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Danny Van Hemelen

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mercredi, 30 novembre 1994 01:00

Page & Plant redécollent…

La nouvelle a fait des heureux sur toute la planète, dès sa publication. Oui, 14 ans après la séparation, Jimmy Page et Robert Plant, les leaders du légendaire Led Zeppelin, se sont retrouvés et retravaillent ensemble. Mais attention, il n'est nullement question ici d'une reformation de Led Zeppelin.

Cette résolution, Plant et Page l'ont clairement rappelé à ceux qui, comme nous, avaient eu l'honneur et l'avantage d'être conviés à une conférence de presse parisienne précédée de la projection en avant-première du film ‘Unledded’ (NDR : il a depuis été diffusé sur MTV, dans le cadre d'un week-end consacré à Led Zeppelin). Le film est assez extraordinaire et c'est cette expérience qui est à l’origine de la collaboration nouvelle entre les deux ex-divorcés. Même qu’ils donnent aujourd'hui, en public, l'image un peu idéale du couple parfait. La conférence de presse, sera folklorique. Robert Plant maniant l'ironie (NDR : parfois un peu grinçante) avec beaucoup de savoir-faire, notamment à l'égard de quelques confrères européens dont il jugeait les questions un peu bateau. En avançant timidement le nom de Deep Purple, le téméraire a été mouché et retourné comme une crêpe.

Au Maroc et au Pays de Galles

Plant et Page ont donc réalisé un document extraordinaire. ‘Unledded’ a été filmé partiellement au Maroc, mais aussi au Pays de Galles. Il recèle aussi certaines séquences enregistrées live dans un studio de télévision anglais. Il met en exergue la grande ouverture d'esprit et la recherche évidente de nouveauté –et d'une nouvelle personnalité!– dont ont fait preuve les deux protagonistes dans le cadre de leur collaboration nouvelle.

Le cd ‘No Quarter’, dont la sortie est prévue le 7 novembre, est le prolongement purement musical de l'expérience et bénéficie, également, des mêmes qualités. Ce disque a toutes les chances de surprendre –et même très fort– ceux qui, à travers les retrouvailles de Robert Plant et Jimmy Page, n'imaginaient qu'un redécollage en bonne et due forme d'un dirigeable, avec les mêmes plans de vol. Même si ‘No Quarter’ épingle quelques chansons qui ont fait la gloire de Led Zep, il y a une marge.

Plant s’explique à ce sujet : « En ce qui concerne le choix des chansons du répertoire de Led Zeppelin que nous avons retravaillées pour ce disque, je suppose que nous l'avons effectué en fonction de nos possibilités actuelles, du confort physique que nous pouvions éprouver à les jouer, de leur compatibilité avec le projet dans son ensemble. II est clair qu'il y avait des chansons dont nous ne voulions pas ».

Mais venons-en à la genèse du concept que Bob commente : « MTV m'a jadis proposé de participer à une émission ‘Unplugged’. Je n'imaginais pas du tout assumer ce type de projet et jouer, dans le cadre d'une illustration de mes activités passées, des chansons de Led Zeppelin, sans la présence de Jimmy. Je lui en ai donc parlé. C'était en novembre 93. Et nous avons étudié la possibilité de réaliser cette aventure ‘acoustique’. Immédiatement, nous avons réagi de la même manière en nous disant qu'il serait vraiment dommage de nous limiter à interpréter, en version ‘débranchée’, des titres de Led Zep. Plutôt évoluer que revenir simplement sur ses pas. C'est ce que nous avons donc fait ».

Avec un beau résultat à la clé. A vrai dire, pour ‘No Quarter’, le duo a carrément ouvert la porte de son inspiration à la world. Certains morceaux ont été enregistrés à l’aide de musiciens marocains, égyptiens (NDR : ceux-ci utilisant leurs instruments, quelquefois cocasses). Sans oublier la participation du London Metropolitan Orchestra. Des plages aussi légendaires et imposantes que ‘Kashmir’ ou ‘The Battle of Evermore’ ont été complètement repensées en fonction du nouveau contexte de travail. Sans parler de celles spécialement écrites pour l'occasion. A propos de ‘Battle’, la version réservée à ‘No Quarter’ est magique, notamment grâce à la participation de Najma Akhtar, une chanteuse au timbre vocal absolument ahurissant, qui communique à la compo une dimension encore supérieure. Il y a aussi, dans ‘Kashmir’, un lumineux solo de violon...

Un bootleg japonais

Plant tient toujours le crachoir : « Nous voulions aller de l'avant et je suis fier du travail accompli. Mais l'ouverture que Jimmy et moi-même avons manifestée envers les colorations musicales orientales ne date pas d'hier. En 71 déjà, nous étions allés enregistrer en compagnie d’un orchestre local à Bombay, en Inde. Cet épisode est reproduit sur un très bon bootleg sorti au Japon ; je vous le recommande! Jimmy et moi avons été très marqués par la musique orientale. Je la trouve très belle car hypnotique, incantatoire, séduisante. Il en émane aussi cet esprit particulier lié au fait que, pour les gens qui la jouent, elle incarne une célébration. Elle ne nait pas d'un souci d'exploitation commerciale mais bien à l'occasion d'événements, de fêtes du calendrier, de mariages, etc. »

Au printemps dernier, Plant et Page se sont donc rendus au Maroc, à Marrakech. Ils ont rencontré les Gnaoui, membres descendants d'une population noire africaine jadis emmenée de force au Maroc pour y être exploitée comme esclaves. De leur collaboration sont nées trois chansons, ‘City Don't Cry’, ‘Wah wah’ et ‘Yallah’, des morceaux qui portent évidemment les larges marques de la culture musicale locale ; un retentissant mélange de culture orientale, de rock et de blues. Page commente : « Nous avons joué dans la rue à Marrakech. Au début, on voyait bien que les gens étaient surpris, amusés. Finalement, ils sont rentrés dans le jeu. Pour eux, peu importait qui faisait le ‘bruit’, ils se contentaient juste de ressentir ou pas ». Plant embraie : « Les gens des montagnes là-bas, qui jouent de la musique, utilisent des micros aussi performants que ceux que nous connaissons. Mais ils ont vraiment cette foi, en plus. Je crois que notre disque ne transmet pas l'aspect ‘sérieux’ qu'on attribue généralement à la world. D'ailleurs, ce serait bien qu'on arrête de considérer tout musicien qui ne parle pas anglais ou français comme un gourou extatique. Nous avons d’ailleurs aussi eu recours aux boucles sonores de Martin Meissonier (NDR : le mari d'Amina!) La musique orientale me remue à l'intérieur bien plus que la musique brésilienne, par exemple. J'aime beaucoup la samba, mais ce n'est pas la même chose ». Et il insiste : « II était très intéressant d'intégrer des musiciens d'origines et de cultures diverses à ce projet. Certaines chansons sont ressorties complètement changées. Certains musiciens nous ont apporté des choses très significatives. Ils nous ont aussi dégagé, Jimmy et moi, d'une partie de l'intensité, de la pression ».

Le duo ne s'est cependant pas contenté de cette coloration musicale particulière. Il a aussi cherché à retrouver certaines sonorités de la musique celtique. Ainsi, trois chansons, là-aussi, ont été composées pour l'occasion et bénéficient de la présence, entre autres, d'un joueur d'orgue de barbarie…

‘No Quarter’ est donc le travail d'un duo retrouvé mais que l'on dirait aussi presque libéré par près de quinze années de séparation. Etonnant! Pourtant peu disert jusqu’alors, Page en a rajouté une couche : « J'ai adoré la façon dont nous avons géré et conçu le projet. Je pense aussi qu'il nous ouvre des portes vers l'avenir! »

L’avenir ?

