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Au Revoir Simone

Au plaisir de se revoir

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Musique atmosphérique, voix planantes, claviers volants. Bienvenue dans l'univers d'Au Revoir Simone, trois New-yorkaises aux longues jambes, chantant sous les étoiles pour mieux faire danser les galaxies. Au-delà d'un charme naturel redoutable, les trois égéries revendiquent un goût prononcé pour les mélopées éthérées, petites harmonies flottant entre les chimères béates de Stereolab et l'électronique hypnotique de Broadcast. Annie, Erika et Heather voltigent ici : aux confins d'une voie lactée de synthétiseurs rêveurs. A l'occasion d'un passage sous les cieux bruxellois, Heather redescend sur notre planète. Le temps d'un entretien plutôt terre-à-terre. Bien le bonjour Au Revoir Simone...

 Aux premières heures de « Verses of Comfort, Assurance and Salvation », la presse s'est empressée de vous comparer à de nouvelles CocoRosie. Votre univers s'éloigne pourtant des folk cabrioles des sœurs Casady. Comment avez-vous vécu ce rapprochement ?

 Heather D'Angelo : Pour être franche, je n'aime pas la musique de CocoRosie. La comparaison me semblait donc malvenue. Nos goûts sont davantage à chercher dans les discographies de Stereolab et de Björk. Annie adore Electrelane. Elle estime ce groupe captivant, vraiment ahurissant. Pour nous éloigner, encore un peu plus, de CocoRosie, j'ajouterai qu'Erika se gave d'albums de Broadcast. En fait, nos influences sont tellement différentes de celles de CocoRosie qu'une association entre nos deux univers ne tient pas la route.

 Selon une rumeur persistante, Annie et Erika se seraient rencontrées dans un train. C'est là, dit la légende, qu'elles ont eu l'idée de lancer les bases de votre formation. Concevez-vous votre musique comme le prolongement de cette rencontre : un projet spontané, rapide, traversant villes et villages de façon éphémère ?

 H. : Cette rencontre a été romancée par de nombreux médias. Qui a véhiculé cette rumeur ? C'est dingue... Bref. En réalité, Annie et Erika sont des amies de longue date. Il y a déjà longtemps qu'elles partageaient un amour commun pour les claviers. Au début, le projet ressemblait davantage à un divertissement : on jouait quelques morceaux sur nos claviers en dégustant du thé. C'était surtout l'occasion de se voir entre copines. Ensuite, nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure en fondant officiellement le groupe.

 Aujourd'hui, il faut bien admettre que le prénom Simone ne figure plus au top de la mode. 'Appelleriez-vous votre fille Simone ?' A cette question, beaucoup riposterait d'une réponse cinglante : 'Et pourquoi pas Gertrude ?' Bref, votre projet, plutôt hype, est en train de redorer le blason d'un prénom en voie de fossilisation...

 H. : C'est drôle, en effet ! (rires) En fait, notre nom de scène puise son origine dans un film de Tim Burton : « Pee-wee's Big Adventure ». Nous sommes vraiment des fans de Pee-Wee. A un moment, dans le film (il faut absolument le voir !), le personnage de Simone, joué par Diane Salinger, dit 'Au revoir Pee-Wee !' Et, d'un accent américain bien trempé, Pee-Wee répond : 'Au We Woir Si-Mo-Ne'. Imaginez un Américain essayant de parler en français. Et vous comprendrez pourquoi ce passage est si amusant !

 Comment êtes-vous passées de votre salon de thé, spécialisé dans l'art du synthé, à une signature sur le label indépendant 'Moshi Moshi Records' ?

 H. : Un de nos amis a lancé un super blog dédié aux Mp3's. Il est très fort... Il a dégoté de nombreuses découvertes sur la toile. Il a proposé « Through the Backyards » en téléchargement sur son site. Le patron de Moshi Moshi est tombé sur cette chanson en surfant sur le web et nous a contactés. A ce moment-là, nous étions déjà signées sur un petit label japonais, baptisé 'Rallye Record'. Ce label est uniquement implanté en Asie. C'est pourquoi nous sommes également présentes de ce côté-là de la planète. Mais, paradoxalement, nous n'avions aucun label pour le reste du monde. En Europe, la Suède nous accordait beaucoup d'attention. Dans une certaine mesure, nous avions l'impression que les Suédois et les Japonais se ressemblaient. Dans ces deux pays, les gens ont l'esprit large et semblent apprécier le côté pop de la musique électronique. Là-bas, le public laisse volontiers tomber les œillères.

 La chanson « Through the Backyards » a été utilisée pour la bande originale de la série « Grey's Anatomy ». Considérez-vous que ce show télévisé a constitué la clef de voûte de votre succès ?

 H. : Non, certainement pas. Par contre, la série a certainement contribué à élargir notre base de fans, essentiellement d'un point de vue démographique. Aux Etats-Unis, cette série est suivie par de nombreux trentenaires, des gens actifs, impliqués dans la vie professionnelle. Pour ma part, je ne connaissais même pas la série... Cependant, mes parents ont trouvé ce concept génial... Leur fille posait sa voix sur une des chansons de leur série du moment : rendez-vous compte !

 Outre cette expérience télévisuelle, votre musique a également touché le nerf sensible de David Lynch. Aujourd'hui, ce n'est plus un secret : le réalisateur demeure un de vos plus fervents admirateurs... Comment a-t-il découvert Au Revoir Simone ? David Lynch serait-il, lui aussi, fan de « Grey's Anatomy » ?

 H. : Non ! (rires). Notre rencontre s'est déroulée de façon... disons... romancée ! En janvier dernier, nous avons participé à une présentation chez 'Barnes & Noble', une des plus grandes librairies américaines, sur Union Square, à Manhattan. Chaque année, elle organise de nombreux événements. Pour notre part, nous avons participé à une manifestation baptisée 'Upstairs at the Square'. Son organisatrice s'appelle Katherine Lanpher, une journaliste, qui a toujours rêvé d'associer les musiciens aux écrivains. Ce projet peut sembler étrange. Mais, en réalité, il est vraiment excitant. Cette fois, elle décidait d'inviter David Lynch pour annoncer la sortie de son nouveau livre : « Catching the Big Fish ». En réalité, c'était notre idée d'associer la musique d'Au Revoir Simone avec le bouquin de David Lynch. Nous ressentons une connivence latente entre notre musique et son univers. Nous lui avons donc envoyé notre album. Et il a accepté l'idée. Son livre est très intéressant. Il s'agit d'une véritable source d'inspiration artistique. Après ce concert chez 'Barnes & Noble', il est devenu fan de notre univers. C'était, d'une certaine façon, le monde à l'envers ! Il a commencé à parler de nous dans ses interviews, lors de conférences de presse... C'est complètement fou !

 Un de nos chroniqueurs s'est un jour posé la question de savoir si la musique d'Au Revoir Simone n'était pas 'un truc de filles fait par des filles pour des filles'. Peut-on classer votre musique dans le dossier 'suffragettes musicales, spécialisées dans les rêveries féministes' ?

 H. : Nous sommes un groupe de filles, composant de la musique pour d'autres filles ? C'est intéressant... Je ne sais pas. Une chose est certaine : nous sommes un groupe de filles ! Cependant, je pense qu'en concert, notre audience se compose aussi bien de filles que de garçons. Peut-être plus de garçons encore... (rires) De manière générale, notre public est mixte. Cependant, au Japon, notre assistance est essentiellement composée de filles. Et là, je ne m'explique pas...

 Récemment, vous avez accompli une tournée en compagnie de We Are Scientists...

 H. : Dans un premier temps, nous nous sommes lancées dans un long périple à travers les Etats-Unis. Ensuite, les musiciens de We Are Scientists nous ont proposé de les accompagner en Europe pendant cinq semaines. C'était vraiment une longue tournée...

 Une tournée plutôt festive... Sur 'You Tube', on peut voir une vidéo, filmée à l'arrache, de votre tournée en compagnie de We Are Scientists... On vous surprend, dans le tour bus, chantant et dansant sur le « Young Folks » de Peter Bjorn & John...

 H. : (Rires) Pendant cette tournée, c'était la première fois que nous écoutions ce morceau de Peter John & Bjorn... Et je ne peux pas expliquer l'effet que nous a procuré ce titre... Mais nous étions véritablement obsédées par cette chanson. Dans le tour bus, nous passions ce morceau en boucle, en dansant et en reprenant les paroles en chœur. C'était un rituel. Quand nous sortions après un concert, on s'empressait d'aller trouver le DJ pour lui réclamer « Young folks ». Ce sont d'excellents souvenirs. En fait, en tournée, la vie n'est pas toujours très rose... Parfois, tu te sens fatiguée, un peu dépressive, loin de ton foyer, de ta famille, de tes amis. Sans compter le stress et la pression de jouer chaque soir, de respecter les horaires, de trouver les clubs, etc. Bref. Cette chanson a constitué une formidable échappatoire pour nous. Elle nous rendait heureuse. En 2006, « Young folks » a été ma chanson préférée. Sans aucun doute.

 A l'écoute du nouvel album, on est assez touché par le charme mélancolique qui en émane. Etes-vous des personnalités éplorées par nature ?

 H. : Nous sommes certainement atteintes d'une certaine mélancolie... Bon, entendons-nous bien : Au Revoir Simone n'est pas un trio de suicidaires ou de demi-folles dramatiques ! D'ailleurs, en général, dans la vie, nous sommes des filles heureuses. Mais, peut-être, sommes-nous mélancoliques des choses heureuses de la vie, des événements extraordinaires qui la façonnent. D'ailleurs, pour être précise, je pense que, dans notre cas, il s'agit davantage de nostalgie que de mélancolie. 

 Pensez-vous que notre époque soit propice à la nostalgie ? Et donc, en un sens, propice à la musique d'Au Revoir Simone ?

 H. : Aujourd'hui, le monde tourne un peu à l'envers... Chaque génération a sans doute posé cette réflexion, un jour. Mais là, je le pense sincèrement. Les choses changent, le monde évolue et tout empire. Spécialement aux Etats-Unis. Une fois de plus, nous sommes impliqués dans une guerre, la société débloque complètement... C'est vraiment une drôle d'époque.

 Quelle est, à vos yeux, la principale différence entre « Verses of Comfort, Assurance and Salvation » et « The Bird of Music » ?

 H. : « Verses of Comfort, Assurance and Salvation » doit davantage être perçu comme une collection de chansons. Chacune peut être conçue comme une unité élémentaire. Après ce premier album, les choses se sont décantées. Nous avons alors commencé à bosser sur l'image du groupe, son identité. Depuis ce premier enregistrement, nous avons parcouru un bout de chemin ensemble... Pour « The Bird of Music », la musique d'Au Revoir Simone est devenue une version synthétisée de nos trois personnalités. En commençant à jouer ensemble, nous n'attendions rien, nous n'espérions rien... Ce qui explique le côté indépendant des chansons du premier album. Pour le deuxième, toutes nos compositions ont été pensées en fonction de ce disque. Nous savions qu'elles allaient se retrouver sur un album. Cette fois, on peut réellement le comprendre dans sa globalité. Je crois qu'il s'agit là de la plus grande différence entre ces deux enregistrements.

