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Warhaus - 20/03/2023
Warhaus - 20/03/2023

Guided By Voices

La bonne musique se fait rare aujourd'hui.

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‘Earthquake glue’ constitue le quinzième album de Guided By Voices. Une formation dont le leader, Robert Pollard, demeure le seul membre originel. Il en est aussi le leader, le compositeur et le chanteur. Avant de se lancer dans l'aventure GBV, Bob était instituteur. Au départ, c'est à dire en 1993, ce n'était d'ailleurs qu'un hobby. Mais progressivement, le public a commencé à s'intéresser à leur musique. Qui sera ultérieurement décrétée lo fi. Pourtant, GBV n'imaginait même pas pratiquer de la lo fi. Simplement, faute de moyens, ils enregistraient sur un quatre pistes. D'ailleurs, l'histoire a failli s'arrêter au bout du sixième elpee. A cause d'une situation financière que la formation va sauver en dessinant ses propres pochettes, à la main…

Robert revient sur cet épisode : " Ce disque devait être notre dernier. On en a enregistré 500 copies. Et on a dessiné les pochettes. Les 150 premières étaient élaborées. Parfois agrémentées de timbres. Puis on s'est un peu essoufflé. Et je regrette de ne pas en avoir conservé davantage. Il doit m'en rester quatre ou cinq exemplaires. Certaines personnes m'ont proposé de leur revendre à 1000 $ US pièce. Peut-être que dans le futur on recommencera l'opération. Je ne sais pas… " Les aventures insolites, le groupe les a cumulées à ses débuts. Pour le fun. Ainsi, afin de se créer un press book, le groupe n'avait rien trouvé de mieux que d'inventer ses propres interviews et d'organiser ses propres sessions de photos. " On pensait que c'était la meilleure manière de se faire connaître. On espérait ainsi que quelqu'un aurait pris la peine de nous écouter. En fait, on n'imaginait pas que nous avions du talent. Avec le recul, je me rends compte que les questions n'étaient pas bonnes. Et les réponses non plus ".

La lo fi, Robert reconnaît que le groupe en pratiquait à ses débuts. A une époque où le groupe était inconnu. D'ailleurs lorsque le public a découvert Pavement, il y a belle lurette que GBV en avait fait son pain quotidien. Et par la force des choses, le groupe a été intégré au circuit. Robert acquiesce : " Oui, nous avons fait partie du mouvement, mais nous n'en sommes pas les précurseurs. Je crois qu'il faut en attribuer la paternité à Robert Johnson. Je n'ai cependant jamais considéré GBV comme un lo fi band. En fait, nous n'avions pas suffisamment d'argent pour enregistrer en studio. Personnellement, j'estime que la lo fi est l'extension ultime du punk. Pas besoin d'être un virtuose du manche ni d'être un grand technicien de l'enregistrement pour le pratiquer. Il y a un bon bout de temps que nous ne pratiquons plus ce style musical. Je ne dis pas que nous n'y reviendrons pas un jour, mais je me vois mal retravailler avec un quatre pistes ". Propos confirmés par la mise en forme des derniers opus du groupe. Et en particulier 'Isolation Drills', produit par Rob Schnapf (Beck, Elliott Smith) en 2001, et surtout 'Do the Collapse', par Ric Ocasek, en 1999. Depuis 'Universal Truths & Cycles', paru l'an dernier, la production est assurée par le groupe et Tim Tobias, le frère du nouveau bassiste. Dans leurs studios Cro-Magnon, à Dayton (Ohia). Bob précise : " Sur le test pressing que tu as reçu ne figure pas notre single US 'My kind of soldier'. Nous l'avons ajouté. Il s'agit de la seule chanson que nous n'avons pas produite. Elle l'a été à Chicago, dans les studios de Steve Albini ". Mais pourquoi ne plus avoir fait appel à Ric Ocasek ? " Parce que nous souhaitions avoir le contrôle de notre musique. Pour travailler avec Ric, nous avons dû nous rendre dans ses studios dans le Tennessee. Le son y est trop fini, trop uniforme. Et nous préférons que chacune de nos chansons soit un peu différente. Qu'elle ait du relief ! D'autre part, Ric est une rock star. Il a la classe et mène un certain train de vie. Il bosse en col blanc. Le second en bleu de travail. Avec Ric, le climat était austère ; il ne nous aurait jamais suggéré de boire un coup. Au contraire, il nous en aurait empêchés. Etait-ce dû aux injonctions du label ? Je n'en sais rien ! Toujours est-il qu'en compagnie de Tim, c'est l'inverse, il nous arrive de s'arrêter pour décompresser et de prendre un verre. C'est plus cool ".

Malgré son départ en 1997, soit après l'enregistrement de 'Mag Earwhig!', Tobin Sprout et Robert sont toujours en bons termes. D'ailleurs, ils continuent à travailler sur un projet commun : Airport 5. Simplement, la méthode est un peu différente, puisque Tobin qui habite aujourd'hui dans le nord du Michigan, à neuf heures de Dayton, compose la musique dans son studio 'Fading Captain Series'. " Lorsqu'il a terminé, il me transmet les maquettes pour que j'y ajoute les lyrics. Puis nous travaillons les mélodies. Ce système fonctionne bien. J'ai utilisé la même méthode, l'an dernier, pour concocter un album en compagnie de Mac Mc Caughan de Superchunk, 'Go back snowball'. J'aime ce type de collaboration. Tobin est un chic type. C'est bien de rester en contact. Il manque à nos fans… "

En général, les artistes détestent qu'on leur attribue des influences, qu'on cause de leurs références. Pour Robert, ce n'est pas un sujet tabou. Au contraire. Il est même flatté qu'on trouve à son dernier opus, 'Earthquake glue', des affinités avec le Who voire avec le Genesis de Peter Gabriel. Le Who ? Parce que c'était un groupe à hymnes. Et Bob d'ajouter : " 'Who's next' et 'Quadrophenia' sont les albums que je préfère chez le Who. Nous reprenons même 'Baba O' Riley', sur scène. J'ai toujours été fasciné par la puissance de leurs cordes. Sur scène, je balance le micro, un peu comme Roger Daltrey. Oui, définitivement, le Who est une influence majeure. Et puis, nous avons encore besoin d'eux, n'est ce pas ? Genesis ? Leurs quatre premiers elpees sont excellents. Tout le monde est étonné que j'en parle. Parce que leur influence n'est pas très évidente. C'est vrai, qu'elle se limite aux lyrics et aux mélodies. Parce qu'à l'époque, ce type de prog rock accouchait de très longues compositions. On avait même l'impression qu'un seul morceau était découpé en plusieurs chansons. J'apprécie moins le travail de Peter en solo. De cette scène prog, j'ai beaucoup aimé le King Crimson, et puis aussi Vandergraaf Generator. Enfin, je n'ai pas peur de dire que j'aime le Queen ". Une chose est sûre, Bob prend plus son pied à l'écoute de vieux albums qu'à travers la scène contemporaine. " Aujourd'hui, les musiciens pensent plus à la technologie et au recyclage. A mon avis, ces concepts ne correspondent plus à l'esprit du rock. Leur vision est trop à court terme. J'ai même parfois l'impression d'avoir déjà entendu les mélodies. Leur progression de cordes est fatigante. Evidemment, je dois reconnaître qu'il est plus difficile de faire preuve de créativité, aujourd'hui. De se renouveler. Pour l'instant, j'entends trop rarement de bonnes chansons. Il y en a certainement, mais je n'ai plus la patience de fouiller dans les bacs des disquaires. La bonne musique se fait rare aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je préfère écrire des chansons moi-même. Je ne prétends pas qu'elles sont toutes bonnes. Mais je m'efforce d'y parvenir. Je suis peut-être resté coincé dans l'univers des années 60 et 70 ". Paradoxal, mais les mélodies des nouvelles compositions d' 'Earthquake glue' ne sont pas immédiatement contagieuses. Robert s'explique : " Lorsqu'on accroche instantanément, l'effet à tendance à disparaître assez rapidement. Un bon album nécessite plusieurs écoutes pour se l'approprier. A l'instar de tous les grands elpees que j'ai pu écouter. Ce qui signifie que j'ai peut-être gagné en maturité, en tant que parolier. Aujourd'hui, j'attends que la chanson soit terminée avant de la présenter au groupe. Aussi bien sur le plan de la structure qu'au niveau des textes. Je n'écris plus aussi rapidement qu'auparavant. C'est vrai que les idées me viennent tout de suite. Mais j'ai appris à prendre le temps de la façonner, à devenir plus patient afin que de m'assurer que le produit soit bien fini. Ce qui explique que je prends plus de temps pour écrire, qu'auparavant. Et puis mes chansons ont tendance à devenir plus longues. Pas trop longues, quand même. Pas de 20 minutes comme dans les 70's. Trois à quatre minutes suffisent. Pas davantage. "

Pour compléter le tableau, sachez que Robert apprécie beaucoup Lou Barlow et Colin Newman. Le premier, parce que c'est un bon songwriter qui possède une voix fort intéressante. En pleine phase lo fi, ils ont partagé la même scène. " Mais on ne savait pas toujours qui devait ouvrir le concert pur l'autre. A l'époque, nous avons rencontré de sérieux problèmes de communication ". Il aime le travail solo de Colin Newman. Wire aussi, évidemment. " Je suis content que le groupe se soit reformé avec de nouvelles idées. Ce n'est pas parce que le groupe s'était séparé que je ne m'intéressais plus à leur sort. Personnellement, j'estime qu'il s'agit d'un des groupes les plus intègres sur la scène rock. C'est le genre de groupe qui ne commet pas d'erreurs, même s'il a accompli des choses que j'aime moins. Je les apprécie à leur juste valeur. L'intelligence du groupe est d'être parvenu à se ressourcer sans trop de bouleversement. Le changement dans la continuité, quoi ! "

Les musiciens de GBV ont participé au tournage d'une vidéo des Strokes. " Parce que ce sont des bons amis " rétorque Robert. " Ce sont des fans de GBV. Et nous sommes fans des Strokes. Au départ, je n'étais pas chaud pour y participer. Mais le management nous y a forcés, sans quoi, ils l'auraient refilé à Weezer. Nous ne voulions pas que ce soit Weezer qui nous dame le pion. Et on a collaboré à cette vidéo… "

Merci à Vincent Devos

 

TTC

Pour nous le rap, c est de la musique électronique.

" Ceci n'est pas un disque " était un des albums rap de 2002 : rarement aura-t-on pu entendre telle 'déconnade' intelligente, parce que oui, ça existe. Teki Latex, Tido et Cuiziner, secondés par Orgazmik aux platines, nous ont redonné une bonne raison d'écouter du rap français, sans clichés ni foutage de gueule. Bénéficiant d'une production détonante (DJ Vadim, Tacteel,…) et d'invités triés sur le volet (Dose One, La Caution,…), " Ceci n'est pas un disque " nous changeait enfin du commun exercice de gangsta rap parigo singeant son cousin d'Amérique. En plus, c'est drôle (les paroles, pleines de cadavres - vraiment - exquis), futé et affûté (les beats, inventifs). A l'occasion de leur passage aux Nuits Botanique (le mercredi 24, avec Detroit Grand Pubahs), nous les avons rencontrés. Attention : ceci n'est pas une interview.

" Ceci n'est pas un disque ", un hommage à Magritte ?

Teki Latex : La peinture flamande et nous, c'est une longue histoire… En fait, c'est flamand ou wallon ?

Il est de la Wallonie profonde.

T.L. : " Il est de la Wallonie profonde " ! Alors arrête un petit peu de dire des conneries sinon ils vont te casser la gueule ! (Il désigne ses amis) Euh ! Matisse… non : Magritte, on l'aime bien. Même si on le confond avec Matisse.

Parce que Magritte, à l'époque, incarnait un peu la révolution picturale… Est-ce que TTC est une révolution au niveau du rap français ?

T.L. : C'est la Révolution française. On a pris les baïonnettes et on est allé buter de l'aristo, et…

Orgazmik : Et ils m'ont récupéré à Versailles au passage.

T.L. : Non, sérieusement… Ce n'est pas vraiment la révolution. On n'a rien inventé. On essaie juste de faire de la bonne musique.

N'empêche qu'il y a beaucoup de jeux de mots dans votre musique, qui…

T.L. : (nous interrompant) On doit tout à Dr. Dre. Et à Death Row Records. Et à Suge Knight. On leur doit tout. C'est du gangsta rap, ce qu'on fait.

Alors, quoi ! ? TTC : rap français ou hip hop international ?

T.K. : C'est du hip hop de chambre.

Pourquoi ? Parce que " (Je n'arrive pas à) danser ", c'est un hit dans ta chambre ?

T.K. : Voilà, exactement. Et parce que c'est dans la chambre qu'on se reproduit, et c'est important de se reproduire pour la survie de l'espèce humaine. Euh ! Donc, voilà : hip hop pour faire l'amour. Vous pouvez faire l'amour à votre copine en écoutant TTC, ça marche.

C'est un concept qui a déjà été pris, 'tention !

T.K. : Ben oui, mais… A partir du moment où on peut contribuer à cette grande chose qu'est la reproduction humaine, et ben on le fait.

Certes, mais là on s'égare. Que pensez-vous de la scène hip hop américaine, de labels comme Anticon, Def Jux, qui expérimentent à tout va ? Vous avez collaboré avec Dose One sur " Pas d'armure "…

T.K. : J'aime beaucoup.