Les rumeurs de reformation de Led Zeppelin, qu’en pensent-ils ? Plant ironise « Pourquoi John Paul Jones n'est pas avec nous? Oh, on l'a oublié dans la voiture! Ha Ha... Que nous soyons capables de rejouer à trois, n'implique pas que tout le monde doit être présent pour une raison de nostalgie pure. Au début du projet, on était juste un chanteur et un guitariste qui comprenaient très vite si telle ou telle chose était bonne ou mauvaise. A trois, les prises de décision auraient été moins évidentes, moins confortables ». On chuchote que si tournée il y a, John Paul Jones pourrait quand même en être... Il poursuit : « Et puis, je n'imagine pas de rejouer sous le nom de Led Zeppelin en regardant un batteur dans les yeux et en ayant l'impression de voir quelqu'un d'autre qui n'est plus là ! ». A cet instant, bien sûr, il parle du possible remplacement envisagé, si reformation il y avait, de feu John Bonham par son fils Jason. *

Quant à savoir si le duo souhaite partir en tournée, Robert qui n'a visiblement aucune envie de s'éterniser sur le sujet, allez savoir pourquoi, avoue quand même : « Oui, nous comptons tourner, si nous ne nous séparons pas avant! Ha ha... Non, nous n'avons encore rien fixé ».

A Paris, DVH

*NDLR : une situation qui va quand même se produire le 10 décembre 2007, lors d’un concert caritatif accordé à l’Arena O2 de Londres.

Rétrospective…

A l'heure du retour en force de Jimmy Page et de Robert Plant, alors que John Paul a opéré un comeback avec Diamanda Galas, il nous a paru intéressant d'effectuer un bref retour en arrière sur la cellule familiale qui a permis leur explosion. Retour vers le futur, en quelque sorte !

Résumer l'histoire de Led Zeppelin revient à dresser le constat d'une grande partie de l'histoire du rock en général et de ses mécanismes. Un type comme Jimmy Page a, par exemple, débuté sa carrière en 62 (il est donc actif derrière sa gratte depuis 32 ans ; et vous quel est votre âge?), or la carrière de Led Zep  a été marquée par un incroyable succès autant que par une aura de mystère savamment entretenue, qui n’a jamais quitté le groupe. Plus près de nous, une association de ‘dangereux’ hard rockers (NDR : à quel point de vue?) nommés Guns N’ Roses (NDR : mais par pitié, n'allez pas comparer les deux groupes sur le plan de la qualité, hein !) ne s’y est pas prise autrement pour se payer un méga-succès planétaire. CQFD donc, et basta pour la théorie...

Tout le monde, dans l'univers du rock en général et du hard en particulier (même David Mustaine, c'est dire!), se plait à le reconnaître : Led Zeppelin a eu sur l'évolution du rock une emprise incontournable. Pour en être convaincu, il suffit simplement

1) de constater quel ramdam médiatique (là aussi organisé, hein bon, on ne jette pas, sans bonne raison, les bonnes recettes) cause aujourd'hui, la ‘nouvelle’ association Jimmy Page/Robert Plant)

2) de voir avec quelle vigueur le public s'est jeté sur les fameux "Remasters" livrés en pâture il y a quatre ans à peine.

3) de se dire que, des années durant, une radio aux States n’a émis que pour diffuser des chansons du Led Zep uniquement.

4) de jeter un œil aux chiffres (tous les albums de Led Zep ont été certifié disque de platine aux USA et en Angleterre)

et 5) rappeler à quel point les punks de 76 se sont démenés, sans succès, pour déboulonner les dinosaures du type de Led Zep. Le ‘dirigeable’ a eu, sur l'existence de toute une série de groupes, une influence majeure, c'est évident : les Black Crowes, Blind Melon, Alice ln Chains et autres Queensryche leur vouent, aujourd'hui une admiration sans borne et nous ne citons que quelques noms pour éviter de noircir la page...

Cocktail parfait

Au départ, le groupe formé par Jimmy s'appelle les New Yardbirds. La légende veut que ce soit Keith Moon (le batteur des Who pour lesquels Page a d'ailleurs été ‘sessionman’) qui ait trouvé le nom de Led Zeppelin. Dès le début, le cocktail est parfait : un guitariste fabuleux qui avait déjà fait l'unanimité autour de lui, au sein des Yardbirds (groupe dans lequel deux autres guitar heroes, Eric Clapton et Jeff Beck, se sont succédé); un chanteur véritable sex-symbol au déhanchement scénique très suggestif et au timbre vocal orgasmique (Robert Plant); un bassiste relativement effacé mais important élément régulateur du groupe (John Paul Jones) et un batteur qui martelait si fort sa batterie que la frappe à la baguette est devenue, depuis, un sport olympique (comment ça, je rêve?). Le tout sur un fond de rock/blues/rhythm'n'blues qui, rapidement, installera son rayonnement. Il ne faudra, de fait, guère plus d'un album (le premier, en toute logique, sorti en 68), à Led Zeppelin, pour marquer le terrain. "Good Times, Bad Times" et c'est parti pour une gloire monstrueuse. Gloire bien gérée dès le départ. Led Zeppelin ne donne pas –ou très peu– d'interviews, ne passe pas à la télé, ne veut pas sortir de singles (à l'époque, c'était encore très important, demandez à Sheila et Ringo!), n’attribue même pas de titre à ses albums...

Rumeurs dingues

Le groupe s'entoure d'une espèce d'aura énigmatique qui, bien entendu, renforce encore la curiosité du public... mais qui finira quand même par lui jouer des tours lorsque cette curiosité se muera en frustration médiatique. Puisque cette attitude ouvrira la porte aux rumeurs les plus dingues, On ira jusqu'à affirmer que Jimmy Page est un adepte des messes noires, et on lui imputera tous les malheurs qui se sont abattus sur le groupe, au milieu des années 80 : l'accident de voiture de Plant, la mort de son fils Karac, des incidents multiples lors de concerts, et bien sûr, le décès de John Bonham, le batteur, retrouvé mort au domicile de... Jimmy Page, le 25 septembre 1980...

Né dans l'allégresse à la fin des années 60, Led Zep connaitra donc une fin de carrière (liée au décès de ‘Bonzo’), un brin difficile. Dommage car le groupe était encore plus que valable, comme l’a démontré son dernier concert belge, accordé le 20 juin 80 à Forest National, et l'album "ln Through The Out Door" (au titre évocateur) paru quelques mois plus tôt. Entre 68 et 80, Led Zeppelin a donc accompli des prouesses plus souvent qu'à son tour. Révélé sur un mode blues rock frondeur qui contrastait un peu avec les velléités bluesy ‘puristes’ des grands défenseurs du genre de l'époque (style John Mayall), Led Zeppelin a rapidement évolué, appuyant les riffs, et en alourdissant les tempos ("Led Zep II" contient "Whole Lotta Love", une des plus grandes pièces hard jamais commise ; et nous ne sommes qu'en 69).

Touches folk

Dès "Led Zep III" (en 70), à côté du génial "Immigrant Song", le groupe assène des touches plutôt folk**. Une approche qui trouvera son idéale matérialisation sur "Led Zep IV", le chef-d’œuvre inégalable de la discographie du groupe. Sur ce disque, figure notamment "The Battle Of Evermore", une merveille ultime que l'actuel "No Quarter" remet magnifiquement en selle. Là, c'est plus que clair, Led Zeppelin offre une nouvelle dimension au hard-rock –c'est ce qui offre au groupe un ‘plus’ évident par rapport à un Deep Purple, bien plus conformiste– une dimension que le splendide double "Physica1 Graffiti" (successeur d'un "Houses of The Holy'' trop méconnu pour sa valeur intrinsèque) transforme en véritable institution. Il recèle notamment "Kashmir" une pièce maîtresse de l'histoire du rock en général (là aussi, "No Quarter" fait joujou avec).

Nous sommes en 75 et Led Zeppelin a mangé son pain blanc discographique. Dès "Presence", le groupe perd un peu le fil, semble connaître une période creuse... Il ne s'en remettra jamais vraiment et disparaîtra donc à l'aube des années 80, laissant l'image d'un groupe de musiciens extrêmement doués, inventifs, novateurs qui ont réussi à utiliser à bon escient tous les artifices du rock'n'roll. La vague punk (un tout petit peu) et la grande faucheuse (surtout) auront raison de Led Zep... Robert Plant et Jimmy Page s'orienteront vers des carrières inégales. Plant a réalisé de superbes choses en solo et il a mieux vendu que son compère. Page qui, jusqu'en 83 a eu des problèmes avec l'héroïne, a été moins efficace au sein de The Firm, en solo ou en duo avec Coverdale récemment. John Paul Jones s'est fait oublier mais semble rependre du poil de la bête (il a travaillé en compagnie de REM et plus récemment Diamanda Galas).