The Earlies

Agence de voyage

Écrit par
Trois années ont passé depuis les préliminaires planantes ('These were The Earlies') de ces Anglo-américains (la moitié du groupe vit au Texas et l'autre en Angleterre) où un semblant de Mercury Rev caressait les ondulations de The Polyphonic Spree. Trois années au cours desquelles le groupe hybride menait de front tournées et collaborations en tout genre (sur le premier album de King Creosote ou sur le single 'Skk 2 Def' de Plan B, des mariages arrangés par leur label) tandis que s'esquissait progressivement leur nouvelle substance. Rencontre avec John Mark Laphan le Texan et Christian Madden le Britannique, avant que le groupe ne monte sur les planches, au Botanique de Bruxelles?

« On a commencé à y penser au milieu 2005 pour rentrer en studio début 2006. Une sortie internationale qui se voulait prévue le même jour a ramené le mastering vers la mi-2006 et le marketing a suivi début 2007 !! C'était très long en effet? » Le clan Earlies n'ayant pas dit son dernier mot, il nous est donc revenu sur les devants de la scène pour inaugurer en primeur la saison 2 « The Enemy Chorus », bande sonore d'un orchestre d'hallucinés. Puzzle d'émotions individuelles stratifiées, les pièces éclatent les mouvements académiques et la  matière pour synthétiser les particularités propres à chacun en une masse constante. Ce processus symbolise leur musique et le résultat choque encore Lapham : « Le groupe rassemble différentes personnalités musicales et chaque apport est nécessaire. Je n'aurais jamais pu faire ça tout seul. » L'unité d'un groupe et d'un son 'pretty bad ass' qui les ramène dans une hétérogénéité accomplie et intelligible. Christian Madden concède : « Je ne peux  peut être pas le toucher mais par contre je peux le ressentir quand tout le monde est là ».

Plantés dans l'anticonformisme et dévalant les frontières sonores et physiques (anglo-américaines), la clan idéalise le faste du cycle 60's-80's et son arborescence de micro labels à la durée de vie aussi étendue que celle d'une abeille. « C'était une époque où se passait très vite, où tout était permis. La créativité était soutenue par la prolifération de structures discographiques, même si ce n'était que le temps d'un single. » De cette explosion musicale non entretenue par la loi du marché, Christian Madden et J-M Lapham en retiennent la richesse et la liberté, dont l'expression en sera leur ligne conductrice. Fanatiques incontournables des pionniers du rock progressif (Gentle Giant, King Crimson, Yes, Emerson Lake & Palmer, Genesis avec Peter Gabriel) à qui ils empruntent l'instrumentation et la mélodique, les phénomènes ne cachent pas pour autant leurs goûts pour le Krautrock et sa rythmique (Neu ! Can, Faust) tout comme pour la pop des sixties (les Beach Boys et autres Beatles) dont la structure leur sert encore de base. Mais ce n'est pas sans oublier leurs racines country et leur volonté expansionniste (allumée par des cithares envoûtantes) que l'on pourrait tenter de les classer dans un genre bien à eux, entre l'improvisation et l'avant-gardisme folk. Né d'hallucinations collectives, The Earlies fait dans du tapage nocturne sa spécialité et de la diversité son caractère.

Benjy Ferree

Héros malgré lui

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Le regard sombre et sérieux, une belle moustache et une barbe en option, voilà Benjy Ferree, l'incontournable révélation de ce début d'année. Intitulé « Leaving The Nest », son premier album est une pure merveille. De Creedence Clearwater Revival aux Kinks, en passant par les Beatles et Sufjan Stevens, les références se bousculent au portillon de ces dix chansons écrites, pensées et chantées par cet artisan de la mélodie rustique. Barman le jour, chanteur la nuit, Benjy vit à Washington D.C., la capitale fédérale des Etats-Unis. Loin des clichés bureaucratiques de sa ville, il signe le plus beau rayon de soleil de cet hiver.

Ici, en Belgique, le public ne te connaît pas encore. Peux-tu revenir sur ton histoire, ton rapport à la musique ?

J'ai toujours été confronté à la musique. Mes parents chantaient à l'église dans une chorale de gospel. Par la suite, j'ai grandi à Washington D.C. L'endroit grouille de musique. C'est là, notamment que j'ai découvert The Bad Brains et Fugazi, des formations qui ont fondamentalement changé mon existence. La musique m'a toujours enveloppé. J'ai appris à jouer différents instruments : la batterie, la basse et la guitare. Mais je n'ai jamais intégré un groupe. Par la suite, j'ai déménagé à Los Angeles. Deux mois après mon arrivée en Californie, j'ai commencé à écrire des chansons... Je n'avais rien de mieux à faire. Une année, j'ai décidé d'écrire une chanson pour mon frère et de lui offrir pour Noël. A l'époque, je n'avais pas assez d'argent pour lui donner un vrai cadeau... Je suis donc revenu à Washington D.C. pour les fêtes de fin d'année et je lui ai offert une chanson. Il l'a adorée ! Quatre années plus tard, je suis rentré à Washington, commençant à romancer ma version des faits, des choses.

Ta musique n'évoque pas spécialement ce côté citadin. Ton son demeure très artisanal, l'aisance mélodique laisse souffler un vent de liberté qui semble contredire le climat oppressant des grandes villes...

C'est étrange... Et, en même temps, pas vraiment. J'écoute Fugazi à longueur de journée. Pourtant, ma musique reste très éloignée des assauts bruitistes de Fugazi. D'ailleurs, le batteur de Fugazi, Brendan Canty, m'a beaucoup aidé pour enregistrer mon disque. A ses côtés, j'étais un peu comme son petit frère. Il m'a conseillé, aidé à enregistrer, à donner du sens à mon travail. Bref, elle ne sonne pas du tout comme la leur. Mais il est incontestable que leur musique m'a inspiré. Ce raisonnement peut également s'appliquer à Washington. L'atmosphère de mon album ne laisse pas transparaître l'ambiance de la ville. N'empêche, Washington m'a sans doute inspiré car, chaque jour, je suis exposé à son quotidien. Contrairement aux idées reçues, Washington est une petite ville. Cependant, je ne suis pas toujours capable d'expliquer mes agissements, mon mode de fonctionnement. Bien souvent, j'agis par instinct.

En parcourant le site Internet du 'Washington Post', nous avons appris que tu détestais te prêter aux jeux des interviews. Pourquoi nous en accorder une aujourd'hui ?

Là, il faut comprendre... Je suis musicien, pas millionnaire. Quand je ne chante pas, mon portefeuille ne se remplit pas. Donc, je dois travailler, comme tout le monde. Je tiens un bar dans lequel je bosse au quotidien. Un jour, un de mes clients m'interpelle et me demande de répondre à quelques questions dans le cadre d'une interview pour le Washington Post. J'ai répondu : 'Personnellement, je ne vous connais pas. Alors, vous prenez une bière ou un plat ?' Quand je travaille, je déteste parler de ma musique. Ce n'est pas l'endroit. Là, c'est différent : je suis en Belgique pour parler de mon disque, l'endroit est super, il fait beau. Que demander de plus ? D'ailleurs, je n'ai pas beaucoup de temps pour visiter. Mais dès que je reviens, je prends du temps. J'adore Tintin et son chien... Comment s'appelle-t-il encore ? Tontong ?

Tu es signé sur 'Domino', un des plus célèbres labels indépendants. Comment y es-tu atterri ?

Un de mes amis, aux Etats-Unis, travaille pour un magazine distribué à travers tout le pays. Un jour, il a écouté ma maquette et m'a demandé pour la sortir en disque. Il m'a dit qu'il allait créer un label et éditer l'album à 1000 exemplaires. Il croyait en ma musique. Il a donc sorti mon cd et m'a payé pour cette transaction. Je trouvais ça génial : un gars honnête, tenant sa promesse, sans essayer de me berner, juste pour la musique. Peu après, il a téléphoné à des connaissances pour essayer de trouver un plus grand label. A ce moment là, je ne voulais plus en changer. Je souhaitais seulement être signé sur le sien, rien d'autre. Finalement, il a réussi à me convaincre, en me disant que c'était une excellente structure qui laissait une grande liberté aux artistes. Par ailleurs, je ne connaissais pas Domino. Les groupes comme Franz Ferdinand ou Arctic Monkeys ne me disent rien. En fait, c'est simple : je me tape de l'argent, de la célébrité ! Certaines personnes souhaitent de tout c?ur côtoyer la célébrité, pas moi. Si elle arrive, ce sera un accident. Je n'ai jamais cherché à signer un contrat chez cette firme de disques. C'est un concours de circonstance. Le mot 'célébrité' me rend malade : il me fait penser aux tabloïds, à la bourgeoisie. Je ne veux pas faire partie de ce monde...

Dernièrement, tu as accordé des concerts en compagnie d'Archie Bronson Outfit. Vos styles sont assez différents. Ils jouent davantage dans une catégorie pop-rock Alors que, pour ta part, la musique passe par le prisme du folk et de la poésie. Comment le public réagit-il face à ces différences ?

Je ne sais pas comment les gens vivent ces différences. Par contre, je sais comment je les vis, la façon dont je les ressens. Archie Bronson Outfit est devenu mon groupe préféré. Je n'avais jamais eu l'occasion de tourner en leur compagnie. Et, pour revenir à la question précédente, beaucoup de gens me demandent souvent ce que cette signature sur le label « Domino » a changé. Ma réponse demeure identique : Archie Bronson Outfit a changé ma vie. Ce groupe, c'est l'avenir du rock. Et, personnellement, je n'avais jamais eu l'occasion de tourner en compagnie de l'avenir du rock'n'roll. Depuis cette tournée, j'ai l'impression de vivre un rêve éveillé.

Si on présente ta musique comme une rencontre entre Les Beatles, les Kinks et Devendra Banhart, es-tu satisfait ?

Pas vraiment. Evidement, je ne peux pas renier les Beatles. Tous les gosses normalement constitués devraient aimer les Beatles ! Tout comme, on apprécie Bob Marley et les Ramones. Ces groupes sont inévitables. Mais je n'ai jamais essayé de sonner comme les Beatles. Je n'ai jamais entendu une seule chanson de Devendra Banhart. Je possède deux albums des Kinks. Mais je ne les connais pas comme je connais les Beatles. Depuis mon plus jeune âge, je suis attiré par la musique de T-Rex. Cette musique m'inspire vraiment. De mon côté, je ne perçois pas ces influences. Mais si les gens les perçoivent, c'est bien. D'autres personnes dénicheront peut-être d'autres ressemblances. Je n'ai aucun problème avec ça... Par ailleurs, j'aime d'autres choses, complètement différentes. Des trucs comme Jay-Z ou Beyoncé balancent hyper bien ! Néanmoins, ma plus grande influence reste la musique de film. Quand je compose une chanson, je la perçois toujours comme la bande-son d'une pellicule imaginaire.

Sur ton album, tu reprends « A Little At A time », une chanson de Johnny Cash. Pourquoi as-tu choisi de réinterpréter une de ses chansons ?

