulaire, très british pop des années 90.

Votre guitare sonne un peu comme celle de Johnny Marr...

Que je vénère, j'accepte le compliment. Mais je suis un grand fan de Link Wray, un guitariste des années cinquante, le premier à maîtriser la distorsion et le larsen.

"Never Take Me Alive" évoque d'ailleurs le rock des débuts fifties…

C'était le but. Je suis admiratif de cette période où tout était simple, condensé et sans fioriture à l'image du jeu d'un guitariste comme Dick Dale, inventeur du surf rock ; le genre de musique que Tarantino utilise dans tous ses films. Je voulais éviter les violons, le piano, un décor sonore élaboré pour en revenir à l'essence même du rock, de son début... Des morceaux qui seraient des hymnes.

Simples et courts ?

Exactement. De trois minutes au maximum. Je souhaitais composer des titres spontanés et honnêtes, réalistes. D'ailleurs, cet album de 11 chansons dure à peine une demi-heure !

On sent que pour vous l'image est importante... Vous êtes toujours bien habillé…

A la ‘mod’

Oui, cela fait partie intégrante de ma personnalité. J'ai toujours aimé les beaux vêtements. Être bien habillé. Même lorsque je traînais chez ma mère. De changer de style en fonction des jours voire des heures. Là, je porte un costume, mais je peux très bien m'habiller à la manière de Marc Bolan de T. Rex et mettre de l’eye-liner. C'est aussi très liverpuldien, où la moindre racaille se sapera comme un prince…

Vous ressemblez à un mod de la période "Quadrophonia"...

Je suis un mod, qui vit au 21e siècle, et il est vrai que ma musique se réfère aussi beaucoup à cette période des années soixante. L'époque justement des Yardbirds, des Kinks et des Beatles...

Pouvez-vous expliquer ce qu'est le Merseybeat ?

C'est un truc que tous les rockers de Liverpool possèdent, qu'il s'agisse d'Echo and the Bunnymen, The Coral, Ian Broudie ou moi-même, et qui fait partie intégrante de notre âme ; un certain sens du rythme ou de la mélodie spécifique se référant au fleuve qui arrose Liverpool. Cela tient sans doute à la qualité de l'eau (rires)

Et qui n'aurait rien à voir avec les Beatles ?

Si, certainement, mais je crois que cet aspect leur préexistait, notamment chez Gerry and the Pacemakers dont Brian Epstein, le cinquième Beatles, a été le manager. Ils sont d'ailleurs les auteurs du "You'll Never Walk Alone", hymne des supporters de Liverpool... mais il est clair que les Beatles ont montré la voie...

J'ai lu d'ailleurs que supporter de Manchester United vous avez changé pour en devenir un des Reds de Liverpool...

Euh, oui, bon, j'étais jeune et mon père supportait Man U. Mais devenu adolescent, tous mes copains supportaient Liverpool, j'ai donc adopté leurs préférences... pour me faire adopter (il sourit).

On parlait des Beatles ; il y a quelques années. Vous avez composé en compagnie d'Andy Partridge de XTC, les héritiers des Beatles dans les années 80 qui ont totalement disparu...

Oui c'était dans le cadre de mon deuxième album solo. J'aimais beaucoup XTC pour leur sens pop et mélodique. Alors un jour, j'ai contacté Andy qui vit reclus dans son cabanon à Swindon. Il a bien voulu me recevoir et nous sommes rapidement devenus potes. Je m’y rendais une fois par semaine et nous avons écrit ensemble des morceaux incroyables sur mon deuxième album solo. Vous faites bien de m'en parler ; je vais le contacter tout de suite par mail pour voir comment il va.

Vous avez vécu à Los Angeles entre 2015 et 2019. Aviez-vous besoin de revenir en Angleterre pour retrouver l'inspiration ?

Il y a de cela. Je me suis bien amusé à L.A. J'habitais à côté de la maison d’Alex Turner avec qui j'ai formé The Last Shadow Puppets. Mais après un moment, mes amis, mon management mes musiciens tout cela me manquait... même la pluie (il rit) ! Je me sentais perdu.

Non sans rire, je crois que l'ambiance particulière et la ‘british pop’ telle que je la pratique me manquait et j'avais besoin de revenir à Londres pour me ressourcer.

Alex Turner des Artic Monkeys vit toujours là-bas ?

Il est plus malin : il est toujours entre Londres et Los Angeles... (rires)

Et quelque chose est-il bientôt prévu avec lui au sein de The Last Shadow Puppets ?

Pas dans l'immédiat, car je suis fort occupé par la promo de mon nouvel album et Alex par la tournée mondiale des Artic Monkeys.

Donc, il n'y a rien de prévu pour l'instant ; bref, les Shadow Puppets sont vraiment… à l'ombre (il rit) …

 

Miles Kane : "One Man Band" (Virgin) sortie le 4 août 2023

 

« Clear pond road », c’est le titre du nouvel opus de Kristin Hersh, paru ce 8 septembre 2023. Cet effort en solitaire du leader féminin des Throwing Muses est toujours aussi original et encore plus personnel...

A l’instar des Pixies, Throwing Muses est considéré comme une icône du rock alternatif des eighties. Drivée par Kristin, cette formation est toujours active sur la scène musicale. Et cette cofondatrice du band mène encore, en parallèle, un autre projet collectif baptisé 50 Foot Wave. De son timbre râpeux, chargé d’émotion, de son style tout en joie étouffée, en rage intérieure voire en tristesse contenue, « Clear Pound Road » reflète la singularité de sa démarche. Kristin en parle d'ailleurs joyeusement...

Alors que elpee est plutôt positif, la dixième et dernière chanson « Tunnels », semble empreinte de tristesse...

Elle évoque l'effondrement mental d'un partenaire à qui son conjoint ne peut venir en aide, alors que le reste de l'album se révèle amusant, plein d'entrain et positif. Cependant, ce dernier morceau, bien qu'empli de douceur à l'instar des autres compos, se révèle finalement tragique. 

« Clear Pound Road » se déploie de manière séquentielle à la façon d'une pièce de théâtre, scène après scène jusqu'à l'acte final où soudain tout s’écroule devant cette révélation : lorsque votre partenaire, c'est-à-dire votre pilier, votre socle s'écroule, vous vous effondrez aussi.

Je ne souhaitais pas que ce disque soit tragique, mais il vire un peu en tragédie, en fin de compte (elle rit).

Auteure d'une autobiographie et d'un livre sur votre ami, le rocker canadien Vic Chesnutt (NDLR : il est décédé le 25 décembre 2009) pour être plus précis, je me demandais si, lorsque vous composez, les paroles émergeaient d’abord ?