O. : (crachant une fumée à l'odeur de chanvre, et sur un ton nébuleux) Oui, moi aussi.

T.K. : On trouve que ce sont des gens qui font de la très bonne musique et qui mériteraient d'être encore plus écoutés. Et découverts.

Qu'est-ce que ça vous apporte d'être signés sur un label anglais, Big Dada, par rapport au fait d'être un groupe de rap français ?

T.K. : Ca nous apporte des prostituées, des jeunes filles en rut qui viennent à la sortie des concerts avec des minis T-shirts " Big Dada ". On les avait pas avant, mais depuis qu'on a signé, elles sont folles de nous ! (Redevenant sérieux) Non, ça nous apporte la gloire. Ca nous apporte le fait d'être distribué dans 30 pays. Et ça, c'est génial ! Des rencontres, des opportunités. Des gens qui s'intéressent à nous parce qu'ils s'intéressent à toutes les sorties du label et qui vont tendre plus facilement l'oreille que si nous avions été signés sur un label indépendant ou sur un label plus commun avec moins d'identité. Ca nous apporte beaucoup de satisfaction.

Comment vous positionnez-vous par rapport à la scène rap française, et qu'est-ce que vous pensez de ce genre de grande messe hip hop au Stade de France, etc. ?

T.K. : Les grandes messes au Stade de France, c'est très bien. C'est pour la paix urbaine, et nous on se sent vraiment concerné, parce qu'on est urbain.

C'est marrant, parce que les artistes alternatifs ont un point de vue différent du public : ils pensent que musique alternative et musique commerciale peuvent cohabiter.

T.K. : Oui, je pense que c'est de plus en plus le cas.

O. : (cassé) Oui, tout à fait.

T.K. : Justement, on parlait tout à l'heure de Def Jux et d'Anticon, des labels auxquels la presse porte un intérêt croissant. C'est bien ! Ca prouve que ça peut exister aussi. Je pense que tout peut coexister. Après c'est vrai que parfois ça fait un peu mal au cœur de voir certaines personnes sauter certaines étapes et s'autoproclamer " MC's " alors qu'ils se sont un peu moins creusés le cerveau que d'autres… Et ils y arrivent parce que c'est un emballage et toute une stratégie marketing qui sont dus aux majors… Mais ça ne sert à rien de se lamenter là-dessus : on préfère faire notre musique dans notre coin.

Sur quel genre de radios êtes-vous diffusés en France ?

T.L. : Sur Radio Nova, et les radios associatives.

O. : Oui, en province, y a plus de radios qui passent TTC.

On vous sent fan de culture populaire : d'où vous vient cette admiration pour les super héros de la TV, genre Leguman ?

O. : C'est l'époque où on est né qui fait que voilà, on a été bercé par cette culture. Donc c'est logique après que cela se retranscrive dans ce qu'ils disent… Et puis en plus, toute la musique électronique a été créée à cette époque-là.

T.L. : Les jeux vidéo…

O. : Finalement, ce qu'on fait, c'est qu'une évolution de ça.

T.L. : On a été très traumatisé par les années 80.

A côté de ça, vous construisez vos chansons comme certains réalisateurs leurs films. " Pas d'armure ", c'est confus, sans véritable linéarité, comme du David Lynch, et " Reconstitution ", ça ressemble à " Memento "…

T.L. : Ouais ! Ca nous influence. Comme les discussions qu'on peut avoir avec les gens. L'art pictural. La bande dessinée. Tout est musique. Tout est idée. Tout nous inspire.

D'où le fait que vous utilisiez toute une panoplie de techniques d'écriture, comme de production.

T.K. : On accorde beaucoup d'importance au style. Tout doit être fait avec style, sinon ça n'a aucun intérêt. Peu importe la musique ! Comme je dis toujours, on ne condamne pas tel ou tel artiste pictural parce qu'il a dessiné un arbre plutôt qu'une maison. Nous, on essaie d'expérimenter à tous les niveaux, son, écriture, flow, attitude, image, … Pourquoi se limiter ?

Cuizinier : (qui déboule enfin) Bonjour ! Je suis Cuizinier, du groupe TTC !

Enchanté… Le fait de rapper avec une voix suraiguë, ça va dans ce sens-là ?

T.K. : Aussi. Cette recherche d'originalité. Quand j'ai commencé à avoir ce style-là, c'est parce que je cherchais à avoir mon truc à moi, mon terrain à moi. Emmener les gens sur mon terrain.

Et ça rejoint cette idée de passion pour la culture populaire, qui vient de l'enfance.

T.K. : Oui, aussi. Ca peut être les marionnettes de mon enfance qui me faisaient peur. Finalement, la ligne est fine entre cette voix-là (il prend sa voix de scène, tel un gros Titi) et l'autre.

Quel a été l'apport de DJ Vadim sur " De Pauvres Riches ", et celui des autres producteurs ?

T.K. : C'est tout le temps différent, avec chacun d'entre eux.

Pourquoi DJ Vadim par exemple ?

T.K. : Parce qu'on admire son travail, parce que…

C. : (qui l'interrompt) Avant que l'on arrive chez Dj Vadim dans sa gente demeure, nous n'avions aucune idée de ce que nous allions fournir à l'auditeur (ça rime, c'est magnifique en plus). Donc figure-toi qu'on a pratiquement écrit sur place, on avait une très vague, mais lointaine (!), idée de ce qu'on allait produire chez lui. C'est inhérent à TTC, dans la continuité de la création de l'album… Et alors Vadim, pourquoi lui ? On a fait appel à 7 producteurs différents pour essayer de varier un maximum, que l'auditeur ne se lasse pas, et avant tout que (avec Teki Latex) nous-mêmes…

T.K. : … ne nous lassions pas.

Ce qui est très fort chez TTC, c'est quand la musique et le flow se superposent parfaitement, comme sur " Montée d'adrénaline " au niveau des coupures.

T.K. : C'est vrai ! J'aime beaucoup ce morceau : il y a une recherche constante du rythme dans le flow chez TTC, qui est très influencée par la scène californienne, des gens comme Freestyle Fellowship qui ont tout de suite traité le hip hop comme une forme de jazz. Jouer avec les rythmes impliquant des instruments comme la trompette, ce genre… Jouer à se compliquer les choses finalement, pour donner quelque chose de vivant.

C. : C'est la même démarche que Q-Bert peut avoir avec les scratches.

T.L. : Et qu'Orgazmik, notamment sur " Leguman ", où il fait parler Leguman à l'aide de scratches.

Finalement, les frontières entre rap et musique électronique sont de plus en plus floues (même si au départ le rap est de la musique électronique). On pense à Warp et Lex, par exemple.

T.K. : Pour nous le rap, c'est de la musique électronique. Les deux se rejoignent. On est de plus en plus influencé par la musique électronique, et on collabore de plus en plus avec des gens de la scène électronique. On apprécie énormément ce que font les gens de Warp, et par extension les gens de Lex. On a fait un morceau avec Tes, et Tacteel, qui a produit " En soulevant le couvercle " sur notre album, figure sur la dernière compilation de Lex, " Lexoleum 3 ".

Ca fait de vous un groupe unique en son genre, en tout cas en France. Sans parler de vos textes… C'est pas de la pierre poncée comme on peut en avoir dans la variété. Qu'est-ce que vous pensez par exemple de types comme Manu Chao, au discours un peu " cheap " ?

C. : Il faut savoir que Manu Chao, il n'y a pas très longtemps, nous a refilé 100.000 euros pour qu'on ne dise aucun mal de lui.

T.K. : En tout cas, Manu : Chao à toi. C'est une blague facile, mais il fallait la faire. Non : pour finir, je dirais que peut-être la meilleure manière de revendiquer, c'est de le faire de manière déguisée et pas vraiment immédiate. C'est peut-être ce qui marque le plus les gens.

 

Robert Wyatt

L'impressionnisme musical de Robert Wyatt...

Écrit par

Six longues années après la sortie de " Shleep ", Robert Wyatt nous revient avec un nouvel album, ' Cuckoland ', un disque enregistré à Londres, dans les studios de Phil Manzanera, pour lequel il a reçu le concours d'une belle brochette de collaborateurs : et en particulier le guitariste du Pink Floyd, David Gilmour, Paul Weller, Phil (NDR : bien sûr) ainsi que Brian Eno, deux musiciens qui ont sévi au sein du mythique Roxy Music. N'ayant pas encore reçu le nouvel opus au moment de réaliser cette interview, il me semblait donc judicieux de la tramer sur un fil semi-biographique. D'autant plus que cet entretien s'est penché à la fois sur le passé, le présent et l'avenir de l'artiste…

Fils de l'écrivain Honor Wyatt, Robert est né à Bristol, en 1945. Eveillé très jeune à l'art, et en particulier à la musique (à la maison, son père interprétait notamment des œuvres de Bartök ou encore de Hindesmith), Robert tombe paradoxalement sous le charme du jazz… Aussi bien celui de Thelonious Monk, Ornette Coleman que de John Coltrane. Le jazz, c'est d'ailleurs toujours son credo. Davantage que l'avant-gardisme. Pas pour rien que pour enregistrer son dernier elpee, il a également reçu le concours de la tromboniste Annie Whitehead, du saxophoniste Gilad Atzmon, et puis de Karen Mantler, la fille de Michael et de Carla Bley. Si, si, souvenez-vous de ' The Hapless child ', œuvre du couple, devenu depuis des amis, pour laquelle Robert avait également participé. Il travaille d'ailleurs encore régulièrement avec Michael. " Il vit maintenant au Danemark, et a écrit un opéra subventionné par le ministère de la culture de ce pays. J'y chante une chanson, 'Understanding' et tourné la vidéo de cette composition ". Mais le plus troublant procède de la présence de la fille, trente années après celle de la mère. " Karen possède le même type de voix que celle de Carla. En outre, elle joue de l'harmonica et a repris deux de ses titres, qui figuraient sur son album ' Farewell '. Mais c'est vrai que la situation est assez surprenante. On pourra l'écouter live le 8 novembre prochain à Charles-Mézières, dans le cadre de variations opérées sur certaines de mes compositions. Un projet dirigé par Patrice Boyer, qui va impliquer d'autres musiciens comme John Greaves, que je connais depuis fort longtemps, Sylvain Kassap, etc. Ils se sont déjà rencontrés, mais n'ont jamais joué ensemble. " Ce fameux ' The Hapless child ', Kevin Coyne y avait également contribué. Robert et Kevin s'apprécient beaucoup. Ils partagent d'ailleurs des goûts communs pour la peinture et la poésie. Ils ne se voient plus très souvent. Même très rarement. Surtout depuis que Kevin vit en Allemagne La dernière fois, c'était à Londres, il y a quelques années. Mais leur dernière collaboration remonte à 1980, pour l'album de Coyne, intitulé 'Sanity stomp'.

Les peintres et les poètes ont toujours davantage influencé Robert que les musiciens. Ses héros répondent au nom de Picasso et de Miro. Son épouse, Alfreda Benge est d'ailleurs peintre. C'est elle qui réalise les illustrations de ses pochettes. " Mon nouvel album est surtout instrumental. Il comporte des tas de textures et de tangentes, comme dans leur peinture. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour un peintre d'inventer les choses qu'il peint. Si tu peins quelque chose, c'est ta vision de cette chose que tu peins. " On entre ici dans le domaine de l'impressionnisme que Robert a toujours voulu traduire dans sa musique… D'ailleurs, lorsqu'il est entré à l'université, c'était pour y suivre des études de peinture. A Canterbury. Il y fait la connaissance des frères Hooper, de Mike Ratledge et de David Sinclair. Tout ce petit monde, rejoint début des années soixante par Daevid Allen et Kevin Ayers, décide de fonder un groupe : les Wilde Flowers. Des rencontres déterminantes qui déboucheront sur la naissance de ce qu'on va appeler la 'Canterbury school' : Soft Machine, Caravan, Hatfield & The North, etc. La Canterbury school ? Pas moyen de savoir si Robert a encore des contacts avec Daevid Allen ou Kevin Ayers. Ce type de question débouche sur un silence lourd d'interrogations. Les interviews de ses anciens acolytes avaient entraîné la même réaction. Quant à l'influence que cette scène a pu avoir aujourd'hui sur des groupes comme Sea & Cake ou Tortoise, il en est flatté. Mais il n'a jamais entendu parler de ces groupes…