A mes yeux, Johnny Cash est un saint. Il demeure certainement un des symboles positifs des Etats-Unis. C'était un homme honnête. L'Angleterre a eu John Lennon, les Etats-Unis ont eu droit à Johnny Cash. La chose la plus incroyable, c'est que tout le monde aimerait être Johnny Cash. Il s'est toujours efforcé de produire le meilleur de façon intègre. Parfois, il a échoué. Mais il a toujours essayé. Aujourd'hui, plus personne ne chante comme lui. Pour moi, Johnny Cash est un héro, un modèle d'accomplissement.

Goose

Résonances magnétiques

Écrit par
Cette année, pour danser, inutile de solliciter les charts anglais. L'attraction du moment sévit à Courtrai. Un nom à retenir ? Goose : quatre potes empoignant les meilleures recettes du big beat, de la house et de la techno pour en retirer une substance énergétique à couper le souffle. Signé sur le prestigieux label anglais Skint Records (mère patrie de Fatboy Slim), Goose réunit une collection de tubes remuants, attachants, à coincer précieusement entre les productions de Mr Oizo et des Dewaele Brothers. Au programme : un son saturé, des riffs à terrasser des fans d'AC/DC et une transe discoïde garantie. Bienvenue de l'autre côté de la frontière en compagnie du chanteur de la formation, Mickael Karkousse...

Pouvez-vous retracer le parcours de Goose, vos premiers pas en musique ? Avez-vous toujours opté pour les sonorités électroniques ?

Aujourd'hui, Goose existe depuis près de six ans. En 2002, nous avons eu la chance de remporter le concours 'Humo's Rock Rally'. Cette victoire a considérablement accéléré notre carrière. Mais plutôt que d'enregistrer un album au lendemain de ce concours, on s'est réorienté, en répétant, en composant de nouveaux morceaux. En 2003, un premier single, intitulé « Audience », est passé en radio, essentiellement sur les ondes de Studio Brussel. L'année suivante, le titre « Good Times » nous a propulsé sur le devant de la scène. Ces deux chansons ont été mixées par Teo Miller. Pour nous, c'était très important de travailler ensemble. Son expérience est saisissante : il a collaboré avec une palette éclectique d'artistes internationaux comme Placebo, James, Happy Mondays, Blur ou Das Pop. Cette coopération constituait notre première expérience en studio. A partir de là, Goose a complètement modifié sa façon de travailler. Auparavant, les répétitions constituaient notre principale matrice de création. Mais, après cette première expérience, nous nous sommes scindés pour composer de nouveaux morceaux. Cela présente de nombreux avantages. Le plus important réside certainement dans la polyvalence des musiciens. Aussi, notre batteur est-il également un très bon guitariste. En travaillant de la sorte, Goose a beaucoup évolué. De répétitions classiques d'un groupe de rock typique, nous avons glissé vers des sortes d'ateliers d'expérimentations sonores où chacun apportait sa propre touche créative. Dave, notre guitariste, a commencé à s'intéresser aux synthétiseurs, à chercher dans les sonorités électroniques afin d'y trouver des boucles dont l'impact serait aussi puissant qu'un bon riff de guitare. Nous voulions composer un album très populaire, proche des gens. Il n'y a rien de plus triste que des gens qui s'ennuient lors d'un concert.

Considérez-vous votre victoire au 'Humo's Rock Rally' comme un déclencheur ?

D'une certaine façon, ce succès nous a aidés. Mais cela nous a surtout permis d'évoluer, de réfléchir sur la direction à prendre. Cette victoire au 'Humo's Rock Rally' constituait, en réalité, le signe de notre imperfection. Dans cette optique, on peut considérer que le concours a simplement mis en avant nos qualités. Nous en avons pris conscience. Mais nous souhaitions avancer, travailler et proposer un véritable projet au public.

Vous êtes aujourd'hui signés sur le label anglais 'Skint Records', fort connu pour avoir signé Fatboy Slim à l'époque. Comment êtes-vous arrivés sur ce label ? C'est étrange pour un groupe belge...

Dès le début, nous avons réalisé que notre musique pouvait être écoutée au-delà des frontières du pays. Nous voulions donc trouver un label international. On se disait : 'Qui n'essaie rien, n'a rien !' Pourtant, dans un premier temps, nous avons envoyé des démos aux grandes maisons de disques installées en Belgique. Et, bien souvent, les réactions n'étaient pas spécialement encourageantes... Bref, Dave, notre guitariste, est parti plusieurs mois en tournée avec Soulwax. Au Japon, il a croisé un des représentants du label 'Skint Records'. Quelques semaines plus tard, il le rencontrait à nouveau lors d'un concert en Angleterre. Cette fois, il n'a pas laissé passer sa chance : il lui a donné notre démo. Une semaine plus tard, le label 'Skint Records' venait nous rendre visite à Courtrai !

De nombreux observateurs vous rapprochent de Soulwax Nite Versions et, plus généralement, des frères Dewaele. Comment vivez-vous cette assimilation ?

C'est une bonne chose. A nos yeux, Soulwax est un groupe de grande qualité. Si les gens décident de nous rapprocher de Soulwax, il n'y a pas de problème : implicitement, cela implique simplement que nous jouons de la musique de qualité ! Blague à part, on se sent également proche de Soulwax au niveau de la motivation musicale et des intentions à l'égard du public. Et enfin, ce sont nos meilleurs conseillers. Pour nous, les tournées mondiales, c'est un peu l'inconnu. Dès que nous sommes inquiets, que nous éprouvons des doutes, nous pouvons toujours nous tourner vers Soulwax. Ils sont toujours là pour nous rassurer...

Depuis les festivals d'été, tout s'accélère. Vous jouez dans de grandes salles, votre musique s'exporte. Les Japonais, par exemple, raffolent de votre musique. Ne craignez-vous pas d'être surexposés ?

Pour l'instant, nous gérons cette situation. Nous essayons de ne pas trop jouer en Belgique de façon, justement, à ne pas se trouver surexposé. Là, nous allons commencer une tournée en Angleterre. Nous passerons également par la France, les Pays-Bas, l'Allemagne et le Japon.

A l'écoute de votre album, un constat s'impose : vous alliez aisément les beats électroniques aux riffs des guitares... Comment définiriez-vous le son de Goose ?

Nous ne sommes pas obnubilés par les musiques anglo-saxonnes... En fait, le son de Goose est typiquement belge, fondamentalement européen. Géographiquement, la Belgique constitue indéniablement un carrefour des cultures. Aussi, nous adorons les projets français comme Daft Punk, Air, Phoenix ou Para One. On apprécie aussi des artistes comme Digitalism et Boys Noize. D'une certaine façon, on peut dire que notre son nous ressemble : il est très contemporain ! Notre musique demeure le fruit d'une maturation personnelle. Nous avons bien essayé de collaborer avec d'autres personnes, extérieures au groupe. Mais cela s'est révélé infructueux. On s'est vite rendu compte qu'elles transposaient leur propre vision de notre musique sur le groupe. Malheureusement, il ne s'agissait pas du tout de notre vision des choses... La production et le mixage de l'album ont donc été réalisés par nos soins.

Comment travaillez-vous au niveau de la composition ? Quelle importance accordez-vous aux paroles de vos chansons ?

Au niveau de la composition, c'est très variable. Dans certains cas, nous partons sur des bases instrumentales, tout en essayant de dégager des mélodies vocales. A d'autres moments, nous percevons la globalité d'un morceau. Les paroles de nos chansons n'évoquent rien de sérieux. Il s'agit davantage d'une mélodie agréable à chanter. L'essentiel n'est donc pas à chercher du côté des paroles. Nous cherchons davantage à imaginer des slogans à travers de petites histoires conçues comme des bandes-annonces.

Pour illustrer la pochette de votre album, vous avez travaillé sur un concept de transparence pour le moins original. Où avez-vous déniché cette idée ?

Notre pochette n'est pas inspirée par un autre album. Pour ce premier disque, nous voulions vraiment marquer les esprits. Derrière ce livret qui se dévoile en transparence, notre volonté est d'inviter les gens à se pencher sur le côté personnel de notre musique, de notre univers. Du début à la fin, « Bring It On » devait être irréprochable. Et, en ce sens, il nous a été très difficile de déléguer les tâches liées, de près ou de loin, à la présentation de l'album. Si bien que, pour les 5.000 premiers exemplaires de « Bring It On », nous avons apposé les autocollants nous-mêmes ! Cette démarche méticuleuse nous a demandé une semaine complète... Nous voulions une illustration simple mais efficace. Cela explique aussi le choix des couleurs : il s'agit du code informatique RGB (Red, Green, Blue). En informatique, le rouge, le vert et le bleu permettent de déterminer toutes les fonctions paramétrables. Et puis, sur le dancefloor, ce sont également les couleurs prédominantes. Enfin, ces colorations possèdent aussi une connotation très rétro. Ce visuel constitue donc un ensemble pensé de façon méthodique.

Visiblement, toutes les étapes de votre démarche artistique sont très soignées. Cela vous prend donc énormément de temps... Faudra-t-il attendre aussi longtemps pour écouter votre prochain album ?

Là, il est évident que le processus créatif s'accélérera. Pour l'instant, l'album vient juste de sortir. La question ne se pose donc pas encore. Mais dans les prochains mois, nous devrons nous résoudre à arrêter la tournée pour entrer en studio.

Cloé

Drôle d'univers

Écrit par
Après l'intimisme de « Sapristi », Cloé du Trèfle explore le monde moderne, interroge le quotidien. Elle chante l'amour mais n'en parle pas. Sur le fil du doute, Cloé dévoile un univers oscillant entre minimalisme émouvant et expériences sonores intrigantes. « Microclimat », c'est l'idée d'un univers un peu à part qui a un côté chaleureux, où il fait bon vivre. 'J'imagine un tumulte autour et cet univers où l'on est un peu curieux de voir ce qu'il se passe, et il se passe autre chose?'

Le fait d'avoir travaillé en grande partie chez toi, était-ce une volonté de créer une ambiance particulière ?

J'ai tout composé seule. C'est un peu mon petit laboratoire. J'ai beaucoup travaillé les idées musicales, les textes. C'est donc un peu mon monde dans mon appart', où j'ai mes instruments, mon ordinateur. Puis je vais en studio et Rudy (NDR : Rudy Coclet, son producteur artistique) prend les pistes séparées et m'incite à réenregistrer des prises studio en disant : 'ce serait pas mal d'avoir un petit son de vieil orgue ou de chercher des sons samplés à gauche et droite'. C'est un peu en ping-pong et ça me permet de bosser à l'aise, de prendre le temps, d'écouter des tonnes de choses, notamment des vieux vinyles. D'être fort indépendante.

En expérimentant le son, n'y a-t-il jamais la frustration de ne pas atteindre son but ?

Non. Je suis assez satisfaite. Au moment où je me dis : 'c'est ça', il pourrait y avoir mille autres options ; mais ce moment m'appartient. En écoutant mes vieilles cassettes, mes premiers maxis, mon album de Clover's Cloé ou même mon disque précédent, j'ai une tendresse par rapport à ce passé et je me reconnais, moi, à une certaine époque. Je ne le concevrai plus de la même manière aujourd'hui, mais à cet instant précis, on pose des choix, des actes. Je les assume pleinement.

Dans le paysage musical belge, tu es une sorte d'ovni?