Non. C'est toujours la musique, car les paroles sont amplifiées par un autre instrument, ma voix, qui est omniprésente. Certaines personnes se contentent de chanter. Personnellement, je ne chante jamais, exigeant de ma voix qu'elle produise autre chose. C'est souvent très peu attrayant, car je ne cherche pas à la mettre en avant. Je vocalise tout simplement. Mais parfois, c'est vrai, on a l'impression que je chante… (elle rit)

Une sorte de transposition vocale de la poétesse Sylvia Plath ?

(Elle rit) C'est peut-être vrai, les lyrics devraient pouvoir tenir toutes seules, débarrassées de la musique. On devrait être capable de les regarder sur la page et observer qu'elles résistent en tant que structure, qu'élément corporel.

Mais je ne souhaite pas les dépouiller de leur musique, car il ne s'agit pas de poésie. Elles sont certes poétiques, mais se coulent dans la musique et ne jouent qu'un seul rôle. Elle ne doit pas servir de scène, de plateforme aux mots, à mes pensées. D’ailleurs les textes ne sont pas toujours de l'ordre de mon ressenti, de mes émotions ; je ne m'exhibe pas en dansant des claquettes. Et même si je tentais de le faire, j'en serais incapable. Tout comme Sylvia Plath (rires) !

Catharsis

La musique est-elle une catharsis pour vous ?

Probablement... mais j'espère que non. J'essaie de vider mon sac avant d'entrer dans la chanson. Au sein de mes deux groupes et en solo, elle n'est au départ pas faite pour être enregistrée et diffusée. Nous jouons d'abord pour être dans le flow et il arrive parfois que nous enregistrions les résultats. Le disque ne représente qu'une infime partie de ce que nous considérons comme notre vie musicale. Mais j'ai besoin de la catharsis, de l'événement musculaire qui consiste à jouer de la musique. J'en ressens le besoin physiquement. Et puis la chanson s'estompe entre mes mains et la guitare, dans le bruit ou même dans le silence des morceaux acoustiques. Mais j'espère que la catharsis se produit avant que la chanson ne soit écrite. Bien que ces compositions soient autobiographiques, il ne peut s'agir uniquement de moi. La chanson doit m'utiliser... et non l'inverse…

Kristin Hersh serait-elle une version acoustique de Throwing Muses ou de 50 Foot Wave ?

Oui. Mais je continue à réaliser des disques bruyants. Mon album solo précédent, « Possible Dust Clouds », se révélait par exemple plus ‘noisy’ que celui de ces deux formations.

Au départ, je n'avais pas l'intention d'entreprendre une carrière en solitaire, mais je me suis sentie piégée par Warner Bros, notre maison de disques, à l'époque. Afin qu'ils nous laissent partir, j'ai proposé d'enregistrer un album solo, parce que j'étais la seule ‘Muse’ à leurs yeux. Et le label a fini par accepter.

Mon premier album solo visait donc à faire résilier le contrat de Throwing Muses avec Warner. Mais cette première expérience solo m'a permis de comprendre qu'au niveau de l'industrie musicale, Throwing Muses était un groupe dont personne ne se souciait. Raison pour laquelle j'ai créé Cash Music en 2007, bien avant le système de Crowdfunding.

Bipolaire

Vous avez souffert de troubles bipolaires. Existerait-il dès lors une sorte de bipolarité musicale entre Kristin Hersh en tant qu'artiste solo d'une part, Throwing Muses et 50 Foot Wave de l'autre ?

Oui. Car chaque chanson requiert un traitement différent. Je pourrais fonder 50 groupes et ne pas être capable de suivre ce que les chansons attendent de moi. Et c'est parfait ! Ce que je préfère, c'est entrer en studio au début d'une session d'enregistrement, en connaissant exactement tous les overdubs que je souhaite utiliser, en sachant où je vais placer le micro, quelles parties de cymbales je vais choisir. Je pense ainsi maîtriser tous les éléments et pourtant je me trompe toujours... je reste donc modeste (elle rit) …

Vic Chesnutt vous a-t-il inspirée et incitée à vous lancer, à votre tour, dans une carrière en solitaire ? Car cet opus m'y fait penser…

Oui bien sûr. Vic était tellement doué pour jouer ‘petit’. J'aimais trop le bruit et je me cachais derrière, vu que je suis très timide. Je ne voulais pas être au centre, au premier rang, devant le micro. Je souhaitais juste rester en retrait et me perdre dans la musique.

Vic m'a fait comprendre que l'on pouvait se perdre dans la musique tout en ‘se crucifiant’ devant tout le monde. Une sorte d'art qui n'oublie pas le divertissement. Il disait : ‘C'est notre travail de trouver un équilibre entre les deux et de nous montrer…’

Vic pouvait rester assis là sur scène en silence pendant très longtemps. J'ai finalement réalisé qu'il utilisait le silence comme un son, et la pause comme une mesure. On vient de découvrir que notre ouïe entend le silence comme un son... Une sorte de victoire posthume pour Vic Chesnutt (elle sourit).

Il utilisait un mur de silence comme vous utilisiez un mur de... sons ?

Oui. J'avoue que je me suis beaucoup amusé lorsque l'on m'a demandé de rédiger un livre à son sujet.

Synesthésie

Quelle est l'influence d'Allen Ginsberg sur votre écriture, vous qui l'avez rencontré au cours de votre enfance ?

Aucune (elle rit). Ginsberg a tout simplement écrit un poème à mon attention lorsque j'étais enfant. Mon vieil hippie de père vient d'ailleurs de me le renvoyer. Je n'ai pas vraiment lu Ginsberg, si ce n'est ce poème qui m'était dédié.

Vous êtes apparemment victime de synesthésie : vous voyez des accords musicaux en couleurs... Quelles sont dès lors les couleurs de cet elpee ?

Excellente question (elle rit). Une anecdote d'abord : je venais d'entrer dans un saloon de La Nouvelle-Orléans, le pianiste a joué un accord, un accord long et complexe, puis s'est arrêté m'a regardé et demandé : ‘Kris, de quelle couleur s'agit-il ?’ Et j'ai répondu : ‘Oh, eh bien, c'est bordeaux, mais il y a un peu d'orange brûlé à la fin. Et tout le monde d'acquiescer…’

Mais ce disque est en fait aussi un bordeaux argenté bordé de jaune doré. Et si je ne l'avais pas su, je n'aurais pas eu le courage d'atténuer l'effet de production, qui est extrêmement acoustique, mais bizarrement, rigide dans le rythme qui n'a pas une forme décontractée. Il s'agit donc de combiner la douceur décontractée de la technique sonore à chaque rythme, comme si l'on souffrait d'arythmie cardiaque tout en cherchant à en atténuer les effets. Le résultat m'est apparu particulièrement chatoyant, tout en demeurant très ancré dans une sorte de couleur douce-amère, comme le bordeaux... voire une bouteille de vin du même nom (elle rit). 