Quatorze années après leur séparation, Plant et Page se sont donc retrouvés. Qu'ils le veuillent ou non, à travers leur union retrouvée, c'est un peu Led Zeppelin qui revit. Les temps ont changé, le rock s'est transformé mais il restera toujours de la place pour les gens talentueux, quels que soient les contextes et les modes. In through the opened door?

(Articles parus dans le n°28 de novembre 1994 du magazine Mofo)

** NDLR : sur cet opus figure de véritables perles comme "Gallows Pole", "Friends" ou encore "Bron-Y-Aur Stomp". Cependant, cet elpee ne rencontrera pas l’adhésion du public des métalleux. A contrario il va devenir une référence à toute une vague de groupes ou d’artistes décidés à expérimenter les sonorités des guitares acoustiques électrifiées. Depuis le début des 80’s à aujourd’hui. Pensez à The Dodos. Mais il y en a bien d’autres…

 

lundi, 28 février 1994 01:00

On prend les mêmes et…

Black Sabbath vit actuellement une situation paradoxale. D'une part, ce dinosaure n'est plus trop sacré dans le monde du heavy-metal (même s'il ne faut tout de même pas oublier tout ce qu'il a apporté au genre depuis ses débuts en 69). Mais d'autre part, il est actuellement crédibilisé par les pointures les plus imposantes de la vague grunge déferlante –les Nirvana et compagnie– qui vouent à Tony Iommi et ses acolytes un vrai culte et l'avouent publiquement.

Cependant, d'un point de vue strictement commercial, Black Sabbath accumule les pirouettes et les échecs commerciaux avec une sidérante régularité : pas moins de cinq chanteurs différents ont occupé le poste de front-man du groupe depuis 82! Il y a eu Ian Gillan, Glenn Hughes, Ray Gillen, Tony Martin, Ronnie James Dio (2ème épisode) et, enfin, Tony Martin pour un retour, lui aussi ! On ne compte pas l’‘épisode Ozzy’, annoncé de retour au bercail, avant que l'histoire –est-ce réellement étonnant ?– ne tourne à la confusion et au ridicule. Résultat : B.S. ne cesse de voir son étoile pâlir aux yeux d'un public heavy qui semble se désintéresser de son cas. A la fois ‘in’ et ‘out’, le combo vit actuellement, un épisode (un de plus !) crucial dans sa carrière. Possède-t-il les moyens de mener ce défi à bien ? Sans doute, si on s'en réfère uniquement aux critères musicaux et, donc à son nouvel opus. ‘Cross Purposes’ vient de sortir chez EMI, et il est réellement fort bon. Pour le reste, l'avenir nous apprendra si le quatuor peut tirer un maximum de bénéfice de cette ‘bonne œuvre’ et si le public choisira de redonner un peu de crédit à un ensemble qui a, depuis 10 ans, pas mal joué avec ses nerfs.

« La situation n'a pas été très claire au sein du band, au cours de ces dernières années », admet Tony Martin, chanteur méritant réintégré après le second départ de Ronnie James Dio (auquel il avait été contraint de laisser sa place, il y a trois ans). Et d’ajouter : « Je peux comprendre que les gens aient été un peu perturbés. Néanmoins, je pense aussi qu'il ne faut pas tout voir négativement. Black Sabbath a, au moins, eu l'occasion d'expérimenter quelque peu en travaillant en compagnie de chanteurs différents (NDR : cinq en dix ans!) Pour le public, ce n'était pas tout à fait inintéressant… »

Admettons. Mais il ne faut tout de même pas prendre les gens pour des idiots! Si Dio est revenu (pour l'album ‘Dehumanizer’ sorti en 92), ce n'était pour aucune autre raison que de tenter de renouveler le coup de ‘Heaven and Hell’. Si un rapprochement avec Ozzy a été entamé, après l'échec du second épisode Dio, c'était là encore, pour redonner une bouffée d'air frais à un groupe manquant cruellement de souffle. « Effectivement, je ne peux qu'admettre cette vision des choses » reconnaît Tony. « Mais ce sont des événements qui se produisent sans cesse et dans tous les groupes. Lorsque j'ai quitté Black Sabbath après l'album ‘Tyr’, c’était sous la pression de Tony Iommi et de Geezer Butler qui souhaitaient tenter l'aventure Dio. Que pouvais-je faire d’autre ? Bien sûr, je n'avais pas l'impression d'avoir démérité ; mais je comprenais leurs motivations. Et je n'avais pas le choix! En réintégrant le groupe, récemment j'ai fait table rase du passé et je me suis remotivé pour repartir du bon pied. »

Mais quelle est la situation actuelle au sein de Black Sabbath? La réponse était évidente : « Excellente (ben tiens!). Nous brûlons d'envie de repartir en tournée et nous espérons vraiment que notre nouveau cd recueillera le succès qu'il mérite. C'est à mon sens le meilleur que Black Sabbath ait produit depuis un bon bout de temps. » Alors que peut-il bien apporter de bien positif par rapport aux réalisations précédentes? Tony argumente : « ‘Cross Purposes’ perpétue bien la lignée entamée par ‘Headless Cross’ et ‘Tyr’ jadis. J'estime aussi que ce disque affiche une formidable force mélodique et baigne dans des atmosphères puissantes. Je suis terriblement fier d'un titre tel que ‘Dying for love’ (NDR : effectivement excellent). Il est, en outre, la démonstration que Black Sabbath est toujours un très bon groupe. Je souhaite que le public s'en souvienne! » Pourvu que le statut de groupe-référence pour le mouvement grunge les y aide? Notre interlocuteur y croit : « Ben, pourquoi pas? Ce serait bien. Un juste retour des choses, en somme. Je souhaite en tout cas que cela donne envie aux jeunes amateurs de rock actuel de nous écouter. Black Sabbath a été une formation essentielle. Sincèrement, je pense que sur un plan musical, nous sommes toujours et même plus que jamais un groupe important. Je souhaite vraiment que nous soyons appréciés sur notre valeur intrinsèque. Bien sûr, la période complexe que nous avons traversée a un peu perturbé la confiance du public, mais j’affirme qu’il n’a pas nécessairement perdu au change ; et aujourd'hui on a l'occasion de redresser la barre. »

(Article paru dans le n°20 de février 94 du Magazine Mofo)

 

vendredi, 31 décembre 1993 01:00

Un Def Leppard très ‘rétro’

Certaines formations sont victimes d’une foule de préjugés. Def Leppard est du nombre, lui qu'on taxe généralement de groupe qui avance au train de sénateur (à juste titre d'ailleurs, même si la bande à Joey Elliot a quelquefois des circonstances atténuantes dramatiques à faire valoir). C'est vrai: le ‘Léopard Sourd’ est lent à la détente ; surtout lorsqu'il est question de proposer un nouvel album. Son délai habituel tourne autour des quatre ans, ce qui encore une fois, est plutôt long (indépendamment des circonstances : l'accident de Rick Allen, le décès de Steve Clarke ont été deux gros problèmes difficiles à surmonter). Les explications du groupe tournent autour d'un leitmotiv: ‘Def Leppard souhaite ne proposer que des albums parfaits, tout doit être impeccable’. Sous-entendu : on ne réalise pas ce genre de plan en dix jours de studio... Mais il faudra peut-être, à l'avenir, revenir sur ces idées préconçues : quelque chose semble avoir changé dans le fonctionnement du groupe, désormais. Il vient de sortir un Cd ("Retro Active"), sorte de collection d'inédits, de reprises et de raretés. Et la conception de ce disque semble avoir donné au groupe l'envie de modifier ses batteries. Phil Collen s’explique…

"Retro Active" est un projet spécial que nous avons voulu concrétiser au cours de notre dernière tournée. En fouillant dans notre passé, nous nous sommes rendus compte que nos tiroirs contenaient quelques fort bonnes compos qu'il était regrettable de ne pas exploiter. Certaines d'entre elles avaient été commencées mais pas terminées; d'autres avaient été utilisées mais pas vraiment mise en valeur. Nous nous sommes dit qu'il serait bon d'utiliser ce matériel et de réaliser, à l'aise, pour le fun mais sérieusement, un Cd qui le mettrait en exergue. Et, nous avons pris un pied monumental en concrétisant ce projet !