Tu me fais plaisir en me traitant d'ovni (rires). Un autre journaliste m'a demandé si je ne me sentais pas extra-terrestre. On me pose souvent la question. Elle me ravit : j'ai l'impression qu'on a du mal à me caser dans un tiroir 'chanson français classique'. Je pense que j'écoute pas mal de musique. Je suis ouverte à des tas de styles différents. Mais j'ai vraiment mon propre univers. Quand un musicien veut ajouter un truc sur un de mes morceaux, je réponds 'ah non, pas ça' ou 'ah ouais, ça !' J'ignore ce qui détermine ma décision, mais c'est vraiment intrinsèque. J'ai un côté assez hétéroclite. Je ne sais pas toujours ce que je veux, mais je sais ce que je ne veux pas. La ligne conductrice peut paraître un peu étrange. Il est vrai que sur le disque il y a des couleurs musicales assez différentes. Des morceaux clavier-voix et d'autres morceaux parlés, puis chantés, avec des beats de hip-hop derrière ou un vieil orgue. Des vieux sons. Un aspect romantique et des côtés rock, rock-punk. C'est un peu mon univers. C'est moi, à des moments spécifiques, et ça fait un drôle de tout.

Peux-tu citer quelques-unes de tes références ?

Ce matin, j'écoutais Burt Bacharach. Hier, Röyksopp et Amon Tobin. Lali Puna et Joanna me plaisent aussi. Dans le domaine de la chanson française, j'estime que le dernier album d'Emilie Simon (« Végétal ») est vraiment très bon. Schumann, Satie, Dvorak, Prokofiev? Ce qui explique sans doute pourquoi j'en ressors une drôle de musique. Parfois j'achète de vieux vinyles au marché. Ils ont des têtes pas possibles sur les pochettes et je tombe parfois sur des trucs hallucinants. Réalise des découvertes tellement surprenantes. Il m'est arrivé de sampler des petites choses là?

Pourquoi ne plus chanter en anglais ?

En fait, mon premier album était interprété dans cette langue, car à l'époque j'écoutais énormément d'artistes chantant en anglais ; et puis parce qu'il y avait peut-être un réflexe de pudeur. Puis j'ai eu envie de créer un autre projet, en parallèle. Il y avait donc le groupe à cinq et un concept solo. Je me suis dit que j'opterai pour le français. Pour mieux faire la différence. D'où la traduction « Clover's Cloé »/« Cloé du trèfle ». J'ai été présélectionnée pour la Biennale ; ensuite j'ai accordé un concert, puis atteint la demi-finale. Il m'a donc fallu plus de morceaux dans mon répertoire. On m'a alors proposé d'autres dates et le reste s'est rapidement enchaîné. Après, j'ai participé à 'Musique à la française'. A partir de cet instant, les maisons de disques se sont intéressées à mon travail et les événements se sont succédé naturellement. C'était difficile de gérer le groupe en même temps. J'avais de plus en plus de concerts avec Cloé du Trèfle ; mais en même temps je devais me consacrer au projet de l'album. Du coup, j'ai mis le groupe en stand-by. Mais peut-être, dans le futur, aurai-je encore envie de rechanter en anglais. Je commence déjà à réfléchir à mon nouveau disque et j'ai des petites envies?

Pour toi, l'écriture est source de douleur ou de plaisir ?

Du plaisir ! Vraiment. Je compose énormément. La musique naît avant les textes. L'écriture, c'est plus des petites choses du quotidien ou des questions. Le disque précédent était davantage intimiste (NDR : « Sapristi »). Ici, il y a un regard extérieur. J'avais envie d'aborder d'autres thématiques. C'est plus un regard civique et une envie de parler d'autre chose que de mon monde personnel. J'aborde des thèmes comme le recyclage, l'Europe?

Qu'est ce qui te déroute le plus : le monde moderne ou une histoire d'amour ?

Bonne question (rires) ! Les deux sont déroutants, mais je pense qu'on vit dans un drôle de monde et c'est important de se positionner par rapport à cette situation. Je ne veux pas être moralisatrice dans mes textes, mais j'ai envie de soulever certaines questions. Ma compo consacrée à l'Europe, par exemple, est une métaphore de 'Si l'Europe était une femme, qu'est-ce que ce serait ?' L'Europe, c'est un nom de femme, et c'est devenu une entité tellement floue, qu'on n'en connaît plus exactement les frontières. C'est un peu complexe. J'aborde ce thème particulier par une chanson légère ; mais si on lit vraiment le texte, on y détecte quand même un aspect assez cynique et critique par rapport au Vieux Continent.

Le thème du doute est récurrent dans tes chansons. Quelles sont tes certitudes ?

Euh? Je ne sais pas. Chez moi, la musique est un phénomène vital qui produit des émotions très fortes. Je la pratique depuis l'âge de trois-quatre ans. C'est vraiment quelque chose d'important pour moi. C'est dans cet univers que je m'épanouis le plus. Mais j'ignore, par exemple, si un jour j'en aurai marre du marché du disque, du milieu. C'est un cercle restreint. A un moment tu peux te prendre la tête sur 'A quoi sert-il de sortir un disque, de donner des concerts ?' Enfin, pour le moment ça m'éclate complètement. Sinon, je pense qu'on vit au sein d'une époque où il y a de moins en moins de certitudes. Il y a beaucoup de choses à changer. Il existe une stigmatisation de certaines idées, des blocages. Il y a des décisions qui s'entremêlent ou sont complètement absurdes. Il faudrait des vrais changements de société.

Aurais-tu aimé vivre à une autre époque ?

Sur Clover's Cloé, j'ai composé un morceau qui s'appelle « A wrong century » où je dis que j'ai l'impression d'être une nana qui n'est pas née à la bonne époque. Et à la fois, c'est une époque tellement contrastée : elle recèle des choses super intéressantes, mais accuse aussi des pertes de valeurs terribles. On vit dans une ère de plus en plus individualiste, on sacrifie trop les liens sociaux. On s'évertue à scinder les choses ; et c'est assez effrayant. On n'a plus vraiment conscience du sens des valeurs humaines. Je suis allé voir, la semaine dernière, un film qui m'a complètement sidérée : « Le cauchemar de Darwin ». C'est un bel exemple de cette drôle de société dans laquelle on vit?

La notion de temps est également présente dans tes textes. Est-ce quelque chose qui te fait peur ?

Euh?

Il se dégage une sorte d'urgence de vivre?

Ah oui ? Peut-être que oui mais c'est sans doute inconscient. C'est une bonne question (sourire). C'est vrai que je suis quelqu'un qui ne reste pas en place, j'ai toujours envie de m'investir, de rencontrer de nouvelles têtes, de composer, d'envisager de nouveaux projets musicaux. Je n'aime pas glander. La vie est courte, donc animons-là. Mais je n'ai pas vraiment conscience de cette situation. Elle me dépasse un peu. Je ne développe pas beaucoup de desseins à long terme. Je vis plutôt dans le présent, à court terme. Je n'ai pas des grands projets de vie tout tracés? On verra bien?

Malibu Stacy

Des pizzas, des burgers et des frites...

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Quoique responsable d'un premier album de bonne facture (« G »), paru au printemps dernier, Malibu Stacy est avant tout un groupe de scène. Depuis leur victoire au 'Concours Circuit' en 2004, les Visétois n'arrêtent d'ailleurs pas de tourner. Et si vous ne les avez jamais vus en 'live', c'est que vous n'assistez jamais au moindre festival ! Ou alors que vous êtes collés devant votre téléviseur du matin au soir. C'est d'ailleurs à l'issue de leur prestation à Dour que la formation nous a accordé cette interview. En l'occurrence le chanteur David et le bassiste Paulie. Très à l'aise pour parler de tout, même au second degré… sauf de musique. Jugez plutôt par vous-mêmes…

Leur premier opus a donc été enregistré à Bologne sous la houlette de Francesco Donadello (Yuppie Flu). Une expérience humaine qui aurait pu être intéressante. Apparemment ce ne fut pas le cas. Paulie s'explique : « En fait Francesco passait la plupart de son temps à regarder la TV ou à manger des pizzas. Ah oui ; et aussi à régler des pédales durant des heures. Pendant ce temps là, on attendait. Hormis ces quelques détails, il travaille plutôt bien. » David nuance : « Il fait quand même correctement son boulot ? » Paulie reprend déjà le crachoir : « Il est surtout lent ! Mais il y a pire : Matteo (NDR : Agostinelli), le superviseur ! Lui n'en avait strictement rien à branler des sessions. Il passait son temps à accorder des guitares. On doit l'avoir crédité dans les remerciements spéciaux ou quelque chose du style. Ceci dit, Francesco est plutôt compétent. Mais il ne fait pas grand-chose… » Maintenant, le plus important est de savoir si le groupe est satisfait du résultat. Paulie embraie : « Au départ, nous n'étions pas trop satisfaits. Mais en écoutant des disques d'Elvis Presley, on en a conclu qu'on avait fait le bon choix au niveau du son. On s'est même reproché de copier le King ! Plus sérieusement, on voulait un son un peu sourd comme dans les années 50 ou 60. Et finalement, je pense que l'objectif est atteint... » Après l'Italie, la formation s'est envolée aux States. A Los Angeles, très exactement. Pour y tourner le clip de ‘LosAngeles’. Et manifestement, on ne peut pas dire que le voyage leur a laissé un souvenir touristique impérissable. Paulie est néanmoins satisfait de ce périple : « A L.A., j'ai battu mon record de burgers ingurgités. J'en ai avalé quatre de suite. Avec des frites ! Mais cette expédition reste pour moi un excellent souvenir ! Surtout que ces aliments étaient excellents. La viande était bien grillée… » David enchaîne : « Effectivement, leurs burgers sont délicieux. Mais la bière n'est pas terrible… » Paulie confesse : « Mais notre meilleure aventure nous est arrivée le dernier soir. A l'hôtel. En fait, on s'est retrouvé dans une maison de passe. Du côté de Venice Beach. On l'avait aussi bien cherché. Bref, il y avait plein de putes. Et des miroirs partout. Et on s'est bien rincé l'œil (NDR : les yeux ?). Mais le problème c'est qu'on y a dormi. Un peu gênant, quand on voit tous les mecs qui entraînent les prostituées dans les chambres. Non, mais tu imagines te glisser dans un lit en te demandant s'il n'y a pas des traces visqueuses sur les draps. Beuurk ! On partait donc lendemain et on s'est mis à boire comme des porcs. Et on ne s'est réveillé que lorsque les taxis sont arrivés. Si bien que lorsqu'on a repris l'avion, on était complètement déchirés… » Oui, mais ils étaient quand même partis en Californie pour y tourner un clip ? Paulie acquiesce : « Tout à fait ». Et David confirme : « Oui mais on s'y rendait en toute décontraction ! Un peu comme si on prenait des vacances. » Paulie argumente : « En fait on disposait d'un budget qui nous a permis de partir là-bas. Dans une ville où nous rêvions nous rendre. Bien sûr, il y a eu le tournage de la vidéo. Mais l'important, c'est qu'on s'est bien amusés et qu'on a bien rigolé. La seule contrariété vécue a été causée par le décalage horaire… »