Robert joue alors de la batterie et participe au chant. Mais il apprend aussi à jouer du piano du violon et de la trompette. Après avoir enregistré quatre albums, Robert quitte le Soft Machine, qui à ses yeux a pris une trop forte coloration froide et technique. Après avoir commis un premier elpee solo ('The end of an ear') en 1970, travaillé sur ceux de Syd Barrett, Daevid Allen ou encore Kevin Ayers, mis un nouveau groupe sur rails en 1972, Matching Mole, responsable de deux opus, il tombe accidentellement du troisième étage d'un immeuble. Il devient alors paraplégique. Au cours de sa convalescence, il conçoit son deuxième album solo, 'Rock bottom'. Une œuvre qui paraît en 1974. Littéraire et incisive, elle sera consacrée en France par l'Académie Charles Cros. Un disque produit par le drummer du Floyd, Nick Mason, mais dont la sortie a été permise par l'organisation d'un benefit concert. Cet accident va surtout donner une nouvelle orientation à la carrière de Wyatt. A partir de ce moment sa voix va devenir son principal instrument. Un falsetto clair, fragile, bouleversant, qu'il souligne le plus souvent d'un clavier fluide. " A l'origine j'étais un drummer qui chantait un peu ; puis, par la force des choses, je suis devenu un chanteur qui joue un peu de drums ". Et puis sa carrière, qui jusqu'alors s'articulait autour du groupe, va devenir individuelle. Un artiste solo qui va le plus souvent apporter sa contribution aux autres. Et les autres vont bien lui rendre. En plus de trente années, Robert Wyatt a participé à l'enregistrement de tellement de disques, qu'il serait fastidieux de tous les énumérer. Et, encore, en tentant de réaliser cette discographie, on finirait par oublier l'un ou l'autre détail. " Presque toutes les collaborations que j'ai reçues m'ont été proposées. Je ne demande pas non plus à mon entourage. Je suis trop timide pour solliciter les autres. Et même si je trouve génial d'avoir pu participer à autant d'expérience, j'en ai toujours été très surpris. J'essaie simplement de faire ce qu'on me demande. Parce que, par nature, je suis un solitaire. Un peu comme les peintres et les poètes. Ce n'est ni délibéré, ni un plan de carrière… "

En 1974, Robert se retrouve dans les charts britanniques avec l'interprétation retravaillée d'une composition de Neil Diamond, ' Im a believer''. Ce sera le début du conflit avec Virgin. " En fait, je n'imaginais pas ce que le label allait faire une utilisation commerciale de cette chanson. J'aimais beaucoup Virgin lorsqu'il était à l'échelle humaine. Mais manifestement, c'était devenu leur nouvelle ligne de conduite. Je n'ai jamais été dans le monde commercial. Je n'ai jamais considéré le business comme une fin en soi. J'ai toujours éprouvé des difficultés à communiquer avec l'industrie musicale. Ma conception de la culture est totalement étrangère à ce concept. Il est éprouvant de constamment devoir face aux pressions de managers qui veulent un hit ou quelque chose comme cela. Du moment que j'ai assez pour vivre décemment et accueillir mes amis, ça me suffit ".

En 1975, Robert participe également à un projet consacré à la musique contemporaine : ' Voices & instruments ' de Ian Steele et John Cage. Puis enregistre un post-scriptum à ' Rock Bottom ', ' Ruth is stranger than Richard '. C'est aussi à cette époque qu'il commence à se passionner par la politique et qu'il s'inscrit au parti communiste. Il considère ce mouvement comme la seule réelle alternative au changement. Dans le même temps, Wyatt passe par un état de doute généralisé. Il a l'impression que ses chansons, quels que soient les sujets qu'il aborde, ne changeront jamais la vie des personnes, et qu'elles servent uniquement à flatter son ego, voire à lui faire passer le temps. Il ne faut pas non plus oublier qu'au cours de la seconde moitié des seventies, le mouvement punk est en pleine explosion. Et la prog en plein marasme. Enfin, son état de santé semble de moins en moins compatible avec le côté harassant de la vie en tournée. Tout ceci explique le quasi silence de quatre années qui vont suivre. Et c'est paradoxalement la new wave qui va lui rendre des couleurs. La new wave intellectuelle et engagée, bien sûr. Celle des Raincoats (NDR : il participe à un titre de l'elpee ' Odyscape '. Sans oublier d'Elvis Costello qui lui écrit les lyrics de ' Shipbuilding ' (NDR : un pamphlet contre la guerre des Malouines). Wyatt commence alors à changer de fusil d'épaule, en manifestant davantage de sympathie pour la chanson pop. " Depuis que j'ai découvert la beauté de cette musique à la fois simple et populaire, j'ai une admiration pour les bons musiciens pop ". On le retrouve ainsi chez Working Week ou Scritti Politti, mais c'est aux côtés de Ben Watt, le futur leader d'Everything But The Girl, qu'il va se monter le plus actif. Dans le même registre, il reprend même en 1984, le célèbre ' Biko ' de Peter Gabriel, hymne à la gloire d'un martyr de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud.

Une constatation s'impose cependant, au cours de cette période, Robert n'en rate pas une pour crier tout haut ce que tout le monde pense tout bas, tout en affichant ses convictions politiques. Le plus bel exemple viendra de ce coffret de quatre singles, réunissant notamment des adaptations d' ' Auroco ', chant chilien dénonçant l'extermination des Indiens par les latino-américains, de ' Cainamera ', l'hymne national cubain, ' Strange fruit ', qui pleure les lynchages racistes perpétrés dans le sud de l'Amérique, ' Stalin wasn't Stallin ', chant de propagande pro stalinien, et une version très émouvante du ' At last I'm free ' de Chic. Des titres qui vont se retrouver sur l'album rouge, ' Nothing can stop us '. Le tout ponctué de la bande originale du film ' The Animals ', une œuvre cinématographique qui dénonce la cruauté envers les animaux, notamment dans le domaine de la recherche médicale. Paradoxe, Robert déclare ne pas être un 'protest singer', même si d'une certaine manière, il proteste. " Quand vous écrivez des chansons, ce qui se trouve dans les journaux au moment même me vient directement à l'esprit. C'est instinctif. Je ne suis pas rebelle, mais si les politiciens faisaient correctement leur job, les artistes ne devraient pas défendre le droit des peuples à la dignité. Je ne crois pas que les artistes puissent changer quoique ce soit au monde, mais quand on est conscient de certaines choses, on écrit des textes et le sujet vient naturellement ". Oui mais comment comprendre que des covers puissent refléter un sentiment personnel ? " Tout ce que je fais est personnel. Même mes reprises. Je pense que tout dépend de l'interprétation qu'on leur donne. Je pense qu'on peut tomber amoureux de certaines idées ou de certaines personnes. C'est une expérience très subjective. Et je reste fidèle à cette expérience ". Cette phase aboutit à l'enregistrement de ' Old Rottenhat ', un album minimaliste et douloureux, partagé entre chroniques acerbes et politiques, et plages limpides et aériennes. Un nouveau chef d'œuvre qui va pourtant passer inaperçu. Et six ans plus tard, c'est à dire en 1991, il remet le couvert avec ' Dondestan ', un disque sans doute plus abstrait et oppressant, mais toujours aussi bouleversant. Au cours de cette nouvelle pause, on n'avait cependant retrouvé sa trace que lors d'une rencontre avec Ryûichi Sakamoto et Brian Wilson des Beach Boys. Et en 1992, il atteint le paroxysme de sa période minimaliste sur l'EP 4 titres ' A short break ', dont il a réalisé l'enregistrement à la maison. Faut dire que Robert n'a jamais roulé sur l'or. " J'ai longtemps vécu dans la pauvreté. La pauvreté financière, pas de l'esprit. Mais aujourd'hui, je suis un peu moins pauvre (rires) ".

Au milieu des nineties, Robert commence à être de plus en plus attiré par les expérimentations technologiques. On le retrouve ainsi sur l'album d'Ultramarine (' United Kingdoms ') et de Millenium (' A civilized world '), un disque enregistré en Belgique, sous la houlette du maître ès techno, Jo Bogart, alias Technotronic. Fin 95, il chante trois titres du très beau ' Songs ' de John Greaves, avant de concocter ' Schleep ', un long flirt entre le jazz et la musique contemporaine, auquel participe Philip Catherine, dans des conditions forts similaires à son nouvel opus. Détail, mais il de l'importance, les sessions d'enregistrement de ' Cuckooland ' ont été opérées en deux fois. " Je me suis basé sur le timing des elpees. Les Cds sont trop longs ". (NDR : à mon humble avis, il devait parler d'un double elpee, puisque ce nouveau CD dépasse allègrement les 75'). Au même moment, une compilation consacrée à Wyatt vient également de paraître : ' Solar burn for you '. " Si ces deux disques sortent en même temps, c'est une pure coïncidence. Hormis une démo et deux nouvelles chansons enregistrées en compagnie de Hugh Hopper (NDR : un ancien Soft Machine !), le reste réunit des archives qui datent de plus de 30 ans : des sessions réalisées pour l'émission Top Gear de la BBC, la bande sonore d'un film expérimental, et un film tourné à la même époque… 

Pour Wyatt, le rock ne représente pas un véritable véhicule de l'expression personnelle. Bien sûr, il porte un intérêt évident à la musique, mais craint le narcissisme contraint de l'industrie. Il se considère simplement comme un chanteur, affectionnant emballer convenablement une chanson en fonction d'une qualité dépendante de la sélection et du contrôle de ses ressources ; et s'il a parfois choisi de s'exprimer avec une attitude politique consistante, il refuse d'entrer dans une catégorie, préférant se mêler à la foule, tel un guetteur anonyme. Pourtant, aucun autre artiste que lui n'est capable d'aborder l'abstraction avec autant d'humilité et de charme. C'est sans doute ce qui le rend aussi intemporel.

Evanescence

Evanescence, quand le métal se fait aérien

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Le phénomène Evanescence a gagné la Belgique. Propulsé par la B.O. du film Daredevil, l'élégant " Fallen " est disque d'or chez nous, fait relativement rare pour un groupe de métal. Comment définir la musique d'Evanescence et surtout expliquer son succès en ces jours où la majorité des groupes américains pour teen-agers se la joue punk en voiture de luxe? Présenté comme le premier album fusionnant rock gothique et néo métal, " Fallen " s'apparente davantage à la scène européenne des groupes à chanteuses (Within Temptation, Portishead, Lacuna Coil...) qu'à la mouvance des Sum 41 et autre Good Charlotte. Superbement ficelée, et gonflée par une grosse production, la musique hybride d'Evanescence est enrichie par des cordes judicieusement posées, de belles mélodies au piano, et une voix aérienne, celle de l'envoûtante Amy Lee.

De passage à Tilburg le 18 octobre dernier pour l'unique date, au Benelux, de sa tournée européenne, la nouvelle sensation américaine a enflammé la confortable salle 013. L'occasion de s'entretenir avec le leader Ben Moody peu avant son entrée en scène. (NDR : depuis, Ben a quitté le groupe)

Comment est née ta rencontre avec Amy Lee?

C'était en 1996. A cette époque, j'avais quatorze ans et je fréquentais un camp de vacances d'été, comme le font beaucoup de jeunes américains. Un soir j'ai entendu une magnifique mélodie au piano et une voix superbe. C'était une fille qui jouait, et après avoir attendu la fin du morceau, je suis allé la féliciter et me présenter. Nous avons longuement discuté de musique, je lui ai demandé si elle voulait faire partie de mon groupe car je cherchais une chanteuse. Elle fut tout de suite emballée. Pendant plusieurs années, nous avons composé ensemble, enregistré des démos. Il y a finalement de vieux titres sur notre album " Fallen " qui n'est dans les bacs que depuis mai 2003.

Votre succès a été fulgurant. N'est-ce pas une ascension un peu trop rapide?

C'est possible, mais cela fait tellement longtemps que nous attendons d'avoir cette reconnaissance. Nous avons créé notre propre identité, un son personnel, et c'est cela qui fait toute la différence entre Evanescence et tous ces groupes préfabriqués.

Le style d'Evanescence évoque une certaine scène européenne. Quelles sont vos influences?

Il est vrai que nous écoutons pas mal de musique européenne et nous admirons beaucoup des gens comme Björk ou Portishead. Mais j'ai grandi en dévorant les albums de Motley Crue, de Ratt et de Bon Jovi. Puis il y a eu la vague de Seattle avec Pearl Jam, Nirvana, Soundgarden. Il m'arrive même d'écouter Michaël Jackson, mais si vous achetez notre album, vous pourrez constater que ce n'est pas une influence pour nous.

Estimes-tu qu'Amy Lee soit votre meilleur atout?

Amy représente 50% d'Evanescence. Elle possède une magnifique voix et un charisme indéniable. Elle nous aide à nous faire remarquer, car aux USA, les groupes de rock avec une chanteuse ne sont pas monnaie courante. De plus elle a participé à l'écriture de la plupart des titres de l'album.

Comment se passe votre première tournée européenne et pourquoi avoir boudé la Belgique?

Le monde est si grand! Nous n'arrivons pas à répondre à toutes les sollicitations, mais c'est promis, nous passerons bientôt chez vous. Quant au public européen, il est bien plus réceptif que le public américain. Chez nous, les concerts sont banalisés, tandis qu'ici on sent que les gens n'attendent que ça. Dès que nous entrons en scène nous percevons cette poussée d'adrénaline dans la foule. Quelle motivation pour nous! C'est une sensation nouvelle qui génère une grande force pour chaque membre du groupe.

Merci à Vincent Devos

Wire

Interaction...

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Considéré comme un des groupes les plus déroutants et les plus novateurs apparus à l'époque du punk, Wire vient donc de se reformer pour la deuxième fois. Et d'enregistrer deux Eps et un nouvel album : " Send. Un elpee qui a la pêche. Le groupe a retrouvé toute l'énergie de ses débuts. Mais avec un groove plus contemporain ; un peu comme si le quartet avait décidé de flirter avec le heavy metal dansant. Pas du nu métal, mais du rock puissant et qui remue les tripes. Colin Newman, le chanteur guitariste, avait donc beaucoup de choses à raconter. Il ne s'en est pas privé, tout au long de cet entretien, ma foi, riche en enseignements.

