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Nuevo Testamento est une formation dont les membres sont originaires de Los Angeles et de Bologne. Son dernier elpee, « Love lines », est paru en mars dernier. Sa musique est le fruit d’un cocktail extravaguant entre cold wave, Italo disco, garage rock et…

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Désolé pour Domotic & The Lazours…

En France on connait Stéphane Laporte sous le nom de Domotic, il éclaire discrètement la musique pop-expérimentale depuis une vingtaine d’années grâce à ses albums en solo ou au sein de groupes comme Egyptology, Centenaire, Karaocake… ou encore ses BO (‘Le…

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Jeronimo

Little Big Man

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L'heure du nouvel album de Jeronimo a sonné. Il y a quelque temps déjà que notre ami Jérôme Mardaga s'y préparait. Comme sur une image en noir et blanc, le garçon était assis sur le vieux banc d'un parc de la Cité Ardente. Pensif et soucieux de son avenir, il restait là, seul sur ces vieilles planches en bois. Obnubilé par ses songes, il s'obstinait à regarder droit devant, cherchant les hypothétiques réponses des mystères de la vie. Et puis, soudainement, à "12h33 ", heure précise, les évènements se sont emballés : Jérôme s'est levé, bien décidé à défendre ses belles histoires tragi-comiques aux doux relents de belgitude.

Que s'est-il passé dans la vie de Jeronimo entre la sortie de son premier album et celle de son nouveau disque ?

Sur le premier album, j'avais encore un job sur le côté… Aujourd'hui, ma vie a changé. Dans une certaine mesure, elle se construit autour de la musique. Je ne vis pas pour autant à 100 % de mon art mais j'y consacre désormais tout mon temps…

Qui était Jeronimo avant de devenir chanteur ?

Jeronimo ? Il était prof de guitare (rires…) Mais entre le prof et le chanteur, il existe une véritable frontière : ce n'est pas du tout la même approche de la musique ! Parfois, c'est étrange : mes élèves me manquent ! J'en recroise certains à des concerts. Mais heureusement aucun d'entre eux ne me balance un reproche du genre : " Tiens, tu nous as salement lâché… " D'ailleurs, lorsque l'histoire Jeronimo touchera à sa fin, je les retrouverai bien assez vite !

Quand Jeronimo part en tournée, loin de sa famille, de ses amis et de son entourage, éprouve-t-il de la tristesse ?

Etonnement, je vais répondre non. La vie est tellement excitante en tournée que je ne ressens pas ce manque, cette sensation de vide. En réalité, il s'agit d'une existence très particulière : un peu concentrée, très exigeante et surtout, très fatigante. En tournée, nous vivons dans une sorte de bulle, hors de toute réalité commune. Bien sûr, certains moments sont plus difficiles, les journées n'en finissent plus et le soir, parfois, la solitude te menace... Mais dans l'ensemble, je ne me plains pas de la vie en tournée…

Sur « 12h33 », la chanson intitulée " La fille que j'aime " évoque un être parfait. T'arrive-t-il de rêver de l'être romantique idéal ?

C'est quelque chose qui m'est complètement inconnu… Cette chanson reste une histoire d'amour très naïve. Le thème de " La fille que j'aime " réside dans un sentiment ambigu, quelque chose d'abstrait et d'inaccessible. Que ce soit clair : la fille dont je parle dans cette chanson n'existe pas !

Pourtant, la thématique de cette chanson risque de toucher bon nombre d'auditeurs. Tout le monde s'interroge, se demande si l'être parfaitement complémentaire existe…

Pour moi, cette hypothèse n'existe pas. Je ne me suis d'ailleurs jamais posé cette question en écrivant la chanson. Personnellement, je considère que les rêves ne sont que mensonges. Et comme le souligne le refrain : " Je rêve de la fille que j'aime ", il ne s'agit que d'un songe, rien de plus…

Quand ton premier disque est sorti, la presse t'a vite collé une étiquette de " joyeux surréaliste " de la chanson française. Aujourd'hui, l'univers de Jeronimo est beaucoup plus terre à terre. Etais-tu conscient de cette évolution quand tu as composé 12h33 ?

Mon état d'esprit a changé : c'est indéniable. A la relecture des paroles du premier album, je me situais en retrait par rapport à mes propres textes et aux différents personnages que je décrivais. Et puis, il y a eu une tournée, des concerts, des rencontres, de nouveaux liens. Tous ces éléments ont engendré un ton nouveau. Au final, j'avais vraiment envie d'écrire un disque plus introspectif. Pour moi, ce nouvel album est plus romantique et désabusé que surréaliste ou cynique, c'est une certitude…

Tu voudrais paraître moins cynique… Pourtant, de nombreux titres prennent un joli bain de cynisme. Tes chansons s'inspirent-elles d'expériences personnelles ?

Oui, c'est une grande différence par rapport au premier album qui n'était nullement autobiographique. Cette fois, la majeure partie de mon travail raconte des circonstances, des humeurs, des sensations, des impressions éprouvées dans différents contextes.

Drôle de réaction : tu connais un chouette petit succès et, paradoxalement, nous retrouvons un Jeronimo plus mélancolique, chantant des textes plus sombres. Nous étions pourtant en droit de nous attendre à des chansons euphoriques après ce premier essai, non ?

A chaque médaille son revers. Le premier album fut très passionnant et enrichissant mais la tournée qui s'en suivi fut très fatigante et dévastatrice à des niveaux plus personnels. J'ai énormément appris grâce au premier album : à répondre aux journalistes (sourires), à monter sur scène, à répondre à l'attente du public, à résister à de fortes pressions, etc. Mais à partir d'un moment, cette vie artistique a pris le pas sur tout le reste. Malheureusement, à l'époque, je ne suis pas parvenu à réprimer ce sentiment de lassitude. Quelque part, j'ai tenu à être honnête sur ce nouvel album et l'affirmer haut et fort au public : " Ecoutez les choses ne marchent pas comme elles le devraient: je préférerai en parler pour qu'elles s'améliorent ! "

Ressens-tu une sorte de pulsion thérapeutique lorsque tu interprètes les chansons de ton nouvel album ?

Cet album demeure une sorte de catharsis. J'ai essayé de coucher sur papier tout ce qui m'avais atteint pendant les deux dernières années de mon existence. Inconsciemment, j'ai certainement déclenché une sorte d'auto thérapie. Aujourd'hui, je me sens mieux. C'est donc que ça fonctionne! Pourtant, c'était réellement difficile. Des gars me croisaient dans la rue: 'Ouah, c'est génial ce qu'il t'arrive !' et inlassablement, je répondais : 'C'est chouette : j'ai perdu ma baraque, je suis complètement déboussolé mais c'est super…' En réalité, la première année d'" Une Vie Sans Toi " fut complètement euphorique et la deuxième restera à jamais gravée dans mon esprit comme une lente descente aux enfers… Sérieusement : la vie d'un artiste n'est pas rose ! La presse a tendance à nous représenter comme des stars logées dans de grands hôtels de luxe. Mais en réalité, il t'arrive de dormir dans une camionnette ou à la belle étoile parce qu'un distrait a oublié de te réserver une chambre. La vie d'artiste, ce n'est pas que des paillettes…

Sur la pochette de " 12h33 ", tu sembles même un peu triste…

Je suis tout seul dans une ville que je ne connais pas. Cette illustration résume assez bien mon état d'esprit de l'époque…

Ce disque marque-t-il un tournant dans la carrière de Jeronimo ?

Je l'espère de tout cœur ! Pour moi, " 12h33 " est un disque de transition. Et ce, pour plusieurs raisons : il n'a pas du tout été réalisé de la même façon que le premier, les paroles sont plus sombres et surtout, pour la circonstance fois, l'éternel petit groupe a eu son mot à dire sur toutes les chansons. Nous voulions éviter de retomber dans le même son et le même ton. Seul, j'aurais refait la même chose… Cette fois, on retrouve du folk, du jazz et du blues : c'est différent !

" Ce que nous ont laissé les vieux " est le titre d'une de tes nouvelles chansons. Ce n'est pas très gentil pour les vieux…

Je le sais… Mais il ne faut certainement pas interpréter ce titre au sens propre du terme ! Il s'agit d'une chanson réactionnaire. Soyons clairs : aujourd'hui, il convient de se couler dans le moule, de porter certains vêtements, de faire des activités de jeunes pour paraître jeune. Bref, nous vivons une sorte de chirurgie esthétique appliquée à la vie. Or, Jacques Brel, par exemple, soutenait que l'accomplissement d'une vie, c'est de vieillir. Il avait entièrement raison : la vie s'écoule et notre existence va dans ce sens là… Cette chanson s'assimile à une réflexion relativement vaste : c'est une interprétation socio-économique mais aussi musicale. Je pense notamment à tous ces vieux cons qui soutiennent ardemment que personne ne fera jamais mieux que les Beatles, que Pink Floyd ou que Bob Dylan. Je déteste cette attitude… Pourtant, je ne remets pas en doute l'immense talent de nos prédécesseurs mais je pense sincèrement que les artistes contemporains sont particulièrement doués…

Certaines de tes chansons respirent la " Belgitude ". " Moi je voudrais ", par exemple, nous procure cette légère sensation patriotique. Est-ce un sentiment voulu et recherché ?

En réalité, j'ai composé cette chanson à Montréal. En somme, on peut soutenir que lorsqu'on s'éloigne de la montagne, on aperçoit mieux son sommet. En écrivant cette chanson loin de chez moi, je me suis laissé davantage de liberté. Cette chanson n'est pas médisante : elle ne fustige aucunement notre pays. Actuellement, sur le plan international, la Belgique est meilleure en musique qu'en football. Alors, pourquoi s'en cacher ? Et puis, au regard de sa taille et de sa géographie, la Belgique rayonne énormément sur le reste du monde. En ce qui me concerne, je me suis vraiment rendu compte de cette situation à l'étranger. Dans le reste du monde, le Belge véhicule une image sympathique : celle d'un individu qui ne se prend pas trop au sérieux, une personnalité emplie d'autodérision et d'un certain sens de l'humour.

Le titre de ce disque suscite une dernière curiosité : Pourquoi avoir opté pour " 12h33 "?

J'ai retrouvé ce chiffre dans mes notes de travail. Je le trouvais beau… il était intriguant et sans signification profonde. Mais faut-il vraiment y apporter une explication ? Bon… (réflexion…) Alors, disons que c'est un simple équilibre entre le jour et la nuit !

 

Scenario Rock

Légendes urbaines

Écrit par

Bidouilleurs, sampleurs, auteurs et compositeurs, les deux banlieusards de Scenario Rock ont tout écrit : des premiers accords au dernier morceau de " Endless Season ", l'album de la révélation. Autodidactes et passionnés, Mehdi Pinson et Ludovic Therrault ont choisi de mettre leurs rêves en musique. Sans concession ni appréhension, sans foi ni loi, ils nous livrent aujourd'hui le secret de leur détonnant cocktail rock ! Pardon… de leur Scenario Rock…

Sur la pochette du disque, vous apparaissez sur un puzzle. Vos fans peuvent-ils se procurer ce jouet en magasin ?

