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Inhaler

Dommage que l’ingé-son ne soit pas à la hauteur…

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Inhaler se produisait donc deux jours de suite à l’AB, soit les 21 et 22 avril. Votre serviteur assiste au set du vendredi. Son second elpee, « Cuts & Bruises », est paru en février dernier et dans la foulée, le groupe est parti en tournée.

Originaire de Dublin, ce quatuor réunit des membres qui se connaissent depuis 2012, soit lorsqu’ils fréquentaient le collège. Le line up réunit le chanteur/guitariste Elijah Hewson (c’est le fils du chanteur de U2, Bono), le bassiste Robert Keating, le guitariste Josh Jenkinson et le batteur Ryan McMahon. Sur la route, le combo est soutenu par le claviériste Louis Lambert.

Le supporting act est assuré par Blondes, une jeune formation indie issue de Nottingham. A son actif, plusieurs singles, dont « Coming Of Age », devenu viral sur Tik Tok et trois Eps, « Minimum Wage », « Streetfight » et « Out The Neighbourhood ». Le band implique deux guitaristes, un bassiste, un batteur et un chanteur qui se consacre parfois à la six cordes. Et sous cette formule, le résultat est plutôt percutant.

Le set débute s’ouvre par « Street Fight ». Plutôt calme, le morceau est canalisé par la gratte semi-acoustique. Nouvelle compo, « Love In The Afternoon » baigne dans une forme d’indie rock plutôt énergique mais bien radiophonique. La voix s’élève dans l’éther tout au long de « Out The Neighbourhood », une compo au cours de laquelle les guitares s’emballent. Et la prestation, chaudement acclamée, de s’achever par « Basement » …

Setlist : « Street Fight », « Minimum Wage », « Coming Of Age », « Love In The Afternoon », « Out The Neighbourhood », « The Basement » 

Place ensuite à Inhaler. La scénographie est simple : une toile de fond noire sur laquelle le mot ‘Inhaler’ a été peint en blanc. Il changera de couleur en fonction de l’éclairage. Une estrade haute à gauche, pour accueillir le claviériste, et une autre à droite, sur laquelle sera perché le drummer. La face avant de sa grosse caisse se signale également par le logotype du band. Et puis sur les planches, on remarque encore la présence de quelques microphones sur pied. C’est tout !

Pendant que la formation grimpe sur le podium, une musique de film est diffusée dans les haut-parleurs, alors que le light show, entre lumières rouges et stroboscopes blancs aveuglent l’auditoire. Le groupe irlandais ouvre le set par son hymne optimiste à l'esprit libre, « These Are The Days ». Caractérisé par son clavier très eighties et cette petite ligne de guitare répétitive, cette compo évoque The Killers. Impassibles, les 3 gratteurs sont en ligne et ne quitteront quasi-jamais leur zone de confort. Les musicos ont des cheveux en désordre et ont enfilé des chemises à col déboutonné et des jeans.

La voix d’Elijah rappelle celle de son paternel. Elle est à la fois puissante, un brin nasillarde et claire. Et particulièrement tout au long du single, « My Honest Face ». Au sein des premiers rangs (NDR : c’est surtout là que l’ambiance est la plus enflammée), on comprend peut-être les paroles, mais plus on se rapproche de la table de mixage, au moins on les décode. En fait, le volume sonore est trop élevé et les balances ne sont pas vraiment au point.  

Le public est multigénérationnel. Et s'il n'y avait pas les centaines de téléphones brandis par les aficionados (surtout de nombreuses jeunes filles dans la fosse), essayant de capturer plusieurs moments du concert pour les poster sur les réseaux sociaux, on pourrait croire assister au concert d’un un jeune groupe de garage rock qui débute.

En milieu de show, étonné, le public observe le bassiste Robert Keating et le guitariste Josh Jenkinson se diriger vers le batteur Ryan McMahon et échanger avec désinvolture quelques mots au milieu de certains morceaux. Une nonchalante accentuée par les intermèdes continuels affichés par Hewson.

L’entrée en matière de la basse en slap/tap de « Who's Your Money On ? (Plastic House) » est parfaitement en phase avec le drumming. Une section rythmique qui évolue à la limite du funk.