Avant de sortir leur nouvel album, le groupe avait commis deux Eps : 'Read and Burn 1 et 2'. Nonobstant le sigle, ces deux disques ne font aucune allusion au rythm'n blues ; ou alors elle est vraiment involontaire. Trois titres de chaque EP se retrouvent sur " Send ", une situation inédite chez le quatuor insulaire, qui avait toujours pris le soin de ne jamais graver le même morceau sur des supports distincts. Colin s'explique : " Ils sont légèrement différents. On a élargi le concept via ces 'R&B'. Imagine que sur l'album ils symbolisent une couleur ; et bien sur les 'R&B' ils en reflètent une et demie. C'est différent, mais cette différence est minime. " Mais pourquoi cette distribution des Eps est-elle exclusivement réservée au net ? " Au départ, nous voulions mettre un 'six track' sur le web, afin que les fans puissent le télécharger. Pendant quelques jours. Mais le concept a remporté un tel succès, qu'on a été un peu dépassé par les événements. On s'est ainsi rendu compte que ces disques pouvaient être commercialisés Mais nous avions déjà établi le tracklisting de l'album, et nous ne souhaitions pas mettre tous les œufs dans le même panier. Nous voulions préserver notre patrimoine ; et en particulier conserver les morceaux que les gens n'avaient jamais entendus. Nous avons ainsi dû batailler ferme pour que les distributeurs ne puissent pas en disposer. Nous en avons écoulé lors de nos concerts et via internet. Si les gens avaient pu se procurer les deux Eps sur le marché, ils n'auraient pas acheté l'album. Seuls les fans purs et durs qui commanderont ou qui ont commandé les deux maxis via le web (http://www.posteverything.com/pinkflag) recevront ‘Send’ et un 'live' en prime. Nous sommes autant consommateurs que musiciens. Il faut penser à ceux qui achètent. Qu'est ce qu'ils vont avoir en main ? Les inconditionnels achèteraient l'opus, même s'il n'y avait que 4 nouvelles chansons. Mais nous voulions leur offrir un peu plus. Certains ont acquis le premier, d'autres le second, d'autres encore rien du tout. Et je ne pense pas que ceux qui ont acheté le 'R&B 1' et le 'R&B 2' voudront délier les cordons de la bourse pour se procurer l'album. " Colin s'exprime maintenant en tant que boss de firme de disques et artiste : " Personne ne nous dicte notre ligne de conduite. Nous sommes seuls maîtres à bord. Si nous nous étions adressés à un label, il aurait voulu sortir d'abord l'album, alors que nous voulions un Ep. Nous aurions alors dû prévoir un budget marketing conséquent et dépenser beaucoup d'argent. Ensuite lancer le disque sur le marché. Il aurait alors fallu vendre une tonne d'elpees pour récupérer notre mise. Ce n'est pas la seule manière de procéder. C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé autrement".

Qu'est ce qui pousse Wire à se reformer périodiquement ? Un coup de fil ? Un calendrier de rencontres ? Une envie instinctive de réactiver la machine. Colin rectifie : " C'est beaucoup plus formel que tu l'imagines. Nous avions été invités à participer à une réception organisée pour la remise de distinctions. Elle doit s'être déroulée début 2000. Nous nous sommes rencontrés. On s'est revu. Et le groupe s'est reformé naturellement. Puis on s'est remis à la création. Mais au départ, on n'imaginait pas encore que nous allions revenir avec quelque chose d'aussi neuf en aussi peu de temps. Nous craignions que ce soit la galère. D'autant plus que nous ne voulions pas d'approche traditionnelle de la composition. Pour nous, c'était un mauvais plan ; et nous n'aurions pas bien fonctionné sous cette optique. Nous sommes donc passés d'abord à l'écriture. Puis on a laissé macérer. La plupart du temps, nous avons travaillé dans mon studio. Et on y a concocté tout ce qui a permis d'enregistrer les Eps et l'album. " Wire est donc toujours aussi inventif. Aussi bien dans la forme que dans le fond. Colin précise : " On nous reproche souvent de vivre dans l'abstrait. Mais il faut bien faire la différence entre ce qu'on veut dire par concret et abstrait. Par littéral et non littéral. Par premier degré et second degré. Notre objectif est de faire autrement que les autres. Il est de plus en plus difficile d'être différent de manière flagrante ; donc nous essayons d'apporter des petites touches différentes à notre création ; même si globalement, aujourd'hui, tout le monde joue de la même manière. Nous avons tendance à être réducteur. Si quelqu'un décide de couper un morceau en trois parties, nous n'en concéderons que deux. S'il a recours à trois accords, on s'en contentera d'un seul. Si sa chanson compte un refrain, nous en écrirons deux. L'analogie est subtile, mais nous nous engageons volontairement dans ce processus réducteur. Ce qui est une bonne façon de gagner de l'argent. Mais tu sais, nous pensons à autre chose qu'à la rentabilité… " Maintenant, combien de temps la nouvelle aventure de Wire va-t-elle durer ? Colin est confiant pour l'avenir. Il existe une structure formelle autour du groupe. Bruce et lui se rencontrent deux fois par semaine. Au studio de Colin. Ils accumulent les démos. Le travail ne se limite pas à écrire 'x' chansons et puis de mettre la clef sous le paillasson. Il est constant. Organique. Et comme ils bossent de manière continue, ils ont le loisir d'opérer des choix. D'élaborer de nouveaux projets (concerts, etc.) et d'expérimenter tout ce qui peut les influencer dans la création : " Il existe beaucoup de choses qui m'intéressent. Notre vision n'est pas unique. J'aime voir le résultat de l'interaction entre plusieurs composants. Voir comment ils se rencontrent. Observer le fruit de ces rencontres. C'est comme le monde, il n'est qu'interaction. Ce ne sont donc pas uniquement des choses simples, mais comment les choses communiquent entre elles. "

Cependant, que sont devenus les projets parallèles des musiciens de Wire ? Et en particulier ceux de Bruce Gilbert et de Graham Lewis ? C'est à dire Dome et He Said ? Les deux premiers appartiennent à l'histoire. Bruce travaille cependant sur un nouveau projet, en Suède. Duet Emmo, celui de Bruce et de Daniel Miller ? Il est au frigo. Colin rencontre encore le boss de Mute, de temps à autre, lors de l'un ou l'autre concert. Il ajoute : " Lorsqu'il me téléphone, c'est pour me demander quelque chose de spécifique. Bruce n'envisage pas de reprendre la collaboration pour l'instant. Peut-être l'année prochaine. Ils disposent encore de démos qui doivent être remodelées, car elles sont toujours à l'état brut. Mais il y aura une suite. "

Minimal Compact, vous vous souvenez ? C'était le groupe au sein duquel figurait l'excellente chanteuse Malka Spiegel, l'épouse de Colin. Un groupe cosmopolite que j'appréciais beaucoup, et qui a disparu comme par un mauvais enchantement. Je n'ai pu m'empêcher de demander à Colin des nouvelles de cette formation. Et il semble ravi que je lui pose cette question. " Ah, tu savais que j'étais l'époux de Malka ! Elle a enregistré trois albums solos. Un avec moi. Puis deux 12 inches sous le nom d'Emotion. Sans oublier son projet destiné à mêler art et musique. Concernant Minimal Compact, un réalisateur israélien a tourné un film sur l'histoire du groupe. Un documentaire fort intéressant. Il y a eu une première à Tel Aviv, voici 2 semaines. Ils ont parlé de refaire quelque chose ensemble. Enfin Samy, surtout. Les deux guitaristes sont de grandes stars en Israël. Et Berry (NDR : Sokhoroff), probablement une super star. Mais pas ailleurs. Ils ont accordé un concert prestigieux à Tel Aviv. Et ils vont probablement se produire aux Transmusicales de Rennes, à la fin de l'année. Mais j'ignore s'ils vont enregistrer quelque chose de neuf…"

Pour les références et les influences, il faut un peu poser la question à l'envers. En fait, fondé en 1976, Wire est une référence ou une influence pour de nombreux groupes. Lors de la sortie de sa trilogie indispensable ('Pink Flag', 'Chairs Missing', '154'), il a été taxé de Pink Floyd du punk. A cause de son approche psychédélique vaguement réminiscente de Syd Barrett. Pour Colin, le psychédélisme n'a rien à voir avec Wire. Il s'agit, pour lui, de musique sous l'influence de drogues. " La dernière fois que j'ai entendu parler de groupes pratiquant ce style, c'était à l'époque de l'acid house et du baggy. Depuis lors, je ne pense pas que l'on puisse encore parler de psychédélisme. En tout cas, je ne l'ai pas remarqué. " Et pourtant… Concernant Syd Barrett, Colin reconnaît que Wire a peut-être quelque chose de commun avec lui dans la tonalité, mais pas dans l'intention. Pour lui, Barrett était l'esprit, l'essence même du Floyd…

Mais que ressent-il lorsqu'un groupe ou un artiste se réclame de Wire ? La réponse fuse : " Tout est relatif. REM ? Il ne faut pas exagérer. Je ne voudrais pas que la responsabilité de ce qu'ils font nous soit attribuée. Je serais mal à l'aise. Nous ne le revendiquons certainement pas. Même si certaines personnes le clament. Peut-être à une certaine époque. Mais s'ils avaient persisté, ils n'auraient jamais eu de succès. Les Pixies ? Je ne les connais pas suffisamment. Mais j'ai lu que nous les aurions influencés. Certaines personnes seraient fières de cette situation. Nous en sommes conscients, mais nous n'en tirons aucune vanité. "

 Merci à Vincent Devos.

The Folk Implosion

La thérapie du Folk Implosion...

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Au cours des trois dernières années, Lou Barlow a vécu des moments difficiles. Sebadoh provisoirement au frigo, il comptait beaucoup sur son Folk Implosion pour revenir dans le parcours. Mais son opus éponyme, paru en 1999, a été mal reçu par la critique. En outre, son fidèle bassiste John Davies, avec lequel il avait fondé Folk Implosion et en compagnie duquel il partageait l'écriture, a pris du recul par rapport au monde de la musique. Dans ces conditions, pas difficile de comprendre que Lou n'avait plus le moral et se soit tapé une déprime. Heureusement, le troisième opus de Folk Implosion figure déjà parmi les musts de l'année. Intitulé " The New Folk Implosion " il devrait lui permettre de voir le bout du tunnel. Enfin, c'est tout le mal qu'on lui souhaite.

En empruntant Imaad Wasif chez Alaska, Lou semble avoir fait le bon choix. Après 10 jours de répétition, le trio est parti en tournée avec les Melvins. La mayonnaise a pris instantanément. Chaque concert est devenu un exutoire pour Loobie. Et lorsque le groupe est rentré de ce premier périple, il a décidé de poursuivre l'aventure et s'est mis à écrire de nouvelles chansons. Le New Folk Implosion était donc né. Lou s'épanche : " Le thème de cet elpee reflète ce que j'ai vécu au cours de cette période difficile. De cette obligation à me surpasser pour en sortir. Du besoin de trouver une main tendue. Les lyrics des chansons traduisent cet état d'âme et les questions qui taraudent mon for intérieur. Comment comprendre, appréhender le changement ? Et chaque fois que je joue une de ces chansons 'live', c'est un pas de plus vers la guérison. J'avais un besoin vital de me remettre à écrire, à jouer. J'ai enregistré cet album en sachant que nous partirions en tournée. Cet objectif m'a aidé à en sortir. Mais aussi les véritables amis, en qui j'avais confiance… "  

Folk Implosion semble à nouveau remis sur rails. Mais que devient Sebadoh ? L'aventure est-elle provisoirement ou définitivement terminée ? A-t-il l'intention de la reprendre un jour ? Loobie demeure fort évasif sur le sujet : " Je ne sais pas. J'y pense beaucoup ; mais j'ignore où et quand. Pas pour l'instant en tout cas ; mais peut-être lorsque je jugerai le moment opportun… " Dans le passé, chacun des groupes ou projets montés par Barlow véhiculait sa propre identité. Sentridoh canalisait ses expérimentations lo-fi, réalisées sur son quatre pistes, chez lui. Sebadoh correspondait davantage à la face folk et rock de son répertoire, alors que fruit d'un énorme travail studio, Folk Implosion reflétait surtout sa face pop/rock la plus avant-gardiste, n'hésitant pas à intégrer la technologie la plus moderne. Depuis la sortie de 'The New Folk Implosion', on a l'impression que les différences ne sont plus aussi nettes. Il rétorque : " Je ne suis pas tout à fait d'accord. Folk Implosion épouse une forme plus pop, alors que Sebadoh privilégiait la face la plus expérimentale. En fait, elles changent constamment. Je ne souhaite pas m'imposer des règles. Plus je vieillis, plus je pense que l'esprit expérimental implique une approche intello. L'expérimentation devrait être naturelle, sans qu'un processus ne soit préétabli, ni qu'elle soit le fruit d'une décision consciente. J'aime les jolies chansons basiques. J'aime les sonorités qui flattent l'oreille. Et j'aime assister à la combinaison de tous ces éléments…"  