Contrairement aux albums précédents comme "Hysteria" ou "Adrenalize" (dont les différentes phases de réalisation ont souvent été pénibles), ici, on a pris ce projet très simplement, très spontanément, en jouant très sérieusement mais aussi en nous amusant beaucoup. Je dois bien reconnaître que nous n’avions pas souvent bossé, au sein d’un tel climat, dans le passé. Certaines parties de guitare ont été bouclées en une nuit, alors que celles d"'Hysteria" avait nécessité plus d’un an ! Sincèrement, "Retro Active" nous a apporté un bol d'air frais. Et laissera des traces. En tout cas, nous en avons au moins tiré quelque enseignement.

Après le break de quelques mois que nous nous autorisons actuellement (le premier depuis onze ans), nous nous plongerons dans la conception d'un nouveau Cd pour lequel nous comptons modifier nos habitudes! Nous prendrons le temps et la peine de composer nos nouvelles chansons jusqu'au bout. Lorsque nous rentrerons en studio, nous saurons exactement comment elles devront être arrangées, comment elles sonneront. Plus envie de perdre des mois à chipoter en studio. Il faudra que nous soyons fins prêts: plus question d'expérimenter, de tergiverser. Cela va nous aider et nous simplifier la tâche.

Doit-on s’attendre à du changement dans le fameux son Def Leppard ?

Je suis sûr que non! Le seul vrai changement, c’est qu’on risque d’être moins stressé et qu’il sera moins complexe, pour nous, d'enregistrer un nouvel album. Pour le reste, je ne vois pas pourquoi nous modifierions de A à Z un style qui est le reflet de nos personnalités.

Il y a sur "Retro Active", deux reprises (l'une du "Action" de Sweet et l'autre du "Only After Dark" signé feu Mick Ronson) et des titres un peu surprenants. Votre horizon musical en sortira-t-il, également, différent?

C'est possible, par contre. Nous avons abordé "Retro Active" en toute liberté, sans ressentir aucune limite. Par exemple, il y a quelques ballades sur ce Cd alors qu’habituellement, pour des raisons de business, nous nous limitions à une seule. Il est possible, et de toute façon souhaitable, que nous en retirions les enseignements aussi…

(Article paru dans le n° 18 de décembre 93 du magazine Mofo)

 

vendredi, 31 mars 2000 02:00

Puiser sa force dans ses faiblesses…

Trent Reznor manie un équilibrage précis, mais complexe, entre forces et faiblesses. Difficile, sans doute, de dénicher, lors des années 90, un personnage plus central que ne l’a été Trent Reznor. Dans son domaine –le rock ‘industriel’– Reznor et son Nine Inch Nails ont réussi la combinaison parfaite : celle de tout intégrer ou presque. Progressif, pop, metal, atmosphérique, funky, hip hop, distorsions, électronique, loops : tous ces termes peuvent lui être associés, à un moment où à un autre. Il faut être drôlement fort, c'est une évidence, pour embrasser toutes ces tendances en même temps, surtout quand on est conscient de l’important déséquilibre qui existe entre tous ces concepts/termes.

Fort ou fragile

Déséquilibre est le mot qui convient parfaitement à Trent Reznor ; d'autant qu'on a l'impression, lorsqu'on se penche sur sa trajectoire, que cette situation, il l'entretient soigneusement. Il y puise une force, née de ‘ruptures’. Ainsi, l'homme reflète une image de personnage fort, puissant, sûr de lui, solidement ancré dans sa solitude dominatrice (NDR : Reznor est à lui tout seul un ‘groupe’ imposant). Mais à l'intérieur, n'est-il pas une mécanique relativement ‘fragile’ ? On apprend que Reznor a traversé, pendant deux ans, une profonde dépression, suite de la mort, à l'âge de 85 ans, de sa grand-mère, une grand-mère qui l'avait recueilli, à la séparation de ses parents, alors qu'il n'avait cinq ans, et qui l'a élevé. Il a très durement vécu l'épreuve, dit-on. Doit-on y voir le signe que s'il manipule et domine les machines avec aisance pour en extraire une musique d'une très grande puissance intrinsèque, il n'en reste pas moins un être humain parfaitement dépendant de paramètres sentimentaux. Bref, Trent a eu beau avoir ‘dompté’ Marylin Manson en produisant « Antichrist Superstar », il n'en reste pas moins vulnérable. Et quand celui qu'il a aidé à s'élever au rang de rock star ultime, lui a gentiment planté quelques coups de poignards dans le dos en se répandant dans la presse, en propos peu amicaux, à son propos, on peut croire que Trent Reznor en a été affecté.

La mort de grand-maman

En 94, Reznor avait consacré un concept album à la dégénérescence progressive d'un être humain, jusqu'à atteindre un état proche de l'autodestruction. L'année de la sortie de ce « Downward Spiral », Kurt Cobain se donnait la mort...

Reznor, lui-même, n'a sans doute jamais atteint le même niveau de dépression que Cobain, mais il a assurément connu des périodes très, très difficiles. Lui, le ‘bidouilleur’ génial, s'est soudain mis à penser que la musique ne représentait pas grand-chose. Et alors qu'il était au sommet de son art et maîtrisait sa façon de faire cohabiter les sons, les instruments, les couleurs, les rythmes et les (bribes de) mélodies, lui ne ressentait plus l'envie, le besoin de réaliser cette alchimie complexe à la fois sensorielle et mentale!

Etonnante constatation : Reznor a retrouvé le goût au travail en retournant, d'une certaine manière, à la simplicité de la vie. Il s'est isolé au bord de l'océan, à Big Sur en Californie, avec la solitude pour compagne et un piano comme thérapeute.

Trent Reznor est, sans aucun doute, un être tourmenté. Morbide, peut-être? On sait qu'il côtoie la mort tous les jours ou presque ; son studio, le célèbre ‘Nothing Studios’ est, en fait, un ancien funérarium racheté en avril 95 et dont une porte provient de la maison hollywoodienne, où a été assassinée Sharon Tate. Cet immeuble, le théâtre des méfaits perpétrés par Charles Manson en 69 (5 personnes massacrées), Reznor l'avait pris en location avant qu'il ne soit détruit. Difficile, vraiment, de ne pas accorder de signification à ces événements assez troubles.

Présenté comme timide et très introspectif (les deux sont souvent liés), Reznor exprime probablement toute une série de frustrations à travers sa musique qui, souvent, est d'une extrême intensité. Il a lui-même récemment avoué, à propos des deux années qu'il vient de vivre : ‘Ecrire s’et révélé très thérapeutique. J’avais oublié à quel point j’aimais la musique et comment elle m’avait toujours sauvé. Cette fois encore, elle m’a ramené à moi-même. Elle m’a donné la force de continuer’ Reznor puise donc clairement sa force dans ses faiblesses.

