OMD s’engage sur une voie politique…

Six ans après la sortie de « The Punishment Of Luxury », les pionniers du synthé Orchestral Manoeuvres In The Dark (OMD) publieront un tout nouvel opus ce 27 octobre 2023. Il s’intitulera « Bauhaus Staircase ». Le titre maître, qui ouvre l’elpee, adresse un…

logo_musiczine

N’est-ce pas maintenant, Animal Collective ?

Animal Collective publiera son nouvel opus studio, « Isn't It Now ? » le 29 septembre 2023. Il a été coproduit et mixé par Russell Elevado (D'Angelo, The Roots, Kamasi Washington), une figure légendaire qui navigue au carrefour du hip-hop, de la soul et du…

Trouver des articles

Suivez-nous !

Facebook Instagram Myspace Myspace

Fil de navigation

concours_200

Se connecter

Nos partenaires

Nos partenaires

Dernier concert - festival

The Hellacopters - Sjock ...
Front 242 - Rock Herk 202...

Roger Waters

Au sommet de sa forme !

Écrit par

Lors de la tournée qui a suivi la parution de « Division Bell », le deuxième opus studio depuis le départ de Roger Waters, votre serviteur avait eu l’immense chance d’assister au show du légendaire groupe britannique Pink Floyd sur la plaine de Werchter où avaient été déposées pas moins de 250 tonnes de matériel pour un concert déjà très réussi d’un point de vue technologique.

Près de 30 années plus tard, arborant fièrement 79 piges, la pierre angulaire du Floyd se produisait au stade Pierre Mauroy, également baptisé Decathlon Arena, une structure située dans la bourgade de Villeneuve-d'Ascq, commune de la Métropole européenne lilloise.

Une belle manière de boucler la boucle et de mettre fin à une certaine forme de frustration qui rongeait votre serviteur depuis tant d’années…

En forme de vaisseau translucide, l’édifice est non seulement visuellement impressionnant, mais il offre également différentes configurations en fonction du type et de la taille de l’évènement.

Un constat, entre dénonciations des violences policières, crimes de guerre et discours de politiques véreux, le sergent Waters est loin de s’être assagi.

La météo n’est pas nécessairement de la partie en cette mi-mai. Le trublion anglais se voit donc offrir le luxe de se produire à huis-clos, grâce à un toit mobile de 7 600 tonnes qui peut être refermé en trente minutes, si nécessaire.

Waters et son team vont monter sur une scène en forme de croix revêtue d’écrans gigantesques comme autant de points cardinaux qui va permettre à tout un chacun de profiter du set de manière identique. Une belle prouesse technique à souligner ! Et ce ne sera pas la seule !

Les spectateurs se sont pressés en masse, essentiellement des quinquas et sexagénaires aux cheveux poivre et sel. Normal quand on sait que l’artiste a été un membre actif de Pink Floyd dès 1965, comme bassiste, dans un premier temps, et parolier, chanteur et leader ensuite, après a mise à l’écart du chanteur, guitariste et compositeur, Syd Barrett.

En voix off et sur l’écran, Roger Waters insiste pour que les téléphones soient éteints. Il met aussi en garde le peuple sur ses prises de position. Prière à ceux qui ne les apprécient pas d’aller ‘se faire foutre au bar’. La messe est dite !

Vers 20h30, l’artiste entame son tour de chant par un subtil réarrangement de « Confortably Numb ». Une version down tempo diamétralement opposée à l’originale. Une signature personnelle, épurée et très sombre à la fois, où s’emmêlent projections de gratte-ciels désertés et gens qui déambulent sous des grondements de tonnerre incessants. On relèvera aussi cet ensemble de chœurs puissants qui gravitent majestueusement et font oublier la mythique Fender de Gilmour et ses solos dont il a le secret.

Lors des dernières gammes de cette composition mythique, les hélices d’un hélicoptère vrombissent de part et d’autre du stade. Aucun doute ne subsiste, ce sont bel et bien les deuxième et troisième segments de « Another Brick in the Wall » qui retentissent sous un lit de bombardement de slogans (forcément) idéologiques, le tout relevé par des lumières rayonnantes particulièrement impressionnantes.

Entouré de Jonathan Wilson et Dave Kilminster (guitares), Joey Waronker (percussions), Gus Seyffert (basse), Jon Carin (claviériste, multi-instrumentiste), Robert Walter (orgue), Ian Ritchie (saxophone) et des choristes Amanda Belair et Shanay Johnson, l’ex-boss de P.F., affublé d’un t-shirt noir moulant, manifeste une énergie phénoménale, mais n’en oublie pas son combat primaire : dénoncer les faits les plus abjects et crimes commis par le pouvoir en place. Tout un programme !

Peut-être aussi se rend-t-il aussi coupable d’excès de zèle. Le public est venu pour apprécier un spectacle dans son ensemble et pas forcément pour entendre des discours moralisateurs toutes les cinq minutes.

Cette première partie privilégie également des titres plus personnels comme « The Powers That Be » ou « The Bravery of Being Out of Range » interprétés au piano, insufflant beaucoup d’émotion et de légèreté au set. Des titres aux relents tristement célèbres allant des manifestations et divers débordements policiers (de l’Afro-Américain George Floyd à l’Iranienne Mahsa Amini), aux prises de parole d’anciens présidents américains, de Reagan à Trump. Sans oublier Joe Biden, qui, selon le discours du maître de cérémonie, ne ferait que commencer. L’avenir lui donnera peut-être raison…

Autre moment hors du temps, lorsque, tout en finesse et avec une humilité non dissimulée, Waters s’épanche longuement sur son ami de longue date, Roger Keith Barrett, cofondateur et leader de Pink Floyd, mieux plus connu sous le pseudo Syd Barrett, disparu en 2006 des suites d’une longue maladie. Les musiciens du groupe ont mis un terme à sa collaboration en 1968 en raison de son comportement de plus en plus erratique, principalement dû à une importante consommation de LSD.

Waters lui porte encore aujourd’hui beaucoup d’amour et de respect. ‘On rêvait de vivre un rêve et on l’a vécu. Ça s’est un peu gâté par la suite. Comme mon mariage d’ailleurs’ s’exclame-t-il d’ailleurs sous les cris hilares du public. Véritable icône de l'histoire du rock, Pink Floyd lui a d’ailleurs rendu un vibrant hommage à travers notamment l’album « Wish You Were Here », un opus sorti en 1975.

Waters s’exécute la gorge serrée à travers le triptyque « Have a Cigar » suivi du séculaire « Wish You Were Here » ou encore l’intemporel « Shine On You Crazy Diamonds » alors que Barrett et les membres originels de Floyd sont projetés en filigrane. 

Le spectaculaire « Sheep » et surtout son mouton géant tient la vedette à lui seul en survolant les spectateurs. Une chanson lourde de sens dans laquelle RW pointe du doigt la couche sociale la plus basse, le prolétariat, et y démontre comment le peuple est exploité au sein d’une société capitaliste, ‘à peine conscient du malaise dans l’air’ (‘only dimly of a certain unease in the air’).

Le mouton, rentré dans la bergerie, sonne le glas d’une première partie qui a tenu en haleine même les plus perplexes.

Après une vingtaine de minutes d’un entracte fort mérité permettant tant aux musiciens qu’aux spectateurs de se réhydrater, le plus rock’n’roll des Anglais revient sur les planches, plus combattif que jamais, et affublé d’une longue veste noire en cuir de type gestapo tout en arborant fièrement le brassard ‘marteaux croisés’ de « The Wall ».

A la grande surprise, cette fois, c’est un cochon gonflable qui sort de sa basse-cour, animal issu de l’album « Animals ». On peut y lire aisément ‘Fuck the poor’ (‘on emmerde les pauvres’) et ‘Volez aux démunis, donnez aux riches’. Le mammifère s’en donne à cœur joie virevoltant au gré de son instinct et n’a que faire de cette énième provocation.

Le puissant et grandiloquent « In The Flesh » est alors interprété, toute guitare hurlante. Les marteaux marchent au pas de militaires sur les nombreux écrans floqués, signe du symbole fasciste.

Le chanteur, après s’être exclamé comme un goret, met un terme à ce (triste) spectacle par un tir de mitraillette en direction du public, ranimant aussi dans la mémoire collective le débat des armes à feu aux États-Unis.

Sublime, le show réserve encore des visuels hors du commun, comme sur ce « Run Like Hell » ponctué par une vidéo d’un raid aérien de 2007 à Bagdad, qui avait causé plusieurs morts, dont deux journalistes.

« Two Suns In The Sunset » (cette plage figure sur « The Final Cut », le dernier elpee du Floyd auquel il a participé), permet à Roger de remercier chaleureusement les trois personnes qui revêtent de l’importance dans sa vie : Bob Dylan, sa femme Kamilah Chavis, et son frère John, décédé il y a peu de temps.

L’apothéose de ce spectacle procède d’un medley issu de « Dark Side Of The Moon », le huitième album studio, soit un « Money » illustré par ses images de liasses de fric, de cartes de crédit, etc. et interprété par le guitariste Jonathan Wilson qui se consacre ici au chant, « Us and them » et ses flashs photos sur des visages issus du monde entier, qui finiront par s’unir plus tard dans la soirée, « Brain dammage » et enfin « Eclipse », comme si la lune allait éclipser définitivement le soleil…

Les titres sont mis en lumière par des synthétiseurs stellaires, des solos de guitare à faire pâlir David Gilmour et des faisceaux lumineux recréant ainsi petit à petit les pyramides symbolisant la pochette de l’opus paru en 1973.