Les guitares ont tout le loisir de s’exprimer, au travers de riffs et mêmes de solos entrelacés, rappelant par moment les heures de gloire de Bloc Party, à l’instar de « Cheer Up Baby » ou encore « My Honest Face », qui adresse de solides clins d’œil à Editors. Un morceau comme « Totally » penche même vers le rock sensuel d’INXS alors que tout au long de « Dublin in ecstasy », le travail des cordes se fond dans les synthés à coloration eighties.   

« Just to Keep You Satisfied » flotte sur un thérémine au son étrange et envoûtant. Des sonorités de sixcordes distordues éclosent à mi-parcours dans l’esprit du « Stupid Girl » de Garbage. « Love Will Get You There » aurait pu naître de la rencontre entre The Cure et Billy Joel, notamment lors du refrain, la ligne de basse mélodique se chargeant d’arrimer la chanson. Britpop, « Valentine » se distingue par ses guitares entraînantes et carillonnantes, comme Johnny Marr à la belle époque des Smiths, son rythme de batterie direct et quelques notes de synthé qui s’insinuent furtivement.

Dommage que l’ingé-son n’était pas à la hauteur…

Setlist : « These Are The Days », « My Honest Face », « Totally », « Dublin In Ecstasy », « The Things I Do », « When It Breaks », « My King Will Be Kind », « Now You Got Me », « Just To Keep You Satisfied », « Who's Your Money On ? (Plastic House) », « Valentine », « Love Will Get You There », « Cheer Up Baby ».

Rappel : « If You're Gonna Break My Heart », « It Won't Always Be Like This ».

(Organisation : Ancienne Belgique et Live Nation)

Les Nuits Botanique 2023 : dimanche 23 avril

Ce soir, c'est l’ouverture des Nuits Botanique 2023 ! Pour la circonstance, le Botanique et Bozar se sont associés pour présenter deux spectacles exceptionnels, qui se déroulent à Bozar. Avant le trio Merope, Catherine Graindorge a l'honneur de fouler les planches de la salle Henry Le Boeuf.

Cette violoniste et compositrice bruxelloise est active depuis 2012, date à laquelle elle a sorti son premier album solo, “The Secret of Us All”. Depuis lors, elle a multiplié les collaborations en compagnie d’artistes tels que John Parish, Hugo Race, Pascal Humbert et Bertrand Cantat (Detroit), Warren Ellis et Nick Cave (Jeffrey Lee Pierce Project) et, plus récemment l’iconique Iggy Pop pour un Ep baptisé “The Dictator”. Elle a également composé pour le théâtre et le cinéma, décrochant une nomination aux Magritte du Cinéma pour la bande originale du film dramatique, “Chant des Hommes”.

Ce soir, elle propose une création en avant-première, ‘Songs From The Dead’. Au moment où elle prend place au milieu de la scène, entourée de ses violons, de ses multiples pédales d'effets et de son harmonium portable, sa chevelure blonde rayonne et sa tenue, 100% noire, s'accorde à la thématique de son nouveau projet. A ses côtés, on reconnaît Pascal Humbert (16Horsepower, Lilium) à la basse et aux percussions, et Simon Ho aux claviers. Après une introduction musicale empreinte d'une douceur et d'une profondeur toute mystique, une silhouette se détache de l'ombre pour prendre place devant le micro : c'est Simon Huw Jones, le chanteur bien connu du groupe anglais And Also the Trees.

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Fidèle à son style unique, Simon pose sa voix envoûtante, alternant chant et déclamation dans un souffle romantique. Le violon de Catherine Graindorge vient mêler ses volutes sonores, tantôt chatoyantes, tantôt stridentes, à l'expression littéraire du Britannique. Le tout nous plonge au sein d’un univers cinématographique totalement hypnotique. En écho lointain aux envolées d'un Max Richter ou aux harmonies écorchées d'un Warren Ellis, la musique du quatuor voyage hors du temps, dans un espace onirique vibrant.