Kristin Hersh : « Clear Pond Road » (Fire Records/Kokurrent) : sortie le 8 septembre 2023.

Photo : Pete Mellekas

Grande voix et guitariste de tradition musicale cubaine, Eliades Ochoa se produira le 3 octobre prochain, à l’Ancienne Belgique, avec, sous le bras, ses dernières compositions les plus personnelles et son album... de souvenirs…

Dernier gardien du ‘son cubano’, Eliades Ochoa, dont l’allure évoque un Johnny Cash cubain, est l'un des ultimes survivants du Buena Vista Social Club. A 77 ans, le chanteur et gratteur cubain vient de graver son elpee le plus personnel, truffé de compositions personnelles. Il y évoque sa vie ainsi que ses souvenirs ; et, en concert, ses amis aujourd'hui disparus du ‘Club’....

Il a fallu vieillir avant d’être en mesure d'écrire vos propres chansons… autobiographiques ?

Je n'avais jamais joué le guajiro (paysan) typique sur d'autres disques et j'ai recherché la nouveauté, un autre rythme : ces chansons trottaient dans la tête et la guajira (musique de la campagne) me permettait d'aborder un répertoire plus contemporain et personnel...

Pourquoi maintenant ?

Parce que j'ai enfin commencé à travailler de façon indépendante et à écrire mes compositions. Auparavant, je bossais pour des labels, qui me demandaient d'interpréter des standards cubains, surtout des années cinquante. Dorénavant je suis plus libre et je peux chanter ce qui me plaît.

Villes et champs

Être d'origine paysanne vous différencie-t-il d'autres musiciens et chanteurs cubains issus des villes ?

Je suis un paysan, un fermier originaire des montagnes. J'aime l'atmosphère de la campagne où la musique guajira est présente partout : dans les danses, au cours des fêtes et des réunions familiales. Raison pour laquelle je suis si à l'aise pour en composer et en interpréter.

A la campagne, les ‘sons’ cubanos, les guarachas et les styles proches sont également appréciés.

Pensez-vous que la musique rurale est plus authentique que l’urbaine ?

Bien sûr. Le musicien paysan est plus humble, n'attend rien, ni argent ni gloire de la musique qu'il joue. Ces artistes interprètent et transmettent cette musique authentique et traditionnelle par amour pour elle ; ils sont à la base de la musique cubaine.

Vos parents étaient également musiciens...

Et tous deux étaient doués : mon père plus que ma mère, mais il n'était pas professionnel ; il jouait lors de réunions familiales et était excellent musicien.

Qui y a-t-il de spécifique à la guajira, à ce style de musique, par rapport au ‘son’ (NDLR : le ‘son’ est un style cubain dansant qui a acquis une reconnaissance internationale à partir des années 30 ; son rythme combine la structure et les caractéristiques de la musique espagnole avec des éléments et instruments musicaux afro-cubains et indigènes).

Il s'agit de deux rythmes et styles différents. Il est plus facile de danser le ‘son’. La guaracha est similaire au ‘son’, mais plus proche du boléro, et requiert parfois trois notes là où le ‘son’ n'en demande que deux.

Et la guaracha ?

Elle est plus proche de la salsa et n'a rien à voir avec les deux autres styles musicaux. On peut danser sur ces trois types de musique ; mais en effet, la guaracha est plus rapide.

Lorsque vous jouez, pensez-vous à tous ces musiciens du Buena Vista Social Club qui sont décédés depuis...

Forcément. Quand je me produis sur une scène, je parle aussi d'eux, de ceux qui ne sont plus là physiquement. J'évoque leur souvenir. J'interprète encore de nombreux morceaux du Buena Vista au cours desquels je ressens la présence de Compay, d'Ibrahim, de Rubén, Pio, Guajiro, notamment sur "El Cuarto de Tula" ou "Chan Chan". Je me rappelle tous mes vieux compagnons et je chante pour eux.

Ry Cooder

Êtes-vous toujours en contact avec Omara Portuondo, l'autre grande survivante du Buena Vista Social Club ?

Je ne l'ai pas vue depuis l'année dernière, mais je suis toujours au courant de son travail, de sa carrière et de ses tournées. La dernière fois que je l'ai rencontrée, c'était lors d'un festival en Espagne.

Une future collaboration est-elle prévue ? 

Tout dépend des labels, mais il n'existe pas de projet actuellement.

Avez-vous des nouvelles de Ry Cooder et Nick Gold ? Et, à votre avis, lequel des deux a été le plus important dans la résurrection internationale de la musique cubaine au travers du Buena Vista ?

Réaliser un album cubain était une idée de Nick Gold, mais la maîtrise en revient à Ry Cooder. A mon avis, ils se partagent équitablement la paternité du projet Buena Vista.

Mais je n'ai plus eu de contact avec Ry depuis la pandémie. Cependant, j'entretiens des relations régulières avec Nick, qui vient me voir chaque fois que je me produis à Londres. Nous nous téléphonons et échangeons par mail régulièrement.

Vous étiez très jeune quand la révolution cubaine a éclaté. Quelles en ont été les conséquences pour les musiciens ?

J'avais à peu près 17 ans lorsque j'ai commencé ma carrière professionnelle. C’était en 1963, dans une station de radio. J’étais payé par l'État cubain. Le ministère de la Culture a remplacé ensuite le Conseil national de la Culture, en centralisant les musiciens et les artistes au sein d’une même institution.

Les musiciens ou les groupes travaillaient selon les directives du ministère. Nous ne pouvions exercer notre métier de manière indépendante, mais seulement suivant la structure imposée par le ministère…

Est-ce encore le cas aujourd'hui ?

C'est toujours pareil. Les artistes dépendent du ministère de la Culture et du Centro de la Música de Cuba, pour pouvoir se produire l'étranger, notamment.

Vous avez accompagné Bob Dylan et Manu Dibango, entre autres ; comment avez-vous rencontré Joan Wasser, plus connue sous le patronyme de Joan as Police Woman avec qui vous chantez en duo sur cet opus ?

Je ne la connaissais pas personnellement, mais j'étais très content que le label propose que nous partagions un duo ensemble, car j'adore sa voix. Connaissant ma carrière, elle a tout de suite accepté, d'autant qu'elle adorait la chanson. J'en suis très fier...

Quel genre de musique cubaine actuelle écoutez-vous ? Orishas, Los Van Van ?

J'écoute d'abord ma propre musique dans le but de constamment l'améliorer. Cuba est une île musicale qui regorge de bonne musique. J'apprécie surtout le genre originaire de Santiago de Cuba, le ‘son’. J'adore par ailleurs la llanera, la musique traditionnelle du Venezuela, mais également Los Tres Reyes, un ancien trio mexicain, et la vieille musique cubaine, celle de Los Embajadores, Benny Moré ou Celia Cruz, sans oublier bien sûr les albums des années cinquante de Los Compadres, premier groupe de mon ami disparu Compay Segundo.

