Lorsqu’on est chroniqueur, rien de tel d’apprendre qu’une prévision se concrétise. Surtout quand elle est favorable. Suivant ce que j’avais présagé, il y a quelques mois, tout particulièrement en consacrant quelques lignes à son dernier elpee solo, (« Learning to Bend »), le violoncelliste folk Ben Sollee jouit enfin d’une certaine reconnaissance…
Quel plaisir donc de le retrouver sur un nouvel opus, édité pour la circonstance chez Sub Pop, dont il assure la paternité en compagnie de Daniel Martin Moore, un guitariste folk tout aussi doué.
« Dear Companion » propose des compos trempées dans l’americana et le bluegrass. Des morceaux dont l’authenticité et la profondeur transpirent le Kentucky sudiste. Pourtant, les deux acolytes prennent bien soin de ne pas s’enfermer dans la tradition. Si les mélodies sont agréablement surannées, elles ne virent jamais au revivalisme. Ce qui explique sans doute pourquoi leur musique est considérée comme néo folk. Dan et Ben se partagent l’écriture des chansons de ce « Dear Companion ». Leurs voix souvent alternées sont pourtant très complémentaires. Le climat ambiant est doux, raffiné, parfois jazzyfiant. Cher à Andrew Bird, le picking se taille la part du ‘bison’ ; mais les banjos ont également leur mot à dire. Les arrangements sont sophistiqués. Faut dire que la production a été confiée à Jim James, un autre natif de Kentucky, et surtout le célèbre leader de My Morning Jacket ; à mon humble avis, la mise en forme est néanmoins parfois un peu trop lisse. Au sein du tracklisting, j’épinglerai cependant le bouleversant et intimiste « Only a Song », caractérisé par de superbes lyrics, « This is only a song, it can’t change the world » également, ainsi que les plus allègres « Dear Companion » et « Something, Somewhere, Sometimes », qui lorgnent vers le Ben Harper des débuts.
Tout en manifestant une pointe de conscience politique bienvenue, Ben Sollee et Daniel Martin Moore sont des artistes dignes de leur maître, Andrew Bird. A cause de leur musique, tout d’abord. Et puis de leur engagement écologique. La vente de cet opus est destinée à récolter des fonds pour aider les associations qui s’opposent à l’implantation des compagnies charbonnières, dont le seul but est d’exploiter –honteusement– les montagnes des Appalaches… Digne de Guthrie ! Cet album ne changera pas le monde, mais il est très susceptible d’apporter sa pierre (NDLR : de houille ?) à l’histoire de la musique américaine. Et ce n’est déjà pas si mal…