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Le point de départ de la création de Catherine Graindorge + Guests est un poème intitulé ‘A Dream Record’. Mexico, le 6 septembre 1951. Sous l’emprise de la drogue et de l’alcool, William Burroughs tue accidentellement sa femme Joan d’un coup de revolver en voulant imiter Guillaume Tell. En 1955, Allen Ginsberg écrit ce poème, dans lequel il raconte un rêve lié à l'événement. Il est à Mexico, Joan Burroughs est assise sur une chaise. Ils discutent et soudain Ginsberg, réalisant que ce n’est qu’un rêve, lui demande : ‘Joan, quelle sorte de savoir a-t-on lorsqu’on est mort ? Peux-tu encore aimer tes connaissances mortelles ? Quel souvenir gardes-tu de nous ?’ Inspirées par ce poème et par le mythe grec d'Orphée et Eurydice, les compositions du quatuor interrogent donc les défunts, ceux qui ont compté dans la vie de la violoniste belge, qu’ils soient intimes ou lointains. Les paroles de Simon Jones évoluent, c'est usuel pour lui, dans un 'stream of consciousness' subtil et solennel, pénétré par la puissance de la nature et l'illumination du moment présent.

Plus tard, deux choristes, Lula et Ilona Rabinovitch, les deux filles de Catherine, rejoignent le quatuor pour prêter leurs voix diaphanes à une composition tout simplement sublime, rythmée par les arpèges du piano, les envolées du violon et la poésie hallucinante de Simon Jones. “Silent Is The Day...”.

A l'issue de ce périple magique, quasi chamanique, on se dit qu'on aimerait pouvoir repartir chez soi avec, en ses mains, la musique de ce moment unique. Bonne nouvelle : le concert a été enregistré et filmé et fera l'objet d'un documentaire. A suivre !

Après une courte pause, le moment est venu de passer au spectacle du trio international Merope, qui a invité le chœur Jauna Muzika, de Vilnius, pour la première mondiale de son nouvel opus, “Salos”. Au milieu de la scène, on découvre la chanteuse lituanienne Indrė Jurgelevičiūtė, flanquée, à sa droite du Français Jean-Christophe Bonnafous à la flûte indienne (bansurî) et, à sa gauche, du Belge Bert Cools, à la guitare, aux claviers et aux effets électroniques. Placé sur la droite de la scène, le chœur Jauna Muzika réunit une quinzaine de chanteuses et de chanteurs, dirigés par Vaclovas Augustinas.

Au fil des premières compositions, on découvre une musique largement centrée sur le chant folklorique lituanien et le “kanklės”, un instrument à cordes pincées traditionnel, joué par Indrė, mais ces éléments sont combinés à des sons tantôt expérimentaux tantôt carrément électroniques.

Le chœur Jauna Muzika apporte à la l’expression sonore une touche majestueuse, inspirée de la musique sacrée. On se sent à nouveau transporté dans un autre monde, tout aussi mystique que celui de Catherine Graindorge. Dans une démarche totalement originale, le trio se saisit de la tradition folk pour la transformer en un laboratoire sonore inspiré par la modernité. On pense parfois à Björk ou à Wardruna et le côté 'ambient' électronique évoque Ben Frost. C'est comme une recherche rétrofuturiste des liens entre l'homme et la nature, au travers d'une méditation musicale pleine de virtuosité et de sensibilité.

Au moment de quitter Bozar après ces deux superbes spectacles, on se dit que les Nuits Botanique commencent de la meilleure façon, dans une aura lumineuse. Venues de Lituanie, les aurores boréales ont gagné nos régions et elles éclairent notre conscience de leur éblouissant éclat...

Merci au Botanique, à Bozar et à Sabam For Culture. Merci à Simon Hugh Jones pour l'interview qu'il nous a accordée avant le concert et qui sera publiée dans votre webzine favori !

Trio Merope + Catherine Graindorge

(Organisation : Botanique et Bozar)

Crédit photos : Axel Tihon (merci à Branchés Culture)

 

Telex

Travailler avec Mute Records sur ce coffret, c'est comme un rêve qui se réalise...

Peu de groupes belges sont connus mondialement. On cite souvent dEUS, Front 242, Soulwax et 2ManyDJs ; mais le plus célèbre demeure, sans doute, Telex. Fondé en 1978 par Dan Lacksman, Michel Moers et le regretté Marc Moulin, le trio a créé une musique singulière, mélangeant l'esthétique du disco, le ‘Do-It-Yourself’ punk et les expérimentations ‘kraftwerkiennes’ de la musique électronique ; le tout saupoudré d'un sens du surréalisme typiquement belge. On se souvient de son passage à l'Eurovision et de sa reprise minimaliste de "Twist à Saint-Tropez", mais surtout de "Moskow Diskow". Cette compo figure sur le premier elpee du groupe, "Looking For St. Tropez", sorti en 1979, et a rencontré un franc succès, y compris à l'étranger. Au point de devenir un ‘must’ dans les playlists des DJ orientés 'wave' et/ou 'electronic'.

