Les Fleshtones, c’est l’archétype du garage band. Inspiré à l’origine par le rock des Yardbirds, Count Five, Sam the Sham & the Pharaohs, Question Mark & The Mysterians, Suicide et par le rhythm’n blues coloration ‘stax’, les Fleshtones voient le jour en 1976, et vont s’imposer comme un des meilleurs groupes de scène, réputation qui leur vaut aujourd’hui un véritable culte. Et si leur 8ème album (« Forever Fleshtones ») se révèle moins crade et moins speedé, leurs qualités scéniques sont demeurées intactes. Le quatuor au grand complet avait voulu participer à cette interview. Ambiance…
Le fait que vous avez décidé de former le groupe parce que vous estimiez que la musique diffusée aux ‘parties’ n’était pas à votre goût, c’est une légende ?
Peter Zaremba : C’est exact ! Il n’y avait pas assez de bons vieux disques comme ceux de Lightnin’ Slim ou d’Iggy Pop. Alors on a pensé que ce serait bien de combler cette lacune. C’était avant que les Ramones ne commencent leur carrière…
Vous auriez voulu vivre les ‘sixties’ ?
P.Z. : Pour nous, il n’est pas important de retourner en arrière. Nous apprécions cette musique. Elle est excellente, excitante, mais bon, ça ne justifie pas d’avoir des regrets de ce type.
A ses débuts, les Fleshtones étaient comparés aux Barracudas. Vous connaissiez ce groupe ?
Bill Milhizer : Oui, mais les Barracudas n’existaient pas (rires). Au début, les Barracudas étaient comparés aux Fleshtones… Mais c’était quand même un bon groupe.
Huit albums sur cinq labels différents : les Fleshtones cherchent à concurrencer les Cramps ?
B.M. : Les Cramps n’ont pas les mêmes objectifs que nous. Ce qui nous est arrivé est accidentel. Aujourd’hui, nous sommes stabilisés. Nous venons d’enregistrer notre deuxième album pour Danceteria. Et c’est un record pour les Fleshtones ! Nous ne voulons plus vivre dans l’incertitude. Adopter le régime des Cramps doit être terrible. Pourquoi parles-tu des Cramps ?
Parce qu’il y a chez les deux groupes la même exploration des genres musicaux, le même esprit des adaptations, et le respect d’un style bien défini, pas une mode.
Keith Streng : C’est heureux que les Cramps existent. Un grand groupe ! Mais entre nous, il n’y a jamais eu de compétition. Nous avons même appartenu au même label.
P.Z. : Les Cramps sont nos amis depuis très longtemps. Nous avons travaillé ensemble pour la ‘Copeland Family’. Depuis cette époque, nous nous sommes liés d’amitié. Mais c’est vrai, et amusant aussi, qu’à l’origine, nous avions les mêmes sources d’inspiration.
K.S. : Alan Vega a également été important pour nous. N’oublie pas de le mentionner. Parce que Suicide fait partie de nos racines musicales…
Ne pensez-vous pas que « Roman God », enregistré en 81, reste à ce jour, le meilleur album des Fleshtones ?
K.S. : Non, ce n’est pas le meilleur. Mais probablement le plus important : il nous a permis de sortir de notre coquille. En Europe, et en particulièrement en France, il a coïncidé avec notre première tournée.
En devenant un groupe-culte, n’avez-vous pas l’impression, quelque part d’avoir un peu vieilli ?
Ken Fox : La vie, c’est la vie. Je en crois pas qu’un groupe-culte vieillisse plus qu’un autre. Nous préférons, de toutes manières, être un groupe-culte que rien du tout.
B.M. : C’est très bien un culte !
K.F. : Je ne suis pas fâché lorsqu’on nous dit qu’on vieillit, mais bien que notre culte vieillisse !
Dans le domaine du rythm’n blues et du garage, ne partagiez-vous pas, à l’origine, les mêmes idées que les Stranglers ?
P.Z. : Je n’ai jamais très bien compris les idées des Stranglers ; et encore moins leurs idéaux. Une véritable énigme. C’est le groupe le plus étrange qui ait existé. Un groupe mystérieux, obscur, qui n’a jamais exploré que son propre univers. Je les respecte. Ils sont apparus à la même époque que les Cramps et les Fleshtones. Et je pense que nous nous ressemblons tous dans nos différences. Chaque groupe est difficile à catégoriser. Ceux qui pensent pouvoir y parvenir, n’ont rien compris.