Justement à propos de budget, Malibu Stacy a failli ne pas signer chez Bang ! Ce qui méritait une explication. C'est toujours Paulie qui s'explique. « Après avoir sorti l'Ep, Pias nous a contacté pour nous proposer un contrat. En fait, nous n'avions alors pas encore signé chez Bang ! Mais Bang ! nous a rappelé que nous avions enregistré l'Ep chez eux et qu'il n'était pas question d'aller voir ailleurs. On a alors discuté ; et ils ont doublé le budget. On a finalement opté pour le label qui avait effectué la meilleure proposition. Nous souhaitions nous engager auprès de la firme susceptible de mettre le plus de moyens à notre disposition. Nous ne voulions pas gamberger, mais bien avancer. Faire ce que nous avions envie de faire. » David se défend : « Nous avons appliqué une technique rencontrée dans les soumissions d'entreprise. Quand tu envisages de remplacer ta toiture, tu contactes plusieurs entrepreneurs. Et puis tu choisis celui qui te semble le plus intéressant en matière de qualité/prix. On a fait pareil ! »

L'ancien bassiste, Jean-Christophe a cédé sa place à l'ex-claviériste Paulie. Et ce dernier a refilé les claviers à un nouveau venu, Jérôme (présent tout au long de l'interview, mais muet). Mais qu'est devenu Jean-Christophe ? Paulie clarifie : « Il est toujours avec nous. Mais il est devenu notre tourneur. Il a changé de fonction. Et il n'en rate pas une pour nous tancer. Quand on joue, il est derrière la table de mixage. Si j'ai le malheur de louper une note à la basse, il se tord de rire. Et ça me fait chier. Ca me perturbe. Et j'ai alors besoin d'une demi-heure pour me reconcentrer. » Pourquoi a-t-il choisi la basse, alors ? Il se justifie : « Je ne suis pas bassiste, mais guitariste. Et chez Malibu Stacy, au départ, on m'a confié les claviers. Mais lorsque Jean-Christophe a cessé de jouer au sein du groupe, j'ai voulu reprendre la basse, parce que les claviers me faisaient super chier (rires). Je déteste cet instrument. Et Jérôme a pris le relais. J'ai en quelque sorte sauté sur l'occasion pour passer à autre chose. C'est quand même plus marrant de tenir quelque dans la main que de taper sur un truc posé sur un pied. » Le phénomène des chaises musicales, quoi ! « Exactement ! Chaque membre du groupe essaie de monter en grade. Et mon prochain objectif sera le chant… (rires). Il faudra que je porte des lunettes. Arbore un look différent. Sans oublier de laisser pousser une mèche de cheveux sur le côté…  Non c'est pour rigoler. Ca ne marchera pas… »  Et chanter en anglais aussi bien que David. Mais pourquoi chanter dans la langue de Shakespeare, lorsqu'on est francophone ? David réplique : « Chez moi, c'est totalement naturel. A cause de la musique que j'écoutais quand j'étais très jeune. Et puis parce que c'est l'expression qui colle le mieux à la musique pop/rock qu'on pratique. En outre, j'ai vécu un moment en Ecosse et j'aime parler cette langue. »  

Le jeu de scène de David est impressionnant. Il bondit parfois sur les planches comme un chat. Et manifeste une expression corporelle digne des plus grands showmen. Pourtant, il n'a jamais fait ni de théâtre, ni de gymnastique ou exercé une quelconque activité sportive. Il confirme : « Non, jamais. C'est naturel. Mais je ne pense pas que je sois vraiment souple. Disons que j'ai plutôt de la détente. En fait je ne suis pas du tout souple (NDR : il se lève et parvient difficilement à mettre le bout des doigts au sol, les jambes tendues. Dans le même temps, Paulie y pose la paume des mains, sans la moindre difficulté). Paulie se met à frimer : « Ma copine me reproche souvent de ne pas être assez souple au lit. Mais d'y être quand même performant (NDR : vantard !). Pourtant, tu vois, je réussis plutôt bien les exercices de souplesse. En fait, lorsque je fréquentais l'école secondaire, j'ai remporté un prix de souplesse lors du concours de fin d'année. Non, non, je ne déconne pas ! Mais il est vrai que je ne suis pas parvenu à battre le record établi par un ancien élève, dix ans plus tôt. » Pour l'expression théâtrale, David manifeste toujours la même modestie : « Non, non, je n'ai jamais fait de théâtre. Sur scène je ne fais vraiment pas attention à ce que je fais. Ni ne réfléchis à prendre l'une ou l'autre pose… » Qui peuvent néanmoins faire penser à Jarvis Cocker ou à Morrissey… David admet : « J'aime beaucoup la musique des Smiths, même si Morrissey se fait vieux ; et bien sûr de Pulp. Mais mon attitude sur scène n'a strictement rien à voir avec mes goûts musicaux. D'ailleurs, j'aime beaucoup la musique britannique en général… » Evidemment Paulie n'a pas manqué l'occasion d'en rajouter une couche : « J'ai suivi des cours à l'Académie. Et un jour, un type m'a demandé si j'aimais la poésie, etc.  Je pensais qu'il voulait me draguer. En fait, il souhaitait que je rejoigne leur troupe de théâtre. Parce qu'elle ne recelait pas assez de mecs. Ou si tu préfères, il y avait trop de filles à son goût. C'est ce que je voulais dire… »

Sans quoi pour leurs goûts musicaux, difficile de leur tirer les vers du nez. Le Fisher Z de John Watts ? Connaissent pas ! La fin de l'histoire de Weezer ? Un événement peu important, puisque les dernières années vécues par le groupe américain n'étaient quand même plus très convaincantes. Et Paulie d'ajouter : « La plupart des journalistes nous parlent de Weezer comme si c'était une influence majeure. Mais on n'a jamais essayé de s'en inspirer. En fait, on a tous écouté le premier album de cette formation. Qu'on appréciait beaucoup. Par la suite, on n'a plus jamais beaucoup accroché à leur musique. »

Pour votre info, sachez que ce n'est pas le Collectif Jaune Orange qui les a boostés à leurs débuts. Ils ont rejoint l'équipe après le concours. Ce qu'ils ne regrettent pas, parce qu'ils trouvent que les gens qui l'animent sont très chouettes. Et Paulie d'insister : « Finalement, je pense que le Collectif bénéficie aujourd'hui de notre statut ». La jolie fille peu habillée qui figure de dos sur la pochette est un mannequin. Ce qui coupe les ailes au canard selon lequel ce serait une copine des membres du groupe. Ces derniers ne sont pas davantage des fans des Simpsons auxquels ils ont quand même emprunté le nom de la poupée de Lisa. Ils estimaient simplement que le patronyme sonnait bien… Par contre, ils ont bien piqué le célèbre 'Hey you, what's that sound ? Everybody look what's going down', immortalisé par les Rhymes Digitales, pour le reproduire lors de la fin de leur chanson 'Feck'. On imagine donc que le groupe a dû payer des droits d'auteur pour utiliser cette phrase… Paulie rectifie : « Ces paroles ne sont pas des Rhymes Digitales, mais de Buffalo Sprinfield. En fait, au départ, c'est également ce qu'on pensait. Puis, on s'est rendu compte de notre méprise. Et finalement ce n'est pas plus mal, car chez Buffalo Springfield, ils sont presque tous morts. Il ne reste plus que Neil Young. Et à mon avis, il s'en tape complètement de cette reproduction (rires). Notre label nous l'a quand même fait remarquer et aurait souhaité qu'on l'expurge. Or c'est cette version là qui passe le mieux et qui fait en quelque sorte l'originalité de la chanson. Donc on a décidé de la garder. Et jusqu'à présent, on n'a pas rencontré de problèmes… »

Sharko

Réaction chimique

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Rien n'est simple : la vie est compliquée, le monde imparfait. Oui, c'est vrai. Dans un monde parfait, les albums de Sharko se vendraient à la pelle. Le nom du groupe à peine susurré, les fans s'évanouiraient. Oui, c'est vrai. Dans un monde parfait, les trois Bruxellois se paieraient les scalps de Placebo et de Shakira. C'est comme ça. Malheureusement, la terre tourne à l'envers. Et à l'heure de la sortie de « Molecule », le nouvel album de Sharko, l'énorme potentiel du groupe de David Bartholomé demeure encore insoupçonné par les nombreux fans d'un rock puissant et racé. Une fois encore, les nouveaux morceaux de Sharko affichent l'envergure de leur ambition. Au fait, il n'est jamais trop tard pour changer le monde, changer de vie...

En s'attardant sur votre discographie, on constate que la mise en œuvre de ce nouvel album vous a demandé plus de temps que d'habitude : trois ans. Il s'agit du laps de temps le plus important entre deux disques de Sharko. Comment expliquez-vous ce constat ?

Cette période a été très difficile. Elle correspond à une remise en question totale, à une envie de tout arrêter... Nous vivions une impasse artistique : impossible d'écrire de bonnes chansons. Celles écrites à l'époque étaient inutiles, vaines, vides de sens. Les morceaux composés pendant cette période étaient comme 'des mobylettes sans essence'. Parfois, on retrouvait l'amorce de bonnes idées. Quelques unes se retrouvent d'ailleurs aujourd'hui dans « Molecule ».

Quel est, selon vous, l'événement qui a marqué le début de cette période de doute ?

Nous sommes rentrés d'une tournée en France. Ensuite, nous devions bosser sur notre nouvel album dont la sortie était prévue pour septembre 2005. Mais dès le début du processus d'écriture, le cœur n'y était pas. Aucune sensation : rien ne venait, rien ne sortait...

Comment êtes-vous retombés sur vos pattes ?

Le premier déclic repose certainement sur cette volonté d'arrêter le projet, d'en finir avec Sharko. Le choc a vraiment été terrible pour les autres membres du groupe. Une fois cette déclaration passée, la deuxième étape thérapeutique est à mettre à l'actif des nombreux messages d'encouragement envoyés par Teuk et Julien, mes deux musiciens et amis. Ils insistaient : 'On a peut-être pas tout donné ! Il reste encore de nombreuses choses à écrire, etc.' Aujourd'hui, je n'ai pas encore décelé l'origine de ce ras-le-bol. C'était sans doute lié à un contexte général, à des problèmes personnels. Tout cela demeure très complexe...

Aujourd'hui, tout est rentré dans l'ordre. Le nouvel album est là. Il s'intitule « Molecule » et a été mis en forme par Dimitri Tikovoi, une grosse pointure en matière de production. Son nom est souvent rapproché des œuvres de Placebo, Archive, Goldfrapp ou, encore, Shakira. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Nous connaissions Dimitri grâce à son travail de production sur le projet Trash Palace. Nous l'avions approché quatre ans plus tôt. Depuis, il a produit des artistes de dimension internationale. Après avoir composé les chansons du nouvel album, nous recherchions un producteur. Nous avons alors songé à le contacter... Mais il était injoignable et certainement trop cher pour nos moyens... Mais coup de bol : on avait conservé son adresse personnelle ! Dès lors, on lui a envoyé notre démo fin mai. Trois jours après l'avoir reçu, il nous a contactés, nous posant pas mal de questions. Après cet interrogatoire téléphonique, il nous a confié : 'Je suis disponible dès le trois juillet, est-ce que vous êtes prêts ?' Force était d'admettre que nous n'étions pas encore tout à fait au point... Finalement, s'il a accepté de travailler avec nous, en passant au-delà de notre maigre apport financier, c'est en grande partie en raison de la souplesse de notre musique. En arrivant, la première question qu'il nous a posée était : 'Etes-vous déterminé à vous laisser diriger ?' Notre réponse était spontanée : 'Si on fait venir un mec de Londres, ce n'est certainement pas pour lui donner des ordres !'