Seul bémol au tableau, l’absence de l’inimitable « Great Sky In The Sky », un morceau très apprécié des aficionados. Pour la petite histoire, dans sa version studio, la voix est celle d’une jeune chanteuse de 25 ans, Clare Torry tentant d’improviser un chant pour la musique composée par Wright. Elle est ressortie du studio, convaincue qu’elle n’y était jamais parvenue…

En guise d’adieu, on aura droit à une reprise de « The Bar », suivie de « Outside the » au piano, alors que l’ensemble de l’équipe en profite pour siroter des shots que l’on devine fortement alcoolisés. Un moment de communion surréaliste, magique et fragile à la fois.

Après environ deux heures trente d’un spectacle à marquer au fer rouge, les musiciens et le natif de Great Bookham saluent le public généreusement sous tous les angles de la scène pour se diriger ensuite vers les coulisses tout en continuant de jouer comme s’il s’agissait d’une fanfare de rue. Les caméras suivent cette mise en scène jusqu’à que ce le drummer donne le clap de fin par un solo sur sa seule caisse claire tenue en bandoulière pour l’occasion.

Un Roger Waters au mieux de sa forme qui signe là sans doute un des plus beaux concerts auxquels votre serviteur ait pu assister…

Un homme aussi d’une grande dignité, contestataire dans l’âme, qui combat toutes les injustices de ce monde et tente d’utiliser sa notoriété pour faire changer le cours des événements.

Et enfin, un artiste qui est parvenu à mettre de côté, le temps d’une soirée, ses rancœurs envers David Gilmour tout en parvenant à se réinventer artistiquement.

 

Militarie Gun

Trop court et trop brouillon pour vraiment convaincre…

Écrit par

Militarie Gun est une formation californienne (NDR : elle est établie à Los Angeles), née pendant la COVID. En fait, contraint de renoncer à la tournée de Regional Justice Center, son ancien groupe, Ian Shelton décide de monter un nouveau projet. Il croise quatre gars qui ne jurent, eux aussi, que par le punk, le powerpop et le rock alternatif. L’ascension est fulgurante. Et pour cause, ses Eps et singles débordent d’énergie émoustillante. Et puis, Shelton est un chanteur charismatique doté d’un bagage musical riche et varié. Enfin, deux ans à peine après sa formation, le quintet a été signé par Loma Vista Recordings (Iggy Pop, Rise Against The Machine, Denzel Curry, Soccer Mommy, Korn…) et a accompli plusieurs tournées mondiales. Il a récemment publié un album. Ou plutôt une compile enrichie de quatre nouvelles compos. Il se produisait donc ce lundi 15 mai 2023, à l’AB Club. Et il reviendra sur la plaine de Werchter, dans le cadre du festival, peu de temps après la sortie de son véritable premier elpee, « Life Under The Gun » …

Le combo gantois Wrong Man assure le supporting act de Militarie Gun pour trois dates de son périple européen. Il réunit Cedric Goetgebuer (Partisan, Blind To Faith, Raw Peace, Rise And Fall), Ivo Debrabandere (Partisan, Oathbreaker, Joshua's Song), Thijs Goethals (Partisan, Maudlin) et Bjorn Dossche (Chain Reaction, Rise And Fall). Il vient de graver un premier Ep qui s’intitule « Who are you ? ».

En 25 minutes, le quatuor va nous en mettre plein les oreilles. Son post hardcore énergique et sans compromis est alimenté par des riffs de sixcordes puissants, une section rythmique qui balaie tout sur son passage et un vocaliste dont le chant crié ou parfois hurlé est de bonne consistance.

Et on a droit à un second supporting act. Encore un groupe gantois, mais qui répond au patronyme de Feverchild. La plupart de ses membres sont issus de Minded Fury, Force et Animal Club. Il implique deux guitaristes, un chanteur, un bassiste et un batteur. A son actif deux singles et un Ep éponyme. Non seulement son emo post hardcore s’inspire des nineties, mais le combo parvient à se réapproprier le son, l'ambiance et l'esthétique de cette époque.

En général, une des guitares dispense des sonorités lourdes et l’autre, limpides. Mais elles peuvent également se révéler huileuses et sauvages. Accrocheuses, les mélodies sont soignées. Mélancoliques et entraînantes, les compos évoquent tour à tour le Jimmy Eat World originel, Mineral ou The Get Up Kids. Cinq bonnes minutes sont nécessaires avant de pénétrer dans son univers torturé, mais qui finalement communique de bonnes sensations. La section rythmique est solide et le bassiste joue parfois en slap/tap. Le chant est harmonieux et les harmonies se construisent par couches successives…

Petite parenthèse, le kit de drums restera le même pour les trois formations. L’une y ajoutera des cymbales et l’autre, une caisse claire.

Place ensuite à Military Gun. « Pressure Cooker », une cover de Dazy, ouvre les hostilités. Ian Shelton est flanqué de deux guitaristes, un préposé aux fûts et un bassiste. Ce dernier emprunte une ligne semblable à celle de Joe Lally (Fugazi). Ian dispense des paroles politiquement engagées sur un flow hip hop, mais placé du côté gauche du podium, votre serviteur peine à entendre sa voix. Faut dire que tribal et surpuissant, le drumming éclipse non seulement le chant, mais aussi les autres instruments, y compris les riffs incendiaires. A la demande de Shelton, l’ingé-son remonte le volume du microphone. Mais si le résultat est alors probant, pendant « Do faster » (NDR : c’est le cas de le dire, les 12 titres de la setlist ont été enfilés en 38’), c’est la basse qui lâche et le morceau s’achève sans cette gratte. Trop court et trop brouillon pour vraiment convaincre, même si les compos ont été dispensées avec un bel enthousiasme…

Setlit : "Pressure Cooker" (Dazy cover), "Let Me Be Normal"," Disposable Plastic Trash", "Very High", "Don't Pick Up The Phone"," Will Logic", "All Roads Lead To The Gun ", "Dislocate Me", "Do It Faster" (restarted due to the technical difficulties), "Fell On My Head", "Ain't No Flowers".

(Organisation : AB + Flood Floorshow)

 

Channel Zero

Le drumming, véritable fil conducteur du show !

Écrit par

Channel Zero est né, il y a déjà 32 ans ; et pour fêter cet anniversaire, il se produisait à l’AB. Trois soirées de suite ! Et elles sont sold out. Mais en même temps, le band a voulu rendre hommage à Phil Baheux, décédé en 2013.  

En 1997, lorsque Channel Zero a décidé de mettre son aventure entre parenthèses, il avait déjà publié quatre albums en cinq ans. Quatre albums qui lui avaient permis de grimper au sommet de son art. Il a entamé son parcours comme band de trash metal underground et est devenu le plus grand phénomène du genre, au Benelux, grâce à son style frais et tranchant. Il a fait le tour du monde en compagnie, notamment, de Megadeth, Danzig et Biohazard et s’est produit dans les plus grands festivals européens. A l’issue du split, les musicos ont chacun suivi leur propre chemin après avoir remercié leur légion de fans en gravant un cédé ‘live’, immortalisant leur prestation au Marktrock. Cependant, un collectif de fans a créé une page Facebook dès 2008, pour inciter le combo à se réunir. Après de longues discussions, de pardons, d'oublis, de réflexions, d'essais et de répétitions, Franky, Tino et Phil acceptent de reformer le band. Et le 22 janvier 2009, Channel Zero joue un premier concert de retrouvailles à l'Ancienne Belgique. Il est sold out en un temps record ! Tout comme les dates programmées dans la foulée. En une heure ! Soit les 23 et 24 du même mois, et même ceux prévus un an plus tard. En l’occurrence les 28, 29 et 31 janvier 2010. Impressionnant !

Le line up implique aujourd’hui le frontman/chanteur Franky De Smet Van Damme, les guitaristes Mikey Doling (ex-Soulfly, ex-Snot) et Christophe Depree, le bassiste Olivier De Martino ainsi que le drummer Seven Antonopoulos.

Le supporting act est assuré par Virgin Prozak (la veille, la première partie avait été assurée par Destroy Humanity – photos )

Il y a 6 ans, Virgin Prozak se résumait à un duo. Soit un chanteur/guitariste et un batteur. Les chemins musicaux de Simon Rosenfeld Dernelle et Christophe Gindt se sont ensuite séparés et Simon a été rejoint par le bassiste Alban Waff ainsi que le drummer Chriss. Mais les deux membre orignaux sont à nouveau réunis ; et c’est Vincent Dessart (LETHVM) qui se charge aujourd’hui de l’instrument à quatre cordes.

A l’actif du combo, deux Eps, « Plethora », en 2018, et « Plethora, Vol. II », en 2020. Début avril, il a gravé un nouveau single, « The Doubt Remains », produit par Tony De Martino.

Sur les planches, si le drumming s’avère énergique voire tribal, la section rythmique fait preuve d’une efficacité sans faille. La voix est tantôt très mélodique et accrocheuse ou alors rugueuse. Très rythmique, la guitare s’élève aisément dans les riffs, un peu comme celle de James Hetfield, chez Metallica. Des émotions fortes et sans filtre émanent du metal vierge d'antidépresseurs pratiqué par le power trio.

Dans son genre musical, ce groupe wallon est à suivre très attentivement.  