(Article paru dans le n° 81 de mars 2000 du magazine Mofo)

mardi, 28 février 1995 01:00

Le rock a toujours été sexuel

Tailler une bavette avec un type comme Ian Astbury restera toujours pour le journaliste une expérience intéressante. Lorsqu'il le souhaite et cela semble être souvent le cas, le grand Ian est un type d'une grande froideur, le genre de gars qui entre dans la pièce en houspillant un des roadies qui traînait dans le coin, un personnage qui vous toise d'un regard distant, regarde le mur d'en face lorsqu'il vous parle et ne vous fixe dans les yeux que lorsqu'il a envie d'insister sur certaines paroles plus importantes. Ian Astbury veut imposer sa personnalité, son identité sans vous laisser la possibilité de l'amener à aborder un sujet s'il ne le souhaite pas. Il garde la mainmise à chaque minute. Sur scène, pareil, c'est lui qui dirige. Sur disque aussi, Ian Astbury mène la barque selon sa volonté. Et cette attitude peut conduire à des comportements déroutants, comme aujourd'hui, pour parler d’un nouvel opus qui marque une certaine cassure vis à vis de ses précédents. Moins purement ‘metal’, moins puissant, plus varié, "The Cult" (l'album) marque un certain retour pour The Cult (le groupe), dans les eaux d'une musique rock au sens général du terme. Ian Astbury s'explique. Enfin non, il explique...

On a juste enregistré l'album comme on le sentait, rien de plus. A la base, ce n'est pas plus compliqué. Bien sûr, j'admets que je n'étais pas totalement satisfait des précédents. Il y a de bonnes choses sur un disque comme "Sanie Temple" mais lorsque je le réécoute aujourd'hui, je me dis qu'on doit pouvoir faire mieux. Quant à "Ceremony", il a été conçu par une formation en pleine déconfiture ; The Cult n'était plus un vrai groupe à l'époque et cela se ressent. Notre nouveau disque est plus positif, plus intéressant. Il correspond avantage à ce que nous sommes réellement. Lorsque je parle d’art, je pense aujourd'hui plus à Picasso et à Brecht, qu'à Jimi Hendrix et Jim Morrison. Je ne renie rien, mais j'ai envie d'aller plus loin, de réaliser des choses plus significatives. Elles nous rapporteront peut-être moins d'argent, nous vendrons peut-être moins de disques ; mais je m'en fous

Tu veux dire que vous avez d'une certaine manière, accepté des compromissions, avant?

Oui, mais c'était voulu. Au départ, on a été assimilés à la vague rock ‘indé’. On était là pour briser le monopole des grosses machines. Après un certain temps, on s'est rendu compte qu'on nous avait enfermés malgré nous là-dedans, pour des motifs qui n'étaient pas uniquement musicaux. On a voulu nous libérer de cette emprise parce qu'on déteste les ghettos et que celui là en était un. Il y a des dangers, tu vois, à ce genre de situation. T'octroyer un statut de groupe ‘indé’, par exemple, implique qu'on attend de toi des tas de choses dans ce domaine, donc on te pousse dans une certaine direction. Si tu n’y prends garde, tu peux te laisser entraîner et devenir, malgré toi, quelque chose qui ne te ressemble pas. Tu peux inconsciemment pousser le jeu trop loin. Nous, on a choisi de nous échapper de ce carcan en prenant la tangente. On a donc volontairement choisi de quitter la scène ‘indé’ pour rentrer dans le grand bain. Pas pour gagner de l'argent ou accumuler des disques d'or mais bien pour confronter notre travail à un large public et examiner ses réactions. Ce défi là nous plaisait, on l'a tenté. Maintenant qu'on sait ce qu'on voulait savoir, on est plus libres.

Take That et Metallica

Et plus sûrs de vous?

On n'a jamais douté de nous. Là n'était pas la question. De toute manière, on ne pouvait pas agir autrement, on n’a aucune envie de faire n'importe quoi, comme d'autres.

Qu'est-ce qui vous intéresse dans la musique?

Des tas de choses mec, mais c'est surtout un état d'esprit. Il se fait qu'on a choisi la musique pour s'exprimer mais, comme j'ai dit, je m'intéresse aussi à plein d'autres choses. J'utilise la musique comme un moyen d'expression, pour d'autres c'est la peinture ou l'écriture mais le processus est le même: c'est l'expression qui compte. Alors, tant qu'à s'exprimer, autant le faire bien et franchement en accord avec soi, c'est bien le moins.

Le business rock permet cette ouverture ?

Le tout est de ne pas se laisser dominer (NDR : ah, on y revient!) Il faut être attentifs et ne pas se laisser imposer des règles qui ne sont pas les bonnes. Nous voulons communiquer, nous recherchons les échanges mais nous gardons le contrôle.

Crois-tu donc que tout soit aussi rationnel?

Ce n’est pas ce que j’ai dit... Le rock, la musique, la création, le spectacle, ce sont surtout des affaires de pulsions. Sur scène, par exemple, nous libérons nos pulsions, mais celles-ci sont diverses. Le rock a toujours été très sexuel, c'est évident. Nous nous sentons très à l'aise par rapport à ce concept. Dans la salle, aujourd'hui (rappelons que The Cult a joué récemment à La Luna, à Bruxelles), il y aura des mecs mais aussi beaucoup de filles. On en connaît la raison. On sait aussi pourquoi un groupe comme Metallica n'attire que des mecs. Ces types ne doivent concevoir l'amour que sous la représentation de la pénétration. Chez Take That, par contre, le processus est inversé, ils n’attirent que les nanas. C’est intéressant ce genre de constatation, pas vrai? Nous sommes conscients de la situation que nous vivons et l’actuelle nous plaît beaucoup…

Article paru dans le n°30 du magazine Mofo de février 95

Metallica joue les grimpeurs! Parti d'un garage obscur en pleine jungle métallique californienne, il y a dix ans, le groupe, depuis l'illustre opus éponyme, délivré au monde civilisé l'an dernier, est arrivé tout en haut d'un building de 50 étages, avec vue sur le ciel bleu et le coffre-fort blindé. Metallica, super-groupe, association de mégastars, grosse légume au potager du heavy-metal! Pourtant, la grande gloire récente (4 millions de « Metallica » vendus, malgré la pochette d'un noir peu motivant), ne semble pas avoir altéré la tranquillité d'un groupe qui refuse obstinément de verser dans le syndrome Guns'N'Rosien, du genre ‘Allez vous faire foutre et ne me faites pas de l'ombre’... C'est mieux comme ça, non? Bassiste aux idées claires, Jason Newstead le confirme…

Notre progression a été graduelle. Pour nous, le bouche à oreille a été un élément prépondérant. Nous avons pu créer un climat de confiance vis-à-vis des gens qui nous approchaient et nous ne les avons pas déçus. Moralité: ils sont restés à nos côtés. Mieux même, ils ont incité d'autres personnes à nous écouter, qui eux aussi sont restés, etc., etc. Metallica est un groupe sûr et abordable. Nous ne crachons pas sur les gens, parce que nous ne nous sentons pas différents d'eux et apprécient cette attitude ! Je reconnais, aussi, que nous avons pu bénéficier, pour enregistrer l'album, d'un producteur qui a réalisé un travail magique. Bob Rock a idéalement cerné le vrai Metallica et l'a rendu plus authentique. Le son de cet album est le meilleur que nous n’ayons jamais eu.

Vous êtes, depuis plus d'un an, extrêmement présents médiatiquement et MTV vous a bien soutenus...

C'est venu naturellement. Nous n'avons pas envoyé de fleurs aux responsables des programmes de MTV. Ils ont réagi sous la pression du public, je pense. Nous jouons pour nous et pour nos fans, pas pour MTV.

Tu regardes souvent MTV?

Pas plus de cinq minutes par semaine. Cela me fait trop chier. Je me demande toujours comment on peut être assez con que pour aller brailler « Cherry Pie », d’un air convaincu et en montrant sa tronche à tout le monde (visiblement, Jason n'est pas inscrit au fan-club de Warrant). MTV a imposé des règles à pas mal d'artistes qui feraient n'importe quoi pour se faire voir et vendre des disques. C’est indécent.

Est-ce que votre public vous impose des idées ; son comportement influence-t-il vos choix?

Non, pas en ce qui concerne les décisions capitales. Nous avons toujours écrit et joué la musique que nous avons voulu faire et personne ne modifiera jamais cette philosophie. J'estime même primordial qu'il en soit ainsi.

Et lorsque certaines personnes te disent que Metallica les a déçus parce que vous avez ralenti la cadence et vendu votre âme au dieu dollars, que réponds-tu ?

