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L’écho d’Abstract Concrete

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Archive - 22/10/2023
Archive - 22/10/2023

Supergrass

Dans leur bulle...

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Auteur d'un chouette album l'an dernier (« Life on other planets »), Supergrass fait un peu bande à part au sein de la scène britpop. Alors que la plupart de leurs contemporains rêvent un jour de détrôner Blur, Oasis ou Radiohead (NDR : faudra bientôt ajouter Coldplay !), le trio d'Oxford n'en finit plus de revisiter l'histoire de la pop britannique. A sa manière, il faut le reconnaître. C'est à dire avec talent, attitude (ce look !) et beaucoup d'humour.

Pour son dernier album, la formation s'est mise à l'heure du glam. Mais sur les planches de l'Aéronef, il n'a guère été question de glam. Au cours de vingt première minutes, le combo nous a ainsi asséné une version très musclée de son répertoire. Sans les harmonies vocales (NDR : toujours aussi limpides et savoureuses !), on se serait cru à un hommage à ACDC voire à Metallica. Et pourtant, la formation vient d'accueillir un  nouveau membre : Rob Coombes, c'est à dire le frère aîné de Gaz. Aux claviers. Mais on ne remarquera vraiment sa présence que lorsque la musique deviendra moins métallique. Car les interventions qu'il y injecte fluidifient les chansons. Le groupe va alors enchaîner ses classiques avec beaucoup d'application ; ne concédant qu'une seule cover : « The loner » de Neil Young. Si Danny Goffey est bien le fils spirituel de Keith Moon, le drummer du défunt Who, Gaz et Mickey semblent vivre dans leur bulle. Gaz remercie poliment le public, après chaque salve d'applaudissements ; mais ne donne pas l'impression de vouloir communiquer avec lui. Une nouvelle chanson et deux titres concédés en rappel plus tard, Supergrass nous disait au revoir… Et à la prochaine. C'est à dire le 26 juin prochain, lors de la nouvelle édition du festival de Werchter.

Couch

Shoegazing...

Pendant tout un week-end, les Allemands de Notwist ont pris d'assaut l'AB avec tous leurs copains, pour deux soirées spéciales autour du groupe : films, clips, merchandising, DJ-sets, et surtout des concerts, de Notwist (en apothéose) et de leurs side projects (Console, Lali Puna, Ms John Soda, Tied & Tickled Trio, Couch). The Notwist, c'est donc une nébuleuse, une constellation : autour du groupe gravitent plusieurs formations qui ont toutes en commun cette propension à mixer indie pop et électro (de l'indietronica), émotion et technologie, impro et refrains chantés. En cela, The Notwist est une petite entreprise qui fonctionne plutôt bien : la « scène » dont le groupe s'est retrouvé fer de lance connaît un beau succès d'estime, en témoigne ce soir une AB bien remplie, alors qu'au début l'événement était prévu dans l'ABBOX.

C'est Couch qui ouvre les festivités, un trio rappelant Add (N) to X (une femme, aussi, aux claviers) et ces groupes de post-rock qui malmènent leurs guitares sans dire un mot. Les riffs sont répétitifs et la batterie reste calée sur le même rythme, provoquant chez leurs géniteurs une transe solitaire qui n'emporte que très peu de spectateurs. Une heure de concert, ce fût long, malgré quelques bons moments.

Arrive alors Lali Puna, qu'on a rarement le plaisir de voir en concert. Valerie Trebeljahr chante timidement, tandis que Markus Acher (chanteur-guitariste des Notwist) reste courbé sur sa guitare, l'air concentré ou l'esprit ailleurs. Des nouveaux morceaux, et quelques perles de « Scary World Theory », leur dernier album en date, un véritable petit joyau. En rappel, une reprise de « 40 Days » de Slowdive, qu'on retrouve sur la compile « Blue Skied An' Clear » du label Morr Music.