Aujourd'hui, plus de 44 ans après la naissance du trio, les deux membres de Telex éditent un nouveau coffret de 6 albums en format vinyle et CD. Publié chez Mute Records et distribué par [PIAS], il réunit les six opus du groupe, qui ont été remixés et remastérisés.

Musiczine a assisté à la présentation officielle du coffret, qui se déroulait récemment chez [PIAS], à Bruxelles, en présence de Dan Lacksman, Michel Moers et Daniel Miller, le fondateur de Mute Records. L'animation était assurée par Olivier Monssens, présentateur à la RTBF (Radio Caroline).

On a ainsi appris que, lorsque l'idée du coffret a été lancée, Telex n'envisageait que de remastériser les disques. ‘Mais nous n'étions pas satisfaits du résultat’, explique Dan Lacksman. ‘Particulièrement en ce qui concerne le 3ème, « Sex ». Nous ne parvenions pas à reconstituer le potentiel des morceaux uniquement par le biais du mastering. Et donc, nous avons entrepris de remixer deux ou trois titres de l'album, puis tous les tracks et finalement, comme nous étions très heureux du résultat et que nous prenions du plaisir à réaliser ce travail, nous avons décidé de revisiter l’intégralité. Et il s'est avéré que le potentiel d'amélioration était important pour, en moyenne, la moitié des pistes. Finalement, nous avons remixé 65 tracks.’ Il faut dire que l’opération s’est déroulée en pleine pandémie, donc les deux musiciens disposaient de tout le temps nécessaire pour accomplir ces travaux d'Hercule.

‘Mais le défi suivant était, lui aussi, de taille’, se souvient Michel Moers. ‘Il fallait remastériser le tout et faire en sorte que le coup de peinture final corresponde au rendu des morceaux originaux. Mais je crois que nous y sommes parvenus vu que, dans de nombreux cas, il est très difficile de distinguer les versions remixées des originales...’

Au moment de choisir une compagnie de disque pour ses rééditions, Telex bénéficiait d’un fameux atout : disposer de tous les droits sur ses chansons. ‘Nous avons d'abord reçu une proposition de Gilbert Lederman (NDR : d'Universal Belgique), aujourd'hui disparu. Nous avons refusé car nous ne voulions plus travailler avec une 'major'. Gilbert a été très 'fair-play' car il nous a suggéré : 'Pourquoi ne pas essayer Mute Records ?' Le conseil de Gilbert a agi comme un déclencheur et on a tenté le coup en envoyant un e-mail au label... Et, à notre plus grande surprise, nous avons reçu une réponse de Daniel dès le lendemain. Travailler avec Mute Records sur ce coffret, c'est comme un rêve qui se réalise...’

Il faut dire que Daniel Miller, le fondateur et boss de Mute Records, était déjà un fan de Telex, ce qui a grandement facilité les choses. ‘J'ai découvert Telex dès ses débuts’, se souvient Miller. ‘J'ai entendu « Twist à St Tropez », probablement dans l'émission de John Peel, car, à cette époque, c'est là que je traquais toutes les nouveautés intéressantes. Ma première impression ? Par rapport à ce que je créais, par exemple au sein de Silicon Teens, c’était très 'pro'. Le son était puissant et clair. Mais ce qui m'a surtout frappé, c'était ce sens de l'humour. La musique affichait un côté très sérieux, mais ce décalage, ce côté 'pince-sans-rire', me plaisait beaucoup. La plupart des gens avec lesquels je travaille ont ce sens de l'humour. Donc, j'étais impressionné et très désireux de travailler avec eux.’

En Belgique, le trio a tout d'abord été signé par RKM (Roland Kluger Music) et Daniel Miller est passé à côté d'un deal pour l'international. Pourquoi ? ‘La raison est très simple’, se souvient Miller. ‘C'est parce que le regretté Seymour Stein, de Sire Records, a été plus rapide que moi pour le signer ! Seymour était un véritable visionnaire et je tiens à lui rendre hommage aujourd'hui.’