Le rideau rouge est tiré juste après le déménagement de la première partie. A 20h30 précises, il s’ouvre. Mikey et Franky apparaissent alors pour interpréter une version acoustique d’« Angel », afin de rendre hommage à feu leur batteur. Puis il se referme.

Au bout de quelques minutes, il s’écarte de nouveau et on remarque la présence de deux bidons de couleur noire d’une capacité de 100 litres, de chaque côté de la scène, sur lesquels est mentionné les mots ‘black fuel’, en jaune.

Vêtu d’une salopette de teinte bleu pétrole au dos de laquelle est imprimé le logo du band, et de hautes tiges qui lui remontent jusqu’aux genoux, Franky débarque le premier. Les autres membres du groupe émergent d’un nuage de fumigènes traversé de spots aveuglants. Le drummer est perché sur une estrade, entouré de deux murs de baffles Marshall et derrière une double voire triple batterie.

« No Light (At the End of Their Tunnel) » vient à peine d’être achevé que Franky est déjà en sueur. Groovy, « Fools Parade » déclenche les premiers ‘crowdsurfings’ et de timides ‘pogos’.

Le jeu de basse de Tino De Martino claque et ne trahit aucun signe d'usure. Franky remonte le temps jusqu’à l’édition 1995 du festival de Torhout, tout au long d’« Heroin ». Et il le signale. Il arpente les planches, dans tous les sens, en emportant de petites bouteilles d’eau dont il asperge rituellement les premiers rangs. Il s’exprime tour à tour en français, néerlandais ou anglais, parfois en patois de Zottegem, sa terre d’origine. A deux reprises, il s’autorise un long bain de foule. Il fait le tour de la salle et grimpe à l’étage tout en continuant à chanter. Deux enfants montent sur le podium. Ils viennent embrasser leur papa, Olivier, dont c’était l’anniversaire, la veille. Le band entame alors l’inévitable ‘Happy Birthday’, que la foule reprend en chœur.

Tel un diable prêt à sortir de sa boîte, le drummer a vraiment marqué le concert de son empreinte. Il a accordé un solo de batterie magistral de 10 bonnes minutes. Ses expressions faciales et ses poses démoniaques étaient saisissantes sous le feu d’un light show agressif. En fait, il est parvenu à sublimer ses partenaires.

Et le concert de Channel Zero atteindra son apogée lors des deux derniers morceaux du show, « Suck My Energy » et « Black Fuel ». Dans la fosse, ça pogote sec. Les responsables de la sécurité ont du travail. Mais le tout se déroule dans une excellente ambiance.

Finalement, on a eu droit à un set en forme de ‘best of’ (photos )

Setlist : « Angel », « No Light (At the End of Their Tunnel) », « Tales Of Worship », « Repetition », « Chrome Dome », « Fool's Parade », « Dashboard Devils », « Heroin », « Call On Me », « Mastermind », « Bad To The Bone », « Help », « Unsafe », « Drum Solo », « Dark Passenger », « Ammunition », « Hot Summer », « Suck My Energy », « Black Fuel ».

Photos Romain Ballez

(Organisation : Ancienne Belgique »)

Paul Weller

En dents de scie…

Écrit par

Paul Weller est considéré comme une référence incontournable par les groupes-phares de la britpop, et tout particulièrement Oasis ainsi que Blur. A cause du rôle joué par The Jam, trio mod qui a sévi de 1976 et 1982, laissant en héritage des tubes incontournables comme « Beat surrender », « The Bitterest Pill (I Ever Had to Swallow) », « Start’ », « Going underground », « The eton rifles » et « Town called malice », une chanson qui vilipendait Margaret Thatcher et sa politique, en Grande-Bretagne, tout en reflétant son combat contre le fascisme et le néo-capitalisme. Puis, le natif de Woking va succomber au jazz/rhythm’n’blues suave et rétro, de 1983 à 1989, en fondant The Style Council avant d’entamer une carrière solo qui va s’avérer fructueuse tout en asseyant une popularité retrouvée. Mais probablement pas auprès des fans de originels. Un peu comme s’il avait voulu tourner, définitivement, la première page de son histoire…

Maxwell Farrington & Le SuperHomard assure le supporting act. Originaire de Brisbane, Maxwell Farrington a quitté l’Australie en 2013, rejoint le Royaume-Uni avant d’atterrir en France. Christophe Vaillant, alias Le SuperHomard, est avignonnais. De leur rencontre en 2019, au cours de laquelle ils avouent une passion commune pour les crooners Lee Hazlewood, Scott Walker, Frank Sinatra mais aussi le compositeur/pianiste Burt Bacharach, va naître ce nouveau projet. Maxwell se réserve le chant et possède une voix… empathique. Christophe se charge des claviers et de la guitare. Ils sont soutenus par un bassiste, un drummer et un préposé à la sèche. La musique est inévitablement rétro, s’abandonnant circonstanciellement au tango, évoquant même parfois vaguement The Divine Comedy, mais sans en avoir ni le charme ni l’éclat… (voir photos ici).

Il y a du peuple (NDR : un peu plus de 1 100 spectateurs) lorsque Paul Weller et sa troupe grimpent sur l’estrade. Il est alors 21 heures. Il est accompagné d’un bassiste, d’un claviériste, d’un saxophoniste/flûtiste, de deux drummers (les grosses caisses sont ornées d’une grande étoile) dont un double aux percus (souvent en station debout) et de son fidèle guitariste, l’ex-Ocean Colour Scene, Steve Cradock.

Le set s’ouvre par trois morceaux bien enlevés, dont l’excellent « From the floorboards up », au cours duquel les grattes sont bien décapantes. Puis, la formation embraie par un r&b du répertoire de The Style Council, « My ever changing moods ». Et chaque fois que le modfather va puiser dans le catalogue de son ancien groupe ou interpréter des compos de la même trempe, la pression va retomber. Au cours de ces compos mid tempo mielleuses, il met bien en exergue sa voix légèrement éraillée, mais sans doute trop mise en avant. Car ses musicos sont remarquables, le saxophoniste, jonglant entre un alto et un ténor, quand il ne se consacre pas à la flûte. Paul alterne guitare électrique, acoustique et le piano, notamment lors des ballades. Particulièrement soignées, les harmonies vocales semblent calquées sur celles de Crosby, Stills & Nash. « The piper » baigne dans une soul réminiscente de Booker T. and the M.G.'s, le claviériste en profitant pour libérer des sonorités bien rognées sur son Hammond. « More » constitue une excellente surprise, un titre presque prog au cours duquel le flûtiste/saxophoniste tire son épingle du jeu. Tout au long de l’inévitable hit « Shout to the top » de The Style Council, une multitude de bras brandissent leurs smartphones pour immortaliser l’instant. Des sonorités de moog (?) infiltrent « Old father tyme » juste avant qu’un rythme subrepticement latino n’enfièvre « On sunset ». Bien rythmé, « Into tomorrow » trahit la passion que voue Weller aux Small Faces, titre au cours duquel les sonorités de cordes carillonnent littéralement avant que n’éclate un solo de batterie au pluriel, la fin du morceau replongeant dans une forme de rhythm’n’blues aux claviers vintage, abordé dans l’esprit de Rare Earth. Et la ballade nightclubienne « It’s a very deep sea » de Style Council va de nouveau faire retomber le soufflé. Heureusement, le show va reprendre des couleurs, grâce au bien rock « Take », un morceau composé en compagnie de Noël Gallagher, un tant attendu titre de The Jam (NDR : ce sera le seul), « Start ! », et le très électrique « The changingman ». Le set s’achève par le long et plus complexe « Porcelain gods », dont les fréquents changements de tempo vont être canalisés par la ligne de basse.

Le combo revient accorder un premier rappel sous la forme de trois chansons plutôt romantiques. Notamment « Wild wood », au cours duquel Paul siège derrière son piano, alors que le saxophoniste souffle dans un clavinet et le guitariste dans un harmonica.

Puis un dernier encore bien rock et très syncopé, « Peacock suit », dans un style qu’on aurait aimé entendre davantage.

Après plus de deux heures de spectacle, les aficionados semblent comblés. 28 morceaux, c’est assez rare pour ne pas le souligner. Quant aux fans de la première heure, dont votre serviteur (ça rime !), ils auraient préféré qu’il soit un peu moins tiré en longueur et surtout proposer davantage de titres percutants, tout en conservant les expérimentaux, vraiment très intéressants (voir photos ).

Setlist

Cosmic Fringes
I'm Where I Should Be
From the Floorboards Up
My Ever Changing Moods (The Style Council)
Headstart for Happiness (The Style Council)
The Attic
Stanley Road
The Piper
All the Pictures on the Wall
Hung Up
Fat Pop
More
Shout to the Top ! (The Style Council)
Village
Old Father Tyme
On Sunset
Above the Clouds
Into Tomorrow
Saturns Pattern
It's a Very Deep Sea (The Style Council)
Take
Start ! (The Jam)
The Changingman
Porcelain Gods

Rappel 1

You Do Something to Me
Wild Wood
Broken Stones

Rappel 2

Peacock Suit

Photos : Ludovic Vandenweghe

(Organisation : Aéronef)

 

 

Les Nuits Botanique 2023 : dimanche 7 mai

Écrit par

Les Nuits Botanique se déclinent, ce soir, en mode Grand Salon pour accueillir Dans San, après six longues années d’absence. Son nouvel elpee, singulièrement baptisé « Grand Salon », privilégie l’instrumentation acoustique. Il fait suite à « Shelter », paru en 2016. Et ce concert constitue, en quelque sorte, la ‘release party’ du band liégeois.