Vers 22h30, les Notwist entrent en scène. Il y a plus d'un an qu'on ne les a plus vus, depuis ce passage raté à Werchter, avec Arne Van Petegem en remplacement de Micha Acher et son plantage sur « Pick up the phone » (un grand moment). Cette fois, le groupe est au complet. Les hits y passent, surtout ceux de « Neon Golden » (à part un « Chemicals » un peu fade), plus quelques morceaux plus noisy, traces un peu crasses de leur passé d'ados tourmentés (les premiers albums). C'était là qu'en effet, le bât blessait : peut-être à cause d'un manque de répétition, d'une cuite à la bière belge ou d'un gros rhume chopé pendant le voyage, les quatre Allemands semblaient à côté de leurs pompes quand il s'agissait de jouer ensemble et de jongler avec les crescendo. Pendant ces morceaux rock, de longues plages de silence, avant l'explosion, cassaient tout rythme, et toute ambiance (n'est pas Mogwai qui veut). Un peu comme si on avait coupé le courant pendant quelques secondes (« Mais qui a éteint la musique ? », était la réaction la plus fréquente), avant de rebrancher les prises et de laisser les quatre Allemands faire leur boucan en totale discordance. Bizarre qu'après un an de tournée, deux albums excellents, The Notwist soit encore victime de telles imprécisions. A tel point qu'après trois-quarts d'heure de concert, l'attention du public n'était plus que polie (il était tard aussi), et l'ambiance de partir en couilles comme un vulgaire plat de nouilles. Pas glop.

 

Windsor For The Derby

En route pour la quatrième dimension...

'A chilly night' au Nijdrop d'Opwijk, une maison des jeunes s'improvisant presque toutes les semaines salle de concert. Au programme de cette soirée à l'ambiance résolument feutrée : Nona Mez, alias Geert Maris, de Leuven, et Windsor For The Derby, combo américain à géométrie variable, lointain cousin de This Heat, PIL et Tortoise.

Nona Mez et son « Songs of Leaving » nous avait scotché fin de l'année dernière, avec une recette pourtant maintes fois ressassée : une guitare acoustique, un clavier et une voix vaporeuse, susurrant de mornes complaintes sur l'amour et ses dérives. De dérives, il en était fortement question ce soir, à cause d'une maladresse qui fit perdre la patience de notre jeune ami, puis, rapidement, la nôtre. Une guitare qui tombe, et voilà que le tatillon Maris s'énerve et bâcle ses compos, pourtant fort belles… Et la méticulosité, en concert, ça saoule : à force de vouloir réaccorder sa guitare pendant une plombe à chaque fin de morceau (pire : pendant), Nona Mez nous aura fait oublier l'essentiel : que son disque est fort joli. Comme quoi, le live n'est pas une cure pour les timides et les maniaques.

Heureusement, Windsor for the Derby était là pour sauver la mise, avant que la soirée ne soit rebaptisée « A boring night » : leur post-pop entre L'Altra et The Sea & Cake au placard le temps d'une heure, c'est sous les traits soniques de chevaliers de l'Apocalypse noisy-punk-funk que l'on a pu apprécier, ravis, ces Américains au look impeccable. Une tornade de rythmes binaires hypnotiques, de riffs en boucles, de paroles ânonnées avec grâce : Windsor for the Derby nous aura cloués sur place. Comme l'acid rock à la Grateful Dead, le minimalisme à la Terry Riley et le punk incisif à la Wire, Windsor for the Derby nous aura embarqués dans une quatrième dimension que seuls les grands groupes arrivent à traverser, sans se brûler les ailes. Une fois les dernières notes retentissant dans la salle, le choc avec la réalité fût rude : la marque des grands groupes, assurément.

Christophe

Mythique Christophe à Tournai?

