Lorsque Michael Gira s’est produit à Dour, en juillet dernier, il était seul. Se contentant de chanter en s’accompagnant à la guitare acoustique électrifiée. Et il avait fait une très bonne impression, sans plus. Pour enregistrer le sixième album d’Angels of Light (septième si on compte son split cd) depuis la séparation du mythique Swans, Gira a reçu le concours d’une ribambelle de collaborateurs. Se partageant une multitude d’instruments dont les plus insolites sont le ‘drumbone’ (une sorte de trombone) et le tympanon. Les musiciens d’Akron/Family sont de la partie. Michael et cette formation avaient justement partagé ce split cd en 2005. Le guitariste Christoph Hahn et le drummer Bill Rieflin (deux ex Swans, impliqués aujourd’hui dans de multiples aventures) et la violoniste Julia Kent, membre d’Antony and The Johnsons, figurent également parmi les invités. Il y en a bien d’autres, mais les énumérer tous serait fastidieux et cette chronique atteindrait facilement les 50 lignes. Ce n’est pas le but.
Bref, venons-en à cet opus découpé en 12 fragments. Déchirée entre charme et perversité, mauvaise augure et excitation, la musique est souvent distordue, urgente, hypnotique, spectrale et ténébreuse. Mais parfois aussi pastorale (« The man we left behind », valse lente qui aurait pu figurer au répertoire d’un Sophia), ensoleillée (le cuivré « Joseph’s song »), allègre (une trompette et un clavier vintage animent la mélodie pop de « Sunflower’s here to stay », chanson au cours de laquelle on a envie de frapper dans les mains). Trois moments qui démontrent que Gira est occupé de combattre ses démons intérieurs et qu’il est peut-être occupé de retrouver la paix au fond de son âme. Mais le reste de l’opus renoue avec ses tourments rituels, s’abandonnant même dans l’amertume, le ressentiment et le doute perpétuel (« Promise of water »). Le blues lui sert également de véhicule pour épancher ses émotions. Mais un blues urbain, vaudou, comme chez Nick Cave. A l’instar de « Black river song », au cours duquel la voix austère de Gira se conjugue habilement avec une voix féminine. Ou l’excellent titre maître, fruit d’une rencontre hypothétique entre le Velvet Underground et Captain Beefheart. Hormis l’enlevé quoique angoissant « Good Bye Mary Lou », fragment de country apalache abordé dans l’esprit d’un 16th Horsepower, le reste de l’album évolue sur un tempo indolent. Tout d’abord le paisible mais douloureux « Sometimes I dream I’m hurting you », avant que fluidifié par un orgue rogné le fragment emprunte un tempo tribal. Le très lent « The visitor », caractérisé par des cordes de guitares carillonantes et un violon hantant. Et puis, en final, le très très lent, voire slowcore « Star chaser ».
Un superbe album, mais que je déconseille vivement aux personnes dépressives. La mélancolie y est trop envahissante.