On se souvient aussi qu'en 1979, Telex avait fait une apparition remarquée dans ‘Top of The Pops’, l'émission culte de la BBC, pour y interpréter "Rock Around The Clock". ‘A l'époque’, se rappelle Michel Moers, ‘La BBC exigeait que les artistes enregistrent une version spécifique de leur chanson dans les studios de la télévision et c'est cette mouture qui devait être jouée au moment du 'live'. Comme la plupart des autres artistes, nous avons un peu triché et enregistré la 'version BBC' à l'avance, dans nos propres studios et, une fois sur place, nous avons usé de stratagèmes pour simuler l’enregistrement ; et, au moment où les responsables de la BBC quittaient le studio pour aller boire un café, on a inséré subrepticement nos versions pré-enregistrées dans le processus’. ‘Tout le monde était obligé de tricher’, confirme Dan Lacksman. ‘Il est en effet impossible de restituer en un seul jour la qualité d'un enregistrement studio qui a nécessité des semaines pour être peaufiné.’

Visuellement, la prestation de Telex à ToTP était particulièrement originale. ‘Nous avons pris les autres artistes à contre-pied’, précise Michel Moers. ‘J'étais juste assis, occupé de lire le journal et de boire un verre d'eau, tandis que mes deux acolytes jouaient du synthé de façon statique. Nous avions une attitude volontairement ennuyée, voire ennuyeuse, un peu comme Buster Keaton, le comique qui ne souriait jamais.’ Et Daniel Miller de souligner, d’un humour typiquement anglais : ‘C'était du 'performance art (rires) !’...

Daniel Miller se souvient de l'impact que Telex a eu, à l'époque, en Angleterre. ‘En 1979, la presse était très critique face aux formations ou artistes électroniques. Ils considéraient qu'ils étaient 'fake'. Pour elle, un groupe devait compter un batteur, un bassiste et un guitariste. Pourtant, le titre de Telex a rencontré pas mal de succès dans les charts.’ En effet, "Rock Around The Clock" s’est hissé à une honorable 34ème place dans le classement officiel anglais. C'était en juillet 1979, quelques semaines seulement après la 1ère place décrochée par Gary Numan (Tubeway Army) pour « Are friends electric, ». La musique électronique était clairement occupée de creuser son sillon...

De nombreux experts estiment que les musiciens de Telex sont, d'une certaine manière, des précurseurs de la techno et de la house. Daniel Miller est de cet avis : ‘Absolument ! Les artistes ‘techno’ de Detroit écoutaient et jouaient du Telex. Mais souvent à une autre vitesse ; ils changeaient le bpm (NDR : beats per minutes). Par exemple, ils interprétaient "Rock Around The Clock" en l'accélérant un peu. Et le remix de "Moskow Diskow" imaginé par Carl Craig est devenu un classique !’ Sans oublier, bien sûr, la new-beat, qui est née en Belgique. Elle s’était également inspirée de la 'wave' électronique. ‘La new-beat, elle, ralentissait les tracks’, précise Dan Lacksman. ‘Typiquement, ils passaient un 45 tours en 33 tours sur la platine vinyle en réglant le 'varispeed' à '+8'.’ C'est en effet en appliquant cette technique au morceau "Flesh" de A Split Second qu'est née la new-beat, si l'on en croit la légende, bien sûr... ‘Mais nous, nous ne nous souciions pas du bpm’, poursuit Lacksman. ‘On disposait de machines analogiques. Donc on réglait les boutons 'au feeling', sans disposer de repères chiffrés. Que "Moskow Diskow" soit rivé à 130bpm était un pur hasard. Evidemment, quand les boîtes à rythmes et les ordinateurs sont arrivés, tout le monde a commencé à se caler sur les mêmes tempos.’

Avant de clôturer ce compte-rendu, mentionnons quelques anecdotes croustillantes qui ont été évoquées au cours de la présentation :

- Daniel Miller possède un vocoder original qui a appartenu à Kraftwerk, mais il ne fonctionne plus ;

- Daniel Miller confirme que les démos du premier disque de Fad Gadget ont été enregistrées dans une garde-robe (!) ;

- Michel Moers chante différemment sur l'album "Sex" que sur les autres long playings de Telex parce que Russel Mael, des Sparks, qui avait écrit les paroles des chansons en compagnie de son frère Ron, se trouvait dans le studio ; et donc, comme Michel voulait l'impressionner, il s'est improvisé chanteur de rock ;

- Le titre de l'album "Sex" a été censuré aux Etats-Unis ; là-bas, il est commercialisé sous le titre "Birds and Bees" ;

- Daniel Miller est un passionné de techno ; il a monté un projet en compagnie de Gareth Jones baptisé Sunroof.

