Vingt ans après sa sortie, « Operation Mindcrime » constitue toujours le chef-d’œuvre absolu de Queensrÿche. Non seulement les arrangements sont d'une précision chirurgicale, mais les compositions sont superbes et les lignes mélodiques vocales parfaites.
Mais avant toute chose, commençons par analyser les aspects négatifs de ce type de musique, pour mieux les balayer ensuite :
- Le heavy métal, sauce opéra rock affiche un côté kitch sur scène. C'est vrai ! Mais le show est tellement impressionnant qu'il est difficile de ne pas être précipité dans de l’univers de Nikki, Mary et du Dr.X,
- Les membres du groupe ne communiquent pas avec le public. Quelle autre solution adopter, lorsqu’on sait qu’ils jouent une intrigue devant nous. D'une rare cohérence, cette histoire ne peut être interrompue à aucun moment.
- L'AB était loin d'être comble, mais les tentures noires tirées devant les balcons et les gradins rendaient les lieux beaucoup plus intimes. On avait même l’impression que la salle était pleine à craquer.
- Enfin, comment analyser un tel show, lorsqu’on sait que les musiciens ont composé cet « Operation Mindcrime », en 1988. Et en précisant que les 3/4 du public qui ont acheté ce disque –à l’époque, ils avaient alors 15 ou 20ans– ont vieilli eux aussi. Peu de gamins, d'ailleurs, pour ce concert conceptuel, exercice auquel finalement peu de groupes osent se frotter.
Le concert démarre dès 19h00 par l'intégrale d'« Operation Mindcrime », volume I. Introductions bien entendu suivies par "Revolution Calling" et "Operation Mindcrime" qui nous plongent tout de suite dans l'ambiance : un rock déchaîné caractérisé par ses guitares acérées, et une mise en scène digne de cette épopée, alimentées d’intrigues sociales, politiques et religieuses, racontant le récit du mystérieux Dr. X qui cherche à conquérir le monde. Pour atteindre son but, il prend le pouvoir sur le naïf junkie Nikki, qu'il remodèle jusqu'à en faire une machine à tuer. L'histoire se déroule sur les planches, comme sur l'album ; à une différence près : Mary, l'ange gardien de Nikki, jouée par Pamela Moore, se suicide sur scène suite à un appel téléphonique de Dr.X ; et son corps disparaît dans les flammes au terme d'un "Needle Lies" d'une puissance incroyable (NDR : malgré les quelques imperfections vocales manifestées par Geoff Tate). Signalons quand même qu’hormis l’un ou l’autre détail, le son est tout bonnement magistral. L'alternance entre les passages chantés et les riffs sont remarquables. Les duels entre les guitares d'anthologie. Les figurants sont présents sur la moitié des titres afin d'illustrer le propos des chansons. Un écran géant a été placé en hauteur. Des images relayant les titres y sont projetées ; mais également captées en live durant le concert. Histoire de parachever l'impression d'assister tant à un spectacle qu'à un concert de heavy metal.
Détail piquant, mais totalement inhabituel aujourd’hui : ce sont les deux mêmes guitares qui sont utilisées tout au long du set... Quand on pense que des groupes de gamins comptant à peine un disque à leur actif en consomment parfois une kyrielle, pour une heure de show....
Les dernières notes de "Eyes of a Stranger" ont à peine fini de résonner que les musiciens quittent la scène. Les lumières de la salle se rallument. Les Queensrÿche méritent en effet bien une pause ; ne fût-ce que pour permettre à Geoff Tate de se refaire une ‘beauté’ : son maquillage a eu le temps de couler ; à un tel point que son regard en devenait inquiétant sur les derniers titres. Outre ses capacités de vocaliste de haut vol en matière de metal, il a un don inné pour mimer son show.....
Retour en salle sur une bonne nouvelle. Alors que les photos n'étaient usuellement autorisées que sur les 3 premières chansons (NDR : lors du premier « OM »), le second opus est ouvert aux courageux photographes qui le souhaitent. Une condition : rester dans la salle. Frontstage interdit. Je dois reconnaître qu'excepté votre serviteur, il ne doit pas y en avoir eu d’autre. Ce deuxième tome d’« Operation Mindcrime » a tellement été décrié à sa sortie. Notamment par les fans de la première heure. Normal, ils l'ont plus que probablement trop comparé à son homonyme de 1988. Aussi, je n'en attendais pas beaucoup sur scène. Grave erreur : Geoff revient vêtu d’un superbe costume noir. Il assiste à son procès sur les notes de "I'm American" qui trouve en live toute sa dimension hardeuse. Suivent différents épisodes consacrés à la vengeance de Nikki. Après sa descente aux enfers traduite par 18 ans en prison, il cherche à retrouver le Dr.X pour lui faire regretter tout le mal qu’il lui a fait et venger Mary. C'est sur "The Chase", lors de la confrontation entre Nikki et le Dr.X, qu’intervient la grosse déception de la soirée. Dans la version studio, c'est Ronnie James Dio qui tient le rôle du Dr.X. Je n’imaginais même pas entendre Dio chanter sa partie vocale. Mais quelle déception de devoir se contenter d’un enregistrement de sa voix… et aussi de celle de Geoff Tate ; alors que les quatre musiciens continuaient à jouer en live. Et ils remettront le couvert, même si Geoff assurera alors quand même sa propre partie.
Hormis cette remarque, « OM2 » prend tout son sens sur scène. L'atmosphère est manifestement impitoyable, ténébreuse et glauque (Geoff exécute un prisonnier d'une balle dans la tête, envisage de mettre un terme à ses jours, s'abandonne aux drogues et à l’alcool). L'absence de claviers sur scène renforce encore cette impression et les interventions nombreuses de Pamela Moore –qui tenait le rôle de Mary une heure plus tôt– apportent une touche plus lyrique aux chansons. Bref, une version ‘live’ qui prend largement le pas sur la ‘studio’. "All the Promices" clôt ce second volet. Rejoints par Pamela, les musiciens viennent saluer et remercier le public. Geoff sourit enfin ; après avoir joué pendant deux heures un rôle de sinistre personnage…
Les Queensrÿche remontent sur le podium quelques minutes plus tard pour accorder pour un rappel de 3 titres, au cours duquel ils peuvent enfin partager avec le public leur joie, voire leur bonheur, d'être sur ces planches. Et franchement, ce bonheur est communicatif. Et tant pis si la voix de Geoff a pris un coup dans l’aile ; il assure encore, le bougre.
Dommage que la salle n'était pas comble ; comme aux grandes heures où Queensrÿche remplissait des temples de la taille de Forest National. Mais comme je le rappelais en début de compte-rendu, nombre de fils du métal sont maintenant pères de famille ; et la nouvelle génération a l’embarras du choix, quand elle souhaite se déplacer pour un concert… même de métal.