Vivant désormais à Madrid, j'écoute aussi la musique espagnole actuelle, notamment la copla et surtout Joselito qui affiche, à peu près, mon âge. J'adore ce qu'il fait, tout comme le flamenco.

Comptez-vous enregistrer un album de flamenco ?

Je ne dis pas non, mais ce serait irrespectueux à l’égard les vrais artistes flamenca (il rit).

Mais cela me plairait d'explorer cette direction...

Eliades Ochoa se produira en concert à l'AB le 3 octobre prochain.

Album "Guajiro" (Word Circuit), paru le 26 mai 2023.

 

En 35 ans de carrière, Mudhoney a publié 13 albums ! Issu de Seattle, la ville de la pluie, le quartet est considéré comme un des pionniers du grunge, mais sous une forme plus proche du punk et du garage rock que du metal, tout en véhiculant des textes politiquement engagés à l’humour féroce. Plastic eternity », son dernier elpee, est paru en avril dernier. Marc Arm, cofondateur, chanteur et compositeur du groupe, qui est aussi le manager du dépôt de l’écurie Sub Pop, s’est plié à l’exercice de l’interview. Agé de 62 ans, il démontre que la musique du band n’a rien perdu de sa plasticité...

« Human Stock Capital », titre qui figure sur ton nouvel LP, me fait penser à un mélange entre le punk de The Damned et le metal de Motörhead...

C'est Dan Peters, le batteur, qui a enregistré cette démo au milieu des années 90, mais il ne nous l'avait jamais soumise auparavant. Au départ, il tentait de composer un morceau de punk rock comme on entendait dans le sud de la Californie, à la fin des seventies ; et on y décèle, en effet, des références à Motörhead et The Damned que tout le monde adore au même titre que les Stooges, au sein de Mudhoney.

Le texte de cette chanson est très critique à l’égard du système libéral, aux USA…

Alors que la covid faisait rage et que tout devait être fermé aux USA, des pressions ont été exercées afin que les abattoirs restent ouverts. La population devait quand même bouffer ! Aux États-Unis, le personnel de ces entreprises est en grande partie composé d'immigrants illégaux, que l'on peut dès lors obliger à effectuer des travaux dangereux pour un salaire ridicule. Et ces ouvriers clandestins bossaient dans un cadre favorable à la promiscuité, comme si c’était une chaîne de montage. A l'époque, l'un des conseillers économiques de Trump a voulu rassurer la population en déclarant à la télévision que le stock de capital humain était toujours opérationnel. Une manière incroyablement insensible et vraiment dégoûtante de parler d'êtres humains, comme s'il s'agissait de machines. Ce qui m'a inspiré les paroles de cette chanson.

Au sein de la scène de Seattle vous avez toujours été le seul band à véhiculer des thèmes politiques...

Oh, je n'en suis pas si sûr ! The Fartz était un groupe politiquement très engagé comme beaucoup de formations punk issues de Seattle…

Nous avons tous, les Nirvana, Alice in Chains, Soundgarden ou Pearl Jam fait nos dents sur la scène punk rock hardcore locale. Mais qui écoute le discours politique d'un gosse de 16 ans ? Certains de mes groupes préférés étaient très politiques, comme les Dead Kennedys et Really Red qui, dans ce domaine, était probablement le plus intelligent de la scène hardcore américaine.

Comme pionniers de la vague de Seattle et donc du grunge, n'avez-vous pas souffert d'un manque de reconnaissance au cours de votre carrière ? 

Non. C'est juste une question de chance, mais nous savions très bien que le genre musical dans lequel nous nous lancions n'était pas le plus commercial. Nous ne pensions pas tenir trois ans... encore moins 35 (rires) !

L'humour est important à vos yeux ?

Essentiel ! Nous pouvons peut-être parvenir à faire rire quelqu'un avec une de nos chansons... Et tant mieux si nous arrivons à le faire réfléchir en plus.

Mais nous n'avons pas pour objectif d'être un groupe de comiques. J'espère que le public trouve parfois nos chansons marrantes, mais je ne souhaite pas qu'il s'imagine que nous sommes seulement une bande de rigolos qui désespère de faire rire...

A Seattle, la municipalité a baptisé une ‘sewage boring machine’ de votre nom... vous n'êtes pourtant pas boring.

Tout dépend du type de musique que vous aimez (rires) !

La ville de Seattle tente de faire participer les citoyens à un projet d'infrastructure en les incitant à choisir, par exemple, un nom pour les différents véhicules de chantier qu'elle achète pour la collectivité. Ayant acquis une foreuse de tunnels d'égouts, les autorités ont organisé un concours pour lui attribuer un nom. Un fan du groupe a lancé une campagne pour inciter les gens à voter pour nous sur les réseaux sociaux... et voilà le résultat (rires) !

Sur « Here Comes Tte Flood », justement, vous parlez de vaches. Un clin d'œil adressé à votre album de référence « My brother The Co », paru en 95 ?

Non, plutôt aux personnes qui aux Etats-Unis, durant la pandémie, ont absorbé du vermifuge pour vache et cheval afin de combattre le virus. Des individus voulaient absolument éviter de se faire vacciner et ont testé des trucs stupides qui les ont vraiment rendus malades. Il y a tout un tas d'idiots qui croient à toutes sortes de bêtises. De cette foutue religion à Qanun, c'est pareil : du déchet (rires) !

Certains tentent désespérément de trouver une explication ou un sens, là où il n'y en a pas...

Quel est le lien entre la musique et la pluie à Seattle, rebaptisée ‘The Rain city’ ?

Je suppose que l'une des corrélations avec la pluie incessante, c'est qu'il faut imaginer des activités à accomplir à l'intérieur. Cependant, si vous grandissez en Californie, il est plus tentant de passer son temps à la plage plutôt que répéter. Vous n'allez tout de même pas vous enfermer dans un sous-sol avec des potes à retravailler sur un morceau alors que vous pourriez être dehors pour surfer, nager ou mieux encore, mater les filles en bikinis (rires) …

Mudhoney : « Plastic eternity », paru le 7 avril 2023

 

 

Emmené par Steve Wynn, The Dream Syndicate Groupe est un groupe culte des eighties. Ressuscité il y a dix ans, il a pris une autre dimension depuis sa reformation, symbolisée par "Ultraviolet Battle and True Confessions" son dernier elpee, comme l'explique son leader…

Californien devenu new-yorkais il y a 25 ans, Steve Wynn a réactivé The Dream Syndicate en 2012, plus de vingt ans après sa disparition. Auteur, par ailleurs, d'une carrière solo intéressante, lui et son nouveau ‘syndicat’ ont depuis 2017 gravé autant d'albums studio, c'est-à-dire quatre, qu'au cours de leur période initiale. Le dernier confirme la tendance observée depuis la reformation, celui d'un passage des guitares noisy à un univers psychédélique krautrock mêlé de jazz et de shoegazing assumés et… assurés.