Que c'est leur droit de ne pas nous suivre, mais qu'elles n'ont rien compris au groupe. Elles doivent se rendre compte que nous voulons évoluer, nous bonifier. Ce qui implique inévitablement certaines évolutions, certaines remises en question. Nous ne voulons pas jouer les mêmes trucs pendants dix ans. Et qu’elles sachent qu’on peut toujours jouer plus vite et plus fort que n'importe quel autre groupe mais que ce n’est pas essentiel. C’est la réponse que je leur adresse.

Plus on a de fans, plus on est attentif à ne pas être sous leur emprise. D’accord ?

Même pas. Pour nous, c’est naturel. Nous n'avons pas besoin de frein à main. Notre réflexe d'auto-défense est actionné automatiquement, car nous sommes honnêtes et sincères. Nous ne nous posons jamais ce genre de questions. Nous jouons pour 20 types comme pour 20 000 !

A propos, vous qui avez connu les bars enfumés, les scènes de trois mètres sur quatre et une assistance composée de trente kids dont quinze bourrés, êtes-vous à l'aise dans les stades?

Pas de problème majeur. Le truc, c'est de jouer pour le type qui te fixe dans les yeux du premier rang, exactement de la même façon que pour le gars qui se trouve à 80 mètres et regarde le show sur les écrans. Si tu t’investis autant pour ce gars-là que pour tous les autres, tu ne rencontreras pas de problème. Perso, j'ai remarqué qu'un stade peut aussi bien se lever pour chanter avec toi que le public d'un petit club. Mais quand ils sont 50 000 à gueuler, quel pied!

Vous tournez actuellement en compagnie de Guns'N Roses aux USA. Tu comprends leur attitude ? Les concerts annulés ou débutés avec deux heures de retard, sans oublier le reste. Tu acceptes?

Non, j’estime cette attitude non-professionnelle, enfantine et injurieuse à l’égard du public. La nôtre est aux antipodes. Nous n'annulerons jamais le moindre concert, à moins qu'un des membres du groupe ne tombe mort ou qu'un accident nous empêche de rejoindre la ville suivante. Quatre jours après ses brûlures –et crois-moi elles sont sérieuses– James, notre guitariste, voulait remonter sur scène! »

Comment va-t-il?

Très bien. Son état de santé s’améliore de jour en jour. On lui a déjà enlevé quelques bandages et il recommence doucement à jouer. Il s’est réservé les parties de guitare de « Enter Sandman », lors des deux derniers shows. Il récupérera toutes ses facultés, mais il a eu chaud, au propre comme au figuré...

Au sein de Metallica, tu utilises assez peu tes capacités de compositeur de chansons. Ce sont pourtant ces compétences qui t'ont pourtant valu d'être engagé par le groupe. Ne comptes-tu pas les utiliser en externe, pour réaliser un disque solo, par exemple?

Pas pour un album solo, mais je participe activement à la vie de deux autres groupes. Pour l'un de ceux-ci, on sortira sans doute un album dans pas trop longtemps –dès que j'aurai le temps de l'enregistrer, en fait– mais ce sera le disque d'un groupe et pas un ‘Jason Newstead solo album’.

Quels sont les projets de la formation, à moyen terme?

Et bien, il nous reste huit mois de tournée et puis nous prendrons du repos, avant d'enregistrer un nouvel album. Mais il ne paraîtra rien avant fin 93, au plus tôt. Entre temps, il est pratiquement certain que nous sortirons un ‘live’, pour marquer l'événement.

(Article paru dans le n° 6 du magazine Mofo d’octobre1992)

 

mercredi, 30 septembre 1992 01:00

Je module ma belle voix…

Bonheur ! Joie! Allégresse! Motörhead vient de sortir un nouvel album (« March Or Die », chez Sony), on va donc voir sous peu la grande carcasse imbibée de Lemmy pointer du nez et des chicots sur le Vieux Continent. Celui-là même qu'il a abandonné pour se réfugier à Los Angeles, il y a deux ans. Coup de fil au Néo-Américain. Révélation! Scoop ! Lemmy est amoureux de Slash ! On blague, of course, mais, quoi qu'il en soit, Lemmy n'arrête pas de parler de lui. Slash joue sur deux titres du dernier opus de Motörhead (« I Ain't No Nice Guy » et « You Better Run ») et Lem en est vachement fier. Il s’explique lors de l’interview…

Slash joue sur deux titres de notre album, tu le sais? Que penses-tu de sa prestation?

Je pense qu’il est très efficace, comme toujours ; ce qui ne m’empêchera pas de le trouver décevant, comme mec…

Hein! Pourquoi?

Je déteste la façon dont les Guns'N Roses, donc lui, se moquent de leurs fans. Ils annulent des concerts à la dernière minute quand ça leur chante, bâclent des shows, les débutent en retard. Ils se foutent du monde!

C'est pas Slash ça, man, c'est Axl ! Il a beaucoup de problème, Axl. Mais il faut lui pardonner. Ces types viennent de nulle part et on fait d'eux les maîtres du monde. Faut comprendre la pression ! Slash n’est pas comme ça. Il est cool. J'voudrais pas, par contre, être dans les pompes d'Axl. Je préfère mes vieilles bottes...

A propos de sentiments personnels, tu te plais à L.A. ? Tu vas voir les filles sur les plages?

Tu sais bien que je me fous des filles et du sexe, non? Yark ! J'vais les voir mais j'sais pas si elles me trouvent beau.

Ce sont elles qui t'inspirent pour tes ballades? Tu deviens romantique? Tu sers des ballades tout le temps !

Déconnes pas, j'en ai écrit trois en dix-sept ans!

Oui, mais trois qui figurent sur les deux derniers albums en date de Motörhead...

J'aime toutes les bonnes chansons et peu importe les genres (NDR : vous serez étonnés d’apprendre que Lemmy est fan d'ABBA et des Everly Brothers). J’aurais pu y mettre aussi une version acoustique d’« Eleonor Rigby»...

Motörhead ralentit un peu le tempo. « March Or Die » est même relativement pauvre en titres heavy vraiment rapides (« Stand » et « Name In Vain» sont pratiquement les seuls). Tu ne t’amuses plus autant des riffs qui tuent et des rythmiques qui mitraillent?

Tu ne peux pas faire la même chose tout le temps. Ce qu'on fait maintenant est mieux. Il est possible que « March Or Die » soit notre meilleur album. Je ne sais pas trop bien juger... Motörhead est meilleur qu'avant. Tout dans le groupe est meilleur. Je chante mieux, non?

Tu gueules moins!

Je savais déjà chanter avant! Je module plus ma belle voix, c'est tout! Yark !

A l’instar d’« Orgasmatron » et « 1916 », « March Or Die » se termine par un titre lent...

J'aime bien ces chansons. Faut lire les textes. « 1916 » est une chanson tragique. « March Or Die » stigmatise la connerie inégalable des hommes. On s'entretue sans arrêt, on laisse des gosses crever de faim mais on envoie des sondes spatiales prendre des photos de Mars à coups de milliards de dollars. Conneries!

Tu as vécu les événements de los Angeles en voisin?

Yeah. Faut pas en vouloir aux noirs. Ils ont voulu s'offrir la justice qu'on leur a refusée. Toute cette histoire est immonde. On a vu sur les films vidéo ces flics tabasser ce pauvre mec et après, aux juges, ces pourris ont osé prétendre qu'ils n'avaient rien fait. Les noirs en ont marre. Je les comprends.

Pourquoi Philthy est-il parti, à nouveau?

Ham... Il fait partie de ma famille, hein, je préfère pas trop parler de cette histoire, ok ? Il y a eu des différences d'opinion sur certains sujets. C'était mieux ainsi.

Sur la pochette de l'album, Mikkey Dee (le batteur) est présenté comme un invité... C'est lui le batteur de Motörhead, quand même?

Ecoutes, tu crois pas que j'aurais amené ce fils de p... à des sessions photos qui coûtent la peau des fesses, si je comptais pas le garder! On l'aime bien. Il reste.

Tu aimes bien Peter Solley, aussi, c'est encore lui qui a produit l'album...