Medhi : Ben non… Ce puzzle se compose de 1100 pièces. Il est énorme ! C'est vraiment une galère de le reconstruire. D'ailleurs, je ne le conseille à personne ! Pour le refaire, on ne s'adressera pas à nos fans… mais plutôt à des fanatiques de puzzles, des gens expérimentés ! Nous en avons fait réaliser six. Nous avons détaché les pièces et il n'a jamais été possible de les réassembler, c'était trop chaud !

Ludo : A fond, y avait des pièces noires partout, pff…

M. : Mais ce puzzle sur la pochette existe bel et bien. Il ne s'agit pas d'un montage graphique. Pour les plus courageux, il est possible de se procurer un puzzle du visuel de la pochette : un puzzle sur lequel nous sommes occupés de reconstituer un puzzle !

Quand on évoque Scenario Rock, les gens pensent immédiatement à " Skitzo Dancer ", votre premier single. Ne craignez-vous pas d'être réduit à ce single, de devenir le groupe " Skitzo Dancer " ?

M. : Bon, il est vrai que cette chanson a changé des trucs. Mais ce n'est pas non plus le jour et la nuit… Il s'agit effectivement d'un titre fédérateur et il tombe bien dans la mesure où c'est un peu son propos. Ensuite, il titre opère une synthèse et fourmille de références qui nous sont propres. Dès lors, nous ne sommes pas dérangés d'être assimilés à cette compo.

Pourquoi, cette plage est-elle scindée en deux parties distinctes sur le disque ?

M. : Dans la narration de la seconde partie, il y a des réminiscences du début de la chanson. Pour nous, c'est une manière de revenir sur la thématique et de clore le truc simplement. Nous sommes très heureux d'avoir indexé cette chanson sous cette forme. Cela permet à l'auditeur de réécouter la partie jouissive de la fin sans devoir se retaper le début de la chanson. De plus, nous avons appris que la chanson allait être amputée pour sa version radio. Nous préférions donc retrouver notre propre parti pris artistique plutôt que de voir notre chanson massacrée de façon complètement incohérente !

Sur la deuxième partie de " Skitzo Dancer ", vous chantez des paroles que l'on peut traduire littéralement : 'Je suis seulement coupable de danser seul'. C'est quoi cette histoire ? Vous préférez danser à deux les gars ?

En choeur : (Rires) Non, ce n'est pas du tout ça !

M. : Dans cette chanson, nous voulions dénoncer le conformisme moderne qui règne dans les clubs, les soirées et les concerts. A la base, ce sont des lieux où tu es susceptible de rencontrer des gens, d'exprimer ta joie, de danser. Dans ces soirées, il y a toujours un gars ou une fille qui se livre à une danse étrange, voire extravagante. Bref, quelqu'un qui n'est pas forcément à l'aise avec son corps mais qui n'hésite pas à s'exprimer et à s'afficher. Personnellement, je ne comprends pas pourquoi cette personne devrait être montrée du doigt comme le vilain petit canard de l'histoire ! Pourquoi tout le monde regarde cette personne de travers ? Aujourd'hui, à l'occasion d'un concert, les gens sont plus enclins à rester stoïques, à analyser la performance des artistes plutôt qu'à se lâcher… même s'ils apprécient la musique du groupe. Dans ces soirées, ceux qui vivent réellement le concert, ceux qui se trouvent en adéquation totale avec l'artiste seront décriés. Pour nous, cette réaction constitue une moquerie gratuite à l'égard de ceux qui dansent, même de façon ridicule, sur la musique qu'ils aiment. " Skitzo Dancer " se construit comme une véritable métaphore autour de ce concept. La morale de cette histoire : en soirée, si tu as envie de t'exprimer, de profiter de l'ambiance et de danser seul, tu n'as pas à te sentir coupable…

Sur " Frantic Dance of Death ", vous évoquez l'éloignement. La solitude est-elle une sensation qui vous effraie?

M. : (Rires…) Non pas du tout ! Je suis très à l'aise par rapport à mes textes. Les faits et gestes que je dénonce dans les paroles de mes chansons ne me concernent pas directement. Ce n'est pas du tout autobiographique, ni une manière de régler mes comptes. Il y a toujours une part d'humour et de légèreté dans nos paroles car il n'est pas question de devenir complètement militant. Ce n'est pas notre truc… Je ne vais pas sombrer dans le cliché " Fight your right to party " à la Beastie Boys mais quelque part, nous ne somme pas loin de cette optique.

Comment définir Scenario Rock ? Plutôt funk, rock, dance ou soul ?

M. : On est tout ça réuni mec… Et plus encore ! Notre objectif est d'inscrire la musique dans un mode d'expression à part entière. Quand on joue de la musique, il reste essentiel de ne pas sombrer dans les extrêmes, dans un truc complètement égoïste. Le but reste avant tout de faire passer un message. La musique est un grand partage. Après, résumer Scenario Rock n'est pas une mince affaire… Le rock demeure néanmoins la meilleure façon de résumer la musique de Scenario Rock. C'est une musique inventive qui n'a jamais cessé de se réinventer au cours des décennies. Nous souhaitons vraiment inscrire notre projet dans cette voie !

Quand on écoute " Cruisin' ", on décèle immédiatement l'influence 'punkisante' des premiers Beastie Boys. C'est assez drôle d'entendre ce genre de compos alors que les Beastie Boys eux mêmes ne sont peut-être plus capables d'en composer. Que vous inspire cette réflexion ?

M. : C'est peut-être un peu prétentieux de notre part mais j'ai vraiment la sensation que nous empruntons autant qu'ont pu emprunter les Clash ou les Beastie Boys. Quand les Beastie Boys ouvraient pour Minor Threat au CBGB's dans les années 80, ils harponnaient des influences extérieures et s'inspiraient d'un courant qui existait déjà ! De notre côté, nous essayons de travailler en ce sens. Ces influences représentent vraiment quelque chose qui fait partie de nous et qui rejaillit dans nos chansons. Composer un morceau comme Cruisin' s'explique en grande partie au regard de nos expériences, de notre grand folklore et de notre état d'esprit actuel. Quand nous n'aurons plus l'énergie nécessaire pour balancer ce style de musique, alors peut-être passerons-nous à autre chose… Pour revenir aux Beastie Boys : quand tu as 40 ans, je ne pense pas qu'il soit très judicieux de jouer la musique de tes 20 ans… A moins d'être capable de le faire avec la même 'gnac', la même folie ! Pour nous, " Endless Season " demeure une sorte de photographie de nos inspirations et de nos aspirations. Pour Scenario Rock, l'originalité passe donc bien par l'éclectisme… Chez nous, c'est l'authenticité qui prime. Or, la meilleure façon d'être authentique est de faire quelque chose qui te ressemble, que tu maîtrises. Même si la charpente d'un disque s'articule autour de ta personnalité, il y a toujours moyen d'apporter des éléments objectifs…

Et sur scène, que peut-on attendre de Scenario Rock ?

M. : Sur scène, nous sommes cinq. J'assure la voix et la guitare. Ludo la basse et les claviers. Nous avons également un batteur et un deuxième guitariste. En live, nous cherchons vraiment à rester proches du songwriting de l'album…

Une chanson comme " Modern Epicureans " peut-elle être assimilée à un subtil mélange entre la pop scintillante de The Police et l'énergie abrupte des premiers Beastie Boys ? Etait-ce un but pour vous de réaliser ces mélanges osés et un peu fou ?

M. : Il ne s'agit pas d'un exercice de style mais plutôt d'un folklore qui s'exprime de façon inconsciente. A 12 ans, j'avais un groupe de hip hop et j'écoutais aussi bien les Beastie Boys que Minor Threat, Bad Brain ou Slayer. J'accomplissais des figures de Break Dance mais je jouais aussi de la guitare. Tout simplement parce que j'adore les Pixies, Cure ou Police. En réalité, ce sont de faux paradoxes... Evoluer dans le milieu du skateboard a largement contribué à élargir nos horizons et à nous sensibiliser à différents modes d'expression. L'ambition et la témérité, voire l'agressivité se transforment en un processus positif et créatif.

Etes-vous des collectionneurs de disques avant d'être des musiciens ?

M. : Les disques de mes parents m'ont rapidement intrigué. Mon père s'écoute plein de morceaux de groove, de funk ou de soul jazz rarissimes ; ma mère est plus branchée sur les trucs rock et easy listening. Plus jeune, mon grand frère jouait dans un groupe de heavy métal. L'oncle de Ludo était deejay dans les 80's ; et sa programmation oscillait entre Big Beat et New Wave, voire de la production plus funk. Nous avons donc grandi au milieu des années 80. Notre génération se tournait davantage vers le punk ou le hip hop et naturellement vers le vinyle. J'ai vite collectionné les originaux pour mixer ; cela m'avait toujours passionné. Les instruments sont arrivés plus tard pour la bonne et simple raison que c'est quelque chose d'onéreux, d'inaccessible lorsque tu es plus jeune. Au fil du temps, notre culture s'est étoffée. De son côté, la musique s'est démocratisée et décomplexée. Cependant, bien que nous jouions de nombreux instruments, nous nous considérons avant tout comme des producteurs.

Sur le titre " Endless Season ", nous avons l'impression d'entendre une douce référence au " London Calling " de The Clash ? Que pensez-vous du punk ?

M. : L'urgence et la mélancolie se dégagent de ce titre et de son riff de guitare. En réalité, le punk peut devenir nostalgique lorsqu'il sous-tend une référence implicite. Essentiellement pour ceux qui y voient un clin d'oeil aux Clash. Pourtant, de nombreux groupes se sont illustrés en empruntant des éléments à d'autres genres musicaux pour réinventer le rock. Cette démarche nous motive. Nous sommes le produit d'un environnement où le Do It Yourself et l'authenticité comptent encore énormément. Mais il est évident que le punk est devenu un cliché de mode, un univers fantasque où l'esthétique a remplacé l'artistique. Aujourd'hui, tout devient tellement superficiel…

Que pensez-vous des concerts gratuits ? En jouez-vous parfois ?

M. : Les concerts gratos ? Mais ça n'existe pas ! Les représentations nous coûtent toujours de l'argent: alcool, 'etc'... Plus sérieusement, il nous arrive de jouer des concerts gratuits pour des anniversaires, des fêtes ou d'autres événements bien précis. Il n'est pas dérangeant de jouer gratuitement pour une cause caritative. Mais la plupart du temps, ce sont des prétextes avancés pour réduire les coûts et s'en mettre plein les poches. Notre premier concert était d'ailleurs une initiative de ce genre, un concert de soutien,... qui s'est terminé par une disparition de la caisse…

Connaissez-vous quelques artistes belges ?

M. : Des artistes belges ? Quelle drôle de question ! Bon alors… Je pense à dEUS, à Vive la Fête, à Ghinzu, à Girls in Hawaïï, aux 2 Many DJ's ou encore à Soulwax. Les artistes belges francophones, ce n'est pas vraiment notre tasse de thé, à quelques exceptions près !