Coline Rio assure le supporting act. Après avoir sévi comme chanteuse, au sein de la formation nantaise Inüit, elle a décidé de se lancer en solitaire. Elle a assuré la première partie de Matthieu Chédid, lors de sa tournée des Zénith. Et vient de publier son premier LP, « Ce Qui Restera De Nous »,

L’artiste débute le set par « Elle Laisse », en s’accompagnant au piano, une compo qui nous pousse doucement et délicatement Coline vers la lumière et son univers poétique. Diaphane et puissante, sa voix évoque parfois Björk ou Liz Fraser (Cocteau Twins),

Des rampes de leds blanches inondent la scène. Deux stores ‘Luxaflex’ s’ouvrent et se ferment, laissant au gré de la machinerie, les flux de lumières filtrer.

Elle signale qu’elle aime la Belgique et surtout son public chaleureux. Dans ses chansons, il y a des questionnements intérieurs et des conflits intimes, des caresses fiévreuses et des sincérités attachantes. Elle les définit comme un dialogue avec le public, une confidence autour des sujets qui la touchent : la nature, l'amour, l'humain, les peurs et les doutes…

Petite ballade sensorielle, « La Rivière » épouse le mouvement de l’eau en côtoyant des chants d’elfes. La nature est la seule chose qui nous habite et nous soigne (‘Allongée dans la rivière quand mon cœur se fait verre. J’y respire’). « Ton Nom » est celui de l’être aimé dont on attend un signe et un retour d’amour. A travers « Disparaître », elle transforme son angoisse de la mort en des vertus positives. « Ma mère » c’est sa complice et un repère dans un reflet du miroir. « Se Dire Au revoir » dissimule plusieurs secrets au cœur d’un sujet houleux, celui d’une rupture amoureuse. Sous un format davantage électro, « Regarder Danser » nous invite à observer le mouvement de la vie, la nôtre, à s’abandonner devant la fusion d’un corps et son ombre entrelacés, deux éléments intimement liés. Et son concert de s’achever par « On m’a dit ».

Setlist : « Elle Laisse », « La Rivière », « Ton Nom », « Disparaitre », « Ma Mère », « Se Dire Aurevoir », « Regarder Danser », « On m’a dit ».

Le line up de Dan San est inchangé et réunit toujours Jérôme Magnée : (chant, guitare, claviers), Thomas Medard (chant, guitare, claviers), Maxime Lhuissier (chant, basse), Leticia Collet (chant, piano, claviers), Damien Chierici (violon, claviers) et Olivier Cox (drums).

« Eventually » entame le concert, tout en douceur. Chaque instrument prend son envol et se superpose judicieusement. Instrumental, « Awake » frôle l’univers du Floyd.

La voix de Thomas est addictive et très aérienne. On se laisse bercer par les mélodies des morceaux en fermant les yeux.

De doux accents électroniques raffinent cette pop soignée, aux allures anglo-saxonnes et très susceptibles de nous envoûter, à l’instar de « The Unknown » et « Dear Friend ». Elle devient même gracieuse et élégante sur « Grand Salon » et « No One In The House ». Le hit « Question Marks » n’est, bien sûr, pas oublié, mais surtout, il met tout le monde d’accord.

Tout au long du set, on savoure ces harmonies vocales qui enveloppent le mélomane dans un véritable cocon douillet où on se blottit sans peine. Le voyage peut commencer, nous entraînant au cœur d’une nature romanesque, tantôt terrestre, souvent marine, d’où s’évapore une multitude de sentiments délicats qui semblent s’adresser directement à l’âme.

Jérôme décrète la division de l’auditoire en deux parties, invitant l’une à chanter alternativement avec l’autre. Lorsque les ivoires de Letia deviennent atmosphériques, on se met à rêver d’un monde rempli de tendresse et de musique. Au bout d’une heure, le spectacle s’achève par le très ‘beatlesnesque’ « Hard Days Are Gone », avant que Dan San ne revienne sur les planches pour accorder en rappel, « 1994 ». Mais quelle soirée lumineuse !

Setlist : « Eventually », « Awake », « Lose My Mind », « The Unknow », « Dear Friend », « No One In The House », « Dream », « Midnight Call », Worried », « Nautilus II », « Question Marks », Hard Days Are Gone ».

Rappel : « 1994 ».

Dan San + Coline Rio

(Organisation : Le Botanique)

 

Roots And Roses 2023 : lundi 1er mai

Écrit par

La seconde journée du Roots & Roses a donc lieu donc le 1er mai, alors que dans un passé récent encore, elle se déroulait uniquement ce jour férié. Le temps est couvert mais suivant les prévisions météorologiques, on n’annonce pas de pluie. Peut-être quelques gouttes… on verra. A Lessines, c’est la fête du Travail mais aussi celle du blues, du rock garage et de l’americana ; soit tout ce qui correspond à ce festival. Hier, on a quand même constaté que le public était un peu à l’étroit sous cet unique chapiteau, pour les têtes d’affiche.

A 11heures pile, The Cleopatras ouvre le bal. Un quatuor italien qui réunit quatre jolies gonzesses, dont la chanteuse Vanessa, la drummeuse Camilla, la bassiste Alice et la guitariste Marla. Son premier elpee, « Bikini girl », est paru l’an dernier. Hormis « Amoureux solitaires » de Lio, chantée en français, les compos sont interprétées dans la langue de Shakespeare ou de Verdi et la plupart sont puisées dans ce long playing. Manquait plus qu’un « Banana Split » ! Le combo va nous réserver, quand même, deux plages extraites de l’Ep « Onigiri Head », « Apple Pie » et « Rock’n’ Roll Robot ». Son garage-rock-punk-surf bourré d’autodérision tranche par rapport au milieu résolument sérieux et … masculin. Belle entrée en matière !

Neptunian Maximalism est censé nous éveiller les chakras. Fondé en 2018, ce groupe propose un musique cosmique et expérimentale ouverte au free, psyché, doom et drone. Hormis le guitariste Guillaume Cazalet (parfois préposé à la cithare, mais pas lors de ce concert) et le saxophoniste Jean-Jacques Duerinckx, le line up du combo est à géométrie variable. Ainsi, en général, il implique deux drummers. Pour la circonstance, il n’y aura qu’un percussionniste. Musicalement, on a l’impression d’être plongé dans une ambiance indienne propice à la méditation. Pas trop la tasse de thé de votre serviteur, mais des goûts et des couleurs…

Place ensuite à Psychonaut, un trio malinois actif depuis 2011. Il réunit le chanteur/bassiste Thomas Michiels, le chanteur/guitariste Stefan de Graef et le drummer Peters (depuis 2020). Teinté de sludge, son post metal psychédélique s’inspire de groupes issus des 70’s, tels que Led Zeppelin et Pink Floyd, mais également contemporains comme Tool et Amenra. La formation partage la même vision que Graveyard et Kadavar, qui se produiront sur la même scène, plus tard dans la journée. Paru en 2018, son album « Unfold The God Man » est une œuvre essentielle dans sa carrière. Conceptuelle et complexe, elle aborde des thèmes philosophiques et existentiels. Depuis, elle a publié un second opus, « Violate Consensus Reality », en 2022. Si le premier morceau du set est instrumental, les suivants sont chantés par l’une ou l’autre voix screamée. La prestation est assez captivante. Et atteint son apogée sur « All I Saw as a Huge Monkey », « Interbeing » et « The Fall Of Consciousness », issus de cet opus génial qu’est « Unfold the God Man ». Rien à ajouter. Parfait !!

Lee Bains & The Glory Fires nous vient tout droit des States. Formé en 2011 à Birmingham (Alabama), ce trio pratique un rock alternatif, original et sudiste qui véhicule un message à la fois politique et écologique. On est d’ailleurs loin ici des clichés du genre trop souvent ressassés. Le trio implique le frontman, Lee Bains (guitare/chant), Blake Williamson (drums) et enfin Adam Williamson (basse).

Le concert débute par « Sweet Disorder ! », un morceau issu du troisième album, « Youth Detention » (2017). De loin, l’un des meilleurs du band. La musique de Lee Bains est alternative, puissante et contemporaine. Elle communique de bonnes sensations. Nerveuse, granuleuse, elle nous plonge au sein d’une bonne vieille musique country, débordante d'un esprit rock and roll certain, tout en soignant l’aspect mélodique. Extrait de « Old Time Folks », le dernier elpee du groupe, « Lizard People » est littéralement à croquer. Un excellent set, mais trop court. Mériterait de figurer parmi les têtes d’affiche, dans le futur.   

The Devil's Barkers est un autre duo guitare/batterie que votre serviteur adore. Et pour cause, il implique le guitariste Fred Lani (Fred & The Healers, Superslinger, X-Three, etc.) et Giacomo Panarisi (Romano Nervoso, Giac Taylor, Hulk), pour la circonstance, préposé aux fûts. A Lessines, ils sont presque à la maison. Le nouveau single de la paire, « The Carpenter », est une véritable tuerie. Et « The Punisher » est de la même trempe. A contrario, le plus paisible « Wise Man » est idéal pour entraîner votre partenaire sur le dancefloor. Une belle claque ! En espérant un album, pour bientôt…

Originaire du Sierra Leone, mais établi à Bruxelles, Bai Kamara Jr. est devenu Belge d’adoption, d’où il mène depuis plus de vingt ans une carrière internationale. Il met sa voix chaude et puissante au service d’une musique métissée de blues, de soul, de funk et de jazz ». Il est soutenu par The Voodoo Sniffers. Soit les guitaristes Tom Beardslee (Red Red) et Julien Tassin ainsi que le drummer Patrick Dorcean et le bassiste Jonathan Dembélé.