Qui a-t-il de changé depuis la reformation du groupe en 2012 ?

Ces quatre derniers albums, dont celui-ci, nous ont permis de réécrire la fin de notre propre histoire, tout en préservant le son, l'esprit et l'épopée du groupe initial, mais en les décalant vers un psychédélisme, en migrant d'une formation de guitares ‘en avant’ vers du rock alternatif au synthé à l'image des Headphones, une image plus fidèle de ce à quoi nous voulions correspondre dès le départ. Bref, nous sommes meilleurs aujourd'hui que nous ne l'étions à l'époque.

Votre carrière solo a-t-elle modifié votre vision du groupe ?

C'est certain. Je me souviens qu'au moment d'enregistrer ces quatre premiers albums, autant j'adorais ça, autant j'étais dans un état de panique constante en studio, craignant qu'avant la fin de l'enregistrement, nous ne soyons en mesure de finaliser le morceau tel que je l'avais imaginé. Au fil du temps, je suis devenu plus à l'aise tant pour composer, entrer en studio ou monter sur scène.

Ce n'est plus un problème, mais une sorte de seconde nature, exempte d'une quelconque nervosité ou insécurité. On peut appeler cela l'expérience… (il sourit)

Vous vivez à New York à présent. Le fait d'y déménager a-t-il influé sur votre musique ?

Absolument. J'ai déménagé de Los Angeles il y a quasi trente ans, après la première période du groupe. J'ai toujours aimé New York et souhaité y vivre. J'y suis venu pour la première fois lorsque j'avais 21 ans et suis tombé amoureux de la ville. Pas seulement à cause de la vitesse, de la vibe et du look de cette mégapole, mais également de sa culture musicale, que ce soit le Velvet Underground, Television ou les Ramones, la littérature, Norman Mailer, le cinéma avec Martin Scorsese... bref, tout ce qui était New York m'attirait.

Et lorsque j'ai déménagé, tout a changé pour moi. J'étais sans doute dans une période de doute et d'incertitude, plus jeune ; m’installer à New York m'a procuré un capital confiance. Je ne pourrais imaginer vivre autre part.

Est-ce un cliché de prétendre que New York est la plus européenne des villes américaines ?

Pas forcément européenne, mais certaines mégapoles vivent en dehors de leur propre pays. Quand on me demande ce que je pense en tant qu'américain, je réponds : ‘Je ne suis pas américain, mais j'habite New York’ (rires)…

Votre musique sonne un peu comme du punk new-yorkais justement, celui de Televison, d'Alan Vega…

C'est sûr. Je suis né et j'ai grandi à Los Angeles, et je serai le premier à défendre cette ville. Mais, même si j'apprécie les Beach Boys ou Buffalo Springfield, ces formations n’ont jamais fait partie de ce à quoi j'aspirais musicalement, ce côté ensoleillé, poppy. J'étais plutôt dans la veine de Suicide, plus noire. Nous, The Dream Syndicate, ne sommes pas des gens sinistres dans la vie, mais, musicalement, nous gravitons autour de ce genre d'ambiances.

"Damian" est une compo qui aurait pu naître de la rencontre entre Roxy Music et de Steely Dan ; et justement, ils étaient issus de New York...

S'il existe un groupe chez The Dream Syndicate qui met tout le monde d'accord au niveau des influences, c'est bien Roxy Music, dont nous sommes tous de grands fans. En compagnie de Jason Victor, le guitariste, nous avons monté, à New York, un groupe de reprises de Roxy Music auquel nous nous consacrons notre temps libre. Sal Maida, notre ami bassiste dans cette formation ponctuelle, était d'ailleurs celui de Roxy Music, au cours des seventies.

Quant à Steely Dan, il a toujours été un de mes groupes favoris. Ce qui est amusant à propos de ce duo new-yorkais, pour en revenir à la comparaison Los Angeles-New York, c'est qu'en surface ils possèdent ce côté harmonie et cette superficialité californienne, démentie par un propos souvent grave.

Et j'ai toujours aimé cette étrangeté sombre sous la surface ensoleillée.

"Damian" est en effet une sorte de chanson pop lumineuse, mais dans laquelle quelque chose se produit au niveau des personnages, des paroles, de l'histoire et même de la musique. Il y règne un trouble indéchiffrable et inquiétant. Une chanson, en effet, très Steely Dan…

C’est pareil pour le titre de notre album. Steely Dan communiquait à ce sujet quelques indices et il appartenait à l'auditeur d’imaginer le reste. Une idée qui nous plaisait...

À votre avis, quels groupes pourraient être vos successeurs ?

Certaines formations sont fan de notre musique comme Yo La Tengo, Galaxy 500 et même les Black Crowes. Je ne parlerais pas de successeurs, mais tous les musiciens que je connais sont avant tout de grands fans de musique possédant des collections de disques impressionnantes ; en tout cas ceux de ma génération. Nous étions tous des mordus de musique qui ressentaient le besoin irrépressible de nous intégrer nous-mêmes dans notre collection de disques... c'était notre plus grande motivation ! (il rit)

Je me souviens avoir jeté un œil sur la mienne en me disant : ‘Ah, the Dream Syndicate est avant Dylan, mais après les Doors’. Se voir soi-même rangé parmi les albums de vos artistes préférés vous rend fier. Les groupes d'aujourd'hui qui nous apprécient et sonnent un peu comme nous ont sans doute la même panoplie de disques que nous ; peut-être ont-ils écouté The Dream Syndicate, mais certainement le Velvet, Television et des artistes de ce genre. Nous appartenons à la même mouvance que les Modern Lovers, The Only Ones ou The Gun Club…

Etre culte vous laisse quelle impression ?

(Il rit) Je suis très satisfait de ma vie, de ma carrière. J'ai en fait connu le parcours que la plupart de mes héros ont vécu.

Je connais beaucoup de formations qui rêvaient d'être les Beatles, que j'aime, mais je savais que ce ne serait pas moi. J'en ai observé d'autres qui ont développé et inspiré un public réduit, mais fidèle et dévoué, et qui procuraient l'envie à ceux qui les écoutaient de faire de la musique ou de trouver dans leur existence une certaine clarté. À mon tour, j'ai connu cette carrière... ce qui me convient très bien (il sourit)

The Dream Syndicate : Ultraviolet Battle and True Confessions (Fire Records / Konkurrent)

En concert

20 octobre 2021 – Het Depot, Louvain

21 octobre 2021 – De Zwerver, Leffinge

 

 

samedi, 30 avril 2022 12:00

Un charpentier sans langue de bois…

En gravant "Tambour Vision", mais sans trompettes, Bertrand Belin propose un album dénudé, mais pas dénué d'intérêt…

Après avoir joué dans la comédie musicale des frères Larrieu, ‘Tralala’, dont il a composé la musique, c'est le mode du huis-clos qu'a choisi Bertrand Belin pour son nouvel et septième elpee. En fait, un tête-à-tête face à son complice de longue date, Thibault Frisoni.