Après cette rencontre et cette collaboration, considérez-vous son apport comme majeur dans le compte rendu final de « Molecule » ?

Le résultat final est très éloigné de la démo envoyée dans sa boîte aux lettres ! Essentiellement au niveau de la profondeur des sons et du discours...

La pochette du nouvel album bouleverse la conception esthétique de votre discographie. Pour la première fois, ce sont vos visages qui illustrent votre album ? Est-ce une volonté de se mettre davantage en avant ?

On s'est réunis pour écouter l'album et discuter de sa pochette. Nous ne voulions pas entrer dans un plan graphique à la Franz Ferdinand. Nous cherchions quelque chose de simple, spontané, radical, sombre : une image correspondant parfaitement à l'esprit de ce nouveau disque. La première idée venue était celle d'une photographie de nous trois, en noir et blanc. Il n'existe rien de plus franc et radical.

Sur « Molecule », deux chansons se référent au concept de 'Bug' : « Love is a Bug » et « Bug ». Eprouvez-vous une fascination pour cette notion ?

La double signification de ce mot est captivante. 'Bug' peut se traduire par 'petit insecte' : une coccinelle, par exemple. Mais il peut aussi s'agir d'un 'dérèglement'. Sur la première chanson de l'album, nous voulions retrouver un son très puissant, évoquant une attaque d'abeilles. On a beaucoup joué là-dessus. Par ailleurs, les paroles de la chanson parlent d'un gars dévoré par les problèmes. A la fin, il prend conscience qu'il est quand même quelqu'un de bien... Ça vous rappelle quelqu'un ?

Le premier single de l'album s'intitule « Motels ». Pourquoi avez-vous opté pour ce titre pour lancer le disque ?

En réalité, nous ne l'avons pas choisi ! Le patron de notre label souhaitait que « Motels » soit ce premier single. C'est un bon titre... Alors, pourquoi pas ? Personnellement, j'aurai davantage misé sur « Trip », un morceau agressif, immédiat, très court. Dans un monde idéal, mon choix se serait porté sur cette chanson. Mais on ne fait pas toujours ce qu'on veut... Par ailleurs, nous accordons une entière confiance aux décisions de notre label.

Les nouvelles chansons touchent essentiellement au thème de l'amour. On pense à « Sweet Protection », « I Need Someone ». Pensez-vous qu'il s'agisse d'un thème inépuisable dans l'univers de Sharko ?

Nos textes se référent aux relations. Qu'elles soient amoureuses ou humaines. Nous aimons mettre en parallèle la relation avec 'soi-même' et essayer de projeter cette vision vers une relation extérieure. C'est également une relation avec l'intimité.

Pour votre retour à la scène, vous avez joué deux dates. La première s'est déroulée au Cirque Royal, la seconde à La Cigale, à Paris. Comment le public réagit-il à l'écoute de vos nouveaux morceaux ?

Le public semble heureux de nous retrouver sur scène. A Paris, c'était une sensation extraordinaire : nous étions fiers d'être Belges... Cela peut sembler un peu idiot. Mais nous avons ressenti quelque chose de très puissant. Devant le public du Cirque Royal, l'émotion était intense. On revenait de loin... Avant de monter sur scène, nous ressentions une terrible montée d'adrénaline. Le silence régnait, nous échangions des regards et, soudain, le concert a commencé...

Sharko est de plus en plus présent sur la toile. Pour de nombreux artistes, Internet constitue désormais un important moyen de diffusion. Votre implication sur un site comme MySpace en témoigne. Que pensez-vous de cette évolution ?

C'est dans l'air du temps, on ne peut plus s'en passer... D'ici cinq ou dix ans, le support disque risque de disparaître. Pour de nombreux artistes, Internet va alors devenir le seul média de diffusion et de promotion. Certes, il y aura toujours des gens pour défendre la cause des cd's. Mais il faut se faire une raison : l'industrie ne nous demandera pas notre avis. A-t-elle demandé l'avis des gens lorsqu'elle a décidé de débarquer le disque vinyle ? Combien de collectionneurs de vinyles se sont retrouvés dans l'impossibilité de lire leur disque parce qu'ils ne pouvaient plus se procurer le tourne-disque nécessaire à leur bonheur ? Les gens ont été obligés de passer aux cd's. Et pensez-vous que quelqu'un nous demandera notre avis le jour où la FNAC fermera ses portes ? Dans quelques années, il est évident que les 'petits artistes' ne jouiront plus du luxe d'un support plastique...  Paradoxalement, les gens n'ont jamais autant écouté de musique qu'aujourd'hui. Les sites d'échange, les plates-formes MySpace, les blogs, les pages personnelles : la musique est partout !

 

Yel

Yel, c'est Yel...

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Le départ de Pascal (guitariste) et son remplacement par Watch (multi-instrumentiste) ont poussé Yel à évoluer vers de nouveaux horizons sonores. Le nouvel opus, « Electrophone », conserve l'univers rock des albums précédents mais s'en voit agrémenté de quelques touches électro efficaces et de claviers émouvants. Les mélodies, toujours empreintes d'influences anglo-saxonnes (Muse, Placebo), viennent servir les textes d'un Jean-X qui prône avant tout l'émotion. 

Jean-X : Il faut être sincère. Je pense que c'est la seule chose qui peut payer sur le long terme. Etre vrai dans ce qu'on propose comme musique et dans ce qu'on propose comme textes. Sinon, on se perd dans des chemins obscurs. Et le fait d'être sincère et d'être touché par ce que le public peut apporter, ça se voit. C'est cet échange entre le public et le groupe qui peut faire que le groupe marche ou pas.

Vous sortez aujourd'hui votre troisième disque. En édition limitée, il est accompagné d'un cd bonus. Pourquoi ne pas avoir réuni tous les morceaux sur un seul disque ?

Jean-X : Initialement, on voulait faire un album qui soit plus vintage, dans le sens de l'écoute. Un peu le style qu'on pouvait avoir dans les années septante. Il n'y avait que ça d'ailleurs : des vinyles avec trente minutes de musique d'un côté, trente minutes de l'autre (NDLR : c'était pas deux fois vingt minutes ?) On voulait revenir à ce format-là. C'est un format sympa d'écoute : avoir vingt-cinq, trente minutes à écouter et après changer. Puis on est parti sur le concept de réaliser un double album au niveau du packaging, de l'objet. On voulait un bel objet et le projet a évolué : on a gardé le double album, ce côté tactile, mais on a un peu changé le concept dans le sens où on a fait un cd onze titres et un cd bonus. Finalement, on n'est pas si loin du projet initial puisqu'on a d'un côté 40 minutes et de l'autre 20-25 minutes.

Le groupe a changé de composition : Pascal (le deuxième guitariste) est parti et a été remplacé par Watch que l'on retrouve aux claviers, à la basse et aux programmations. Cela témoigne-t-il d'une volonté du groupe d'évoluer vers de nouvelles sonorités ?

Jean-X : Oui. Quand il y a eu un changement de line-up, on cherchait une personne avec qui le courant passait et qui pourrait faire évoluer le son. On avait déjà fait un concert avec Watch et le courant passait très bien humainement et musicalement. On s'est dit qu'on allait essayer et ça a bien marché dès le début. On a vu que le son évoluait naturellement. Il n'y avait pas vraiment une prise de position par rapport à ça. Le fait que Watch arrive, le son a évolué. C'est très positif. C'est un peu les circonstances de la vie qui ont fait que le son a évolué.

Sur cet album, on retrouve l'influence de Noir Désir, mais également de Muse ou Placebo. Toutefois, on retrouve aussi quelques touches électro. Qu'écoutiez-vous durant l'enregistrement de ce disque ?

Watch : C'est assez étonnant parce que, de mon côté, j'écoute vraiment peu d'électro. Par contre, j'écoute pas mal de groupes rock qui ont une touche électro, style Placebo. Mais au niveau électro pure, peu. Au niveau des influences, j'écoute beaucoup plus de rock qu'autre chose. Ca reste classique, pas mal de groupes anglophones : Muse, Placebo, … des choses comme ça.

J-X : Moi je n'écoute absolument rien. Je suis dans le trip studio.

La première chanson du cd, « Est-ce que tu l'entends », donne le ton d'entrée de jeu : Yel est un groupe de rock qui chante en français. Est-ce important, pour vous, de rester fidèle à votre langue ?

Jean-X : Le français reste pour nous une évidence. C'est un challenge aussi de faire du français avec du rock'n'roll. Mais ça marche.

Le texte compte autant que la mélodie?

Jean-X : C'est complémentaire. Il y a une émotion qui est dégagée par la musique et le texte prend le relais pour poursuivre l'émotion. Ca va de pair. On pourrait mettre un texte en anglais dessus, ça pourrait fonctionner.

Vous n'avez jamais souhaité sortir un disque en anglais ?

Jean-X : On ne dit jamais ‘jamais’. Mais pour l'instant non. Les textes qu'on propose ne sont pas des prétextes. Je me rappelle d'un chanteur qui disait : 'ben voilà, moi je m'amuse à recopier les sous-titres de certains films pour les mettre dans mes chansons'. Je trouve ce choix pauvre d'un point de vue artistique. Il existe des lyricistes en Belgique qui manient la langue de Shakespeare, bien mieux que moi et qui ont des choses à exprimer. Je parle l'anglais, mais je suis incapable d'écrire de la poésie ou d'exprimer clairement une idée dans cette langue. 

Dans « La nuit, le jour », vous parlez de dépendance. Est-ce de la cigarette dont vous parlez ? 

Jean-X : Tout à fait ! Comment tu as trouvé ?

Londrès, Manille, Danita… Mais à première vue on pourrait croire à une dépendance amoureuse…

Jean-X : Une dépendance, c'est une dépendance. Ce qui est intéressant, c'est de voir qu'en disposant d'une trame assez large, au niveau du thème, au niveau des mots, on arrive avec son vécu à pouvoir penser et à pouvoir voir des choses que d'autres verraient différemment. Mais effectivement, le morceau a été écrit par rapport à une dépendance à la cigarette. 

« Nos raisons de passages » est le morceau le plus agressif de l'album. C'est également le seul texte qui raconte une histoire qui ne semble pas personnelle…

Jean-X : C'est le seul morceau qui est au premier degré. C'est plus facile parce qu'on prend un endroit et on le décrit. J'ai l'impression que c'est plus facile mais c'était un peu un exercice de style. C'était s'essayer à autre chose et comme le morceau était très carré, je voulais un texte très brut. Quand je parle de mes billes et mon chien, c'est très brut aussi, c'est terre-à-terre et ça colle bien à la musique. 

Sur ce disque, vous posez beaucoup de questions (« Faut-il », « Pour le meilleur »). Vous vous interrogez sur la vie, la mort, les relations humaines, la société… Quelle est la question que vous vous posez le plus souvent ?