Depuis la sortie de l’elpee « Salone », en 2020, Bai Kamara Jr. est revenu à un son plus inspiré par le blues noir des origines africaines. En mars dernier, il a publié « Traveling Medicine Man » un LP dont il va nous présenter de larges extraits. « Troubles » et « Cold Cold Love » (« Salone ») se révèlent à la fois hybrides, onctueux et bluesy. « Miranda Blues » campe un blues du désert. « I Don't Roll With Snakes » serpente entre le boogie blues et les musiques traditionnelles issues de l’Afrique de l’Ouest. Enfin, « Fortune » qui clôt le concert, s’enfonce profondément dans le bayou.   

Ada Oda est une nouvelle formation issue de la scène bruxelloise. Son rock binaire et uptempo synthétise l’aplomb post-punk des eighties et les grandes envolées mélodiques propres à la variété italienne. Le projet a été initié en 2020, durant le premier confinement, par le guitariste/pianiste/vocaliste César Laloux (The Tellers, BRNS, Mortalcombat, Italian Boyfriend) et la chanteuse Victoria Barracato, qui n’est autre que la fille de Frédéric François. César décrit ses impressions sur l’amour et les gens qui l'entourent. Ses textes sont d’abord traduits en italien et ensuite adaptés par Victoria, fille d’immigré sicilien. Le duo est épaulé par le bassiste Marc Pirard (Italian Boyfriend), le batteur Alex De Bueger (Alaska Gold Rush, Gros Cœur) et le guitariste Aurélien Gainetdinoff (San Malo, Yolande Bashing). Un elpee à son actif : « Un Amore Debole », paru l’an dernier. La musique est rafraîchissante, punk, parfois garage (« Nienta Da Offrire ») et énergique, mais un peu bercée par la ‘dolce vita’ …

Fantastic Cat réunit 4 singer/songwriters américains. Ce sera une des découvertes de l’édition 2023 du Roots & Roses. Electrique, son folk exhale des effluves 60’s et 70’s. Ce quatuor implique Don DiLego, Mike Montali, Anthony D'Amato et Brian Dunne. Collectivement, cependant, les quatre transcendent leurs racines respectives et émergent comme une harmonie d'échange d'instruments qui fusionne le rock and roll et le folk.

Le set d’ouvre par le skud « C'Mon Armageddon. Une entrée en matière particulièrement éblouissante qui sert de tremplin à des morceaux comme « Wild & Free » et « The Gig ». En fait, le combo va dispenser une forme de ‘best of’ de son répertoire, dont la plupart des plages figurent sur la compile sortie en 2022, « The Very Best Of Fantastic Cat » ...

A l’instar de Deuxluxes, les Courettes est un couple uni à la ville comme sur la scène. Un duo brésilo-danois formé de Flavia (guitare/chant) et Martin Couri (batterie) qui éclabousse depuis quelques années déjà la scène néo garage européenne.

Les groupes qui proposent un rock/garage revivaliste sont légion. Mais les Courettes se situent franchement au-dessus du lot. Leur musique est inventive, fraîche et inspirée. Comme les Deuxluxes ils ont fait trembler le chapiteau.

Band instrumental, le Delvon Lamarr Organ Trio est issu de Seattle et pratique une forme de soul/funk à forte coloration sixties et seventies, dans l’esprit de Booker T & The MG’s. Baignant dans l’orgue Hammond, l’expression sonore libère pas mal de groove, mais votre serviteur décide alors de prendre une pause pour d’aller se restaurer…

Originaire de Berlin, Kadavar est né en 2010. Le line up implique le guitariste/chanteur Christoph ‘Lupus’ Lindemann, le batteur Christoph ‘Tiger’ Bartelt et le bassiste Simon ‘Dragon’ Bouteloup. Il reconnaît pour influences majeures The Doors et Hawkwind, mais surtout Black Sabbath et Led Zeppelin. Rétro, son stoner rock est teinté de psychédélisme, de blues et de doom.

« All Your Thoughts » ouvre les hostilités. La formation n’en n’oublie pas « Die Baby Die » et « Doomsday Machine », deux titres-phare de son répertoire.

La prestation terminée, votre serviteur vide les lieux. Il reste Pokey LaFarge, mais il a déjà eu l’opportunité de l’applaudir à deux reprises, au même endroit. Et puis, comme d’habitude, il s’est concentré sur les découvertes en débarquant dès l’ouverture du festival. La fatigue commençant à se faire de plus en plus sentir, il préfère rejoindre ses pénates.

(Organisation : Centre Culturel René Magritte, Lessines)

Roots & Roses 2023 : dimanche 30 avril

Lors de l’édition 2019, le Roots & Roses avait atteint son pic de fréquentation. En 2021, le festival avait été annulé, corona oblige, mais une édition estivale limitée avait été organisée au mois de juillet. En 2022, alors que les contraintes du confinement commençaient à s’assouplir, l’événement a pu se dérouler plus ou moins normalement, et sur deux jours ; cependant, il a dû faire face à l’annulation de plusieurs groupes et/ou artistes américains.

Malheureusement, cette année, les intempéries n’ont pas permis de planter les deux chapiteaux. Il n’y en aura qu’un seul, mais de 60 mètres de long, alors qu’au départ il était prévu d’en ériger un de 90 mètres. Aussi, en soirée, lorsque les têtes d’affiches se sont produites, il était difficile d’y pénétrer ; et bon nombre de spectateurs ont dû assister aux spectacles de l’extérieur. Le timing sera scrupuleusement respecté, en ne laissant que 5 minutes de battement entre chaque prestation qui se dérouleront alternativement d’un côté ou de l’autre de la tente.

Il revient à A Murder In Mississippi d’ouvrir les hostilités. Une formation gantoise qui pratique de la musique roots. Deux albums à son actif. Un éponyme paru en 2018 et « Hurricana », en 2021. Dans un style qui mêle americana, country, folk, blues et musique traditionnelle irlandaise, le band tisse des mélodies entraînantes sur de douces harmonies vocales soutenues par le violon, le violoncelle, la contrebasse et le banjo. Tout au long de « Blue Lake » les chanteuses tirent parfaitement leur épingle du jeu mais en trahissant une passion pour Dolly Parton et Emmylou Harris. Les interventions d’Alexandra Van Wesemael au violon sont à la fois empreintes de délicatesse et de mélancolie. Et celles du banjo sur « Forever and A Day » nous entraînent dans les grandes plaines du Far West sur des chevaux lancés à toute allure. Tout comme « River Whispers » alors que « Wrong Side Of The Road » incite à la danse country. Une belle mise en bouche !

C’est au tout de Purrses de grimper sur le podium ‘Roses’, après un soundcheck réalisé en un temps record. Si l’expression sonore de la formation bruxelloise évolue au croisement de l’énergie du rock, du groove, de la soul et du punk, la singularité du band émane de l’alternance des trois voix féminines, qui apportent sensualité et tranchant aux compos. Votre serviteur ne voit qu’une chanteuse, en l’occurrence Laura Ruggiero, la frontwoman d’origine française. Où se cachent les autres ? Le reste du line up réunit Simon François aux claviers et une section rythmique constituée de Max Poelman et Lucas Roger. Les compos ne manquent pas de charme et tout particulièrement « Wrong Tide » ainsi qu’une version réarrangée de « My Girl ». Le combo n’en n’oublie pas son single, « So Cool » ni ses incontournables « Ride The Dragon » et « Rolling Like This » …

Place ensuite à Howlin’ Jaws, un trio parisien fondé il y a une douzaine d’années. Son premier elpee, « Strange Effect », est paru en 2021. Les musicos affichent un look rockhab’ 50’s et proposent une musique vintage qui mêle pop anglaise des 60’s, garage rock caustique made in USA, rock’n’roll, blues et bien sûr, rockabilly. La formation est taillée pour le Roots & Roses. The Kinks et Status Quo constituent ses influences majeures. Elle entame d’ailleurs son set par le « Down Down » de la bande à Francis Rossi et feu Alan Lancaster, un énorme tube décroché en 1977.

Le guitariste est impressionnant, le chanteur/bassiste/contrebassiste charismatique, virevoltant, et le drummer dynamique. L’expression sonore est à la fois furieusement actuelle, pétillante et plein de vie. A revoir, dès que l’occasion se présentera…

Dans l’esprit de Blood Red Shoes et surtout des White Stripes, The Glüks est un duo ostendais qui réunit la chanteuse/drummeuse Tina Ghillebert (batterie et chant) et le guitariste Alek Pigor. A son actif, trois albums : « Barefoot Sessions » (2014), « Youth On Stuff » (2016) et « Run Amok » (2018), que votre serviteur recommande chaudement. On y retrouve une même énergie rock, noise et garage que chez les deux tandems précités. La formation a bien évolué ces derniers temps, arrivant à canaliser son énergie débridée, tout en laissant intactes rage et puissance et de plus en plus d’espace à la voix de l’excellente Tina Ghillebert. The Glücks incarne l’esprit de la nouvelle scène garage du nord de la Belgique. Ses influences oscillent de Robert Johnson aux Cramps en passant par les Sonics, Jon Spencer, les Black Keys ou encore Mudhoney, The Stooges et Thee Oh Sees. Une touche 60’s, un zeste de folie et l’énergie que seuls les duos batterie/guitare et chant peuvent nous procurer. Sur les planches ça claque et ça dépote…

Entre chaque concert, on peut assister à un combat de catch. De véritables acrobates aux looks de zombies !