Etes-vous des collectionneurs de compilations ‘Peebles’ ou de vieux 45 tours ‘Stax’ ?
P.Z. : Non, je possède un bel éventail de disques et de 45 tours originaux, mais je ne suis pas un collectionneur.
K.F. : Lorsque tu es impliqué dans la musique jusqu’au cou, il est très difficile de te constituer une collection. Tu n’as pas suffisamment de temps pour fréquenter les boutiques de disques. Myriam Lennox des Cramps y parvenait, mais avec d’énormes difficultés.
« Forever Flesthones » a été produit par Peter Buck. Peter et Mike (NDR : Mills) jouent également sur le disque. Inévitablement, on ressent le feeling soft pop de REM dans les compositions. Ca ne vous a pas trop gênés ?
K.S. : Si !
P.Z. : Non (rires). Tu sais, nous avons élaboré le corps de la musique avant de rentrer en studio. Et à l’origine, il était plus doux !
K.F. : C’était inévitable ! Au sein d’une communauté aussi restreinte, si tu veux ajouter un peu de claviers, tu appelles Mike, et il rapplique sur-le-champ.
P.Z. : Le studio, c’est un peu sa vie.
B.M. : Peter Buck est un producteur formidable. Le meilleur que nous ayons eu depuis David Faulkner !
P.Z. : Mais son style est plus direct, alors que chez David, il est plus hermétique. David fait également très bien son job, mais il est plus strict. Peter est un type plus instantané. Il est du Sud. Très relax. L’album transpire cette tranquillité. Peter s’est investi à fond. Nous lui sommes très reconnaissants du fruit de son travail.
Vous êtes allés à Athens pour l’enregistrer ?
En chœur : De très, très, très nombreuses fois.
K.F. : Cet endroit était devenu notre seconde résidence.
P.Z. : il y avait même au bar, une banderole à notre attention : ‘Bienvenue aux Fleshtones à Athens !’ (rires)
Vous vivez toujours à New York ?
P.Z. : Absolument ! Mais pour l’enregistrement de « Forever Fleshtones », nous avons plus vécu à Athens qu’à New York…
Maganapop est également de cette région.
P.Z. : Peter, Mike et tous leurs amis ne jurent plus que par Magnapop. Nous on veut bien, mais à la fin, ça devenait vraiment de l’intox…
K.S. : S’il te plaît, ne nous cause plus de Magnapop aujourd’hui. (rires)
Vous êtes de grands fanas de musique australienne, paraît-il ?
P.Z. : Absolument !
K.F. : Hoodoo Gurus, Saints, Birthday Party, etc.
Died Pretty?
PZ. : Oui, mais ne mentionne pas notre nom si tu les rencontres. Lors d’une tournée en Australie, à Sydney, Ron Peno était tellement bourré qu’il a commencé à nous chercher misère. On s’est énervés, et puis on s’est tapé sur la gueule…
K.F. : Notre formation préférée est sans doute les Hoodoo Gurus. C’est le groupe le plus ‘groovy’ de la terre, etc., etc.
La wold cup aux States, ça vous intéresse ?
B.M. : (probablement distrait, il se lance dans une longue tirade sur l’organisation du festival anniversaire de Woodstock qui se déroulera en août prochain)
P.Z. : Hey Bill, c’est de la world cup de foot qu’on parle, pas de Woodstock ! (fou rire général)
B.M. : Ah… lorsqu’il y a une rencontre aux States, les gens semblent intéressés. Mais le lendemain, plus personne n’en parle. Ils reprochent au football de ne pas être suffisamment spectaculaire. Moi je préfère le base-ball.
P.Z. : La vérité est que les médias n’accordent pas l’importance voulue à ce sport. Pourtant, le soccer a aujourd’hui des structures qui n’existaient pas il y a dix ou vingt ans. On le pratique aujourd’hui dans le secondaire et les universités. Il existe un championnat. Et je pense qu’après la coupe du monde, les médias vont se rendre compte qu’il y a de l’argent à gagner en le popularisant. Ce sera le véritable déclic…
Interview parue dans le n°25 (juillet 94) du magazine Mofo.