Watch : Quand est-ce que je bois une bière ? (rires)

Jean-X : Personnellement, je me pose plein de questions sur la vie, la mort. Où sera-t-on dans vingt ans au rythme où on vit maintenant ? Il n'y a pas une question en particulier mais des questions qu'on se pose tous à mon avis. J'ai la chance de pouvoir les mettre en chanson.

Vous écrivez la plupart des textes. Le reste du groupe les accepte toujours ? 

Watch : Il est très rare qu'un texte ne soit pas accepté, car on est toujours en admiration devant ses textes. Une seule fois, un texte a été remis en question ; et encore pas par tout le monde. Personnellement, j'ai toujours été en admiration devant cette faculté d'écriture et je n'ai jamais ni pensé ni osé émettre la moindre critique. 

« Rien d'autre que toi » parle de la recherche d'identité et de bonheur et « J'oublie » décrit un monde dominé par l'argent, où l'on se pervertit pour pas grand chose. Vous pensez que le bonheur ne peut être qu'individuel ?

Jean-X : On se retrouve aujourd'hui à vivre des bonheurs individuels. Pour l'instant, notre société vit une crise d'adolescence. On veut de la liberté mais en même temps on a besoin de sécurité. On ne sait pas trop comment se positionner. Je pense qu'il va y avoir un retour aux valeurs, où le bonheur ne sera plus individuel comme ce qu'on peut vivre maintenant parce qu'on est occupé à se chercher. Je pense qu'on va revenir à des choses beaucoup moins futiles que celles vécues aujourd'hui, beaucoup moins matérielles aussi. Demain, l'environnement ne va pas aller mieux mais je pense que les relations vont s'améliorer.

Pourtant vos textes sont en général pessimistes…

Jean-X : Oui, mais c'est aussi pour ouvrir les yeux du public et faire ressentir certaines choses aux gens en disant : 'regardez, n'y a-t-il pas moyen de faire quelque chose ?'

Certains vous comparent à Kyo. Et en particulier sur des morceaux tels que « Mon âme » ou « Rien d'autre que toi ». Qu'en pensez-vous ?

Jean-X : On nous compare à Kyo, à Pleymo et à Noir Désir. Les deux précédents albums c'était Noir Désir parce qu'ils commençaient à récolter du succès et on les entendait partout. Ici, Kyo a percé depuis 2-3 ans. Or, notre album était déjà sorti ; donc on ne pouvait pas nous le faire. Kyo c'est un groupe français qui fait du rock, comme Pleymo. On apprécie d'être comparé à des groupes de cette trempe. Ce sont quand même des groupes de grande envergure ; ce qui veut dire que la qualité musicale existe aussi. Je pense qu'on a tous en commun, eux comme nous, les mêmes influences anglaises. On les a digérées chacun de son côté et, aujourd'hui, on restitue ce qu'on a entendu, ce qu'on a vécu, ce qu'on a ressenti. A part ça, je pense que si à l'époque, on était un ersatz de Noir Désir, on n'existerait plus. Le public a vu qu'il y avait autre chose. Le troisième album va encore montrer que Yel, c'est Yel.  

Dans « Pour le meilleur », vous dites : 'pour le meilleur, je ferai le pire, pour notre meilleur avenir'. Quel serait votre meilleur avenir ? Quel serait le pire que vous puissiez faire pour y parvenir ?

Jean-X : Le meilleur avenir ? Pour l'instant c'est que l'album fonctionne en Belgique au moins aussi bien que les deux premiers voire mieux et puis d'avoir une diffusion plus internationale dans les pays francophones : en France, en Suisse, au Québec… On sera distribué en France et en Suisse. Maintenant faut voir à quelle échelle. Et puis nous espérons accomplir une tournée. Mais une vraie tournée, digne de ce nom. Le pire qu'on pourrait faire pour y arriver ? Je pense que, dans ce métier, il n'y a pas de trucs pires à faire…

Mais il y a des sacrifices…

Jean-X : Oui, en même temps les sacrifices sont le passage obligé pour exercer ce métier qu'on veut faire. Ici, les sacrifices sont difficiles à vivre parce que ce sont surtout des sacrifices familiaux, d'argent, etc.… mais ça vaut toujours la peine d'aller rencontrer le public ailleurs. Il y a toujours un retour équivalent aux sacrifices consentis.

Dans « Se manquer », vous chantez : 'Juste se manquer sans se perdre, je nous défends de nous défaire'.  Ce titre n'aurait-il pas pu s'appeler aussi « Intimes illusions » ?

Jean-X : En fait, ce morceau a été écrit en pensant au public, car il y avait très longtemps qu'on n'avait plus tourné en Belgique (un an et demi). C'est un morceau pour dire qu'on est là et qu'on voit que vous êtes toujours là. On peut se manquer mais pas se perdre. Parfois, c'est bien parce que les retrouvailles sont d'autant plus intéressantes. Ce n'est pas grave de quitter quelqu'un, de dire au revoir quand on sait qu'il y aura un retour. Pendant toute la période d'absence, on nourrit quelque chose et quand on se retrouve, c'est d'autant plus fort. C'est un peu le message qu'on voulait faire passer : le public est toujours là et ça nous fait chaud au cœur.

Maximilian Hecker

Il n'y a pas de la tristesse sur cet album...

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En 2001, « Infinite love songs », chef d'œuvre du genre, révélait au grand jour le nom d'un artiste enchanteur. Cinq ans plus tard, Maximilian Hecker sort son quatrième album, 'I'll be a virgin, I'll be a mountain'. Mélodies aériennes, voix céleste, il continue à ériger cet 'univers parallèle', en quête de pureté. Romantique, oui. Mais certainement pas triste. Selon lui…

Comment doit-on interpréter le titre de votre album, « I'll be a virgin, I'll be a mountain »?

C'est un désir d'atteindre différents états. Je pense que c'est un désir humain naturel : la paix intérieure et la pureté. Une envie d'échapper à la réalité, pour atteindre un monde qui est ailleurs. Par exemple, dans le christianisme, cet 'univers parallèle' est le paradis. C'est similaire ici: il ne doit pas être le paradis chrétien mais un endroit où l'être humain est libéré de son corps et de ses besoins de la vie réelle. C'est, en fait, une image très facile…

Dans la chanson éponyme, vous chantez: 'I'll be a virgin when I reach you, I'll be a mountain when I touch you'. Ca pourrait être sexuel…

Non, bien sûr que non. Le sexe est bien trop réel.

Certaines chansons (« Messed-up girl » entre autres) rappellent fortement la musique de Paul Simon. Est-ce une influence pour vous ?

Oui, c'est une influence et il y en a d'autres: Bob Dylan et des groupes plus récents, Radiohead par exemple, Grandaddy…

Comment vous situez-vous dans un paysage musical allemand plus orienté vers l'électro que la pop ou le folk?

Je m'en fous. Comment cela pourrait-il m'affecter? Tant que le gouvernement allemand ne me force pas à faire de la musique électronique…

A deux reprises (« Snow White » et « Feel like children ») vous citez Blanche-Neige. Cette histoire vous inspire ?

Blanche-Neige a été empoisonnée. Elle était entre la vie et la mort. Mais elle n'est pas morte : quand ce gars est venu après un certain temps, elle s'est réveillée. Dans ce conte de fées, le paradoxe est possible : quelqu'un expérimente une paix éternelle et le silence tout en étant vivant. C'est un état intéressant.

Dans "The saviour", vous déclarez: 'there's nothing in this world to save my life'. C'est très dur…

Dur pour qui? Beaucoup de choses dans ce monde ne sont pas très heureuses. La mort est une question de culture. Elle n'est pas toujours envisagée comme une fin, c'est juste quelque chose qui arrive au cours d'un processus. Dans d'autres religions, c'est un cercle: la mort n'est pas considérée comme quelque chose de négatif. Pour moi, ce n'est pas négatif non plus. C'est juste une porte pour cet état, cet autre monde où l'on peut finalement ressentir cette paix éternelle. C'est quelque chose que tout le monde attend, la raison qui explique la lutte d'être en vie. Si les auditeurs rentrent dans cette idée, ils comprendront que je n'essaie pas de sonner triste. C'est l'inverse.

L'album s'achève sur ces mots: 'I lose my daydreams, I lose my colours, I lose my longing, I find myself' ("Grey"). Est-ce votre façon de conclure? Il y aurait plus d'espoir que de tristesse ?

Il n'y a pas de tristesse sur cet album. Selon moi, les choses tragiques et le désespoir sont très romantiques. C'est juste un état avant la liberté et la paix. Ca peut sembler paradoxal mais peut-être pas. Par exemple, les gens ont toujours écrit des drames pour le théâtre ou le cinéma. Créant un effet sur les spectateurs qui les regardent. Personne ne va voir le film Titanic pour déprimer davantage ensuite, mais pour se sentir transporté et être dans un bon état d'esprit. Et même pleurer a quelque chose de cathartique. Dans les moments de profond désespoir, tellement existentiel, vous anticipez déjà ce qui arrive après le moment cathartique. Ceci explique que quelque chose ici peut sonner triste ou est lié à la souffrance. Vous aimez vous faire du mal ?

Pas spécialement…

Donc si vous écoutez l'album, ce n'est pas pour vous faire souffrir, il doit y avoir une raison… Je pense que si vous n'écoutez pas les paroles, par exemple, et que vous n'écoutez que la musique, le sentiment que vous avez est chaud, positif. Même si les gens appellent cela de la musique triste, l'effet est contraire. Il existe beaucoup de musiques qui peuvent communiquer un sentiment de tristesse. Celle de Radiohead, par exemple. Mais les gens l'écoutent et ont un sentiment positif. Peu importe comment cette musique est baptisée ; ce qui compte c'est qu'on se sente bien en l'écoutant.

Étonnamment, certains vous comparent à James Blunt. Vous admettez la comparaison ?

Je ne connais pas vraiment la musique, je devrais vérifier. C'est plus pop, plus propre, non ? Peut-être est-ce le cliché de quelqu'un portant des longs cheveux, s'accompagnant à la guitare et écrivant des chansons d'amour. Au passage, je n'ai jamais composé une chanson d'amour. Si j'étais membre d'un groupe, personne ne me comparerait à James Blunt. Lui et moi utilisons juste un nom. Sa musique et la mienne ne sonnent pas vraiment comme de la musique de songwriter. Elle émane d'un groupe avec batterie, etc… Clichés.

Dernière question, on parle souvent de vos cheveux. Quel est votre secret ?

Le fait est que Liam Gallagher imite les Beatles et j'imite Liam Gallagher. Il n'y a donc aucun accomplissement personnel. C'est truqué.

Emily Loizeau

Sur la branche du bonheur

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L'hiver se prolonge, se tire en longueur. Dehors, les manteaux en peau d'hermine croisent les bonnets en laine. Ce ballet coquet ne suffit pas à réchauffer nos cœurs. Ni nos humeurs. Pas le temps de se lamenter. L'heure c'est l'heure. Et, en plein cœur de Bruxelles, nous poussons les portes battantes d'un café capital, où on nous assure qu'ici, 'l'échec est un jeu'. Le concept est intriguant. Plus intéressant encore, l'endroit est l'antre d'une rencontre éphémère, volatile en compagnie d'Emily Loizeau. Plutôt terre-à-terre, la jeune femme aime pourtant prendre l'air, s'envoler dans son imaginaire. Loin là-bas, à « L'Autre Bout du Monde », elle chante son premier album. Un disque déroutant, séduisant. Ne reste plus qu'à laisser le charme agir. Et taire les noms d'oiseaux. Ils sont bien mieux dehors.