Jérémy Alonzi, c’est un des guitaristes de The Experimental Tropic Blues Band. Il a choisi le pseudo Kamikaze pour se produire en solitaire, à la manière d’un Rémy Bricka. Enfin pas vraiment, puisqu’il se sert d’un synthé, de machines, d’une grosse caisse qu’il martyrise du pied et d’un micro, qu’il mange littéralement. Il a enfilé un marcel de couleur jaune vif. C’est un habitué du festival. Si en général il pousse le blues expérimental dans ses derniers retranchements, ici, il l’assaisonne de techno ou carrément de sonorités pour bal musette. Sa folie scénique met une ambiance folle dans le public. Sa créativité débordante est poussée à l’extrême. « Johnny, Go, Go » est revisité et « Dancing In The Storm » vire au délire. On a même droit à une cover des Doors. Bref, un show Kamikaze atypique et génial à la fois !

Chuck Prophet a rejoint, à la mi-eighties, le cultissime Green On Red de Dan Stuart, formation néo-psychédélique et incontournable du mouvement Paisley Underground. Sur les planches, il est désormais épaulé par Mission Express, groupe en compagnie duquel il livre un folk rock americana de bien belle facture. Chuck, qui a surmonté un cancer, n’a pu accorder qu'une poignée de spectacles en 2022. Aujourd’hui, il n’est soutenu que par la moitié de son quatuor. Soit Stéphanie Finch (claviers, vocaux, accordéon) et Vincente Rodriguez (batterie minimaliste) à la batterie minimaliste. De ce concert, on épinglera le magnifique « Run Primo Run », l’original « You Did (Bomp Shooby Dooby Bomp) », un « Marathon » au cours duquel Stéphanie assure à l’accordéon et aux ivoires, le « Always » de Chet Atkins ainsi que le Tex Mex « Queen Bee » …

Le set de la famille Durham était très attendu. Kitty Daisy & Lewis sont multi-instrumentistes et changent régulièrement d’instrument (guitare, piano, basse, batterie, harmonica, banjo, ukulélé, xylophone, accordéon, etc.) Le trio britannique bénéficie du concours d’un bassiste et d’un claviériste.

Le « Ooo Wee » de Louis Jordan (NDR : certains médias le considère comme le grand-père du rock’n’roll) & His Tympany Five remonte à 1954. La version proposée par K, D & L est délicatement rhythm’n’blues. Les compos puisent aussi bien dans le blues, la soul, le reggae, la pop, le garage, le folk, le ska, le rockabilly, la country que le rock'n’roll et la liste est loin d‘être exhaustive. Kitty, Daisy et Lewis explorent et mélangent les genres à la perfection !

La formation n’a pas publié de nouvel album depuis « Superscope », en 2017, un LP aux fortes réminiscences sixties. Lors de ce show, elle va puiser dans ses cinq elpees, mais aussi accorder quelques jolies reprises.

L’instrumental « Paan Boogie Man » ouvre le bal. Lewis enflamme carrément l’auditoire tout au long de l’acoustique « Developer's Disease » et de « Say You'll Be Mine ». Caractérisé par ses contretemps bien marqués, « Tommorow » trempe dans le ska. On se met alors à rêver de Kingston. Le trio n’en n’oublie pas ses standards, « It Ain't Your Business », « Good Looking Woman » et « Baby Bye Bye ». Et c’est l’inévitable cover du « Going Up The Country » de Canned Heat qui achève un spectacle parfait en tous points…

Première apparition des Deuxluxes au R&R, un duo québécois composé de la guitariste Anna Francesca Meyer et du multi-instrumentiste et Étienne Barry. Ils se consacrent également tous les deux aux vocaux. La batterie que Barry actionne à l’aide de ses pieds est vraiment minimaliste (NDR : c’est à la mode !) Fantastique, Anna a un charisme fou. La paire pratique un garage/rock puissant, teinté de psychédélisme, mais aussi d’humour. Points d’orgue du show, « Springtime Devil » et « My Baby & Me » ont littéralement retourné l’auditoire…

Chez Boogie Beasts, l’harmoniciste ‘Lord Benardo' (Fabian Benardo) est la figure de proue. Ce n’est pas la première fois qu’il débarque sur le site (Goon Mat & Lord Benardo, Left Lane Cruiser et Italian Job). Il est flanqué de Jan Jaspers, Patrick Louis et Gert Servaes. Boogie Beasts est considéré comme un des meilleurs blues bands belges, voire européens. Frénétique et contemporain, son style tient autant du punk que du boogie. Intitulé « Blues From Jupiter », son dernier long playing est paru en en 2022. Patrick Louis et Jan Jaspers se partagent tour à tour le chant. « How », « Mad », « You Don't Love Me » et « Bring It On » sont devenus des hymnes pour les aficionados du combo qui, concentrés aux premiers rangs, les reprennent en chœur, comme la plupart des morceaux d’ailleurs…

La musique du prodige étasunien Ron Gallo mêle subtilement fuzz, rock psyché et post-punk. Un poil vintage, bien coloré, le tout lorgne résolument vers les années 70. Après avoir drivé Toy Soldiers, Ron a commencé sa carrière solo, en 2014. Le Philadelphien est venu défendre son dernier LP, « Foreground Music », paru en mars dernier. « Please Yourself » (« Heavy Meta », 2017) entame le set, une compo spasmodique, très vintage qui nous replonge dans les seventies. Ron est armé d’une Fender Jaguar d’un rouge rutilant. Il faut reconnaître qu’avec ses sapes rétros, ses lunettes noires, ses paroles sèches et poétiques et sa chevelure afro, le gaillard a la gueule de l’emploi. Il est épaulé par le bassiste Joe Bisirri et le drummer Dylan Sevey. Ron Gallo égrène de petits bijoux rock, garage et punk pur jus US.

Le set s’ouvre par « Please Yourself » (« Heavy Meta », 2017). Parfois, on a l’impression de voir Tyl Segall en action. Le trio embraie par le single, « Entitled Man ». Gallo commence à incarner l'attitude de la nouvelle scène indie rock à Nashville. Pour ceux qui n'ont jamais assisté à un concert de Ron Gallo, il est important de rappeler qu'il est calme, doux et apaisant... jusqu'à ce qu'il ne le soit plus. Ses plaisanteries ponctuent le feu qui brûle dans les interprétations de son répertoire, sur les planches. Les spectacles de Gallo sont marqués par sa capacité à passer d'un chuchotement tranquille à une fièvre furieuse à la guitare en moins de 10 secondes. La foule s'est nourrie de l'énergie maniaque de Gallo et de son groupe. Un instant, la foule écoutait vaguement un gémissement de guitare imprégné de réverbération, l'instant d'après, elle sautait, criait, s'agitait et surfait.

Pas de Leyla McCalla pour votre serviteur. Il décroche. Demain, une autre longue journée l’attend.

Mais Nick Nijfels, notre correspondant néerlandophone était toujours sur place…

Jim Jones s’est déjà produit au Roots & Roses sous la formule Jim Jones Revue, et il revient ce dimanche 30 avril, sous celle de Jim Jones All Stars. Festif, son rock'n’roll à la Jerry Lee Lewis est caractérisé par une forte interaction entre les guitares et les claviers, mais des cuivres lui communiquent une touche soul, dans l’esprit de James Brown. La formation va même nous gratifier d’une reprise du « Everybody's got something to hide except me and my monkey » (Tout le monde a quelque chose à cacher, sauf moi et mon singe) des Beatles. Enthousiaste, le public a même décidé le groupe d’accorder un rappel. (NN)

La première tête d’affiche du R&R, Nick Waterhouse, n’a pas vraiment convaincu. Peu accrocheur, le son vintage hérité des fifties et des sixties aux influences soul, outre celles du rock'n’roll, aurait été bien plus intéressant à écouter dans son salon, un dimanche matin. Il y a bien un contrebassiste au sein du line up qui apporte une certaine originalité visuelle à l’ensemble, mais c’est le single « LA turnaround » qui s’est révélé le morceau le plus efficace… (NN)

Les Datsuns s’étaient produits en concert à l'AB en 2004 et au festival de Dour en 2006. On les avait un peu perdus de vue depuis. Ils jouent toujours du hard rock classique, avec tous les clichés à la Spinal Tap, même si le spectre d’Iron Maiden s'y est glissé. 

Amplis poussés à fond, solos à gogo, jambes écartées et guitares en l'air. Les anciens morceaux des débuts sont toujours les meilleurs, et notamment « Sittin pretty », « Harmonic Generator » et l'inévitable « MF from hell », lors du rappel … (NN)

(Organisation : Centre Culturel René Magritte, Lessines)

Savana Funk

Ghibli

Écrit par

On avait fait la connaissance de ce trio réunissant des musiciens issus d’horizons divers lors de la sortie de son second opus, « Tindouf », en 2021. Sur ce nouvel elpee, intitulé « Ghibli », les Bolognais d’adoption remettent le couvert en proposant un cocktail toujours aussi addictif de musique africaine, de funk, de blues et de jazz.