Deadsy, formation de nu métal, au sein de laquelle on retrouve le fils de Cher, Elijah Blue, a repris dernièrement une chanson de Lou : 'Brand new love'. Il apprécie la démarche. " Superchunk avait été le premier à reprendre une de mes chansons. Il y a également James McNew de Yo La Tengo, Teenage Fan Club… Mais celle que je préfère est celle de Deadsy. Ils ont réalisé un travail remarquable. J'ai été très honoré par cette cover… " Et si cet exercice de style est un flop ? " Il reste un compliment. Je n'ai jamais interdit quiconque de le tenter. Ce qui compte, à mes yeux, c'est d'avoir pris le risque. Et si elle n'est pas trop réussie, ce n'est pas de leur faute, mais de la mienne. Non, ce type de démarche est un compliment… " Imaad Wasif préposé à la guitare, Lou a repris le rôle de bassiste qu'il assumait à ses débuts, au sein de Dinosaur Jr. Pas facile de jouer de la basse et de chanter en même temps. Ce n'est pas le premier musicien qui est confronté à cette difficulté. Et qui l'avoue. Mais il aime le challenge : " Se concentrer sur le rythme me semble facile. Mais conjuguer rythme et mélodie est une autre paire de manches. C'est une technique que je suis toujours occupé d'apprendre. J'essaie de développer un style qui me soit propre. J'aime les instruments à 4 cordes. J'ai d'abord appris à jouer de la guitare, puis de l’ukulélé. C'est un instrument qui ne compte que 4 cordes. J'y suis très à l'aise. Six, c'est trop pour moi. En outre, dans le style que je pratique, c'est amplement suffisant. Mais chanter et jouer de la basse en même temps est une lutte de tous les instants. J'aime les choses difficiles. Elles m'attirent. Plus c'est difficile, plus j'ai envie de m'y frotter ; même si je n'obtiens pas toujours les résultats escomptés. La difficulté est un challenge, pour moi…" 

Deux producteurs (Aaron Espinoza et Micky Pretalia) ont participé aux sessions d'enregistrement de l'elpee. Etonnant de sa part, lorsqu'on sait qu'il a déclaré récemment ne pas trop aimer les disques surproduits. " Tu sais c'est un peu un service que je leur rends. Ce sont des amis ; et il faut bien leur procurer du boulot. Pour moi, travailler avec un producteur est une formalité. Car dans le fond, je prends toutes les décisions finales. Malheureusement, dans le futur, il ne me sera plus possible de faire appel à eux ; car je ne dispose plus autant d'argent qu'avant. Et puis, je pense que travailler seul constituera un nouveau défi pour moi…"  

Parmi les chansons de son nouvel elpee, j'ai un petit faible pour 'Coral' ; un formidable périple dans le Paisley Underground que n'aurait pas désavoué le Dream Syndicate. Loobie semble surpris. " Ah bon, toi aussi ! C'est curieux. C'est celle que nous aimons le moins ; et toutes les personnes que nous rencontrons pensent comme toi. Nous allons devoir nous mettre à la répéter… Le Paisley Underground du Dream Syndicate ? J'écoutais beaucoup ce groupe quand j'avais 17 ou 18 ans. Mais ta réaction peut se comprendre, car Imaad et Robert sont tous deux californiens. " Ben tiens ! L'occasion était donc belle de lui demander ce qu'il aimait et écoutait lorsqu'il était jeune. Il avoue que sa jeunesse a baigné dans la musique sombre, ténébreuse de Cure, Joy Division, Bithday Party, des Bad Seeds, d'Einsturzende Neubauten et plus curieusement du krautrock (NDR : Can, Faust, je suppose). Et puis, il a découvert Black Sabbath. " A l'instar des groupes nés au cours des 60's et des 70's, je trouvais que leur musique était bourrée de fun. Très marrante, quoi ! " Ah bon ! Et il revient une deuxième sur Black Sabbath, lorsque je lui parle de 'Creature of Salt', que j'imaginais fruit de la rencontre entre Nick Drake et King Crimson. " J'aime bien Nick Drake. Moins King Crimson. Il est composé d'excellents musiciens. Mais leur musique et trop complexe. En fait, au départ, cette chanson était acoustique, et on a décidé, en l'électrifiant, de l'interpréter avec plus de pêche, à la manière de Black Sabbath… " Je comprends aujourd'hui beaucoup mieux pourquoi le trio a accompli cette tournée avec les Melvins. " C'est vrai, les Melvins ont surtout été influencés par Black Sabbath et nous par les Melvins… King Crimson était beaucoup plus monochrome (il mime le son). Black Sabbath mettait davantage l'accent sur les lyrics. C'est vrai que leur musique était sombre. Mais pas pour moi… "

Lou a également joué avec les Four Tenors, l'an dernier. Mais qui sont ces Four Tenors ? " J'ai découvert ce groupe punk lorsque j'étais encore en secondaire. Ce fut un de mes premiers concerts. J'étais alors âgé de 14 ans. A cette époque, je considérais alors Steve Westfield, son leader, comme un héros. Un personnage marrant, charismatique qui me faisait, en quelque sorte, rêver. La formation adore se produire en Europe et ses concerts se terminent souvent dans le chaos. Et puis l'an dernier, on a effectué une tournée d'une semaine et demie, deux semaines, ensemble. Steve, Stevo Matthewson et Sophie Williams avaient tout organisé. C'était fantastique et en même temps incroyable de jouer en leur compagnie… "

Il est faux de croire que Loobie serait inspiré par tout ce qu'il déteste. A cet égard, il tient à remettre cette déclaration dans son contexte. " J'avais lu une interview de Robert Altman qui reconnaissait que ses meilleures influences ils les puisaient dans les films qu'il détestait. Parce qu'après avoir assisté à la projection d'un film qu'il déteste, il en conclut que c'est le genre de film qu'il ne tournera jamais… Je ne joue que ce que j'ai envie de jouer ". Tant qu'on est dans le cinéma, les musiciens de Folk Implosion ont participé au tournage d'un film. Bien qu'ils y jouent le rôle de musiciens, ils sont acteurs ! " C'était une aventure intéressante, même si je n'aime pas interpréter un rôle, réciter du texte. Cela paraît fort complexe. Il y a un monde fou qui tourne autour de vous. Beaucoup d'argent investi. Les acteurs travaillent énormément. Ils exercent un métier bizarre, mais qui nécessite une grande force mentale. Et j'ai été impressionné par l'énergie que ce métier exige. Mais, j'ai apprécié de me retrouver sur un plateau, palper l'atmosphère qui gravite autour, observer tout ce qui se passe au cours d'un tournage. Avoir pu expérimenter une autre forme d'art et rencontrer des gens fut pour moi une aventure enrichissante. Mais devenir acteur, merci beaucoup. Il y a trop de tension… "

Loobie entretient deux sites web. C'est cependant son frère qui lui a tout appris. " J'ai un frangin très intelligent. Un génie de l'informatique. Nous avons travaillé ensemble sur les projets, mais c'est lui qui a réalisé la maquette. Il fait tout pour rendre la vie la plus facile aux artistes. Il avait donc choisi le système le plus simple, le plus direct, à utiliser. Et il m'a enseigné la manière de créer des fichiers, de calibrer les scans, d'uploader, etc., Je n'y dépense pas toute mon énergie, mais pour rester à la page, il fallait que je me familiarise à cet univers. Cependant j'aime assez bien me consacrer à l'entretien de ces sites…"

Merci à Vincent Devos 

Nada Surf

Un très long mais beau voyage...

Nada Surf vient de sortir un live, enregistré à l'AB le 31 mars 2003. Nous y étions (voir notre rubrique " reviews "), et nous avions même interviewé Matthew Caws (chanteur/guitariste) lors de leur passage à Dour, en été dernier. L'occasion de revenir sur la genèse de " Let Go ", un des albums pop rock de 2002, et sur la carrière de Nada Surf, un des groupes les plus mésestimés de sa génération.

Votre album est sorti maintenant il y a quelques mois… Il marche plutôt bien, non ?

Matthew Caws : On est très content et très surpris ! Et très occupé aussi : on n'a pas arrêté de tourner depuis le 1er septembre (2002)… Ca n'arrête pas ! En tout ça fera 15 mois. C'est l'année la plus chargée de notre carrière. Ce qui est bizarre parce que les gens nous voient comme le groupe d'un seul tube… Mais en ce moment tout marche très bien : le public vient nous voir en masse. Nous sommes enfin acceptés pour ce que nous sommes vraiment : un groupe de plusieurs chansons, pas d'une seule.

Vous êtes donc en train de vivre votre période la plus active… Mais que s'est-il exactement passé avec " The Proximity Effect " ?

C'est une histoire très classique, à savoir que cet album est sorti au moment où c'était la fin d'un genre. " Popular " était tombé au bon endroit au bon moment, et notre maison de disque - une major - voulait un deuxième " Popular "… Il faut savoir qu'en 1998, toute cette ère de richesse alternative prenait fin. D'où la panique de notre maison de disque. 'Il nous faut un tube énorme', et bla bla bla : tu vois le genre… Quand on leur a fait écouter " The Proximity Effect " - un disque dont on était très fier et qui aurait bien marché, je crois -, ils l'ont mis au placard. On aurait pu faire semblant de rien et continuer notre chemin… Mais on voulait que ce disque sorte ! Donc on a attendu pour le sortir nous-mêmes. Et il nous a fallu un an et demi pour racheter les droits…

Ce fut une période d'intense frustration, je suppose ?

Absolument. Mais cet épisode nous a rendus aussi plus forts. Il nous a même permis reprendre une vie normale. Pendant deux ans, j'ai travaillé chez le disquaire du coin, tout en sortant tous les soirs avec des amis. Une période de ma vie assez relax et sans ambition, que je n'aurais jamais pu avoir avant. Parce que si je n'avais pas joué dans un groupe, il m'aurait fallu choisir une carrière et la suivre… Or, comme il y avait Nada Surf, je préférais ne pas être trop occupé au cas où… Il me fallait juste tuer le temps ! Et même si d'un côté cette transition peut être rapidement déprimante, elle était aussi une manière d'un peu ralentir les choses. Ce qui explique pourquoi " Let Go " est écrit du point de vue du type qui a une vie normale. Mais maintenant nous sommes repartis pour la vie surréaliste ! Nous habitons dans des autobus et des hôtels… Mon appartement et mon job de disquaire me manquent un peu !

Est-ce que cette période de ta vie a eu une incidence sur la manière de composer " Let Go " ? On vous sent plus unis que jamais…

C'est exact ! Tu connais l'expression : " Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ". On prend un plus grand plaisir à jouer. Et puis c'était mieux que personne n'attende ce disque. Tu sais, moi, le matin, j'avais l'habitude de consulter mes mails pendant cinq minutes, pour me rappeler que j'avais un groupe : " Ah oui ! Il y a des gens qui nous adorent et attendent qu'on fasse un disque ! ". Puis je devais aller boulotter… Mais à part ça, il n'y avait pas grand monde qui se souciait encore de nous… Et c'est la raison pour laquelle on a pu faire ce disque si naturellement. Pour " The Proximity Effect " il y avait pas mal de pression, mais pas pour celui-ci. Maintenant par contre…

Pourquoi avez-vous choisi d'ouvrir l'album par une ballade toute simple, sans batterie ni basse (" Blizzard of 77 ") ? Pour marquer le coup, comme un nouveau départ ?

Tout à fait. Et aussi parce ce qu'elle ne dure seulement que deux minutes, et qu'on ne savait pas comment débuter l'album ! Et puis j'aime bien le fait que ce soit juste une guitare, parce que dès le deuxième morceau la basse et la batterie arrivent … C'est comme une ascension.

Et la chanson " Là pour ça " ? C'est la première de Nada Surf en français.

C'est Daniel (Lorca, le bassiste) qui l'a écrite. On avait accompli une très longue tournée en France, en compagnie de deux membres d'AS Dragon, et comme Daniel est plus francophone que moi, il a écrit cette chanson d'une traite, de manière très naturelle… On l'a repris sur le disque parce qu'on aime bien une certaine variété. Elle figure même sur les versions US et anglaise.

Ce qui surprend à l'écoute de ce titre, c'est qu'il semble couler de source : comme si le fait de ne pas être des francophones d'origine vous sauvait des tics du langage. D'où cette spontanéité qui fait plaisir à entendre… Et qu'on ne retrouve plus forcément dans la chanson ou le rock français d'aujourd'hui.

Ah ben c'est cool ça, je suis content ! Personnellement, je suis intimidé par la langue française. J'aime bien Gainsbourg, mais il est bien trop fort pour qu'on tente de s'y mesurer ! Comment veux-tu écrire en français après ce qu'il a fait ? Mais merci pour le compliment !

Quand Daniel chante " Vive la marée haute et vive la marée basse mais surtout vive la différence ", qu'est-ce qu'il veut dire exactement ?

Ben c'est la vie, quoi. Et le voyage entre les deux, c'est ce qu'on fait tous les jours.

C'est vrai que du premier album à celui-ci, ce fût un long voyage…

Un très long voyage, mais un beau voyage. Je crois en fait qu'on collectionne les clichés à la Spinal Tap : les camions qui tombent en panne, les managers de gros bizness, le tube, la chute, le come-back,… Ira (Elliot, batteur) et moi on a même fait de la taule au Texas pour détention de drogues ! Portant des uniformes à lignes noires et blanches, comme dans " O Brother Where Are Thou ? " (rires)

Comment t'es venue l'idée de la chanson " Blonde On Blonde " ? Comme tu le chantes : t'étais dans la rue, t'écoutais Dylan… et voilà ?