Le Breton aux paroles parfois granitiques, qui est aussi écrivain et comédien, dépouille, dans "Tambour Vision", sa musique. Une musique qui évoque quelquefois aussi bien Erik Satie qu'une cold wave épurée, organique et parfois ironique, tout en rendant hommage, dans les textes et la voix, à Kat Onoma ainsi qu’au regretté Alain Bashung au travers d'une fantaisie qui n'a rien de gratuite ni de… militaire.

L'opus est à ce point dépouillé que "Carnaval", le titre de la première chanson, constitue plutôt un appel à tomber le masque…

Pour "Carnaval", je voulais plutôt nous montrer tel que nous sommes, l'envers du décor, de l'homme comme je le signale dans la chanson. De renverser les codes sociaux, les valeurs de comportement, les évidences, les genres, de mettre les choses cul par-dessus tête.

Le mot cul revient d'ailleurs souvent dans l'album ?

Me rendant compte que tout le monde en avait un, je me suis dit qu’en parler allait intéresser les Français. (rires)

"Que Dalle Tout" révèle un aspect Mathieu Bogaerts, mais également électronique dépouillée à la Ellie et Jacno.

C'est en effet très dépouillé comme chez Mathieu Boogaerts auquel le morceau ressemble dans la pulsation, la manière d'agencer les rythmes entre eux qui est assez méticuleuse. Mais il s'agit d'une autre esthétique

"Tambour" adopte un profil années 80, cold wave, Stranglers époque "La folie"…

C'est sûr ! Une époque où les synthés étaient très présents, mais où l'on n'en avait pas complètement fini avec le rock, le punk ayant sévi juste avant. Ellie et Jacno procèdent de ce post punk qui vient s'aciduler avec les synthés. J'aime bien cette période que je n'ai pas connue, car j’étais trop jeune. Les synthés sont revenus en odeur de… sainteté depuis une vingtaine d'années ; soit en revisitant des œuvres très savantes, dans l’esprit de Pierre Henry, soit en se référant aux productions des années 80, comme celles de Madonna.

Mais d'autres musiciens comme ceux de Can, Alan Vega ou Martin Rev taquinaient aussi ces machines. J'ai davantage le goût de cette esthétique rock plutôt que de la variété du style Michel Berger, qui a suscité beaucoup d'émules en France.

J'aime les styles râpeux.

Paradoxalement, vous utilisez le mellotron que l'on associe plutôt à la vague psychédélique ?

Je l'utilise surtout pour les instruments à vent, bien que je me serve souvent du sax ou des flûtes, mais pas à la façon des Beatles sur "Strawberry Fields". Dans cette ambiance de sons synthétiques et de boîtes à rythmes qui caractérise cet album, le mellotron apporte une dimension analogique. Les non-spécialistes ont l'impression d'entendre des saxophones.

Dans "Que Dalle Tout, vous chantez ‘je viens d'une ligne de zéros’.

Il y a un côté déterminisme social dans la chanson. Pierre Bourdieu, sociologue disparu il y a tout juste 20 ans, cela vous parle ?

Oui, bien sûr, mais je chante ‘je viens d'une longue lignée de zéros et de uns’. Bourdieu m'intéresse, mais c'est avant tout mon expérience personnelle qui me parle.

Et puis des ausculteurs de transferts de classes et de l'atavisme, il y en a d'autres…

Quelque chose se joue du côté de l'héritage dans la vie : il y a ceux qui héritent d'une lignée d'ivrognes et d'autres d'une multinationale. On pourrait peut-être organiser des petits passages entre ces deux ensembles afin de partager les choses.

Mas je ne parle pas d'une lignée de zéros au sens péjoratif du terme. Les zéros et les uns signifient d'abord qu'il y a couples ; cela évoque ensuite le code binaire de l'informatique, de la sécurité sociale, de gestion des générations. C'est une allusion ironique au fait que nous ne faisons que passer dans les méandres de l'économie planétaire.

"Le Maître de Luth" me fait penser à Robert Wyatt…

Vous ne pouvez pas me faire plus plaisir. C'est une chanson qui subit les influences du jazz et d'un certain lyrisme opératique réalisé avec trois bouts de ficelle.

Et puis il y a le chant élégiaque de Robert Wyatt. Ainsi que cette forme de liberté la plus large possible, même si le résultat est assez caressant. Chez Wyatt, les formes musicales ne sont pas aussi tarabiscotées, mais elles sont accessibles et singulières en même temps. On devine beaucoup de gentillesse et de bonté chez Robert Wyatt.

Sur cet elpee, on sent une liberté qui évoque Eric Satie : un côté ironique, une audace, tout en restant dépouillé…

Il y a d'ailleurs sur "Que Dalle Tout" une petite citation des "Gymnopédies" dans la ligne de saxophone.

Satie m'a toujours paru sympathique ; outre sa musique dont j'aime particulièrement "Pièces froides", il s'agit d'un personnage qui évolue à la lisière de la musique savante, mais qui, dans la forme, a réussi à intéresser les amateurs de pop et de rock. Il pratiquait une forme musicale qui se transmet sans doute plus facilement que Schoenberg… (il rit)

Satie influence beaucoup les musiciens d'aujourd'hui, y compris les adeptes de la musique électronique.

On vous compare souvent à Bashung à cause de votre façon de chanter et de vos paroles cryptiques, …

Ce n'est pas insultant. Je suis né dans un monde où il était déjà chanteur. Il représente pour moi une des modalités possibles de la francophonie dans la musique rock et la pop.

Il y en a d'autres, mais mon goût me guide plutôt vers Bashung.

Quelqu'un qui s'intéressait à la fois à la musique dans son versant expérimental, et possédait en même temps un fort tropisme pour le rock blues américain… un appétit de modernité, un intérêt pour la poésie, contemporaine en particulier, une fantaisie dans le découpage de ses textes, combinée parfois à une profondeur tragique.

Je me reconnais dans ces éléments.

Charpentier comme lui, je travaille aussi le bois. Logique dès lors que nous partagions des troncs communs… (il sourit)

 

 

 

 

Ex-membre de Crosby, Stills, Nash & Young, Graham Nash sort son premier album ‘live’… à 80 ans !

Fondateur des Hollies dans les sixties, membre CS&N puis de CSN&Y, il peut se targuer d’une carrière impressionnante de musicien, mais aussi de photographe, voire d'auteur ; et bien que Britannique, il n'a jamais cessé de s'engager aux Etats-Unis pour la paix, la dénucléarisation ainsi que la justice sociale, et ce, jusqu'à aujourd'hui.