Quel est l'album préféré de Scenario Rock ? Et dans votre collection, quel est le disque que vous avez vraiment honte d'écouter ?

M. : Ouah, il y a trop de concerts, trop de disques, trop de qualités et de producteurs pour n'en citer qu'un… Par contre, les artistes que nous avons honte d'écouter, on ne les écoute pas. On les fuit ! Ben ouais, faut assumer ces goûts, mec!

Quel est le disque que vous offririez à votre pire ennemi ?

M. : Malheureusement, nous n'avons pas d'ennemi vivant sur la planète terre… Mais si j'en avais un, je lui offrirai notre disque rien que pour lui foutre les nerfs en boule ! Mais j'espère que ça n'arrivera jamais…

Quel est le prochain concert auquel vous assisterez ?

M. : Là, nous sommes impatients de découvrir le LCD Soundsystem de James Murphy à l'Elysee Montmartre ! J'ai l'impression que ça va faire très mal…

 

 

Adam Green

Aux portes de la gloire

Une mine de chien battu, un accent 'ricain' à couper au couteau et une nonchalance toute new-yorkaise, c'est le portrait craché du type qui nous fait face. Adam Green donc. En ce premier jour de mars, le garçon passe par le Botanique pour une représentation placée sous le signe du décalage pré-adolescent.

Proclamé roi de l'anti-folk (NDR : prononcez 'entaille' folk) par la presse de son pays, le gars paraît jeune. Il l'est : vingt-trois ans au compteur et une ardoise déjà bien remplie. Avant de se lancer dans une carrière solo, Adam Green officiait au sein des Moldy Peaches, duo qui ne souffrait alors d'aucune comparaison, tant dans le style que dans la forme. Sur scène, Adam n'hésitait pas à se déguiser en Robin des bois tandis que Kimya Dawson, sa partenaire musicale, se transformait en lapin (géant…forcément). Ces deux 'guignolos-folk' débitaient des comptes enfantins à faire pleurer tous les mômes du quartier. On n'invente rien…

« Avec Kimya, nous réalisions toutes les compositions ensemble. Désormais, c'est très différent. J'écris les paroles à ma façon, beaucoup plus vite. Actuellement, je me concentre intensément sur mes concerts. Ces représentations m'emmènent aux quatre coins du monde et nombre de mes nouvelles chansons s'inspirent de ces voyages », raconte mollement Adam. Lors de ses concerts, certains (certaines ?-NDLR) auront d'ailleurs amèrement constaté que pour Adam Green la page Moldy Peaches semble définitivement tournée. Ainsi, lorsqu'une (un ?) groupie lui réclamera un légitime 'Who's Got The Crack', le maigre chevelu se contentera de répondre : "Je pensais qu'il s'agissait d'une chanson des Moldy Peaches…" Quelques minutes plus tard, seul à la guitare, Green se fend d'une déclamation défoncée de 'What a Waster'. C'est étrange, nous pensions qu'il s'agissait d'une chanson des Libertines… Bref, poursuivons notre histoire. Après un premier album (NDR : passé inaperçu dans nos contrées) et le désormais mythique 'Friends Of Mine' (NDR : passé inaperçu chez nos voisins Français), Greeen nous propose aujourd'hui 'Gemstones', nouvel album à paillettes où notre troubadour transcende récréativement ses dernières mélopées enjouées. La voix d'Adam Green brille par sa maturité. " Je me sens fortement influencé par la musique de Lou Reed, de Jacques Brel mais aussi et surtout par la 'Motown' ", explique l'intéressé en abordant sa musique. La culture musicale du jeune homme n'est pas à mettre en doute. Par contre, vu l'énergie avec laquelle Adam Green répond à nos questions, nous craignons forcément le pire en songeant à ses prestations scéniques…

Face au public, la surprise est de taille. Comme par miracle, l'effroyable apathie du garçon se mue en une force tranquille animée d'un charisme à toute épreuve. Avons-nous réellement interviewé cet Adam là ? Qu'importe, le public ne tarit pas déloges et ne cesse d'applaudir le prodige. En guise de remerciement, le rejeton gratifie son assistance d'une poignée de chansons supplémentaires. L'improbable crooner va jusqu'à laisser au public le choix des titres interprétés (exception faite de 'Who's Got The Crack'). Dernières ovations. Les projecteurs s'éteignent, les lumières se rallument. Chacun regarde bêtement son voisin. Les sourires béats demeurent ridicules mais de rigueur. Les gens heureux sont ici. Pas en ballade. Adam Green a conquis son auditoire en une vingtaine de titres courts et concis. "En réalité, je ne suis pas nécessairement opposé au fait d'écrire une chanson plus longue. Je veux juste éviter de lasser les gens". De ce côté là, aucun doute possible, notre sacré Robin des bois ne peut manquer sa cible... 

Shivaree

Le charme sème le trouble

Écrit par

Quelle joie de découvrir le nouvel album de Shivaree ! Qui ne se souvient pas de " I Oughta Give You A Shot In The Head For Making Live In This Dump " ? Ce premier disque à l'intitulé longuet renfermait l'un des tubes les plus efficaces et romantiques de cette fin de siècle. Un titre ? " Goodnight Moon ", une chanson faite pour rêver. Et la chanteuse de Shivaree ? Ambrosia Parsley, une frimousse parfaite pour nous obliger à céder aux charmes de cette formation californienne. En Europe, l'intitulé à rallonge s'écoulera à plus de 500 000 exemplaires. Une moitié de décennie après ce succès populaire, Shivaree livre " Who's Got The Trouble ? ", nouveau recueil de comptines atypiques coulées dans un moule de revendications. L'engagement politique constitue indéniablement une petite révolution dans l'univers envoûtant de Shivaree. Résumé d'un entretien séduisant en compagnie de cette perdante des élections américaines… La beauté effraie énormément les hommes. Le genre masculin craint l'éclat, la douceur et la perfection pragmatique de son contraire. Les femmes impressionnent les hommes, c'est un fait. Cette affirmation explique en grande partie la panique qui nous envahit quelques minutes avant de rencontrer Ambrosia Parsley, la voix cristalline de Shivaree. Pourtant, la jolie brune qui nous fait face respire la gentillesse. Naturellement, elle nous propose de nous asseoir. Gêné, les joues rougies, nous acceptons cette rassurante invitation…

Le premier album de Shivaree fut un succès. Quelle drôle d'idée de choisir un titre d'album aussi long !

En fait, nous n'avions jamais songé au rapport entre nos choix artistiques et les vues de l'industrie du disque. Nous faisions notre boulot pour sortir de bonnes chansons et aboutir à un album honorable. Nous recherchons toujours le plaisir dans notre travail sans vraiment réfléchir à la façon dont il travail va être perçu et interprété. Personne ne peut contrôler ce que les gens pensent.

Malgré l'important succès populaire de " I Oughta Give You A Shot In The Head For Making Live In This Dump ", votre deuxième album n'est pas sorti aux USA. Peut-on connaître les raisons qui expliquent cette décision ?

Les personnes avec lesquelles nous avons travaillé sur " Rough Dreams " en 2002 se foutaient pas mal de notre musique… Ce genre de situation se produit relativement souvent chez les compagnies 'Major'. Nous nous sommes retirés afin d'éviter ces hommes d'affaires. Personne ne pouvait nous empêcher de jouer notre musique et c'est la principale raison pour laquelle nous avons décidé de les zapper…

L'explication de cette non-parution aux USA n'est donc pas à chercher dans les conséquences des attaques terroristes du 11 septembre ?

Oh Non … le masque de repos sur la pochette (NDR : ce genre de masque que l'on porte sur le visage pour s'endormir dans les avions) n'est pas du tout une allusion aux attaques terroristes. Tout le monde peut mettre un masque de sommeil ailleurs que dans un avion, non ? Mais cette remarque est très positive car elle démontre que toute chose peut-être interprétée. Un même fait, un même objet sera différent d'une personne à l'autre, d'une interprétation à l'autre. C'est quelque chose de vraiment formidable !

Après le succès de " Goodnight Moon " et du premier album, penses-tu que votre public soit dans l'attente d'un nouveau " Goodnight Moon " ?

Pas vraiment… (hésitations)… En fait, je crois que nous ne pouvons pas penser ainsi. Tu ne peux pas faire quelque chose juste en essayant de reproduire une particularité vocale, en essayant de manipuler le public en quelque sorte. C'est très étrange… Personnellement, j'adore cette chanson. Nous la jouons toujours en concert. Mais comment expliquer son succès ? Je ne sais pas… C'était une très bonne surprise ! Il est très bizarre de composer une chanson que les gens apprécient à ce point.

Votre premier album offrait des images du rêve américain. Pour nous Européens, cet album véhiculait le rêve d'une Amérique inconnue. Sur le nouvel album, c'est différent. On retrouve davantage un travail d'écriture et de composition. Comment expliques-tu cette évolution ?

Tout ce que nous avons réalisé à ce jour constitue une évolution dans notre vie mais aussi dans notre carrière. J'ose d'ailleurs espérer que notre nouvel album ne sonne pas exactement comme notre premier disque ! Aujourd'hui, quand nous réécoutons notre premier disque, c'est un peu comme si nous regardions la photo de notre bébé. Ce premier album a grandi. Si notre nouvel album pouvait parler ou nous écouter, nous pourrions lui faire écouter notre enregistrement initial en lui disant : 'Ecoute ! Ecoute, c'est toi il y a cinq ans…Tu as bien changé, n'est-ce pas ?' En réalité, je pense que tout le monde change. Ce n'est pas quelque chose d'inconcevable pour moi de changer et d'évoluer. Nous rencontrons des gens, nous apprenons des choses et nous grandissons. Nous évoluons sans cesse. Cette notion d'évolution est une des choses les plus fascinantes et fabuleuses dans la musique. Il y aura toujours quelque chose à apprendre et la musique ne cessera jamais d'évoluer, de grandir.

Si un de tes fans vient te voir et t'avoue que pour lui, le rêve américain… c'est toi ! Que lui répondras-tu ?

Je ne sais pas ce que les gens s'imaginent à mon propos. Personnellement, je n'essaie pas 'd'être' ou de représenter qui que ce soit. Mais que peut-on faire contre ces représentations ? Sans le savoir, tout le monde véhicule l'imaginaire du petit monde visuel attaché à son lieu d'origine. Mais personne n'y peut rien…

Sur le titre " I Close My Eyes " du nouvel album, tu chantes quelques mots en français. Que représente la langue française à tes yeux ?

Sur le nouvel album, la politique rencontre la poésie des textes de mes chansons. " I Close My eyes " s'inspire d'un de mes rêves. Dans cette aventure inconsciente, j'imaginais que l'on torturait le président Bush. C'était très étrange… Le lendemain, j'ai écrit cette chanson contestataire. A nos yeux, ces mots que je fredonne en français représentent un affront à notre président. Depuis quelques mois, les relations entre la France et les USA sont tendues. Pour nous, " I Close My Eyes " est symptomatique de ces tensions. Je ne parle pas très bien le français mais si ces paroles permettaient de changer de président, je serais bilingue ! Je suis né à Los Angeles… En Californie, on enseigne l'espagnol à l'école. Ben oui, nous sommes juste à côté de la frontière mexicaine… Alors, les quelques mots de français que je connais, je les ai trouvés dans les livres les disques ! (rires…)

Une des chansons de " Who's Got Trouble ? " s'intitule " The Fat Lady Of Limbourg ". Savais-tu que le Limbourg était une province belge?