Oui, exactement : c'est une chanson très simple. Il pleuvait, je marchais, les autres gens marchaient plus vite… Mais ce que je ne dis pas dans la chanson, c'est que je traversais une période difficile dans ma vie. Mais j'avais un bon imperméable, et un de mes disques favoris dans mon discman, et tout à coup j'étais heureux. Ce n'est même pas un hommage à Dylan. C'est juste une berceuse. Même si j'adore " Blonde On Blonde " de Dylan, et que je l'adorerai toujours. Et chaque fois que je l'écoute, je ressens quelque chose de nouveau.

Lors de votre dernier concert à l'AB (dont est tiré le disque live qui vient de sortir), il était difficile de ne pas ressentir un certain décalage entre vos fans et votre musique (cfr review du concert). On dirait que vos fans ne grandissent pas en même temps que vous, comme si Nada Surf souffrait encore du malentendu " Popular ". D'autant que cette chanson est très ironique ! Il s'agit d'un double malentendu, en fait ?

Mouais, c'est vrai… Mais ça ne nous gêne pas. Le malentendu avec " Popular " au départ, c'était que les gens critiqués dans la chanson l'adoraient ! Les footballeurs, les cheerleaders, tous ces gens étaient présents dans le public lors de notre première tournée ! C'était marrant, mais en même temps assez flippant. Mais heureusement ils ne sont jamais revenus après ça ! Quant au fait que notre public soit jeune, c'est un fait… Mais il vient pour entendre les chansons de " The Proximity Effect " et de " Let Go ".

Vous pourriez pourtant aisément toucher un public plus mature ?

J'admets, mais ça vient. Lentement mais sûrement. Tu sais, notre nom sonne un peu californien, jeune. Même si sa signification est toute autre : " Nada ", c'est le rien. " Surfer sur le rien ". Sur le vide. Cela dire… (un temps) qu'on est des rêveurs. Comme si on n'était pas là, parfois. Au pire. Nous sommes plutôt déconnectés. Surtout quand on est en studio et qu'on écoute de la musique. L'explication est un peu embarrassante, mais en même temps elle nous fait passer pour des gens qui restent secrets, et j'aime ça. Tu peux continuer à découvrir des trucs en écoutant Nada Surf. C'est un peu le côté " culte " des choses. Mais le public plus âgé commence à venir, et c'est tant mieux.

Electric Six

Le sexe, c est plus de la suggestion que de l exhibition

Danger, danger ! High Voltage : les six malades d'Electric Six sortent enfin leur premier album, un concentré jubilatoire de rock'n'roll, de disco, de garage et de funk. Yeah ! Leurs riffs éjaculatoires, leur dégaine de rockeurs insomniaques, leurs textes hilarants : ça pète dans tous les sens, pour le plaisir des yeux et des oreilles ! Leurs 13 chansons boutent le feu au dance-floor, c'est l'apocalypse électrique, c'est Electric Six ! Ces phrases sonnent comme des slogans publicitaires, mais pour une fois c'est vrai : le produit est de qualité. Les journées promo doivent être exténuantes pour ces jeunes stars montantes du show business, qui voient défiler devant eux des journalistes à la chaîne, comme les bières dans leur gosier. A 18h, au Falstaff de Bruxelles, c'était le tour de Musiczine : après avoir cuvé leur blanche pendant des heures, Dick Valentine et Surge Joebot auraient pu lâcher l'affaire, envoyer paître ce petit con et ces questions débiles. Mais non : Dick, le frontman extraverti aux faux airs de méchant, et Surge, le guitariste chauve à la voix graveleuse, se sont prêtés au jeu avec joie, buvant leur blanche cul-sec et se tenant la barbichette, " le premier qui rira aura une tapette ". Action !

Alors les gars, dites-moi, qui sont vraiment les Electrix Six ?

Surge Joebot : Juste six types de Detroit qui tentent de survivre, de se battre, de faire leur trou…

Dick Valentine : … d'inscrire leur musique sur la grande tapisserie du rock.

?… Et cette histoire de complot sur votre site, de ‘sélection naturelle’ dont le groupe serait à l'origine ! ?

S.J. : Tout le monde est impliqué dans une sorte de complot géant sans vraiment savoir ce que c'est… Il n'existe pas de preuves ! Ce n'est pas inscrit dans la réalité, pour autant qu'on le sache. C'est un des webmasters qui nous l'a dit. Entre-temps, il a été viré.

D.V. : Nous avons beaucoup trop de webmasters qui s'occupent de notre site : on ne sait jamais ce qu'ils vont écrire… On ne contrôle rien, mec ! Les gens pensent maintenant qu'on est des gens tarés, qu'on dit des trucs cools, mais ce n'est pas vrai ! Une fois que la tournée sera finie, on s'occupera de ces types… Ils n'auraient pas dû dire ça.

Comment vous connaissez-vous ?

S.J. : Nous sommes allés au même lycée, mais ce n'est qu'après qu'on a commencé à travailler ensemble. Au départ, on s'appelait The Wild Bunch, mais on a dû changer de nom à cause d'une sombre histoire de copyright. Un Dj nous a menacés de poursuite judiciaire…

Un Dj trip hop de Bristol (NDR : les futurs Massive Attack) ?

S.J. : Ouais : un Dj, c'est quand même la dernière personne par qui on a envie d'être poursuivi… Et donc on a changé de nom ! C'était aussi l'occasion pour nous de faire table rase du passé, ce qu'on a fait, et voilà : bingo !

Comment définiriez-vous votre musique ?

D.V. : On essaie à tout prix de ne pas définir notre musique. Si tu cherches à vouloir décrire ce que tu fais, la meilleure chose à faire est de ne pas employer de mots… Parce que si on commence à parler de punk, de dance, de rock, alors c'est ce qu'on finit par être, et nous on veut être un tas de choses différentes ! Quand on s'assied pour écrire une chanson par exemple, on ne se dit pas " Voilà comment ça doit sonner " ou " On va faire un album comme ça "… Conneries ! On écrit toutes sortes de morceaux très différents, mais susceptibles d'être reliées sur un album par des thèmes communs : à la fin, tu te retrouves avec un album intéressant… " Fire " est le résultat de ce genre de réflexion.

S.J. : Si on planifie trop, il n'y a plus de place pour les surprises : on voit ce qui se profile à l'horizon, on réfléchit trop… Or il faut réfléchir le moins possible ! A dire vrai, nous ne sommes pas un groupe de grands penseurs !

Et si je vous disais ‘disco-punk’, ‘drunk garage’, ‘clit rock’ ?

D.V. : Clit rock ? !

Ouais ! ! ! C'est un terme inventé par votre amie Peaches pour décrire sa musique !

S.J. : Yeah, j'aime ça ! Parce que tout tourne autour de ça, du clitoris… " Rock the clit while you still can ! "

D.V. : C'est vrai : dès qu'on voit Peaches, la première chose à laquelle on pense, c'est le clitoris.

Vous avez collaboré avec elle…

D.V. : Elle a repris " Gay Bar ", et nous son " Rock Show ", c'était très sympa. Elle a fait du bon boulot.

Je dis ça parce qu'écouter votre musique, c'est un peu comme tirer son coup.

S.J. : C'est fantastique ! Vraiment, je pense qu'aucun groupe ne pourrait entendre plus beau compliment… C'est la meilleure chose à laquelle ta musique puisse être comparée ! (Dick acquiesce)

Y a pas de quoi, les gars… Mais changeons de sujet : vous venez de Detroit… A-t-elle une influence sur la musique que vous faites ?

D.V. : La ville peut-être, mais pas vraiment la scène ou tous ces groupes qui en ont fait l'histoire… On aime la plupart des groupes de Detroit, mais on ne sonne pas comme eux. Vivre à Detroit, c'est pas la joie : c'est froid, désolé et pluvieux, il n'y a pas de magasins ni de supermarchés, c'est pour cela qu'il faut créer son propre amusement, parce qu'il n'y a rien à faire et à acheter. C'est la raison pour laquelle il y a beaucoup de bons groupes à Detroit, parce qu'à la fin de la journée, il faut bien s'amuser : il n'y a pas d'endroits pour acheter des jeux vidéo, ce genre de trucs… Alors on fait de la musique.

Et ces noms ridicules, c'est aussi pour se marrer ?

D.V. : Tu sais, ce sont des choses qui arrivent : ta maman et ton papa se rencontrent, ils font un bébé et à un moment, ils décident de lui donner un nom. C'est comme ça que ça marche…

Sans rire, c'est ton Vrai nom : Dick Valentine ?

D.V. : Yep, aussi surprenant que cela puisse paraître…

S.J. : Je ne pense pas que les noms de scène soient nuls : je me suis toujours imaginé avec un nom de scène… Je le sentais comme ça. Et puis c'est une tradition dans le monde du divertissement, un paquet d'artistes ont des noms de scène : Jack White est un nom de scène, sans vouloir décevoir personne… John Wayne… Gene Simmons… Vin Diesel… Tous ces noms sont fabriqués. Ca arrive souvent dans le show business.

Johnny Hallyday ! ! !

D.V. : " John Weedee " ? ! ?

Johnny, quoi ! ! ! La plus grande star de l'histoire du rock'n'roll français !

D.V. : Me dis rien… Nous sommes américains ! Jamais entendu parler…

S.J. : Mon nom de scène vient en fait de Serge Gainsbourg. C'est un hommage.

Et concernant les titres de vos chansons ? 1/ " Dance Commander "… C'est un ordre ? Est-ce important pour vous de composer de la musique sur laquelle les gens peuvent danser ?

D.V. : Nous ne sommes pas sûrs de l'identité de celui qui donne cet ordre. Voilà de quoi parle cette chanson ! C'est un mystère : qui est vraiment ce " Dance Commander " ? On ne sait pas trop. Mais c'est très important de danser. On veut être reconnu comme un groupe dance, en plus d'être reconnu comme un groupe rock. Donc, danser, c'est primordial : on y pense tout le temps. Mais de là à savoir qui est le " Dance Commander "… On n'a pas encore trouvé ! Ca nous permet en tout cas d'envisager une suite : " Dance Commander : Part II ".

Tu pourrais être le ‘Dance Commander’ !

D.V. : Toi aussi ! Je n'en sais rien… L'un de nous doit être le " Dance Commander ", et un autre la taupe.

La taupe ?

D.V. : L'espion. Quelqu'un sait qui est le " Dance Commander ". Quelqu'un est le " Dance Commander ". Yeah.

2/ " Electric Demons " : l'un d'entre vous est peut-être le " Dance Commander ", mais qui sont ces " Electric Demons " ?

D.V. : Ce n'est pas nous : c'est une chanson sur le vaudou, en fait. Sur ces gens qui sont bons de cœur, mais qui se rendent compte que le mal est peut-être la voie à suivre. Ils ont une petite vie clean et confortable, mais à un moment ils se disent " Merde ! La vie est trop courte ! ", et ils se mettent au vaudou et à la sorcellerie pour obtenir ce qu'ils veulent. Voilà le concept.

Et " Electric Six ", " Electric Demons " : c'est quoi cette obsession de l'électricité ?

S.J. : Well, c'est partout autour de nous. Regarde autour de toi, tout fonctionne à l'électricité !

D.V. : Tu vois, quand t'es dans une pièce et que les plombs sautent… Quelle est ta première réaction ? " Putain ! ! ! Qu'est-ce que je vais faire ? ! "… Qu'est-ce que tu vas faire ? Ton webzine, sans électricité, personne ne peut le lire…

C'est vrai !

D.V. : Yep. La moindre des choses qu'on pouvait faire, c'était d'écrire quelques chansons à ce sujet…

Mais vous pourriez aussi composer des chansons acoustiques.

S.J. : Je ne sais pas comment jouer de la guitare acoustique… Jamais été bon à ça…

3/ " Naked Pictures (of Your Mother) " : encore du cul. Ca vous inspire ?

D.V. : C'est évident. C'est ce qui nous fait carburer. Cette chanson parle de chantage. Un mec fait du chantage pour baiser une fille, en utilisant des photos nues de sa mère. Yeah !

Bande de pervers… C'est une histoire vraie ?

D.V. : Non, c'est purement fictionnel. Cela ne nous concerne pas ! C'est juste une histoire… On est des amuseurs publics : on enfile nos costumes pour raconter des histoires… Nous sommes…

S.J. : … Des raconteurs d'histoires en costumes.

D.V. : C'est ça. C'est ce que nous sommes !

N'empêche, vous avez l'air de vouloir communiquer à vos auditeurs une sorte d'adrénaline… sexuelle.

S.J. : J'espère bien ! C'est notre boulot. C'est la raison pour laquelle on est là. On est content de faire partager cette idée, surtout si elle peut servir à quelqu'un...

Pourquoi ne jouez-vous pas à poils, alors ?

S.J. : Aaaah, je ne pense pas que quelqu'un veuille vraiment nous voir ainsi… Et puis si on le faisait, les filles ne voudraient plus nous raccompagner… Cela n'aurait aucun sens !

D.V. : Le sexe, c'est plus de la suggestion que de l'exhibition.

C'est vrai. 4/ " Danger ! High Voltage " : est-ce qu'Electric Six est un groupe dangereux pour la musique, pour le bon goût ?

D.V. : Je ne pense pas que nous soyons dangereux : on est des gentils. C'est juste une chanson à propos…

S.T. : … de faire du blé !

D.V. : Yeah… Qui parle d'un braquage : celui des charts ! On l'a écrit avec l'objectif d'en faire un hit, et on a réussi. C'est aussi simple que ça.