Emily, peux-tu nous parler de toi, des expériences qui t'ont menées à « L'Autre Bout du Monde » ?

Pour me présenter : j'ai 31 ans et aucun complexe. C'est un bel âge. Depuis mes cinq ans, la musique rythme ma vie. Je me dirigeais alors vers une carrière de pianiste classique. Jusqu'à l'âge de 19-20 ans à peu près. Ensuite, j'ai bifurqué vers des études de philo et vers le théâtre. Puis je suis partie à Londres pour y fréquenter une école de théâtre. De retour en France, j'ai travaillé sur deux spectacles comme assistante à la mise en scène. La musique classique a donc représenté une grande partie de ma vie. Mais l'envie d'en faire mon métier s'est peu à peu dissipée.

Comment expliques-tu ce genre de 'rêves évaporés' ?

C'est souvent le cas pour les choses que l'on commence dès le plus jeune âge. Est-ce que c'est ça que j'ai envie de faire ? Est-ce moi qui ai choisi cette vie ? Est-ce que cela s'est fait tout seul ? De ce point de vue, le théâtre a constitué une étape intermédiaire intéressante. En y travaillant, je suis revenue à la musique. Et ce n'était pas un choix ! Au départ, j'écrivais quelques chansons pour moi. À Londres, j'étais privée de mon piano. J'avais acheté un accordéon et m'amusais à écrire quelques chansons. En ce sens, il s'agissait peut-être d'un manque. Mais au fond, il n'y avait aucun objectif professionnel. De fil en aiguille, à force de petits concerts et de nouvelles chansons, j'ai réalisé que je souhaitais vraiment chanter, faire de la musique. L'idée du disque est ainsi apparue…

Cette idée s'est-elle concrétisée rapidement ?

Pas vraiment. En fait, je suis quelqu'un d'assez perfectionniste. Mais je désirais vraiment sortir un bon premier album. C'était important pour moi ! Je ne suis pas fâchée d'avoir attendu. Mes premières compositions ont presque cinq ans. Mais avec du recul, je suis heureuse d'avoir pris le temps. Il faut toujours se laisser le temps d'évoluer. À l'époque j'étais jeune dans le métier, je ne voulais pas me presser. Mais en observant autour de moi, je me suis rendue compte que mon cas était un peu à part : dans la spontanéité, certaines personnes sont, en effet, capables de sortir quelque chose de très abouti. Bon, ce n'était pas mon cas… J'éprouvais le besoin de creuser, un désir d'exprimer clairement mes sentiments, ma personnalité. Ce qui demande pas mal de réflexion. Je suis assez méfiante à l'égard de la vitesse, de la rapidité. Car, même si on connaît des éclairs de génie et qu'ils engendrent une impression de finition, le fond est-il suffisamment solide sous ces propos spontanés ?

Finalement, « L'Autre Bout du Monde », ton premier album, est atterri sur le label Fargo. Comment cela s'est-il passé ?

C'est une belle histoire. Pour le coup, je commençais à me sentir prête à sortir un disque. Je savais exactement comment mon album devait sonner, je ne pouvais plus attendre ! Mais comme j'aime prendre mon temps, j'ai pris un an à démarcher de maison de disque en maisons de disques. Je ne suis donc pas atterrie chez Fargo par hasard. J'ai eu la chance de rencontrer l'équipe des Franco'folies, dont le patron Jean-Louis Foulquier, qui m'a beaucoup soutenue. Elle m'a permis de participer à des concours dont celui de la fondation 'La Poste'. J'ai eu l'opportunité de remporter ce prix, financièrement appréciable. Et j'ai évolué vers davantage de professionnalisme en réalisant un mini album autoproduit. Il n'a jamais été commercialisé. Je m'en suis juste servie pour démarcher auprès des maisons de disques. Mais au fil du temps, j'en ai eu assez de tous ces démarchages. Cependant, j'ai beaucoup appris durant cette période. Une expérience qui a forgé mon caractère. Certains me disaient d'attendre encore. Mais je n'en pouvais plus. D'autres d'écrire encore. Mais mon disque était prêt ! Il était grand temps que la situation évolue. Alors, je me suis lancée. J'ai enregistré mon disque pour, ensuite, essayer de le vendre à un label…

Et c'est de cette façon que tu es arrivée chez Fargo…

Et non ! L'histoire n'est pas encore terminée : cette année-là, j'ai eu la chance de découvrir Andrew Bird sur scène. J'ai complètement flashé sur sa musique. C'était une claque énorme. À partir de cet instant, c'est devenu une obsession : je voulais qu'Andrew joue sur mon disque. Alors, je me suis réveillée un matin en me disant : « Bon maintenant, c'est fini ! On se prend en main. J'enregistre ce disque et téléphone à Andrew Bird ». Alors, j'ai téléphoné chez Fargo. J'ai pu parler à Michel Pampelune, le directeur du label. A ma grande surprise, il m'a confié qu'il aimerait recevoir un de mes disques, juste pour écouter, se faire une idée. Depuis, on ne s'est pas quittés. Et je suis la première signature française du label.

Le label est établi à Paris. Le plus souvent, les signatures sont américaines. Ta présence chez Fargo est donc riche d'enjeux. Ressens-tu une certaine pression à cet égard ?

Aucune. Au contraire, je trouve cela très stimulant et encourageant. Je considère qu'ils sont autant importants pour moi que je suis importante pour eux. Je crois que j'aurais eu beaucoup de mal en me retrouvant sur une grande maison de disque. Bien sûr, me retrouver dans une grande maison de disques aurait pu être bénéfique. Mais le fait d'être 'une artiste' parmi tant d'autres m'effrayait un peu. Je ne voulais pas être-le-projet-du-moment. Etre rapidement écartée si les chiffres ne suivaient pas. Il ne faut pas s'en cacher : c'est de cette façon que les choses fonctionnent. Chez Fargo, je parle au patron tous les deux jours, on élabore un vrai boulot d'équipe. Ici, on est tous dans le même bateau et cette implication a quelque chose de très artisanal.

Selon toi, ce rapport humain sera-t-il une solution à préconiser pour permettre au disque de sortir de la crise ?

Tout le monde soutient que le monde du disque traverse une période difficile. Une époque qui génère la crainte de voir disparaître le disque, où les gens se retrouvent au chômage, où les musiciens et les chanteurs se font virer, etc. En même temps, notre époque se caractérise par un foisonnement de créations. C'est une situation paradoxale. Qui crée une morosité palpable dans certains réseaux. Et puis, d'autres réagissent à contre-courant. Aujourd'hui, la logique a changé. Les artistes ne cherchent plus absolument à être le prochain single radio. L'originalité marque la différence. Cette affirmation se vérifie de plus en plus. Chez Fargo, nous cherchons à construire quelque chose de solide, de différent. Et pas à bâtir un succès en claquant des doigts.

Ton disque transpire de féminité. Est-ce important pour toi d'exprimer ce côté féminin ?

La féminité qui se dégage du disque, c'est une partie de moi, pas du tout calculée. Je suis ainsi faite. Le côté féminin passe par certaines chansons comme « Jalouse », « Je ne sais pas choisir », « Boby Chéri ». Après, on passe à autre chose. L'enfance et la mort constituent, à mes yeux, les piliers du disque. Le rêve, le cauchemar et la mort sont des thématiques qui m'attirent énormément.

Ce qui explique pourquoi ton disque saute aisément de la déprime à l'allégresse…

Exactement. Et puis, le disque a été écrit en quatre ans. A cet égard, j'ai beaucoup évolué dans mon écriture, dans ma manière de chanter. Mais je n'ai jamais eu envie de gommer ces différentes facettes de mes chansons. Mon écriture peut se révéler légère ou tragique. Plutôt que de gommer les différences, je pense qu'il convient de les accentuer. Il faut s'accrocher à ses différences. Etre soi-même, c'est la plus grande source de différence. En ce sens, les petites différences de mon album, c'est une grande part de moi. Cet album, dans son ensemble, c'est ma personnalité. On y retrouve mon obsession pour le cauchemar, la mort. Ce disque a, dans un certain sens, une fonction cathartique. J'ai dû essuyer un deuil en 1998, vivre des périodes difficiles, d'autres plus agréables. Tous ces éléments s'expriment sur le disque. « L'Autre Bout du Monde », c'est le besoin de survivre, de rire de ces choses, d'assumer ces angoisses. C'est aussi une manière de prendre de la distance par rapport aux problèmes personnels.

Tes chansons respirent la joie de vivre. Mais tout n'est pas rose. Est-ce facile pour toi de chanter l'amour et la mort, des sujets opposés par le sens ?

Dans « Je ne sais pas choisir », on retrouve ce contraste. Dans un premier temps, l'atmosphère est décalée et puis, la chanson s'achève par l'histoire d'un enfant qui exprime son désir de mourir tel jour. Et qui, finalement, se dit que cela peut attendre demain. Parler de la mort avec la distance de l'enfance, c'est naturel pour moi. Je pense que ce sont deux thèmes qui se rejoignent. Sortir de l'enfance, c'est se retrouver seul face à la mort. Mais tu dois toujours conserver une part d'enfance en toi, car c'est ce qui te sauve ! Parler de la mort sur un ton léger ne m'est pas étranger. Cela fait partie de moi.

A la fin de « Jasseron », on entend des bruits étranges. Qu'est-ce que c'est ?

Ce sont les bruits de ma rue, à Belleville, à Paris. Mais comme j'ai du double vitrage, aucun problème !

Le titre de ton album est aussi le titre d'une des chansons de l'album. Pourquoi ? Résume-t-elle ton disque ?

Le résumer ? Non, ce serait réducteur pour l'album. C'est la chanson dont je me sens la plus fière. Cette chanson me parle. Elle évoque un monde imaginaire, comme sur la carte qui accompagne le livret du disque. C'est une sorte de vieille carte du 16e siècle dont les pays imaginaires sont baptisés du nom des chansons. On va penser que je suis obsédée. Mais le thème du cauchemar est de nouveau d'actualité dans cette chanson. « L'autre bout du monde » parle d'un rêve où je rencontre quelqu'un qui est mort et qui m'a manqué. Et cette personne me soutient que je me suis trompée, qu'elle n'était pas décédée, qu'elle vivait juste à l'autre bout du monde. En règle générale, je me souviens très peu de mes rêves. Mais celui-là est récurrent. Ce rêve est à la fois magique et tragique. D'un côté, on se dit que c'est génial de retrouver cette personne en chair et en os. Et d'un autre côté, c'est horrible, puisqu'on se rend compte qu'on l'avait oubliée. Oublier une personne qui nous manque, c'est l'évocation d'une culpabilité énorme. Pour le reste, « L'Autre Bout du Monde », c'est un peu mon pays des merveilles !