Oui, je le savais (NDR : un journaliste perspicace vient de la renseigner). Mais pour moi, avant d'être une province belge, c'est surtout une chanson de Brian Eno, une chanson tirée de l'album "Taking Tiger Mountain…". Mais peut-être qu'un jour j'enregistrerai un disque de reprises, qui sait ? C'est possible… Par contre, il faudra vraiment que je demande à Brian Eno s'il connaît la province du Limbourg en Belgique ! (rires…)

Pour toi, le plus important réside-t-il dans l'écriture ou l'interprétation de la chanson ?

C'est impossible de séparer ces deux choses. Ecrire une chanson et la chanter demeure une chose tout à fait normale, liée à la nature humaine. Je pense réellement que tout le monde est capable de réaliser ce genre de dessein artistique !

 

Mclusky

II est plus facile d être inspiré par ce que tu n es pas.

McLusky : trois types qui font du punk-rock sans trop se prendre la tête, mais sans non plus passer pour des couillons. Des guitares qui crissent et des refrains qui crispent. L'un des groupes les plus explosifs de ces dernières années. En plus, ils savent trousser de sacrées mélodies. " Les Pixies, les Nirvana du pauvre " ? Balivernes : McLusky est le secret le mieux gardé d'Angleterre. Ils nous expliquent tout, ici, maintenant. Sans langue de bois. Et en maniant un humour qui frise la mauvaise foi. " Fuck McLusky " ? C'est eux qui le disent, mais on leur pardonne.

Je vois que vous avez un nouveau batteur... Que s'est-il passé avec l'ancien ?

Andy Falkous (chanteur, guitariste) : On l'a viré pour des raisons personnelles, mais tant que la musique reste bonne, qu'est-ce que ça peut foutre ? Il ne voulait plus jouer du rock, voilà tout. Il essayait d'incorporer des trucs 'dance' dans notre musique, et ça ne marchait qu'une fois sur un million… Ce type est vraiment bizarre : le genre de gars qui, s'il est malheureux, reste dans son coin et ne dit rien. Nous aurions du le virer déjà avant… Mais il n'est pas facile de virer quelqu'un. On n'est pas dans un groupe pour jouer aux méchants.

Vous n'êtes donc plus très amis ?

A.F. : Pas vraiment, non ! Je ne l'ai plus vu depuis longtemps, mais je n'ai plus envie de revoir sa face de rat. En ce qui me concerne, il a essayé de nous baiser, et ça je ne peux pas lui pardonner. Même s'il avait une super coupe de cheveux.

Cette histoire a-t-elle interféré dans la réalisation de ce nouvel album ?

A.F. : Après l'avoir viré, tout est rentré dans l'ordre, et on a commencé l'enregistrement en décembre dernier. C'était de nouveau une expérience amusante. Nous nous sommes bien marrés. Même si ce n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler un album " gai ", sur lequel tu peux danser avec les gosses dans ton jardin… Mais il a été composé par trois types heureux, même s'il est plein de rage. La colère est en nous : on ne peut rien y faire. On ne s'assied pas en se disant 'Et maintenant mettons-nous en colère ! ! !' : on joue de la musique, et elle sonne ainsi. On n'est pas du genre méchant… Sauf quand Newcastle perd un match.

D'ailleurs on retrouve sur cet album des refrains plus pop.

A.F. : C'est exact, même si c'est bien plus compliqué qu'on imagine : les paroles, elles, restent plutôt obscures et sarcastiques ! Mais peut-être qu'elles nous aideront à élargir notre public. Cet album est plus éclectique. " Do Dallas " était plus carré, plus violent.

Tu parles des textes : comme d'habitude, on n'y comprend pas grand chose… Et ces titres à rallonge… Rien qu'avec ça, vous essayez déjà de transmettre quelque chose ?

A.F. : Pour être honnête, la grande différence entre McLusky et la plupart des autres groupes, c'est qu'avec eux tu ne dois même pas réfléchir quand tu lis leurs titres de chansons. Je ne suis pas en train de dire que tu dois être diplômé en sciences cognitives pour piger nos paroles et nos titres, mais la plupart des albums de rock n'ont pas de titre ou bien les chansons s'appellent " Going Home ", " Winter ", " Daddy "…. C'est n'importe quoi ! Et puis nos textes ne sont pas si difficiles à capter : c'est du littéral. Et c'est plutôt marrant. Peut-être que certains sont prétentieux, mais peu importe : être dans un groupe, c'est prétentieux. Ce n'est pas comme si c'était hyper naturel…

C'est drôle en effet. Vous pratiquez avec aisance l'humour à l'anglaise, ce bon vieux " non sense " cher aux Monty Python…

Jon Chapple (bassiste, chanteur) : Grandir en Angleterre sans avoir été influencé par les Monty Python est presque impossible.

A.F. : Parfois ça peut paraître un peu abscons, mais il serait malhonnête de notre part d'y changer quoi que ce soit pour devenir plus populaires. Je pense de toute façon que tu peux apprécier nos chansons sous différents angles, que tu sois un gosse qui aime pogoter, que tu nous apprécies pour les paroles, que tu aimes les deux, que tu préfères les mélodies ou bien que t'aies perdu ton portefeuille et que tu te retrouves par hasard à l'un de nos concerts… Tout peut arriver, mon vieux !

Vous arrivez à garder un parfait équilibre entre ironie et sérieux. Est-ce pour vous un comportement naturel ?

A.F. : Tout dépend du moment : tu ne peux pas être constamment sarcastique. T'as des mecs qui ne disent jamais rien d'intéressant parce qu'ils sont trop occupés à vouloir tout le temps être cyniques. Je pense qu'il faut avant tout se rendre compte que faire partie d'un groupe, c'est en fin de compte complètement ridicule. Même si c'est important pour certaines personnes, ça ne veut pas dire grand-chose… Il faut rester conscient de la futilité du truc, plutôt que de croire que t'es le centre de l'univers parce que tu joues de la guitare.

" Fuck This Band " va dans ce sens ?

A.F. : C'est presque un avertissement que tu te donnes à toi-même. Si te foutre des autres t'amuses, tu dois également savoir te foutre de ta propre personne. C'est comme un mécanisme d'autodéfense, si tu vois ce que je veux dire ! (rires)

C'est sans doute plus facile à concevoir quand on est entouré de groupes comme Starsailor ou The Darkness, non ?

A.F. : C'est clair qu'il est plus facile d'avoir de l'inspiration quand t'es entouré de toute cette merde ! Si nous étions entourés de groupes comme The Fall, les Pixies ou Fugazi, ce serait déjà vachement plus difficile ! Il est plus facile d'être inspiré par ce que tu n'es pas.

Quelle est la pire critique qu'on pourrait émettre à votre égard ?

A.F. : Qu'on soit des côtelettes pleines de sauce tomate servie avec une soupe par Gina Lollobrigida dans une station stellaire si lointaine que même mentionner son nom équivaudrait à mourir par manque d'oxygène. (ils se marrent comme des baleines)

? ! ? Euh !… On n'a pas encore parlé de ce type, là, comment déjà ?, Steve Albini… Pourquoi avoir choisi de travailler à nouveau avec lui ?

A.F. : Parce que c'est un putain de producteur, voilà tout ! Son studio est dément. Son équipe est sympa. On ne pouvait pas imaginer travailler avec quelqu'un d'autre. Mais ça pourrait changer dans le futur… Ou non.

J.C. : La vérité, c'est qu'il nous a dit : " Si vous ne revenez pas, je vous retrouverai et je vous tuerai ! "

A.F. : Il a kidnappé ma mère et pété ses jambes avec un marteau en gueulant : 'Si vous ne rappliquez pas tout de suite, je vais vous transformer en cendrier humain !' Et tu sais quoi ? Avec le regard qu'il avait, je l'ai cru jusqu'au bout… Ce type est un malade !

A vrai dire tout le monde enregistre aujourd'hui avec Steve Albini… D'ailleurs on se demande si c'est vrai ou si ce n'est pas juste comme un " label déposé " : t'achètes son nom, pour l'imprimer sur un sticker que tu colles ensuite sur ton disque. Et les ventes explosent.

J.C. : C'est uniquement la raison pour laquelle on a fait appel à lui.

A.F. : Plus sérieusement, c'est un vrai problème… Parfois tu fais des interviews, mais les journalistes, en fin de compte, ne veulent pas t'interviewer : ils veulent interviewer Steve Albini. La réputation du bonhomme importe plus que le disque. C'est vraiment débile, mais les gens ont besoin de ce genre de références. Comme quand on parle de nous et des Pixies… Fuck that ! Mais il y a une raison à cela : on a fait une chanson qui sonnait un peu comme les Pixies, et depuis on nous bourre le mou avec cette histoire… Mais les gens ont besoin d'un cadre de référence, parce qu'il est difficile de parler d'un disque. Ok, d'accord ! Mais une chose est certaine : Steve Albini n'a pas composé les chansons de ce disque ! ! !

L'année dernière vous avez sorti un maxi comportant un inédit intitulé " Undress For Success "… Pensez-vous que votre musique est " inadaptée au succès " ?

A.F. : Un plus large public serait fantastique, même si je pense qu'on ne sera jamais un groupe de masse, à cause de la musique que l'on joue… On est pourtant sacrément bons ! (rires)

Seriez-vous prêts, par exemple, à faire des compromis dans ce sens ?

A.F. : Notre musique ne changera pas d'un iota, point barre. Même si notre attitude signifie ne jamais rencontrer de succès… A vrai dire on s'en tape. Et puis de toute manière, aussi ridicule que cela puisse paraître, il y a plein de kids en Grande-Bretagne qui ont découvert à travers notre musique les Pixies, Gang of Four, The Fall, Shellac,… Et ça c'est déjà une victoire, parce que ce sont vraiment des bons groupes, qui méritent d'être plus connus.

Le garage-punk revival de ces trois dernières années vous a quand même pavé la voie vers davantage de reconnaissance, non ?

A.F. : Un petit peu. " Do Dallas " est sorti juste au moment où notre aventure commençait à prendre une plus grande envergure. Mais pour être honnête, tout ce revival, c'est du pipeau. Ce n'est pas bien méchant. Juste du rock'n'roll bien traditionnel joué par des types aux coupes de cheveux intéressantes. Rien de très spécial… Je pense qu'on est un peu en dehors de toute cette mode, et qu'on n'y sera jamais vraiment intégrés. Mais encore une fois, qu'est-ce que ça peut bien foutre ?

Dernière question, toujours la plus stupide : quel est, en tant que groupe, votre vœu le plus cher ?