De quand date-t-elle ?

D.V. : De dix ans, environ. Le riff date de cette époque, et les paroles de trois ans, puis on l'a enregistrée. On aurait pu la sortir directement, mais on voulait qu'elle mûrisse lentement ; c'est pour cette raison qu'on l'a d'abord refilée en vinyle à des DJ's. La sauce a pris assez vite ; et cela nous a permis de signer un contrat avec une maison de disques, qui l'a poussée pour qu'elle devienne un hit. C'était bien planifié !

Je vous ai découvert, comme beaucoup de gens, sur la compile des 2Many DJ's… On peut donc affirmer que c'est la Belgique qui a lancé votre carrière !

S.T. : Tu sais quoi ? C'est tout à fait vrai ! Je réfléchissais l'autre jour à notre liste de remerciements, et je me suis dit qu'on aurait dû remercier ces deux types pour nous avoir réservé une place sur leur compile ! Donc, merci à eux, et merci à la Belgique !

Ce John S. O'Leary crédité aux chœurs, c'est Jack White ?

D.V. : Le véritable nom de John S. O'Leary est John S. O'Leary. Un mécanicien de Cleveland qui a remporté notre concours sur Internet pour chanter sur " Danger ! High Voltage ", point barre. Je sais que beaucoup de gens pensent qu'il s'agit de Jack White, et tant mieux pour nous : on vendra plus de disques.

Un mécanicien ? !

D.V. : Yeah. Il a une femme, des enfants… Il ne nous parle plus.

Pourquoi donc ?

D.V. : Après avoir enregistré le morceau, on est tous allés manger, mais aucun d'entre nous n'avait de l'argent, alors on l'a obligé à payer l'addition… Il est un peu en colère… Pourtant, il aurait dû nous remercier pour l'honneur que nous lui avons fait !

Il ne reçoit aucunes royalties pour cette chanson ? Il chante dessus quand même !

D.V. : On a brûlé toutes les preuves. Nous ne sommes pas toujours fiers de ce que nous faisons, mais bon…

5/ " She's White " : " I was born a dancer in your disco fire " ? ! ? C'est une métaphore sexuelle ?

D.V. : Non : juste un hommage à nous-mêmes. Ce " Disco Fire ", c'est nous. Tu connais Steve Miller, " Some people call me the space cowboy " ? C'est la même idée : si on peut de temps en temps s'autocongratuler, pourquoi rater cette occasion ?

6/ " I Invented the Night " : êtes-vous les seigneurs de la nuit à Detroit ?

D.V. : Plutôt les " juges de la nuit " : on s'assied, on cogite et on évalue chaque nuit.

Euh… 7/ " Gay Bar " : " I've got something to put in you at the Gay Bar ", " Let's start a nuclear war at the Gay Bar "… Vous êtes homophiles ou quoi ?

D.V. : Nous sommes totalement homophiles. Je ne chante pas " Start a nuclear war " au sens propre, parce que si tu lâches une vraie bombe dans un bar gay, tu souffles avec toute la ville. Soyons sérieux : une guerre nucléaire ne pourrait se limiter au bar… C'est plutôt une chanson sur la confiance en soi, genre " Ce soir, je vais faire péter le dance-floor comme une bombe nucléaire ". Ca n'a rien à voir avec le fait de tuer des gens, mais avec le fait d'être le centre d'attraction de la soirée. Dans un bar gay.

8/ " Nuclear War ", " Fire ", " Electric ",… Tous ces termes vous ont posé problème pour la sortie de l'album ?

D.V. : On a dû postposer la sortie du single " Gay Bar " à cause des références à la guerre nucléaire. L'atmosphère générale, surtout en Amérique, était trop tendue, parano. Mais nous ne sommes pas les seuls à avoir été victimes de la censure…

C'est ridicule ! Que pensez-vous de votre président et de sa façon d'agir ?

S.J. : Kill Bush ! ! !

D.V. : Ici on peut le dire. Si on gueulait ça chez nous, on irait directement en prison !

J'ai lu que votre premier concert date de 1996, précisément le jour de l'anniversaire des bombardements à Hiroshima et Nagasaki. C'était délibéré ?

D.V. : Non. On s'en est rendu compte après.

Est-ce que par la suite, cet événement a eu une influence sur votre manière d'écrire vos textes ?

D.V. : C'est juste une affaire de coïncidences. On ne s'est pas assis en se disant : " Et si on faisait une chanson sur la guerre nucléaire ? ". Je pense que ça fait partie de l'" infini cosmique ", tu vois, c'est astrologique. Moi-même je suis verseau.

D'accord, mais cette question du nucléaire… Seriez-vous la réponse atomique à tous ces groupes minables qui squattent aujourd'hui nos ondes et nos écrans ?

S.J. : Je pense qu'il y a pas mal de bons groupes en ce moment, à l'exception de Good Charlotte… Mais on n'a rien à prouver, à personne. On essaie juste de faire du bon rock, sans vraiment se soucier des autres. La seule chose qu'on puisse essayer de changer, c'est nous-mêmes.

9/ " I'm the Bomb " : encore cette obsession pour ce qui pète ?

D.V. : Ici encore, c'est une chanson à propos de la confiance en soi. C'est une expression populaire en Amérique : " I'm the Bomb ! ". Ce n'est pas un commentaire politique ou quoi que ce soit. Le protagoniste de cette chanson dit juste : " Voilà mes qualités, ce que j'ai à vous offrir ", même si le type est un beau parleur.

10/ " Improper Dancing " : une référence à la politique sécuritaire de l'ex-maire de New York, Giuliani ?

D.V. : Non. C'est à la fois de la fiction et la réalité. L'idée nous est venue lorsqu'un ami à nous s'est fait jeter d'un night club miteux de Michigan pour " danse inappropriée ". Il était en train d'effrayer les gens sur le dance-floor… On a juste transposé cette histoire à New York, parce que c'est plus chaud, avec toutes ces jolies pépettes qui se trémoussent… Si à New York la moitié de la population dansait de manière " inappropriée ", imagine le délire ! Mais il n'y a rien de politique dans cette chanson.

Alors, Electric Six, c'est le groupe dont vous rêviez ?

D.V. : On fait la musique qu'on a envie de faire, mais je ne dirais pas qu'Electric Six est le groupe de nos rêves… Nous sommes tellement tarés que pour être dans le groupe de nos rêves, il faudrait qu'il incorpore plein de trucs qui n'existent même pas ! N'empêche, on est super heureux de pouvoir faire ce qu'on veut. Certaines de nos chansons ont plus de cinq ans d'âge, et souvent on nous demande si on n'en a pas marre de tout le temps les jouer, et la réponse est " non ". Là on a deux semaines de break promo, et je n'attends que de pouvoir remonter sur scène.

S.T. : Parfois on joue " Gay Bar ", et c'est comme si c'était la première fois ! C'est génial, parce que pris sous cet angle, on n'est pas prêt de s'emmerder !

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

En chœur : Yeah, Kill Bush ! ! ! (rires)

 

P.S. : Surge Joebot ne fait plus partie du groupe, tout comme Rock and Roll Indian et Disco. Ils ont été remplacés par Johnny Na$hinal, The Colonel et Frank Lloyd Bonaventure. Les raisons de ces démissions restent obscures : Dick aurait-il un ego démesuré, serait-ce une opération marketing pour attirer l'attention des médias et du public, Surge en aurait eu-t-il marre de jouer " Gay Bar ", se serait-il mis à la guitare acoustique, John S. O'Leary lui aurait-il pété la gueule après cette sombre histoire d'arnaque au resto ? Nous ne le serons sans doute jamais, c'est la loi du show-biz. Bon vent à toi Surge, et surtout, " Rock the clit while you still can " !

Hot Hot Heat

Un certain feeling new wave...

Écrit par

‘Bandages’ est un hit que vous avez sans aucun doute déjà entendu sur l'une ou l'autre station radiophonique. Un tube dont les lyrics ont suscité la controverse. Cette chanson a même été interdite à la BBC. Une aubaine pour le groupe canadien qui n'en demandait pas tant pour se faire de la pub. Pourtant, on ne peut pas dire que les débuts du groupe ont baigné dans l'huile. Il a même fallu attendre le départ du chanteur, Matthew Marnik, et son remplacement par le claviériste Steve Bays, pour que la mayonnaise commence à prendre. Dustin Hawthorne, le bassiste, s'est volontiers proposé comme porte-parole de cette formation qui devrait bientôt sortir son deuxième album…

Le puritanisme britannique s'est encore distingué. Une cerise sur le gâteau dont se délectent les musiciens de Hot Hot Heat depuis des mois. Et pour cause ! Cette publicité gratuite a même fait le tour du monde. Dustin en rit encore : " Partout où on est allés, les médias sont revenus sur le sujet. Même en Australie et au Japon. Même à l'époque où on n'était pas encore connus. Sur les plateaux de TV, ils se disaient : 'On la passe ou on ne la passe pas ? Une heure avant le journal ou une heure après ?' Finalement tout ce toutim nous a procuré une pub fantastique. Nous n'en demandions pas autant. Et finalement, la chanson a décroché un numéro un en Grande Bretagne ". Une chanson dont la formation est particulièrement fière. " Lorsque nous la jouons 'live', nous entrons en osmose avec le public. Une espèce d'hymne qui accroche instantanément… Et il n'est pas rare que le public monte sur les planches lorsqu'on l'interprète sur scène… " Pour s'adonner au stagediving ? " Non, non, pas le stagediving ! Lors de spectacles accordés à LA et à Melbourne, une partie du public est montée sur scène et a commencé à danser. Imaginez-vous 60 personnes sur les planches ! C'était vraiment la fête. A la fin, il ne restait plus que la batterie. Mais cette situation fait partie du show. Par contre, nous n'aimons pas trop que les spectateurs se jettent dans la foule. Une jeune fille a ainsi failli, un jour, se rompre le cou. Et nous avons eu très peur. Tu comprends mieux maintenant pourquoi il existe des gardes du corps et des barrières de sécurité, lors d'un concert. Toute cette organisation est destinée à empêcher les spectateurs de monter sur scène. Et surtout d'éviter le risque de blessures. Enfin, je reconnais que je commence à vieillir ; et je deviens dès lors moins téméraire… "

Le premier album a donc été enregistré au sein de deux studios différents : à Vancouver et à Seattle. Drôle d'idée de concocter un elpee dans deux studios différents, alors qu'il ne fait que 33 minutes. " Sur notre premier EP figurait 5 titres. Et au départ, on avait l'intention d'en réinterpréter deux pour les intégrer au nouvel opus. Mais on s'est rendu compte, que de toutes manières, il aurait encore été trop court. En fait, nous n'avions pas assez de matière première. Deux semaines avant d'entrer en studio, nous étions encore occupés de composer... La brièveté de cette plaque n'est pas délibérée. Elle a été conditionnée par le manque de temps. Le recours aux deux studios nous a, par contre, permis de donner des colorations différentes aux chansons. A Seattle, nous avons travaillé dans un espace réduit. On se sentait vraiment à l'étroit. Mais les prises étaient très basiques ; en outre, nous avons bénéficié du concours de l'ingénieur du son maison. A Vancouver, nous disposions de davantage d'espace. Nous avions tout le confort : la TV, à bouffer, etc. "

Dans une interview accordée à un magazine britannique, la formation a déclaré que dans le futur, elle pourrait réaliser un concept album. Alors, est-ce une blague ou le groupe a-t-il cherché à lever un coin du voile qui dissimule la face prog rock chez Hot Hot Heat ? " Une blague ! Nous n'avons pas l'intention de reconduire un quelconque 'Sergent Pepper' ou 'Dark side Of The Moon'. En fait, les paroles ont sans doute été extraites de leur contexte. Par contre, nous ne sommes pas fermés à l'expérimentation. A donner une nouvelle dimension à notre musique. Une chose est sûre, il ne sera ni conceptuel, ni prog. Lorsque nous atteindrons la quarantaine, il sera peut-être temps d'y penser… "

Les musiciens de Hot Hot Hot Heat aiment la new wave des eighties ; et en particulier des formations ou des artistes tels que XTC, Jam, Cure et Elvis Costello. C'est manifeste ! Pas pour rien que la plupart des médias évoquent ces références lorsqu'ils parlent de 'Make up the breakdown'. Mais qu'en pense Dustin ? Est-ce une réflexion embarrassante ou pertinente ? " Un peu des deux ! Il serait malhonnête de ne pas reconnaître un certain feeling new wave au sein de notre musique. Et que ces groupes ou artistes ne constituent pas des influences majeures. Mais nous ne voulons pas être taxés de revivalistes new wave. Cure, Costello et XTC sont des noms absolument incroyables. Et notre guitariste, Dante, adore XTC. S'il n'existe aucune filiation avec XTC, il faut reconnaître que c'est la formation qui nous a le plus influencés. C'est un des points culminants atteints par la musique entre la mi eighties et 1990. Très jeunes, nous entendions cette musique. Inconsciemment, progressivement, elle nous a imprégnés, influencés… " Si HHH ne connaît pas Supergrass, il voue un grand respect à Blur. " J'apprécie beaucoup leur approche de la composition. Elle est toujours différente. Et quelque part, comparable à la nôtre. A contrario des Strokes, leurs accords, les tempi, sont toujours différents. Leur son est vraiment unique et il est impossible de les cataloguer dans un registre, même si on les considère comme les pères de la britpop…mais je ne connais pas Supergrass… et tout ce que nous écrivons n'entre pas dans le cadre de la new wave… " Encore que pour le look, il y a de quoi se poser des questions. Une certaine presse estime même qu'ils s'habillent et se coiffent comme les Dexy's Midnight Runners… Une réflexion qui fait sourire Dustin. " A ce sujet, je me référerai plutôt à A Flock Of Seagulls. Des types complètement extravagants que j'avais eu l'occasion de voir en concert… Il est vrai que dans le look des Dexy's, il y a des similitudes. Ils étaient bien fringués. Mais je pense qu'on est plus proches d'eux musicalement qu'esthétiquement… "