On le garde parce qu'en plus de produire, il joue des claviers. On doit pas payer un claviériste, tu vois. A part ça, il a de bonnes idées. On le laisse faire.

Motörhead tournera en Europe bientôt?

En octobre. On va d'abord casser les c... des Ricains.

(Article paru dans le n°5 du magazine Mofo de septembre 1992)   

Futur du rock façon métal ou empereurs d'un concept mélodico-visuel minimaliste ? L'avenir nous dira ce qu'il faut voir en ces Young Gods aujourd'hui. Quelle est la vraie substance de ce trio d'Helvètes esthètes? Leur rock impulsif et scientifique est coincé entre le barbare (agressivité brute) et le progressif (recherche incessante de la confrontation avec des éléments intérieurs ou extérieurs). Une chose est sûre : les Young Gods sont un des groupes les plus passionnants du moment, qu'ils provoquent l'extase ou la déception. Néanmoins, ils se moquent un peu de leur statut actuel, pourtant enviable, de groupe à qui on accorde un crédit certain. Franz Treichler, le leader/chanteur s’explique…

L'important n'est pas vraiment dans le jugement des uns et des autres. La façon dont nous sommes perçus par ceux qui nous abordent relève, à chaque fois, d'un processus individuel établi à partir d'éléments différents comme les goûts, la culture, la sensibilité. Chacun se fait donc sa propre opinion et tout le monde peut avoir raison. Nous nous basons, pour estimer notre musique, sur nos propres sentiments par rapport à nos ambitions, que nous sommes bien sûr les seuls à pouvoir fixer et évaluer. Je ne pense pas que nous soyons le meilleur groupe du monde, ni le pire. Notre but est d'être le plus conséquent possible par rapport à nos idées, le plus proche de notre projet. Je ne vois, de toute façon, pas quel besoin il pourrait y avoir d'instaurer une sorte de compétition à notre niveau, par rapport à qui ou à quoi que ce soit.

Vous avez le sentiment de progresser ?

Oui.

De quelle manière ? Vous améliorez-vous sur le plan technique, matérialisez-vous mieux vos idées ou en avez-vous de meilleures ?

Je crois qu'on matérialise mieux, c'est vrai. Au départ, c'était le contraire en ce sens que les possibilités intrinsèques des outils dont nous nous servions nous donnaient des idées. On a inversé ce schéma aujourd'hui et c'est sans doute un bien, même s'il est évident qu'une partie de la spontanéité, de la naïveté de notre travail des débuts a été progressivement gommée par l'apport conscient ou inconscient de l'expérience, de la maturité. A titre d'exemple, je ne pourrais plus jamais refaire « Comme si c'était la dernière fois », de la même façon que nous l'avons réalisé, même si je pense que cette chanson reste l'une de nos meilleures. Notre tactique est d'avoir une vision des choses la plus globale possible, avec tout ce que cela peut comporter comme remises en cause inévitables.

« TV Sky » est votre quatrième album. Quel est sa place dans votre discographie ?

Je pense que c'est notre album qui met le mieux en évidence la puissance du côté atmosphérique de notre musique. Mais c'est normal. C'est normal parce que nous sommes plus forts et que nous gérons de mieux en mieux notre souhait d'arriver à dépasser le stade de la communication classique, d'utiliser un langage qui dépasse celui qui mène au constat logique de la compréhension. Notre musique s'adresse plutôt à l'arrière du cerveau. C'est la raison pour laquelle nous devons aller plus loin.

Vos trois premiers albums vous ont donc servi à apprendre à parler votre propre langage ?

En quelque sorte... Mais bon, on n’est pas partis de rien. Tu peux d'ailleurs constater que chacun de nos albums possédait en même temps que des qualités et des défauts, une identité propre. Notre premier album (« Young Gods ») est très spontané, très avant-gardiste ; notre second (« L'eau rouge/Red Water ») est, par contre, bien plus clinique et le « Kurt Weill » (« The Young Gods Play Kurt Weill ») est comme une sorte de ‘best of’ des Young Gods, mais réunit des chansons écrites par quelqu'un d'autre. On y détecte cependant, sans peine, notre son, notre démarche.

Quelle est votre marge de progression ?

Je ne la connais pas. Je ne pense jamais à cela.

Bien, quelles sont vos limites alors ?

Je crois que tout est un problème de créativité. Notre musique ne naît pas d'un travail mécanique. Or, ta créativité, tu ne la contrôles pas. Tu peux, au mieux, la canaliser, l'apprivoiser, la provoquer mais pas la déclencher.

Sampler des sons de guitare, c'est une attitude créative ?

Pas plus qu'une foule d'autres choses. Sampler une guitare et la rejouer, c'est un peu comme inventer une nouvelle pédale de ‘disto’. Nous considérons que nous donnons un autre niveau à notre son, un autre impact, en utilisant cette technique. Nous nous attribuons d'autres alternatives sonores mais elles ne sont pas sans limites.

Les Young Gods, c'est avant tout un groupe qui produit de l’énergie ?

L'énergie est, c'est sûr, l'aspect primordial de notre travail. Cette énergie n'est, finalement, rien d'autre qu'une réaction chimique par rapport au courant et à l'esprit du moment. Mon discours est peut-être un peu minimaliste, mais il est sincère. En fait, nous adorons surfer sur la tempête (NDR : Franz doit adorer cette formule, il l’utilise constamment), être secoués sans arrêt, tout en gardant le contrôle.

Si tu devais pousser quelqu'un à découvrir les Young Gods, de quelle façon lui conseillerais-tu de s'y prendre ?

De venir à un concert en premier lieu et puis d'écouter un disque ensuite. Un concert, c'est une expérience à première vue éphémère mais qui peut te filer la ‘banane’ (NDR : image utilisée par Treichler pour exprimer la bonne humeur qui entraîne l'énergie positive) et aussi la pêche. C'est un cocktail de fruits, en somme ! Ecouter un disque est une action plus intimiste que tu gères et conduis toi-même puisque tu as les rênes.

« TV Sky » est un album dont les textes sont en anglais. Tu en as marre de t'exprimer en français ?

Pas du tout, il se fait juste que j'ai passé trois mois aux States récemment et que machinalement je me suis mis à penser en anglais puisque je communiquais dans cette langue à ce moment-là. C'est ma perméabilité qui a provoqué ce choix...

A propos de perméabilité, par quel type de musique t'es-tu laissé imprégner avant d'engendrer la tienne ?

Bof, je suis passé par des tas de choses. A 15 ans, j'étais fan de Pink Floyd, des Doors. A 16/17 ans, j’avalais du punk à longueur de journée. Je n'écoutais que les Pistols, les Stranglers… Ensuite, je suis passé à la vague avant-gardiste allemande. Des groupes comme D.A.F. ou Neubauten. J'écoutais tout. Je passais des heures chez les disquaires à écouter des tas de trucs sans rien acheter. Comme un vrai emmerdeur. J'ai aussi beaucoup écouté Hendrix, tout comme Alain, notre guitariste, Lui, il a même fait partie d'un groupe qui ne jouait que du Hendrix et s'appelait Experience. En fait, aujourd'hui, on rend un peu hommage à tout ça. Je ne crois pas qu’en samplant des sons de guitare, on trahisse quoi que ce soit. Sûrement pas!

Article paru dans le n°3 du magazine Mofo de mai 92.

mardi, 30 novembre 1999 01:00

Humanistes et extrêmes

Biohazard respire la grande forme. ‘New World Disorder’, le dernier Cd studio en date, tend en tout cas à prouver que le groupe a clairement retrouvé toutes ses ‘ressources’. Pas mal pour un combo extrême annoncé plus d’une fois à la dérive...

