Sept ans séparent « L'Ecole du Micro d'Argent » et « Revoir un Printemps » : une plombe dans l'industrie du disque, qui fonctionne de plus en plus selon la politique du kleenex. Si le single ne marche pas, c'est direct à la poubelle. Mais les Marseillais d'IAM n'ont plus à prouver leur talent : chez ces sept mercenaires de la cause hip hop à la française, tout est question maintenant d'intégrité… Peu importe si leur dernier album cartonne ou fait un bide. Mais il est clair qu'à force d'avoir dilué leur énergie dans divers projets solos, les rappeurs d'IAM se sont vus damer le pion, ces dernières années, par toute une nouvelle génération de b-boys émérites. Heureusement, chez IAM, on n'est pas mesquin : au contraire on donne de la place et de la tribune aux jeunes qui en veulent. Cette « relève » s'appelle Psy4 de la Rime, L'Algerino, Les Chiens de Paille, et c'est elle qui avait la forte tâche de chauffer ce soir le public de Forest…
Un public a priori clairsemé (5000 billets vendus sur 8000), mais qui très vite s'agglutinera dès l'extinction des lumières, pour faire la fête à tous ces types encore nouveaux dans le « bizness ». Constatation : ça chauffe déjà pas mal dans le parterre et les tribunes (le public est majoritairement composé de jeunes fans de hip hop, fringués street wear et plutôt réceptifs à la consommation de substances illicites). Mais c'est à l'annonce de l'arrivée des Marseillais que l'ambiance explose réellement. Sur un écran géant défilent des images de Shurik'n et Freeman écoutant leur démo dans une voiture, sur la route de la salle de concert (Forest ?). On les voit rentrer backstage et se diriger vers la scène, tandis qu'au loin retentissent les appels au délire d'Akhenaton : « C'est chaud ! », crie-t-il. Et ça l'est dès qu'ils surgissent tous sur scène, pour de vrai, sur les beats martelés de « Stratégie d'un Pion », le titre d'ouverture de « Revoir un Printemps ». Le décor est à l'image de la pochette : des ruines d'une cité antique, au-dessus desquelles se trouve, planqué derrière ses platines, DJ Kheops. A l'avant, vitupérant leurs textes de « journalistes urbains », Shurik'n, Akhenaton et Freeman en combinaison de combat, et Kephren, qui gesticule mais ne pète pas un mot (fallait pas l'inviter). Pendant deux heures, IAM offrira au public quasi l'entièreté de son dernier album, en plus de quelques medleys douteux de « L'Ecole du Micro d'Argent ». Et c'est là que le bât blesse : résumer ces classiques que sont « Nés Sous La Même Etoile », « Petit Frère », « L'Empire Du Côté Obscur », « Un Bon Son Brut Pour Les Truands » et « Demain, C'est Loin » en cinq minutes et sur les mêmes beats, c'est un peu frustrant. Des medleys ? C'est quoi, Les Enfoirés du hip hop ? ! ? Idem pour « Je Danse Le Mia », dont on aura juste eu droit à la version instrumentale pendant que toute la clique (sauf DJ Kheops) changeait de training (blanc)… Sans doute qu'IAM en a marre de jouer ces morceaux, et on peut les comprendre… Une manière pour eux de montrer que leur carrière ne se limite pas à ces quelques tubes (mais quels tubes !), et qu'il est temps de tourner la page. Il y a ce risque de décevoir une partie du public. Pour le reste, c'était un concert explosif, vigoureux et sans temps mort, d'un groupe qui continue son chemin sans bifurquer, à la conquête d'un (noble) art du verbe scandé dont ils sont les plus sincères ambassadeurs.