Dans le domaine de la musique contemporaine, les musiciens avouent quelques coups de cœur. Tout d'abord pour un ensemble mystérieux répond au nom de Badger King. " Un duo qui est issu de Portland, dans l'Oregon. Un garçon et une fille. Il programme des sequencers et joue de la guitare. Elle chante et joue également de la guitare. Leur musique est vraiment novatrice. Ils avaient assuré notre supporting act lors d'une de nos premières tournées, il y a un an et demi. A Salt Lake City, dans l'UTAH. Depuis, on les a quelque peu perdus de vue. Un groupe étrange et passionnant… " Pour les Liars, également. " Un groupe fantastique. Nous avions assisté à un de leurs shows à Seattle. C'était à l'époque où Sub Pop était venu nous voir avant de nous signer. Nous étions à la même affiche. En première partie. Nous étions stressés à mort. Leur show nous a vraiment soufflés… " De Sub Pop, Hot Hot Heat est donc passé chez Warner Music. Une situation qui ne semble pas trop perturber Dustin. Pourtant, il est de notoriété publique que lorsqu'un artiste ne vend pas suffisamment chez Warner, il passe à la trappe… " En fait, Sub Pop est une succursale de Warner. Lorsque Sub Pop s'est rendu compte de notre potentiel, il s'est adressé à Warner pour leur demander si notre produit les intéressait. Ils ont répondu favorablement. Mais tout ce qui relève du domaine artistique appartient toujours à Sub Pop. Warner se charge du volet financier. Donc nous n'avons pas de problème de diktat ni de formatage inhérents aux grosses compagnies. Warner sert ici en quelque sorte de banque… Bon, maintenant j'espère que nous n'allons pas vivre une mésaventure semblable au 'Catch 22' de Joseph Hiller. Ce serait une situation inextricable. Etre un groupe créatif et ne pouvoir sortir sa production nous rendrait fous. On est quand même un peu inquiet à ce propos. Mais pour l'instant, nous regardons les aspects positifs de notre contrat… " Une philosophie qui risque quand même de se retourner contre eux, lorsqu'on sait qu'ils ne s'intéressent guère aux bénéfices tirés de la vente de leurs disques, mais plutôt de leurs tournées. " C'est notre manière de concevoir le business dans le monde de la musique. L'argent gagné par les disques, nous le réinvestissons dans les avions, les tournées ; et en retour ces tournées nous apportent de l'argent. On réinvestit de l'argent pour faire plus d'argent. Nous n'avons pas vendu des cargaisons de disques. L'argent vient des tournées. De la vente des tickets et du merchandising… "

Tous les musiciens du groupe sont multi instrumentistes. Une faculté qu'ils ne mettent pas en exergue, à l'instar d'un Beta Band, lors de leurs concerts. Dustin explique : " J'ai assisté à de nombreux concerts au cours desquels les groupes se plient à cette pratique. Mais j'estime qu'elle nuit à la création. Nous préférons nous concentrer sur l'instrument que nous maîtrisons le mieux. Je joue, par exemple de la batterie, mais pour pouvoir en jouer 'live', j'aurais besoin de 3 mois de répétition. En outre, nous ne voulons pas qu'on nous prenne pour des gens qui savent tout faire. Personnellement, il ne faut pas me demander de jouer du piano. Je ne connais pas suffisamment les accords. Cependant, chaque musicien s'intéresse aux autres instruments. Ce qui est important dans l'écriture d'une chanson. Car nous les écrivons ensemble. Et donc, lorsqu'on commence à la jouer, on est capable de repérer les accords du clavier et la première note de la basse. Enfin, comme je suis bassiste, le suis fort intéressé par tout ce qui touche à la batterie. Ce qui entre dans la logique, à partir du moment où on s'intègre dans une section rythmique… "

Merci à Vincent Devos.

 

The Warlocks

Vibration physique et mentale

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Début novembre 2002, Sam Fogarino, le drummer d'Interpol avait dit le plus grand bien des Warlocks. Une confidence concédée au cours d'une interview accordée à Musiczine. Restait donc à se procurer leurs disques. Et pas une mince affaire, puisqu'ils n'étaient alors disponibles qu'en import. Mais il faut avouer que " Rise & Fall " et surtout " Phoenix " méritent les éloges qui ont pu leur être adressés. Parce que le psychédélisme électrique véhiculé par ces deux opus est à la fois vivace, frénétique, dense, fiévreux et envoûtant. Faut dire que cette formation californienne, de Los Angeles très exactement, compte la bagatelle de sept musiciens : une claviériste, un bassiste, deux drummers et trois guitaristes dont un chanteur. Et pour corser le tout, Sonic Boom (NDR : le leader du défunt et mythique Spacemen 3 !) est venu leur donner un coup de main pour enregistrer leur dernier elpee. A la six cordes. Pas étonnant que la musique des Warlocks rappelle… quelque part… Spacemen 3… Tout ceci méritait quelques explications. C'est Corey Lee Granet, le soliste, qui a bien voulu répondre à nos questions.

Comment expliquer la présence de Peter Kembler (alias Sonic Boom) ? Corey raconte : " Nous étions tous des fans. Et nous avons commencé à échanger quelques e-mails. Puis la correspondance est devenue de plus en plus régulière. D'appréciations réciproques en commentaires divers, nous avons fini par nous faire inviter en Angleterre, pour y accomplir une tournée. Fatalement on s'est donné rendez-vous. Nous ne nous connaissions qu'à travers le net. Et pourtant, le courant est passé tout de suite. Nous ne nous lâchions plus. Ce type est vraiment brillant. Et en plus il est sympa et a beaucoup d'humour ; même si comme tout le monde il a aussi ses moins bons côtés. Finalement, je ne vois pas comment il aurait pu refuser de participer à notre périple. Live, nous avons vraiment pris notre pied en sa compagnie. Et il a également participé à l'enregistrement de 'Phoenix', pour un morceau. Trois guitares c'est bien, quatre c'est encore mieux… " Oui mais un line up qui implique autant de guitaristes et surtout deux drummers, ce n'est quand même pas monnaie courante. Si mes souvenirs sont exacts, le Ginger Baker Airforce comptait deux batteurs. Corey réagit : " La présence de deux drummers ne reflète certainement pas une volonté de pratiquer du bidouillage à la hippie, ni le fruit d'une quelconque admiration pour Adam & the Ants. Et un mélange des deux serait horrible. Simplement nous n'avons pas eu le culot d'en virer un des deux. Parce que ce sont des amis. Prendre une telle décision serait un véritable cauchemar. Par contre la présence de trois guitaristes au sein du line up se justifie amplement. Et si cette formule n'est pas habituelle, elle n'est quand même pas exceptionnelle. Mais il est vrai que trouver un équilibre idéal, quand on est sept musiciens, ce n'est pas toujours facile. Enfin, rien n'est jamais facile… "

A une certaine époque, Grateful Dead et le Velvet Underground se sont appelés les Warlocks, avant d'opter pour leur légendaire patronyme. Une information qui surprend Corey, mais qui surtout le ravit : " Wouaw !!! C'est cool d'apprendre une telle info. Surtout en ce qui concerne le Velvet " Le Velvet Underground est une influence majeure, on est heureux de l'apprendre. Car le combo n'aime pas trop qu'on fouille dans ses références. Et en particulier de se voir taxer de psychédélique ou de garage. Il préfère parler d'expérience sonore. " Parce qu'on y sent une présence physique. Elle est palpable. On entre dans le domaine du sensoriel. On est en présence d'une combinaison mentale et physique des sons, plutôt que de vers et de refrains. Nous sommes davantage qu'un groupe pop. Nous cherchons à faire vibrer notre public physiquement et mentalement… " Pourtant, difficile de ne pas parler de psychédélisme, lorsqu'on écoute leur musique. Corey confesse : " Je n'aime pas le terme psychédélique, parce qu'il vous cantonne dans un genre bien défini. Une sorte de combat d'arrière-garde. C'est comme si on annonçait à un fan de 13th Floor Elevators que nous les réincarnions. S'il vient assister à un de nos concerts, il va être déçu et se dire 'Qu'est ce que c'est que ce groupe de merde !' Notre musique est beaucoup plus contemporaine et puise son inspiration tous azimuts. Y compris dans le psychédélisme. Mais nous cloîtrer dans ce seul univers serait faire preuve d'étroitesse d'esprit… " Ce qui n'empêche pas plusieurs musiciens du band de collectionner les fameuses compiles 'Nuggets'. Ou encore de s'intéresser à la science-fiction. Encore que le chanteur soit également un féru d'histoire. Et en particulier de tout ce qui a trait à la guerre 40-45. Oui mais lorsque à l'instar d'un Frank Black ou d'un Greg Sage, on est aussi passionné par la science fiction, on est en droit de se poser une question : n'y aurait-il pas également un certain intérêt pour le phénomène OVNI ? Pan dans le mille ! " Mes parents ont vécu une rencontre du 3ème type en 1974. Dans le désert de Mojave. Ils ont vu un OVNI. Et le lendemain, ils ont lu dans la presse qu'ils n'étaient pas les seuls à avoir assisté à ce phénomène. Il existe même des centaines de témoignages de cette manifestation. Ce qui la crédibilise davantage. Et je les crois sur parole. Vu les circonstances, il serait d'ailleurs cruel de les prendre pour des menteurs. Et ceux qui ont jeté le discrédit sur ces aveux, ont l'esprit bien obtus… "

Parmi les ensembles contemporains, Les Warlocks apprécient beaucoup Interpol. " Evidemment ! " Les Kills. " Des amis ! "  Beachwood Sparks. " Des amis également, mais ils viennent de splitter. Chris Gunst a entamé une carrière solo. Les autres ont fondé The Tyde " Tout comme les Warlocks, Beachwood Sparks a également transité par Bomp ! Records. Apparemment une mine d'or, pour celles et ceux qui cherchent de nouveaux talents. " Oui, ce label regorge de groupes plus intéressants les uns que les autres. Et hormis le back catalogue au sein duquel on peut y retrouver des mythes tels qu'Iggy Pop et les Stooges, les artistes sont, pour la plupart, inconnus du grand public : Nikki & the Corvettes, Brian Jonestown Massacre, Dead Meadow… Dead Meadow tient sans doute quelque chose des Happy Mondays… " Tiens curieusement, la chanson 'Hurricane heart attack' me semble à la fois hantée par l'esprit des Mondays et des Stones circa 'Street fighting man'. " Ce n'est pas tout à fait faux. Pour les Mondays, c'était 20 ans plus tard. Et nous 15 années encore plus tard. C'est un chant de colère. Lorsque nous l'avons jouée à Manchester, le public criait 'Mondays' 'Mondays'. Une réaction bizarre et un pur hasard, car notre chanteur n'a jamais écouté le moindre morceau des Happy Mondays… " Les Warlocks ont eu un coup de foudre pour une formation qui répond au nom de Lyca Sleep. " C'est un jeune groupe issu de la région de Middlesbrough. Leur son est très proche de ce que pratiquait The Verve, à l'époque de 'Nothern soul'. Donc, ils ne peuvent que dispenser de la bonne musique. On les a rencontrés en tournée et on a assisté à un de leurs sets. Impressionnant ! J'espère qu'ils pourront poursuivre leur aventure le plus longtemps possible. Ils le méritent. Mac Cabb a eu une grande influence sur eux… sur nous également… "

Les membres des Warlocks n'ont pas seulement une corde (musicale) à leur arc. Plusieurs d'entre eux pratiquent différentes activités artistiques, dont la photographie. Pourtant, ils ne dessinent pas leurs pochettes. " On ne peut pas tout faire ! Nous sommes effectivement tous impliqués dans l'art, à divers degrés ; mais chacun d'entre nous possède sa propre vision artistique. Nous sommes quand même au nombre de sept dans le groupe. La pochette de 'Phoenix' est différente en Europe de celle que nous avions réservée aux States. Elle a été inspirée par Andy Warhol ; mais en fait, le projet a été réalisé par notre drummer. Il existe deux perspectives dans ce type de travail. Il faut opérer un choix. Le nôtre s'est posé sur quelqu'un d'extérieur au groupe… " Scoop : un nouvel album est en préparation. C'est la confidence que nous a faite Corey. " Nous rentrons à Los Angeles dans trois semaines. Nous prendrons alors une période de congé d'une quinzaine de jours avant d'entrer en studio. On ne sait pas encore qui en sera le producteur, ni où il sera enregistré. Mais toutes les chansons sont terminées. Et pour te donner une petite idée du contenu, elles navigueront quelque part entre 'Risen Fall' et 'Phoenix', tout en faisant davantage appel à l'instrumentation acoustique… "

Merci à Vincent Devos