A.F. : D'enfermer Witney Houston dans une tour, avec des citrons comme seul moyen de subsistance. A chaque heure pile, elle devrait pousser un " Laaa ! " ou un " I ! ! ! ", et puis la fermer, jusqu'à l'heure suivante, où elle crierait un autre truc : " Will ! "… " All… ! "… " Ways ! "….. " Love ! "….. " Youuuu ! ! ! ". (Ah ! Ils rient de bon cœur, les salauds !).

Adem

Histoires domestiques

Derrière ses petites lunettes, Adem Ilhan n'a l'air de rien, et pourtant il vient de sortir un bon disque, « Homesongs », 10 comptines de l'intime qu'il a écrites tout seul. La solitude, le souffle au milieu du silence, et cette croyance en l'homme, même s'il est minuscule au milieu du cosmos : Adem parle de ces petites choses qui bouleversent nos vies, mais sans frimer comme Philippe Delerm. Rencontre.

Le titre que tu as choisi pour ton album, « Homesongs », reflète-t-il une envie de te mettre à nu ? C'est comme un journal intime.

C'était clairement une décision de ma part de vouloir offrir quelque chose de très intime et de très personnel. Quand j'ai commencé à écrire des chansons, j'ai rapidement remarqué qu'elles tournaient toutes autour de certains thèmes : pas la maison, le lieu d'existence à proprement parler, mais plutôt la famille, les amis, les gens qui te sont proches, et que tu quittes ou que tu retrouves. Au fur et à mesure que l'album prenait forme, j'ai décidé de creuser ces thématiques. 

Etait-il important pour toi d'enregistrer un disque aussi introspectif ? On est très loin de Fridge, d'un point de vue musical.

Exact, c'est un disque très introspectif… Mais au départ, c'était un accident ! J'étais occupé de flâner dans une brocante, et je suis tombé sur cet instrument incroyable… Je m'amusais à frapper ces cordes avec un stylo, et le son qui en sortait était vraiment magique, d'un apaisement total ! J'ai alors commencé à écrire des morceaux en utilisant ces sonorités comme colonne vertébrale, et il en est sorti une première version de « Statued », le morceau d'ouverture de l'album. C'est à ce moment-là que je me suis dit : ce disque sera constitué de chansons ! Tout était basé sur ce son, et je voulais m'y tenir, parce que ça donnait aux morceaux une couleur très rassurante, intimiste. Je voulais que l'auditeur ait l'impression d'être assis à mes côtés. 

Quel est cet instrument ?

C'est une 'autoharpe' (http://en.wikipedia.org/wiki/Autoharp), en fait une sorte de cithare qui donne un son très aérien, naturellement magique ! Dès que je l'ai essayée, je me suis dit : 'Wow ! C'est charmant !'

Magique, romantique, dépressif ?

Il est vrai que ces chansons sont un peu déprimantes, mais j'espère qu'elles distillent également un sentiment d'espoir ! Il faut garder l'espoir, c'est ça le truc : peu importe si les choses vont mal, il y a toujours un endroit où retrouver sa famille, ses amis, les personnes que tu aimes. Voilà le concept : il existe un endroit dans lequel chacun d'entre nous peut se sentir bien… Mais il est clair que tout n'est pas rose, on ne peut pas le nier. La plupart des titres de « Homesongs » s'inspirent d'évènements qui sont arrivés à des potes ou à moi, et qui ne sont pas forcément folichons. En faire des chansons permet de se dire qu'aujourd'hui tout va bien, qu'avec le recul ce n'était pas si grave. 

Te trouvais-tu dans un état d'esprit particulier au moment d'enregistrer ce disque ?

Clairement, mais ça ne se situe pas forcément au niveau émotionnel. J'ai tout enregistré pendant la nuit, à la lumière des bougies, chez moi, dans le silence le plus complet, où le moindre murmure résonnait comme un cri. Je me suis plongé dans un état particulier. Ce qui donne une atmosphère si intimiste au disque. 

Etait-il impossible pour toi de le concevoir en mode diurne ?

J'étais obligé, à cause des voisins du dessus, et parce que j'habite juste à côté d'une usine. Il y a tellement de bruits en journée qu'il est impossible d'enregistrer ! Mais au fur et à mesure, enregistrer la nuit s'est imposé de façon naturelle : ça collait bien avec l'émotion que je voulais rendre sur le disque. 

Tu as tout fait tout seul ? Ca sent la solitude.

Ouais ! J'ai tout enregistré moi-même, et c'était assez bizarre comme expérience parce que j'ai l'habitude de bosser avec plein de gens… Mais pour une fois c'était très excitant de pouvoir faire ce que j'avais envie, d'expérimenter, de laisser aller sans retenue mon imagination. Il m'est bien sûr arrivé de demander à mes proches ce qu'ils en pensaient, mais au moment de l'écriture et de l'enregistrement, il n'y avait personne d'autre que moi ! Et ça se sent à l'écoute du disque, comme tu dis…

C'est dans ce sens (l'expérimentation) que tu t'es mis à chanter ?

Il m'a fallu pas mal de temps avant que je ne me considère comme un chanteur à part entière. C'est seulement maintenant que je peux le dire sans rougir ! Ca fait du bien d'être seul face à soi-même, en toute liberté, et d'essayer des trucs. C'est ainsi que tout a commencé : j'ai pris une guitare, en chipotant deux-trois paroles, une mélodie, et puis soudain, tes idées se mettent en place ! Et le reste suit. Lorsque plein de monde t'entoure, c'est plus difficile, parce que tu ne sais pas forcément quoi dire… Dès que j'ai composé la base de « Statued », je sentais qu'il manquait quelque chose, mais je ne savais pas quoi : je suis avant tout un producteur. J'ai alors eu l'idée de rajouter ma voix, et ça a fonctionné ! Les gens autour de moi ont commencé à réagir, estimant que c'était une bonne idée, donc j'ai poursuivi dans cette voie… Ce qui m'a donné confiance en moi.

Ta première idée était donc de continuer à créer de la musique instrumentale ?

Je compose de la musique en solo depuis des années, mais jusqu'ici je n'avais jamais ressenti la nécessité de la rendre publique. J'ai toujours tâtonné pour savoir ce que j'avais vraiment envie de faire : j'ai écrit chez moi beaucoup de tracks techno, ambient, mais je n'y mettais pas mon cœur. Ici c'est différent, j'y crois vraiment, et ça fonctionne.

Tu as comme point commun avec ton pote Kieran Hebden (Four Tet, et donc Fridge) de te servir des bruits du quotidien pour enrichir ta palette musicale. Y a-t-il dans ton écriture une place laissée aux accidents ?

Oui, tout à fait ! J'ai enregistré la plupart des chansons en une prise, pour donner cette impression de naturel, en gardant les erreurs, les aspérités… Même les oiseaux qui gazouillent et les camions qui passent ! Mais ce qui m'intéresse au niveau de la production, c'est de trouver le bon son. Au départ, ce n'est pas l'instrument qui prime, parce qu'il n'émet pas forcément le son que je recherche. Je peux par exemple le trouver en frappant une table avec un oreiller… Si j'utilise une guitare, j'imagine tout de suite le son qu'elle pourrait faire si je la plonge dans l'eau ou si je gratte les cordes. J'essaie de voir de quelle manière n'importe quel objet peut donner des sons qui sortent de l'ordinaire… Parce que tout objet est intéressant en soi, que ce soit une pièce de monnaie ou un jouet ! Une cuillère peut autant servir d'instrument de musique qu'une batterie. 

C'est quasi de la musique concrète !

Absolument ! Avec une sensibilité de songwriting… Tous ces sons que j'utilise doivent avant tout servir la chanson : c'est la grande différence. 

Tu travailles donc essentiellement à l'aide de collages ?

Je joue de tous les instruments, à part sur certains titres sur lesquels des amis m'ont secondé. Mais tout est live. Il n'y a pas de samples, même si j'ai tout enregistré sur ordinateur… En fait beaucoup de gens parlent de 'folktronica', et je dois dire que je ne suis pas d'accord ! C'est juste parce que j'utilise un ordinateur, mais bon je suis avant tout un producteur ! En vérité je passe plus de temps à bosser sur les détails que sur le songwriting : comment doit sonner tel accord, tel mot, tel souffle,… J'ai beaucoup chipoté sur ce genre de détails, mais s'ils sont là c'est pour servir avant tout la chanson ! C'est ce qui donne cette dimension intimiste au disque, même si cela reste très subliminal. Il y a beaucoup de choses qui se passent à l'arrière-plan, mais ça reste très subtil. 

N'y a-t-il pas là une légère contradiction ? Tu dis avoir laissé la place aux imperfections, mais en fin de compte tout est sous contrôle !

(Grand sourire.) Ouais, c'est un peu cynique, je suppose… Mais pour moi le travail de production n'est pas fort différent de celui de jouer de la guitare pendant des heures pour trouver la mélodie parfaite. Il y a toujours un peu de triche, comme le fait de calculer les blancs entre chaque titre. Rien n'est laissé au hasard ! Ces blancs, j'y ai réfléchi pendant longtemps, et je ne pense pas que la démarche soit fort différente de celle d'un chanteur qui refait dix fois la même prise vocale pour arriver à la 'juste émotion' ! Tout ça, c'est de la performance ! 

A part ça, as-tu été influencé par des songwriter folk ?

Oui, bien sûr. Rien que le fait d'être sur Domino m'a permis d'écouter plein d'artistes-maison du back catalogue, et je pense que ça s'entend. J'aime aussi les singers songwriters du début des années 70, comme Tim Buckley, Donovan, Nick Drake,… Mais j'écoute aussi Björk, Steve Reich, peu importe ! Comme j'écoute plein de trucs, tu peux retrouver dans ma musique des références à Joni Mitchell, mais aussi à Alice Coltrane, ce genre… Je n'ai pas essayé de copier qui que ce soit, mais plutôt de transmettre à l'auditeur les émotions que moi je peux ressentir quand j'écoute ces artistes. Comme une conjuration.

C'est marrant que tu cites Björk, parce que « Pillow » m'y fait penser, justement ! Et l'intonation que tu prends sur « There Will Always Be » aussi…

Oui, tout à fait ! En fait, sur « There Will Always Be », je chante comme elle : c'est une sorte d'hommage, parce que j'adore ce qu'elle fait. Elle sait vraiment bien s'entourer, et déborde d'idées. Quel courage d'oser faire un show avec pour seul instrument une harpe, ou des verres… Ca m'inspire ! C'est vraiment ce que j'ai envie de faire moi-même en live : que les spectateurs ne sachent pas à quoi s'attendre, que ce soit toujours une jolie surprise. 

Qu'est-ce qui t'inspire le plus ? L'amour, l'espoir, le désespoir, la mort ?

Ce qui m'arrive, ce qui se passe autour de moi, des histoires qu'on me raconte… Mais il s'agit davantage de détails, d'instantanés de vie, de petites expériences : rien de massif ni d'extraordinaire ! Tout le monde sait ce que rompre avec sa copine entraîne de la souffrance. Par exemple : ce sentiment de solitude, chacun peut l'appréhender… Je crois que tout le monde peut s'identifier à mes chansons parce qu'elles évoquent ce genre de thématiques à hauteur d'homme, et c'est ce qui est le plus important.