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Tout comme votre serviteur, et avec un cœur de rocker, vous avez sans doute encore en tête l'image de ce beau blondinet élevé au sein de la variété et responsable de tubes un peu ‘cul-cul’, dont le plus notoire demeure « Aline ». Pourtant, Daniel Bevilacqua (de son vrai nom) a fait son grand retour sur scène en 2002, après une longue traversée du désert…C'est donc partagé entre cette image, qui risque d'ailleurs de le poursuivre jusqu'à perpétuité, et les critiques élogieuses de ses derniers concerts accordés au Bota et aux Francofolies en 2002 (après…27 ans d'absence !), que l'on attendait la venue de ce représentant de la chanson française. Très vite, l'image du bon blondinet s'estompe : c'est le visage aigri, les cheveux blancs, et derrière des lunettes fumées que le chanteur fait son entrée sur scène, dans un début de show chimérique. Des contrastes, il y en aura tout au long de la soirée : malgré son physique, sa voix, bien à lui, n'a pas pris une ride. Impressionnant et froid au début, il brise rapidement la glace en se rapprochant du public, lui contant sa vision de Tournai. Frappants aussi les arrangements parfaits, tantôt mélancoliques et simplistes, tantôt plus recherchés, de ses vieux morceaux dépoussiérés : « Les marionnettes » et « Les mots bleus ». A l'heure où de nouvelles stars adaptent ce tube inusable, Christophe a véritablement offert une bouffée d'air frais à la chanson française, témoignant d'une longévité que l'on attendait plus. Si en 1965, il criait « Aline » pour qu'elle revienne, ce dimanche c'est ‘Chris-tophe’ qu'a scandé le public tournaisien, lors des rappels. Quel «succès fou» ! Et quelle émotion ! Une émotion omniprésente, que le chanteur a bien rendu, allant jusqu'à rester sur scène un bon quart d'heure après la fin du concert, pour signer des autographes, tout en arborant un large sourire à ses fans. Et oui, rangeons au tiroir nos a priori sur ses tubes de ‘variété à 2 balles’, et rendons nous compte de l'authenticité du personnage, afin de ne pas attendre sa mort pour se dire que l'on tient là un véritable artisan de la chanson française. En surpassant les apparences et en le croisant après le concert, force est de constater que Christophe a su garder son charme et ses beaux yeux, une intégrité artistique et une sensibilité à fleur de peau, aussi bien sur scène qu'en dehors.

 

 

Nada Surf

L'effet de proximité...

La réputation qui colle à la peau de Nada Surf (« Pfff, un groupe de djeûnes ») repose sur un immense malentendu : « Popular », ce hit planétaire d'il y a dix-sept ans qui a presque entériné la fin du groupe. Encore aujourd'hui, on prend ces trois Américains à l'oreille fine pour des gamins débiles, qui chante des trucs de filles pour épater la galerie. Un trio de têtes de nœuds qui nagent dans leurs baskets, à vouloir faire les grands avec leurs mélodies pour cour de récré. Nada Surf, pourtant, ne s'est jamais rendu coupable de quoi que ce soit : juste un gros tube un peu neuneu, pris au premier degré par des midinettes en rut. Parce qu'en fin de compte, « Popular » n'est pas une si bête chanson. La radio, aujourd'hui, nous assomme avec bien pire. Tant qu'à faire, pourquoi même ne pas y voir un manifeste post-situ préfigurant la télé-réalité ? Ces gars-là seraient donc moins cons qu'ils n'en ont l'air ?…

Leur dernier album, « Let Go », est d'ailleurs un petit chef d'œuvre. Comme le précédent « The Proximity Effect »). Même le premier, en fait, sonnait bien. Un grand malentendu, qu'on vous dit. Que ce concert aura presque fini par effacer, à grands renforts de refrains accrocheurs et de mélodies parfaites (« Blonde On Blonde », « Blizzard of '77 », « Inside of Love », « Hi-Speed Soul », « Hyperspace », « Robot », « 80 Windows », etc.). Presque. Parce qu'il y aura toujours des jeunes délurées pour venir perturber le concert, attendant patiemment leur « Popular » : a-t-on déjà vu, de courte mémoire, des gamines monter sur scène pour embrasser le chanteur, à part dans les concerts de la Star Ac' ? Et puis d'où sortent-ils, tous ces écoliers ? Ils devaient encore salir leurs couches quand « Popular » faisait un carton sur toutes les ondes de la planète… Justement, dès les premiers accords de la dite chanson, ce fut le délire : une centaine de personnes sur scène, à gueuler en chœur ce refrain tant attendu. Impressionnant et forcément… bon enfant. Ajoutez à cela une diction parfaite en français de la part du chanteur et du bassiste, quelques remarques sympathiques (la guerre, bla bla bla) et une set-list formidable, ponctuée même d'une reprise haletante de « Love Will Tear Us Apart » (que tous ces bambins se devraient de connaître, au lieu d'écouter Avril Lavigne), et le tour était presque joué. Presque. Parce que malgré un nouvel album d'une douceur rassurante (adulte ?), malgré des chansons finement ciselées, Nada Surf continue à être pris pour un groupe d'ados. Peut-être devraient-ils porter de grosses barbes et se mettre à la country en buvant de la Budweiser, ça ferait fuir les fifilles.

St. Thomas

Un cow-boy venu du froid...

