Coincé entre plusieurs retours et quelques instruments laissés à l’abandon par les Montréalais de Silver Mt. Zion, The Strange Death of Liberal England tente fébrilement de happer l’attention d’un public dispersé. On les comparerait déjà à GY!BE, et bien sûr la référence s’avère paresseuse : ici les guitares et même l’élan collectif (une fille, quatre types) ne pèsent pas lourd dans le calcul, il manque à ces jeunots des titres forts et de la carrure sonore.
Pour le déluge sonique tant espéré, Christian Fennesz s’occupe de tout, et tant pis s’il fait 27° sur les trottoirs du Boulevard Anspach. Bien planqué derrière sa guitare électrique et son laptop riche en textures malignes, l’Autrichien fait patiemment monter la sauce : après une demi-heure de soundscapes bourdonnants dont les effets sur le cortex valent bien une grosse bronchite, notre homme appuie sur la touche ‘stop’ et disparaît tel un spectre de notre champ de vision. Nos oreilles, elles, n’ont pas encore conscience du silence qui trop soudainement a repris l’avantage : ce barnum ambient-noise, qui s’insinue en nous tel un reptile en mue, n’a pas complètement disparu de notre environnement intime. Il y dort, s’y tapit, et resurgit parfois dans le fracas urbain de nos vies esseulées : « Endless Summer » vient d’être réédité et recèle deux tracks supplémentaires ? Nous ne sommes qu’au mois d’avril et déjà c’est l’été : décidément Fennesz est bien un artiste d’avant-garde.
Avant Constellation on ne parlait pas tellement du Canada dans l’atlas des musiques qui comptent, et encore moins de post-rock, une étiquette qu’Efrim, ce soir, piétinera avec emphase (‘Et y a ‘core des gens qui osent dire qu’on fait du post-rock !!!’). Même si Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra & Tra-La-La Band se compose (en gros) des mêmes zigues à la base du label et de Godspeed (Efrim donc, mais aussi Sophie, Thierry, Beckie, Ian, Jessica et Scott : évitons les noms de famille, puisque Constellation est une grande famille), il s’agit ici de faire la distinction. Silver Mt Zion est avant tout un groupe vocal, du moins depuis deux ou trois ans : choral même, incantatoire à sa manière, empruntant ses gimmicks aux chants liturgiques et à la musique klezmer. ‘Nous allons vous jouer surtout des nouveaux morceaux’, déclare d’entrée de jeu Efrim, de profil face à l’un des cinq microphones qui tracent un cercle au milieu de la scène. C’est parti pour une longue rêverie quasiment inédite, comme au Botanique il y a deux ans, dont ressortira l’immense « One Million Died To Make This Sound », la chanson, le refrain, scandé en chœur pendant de longues minutes cathartiques, au-delà de la patience de certains spectateurs (surtout un seul, interpellé d’ailleurs par le groupe lors du rappel). En guise de classiques aux envolées magiques, les fantastiques « Mountains Made of Steam » et « Take These Hands and Throw Them in the River », sans parler de ce « BlindBlindBlind » encore non disponible sur disque mais qu’on avait entendu, bouche bée, l’année dernière au Cirque Royal. ‘Imagiiiine the vuuuue…’ : une heure de pure lévitation électrique et tendue, vers un ailleurs utopique mais tellement rassurant, mélancolique et politique. Vivement l’été, le vrai, que sorte enfin ce cd live !
Org : AB Brussel – Dominofestival