 

Timesbold

Sombre était la nuit... froid était le sol.

Les Américains de Timesbold viennent de commettre un disque remarquable, " Eye Eye ", un formidable condensé d'americana revêche et contemplative. A l'occasion de leur mini tournée en Belgique (notamment aux Nuits Botanique), nous avons rencontré Jason Merritt et Max Avery Lichtenstein, les deux leaders du groupe (l'un au chant et au songwriting, l'autre à la production). Extraits d'une conversation à bâtons rompus, où il est question de Dieu, de politique, de suicide et de blues.

Jay, il y a quelques mois, tu as sorti un album solo sous le nom de Whip, et maintenant celui-ci en compagnie de ton groupe Timesbold… Quelle différence fais-tu entre ces deux projets ?

Jason Merritt : Whip, c'est vraiment moi tout seul, du songwriting pur et dur… Timesbold est avant tout un groupe, avec toute la dynamique que ça incombe…

Max Avery Lichtenstein : … Et puis Jay a produit son album solo lui-même. Je ne suis intervenu que pour le mixage. Il était important pour lui de faire ses propres trucs. Pour Timesbold, j'ai pris les rennes de la production, en planchant sur la façon dont les chansons allaient sonner. C'était davantage dans mes cordes. Ce qui explique pourquoi Jay a eu pas mal de temps pour se consacrer à sa carrière solo.

J. : Les chansons de Whip et de Timesbold sont différentes, surtout maintenant… Parce qu'avant je n'avais jamais vraiment écrit pour une formation. Depuis que je sais comment fonctionne l'alchimie au sein d'un ensemble, je parviens plus facilement à faire la part des choses : ainsi quand j'écris une chanson qui selon moi aura un meilleur résultat sans le groupe, je la conserve pour Whip.

M. : Et le disque de Whip est construit selon une structure plus traditionnelle. Quand tu l'écoutes, il évoque directement de vieux trucs blues. Il est plus référencé. En fait, si Jay a enregistré cet album solo, c'est parce que l'année dernière j'étais occupé à composer une BO et que mon studio, au sein duquel on travaille habituellement, n'était pas disponible pour Timesbold. C'est pour ça que Jay…

J. : (lui coupant la parole, stoïque) J'ai besoin de m'occuper, sinon je deviens fou. Max m'a refilé un ordinateur, et j'ai réalisé un disque tout seul, dans mon coin.

Max : Quoi qu'il fasse, avec ou sans moi, je savais de toute façon que ce serait génial.

Ce deuxième album sonne un peu moins dépressif et mélancolique que le premier, non ?

J. : Tu trouves ? Je ne sais pas. Il y a des gars plutôt heureux dans le groupe… Mais moi je suis un putain d'idiot alcoolique et dépressif… Il n'y a pas de doute à ce sujet !

Le titre d'ouverture, par exemple (" Bone Song "), monte en puissance et donne un sentiment de grande force.

J. : C'est la première fois que j'écris des chansons plus dynamiques, plein d'énergie… Et puis 5 types sur une scène sont capables de faire un sacré boucan ! Mais c'était cool de composer ce genre de titres. Ca prouve que je peux le faire.

M. : Et puis cette dynamique s'est davantage développée depuis que le groupe s'est impliqué totalement dans le processus de composition. Un titre comme " Wings On A Girl " était complètement différent quand Jay nous l'a fait écouter… Dan, notre bassiste (qui depuis a quitté le groupe) avait eu l'idée d'en faire un morceau plus rapide et enlevé, à la manière des Kinks ou de Creedence Clearwater Revival. C'est pourquoi ce titre pêche plus, parce que…

J. : (il l'interrompt) … parce que le groupe a directement participé à l'écriture. Si c'était uniquement de mon ressort, tout serait beaucoup plus calme et dépouillé. Mais ce n'est pas plus mal ainsi.

D'où vous vient cet amour pour la country ? Etes-vous influencés par des artistes comme Neil Young, Tom Rapp, Johnny Cash ?

J. : J'écoute surtout de très vieux trucs, plutôt les bluesmen…

Sur " All Blues " tu chantes un peu comme Bob Dylan…

J. : Oh, cool ! Mes chanteurs favoris sont en général des " chanteurs non chanteurs ", et Dylan demeure un des premiers… La plupart des chanteurs de folk et de blues chantent ainsi.

M. : Je suis d'accord : ils ont tous les deux la même… vitalité, même s'ils n'ont pas le même grain de voix. Je ne confondrais jamais l'un avec l'autre, mais c'est vrai qu'ils partagent une certaine manière de chanter.

Est-ce facile selon vous de faire de la musique folk à l'heure où le rock'n'roll envahit les ondes et les charts ?

M. : Il y a du rock'n'roll sur notre disque !

J. : Au tout début, quand j'écrivais des chansons, je les voulais calmes et lentes et qu'un public rock'n'roll les entende et les accepte. C'était un de mes objectifs. Le punk rock ne me touchait plus à cette époque : il n'avait plus la hargne qu'il était supposé avoir, c'était toujours la même chose… Le fait de jouer des chansons lentes et calmes à un public punk, et surtout que ça marche, voilà qui est vraiment punk ! C'est ce que je voulais !

Le folk est en fin de compte moins conservateur que le rock, de plus en plus marqueté…

J. : C'est clair… Surtout quand tu écoutes les vieux chanteurs de blues. Non seulement ils font preuve d'une véritable violence et d'une saine folie ; mais en plus ils sont clairement plus conscientisés. C'est comme s'ils portaient sur leurs épaules la responsabilité de toute leur communauté. C'est quelque chose que je prends très au sérieux.

Il est certain que le folk n'est pas dicté par le marché ou la masse !

J. : Absolument ! C'est vraiment une musique pour les gens. C'est la raison pour laquelle j'adore cette musique. Même Bruce Springsteen : voilà un type qui vient du peuple, et qui continue à faire ce qu'il veut… Il est assez rare qu'en-dehors du cercle restreint des amateurs éclairés, on connaisse Timesbold… Mais ceux qui apprécient vraiment la musique aiment ce qu'on fait. C'est là l'essentiel.

Quelle est la signification du titre de votre album, " Eye Eye " ?

J. : Il peut signifier plein de choses ! Chaque fois qu'on en cause, on trouve de nouvelles connotations !

M. : A l'origine (mais peu de gens le remarquent), " Eye Eye ", phonétiquement, ça fait " I I ", bref " deux " en chiffres romains… Et c'est notre deuxième album.

J. : C'est le même son, répété. (un temps) Les hommes ont deux yeux… Enfin la plupart ! (rires)

Il pourrait également renvoyer à la loi du Talion, " Eye for an eye "…

J. : Oui, c'est vrai ! C'est pas mal… Je l'aime bien, celle-là ! (rires)

Et l'artwork de la pochette, illustrant ce type qui mange sa main… Quid ?

M. : C'est un ami de Jason qui l'a réalisé, lorsqu'il étudiait les Beaux-Arts à New York. Malheureusement il est mort d'un cancer… Il allait même faire partie du groupe. Il était batteur.

J. : Je voulais vraiment utiliser un de ses dessins…

M. : En fait ce dessin était affiché chez lui depuis des années…

J. : Et on s'est juste dit qu'il serait parfait pour la pochette.

Pourquoi ?

J. : C'est difficile à expliquer… Je n'ai même pas envie d'en parler. C'est tellement personnel. (un temps) C'est juste une bonne métaphore… Et les métaphores, en général, doivent rester mystérieuses pour conserver leur force.

Passons aux chansons, alors… " Vengeance Day " est une référence à la politique réactionnaire du gouvernement Bush ?

J. : J'aime bien écrire des chansons qui ont un sens, mais sans qu'elles soient nécessairement liées à leur contexte historique. C'est pourquoi je n'écris jamais des textes relatifs à des événements spécifiques ; ainsi dans vingt ans, elles pourront encore être écoutées. Je ne citerai jamais le nom d'un président ou d'un pays par exemple, pour éviter trop de précision qui desservirai l'inscription de mes chansons dans le temps.

M. : Ce qui est intéressant à propos de ce titre, c'est ce qu'on en a fait une fois que Jay nous a soumis le texte. Jesse, qui joue de la guitare et de la mandoline, est un grand fan des westerns spaghetti, et des BO d'Ennio Morricone. C'est lui qui a eu l'idée de faire de " Vengeance Day ", une sorte d'hommage aux westerns, avec cette mentalité de cow-boy très en vogue aujourd'hui… Surtout quand on vient des Etats-Unis !

J. : Notre président est un cow-boy, ça c'est sûr !…

Sur cet album il y a moins de textes inspirés de thèmes bibliques.

J. : C'est vrai. Jesse m'a dit un jour que le premier Timesbold était contre Dieu, mon album solo contre moi-même et celui-ci contre le gouvernement.

Si on parle de la Bible, c'est justement par rapport à la politique de Bush… Que pensez-vous d'un type comme lui qui se sert de la religion pour manipuler les masses, qui déclare la guerre à l'Irak au nom de Dieu, qui ponctue tous ses discours d'un " God Bless America ", comme si c'était une raison valable pour être au-dessus de tout, comme si c'était suffisant pour rendre ses actes pardonnables ? ! ?

J. : Pour te dire toute la vérité, je sacrifierais bien ma vie pour tuer cet homme et ainsi sauver la vie de milliers de personnes… Sans rire ! Et qu'il se serve ainsi de la religion est encore pire. Tout ce qu'il dit me débecte.

Dieu lui sert de bouc émissaire ?

J. : C'est évident, et c'est impardonnable. Mais ce n'est pas le premier à le faire, même si c'est de loin le pire. Il est exactement ce qu'il prétend combattre, le terrorisme. C'est un terroriste. Sauf qu'on l'appelle " président ".

M. : Il n'y a pas que lui, mais également toutes les personnes qui l'entourent. C'est un problème compliqué, aux racines bien plus profondes.

J. : Il y a des histoires religieuses que je trouve très belles, et Bush les souille de ses sales mains. Donnez-moi une hache… (silence)

M. : On n'est pas prêts de retourner en Amérique ! (rires)

Restez donc ici ! Vous aimez la Belgique ?

Jason/Max : (à l'unisson) Oh yeah ! ! !

M. : Il y a trois mois qu'on sait qu'on allait venir en Belgique pour une mini-tournée… Et on décomptait les jours ! Passer une semaine ici, c'est génial !

J. : J'ai besoin de venir ici au moins deux fois par an pour rester sain d'esprit. Je suis obligé, parce que si je ne le fais pas… Je ne survivrais pas.