Soirée néo-country à l'AB, en compagnie de Centro-Matic, Saint Thomas et My Morning Jacket en fougueux cow-boys échappés de leurs bourgades désertiques, les cheveux pleins de sable et d'épines de cactus, ruminant leur rock emprunt d'americana sous les loupiotes de l'ABBOX. Sous ce ciel étoilé d'une salle à moitié remplie, Will Jonhson brave très vite l'indifférence de début de soirée en enfilant les perles de « Love You Just The Same », le dernier album de son groupe Centro-Matic. Neil Young, figure tutélaire de tous ces jeunes mélodistes hors pair, veillera tout au long de ses trois heures intenses de concerts habités. Après 20 minutes, Centro-Matic finit par séduire le public, tout émoustillé par ces complaintes sudistes d'une limpidité enivrante.

Mais le vrai déluge viendra de My Morning Jacket, combo psyché-country d'une virtuosité et d'une hargne insolentes : Creedence Clearwater Revival, Flaming Lips, Pink Floyd, At The Drive-In, Pinback,… Les références se bousculent devant l'étendue des talents de Jim James et de ses quatre potes de Louisville. Et quels talents ! Marier ainsi la violence tourbillonnante du psychédélisme et la mélancolie bucolique de la country donne souvent pour résultat d'infâmes bouillons sans aucune magie. Chez My Morning Jacket c'est le contraire, et c'est magnifique. « It Still Moves », leur troisième album, est un chef d'œuvre. L'un des albums de l'année, pas moins… Mais ce soir, Jim James avait mal à la gorge, s'excusant après trois titres sublimes de ne pouvoir continuer à chanter sous peine de devenir aphone pour le restant de ses jours. Pourtant ce « Mahgeetah » en ouverture, qui justifie à lui tout seul l'achat de l'album, annonçait un concert grandiose. Et il le fût, en un certain sens… A condition d'accepter que même sans la voix magnifique de Jim James, My Morning Jacket est un grand groupe. Techniquement bluffant. Instrumentalement ahurissant. C'est là qu'on reconnaît le génie de ces types : même sans paroles, leur musique reste tout bonnement fantastique. Même s'il faut dire qu'on aurait préféré un concert normal… Mais au moins pourrons-nous dire qu'on a vu My Morning Jacket dans des conditions singulières. Pour leur prochain concert, Jim James nous a déjà promis d'être en forme, jusqu'à jouer « deux fois plus longtemps » pour se racheter une conduite. D'ici là, on se repassera en boucle « One Big Holiday » et « Easy Morning Rebel » en tapant du pied et en chantant nous-mêmes, avec l'espoir qu'un autre rhume ne dissipera pas toutes nos chances d'un jour voir ces rockeurs à 100 %… Quand même, quelle claque !

Et s'il y avait des récalcitrants dans la salle, leur déception n'aura pas été de longue durée, grâce à la prestation sympathique de Thomas Hansen, alias St Thomas, au club, en clôture de cette soirée déjantée. Le Norvégien, qu'on avait déjà vu ici même il y a plus d'un an en première partie de Lambchop, n'a rien perdu de son humour et de sa décontraction. Alternant les titres de ses deux albums (« I'm Coming Home » et « Hey Harmony »), notre cow-boy venu du froid aura vite fait de redonner un peu d'entrain aux plus déçus des fans de My Morning Jacket. Entre sa musique, de la néo-country mélancolique, et ses blagues potaches à l'accent scandinave, un monde : comme quoi on peut chanter des histoires de ruptures et puis en rire… C'est déjà ça de pris !

 

The Kills

A la vitesse V V'

The Kills en concert, c'est une sacrée décharge électrique, sans effets (pyro)techniques ni pose de pop stars : juste du rock, écorché et malsain, rebelle et colérique. VV et Hotel sont les Bonnie and Clyde de l'ère post-punk-garage, un couple sur scène comme à la ville qui préfère s'échanger des riffs tendus que des baisers goulus. Dans cette Rotonde pleine comme un œuf, rien d'autre ne les sépare que ces éclairs (de génie) haute tension, des coups de foudre qu'ils tentent, comme un seul corps, de contenir tant bien que mal…