« Je partage ton avis! Ce cd-là est vraiment une bombe », nous lance gaillardement Billy Graziadei (guitariste furieux de métier). « J’estime d'ailleurs qu'on n'avait jamais réussi aussi fort. ‘New World Disorder’ c'est vraiment Biohazard à son meilleur niveau. Cet album nous pose d'ailleurs un problème, car nous nous demandons franchement comment nous allons pouvoir faire mieux » (NDR : affirmation suivie d'un rire gras). Il est vrai que des titres tels que ‘Resist’ (rien à voir avec feu Sepultura), ‘Salvation’, ‘Skin’ ou ‘Dogs Of War’ constituent de véritables ‘missiles’ de hardcore métallisé et flambé de la plus virulente espèce. Pas de doute, Biohazard a repris le mors aux dents avec rage, après un ‘Mata Leao’ qui en a laissé pas mal sur leur faim.

Faire Big mais pas simple

« Nous avons abordé l'album avec l'envie de réaliser quelque chose de grand, mais aussi de simple », explique Billy. « En fait, nous tenions absolument à bénéficier du son le plus live, le plus net, le plus direct et le plus percutant possible. Nous avons donc tout simplifié au maximum. Peu de temps en studio, pas de fioritures, juste la hargne de nos compos et un son qui canonne un maximum. Biohazard, c'est ça. Notre meilleur visage, il est là. Nous n'avons besoin de rien d'autre. Notre énergie est notre meilleur message et notre meilleur moyen de communication. En concert, j'adore ressentir les vibrations qui animent le public lorsque nous passons la surmultipliée. C'est géant, c'est grandiose. C'est ce que nous avons voulu approcher sur disque, au maximum: le contact direct en moins, bien évidemment... Je conseille donc vraiment à ceux qui veulent ‘ronronner’ d'écouter autre chose !» Billy se marre, à nouveau, toujours délicatement. Ceci dit, son discours est sans doute adéquat. D'une part, il est vrai que Biohazard n’est jamais aussi percutant que lorsqu’il preste en toute simplicité mais fermeté. Et, d'autre part, la production de l'album, signée Ed Stasium, est adroite de discrétion et de justesse. Juste les paramètres essentiels, et on y va ‘à fond les manettes’. « Ed nous a bien compris, il a bien pigé qu'il devait juste bien nous ‘rendre’. Il avait affaire à des fauves et il devait juste capter leur énergie ». Pari tenu, sans aucun doute...

Du premier jet

Au niveau de ‘l'expression’, le groupe n'a pas fait dans la dentelle non plus, comme d'habitude: « Notre but n'a jamais été de révolutionner le monde, ni même de donner des leçons. Nous livrons nos sentiments, nos sensations, nos perceptions. A l'auditeur d'en faire ce qu'il veut. Nous nous sentons concernés par ce qui se passe autour de nous, comme tout un chacun je crois. Nous livrons donc nos états d'âme. A notre avis, nous vivons une époque très désordonnée, avec son lot imposant d'inepties. Il faut en parler, car les gens doivent être conscients. Or, on les incite à ronronner et s'isoler. On les pousse vers des cultures de masse et, dans le même temps, on perd le respect de l'individu. J'ai, pour ma part, vraiment horreur de ce système. Ce n'est pas normal. Nous en parlons, nous nous exprimons sur ces sujets. C'est important pour nous ». Côté textes, Biohazard travaille également dans la simplicité et la netteté. « Le premier jet est toujours le meilleur », prétend Billy. « C'est comme pour les lignes principales des compos en général. Pas besoin de tourner autour du pot, de faire et de refaire les prises ; le message principal est souvent livré en l’état, sans qu'on y repense et qu'on y repense, qu'on le retravaille dix fois. En fait, dans notre genre, nous sommes des humanistes », explique-t-il encore. « Nous sommes très concernés par ce qui touche à l'espèce humaine, aux individus en général. Nous n'avons aucun pouvoir à faire valoir, mais nous parlons de ce qui les concerne. En voyageant à travers le monde, nous avons découvert des situations dramatiques. A l’origine, nous ne connaissions que celles qui sévissent à Brooklyn! Aujourd'hui, notre vision des événements, sur cette planète, est bien plus large ».

Bye Bob!

Dans son fonctionnement, Biohazard est un groupe terriblement démocratique et il le revendique. « Nous travaillons vraiment très fort en commun », affirme le guitariste. « Nous ne pourrions pas œuvrer autrement. Le groupe rencontre richesse dans l'apport de chacun. Nous composons, nous développons nos chansons ensemble, chacun trouvant la place nécessaire à son expression dans le répertoire du groupe. Nous nous sentons vraiment à l'aise au sein de cette formation, surtout depuis le départ de Bobby (NDLR : Bobby Hambell, parti il y a trois ans) ». Tout baigne donc pour un Biohazard qui, plus que jamais, s'érige en véritable empereur de son registre. « Nous n'avons pas besoin de dominer qui que ce soit », clame pourtant Billy Graziadei. « Nous voulons juste être très forts pour notre public et lui apporter ce qu'il est en droit d’attendre de nous ». A l’écoute de ce nouvel album, il est servi. C'est une évidence!

Article paru dans le n° 78 de novembre 99 du magazine Mofo.

dimanche, 30 avril 2000 02:00

J’ai l’air d’une brute, mais…

Lorsque nous taillons une bavette ensemble, quelques heures avant son fantastique concert à l'Ancienne Belgique, le 24 mars, Henry Rollins en et encore à pester contre Oasis. Ses nouveaux musicos (les trois ex-Mother Superior) lui ont élaboré une description de la prestation accordée la veille –également à l’AB– de la troupe aux frères Gallagher ; et ce n’était pas très avantageux.

« Moi ça me fout les boules d’entendre un gars toiser son public sur scène » assène le tonique Henry. « Surtout que celui-ci a payé pour le voir. J'aime bien les compos d'Oasis mais je ne supporterais pas de me retrouver dans la foule devant un mec qui chante en mâchant son chewing-gum et reste quasi-immobile, les mains dans le dos, pendant tout le concert. Il prend les gens pour quoi? »

Evidemment, et sans du tout vouloir lui cirer les pompes, Rollins, quand il se produit en ‘live’, c'est toujours pour offrir un maximum aux gens qui viennent le voir. Donc, il se défonce, il donne tout ce qu'il a dans le ventre. « Si je ne fais pas comme ça, j'ai l'impression de me planter, de filer à côté de mes pompes et, à la limite, de tromper les gens. Et ça, purée, ça me ferait mal »

On n'a pas cru déceler la moindre démagogie dans ce genre de propos. Le mec a toujours été du genre réglo –et il est quand même là depuis vingt balais. Il n'a jamais accepté de s'asseoir sur ses valeurs pour faire du beurre. « Ce qui me branche, c'est la création et la réalisation d'un album ou d'un bouquin, pas le résultat final. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je passe sans cesse de l'un à l'autre, mais que je ‘produis’ sans arrêt... »

Très expansif et percutant sur les planches, Rollins est pourtant un type très renfermé. « J'aime la solitude. C'est mon équilibre. J'ai besoin d'être seul quand je bosse, j'ai besoin de ce calme : de cette espèce de recueillement qui permet d'aller au fond de soi. J'ai l'air d'une brute mais je suis un type qui analyse tout, qui décortique son comportement et démonte ses propres mécanismes. Pouvoir être très spontané et très réfléchi à la fois, c’est l'attitude que globalement, j'aime bien ».

On le sait, Rollins se multiplie. Quand il ne donne pas dans le hardcore furieux (NDR : cf. son dernier cd, une vraie bombe !) il écrit des bouquins, des poésies (intenses, hein, mais faut vraiment avaler...) ou il se commet dans des séances de ‘Spoken words’. Et, quand il en a l'occasion, il joue la comédie au cinéma (un rôle très concluant dans le ‘Lost Highway’ de David Lynch). « Je ne me pose même pas la question de savoir si j'ai raison. Je le fais, c'est tout. Simplement, j'en ai envie et ça me ressemble. Incompatible de jouer du hardcore et d'écrire des poèmes? Ce serait débile de le prétendre. Au contraire, c'est très complémentaire. Moi, ça me fait du bien et ça me libère de ce que j'ai ‘dedans’. Si ça branche aussi les gens de marcher avec moi, tant mieux! »

Article paru dans le n° 82 du magazine Mofo d’avril 2000.

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