Pour écouter et commander le nouveau coffret de Telex, c'est ici.

Pour écouter l'interview audio, diffusé dans l'émission de radio WAVES, c'est ici.

Merci à Telex, Daniel Miller, Mute Records, [PIAS], Olivier Monssens et l'émission de radio WAVES (Radio Vibration).
 
 
 

 

 

FACS

Still life in decay

Écrit par

A l’issue de l’enregistrement de ce « Still life in decay », la bassiste, Alianna Kalaba, a cordialement pris congé du groupe. Elle laisse la place à Jonathan van Herik, membre fondateur, de retour au sein du line up. En espérant que cette ligne de basse fuzzée très caractéristique soit préservée. Car tout au long de « Still life in decay », le cinquième elpee de Facs, c’est elle qui donne la coloration à l’expression sonore.

Découpé en 7 pistes, cet opus s’ouvre par « Constellation ». Fantomatiques, les sonorités de guitare apparaissent puis disparaissent au sein d’un climat angoissant. Ces sonorités oscillent entre le cosmique et la noisy venimeuse sur « When you say ». Et sont dispensées en boucle tout au long de « Slogan », alors que le vocal de Brian Case devient incantatoire.

Légèrement indus et menaçant, s’achevant dans une forme d’ambient, « Class spectre » est imprimé sur un tempo implacable, martial. Une structure que l’on retrouve sur le morceau final « New flag », une plage de 10’ déchirée épisodiquement de stridulations émises par la six cordes. Plus lent et méthodique, le titre maître s’achève également dans l’ambient…

Côté lyrics, Case aborde les thèmes de la démission, du cynisme, de la lutte des classes (NDR : dont le marxisme), la recherche d’identité et la perception d’une société devenue décadente…

En Attendant Ana

Principia

Écrit par

Troisième long playing pour cette formation parisienne au sein de laquelle l’ancien ingénieur du son, Vincent Hivert, est passé à la basse, depuis 2020, remplaçant ainsi Antoine Vaugelade. Et il faut avouer que ses interventions se révèlent particulièrement judicieuses, quelquefois caoutchouteuses, apportant très souvent un contrepoint aux mélodies des compos. 

Tout au long des 11 plages de cet opus, les arrangements sont soignés, parfois subtilement cuivrés. Hormis sur « Same old story » au cours de laquelle ils virent carrément mais élégamment au free jazz. Une piste aux harmonies vocales féminines qui s’entrecroisent en français et en anglais. Un régal ! Alors que « To the crush » adopte le profil d’une valse, « Wonder » est imprimé sur un tempo krautrock enlevé.

On en oublierait presque la voix de Margaux Bouchaudon (NDR : c’est aussi la compositrice) toujours aussi pure, sorte d’hybride entre celle de Laetitia Sadier (Stereolab) et de Verity Susman (Electralane), dont les groupes constituent des références majeures pour En Attendant Ana. Et si les sonorités des guitares sont toujours aussi cristallines, elle se fondent davantage dans un ensemble bien moins shoegaze que sur les albums précédents…

An Eagle In Your Mind

Intersection

Écrit par

« Intersection » constitue le troisième elpee d’An Eagle In Your Mind, un duo lyonnais réunissant Sophia Acchibat et Raoul Canivet. Elle se consacre au chant et à l’harmonium indien. Il se réserve le synthé, les guitares (dont une de marque dreadnought), le banjo, le guembri (instrument de musique à cordes pincées des Gnaouas) ainsi que les percus (berbères, brésiliennes, analogiques et la boîte à rythmes). Les instrus insolites ont été ramenés lors de leurs voyages, effectués notamment en Europe de l’Est et en Afrique du Nord.  