Mais ces riffs qui les possèdent et les unissent ne se laissent pas faire, bien au contraire : à peine apprivoisés, ils ripostent et s'échappent, pour foncer sur nous à vive allure (VV' ?). Dès les premières notes déchirant l'air saturé d'une Rotonde en ébullition, nos nerfs à vif se contractent, notre pouls s'affole. Voilà du rock, primitif et bestial, qui donne envie de hurler à la lune. VV et Hotel jouent comme habités par une force qu'ils ne peuvent contrôler : ça sort de leurs pores par vagues successives, nous inondant d'une électricité palpable et grelottante. Ce rock-là, sans fards mais plein de rage, se vit plus qu'il ne s'écoute, même si l'album, « Keep On Your Mean Side », reste fort recommandable. En ¾ d'heure, VV et Hotel nous auront démontré qu'on peut jouer du rock avec presque rien (une guitare, une boîte à rythme), seulement avec de la hargne et une certaine dose de nihilisme, genre « nous contre le reste du monde ». Et ce soir, sûr que The Kills étaient remontés à bloc, parfois au bord de la rupture    ce « jusqu'où on peut aller trop loin » férocement jouissif dont les grands groupes se font si bien les apôtres. (Presque) seuls au rayon des rockeurs encore sincères et combatifs, VV et Hotel ont prouvé avec violence et passion que le rock peut (doit ?) se vivre à 100%, et se ressentir jusqu'à la moelle.

 

Godspeed You ! Black Emperor

Bienvenue dans la quatrième dimension...

Tourcoing, c'est un peu la zone, genre bourgade désertique recouverte d'une grosse couche de grisaille. N'empêche, c'est là qu'on trouve une des salles de concerts les plus actives du Nord de la France : le Grand Mix. En quelques mois, Interpol, Jimi Tenor, TTC, Kid Koala, Eighties Matchbox B-Line Disaster et bien d'autres s'y sont succédés ; comme quoi dans la maison, l'éclectisme est de rigueur… La salle, peu profonde mais accueillante, rappelle l'Orangerie du Botanique, avec un chouette bar à l'arrière.

Ce soir, cette ambiance tamisée se révélera parfaite pour les invités du jour, les Canadiens de Godspeed You ! Black Emperor, tellement rares sur scène qu'il fallait jouer des coudes pour commander une bière et profiter du spectacle. Et quel spectacle : toujours aussi impressionnant et cyclothymique, GY!BE aura de nouveau confirmé avec classe de quel post-rock il se chauffe. Ses notes incandescentes (violons, guitares, batterie, percussions, samplers,…) tombent comme des couperets dans nos tympans tétanisés, affolent notre pouls, assèchent notre gorge : ça monte, ça monte, jusqu'à l'explosion, de tous nos sens. Fébrile, le public en redemande : on se croirait à la messe, les Canadiens distribuant leurs hosties bruitistes à leurs fidèles en transe. Derrière la console de mixage, un gros barbu haut perché balance des images crypto-anarchistes : Bush s'en prend plein la gueule. Mais sur scène, pas un mot : c'est à peine si on voit les musiciens, concentrés sur leur instrument, noyés dans leur musique exponentielle (du rock X du jazz X de la musique contemporaine X de l'électro = ?). Quant aux morceaux joués, que dire… Ces Canadiens étant des adeptes de l'impro, difficile d'énumérer les titres joués : s'agissant davantage d'une suite de déflagrations et d'accalmies sans début ni fin (ou presque), on évitera toute précision… Après deux bonnes heures de furie sonique, retour à la vie normale : voilà le genre de concert qui vous arrache vraiment au quotidien, surtout quand c'est à Tourcoing que ça se passe… Mais où sont les habitants ? En sortant du Grand Mix, pas un chat : peut-être sommes-nous coincés dans un espace-temps surnaturel, peut-être que la musique de GY!BE nous a ouvert une brèche vers une quatrième dimension qui fout un peu les boules. Coincés dans cette ville, on se croirait dans " L'invasion des Profanateurs de Sépulture ". Aargh !

The Flaming Lips

Un spectacle dantesque...