The Soundtrack Of Our Lives

L intemporalité suivant Ebbot Lundberg

Écrit par

The Soundtrack Of Our Lives (TSOOL) nous vient de Suède. De Gothenberg, très exactement. Une formation responsable, à ce jour, de quatre albums remarquables, dont le dernier " The origin vol 1 ", vient juste de sortir. Un sextuor qui se produisait pour la première fois en Belgique. Au Botanique. Avant de monter sur les planches, Ebbot Lundberg, le leader/chanteur/compositeur/lyriciste s'est volontiers prêté à l'exercice de l'interview. Un personnage qui aurait pu revendiquer un rôle dans la saga du 'Seigneur des anneaux'. Vu son look. Mais surtout un artiste dont le discours ne manque pas de philosophie. Et l'entretien comme très fort…

TSSOL cherche à créer son petit univers sonore, un univers parallèle susceptible de tendre vers l'intemporalité. Mais n'y a-t-il pas risque, en visant un semblable objectif, de ne l'atteindre qu'à l'infini ? Ebbot ne craint pas cette quête de l'impossible. " Chaque concert et chaque album nous permettent d'explorer un autre monde. Et cette démarche suscite notre curiosité. Enfin, elle le devrait. C'est la raison pour laquelle, nous créons… " Oui mais, est-il possible de demeurer intemporel lorsqu'on est un produit de sa propre époque. Ebbot réagit au quart de tour : " C'est relatif ! Je considère le temps comme le temps expérimenté. Je ne crois pas au temps dans lequel on vit. Le temps appartient à nos expériences. Par exemple, lorsque tu as l'impression qu'une heure s'est écoulée en une minute, tu abordes l'expression de l'intemporalité. On entre ici dans un concept 'bergsonien'. La notion du temps vous échappe, alors que vous êtes occupés d'en faire l'expérience. Le temps est fugace, insaisissable, même si vous essayez de lui tordre le cou. Il appartient au spectateur de se placer dans cette position d'intemporalité. Mais nous faisons tout pour qu'il y parvienne. Personnellement, lorsque je suis sur la scène, la surprise d'avoir pris du bon temps me surprend parfois … "

Avant de fonder TSSOL, Ebbot avait sévi chez Union Carbide Productions, un groupe punk qui se réclamait notamment de UK Subs, de Black Flag et de tas de formations punk américaines. Des groupes réputés pour communiquer des vibrations punks meurtrières lors de leurs shows. Ebbot tempère : " Je n'ai jamais tenté de reproduire de semblables vibrations. Tu sais, lorsque tu as quelque chose à dire, c'est plutôt un problème d'expression. Et ce qui compte est plutôt l'expression ouverte de ces groupes. Ce qu'ils expriment. Une invitation à les écouter… " Pourtant, notre interlocuteur déclare que TSOOL est une extension de son groupe précédent. Ce qui méritait une explication. " Union Carbide Productions était un concept underground. Le fruit d'une attitude destructrice. Jouer dans ce groupe était la résultante de la musique. La musique n'était pas la résultante du groupe. Pour TSSOL, nous avons voulu privilégier la musique sur l'attitude. La musique est devenue un message. Elle nous a permis de nous diriger où nous le souhaitions… "

Six musiciens dont quatre compositeurs pour un même groupe est une situation qui doit inévitablement déboucher sur des conflits. Comment le groupe s'en sort-t-il ? " Lorsqu'ils composent, c'est toujours en ma compagnie. Toutes les formules sont possibles ; mais j'y suis toujours impliqué. En fait, je prends les décisions finales et les autres musiciens me font confiance. J'avoue qu'il est parfois difficile d'écarter de bonnes chansons et de les laisser sur une liste d'attente. Mais d'autre part, chacun sait qu'elle sortira un jour. Ma responsabilité consiste à rendre chaque disque homogène… " Depuis que le groupe existe (NDR : en 1995), il doit donc exister un fameux stock de chansons. Alors pourquoi ne pas les réunir sur un double ou un triple album ? Y aurait-il un problème financier ? Ebbot se défend : " Non, non, il ne s'agit pas d'une question financière. D'ailleurs nos deux premiers elpees étaient doubles (NDR : sous la forme du vinyle, pour être plus précis). Et sur le troisième nous avons ajouté 4 à 5 bonus tracks. 'The origin vol.1' est notre premier album qui affiche une durée normale. Il aurait pu être plus long, mais nous voulions que tous les morceaux appartiennent au même concept. C'est un choix ! Le prochain sortira en 2005 et s'intitulera 'The origin vol.2'… " Et le suivant volume 3 ? Ebbot réplique instantanément : " Peut-être ! Nous n'avons pas encore décidé… "

Les influences révélées sur les quatre premiers albums du groupe son claires. Essentiellement puisées dans les sixties, elles oscillent du Floyd au Who, en passant par les Stones, Love, les Doors, les Byrds et les Beatles. Que des classiques ! Et il n'est pas tabou de causer de ces influences avec Ebbot. " Ce n'est pas tabou, mais les influences sont tellement nombreuses, qu'elles sont difficiles à décrire et impossible à répertorier. Certaines sont plus évidentes (NDR : celles susvisées). D'autre moins. En fait, nous essayons de concocter l'album qui nous manque. En fonction de nos frustrations, nous créons notre musique… " Sur le dernier opus, j'avais même relevé des traces empruntées aux Pretty Things. Une influence cachée ? " Non, non, j'adore les Pretty Things. Un excellent groupe largement sous-estimé. Comme les Sonics, que peu de médias mentionnent dans leurs articles… " Du Floyd aussi, mais surtout du tout premier elpee 'The piper at the gates of dawn'. En chantant, Ebbot épouse même parfois les inflexions sinusoïdales d'un Syd Barrett. " C'et assez flatteur. Et je n'y avais jamais pensé. Mais j'avoue que j'ai commencé à écouter ce groupe vers l'âge de 10 ans. Et tout gosse je chantais du Syd Barrett. A croire que ce souvenir est resté gravé dans mon subconscient. Ce n'est pas du tout délibéré, mais c'est sans doute l'explication… " TSOOL affirme beaucoup apprécier le jazz, ajoutant même que leurs chansons véhiculent des sonorités mélancoliques jazzyfiantes. Ce qui n'est pas du tout évident à déceler, lorsqu'on écoute leur musique. " En fait, nous avons composé plusieurs morceaux du style. Nous les avons même enregistrés. Mais ils ne figurent sur aucun elpee. Nous aimons beaucoup le jazz suédois. Celui des années 50 et 60. A cette époque, il existait beaucoup de bonnes formations qui y émargeaient. Et ils nous ont influencés. Ce qui explique pourquoi, parfois, nous improvisons 'live'. Cette impro fait partie du spectacle. Rien n'est planifié. Elle coule de source. Comme la musique, comme la vie… " Est-ce la raison pour laquelle, Ebbot a un jour déclaré qu'au cours d'un concert, le groupe et le public jouaient au ping pong ? " C'est exact. Comme si on procédait à un échange d'énergie. Il est important que l'audience se sente comme faisant partie intégrante du show. Comme si nous nous produisions dans leur living-room. Nous essayons d'interagir avec lui. Le plus possible. La prestation 'live' est un événement qui embrasse, qui englobe… "

Jane Birkin et Natacha le June, vocaliste d'AS Dragon, chantent sur 'Midnight children', une des compos du dernier elpee. Etonnant, surtout pour un groupe scandinave ! " En fait, nous avions composé une chanson, comportant un refrain en français, un peu dans l'esprit de 'Je t'aime moi non plus' ; et nous avons contacté le manager de Jane pour solliciter une éventuelle collaboration. Or, le manager est un de nos fans. Il lui a demandé. Elle a écouté la chanson. Elle a aimé. Et elle a accepté. Pour Natacha, notre bassiste, le responsable du morceau, lui avait d'abord proposé. Et finalement, les deux artistes ont participé à l'enregistrement. Pour un résultat amusant, puisque Jane, qui est anglaise, chante en français ; alors que Natacha, qui est française, en anglais. "

Lundberg et les frères Gallagher se sont liés d'amitié, il y a quelques années. Lors d'une tournée commune. Une amitié dont ils ne se cachent pas et qui semble très profonde. Nonobstant ces liens, il était intéressant de savoir ce que pensait Ebbot du déclin de créativité dont souffre Oasis… " Oui, c'est exact, nous sommes très amis. Ils nous ont beaucoup soutenus, lorsque nous étions en Angleterre. Et ils nous encouragent encore, alors qu'ils ne jouent même plus. Je les connais tous personnellement. Nos relations sont excellentes. Je dois avouer que leurs relations le sont beaucoup moins. Nous faisons notre truc. Ils font le leur… pour les hooligans britanniques (rires). Comment comprendre leur baisse de crédit ? Ils ont fait de la merde et le reconnaissent. Ils ont même déclaré que nous valions mieux qu'eux. Mais ils commencent à changer et à prendre la musique au sérieux… "

En 2002, TSOOL a décroché un Grammy pour avoir commis le meilleur album alternatif de l'année, 'Behind the music'. Ils n'ont cependant pas découpé le trophée en six parts égales. D'ailleurs Ebbot ignore totalement où il se trouve. " Peut-être au studio ! Nous ne fonctionnons pas au prix. Ce type de récompense entre plutôt dans le cadre de la performance sportive. Je trouve assez bizarre de recevoir un prix pour la musique. Je pense que ce type de récompense intéresse davantage la firme de disques que le groupe… "

Merci à Vincent Devos

 

 

 

 

Boenox

Boenox, 100 points.

Boenox est un quatuor anversois qui fait de la musique pop avec des instruments classiques, et non l'inverse : un voyage sonore non identifié, qui s'adresse davantage aux jambes qu'aux neurones. Un comble pour des types qui ont fait le Conservatoire ! Heureusement, Boenox se fiche bien des puristes, et revendique son envie de créer une musique hors normes et hors mode ; bref à part. Nous les avons rencontrés pour tailler une bavette, avant leur passage à l'AB dans le cadre du festival Domino, le lundi 5 avril.

Tout d'abord, comment a débuté l'aventure Boenox ?

Dimitri Brusselmans : On s'est rencontré lors d'un stage d'orchestre au Conservatoire… Un jour on était bien saouls en jouant au scrabble, et j'ai inventé le mot " BOENOX " parce que je n'avais pas d'autre idée… Les autres ont accepté !

Stoffel de Laat : Ca ne veut rien dire mais ça valait beaucoup de points ! (rires)

D. : On avait donc le nom mais pas encore la musique…

S. : C'est alors qu'on s'est dit qu'on allait jouer ensemble, parce qu'il n'y avait pas de musique pour nos instruments (NDR : le hautbois, la contrebasse, le basson et le violoncelle). On a cherché en bibliothèque, mais on n'a jamais rien trouvé d'équivalent ! Et puis on avait déjà arrangé un concert, donc il fallait aller au plus vite ! On a demandé à un copain de nous composer quelques morceaux, et on s'est lancé dans l'aventure.

D. : Au début, c'était très difficile, parce que nous jouons tous des instruments d'orchestre, et pas du piano, de la guitare ou des percussions…

Il n'y a aucune œuvre, dans le répertoire classique, qui réunit vos quatre instruments !?

D. : Il y a bien Michael Haydn, mais c'est pour clarinette, violon, violoncelle et contrebasse…

S. : Et comme notre bassoniste a aussi un diplôme de clarinette…

D. : Sinon on a fait une reprise d'" Only You " ! Mais ça c'est plutôt rock.

Vous écoutez aussi du rock ?

