Bob Nelson n'est pas né à Chicago, mais à Bogalusa, en Louisiane. Cependant, à l’instar de nombreux contemporains, il a débarqué dans le plus grand port des Grand Lacs, très jeune. Une situation qui allait le marquer à vie. Il a largement dépassé les soixante balais aujourd’hui. C'est Muddy Waters qui lui a collé le surnom de Chicago Bob. Adepte de l'harmonica, il apprend à jouer au contact d’artistes notoires comme Junior Wells ou Big Walter Horton. Il a également accompagné John Lee Hooker et Johnny Shines ; et puis a milité au sein du Collwell Winfield Blues Band. Il est ensuite parti vivre à Boston. Au cours des eighties, il incorpore le line up des Heartfixers du guitariste Tinsley Ellis (un album est paru en 1983 chez Landslide : "Live at the Moonshadow") et rejoint même les Shadows.
Après une absence de dix ans, il nous propose enfin ce nouvel opus. Une aventure musicale qu’il poursuit donc dans un style Chicago blues sous une approche louisianaise. Pour la circonstance, il a bénéficié du concours d'excellents musiciens, réunis sous la houlette du pianiste David Maxwell (il est également responsable de la production de l’œuvre). Une section rythmique de rêve a ainsi participé aux sessions d’enregistrement : le bassiste Michael Mudcat Ward ainsi que le drummer Per Hanson, deux ex-Ronnie Earl et Sugar Ray & the Bluetones. Monster Mike Welsh (il est également issu de Boston) et Troy Gonea (Fabulous Thunderbirds, Kim Wilson) se réservent les guitares.
Le disque s’ouvre par "Taking care of business" ; et surtout par le riff qui a fait la célébrité d'Elmore James. A la gratte : Mike Welsh ! Nous baignons bien dans le blues du Chicago Southside ; cependant, Bob a gardé le timbre du chanteur de swamp blues de sa Louisiane natale. Maxwell occupe une place importante dans le décor et Troy Gonea s'éclate dans un style très différent de Welsh. La voix de Bob est une véritable révélation. Assurée, immuablement nonchalante, puissante, elle domine l’ensemble. Le "My bleeding heart" d'Elmore James constitue véritablement un des sommets de la plaque : le piano et la guitare semblent sortir des studios Chess. Nelson a signé trois plages. Tout d’abord "Party after hours". Elle démarre très lentement dans le style de T Bone puis prend progressivement du rythme. Le swing déborde. Tous les musiciens participent aux chœurs. Gonea préserve son style jump pendant que Doug James souffle dans les sax ténor et baryton. "Retirement plan" ensuite. Remarquablement ficelé, ce slow blues et très très proche de Muddy Waters. Quel bonheur de voir et surtout d'entendre Maxwell emprunter le rôle d'Otis Spann et Welsh celui de Jimmie Rogers. Il faut d'ailleurs souligner que dans le même registre, Bob s’autorise une cover du lent "The blues never die" de Spann, avec beaucoup de retenue et de feeling. Maxwell déploie des trésors d'imagination pour faire passer le fantôme de l'inoubliable Otis. Fermez les yeux, et vous y parviendrez assez facilement. Toujours dans le même style, les musiciens haussent le tempo et s’engagent sur le "Popcorn man" de Muddy Waters. Les ivoires s’emballent. L’harmonica participe à cet engouement. Il interprète le "Wish I had someone to love" de Bo Diddley sur un axe Baton Rouge – Chicago. Très paresseuse, la ligne rythmique et portée par Mudcat Ward. Le chant est bouleversant. La production digne de Jay Miller! D’excellente facture, cet album ne recèle aucune faille. On y porte intérêt de bout en bout. Et il s’achève par "Christmas tears", un blues démontrant une dernière fois la sensibilité exacerbée de ce chanteur/harmoniciste talentueux.