Hypnotique, introspective, presque mystique, la musique d’An Eagle In Your Mind navigue à l’« Intersection » de l’Orient et de l’Occident, soit quelque part entre celles de Dead Can Dance, Natacha Atlas et de Lola Colt, la voix spectrale, éthérée de Sophia accentuant cette impression…

Marquis (de Sade)

Konstanz

Écrit par

Au cours de sa brève existence, (1977-1981) Marquis de Sade a vécu de nombreuses tensions internes, différents qui ont conduit à la séparation, quatre ans et deux elpees plus tard. Il se reforme en 2017, puis décide de sortir un troisième opus. Mais alors que le projet est bien avancé, Philippe Pascal, le chanteur charismatique, se donne la mort le 12 septembre 2019. Le temps d’encaisser le coup et puis de décider si l’aventure va reprendre ou pas, le groupe recrute le Belge Simon Mahieu pour le suppléer, après avoir fait le tour de quelques invités comme Etienne Daho, feu Dominic Sonic et Christian Dargelos. Finalement, l’album sort en mars 2021. Pour la circonstance, Frank Darcel, le compositeur/guitariste avait accordé une interview à Musiczine (à lire ou à relire ici)

Alors que le nouveau line up semble stable, le bassiste historique du band, Thierry Alexandre commence à souffrir d’une maladie des mains et perd sa dextérité sur les cordes. Or, l’enregistrement du nouvel LP est en cours. Le reptilien et menaçant « Brighter » vient alors d’être mis en boîte. Pour pallier cette nouvelle défection, le combo est obligé de faire appel à plusieurs substituts. Cinq en tout ! Dont l’ex-Marc Seberg, ex-Kas Product, Pierre Corneau, et Jared Mickael Nickerson (The The). Mais la liste des invités ne s’est pas arrêtée en si bon chemin, puisque Vernon Reid (Living Colour) est venu donner un bon coup de six cordes sur « Er Maez », et l’ex-Voidoids Ivan Julian, sur « Listen to the big bang », auquel participe Denis Bortek (Jad Wio) au chant et James Stewart (Sun Ra Arkestra) au saxophone. Et parmi les autres guests préposés à ces instruments à vent, figurent Pierrick Pédron et Daniel Pabœuf. Sans oublier le claviériste Adriano Cominotto et le trompettiste Mac Gollehon. On en oublierait presque la chanteuse Eli Madeiros qui partage un duo avec Simon tout au long de « In the mood for love », un morceau traversé de sonorités de guitare tintinnabulantes. Bref, une vingtaine de musicos ont participé aux sessions d’enregistrement.

De ce long playing, on épinglera encore « Immensité de la jeunesse », piste au refrain contagieux, dont les lyrics évoquent la révolte des femmes en Iran. Et encore « Aux premiers feux », une ballade brumeuse qui réveille les spectres d’un passé qu’on regrette sans doute encore un peu…

Bref, un album qui tient la route, dont le titre se réfère à Constance, une ville allemande sise entre la frontière de l’Autriche et de la Suisse où Balzac, Thomas Mann, Herman Hesse, Peter Handle et quelques autres sont allés chercher l’inspiration pour écrire.

Petit bémol, la voix de Simon (qui chante pourtant aussi bien en anglais, en français, en breton qu’en allemand) ne parvient pas à transcender les morceaux et n’atteint sa plénitude que lors des duos.

Josy & The Pony

Hyponyme deluxe

Écrit par

C’est Fan(n)y Gillard, présentatrice sur Radio 21, qui va donc remplacer Josette aux vocaux, au sein de Josy & The Pony. Encore que sur l’enlevé « Secte équestre », elles chantent en duo. La moitié des compos qui figurent sur cet « Hyponyme deluxe » sont de nouvelles versions d’anciens titres. Mais il recèle également 4 inédits. Sans quoi, l’esprit n’a pas changé. On y retrouve ces références hippiques, sous forme de jeux de mots, ces sous-entendu lubriques (sur le morceau final, « Barbara Âne – Trot slow II », on entend, en fin de morceau, un mec crier ‘A poil’ ; mais en fait ce serait lié à l’interdiction de balancer cette impertinence lors des concerts, en mettant un terme à l’histoire de « Jean-Roger », le skette-braguette de l’hiver dernier), cette autodérision et cet humour décalé ; et puis ce climat sixties entretenu par la guitare surf et le clavier rogné, réminiscent d’Inspiral Carpets. Sans oublier les références aux femmes qui ont chanté pour Gainsbourg (Bardot, France Gall, etc.) et quelques sonorités électroniques pour rester dans l’air du temps… Une valse quand même (« Jean-Roger – Trot slow ») et puis « Canassonic = Panic » qui nous rappelle les B52’s ; même que la voix masculine emprunte les intonations de Fred Schneider…

Big Brave

Nature morte

Écrit par

Quand on parle de « Nature morte », on pense immédiatement à des peintures sur huile représentant des éléments inanimés (aliments, gibiers, fruits, fleurs, objets divers...) disposés très souvent dans une intention symbolique. A traves « Nature Morte », le trio montréalais a voulu nous sensibiliser à l’effondrement écologique, aux objets inanimés et à la mort.