Aldo Betto, Blake C.S.Franchetto et Youssef Ait Bouazza publient une ode aux voyages et révèlent les richesses musicales de la Méditerranée. On pense à des versions instrumentales de Tinariwen ou Imarhan mais pas seulement, car la formation parvient à alterner morceaux énergiques, tel que l’ouverture « Agadir » (qui annonce les couleurs de l’album) et les plages plus mélancoliques et apaisantes, dont « Ghibli » ou « Ifri ». Le jeu de guitare est délicat. Les notes se déversent avec une facilité déconcertante. La basse et la rythmique libèrent le groove nécessaire. Bref, il est difficile de résister à cette musique mélodieuse et prenante…

Scott Mickelson

Known to be Unknown

Écrit par

Scott Mickelson évolue dans la vaste catégorie du rock dit ‘classique’. Mais il s’agit ici, d’un rock, peut-être classique, mais qui véhicule un message politique très clair !

L’artiste de la Bay Area déploie ses ailes depuis sa base arrière de San Francisco sur son 4ème elpee, « Known to be Unknown ». Explorant aussi bien le rock, le psyché, le jazz que la country et se distinguant par sa riche instrumentation (mandoline, banjo, cordes et cuivres sont au programme), ses compos, qu’il interprète d’une voix rappelant de façon évidente celle devenue patinée avec l’âge d’Eddie Vedder, aborde des sujets assez sérieux comme le ‘trumpisme’ ou la pandémie tout en conservant, dans l’expression sonore, un esprit résolument 60’s (« Die Trying »). Et si les plages adoptent un profil classique, elles se révèlent souvent hymniques (« UNarmed American » nous plonge dans un bain définitivement americana) et libèrent une bonne dose d’énergie (l’instrumental « Blur in the Memory »).

And Also The Trees

La création, c'est comme un état méditatif, un moment hors du temps...

Au sein de la rédaction de Musiczine, un groupe fait la quasi-unanimité : And Also The Trees. Fondée en 1979, cette formation issue de la campagne anglaise produit, avec une constance remarquable, une musique inclassable, enracinée dans le post-punk et fertilisée par le folk, l'ambient, le jazz et la musique classique. Un ‘crossover’ singulier, qui fraternise avec Nick Cave, Dead Can Dance et Leonard Cohen tout autant que les Doors, le Velvet Underground et Joy Division.

Le chanteur, Simon Huw Jones, a imposé sa voix envoûtante, qui oscille entre chant et déclamation et elle est animée par un véritable souffle romantique. Ses paroles vont puiser dans un 'stream of consciousness' subtil et solennel, pénétré par la puissance de la nature et l'illumination du moment présent.

Parallèlement à son band, Simon aime s’investir dans des projets en compagnie d'autres artistes. Il partage ainsi celui de November auprès de Bernard Trontin, des Young Gods. Il y a quelques jours, il a débarqué à Bruxelles pour participer au nouveau projet de la violoniste et compositrice belge Catherine Graindorge : ‘Songs For The Dead’. L'avant-première s'est déroulée à Bozar, dans le cadre de la soirée d'ouverture de l’édition 2023 des Nuits Botanique. Musiczine a pu rencontrer le chanteur avant le concert et lui proposer une interview assez inédite, sous la forme d'un ‘Florilège de Citations’. Vu que c'est un homme féru de mots et de littérature, nous lui avons proposé de lire à haute voix ces citations préparées spécialement pour lui. Un objectif ? Que Simon partage avec nous ce qu’elles évoquent en son for intérieur.

Musiczine - Merci pour cette interview ! Je te propose de lire la première citation.

‘The boy walked round the jagged rocks
Caught between ideals and desires
He sinks into oblivion’

(‘Le garçon marchait autour des rochers déchiquetés
Pris entre les idéaux et les désirs
Il sombre dans l'oubli.’)

Simon Huw Jones - Oui, bien sûr, je la reconnais ! Elle figure sur l'une de nos toutes premières chansons, écrite à l'âge de 19 ans. Et les autres membres du groupe étaient encore plus jeunes que moi. En fait, c'est à ce moment-là que j'ai commencé à m'intéresser à la littérature. Alors que nous travaillions sur nos premières compos dans le Worcestershire, au sein de la chambre de mon frangin, je me creusais les méninges pour trouver des paroles. Alors, je suis allé dans un placard, en haut de l'escalier, et j'ai prélevé un livre, qui appartenait à mon frère aîné. C'était ‘Time Must Have a Stop’ d'Aldous Huxley. La chanson qui est directement inspirée de cet ouvrage s’intitule “There Were No Bounds”. Et cette citation en est également inspirée. J'ai repris au hasard des extraits du bouquin et j'ai comblé les espaces en ajoutant des textes personnels. Je ne sais pas si on peut parler de plagiat... (rires)

M - C'est “So This is Silence”. Il est extrait du premier elpee, “From Under The Hill”, paru en 1982.

SHJ - Oui, en fait, c'était notre première cassette. Elle contient les enregistrements que nous avons réalisés sous la direction de Robert Smith et Mike Hedges, à Londres. Ensuite, nous avons travaillé sous la houlette de Lol Tolhurst pour enregistrer notre premier long playing.

M - L'album éponyme : “And Also The Trees”.

SHJ - Exactement.

M - ‘Éponyme’, quel mot merveilleux !

SHJ - En effet (rires) !

‘Brainwaves transmitted from my mind
Of a magnetic kind
I don't know what to do
If I can't get through to you’

(‘Les ondes cérébrales transmises par mon esprit
Ont quelque chose de magnétique
Je ne saurai pas quoi faire
Si je ne réussis pas à te rejoindre’)

SHJ - Je ne vois pas.

M - C'est “ESP”, des Buzzcocks.

SHJ - Ah oui, maintenant que tu l’indiques, j'entends la chanson dans ma tête !

M - Sais-tu pourquoi je l'ai choisie ?

SHJ - Sans doute parce que, quand Justin, mon frère, a commencé à apprendre à jouer de la guitare, sur une acoustique bon marché, il jouait le riff de ce morceau sur une seule corde (Simon chante la mélodie du riff). Et il reprenait aussi un morceau de Pink Floyd.

M - Oui ! “Interstellar Overdrive” ! Mais j'ai dû choisir “ESP”, car la compo de Pink Floyd est instrumentale...

SHJ - Justin n'avait que 14 ans à ce moment-là.

M - C'est incroyable. Quand on regarde les photos, il a l'air si jeune.

SHJ - C'est ainsi que tout a commencé.

M - Était-ce à Inkberrow ?

SHJ - C'était à Morton Underhill, un hameau sis près d'Inkberrow.

M - Qu’écoutiez-vous d’autre, comme musique ?

SHJ - Nous écoutions ce que mon grand frère ramenait à la maison, surtout des albums des Beatles et des Beach Boys.

M - Te souviens-tu d'un morceau ou d'une chanson en particulier qui a provoqué en toi un flash, une sorte de prise de conscience ?

SHJ - Probablement “A Day In The Life”, des Beatles. J'étais fasciné par cette chanson. Il y a une telle mélancolie, une telle profondeur, et les paroles sont surréalistes et très visuelles. Elle est parfaite pour moi. Je l'adore encore aujourd'hui.

M - En t'écoutant parler, j’imagine que la façon dont tu écris évoque peut-être le style précis et réaliste de la chanson des Beatles. ‘I read the news today oh Boy’. Je discerne un lien avec l'approche 'stream of consciousness' qui est ta signature.

SHJ - Je n'y avais jamais pensé auparavant. Mais ta réflexion ne me surprend pas trop. Car la plupart de nos créations sont influencées, de manière subliminale, par ce qu'on a vu ou entendu, sans que nous nous en rendions compte.

M - En même temps, les Beatles ont quasiment tout inventé dans le domaine de la musique pop, non ? Ils étaient les premiers à écrire des paroles aussi originales.

SHJ - Oui, c'est vrai.

M - Comment trouves-tu l'inspiration pour écrire tes textes ?

SHJ - Autrefois, lorsque j'écrivais, je passais des heures et des heures assis devant une feuille blanche en cherchant le souffle créateur. Et finalement, il se manifestait. J’ignore d'où il venait, mais j'étais très satisfait du résultat. Au point qu'en me relisant, je me demandais si c'était bien moi qui avais rédigé ces mots. En fait, la création, c'est presque comme un état méditatif, un moment hors du temps.

M - C'est le moment où tu es dans les limbes, entre le rêve et la réalité. Ça prend quelques fractions de secondes et puis, tu reviens et il y a quelque chose sur le papier. C'est un peu comme une hypnose, ne crois-tu pas ?

SHJ - Oui, je pense que c'est le cas. C'est impressionnant, comme processus. Parfois, le résultat est moins bon mais à chaque fois, je suis surpris.

M - La prochaine citation est très facile...

‘I tried to laugh about it
Cover it all up with lies
I tried to laugh about it
Hiding the tears in my eyes’

(‘J'ai essayé d'en rire
De tout couvrir tout avec des mensonges
J'ai essayé d'en rire
En cachant les larmes dans mes yeux’)

SHJ - ...because Boys Don't Cry (rires) !

M - Dans le mille ! Parlons un peu de The Cure, ces merveilleuses personnes qui ont été si importantes dans la vie de votre groupe.

SHJ - La première fois que j'ai entendu The Cure, c'était dans la voiture de mon père, et “10:15 Saturday Night” passait à la radio. Le lendemain, j'ai acheté le single et, ensuite, j'ai découvert leur premier album.

M - Et c'est au groupe que vous avez envoyé votre première 'démo'.