Imaginez la fête : des ballons géants pleins la salle, une horde d'hurluberlus déguisés en animaux faisant les marioles sur scène, des confettis, un écran géant sur lequel sont diffusées des images surréalistes, des robots, du sang coagulé, des flashes psychédéliques,… Et puis, au milieu de ce bordel incroyable, un groupe sensationnel, maître de cérémonie d'une soirée fantasque et inoubliable : The Flaming Lips. Sans doute l'un des groupes les plus importants de ces dernières années, aux deux derniers albums impeccables (« The Soft Bulletin » et « Yoshimi Battles The Pink Robots ») et à la folie plus que douce. En intro, « Carmina Burana » fouette notre sang : ce concert – plutôt un spectacle – sera dantesque. « Hello, tonight your life will change forever » : d'entrée, Wayne Coyne met les points sur les i. Dès que jaillissent les premières notes de « Race For The Prize », on le croit : le son est énorme, les images faramineuses, l'ambiance déjà torride. Les ballons ne cesseront de voler pendant une heure et demie, et nous avec. « Que tout le monde se lève », ordonne Wayne. Et l'on obéit, ravis de participer à cette fête et de redonner, à notre manière, un peu de joie et de couleurs à ce vieux Cirque. Il n'y a rien de pire que d'être assis à un concert, surtout quand c'est les Flaming Lips ! Une vraie fête d'anniversaire, tant est si bien qu'on aura droit à un « Happy Birthday » en bonne et due forme, en l'honneur de trois gaillards plus vieux ce soir-là… Un anniversaire dont ils se souviendront, c'est certain. Avec comme bande-son parfaite ce mix détonant de guitares enivrantes, d'orchestration psyché-pop et de paroles gratinées. Les deux derniers albums, ceux de la reconnaissance, auront été privilégiés : « A Spoonful Weighs A Ton », « Waitin' For A Superman », « The Gash », « Fight Test », « In The Morning of the Magicians », « Do You Realize ? ? », plus d'autres perles, plus anciennes, de ce Big Bazar stupéfiant (« She Don't Use Jelly », « Lightning Strikes The Postman »). En rappel, les trois trublions d'Oklahoma se lanceront dans un quart d'heure psychédélique assommant, de quoi calmer les ardeurs d'un public ravi et gâté. C'est que pareil foutoir n'arrive pas tous les jours, la plupart des groupes de pop-rock jouant désormais en roue libre sans se soucier vraiment du spectateur. Pas les Flaming Lips, dont la sympathie et la frivolité naturelles devraient être prises en exemple. Des concerts comme ça, il faudrait en voir toutes les semaines, comme antidote à la morosité ambiante. Encore merci à vous, les gars, et revenez-nous vite ! En festivals par exemple, ou encore mieux : pour l'anniversaire de Musiczine et celui de ses rédacteurs (bref au moins dix fois par an).

The Cinematic Orchestra

Rarement jazz et électronique n'auront fait si bon ménage...

Avant toute chose, précisons que l’ABBOX n’est pas une nouvelle salle de l’AB. Ou presque : il s’agit en fait de la grande salle, avec une configuration légèrement modifiée (des voiles rouges cachent les balcons, avec des loupiotes et des lampadaires pour tamiser l’ambiance). Sympa et tout confort, l’ABBOX donne l’impression au spectateur d’être dans une grande chambre capitonnée, les oreilles bien au chaud et l’esprit apaisé par ces cascades de voiles à la couleur utérine. Hum… Sûr que les p’tit gars de l’AB sont des feng shuistes en herbe, en tout cas ça fait plaisir de regarder des artistes dans ces conditions. Surtout quand il s’agit de groupes de la trempe de Cinematic Orchestra, dont le dernier album « Everyday », est une petite perle. Oubliez la lounge et ses Saint-Germain en mocassins : le « nu-jazz » a trouvé son véritable ambassadeur en la personne de Jason Swinscoe, l’homme qui se cache derrière Cinematic Orchestra. Rarement jazz et électronique n’auront fait si bon ménage depuis les derniers albums de Truffaz, de Jazzanova et de Nils Petter Molvaer. En live, cela donne de longues improvisations à partir du canevas de l’album, sauf en ce qui concerne les morceaux chantés par Fontella Bass, assez proches des originaux. Autrement dit, ce concert valait surtout pour les instrumentaux, pleins de surprises et de virages en épingle : c’est alors que les membres du groupe semblaient prendre le plus de plaisir, et nous avec. Parmi ces moments de pure poésie, « Man With The Movie Camera » mit tout le monde d’accord (splendide), et Cinematic Orchestra de récolter une ovation bien méritée. Voilà bien un groupe qui nous change des compiles du Buddha Bar. Et rien que pour ça, il faudrait lui ériger une statue.