Jeune… octogénaire, il sort aujourd'hui un live qui reprend intégralement ses deux premiers elpees solos, assurément les meilleurs…

C'est votre premier LP ‘live’ depuis le début de votre carrière solo : pourquoi maintenant ?

L'explication tient en deux mots : mon épouse ! (rires)

Elle souhaitait absolument que j’interprète les morceaux de mes deux premiers albums solos dans leur intégralité. Vu cette pression maritale, j'ai monté ce projet.

Des titres comme "Military Madness" ou "Be Yourself" résonnent malheureusement toujours de façon très actuelle…

En effet. Je viens de terminer une tournée de 22 dates, et d'habitude je commence le concert par une chanson classique de mon répertoire, afin que les spectateurs s'installent tranquillement, rejoignent leur fauteuil, tombent la veste….

Mais à cause de la guerre en Ukraine, j’ouvre désormais mon set par "Find The Cost of Freedom" de Crosby, Stills, Nash and Young pour ensuite embrayer par "Military Madness", en parlant de l'Ukraine et de Poutine.

Comme cofondateur de MUSE (Musicians United for Safe Energy) en 79, une organisation qui luttait contre le développement des installations nucléaires, continuer encore et toujours à vous battre pour la dénucléarisation de la planète doit vous paraître insensé ?

Le reste du monde est complètement terrifié par la perspective que quelqu'un comme Poutine, dont beaucoup aujourd'hui pensent qu'il est actuellement une sorte d'handicapé mental, a le doigt sur le bouton de cinq mille têtes nucléaires. Chacune d'elles sont mille fois plus puissantes que les bombes qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki.

Si Poutine est poussé dans ses derniers retranchements, il ne fait nul doute dans mon esprit qu'il appuiera sur le bouton.

Cette forme de ‘protest songs’ est donc toujours d'actualité ?

C'est certain, et pour d'autres sujets comme l'immigration ("Immigration Man", enregistré en compagnie de David Crosby), "Oh ! Camil", chanson que j'ai écrite au sujet du Vietnam…

Toutes ses compos prennent encore sens aujourd'hui. Rien n'a changé…

Et même lorsque vous avez participé à ‘Occupy Wall Street’ en compagnie de David Crosby ?

Absolument, et pourquoi pas ? A mon âge, j'essaie encore de vivre la meilleure existence qui soit.

Seriez-vous une sorte de Bernie Sanders du rock ?

(il rit). J'adore Bernie. J'ai voté pour lui et je l'ai supporté durant sa dernière campagne.

En ce qui concerne "Chicago : We Can Change The World", vous vous référez à Trump, mais en modifiant les paroles. Pourquoi ?

Parce que ce sont toujours les mêmes satanés événements qui se produisent encore et encore. On dirait que nous n'avons rien appris de l'histoire, de l’avènement et la chute des empires…

Je voulais faire comprendre au public que cette folie militaire dure depuis des siècles, et durera encore pour les siècles à venir. Parce que l'humanité, à ces niveaux de pouvoir, est tout à fait stupide.

Vous êtes également un pionnier en matière d'écologie…

Pourquoi pas ? Nous n'avons qu'une planète…. et nous sommes occupés de la détruire.

Qu'allons-nous faire ensuite ?

Déménager sur Mars ou la Lune et commettre les mêmes erreurs ?

Julian Assange peut désormais être extradé de Grande-Bretagne vers les États-Unis. Comme anglo-américain, qu'en pensez-vous ?

Il essayait d’accomplir ce qui était juste. Julian Assange a toujours tenté d’étaler la vérité au grand jour, et malheureusement il s'est retrouvé prisonnier de la politique britannique. Et je réprouve son extradition vers les États-Unis où il sera jugé.

Les journalistes devraient toujours être protégés.

Au cours de votre carrière, vos photographies se sont-elles révélées plus importantes que vos mémoires publiées en 2014 ou est-ce l'inverse ?

Ma musique, la photographie, mes écrits ou mes positions émanent tous de la même énergie. Je supporte l'underdog : je soutiens toujours l'équipe qui n'était pas sensée gagner, mais qui y est parvenue. Aux cow-boys, je préfère les Indiens…

Durant votre période Crosby, Still and Nash, vous aviez hérité du surnom Willy. Pourquoi ?

Parce que mon identité complète est Graham William Nash. C'est ainsi que je devine l'âge de mes amis… S'ils m'appellent Willy, c'est qu'ils me connaissent depuis au moins cinquante ans ! (rires)

Que faisiez-vous de votre ‘englishness’ à l'époque dans un groupe américain ?

Rien. Disons que j'ai juste apporté le savoir acquis chez les Hollies, que j'avais fondés avec Allan Clark, en décembre 62.

Mais vous étiez anglais ?

Oui, je crois (rires). J'ai amené avec moi la faculté d'écrire une chanson que vous ne pouviez oublier si vous l'aviez écoutée deux fois. Faculté que nous possédions chez les Hollies. Il est cependant vrai que nous alignions des tubes dont les mots n'étaient pas d'une profondeur vertigineuse.

Lorsque j'ai déménagé en Amérique pour rejoindre David Crosby et Steven Stills, je me suis rendu compte que si je pouvais mettre davantage de profondeur dans les paroles, je signerais de meilleurs morceaux.

Quelle est l'importance du skiffle dans votre carrière ?

Il est essentiel. Parce qu'il était à la fois facile de pratiquer ce genre musical et de former un groupe lorsque vous saviez en jouer : une guitare acoustique bon marché, la planche à laver sur laquelle votre grand-mère avait l'habitude de préparer la lessive, et des dés à coudre au bout de doigts qui servaient de percussion.

Après la Deuxième Guerre mondiale en Angleterre, la plupart des garçons de 15 ans n'avaient pas grand-chose à faire et manquaient d'argent ; mais si vous pouviez vous offrir une guitare acoustique bon marché, et que vous connaissiez trois accords, vous pouviez pour ainsi dire jouer toutes les chansons que Buddy Holly avait écrites.

Une sorte de musique do-it-your-self ?

Tout à fait.

John Mayall et vous êtes deux survivants d'une époque…

C'est sûr. Mais vous devez bien comprendre qu'il est bien plus âgé que moi ! (rires)

J'ai assisté au concert d’Andrés Segovia, le génie espagnol de la guitare à San Francisco alors qu'il avait 92 ans et il m'avait ébloui.

Si je parviens à vivre jusqu'à cet âge, je voudrais bien continuer à jouer de la musique comme lui.

Il n'y a pas d'âge pour le rock ?