D. : Pour moi c'est évident d'aussi écouter du rock, et même d'en jouer… Mais au Conservatoire cela reste plutôt rare.

S. : J'ai aussi joué dans des groupes de rock et de blues, mais c'est vrai que nous sommes un peu des exceptions !

C'est mal vu de dire qu'on aime la musique populaire quand on étudie le Conservatoire ?

S. : Ce n'est pas vraiment mal vu, mais les gens qui font le Conservatoire sont en général des puristes de musique classique…

D. : Et puis c'est vrai qu'il y a tellement de compositeurs fantastiques en musique classique : Mozart, les musiques de chambre,…

S. : Le répertoire est très riche.

Ce n'est pas justement difficile de se positionner par rapport au public ? D'un côté il y a les amateurs de rock qui trouveront votre musique peut-être trop " classique ", et de l'autre les amateurs de musique classique qui la trouveront sans doute trop " rock " !

D. : C'est ça qui est intéressant !

S. : C'est un peu un voyage de l'un à l'autre, du classique à la pop. Et ça nous plaît !

Le public à vos concerts est donc mélangé ?

D. : Oui. On a joué aussi bien au Pukkelpop que dans des églises, sans amplification.

Mais comment expliquez-vous que le public " rock " s'avère réceptif à votre musique ?

S. : … (un ange…) C'est une question difficile, ça ! (…passe) C'est venu comme ça. On ne s'est jamais vraiment dit qu'on allait toucher tel ou tel public. On fait notre musique, point barre.

On vous sent assez proches d'un groupe comme DAAU, par exemple…

D. : Peut-être, oui… Ils ont aussi fait le Conservatoire.

S. : Le fait qu'on mélange le classique au rock nous rapproche sans doute d'eux, mais notre style est quand même différent : leur musique est plus " folk ", la nôtre reste plus " classique ".

Le fait d'avoir choisi quatre instruments d'orchestre ne vous limite-t-il pas au niveau de la composition ?

S. : C'est à nous qu'il revient d'explorer (d'exploser) ces limites, pour voir ce qui est faisable ou pas… Et pour changer aussi : ce n'est pas toujours la basse qui doit jouer la basse ! Il faut sans cesse explorer, d'autant que rien n'a jamais été écrit avec ces quatre instruments.

D. : C'est une musique qui bouge.

C'est le cas de le dire, puisqu'on y entend aussi des beats ! Vous êtes aussi des amateurs de musique électronique ?

S. : Ca remonte à l'époque où j'avais une console Atari ! Et puis on a suivi des cours de musique électronique au Conservatoire, parce que ça nous intéressait…

D. : Même si on n'utilise pas toujours le laptop en concert, parce que s'il crashe, on ne peut plus rien faire ! Ca nous est déjà arrivé.

A cet égard, le morceau " Tic Tac " ressemble un peu à du Red Snapper… Avez-vous réalisé les beats tout seuls, ou bien avez-vous bénéficié d'une aide extérieure ?

D. : Pour ce morceau justement, on a travaillé avec Yannick Fonderie de Technotronic… Tu vois, " Pump up the jam " ? (rires)

La classe… Mais sinon, qu'écoutez-vous en musique classique ?

D. : Moi j'écoute beaucoup de musique contemporaine et de musique de chambre…

S. : Moi plutôt Beethoven (la symphonie n°7) et Brahms… Katelijn les suites de Bach et Edwin Shostakovitch.

Finalement votre musique pourrait amener les jeunes à se tourner davantage vers la musique classique…

S. : Ce n'est pas le but, mais pourquoi pas ?

D. : Ce qu'on fait nous semble normal. Couler de source. C'est Boenox, quoi…

Justement : comment définiriez-vous la musique de Boenox à quelqu'un qui ne vous connaît pas ?

D. : Ce n'est pas de la fusion en tout cas ! Je déteste ce mot.

S. : C'est entre la musique pop et la musique de chambre : c'est de la " pop de chambre " !

 

 

Archive

L éther du milieu

En l'espace de trois ans et deux albums, le duo britannique Archive est devenu le nouveau fer de lance d'un rock progressif mâtiné d'électronique, aux ambiances plaintives et suffocantes. Le genre de groupe qu'on préfère écouter seul chez soi plutôt qu'avec sa copine, pour éviter toute démission affective et crêpage de chignons. Et même si Darius Keeler et Danny Griffiths s'en défendent, c'est la pure vérité : écouter 'Noise' et cet unplugged en charmante compagnie, c'est risquer la migraine : 'Pas ce soir, j'écoute Archive'… En cette période de course aux cadeaux, mieux vaut donc éviter d'acheter l'unplugged d'Archive à sa petite copine : un bon best of de Britney Spears ferait bien mieux l'affaire (quoique…)

" Il est vrai que ce disque est un bon cadeau à offrir à ton ex ! ", se marre Danny Griffiths, tête blonde et barbe de trois jours. " Toutes nos chansons parlent de rupture, de cette souffrance qu'on ressent à chaque fois qu'une relation part en couilles… Mais je reste persuadé que notre musique est positive. Elle ne véhicule aucun message misérable, et puis de toute façon écrire des chansons joviales ne nous intéresse pas, c'est bien trop facile ! ". N'empêche qu'à l'écoute de cet unplugged, qui reprend des titres des deux derniers albums d'Archive, difficile de croire que les jérémiades de Craig Walker (leur chanteur) donnent envie de taper du pied et des mains comme si on était au cirque. Un titre comme 'Fuck You' (ici en ouverture) ne respire décidément pas la joie de vivre, et celui qui dit le contraire ferait bien d'arrêter les Xanax et de se mettre vite fait au feng shui. " Ce titre évoque la frustration et la colère qu'on peut ressentir en vivant en Angleterre ", explique Griffiths. " Quand on l'a écrit, on en avait vraiment marre de tous ces politiciens véreux qui n'arrêtaient pas de promettre des choses mais ne proféraient que des mensonges… Tony Blair, Bush… Si je les rencontrais je leur mettrais ma main sur la gueule : ces types n'ont rien dans le cerveau ! Mais le plus amusant, c'est que chacun peut interpréter les paroles comme bon lui semble, y mettre son propre vécu : en Grèce par exemple, plein de gens demandent aux animateurs radio de passer 'Fuck You' à l'adresse de leur ex… T'y mets ce que tu veux, et c'est ça qui est cool ! ". Cool… ? Mais à quoi bon s'évertuer à ressasser ses rancœurs quand il est déjà assez difficile de les mettre au placard, et de continuer à vivre et être heureux, coûte que coûte ? 'La réalité, c'est ce qui refuse de disparaître quand on cesse d'y croire', disait Philip K. Dick, et là est sans doute le vrai message de cette chanson pleine de fiel et de ressentiment. Darius Keeler, le moins sanguin des deux, semble acquiescer entre deux gorgées de bière : " Je comprends ce que tu veux dire… ", lâche-t-il d'un sourire en coin en regardant son collègue. " Il a raison, ce n'est pas très positif comme chanson… ". Et Griffiths de rétorquer : " Tu sais, l'idée au départ était de composer une belle musique majestueuse, pleine de cordes, mais avec des paroles violentes, parce que le contraste rend la chanson plus puissante ". Toujours est-il que dépouillées de leurs oripeaux électr(on)iques, les chansons d'Archive sonnent encore plus mélancoliques… Et donnent ainsi l'impression d'avoir été composées 'à l'ancienne', sur un piano ou une guitare acoustique. Verdict : " On compose surtout au laptop, et il est clair qu'entendre tous ces titres fonctionner en version acoustique est surprenant ! ", déclare Darius Keeler. " Parce qu'on n'a jamais écrit de chansons de cette manière : on préfère expérimenter et triturer les sons… A vrai dire écrire des chansons de façon traditionnelle ne nous intéresse pas : on n'est pas Bob Dylan ! ". Alors pourquoi cet unplugged ? " On n'avait rien prévu ", insiste Keeler. " On était occupés d'enregistrer 'Noise' à Paris, et comme il nous restait du temps à la fin, on s'est dit qu'il serait sympa de mettre sur pied un concert acoustique pour nos fans… Le résultat a plu à notre maison de disques, qui nous a proposé de le sortir dans le commerce. Ce fût très spontané ! ". Danny : " C'était amusant… Mais si on n'avait pas eu le temps, jamais on n'aurait pensé faire ce genre de truc ! D'ailleurs on n'a répété que deux fois : le résultat aurait pu être catastrophique ! (Il se marre) Heureusement on a choisi les titres les plus adaptés à ce genre de reconversion… Un morceau comme 'Pulse', par exemple, n'aurait pas du tout fonctionné… ". La preuve qu'Archive n'est pas seulement un groupe de bidouillages, puisque ses chansons ne perdent rien de leur puissance émotionnelle une fois désinhibées, jouées dans leur plus simple appareil. Seul bémol évoqué à l'écoute de cet unplugged : le chant de Craig Walker, à la limite du pompiérisme. Chez lui la tristesse n'est pas murmurée mais hululée, comme si l'emphase se révélait la condition sine qua non pour traduire les maux du cœur, si sclérosés soient-ils… D'où cette cover de 'Girlfriend in a Coma' des Smiths, l'écrin parfait pour Craig Walker et ses vocalises de Castafiore défoncée aux antidépresseurs. " Il s'agit d'un des groupes préférés de Craig ", explique Darius Keller. " Il voulait absolument la chanter alors on l'a laissé faire… Et on adore le résultat ! ". Parmi les autres surprises, figure cette chanson du groupe français Santa Cruz ('Game of Pool'), l'un des secrets country-folk les mieux gardés d'Outre-quiévrain : " On les a vus jouer à Paris dans un club, et comme on aimait bien leur musique on a proposé à Bruno (NDR : voix) de venir au concert chanter un de leurs titres, avec Craig aux backing vocals ", précise Darius. Une sorte de juste retour des choses, la carrière d'Archive étant fort tributaire du succès rencontré en France depuis la sortie de ce premier album, 'Londinium', il y a plus de 5 ans…

Alors qu'en Angleterre le public et la presse continuent injustement à bouder le groupe, jugé… 'trop progressif'. " La Grande-Bretagne est un pays très porté sur le rock, et Archive n'est jamais rentré dans ce moule ", s'attriste Darius Keeler. " Mais c'est mieux que d'essayer bêtement de rentrer dans le jeu, juste pour plaire au plus grand nombre ", renchérit Danny Griffiths. " Le problème, en fin de compte, est qu'il y a de moins en moins de gens qui prennent le temps d'écouter un album, et notre musique s'apprécie avant tout dans la durée. En Angleterre, il existe cette espèce de culture pop kleenex : on écoute puis on jette. C'est de la consommation frénétique, et la musique d'Archive ne rentre pas dans ce schéma. Ici les gens prennent plus le temps : ils écoutent plus attentivement, ils analysent… C'est sans doute la raison pour laquelle on se sent plus à l'aise sur le continent. C'est étrange quand même, non ? ".