SHJ - Oui. Ils avaient publié une annonce car ils cherchaient un band pour assurer leur première partie.

M - Et vous avez joué en supporting act à l'université de Loughborough. Et plus tard, vous avez enregistré la première cassette sous la direction de Robert Smith. J'ai entendu parler d'une anecdote concernant “Charlotte Sometimes”...

SHJ - Oui. Nous étions en studio et Robert nous a permis d’écouter un nouveau morceau de The Cure, “Charlotte Sometimes”, qui était fabuleux. On le félicite évidemment et il nous répond : ‘But it's not as good as any of your stuff of course !” (“Mais ce n'est pas aussi bien que tout ce que vous faites, bien sûr !’) (rires).

M - Crois-tu qu'il parlait sincèrement ou était-ce du second degré ? Perso, je crois qu'il vous aimait vraiment beaucoup, à ce moment-là.

SHJ - Robert était quelqu'un de très modeste. Ce qu'il appréciait surtout chez nous, à cette époque, c'était notre naïveté, notre simplicité et l'originalité de notre musique. Je pense que lorsque nous avons mieux maîtrisé nos instruments et sommes devenus ce que nous sommes aujourd'hui, il nous a appréciés d'une manière différente.

M - Et puis, un jour Siouxsie a débarqué dans le studio...

SHJ - Oh oui ! Un grand moment, car nous étions tous d'énormes fans de Siouxsie, avant même qu'elle n'ait rejoint une maison de disques. Nous connaissions sa musique grâce aux sessions de John Peel. A cet instant, elle n'avait pas encore signé de contrat. Il existait même des badges sur lesquels on pouvait lire ‘Siouxsie, don't sign !’ (rires). Nous ne voulions pas qu'elle intègre le business musical parce que c'était tellement cool qu'elle soit indépendante du système. C'était très 'punk'. Et en effet, un jour, elle a débarqué dans le studio où nous étions.

M - Un véritable choc, je suppose ?

SHJ - Oh oui ! Nous étions bouche bée, comme tétanisés. On ne savait que dire ou faire. Un des plus grands moments de ma vie.

M - On continue...

‘The jasmine grows
In through the walls
Into the fruit room
Its perfume blows...’

(‘Le jasmin pousse
Au travers des murs
Dans la pièce aux fruits
Son parfum souffle…’)

SHJ - C'est “The Fruit Room”...

M - Je ne sais pas qui a écrit ce texte, mais il est magnifique (rires) ! En fait, il s’agit de ma chanson préférée d'And Also The Trees. Extraite de “Green Is The Sea”, mon album favori.

SHJ - A Morton Underhill, nous vivions dans une ancienne ferme et dans la pièce où j'écrivais, et où nous nous retrouvions pour boire, fumer et écouter de la musique, il y avait du jasmin. La plante avait traversé les murs et poussé dans la pièce. C'est dans ce contexte que j'ai écrit ces paroles.

M - C'est incroyable ! Tu sais, cet opus a quelque chose de spécial pour moi tant au niveau musical que dans ma vie personnelle. C'est probablement celui d'AATT dont les arrangements sont les plus audacieux. Sans doute en raison de la présence des claviers.

SHJ - Oui, c'est vrai. Pour être franc, je n'avais plus écouté “Green Is The Sea” depuis longtemps et un jour, il y a peu, je me suis replongé dans l'album. J'ai vraiment été surpris. Je m'étais habitué aux versions dépouillées, que nous interprétions sur scène et j'avais oublié toute la complexité du disque. Il se passe énormément de choses au niveau musical. Une fois ce moment d'étonnement passé, j'ai pris énormément de plaisir à le réécouter.

M - C'est un véritable kaléidoscope musical. En général, j'aime beaucoup les musiques 'crossover', qui combinent toutes sortes de courants, comme le pratiquent Radiohead et Nine Inch Nails. On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un style de musique bien précis.

SHJ - Oui, exactement.

‘Half a gramme for a half-holiday,
A gramme for a weekend,
Two grammes for a trip to the gorgeous East,
Three for a dark eternity on the moon.’

(‘Un demi-gramme pour des demi-vacances,
Un gramme pour un week-end,
Deux grammes pour un voyage dans le magnifique Orient,
Trois pour une sombre éternité sur la lune.’)

SHJ - C'est “Brave New World”, d'Aldous Huxley !

M - Bien vu ! Il y parle d'une drogue, appelée ‘Soma’. Ce qui me permet de poser une question, à laquelle tu n'es pas obligé de répondre : as-tu déjà pris des substances psychédéliques ?

SHJ – Oui.

M - T’ont-elles ouvert des portes comme le dit Aldous Huxley dans ‘The Doors of Perception’ ?

SHJ - Oui. C'est un sujet intéressant. J'y ai beaucoup réfléchi récemment, en écrivant la biographie du groupe pour notre site internet. Je me suis dit qu’il serait bien de consacrer une publication sur les 'substances' et de la traiter de manière honnête et intelligente. Parce qu'il existe évidemment le problème des excès et des dangers inhérents à cette consommation. Mais, il est indéniable qu’elles ouvrent des portes. Elles te permettent de voir les choses différemment.

M - On en parlera 'off the record', après l'interview car le sujet mérite des développements, surtout quand on aborde les substances psychoactives, comme l'ayahuasca. Mais pour revenir à Huxley, sais-tu qu'il s'était inspiré de William Blake ?

SHJ - Ah non !

M - Le concept des portes de la perception vient du livre ‘The Marriage of Heaven and Hell’. Blake y écrit : ‘If the doors of perception were cleansed, everything would appear as it is, infinite...’ (‘Si les portes de la perception étaient nettoyées, toutes les choses apparaîtraient comme elles sont, infinies...’)

SHJ – Wow !

M - Passons à la citation suivante, car elle nous permettra de parler de la Belgique.

‘My death waits there among the leaves
In magicians' mysterious sleeves
Rabbits and dogs and the passing time
My death waits there among the flowers
Where the blackest shadow, blackest shadow cowers
Let's pick lilacs for the passing time...’

(‘Ma mort attend là parmi les feuilles
Dans les manches mystérieuses des magiciens
Les lapins et les chiens et le temps qui passe.
Ma mort attend là parmi les fleurs
Où l'ombre la plus noire, la plus noire, se tapit
Cueillons des lilas pour le temps qui passe…’)

SHJ - Jacques Brel ! C'est à l'origine une chanson de Jacques Brel, “La Mort” ! Et ici, c'est un des rares cas où la reprise en anglais (NDR : “My Death”) est en fait meilleure que la version originale ! J'adore aussi bien celle de Scott Walker que de David Bowie. Elles sont toutes deux absolument brillantes.

M - La traduction a été effectuée par Mort Shuman, un chanteur assez connu en France, en Belgique et en Suisse, surtout grâce à son hit : “Le Lac Majeur”.

SHJ - Non, je ne le connais pas. C'est étrange parce que ma femme est précisément originaire d'une ville qui borde le Lac Majeur.

‘In a bed of leaves
In a bed of lace
In a bed of fire
In a bed of leaves
She's calling me, calling me…’

(‘Dans un lit de feuilles
Dans un lit de dentelle
Dans un lit de feu
Dans un lit de feuilles
Elle m'appelle, m'appelle…’)

SHJ - Facile, c'est “In Bed In Yugoslavia”, extrait de notre dernier album, “The Bone Carver”.

M - Et la dernière citation...

‘So long ago,
It must have been in another life
The trees were gods
And fires could sing until the morning dawned
An eagle, flyin' high to guide our way
The path was bright and led up there into the Sun...’

(‘Il y a si longtemps,
C'était sans doute dans une autre vie
Les arbres étaient des dieux
Et les feux chantaient jusqu'aux aurores.
Un aigle, volant haut pour nous guider
Le chemin était lumineux et nous menait vers le Soleil…’)

SHJ - Je ne vois pas...

M - Tu ne trouveras pas, parce que c'est extrait... d'une de mes propres chansons (rires) !

SHJ - D'accord ! Je me demandais si ce n'était pas une chanson de Pink Floyd...

M - Ah, c'est une très belle référence ! J'achète (rires) !

Simon, bonne chance pour le concert de ce soir et pour tes prochains projets ! Peut-on espérer un prochain album d'AATT ?

SHJ - Oui, nous travaillons sur de nouvelles compositions pour l'instant.

M - J'ai une suggestion pour le titre du prochain album : “Blue Is The Sky”...

SHJ - Nous n'avons pas encore de titre. Mais oui, je vois ce que tu veux dire ! Tu fais référence aux paroles que j'avais écrites tout au début, au moment où nous avons choisi le nom du groupe. J'avais rédigé ce petit poème qui, finalement, n'a pas débouché sur un morceau précis mais a inspiré beaucoup de choses. C'était :

‘Green Is The Sea,
And Also The Trees,
Blue is the Sky,
And Blue were your Eyes...’

(‘Verte est la mer,
Et aussi les arbres,
Bleu est le ciel,
Et bleus étaient tes yeux...')

M - Merci beaucoup pour cette interview, Simon !

SHJ - Merci à toi !

Pour écouter et acheter les albums d'And Also The Trees, c'est ici

Pour écouter l'interview audio dans l'émission WAVES, c'est ici

Pour lire la chronique du concert de Catherine Graindorge + Guests, c'est

Merci à Simon Huw Jones, à Catherine Graindorge, à Bozar et au Botanique.

 

 

 

Page 9 sur 1319