La disparition de l’espoir, les conséquences sans fin des traumatismes vécus par les humains ainsi que l’oppression du genre féminin sous toutes ses formes sont évoquées par Robin Wattie tout au long de cet LP.

Les six plages de cet opus ne sont pas faciles à assimiler. D’abord, à cause de la voix de Robin : tour à tour criarde, écorchée, hantée ou comparable à un feulement. Parfois fragile ou délicate, quand même. Et puis l’ambiance y est constamment claustrophobe.

Produit par Seth Manchester (Battles, The Body), le climat anxiogène de « Nature morte » se nourrit de sonorités de guitares volcaniques, dissonantes, grondantes, chargées de larsens ou de drones distordus, du drumming minimaliste, mais aussi parfois de langueurs ténébreuses voire contemplatives. Pas de basse, cependant ! Et le tout est lacéré par les interventions vocales de Robin, dont les inflexions sont quelquefois susceptibles de rappeler celles de Björk. En bref, on ne peut pas dire que l’ambiance est à la joie !

Seul instrumental, « My hope renders me a fool » frôle l’univers de Godspeed You ! Black Emperor, autre band montréalais. Et la première partie de « The fable of subjugation » évoque une prière bouddhiste, avant de virer à la noisy âpre et dramatique…

Outed

Ondes De Gravité

Écrit par

Originaire de Strasbourg, Outed est un couple sur scène comme à la ville. Il réunit Noémie Chevaux et Fred Tavernier. Ils puisent leur inspiration dans la musique qu’écoutaient leurs parents ; en l’occurrence celles des Shadows, des Rolling Stones, d’Eddy Cochran, d’Elvis Presley, de Barbara, d’Higelin, des opérettes, du classique et des Yéyés.

Découpé en 11 plages, l’opus s’ouvre par « A l’Envers », un morceau de pop sautillante éclairée par des paroles lumineuses : ‘Nos corps nus attirés par la lumière. Bercés par un chant familier. Pour un premier voyage en solitaire. Avec champagne à l’arrivée’. Des kalimbas africains (un genre de piano à pouces) enrichissent la piste dont les textes évoquent un retour aux sources et aux origines de l’humanité sur les terres africaines.

Entre ballades pop, morceaux plus électro ou pop-rock énergiques imaginés pour la scène, l’elpee révèle une approche riche et variée du duo. Enfin, pas tout à fait, car lors des sessions, il a reçu le concours de Franck Bedez à la basse, Cédric Macchi à la batterie, David Linderer aux claviers ainsi que Sébastien Hoog aux guitares et à la réalisation.

Ecrits à 4 mains, les textes conservent le style initié dans le premier album « La Matrice Du Chaos ». Et ils alimentent des chansons à leur image : sincères, libres, en clair-obscur qui reflètent les moments de joie, de névroses, d’amour, de délires de peurs, de colères et d’engagements. Mais qui peuvent soulever des questions existentielles avec légèreté et humour ou se transformer en véritable pamphlets caustiques. Plus sombres, ils enfoncent le clou sur un monde chaotique. Il y a même des poèmes mis en musique. Selon Fred et Noémie, cet LP est également une cellule d’observation en milieu psychiatrique.

Sautillant, caractérisé par sa pop électronique légèrement vintage, « Ephémère » est taillé pour le dancefloor.

« Vie tranquille », c’est le nouveau single qui a précédé la sortie du second long playing.

L’amour est éternel sur « Refaites-Moi » : ‘Faites de moi. Le plus bel Apollon, la nouvelle Aphrodite. Un modèle du genre qui vous excite. Je veux être l’objet de tous vos désirs.’

Et parfois les spectres de Daho, des Innocents, de Gainsbourg voire de Gainsbarre se mettent à rôder…

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