Non, même Mick Jagger a plus de 30 ans ! (rires)

Graham Nash : « Live – Songs for Beginers / Wild Tales » (V2) paru le 6 mai 2022

 

Près de quarante-cinq ans d'existence pour Duran Duran, archétype des groupes de nouveaux romantiques au cours des eighties qui, malgré les changements de personnel, s'est maintenu à flots, a vendu plus de 80 millions d'albums, et sorti fin de l'année dernière « Future Past », sans doute l'un de ses meilleurs opus depuis... le premier. Rencontre avec le bassiste John Taylor, co-fondateur du groupe, qui lui aussi semble insensible au passage du temps. Ce qui atteste que Duran Duran est fait pour encore... durer durer…

Vous avez fondé Duran Duran en compagnie de Nick Rhodes lorsque vous fréquentiez une école d'art, tout comme Bryan Ferry de Roxy Music que vous écoutiez, et vous avez conçu la pochette du premier elpee. Quelle a été l'importance des arts dans la naissance de Duran Duran ?

Il existe une tradition, chez les musiciens anglais des années soixante notamment, de fréquenter les écoles d'art. Si vous ne vouliez pas passer par le versant académique de la musique, ce que très peu de musiciens rock ont fait, les écoles d'art ont toujours été une façon de prendre le temps. Par exemple, si vous ne voulez pas commencer un travail parce que vous avez un rêve, et certainement pas un boulot qui pourrait saper votre énergie et votre enthousiasme, vous optez pour l'école d'art ! (il rit)

Ce n'est pas que peindre et dessiner ne m'intéressait pas, mais, en même temps, à l'époque, en fréquentant ce genre d'école, il me semblait qu’il aurait été plus facile de rencontrer quelqu'un prêt à se lancer dans l’aventure d’un nouveau groupe. Et c'est ce qui s'est produit.

Vous êtes issus de Birmingham ; mais êtes-vous plus proche de Black Sabbath, originaire de la ville ou du club de foot local d''Aston Villa dont vous êtes ‘supporter’ ?

(il rit) Je pense que les deux appartiennent à la légende de la cité. Mais c'est une ville intéressante lorsque l'on grandit. Ce n'était pas une grande métropole comme Londres, mais tout passait par Birmingham. Et c'était une ville qu'il était facile à conquérir. Lorsque j'étais adolescent, je connaissais chaque salle de concert, chaque disquaire, chaque ruelle de la cité.

En Angleterre, les habitants des Midlands, les Midlanders, sont considérés comme humbles et tranquilles. Plutôt un profil ouvrier et pas du tout arrogant ou bling-bling.

Trois d'entre nous sommes issus de Birmingham et y avons grandi. Simon y étudiait l'art dramatique à l'université, tout en étant originaire de la région de Londres, et Andy Taylor, notre guitariste, venait lui du Nord-Est de l'Angleterre, de Newcastle très exactement ; un gars du Nord, plus rugueux, qui est descendu dans les Midlands pour rejoindre la formation.

Bien que le noyau dur soit originaire de Birmingham, nous possédions ces deux particularités : un côté plus brut, plus dur, qu'Andy apportait avec lui du Nord et de l’autre, une sophistication que Simon amenait de Londres. Quelque part, l’arrivée de ce dernier atténuait ce caractère des Midlands qu'aurait pu afficher Duran Duran ; cette image du type moyen que nous aurions pu incarner en provenant tous de cette région d'Angleterre. Cela nous a bien aidés...

Que reste-t-il, d'après vous, de l'image des nouveaux romantiques, aujourd'hui ?

Je ne sais pas… Focalisons-nous d'abord sur ce qu'elle était à l'époque. Commençons d'abord par le punk, qui était en colère, politique. Un genre autocentré, pas romantique, pas de la musique sur laquelle danser. Un mouvement plutôt rebelle.

La vague suivante, la new wave, admettait les chansons d'amour, au contraire du punk, et, opérait un retour à des morceaux sur lesquels il était permis de danser... et pas de pogoter.

Les nouveaux romantiques en étaient une forme sophistiquée et Simon était sans doute le parolier le plus romantique du début des années 80.

C'est certainement l'une des raisons pour lesquelles les jeunes filles aimaient tant notre musique.

C'était très ‘keatsien’, très poétique, et, en même temps, oblique, inhabituel : ‘des devinettes enveloppées dans des énigmes’ comme l'on dit en anglais, à l'instar de la chanson "The Reflex".

La situation est compliquée aujourd'hui, car musicalement, nous ne sommes pas dans une période hautement romantique

La vague suivante, illustrée par U2 et Sting, se voulait d'une intense réalité. De la musique pour les masses.

Simon venait du punk ?

Mais le punk se concentrait vraiment sur la singularité. C'était avant tout un esprit, qui donnait l'envie de jouer, mais je n'ai jamais voulu écrire de chansons politiques.

J'écoutais bien sûr les Clash et j'aimais leurs paroles et leur engagement, mais je savais que musicalement ce ne serait pas mon truc.

Notre dernier album « Future Past », sorti fin de l'an dernier, est très romantique et le line up du groupe est le même que sur le premier, hormis le guitariste. Il y a donc une philosophie légèrement autre dans le groupe, parce que désormais Graham Coxon de Blur nous a rejoint. Un musicien un peu plus intellectuel qu'Andy Taylor. C'est un tantinet plus existentiel, plus réfléchi, mais dans les grandes lignes, c’est le même mode opératoire que sur le premier album.

D'une certaine façon, quarante ans plus tard, Duran Duran est encore un groupe de nouveaux romantiques.

Nick Rhodes n'arrête pas d'asséner que nous sommes ‘un groupe moderne, un groupe moderne…’ Et j'avais l'habitude de lui rétorquer : ‘What the fuck does that mean ?’ (rires)

Mais désormais, je suis en mesure d'apprécier de ne pas être, bien sûr, un band de blues rock, mais que nous sommes capables d'inclure constamment de nouveaux éléments dans notre musique, si nous le souhaitons, et de les diluer dans l'approche Duran Duran.

Mais c'est un boulot délicat de s'ajuster, de s'adapter à de nouveaux sons et styles, et il faut agir prudemment. Parfois, l’expérience fonctionne et parfois... c'est un désastre. (il rit)

Vu la reprise de « Save the prayer » d’Eagles of Death Metal et des attentats de Paris perpétrés lors de son concert au Bataclan qui ont suivi cette version, l’impression est-elle différente depuis ces évènements lorsque vous l’interprétez ?

Cette chanson ne nous appartient plus. Elle est tombée, au sens propre, dans le domaine public...

Nous nous connectons aux émotions des fans qui la chantent avec nous… et même seuls désormais, nous devons juste nous asseoir et, dans mon cas, jouer de la basse.

Interpréter un tel morceau est incroyable, peu importe l’affluence du public qui nous fait face. Les auditeurs ont toujours eu une connexion très forte avec cette chanson, et ce, dès sa sortie. C'est un privilège que de jouer « Save a Prayer » …

 

 

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