C’est déjà le quatrième et dernier jour du festival. Il doit être 15 heures. Nous croisons autant de personnes qui arrivent que de campeurs pliant bagage. La moyenne d’âge est aussi plus élevée. De nombreux riverains du site ont été invités par le Bourgmestre. Ils en profitent pour faire leur petit tour. Résultat, en ce début d’après-midi, l’ambiance au sein du public est plutôt calme.
Ce calme est toutefois de courte durée. Moins d’une semaine après avoir vécu un séisme de degré trois sur l’échelle de Richter, les terres douroises tremblent à nouveau ; mais sur celle de Lofofora cette fois-ci, une des grosses pointures du hardcore français. Après avoir commis un excellent opus, intitulé « Dur comme fer », les Parisiens ont un peu tourné en rond. Le public d’ailleurs aussi. Mais à leur manière, puisque les ‘circle pits’ et autres pogos n’ont pas tardé à se déclencher. Pourtant, le set manque de subtilité. Tout comme les commentaires du vocaliste Reuno, par ailleurs. Mais les nombreux fans, dont notre Ponpon, ne leur jettent pourtant pas la pierre.
Au sein de Heavy Trash, Jon Spencer ne fait plus dans le Blues Explosion, mais plutôt dans le rockabilly. Il est secondé par Matt Verta-Ray (du groupe Speedball Baby). Bien que toujours très énergique, la prestation ne parvient pas à capter l’attention de la foule, sans doute fatiguée par quatre jours de réjouissances. Jon a beau être enthousiaste, ses ‘Oh Yeah !’ ne sont guère partagés. Maintenant, il est vrai que leur set était peut-être programmé un peu trop tôt dans l’après-midi…
Efterklang est un ensemble danois. Dans leur langue, ce terme se traduit par résonance ou réminiscence. Sur scène, leur mélange de post-rock, d’électro et de cuivres passe plutôt bien la rampe. Imaginez un peu 7 musiciens en tenue (négligée) de mousquetaires. Le spectacle assez plaisant rappelle quelque part leurs voisins d’I’m from Barcelona. Mais leur univers multi-instrumental est plutôt bordélique. Et seules les oreilles averties parviendront à tenir la distance. En outre, vu la programmation chargée de ce dimanche, on préfère zapper.
Le festival de Dour ne manque jamais d’artistes à découvrir. Tout dépend de sa culture musicale. Lorsqu’un ami ou un journaliste (l’un n’excluant pas toujours l’autre) nous recommande un groupe ou un musicien, notre curiosité nous pousse à s’y intéresser. Et à se rendre jusqu’au podium pour se faire sa propre opinion. C’est le cas de Chrome Hoof et de Why ? Les premiers pratiquent un rock inclassable, dont le style navigue quelque part entre les Bellrays (NDR : aussi déjantée, leur chanteuse est également de couleur noire) et Siouxsie. Le second ne nous botte pas trop. Why ? est un autre bidule à tendance hip-hop. Nos conseillers nous confient cependant que la prestation douroise est loin de celle accordée dans le cadre des dernières Nuits du Bota.
La toute grosse foule se masse sous le Dance Hall. Et même à l’extérieur. Didier Super jubile. Il faut dire que son humour énième degré cadre bien avec le festival. Son rock provoc’ fait toujours autant recette. Il vilipende constamment son public, notamment sur la pédophilie en Belgique ; et ses musiciens font même mine de le quitter, fâchés. Mais ce scénario n’est évidemment qu’une mise en scène bien huilée. Un des deux plus grand succès de foule ce dimanche (Alpha Blondy, programmé plus tard en soirée, sera l’autre), avant la première réjouissance, musicale cette fois-ci, de l’après-midi.
Au début des années 60 Buddy Holy signait « Rave on ». Ce tube a inspiré The Raveonnettes, une formation qui nous replonge dans l’histoire du rock’n roll. Et parfois plusieurs décennies, auparavant. Même si le fil conducteur semble s’attarder vers la fin des 80’s et le début des 90’s ; et nous rappeler en particulier des combos comme Jesus and Mary Chain ou Slowdive. Première surprise, ce n’est pas la délicieuse blonde Sharin Foo qui monte sur les planches. Mais sa sœur Louise. Sharin est enceinte. Les frangines possèdent un physique à nous rendre Foo. Louise ressemble à Kirsten Dunst (n’oubliez pas notre section ‘Live photos’). Elle est membre du collectif Ohmarymary. Plus réservée, sa tonalité vocale est tout aussi sensible ; mais son timbre est parfaitement complémentaire avec celui de Sune Rose Wagner. Les échanges d’harmonies vocales sont d’ailleurs savoureux. Bref, le spectateur ne perd pas au change. On a l’impression de déguster un bon homard arrosé d’un Bordeaux-supérieur. Enfin, un spectacle apprécié de bout en bout, même si les aficionados nous confieront qu’en salle, flanqué de la chanteuse principale, c’est encore mieux.
Autre régal de la soirée : Fujiya & Miyagi. Retenez bien leur nom : Fujiya & Miyagi ! On ne peut pas parler de coup de cœur, car on avait déjà pu assister à leur set accord au Pukkelpop, l’année dernière. Mais d’une confirmation. On est bien en présence d’un des meilleurs groupes découverts lors de ces deux dernières années. Le club circuit Marquee n’est pourtant qu’à moitié rempli, mais tous les spectateurs manifestent de l’enthousiasme, même ceux qui, comme nous, prennent le concert en cours de route. L’ombre de Yo la Tengo plane encore sous ce chapiteau qui les avait accueillis deux ans plus tôt. Surtout lors du final d’une durée, quand même, de plus de 10 minutes. Avant que le public n’applaudisse chaleureusement le départ du trio anglais.
Il est déjà 22h30. La foule est beaucoup plus conséquente. Certains festivaliers se seraient-ils réveillés tardivement ? Ou alors la présence d’Alpha Blondy focaliserait-elle un nombre très élevé de spectateurs. Déjà gâtés les jours précédents, les fans de reggae s’en donnent à cœur joie. De son véritable nom Seydou Koné, Alpha Blondy est en effet une des plus grandes figures du genre africain. Et dire que c’était déjà la troisième fois qu’il faisait honneur à Dour. A 55 ans, il n’a rien perdu de sa verve, arborant même fièrement un tee-shirt ‘sex machine’. Ambassadeur de la paix dans son pays, la Côte d’Ivoire, il se démène sans compter pour conduire son combat. Il est bien soutenu par deux choristes. Les mêmes que celles épaulant son compatriote Tiken Jah Fakoly, me semble-t-il…
La soi-disant ‘tête d’affiche’, pour autant que l’on puisse l’appeler ainsi, était Gogol Bordello. Ce groupe multiculturel résume à lui seul l’atmosphère du festival. Un sacré mélange des genres. Un foutu bordel mais qui a du style et de la pêche. Bref, une recette idéale pour faire la fête. Il ne faut que quelques minutes au leader Eugène Hütz pour électriser les premiers rangs. « Not a crime » sonne le départ d’un cortège incessant de slams et pogos. Pendant « Start wearing purple », la moitié de l’assemblée jumpe. Le final est un peu long. Plus d’un quart d’heure. Un massacre du pourtant sublimissime « When The Trickster Starts A-Poking ». Mais bon, vu l’ambiance, personne ne semble s’en soucier. Bonne nouvelle pour les nombreux aficionados, ils reviennent le 17 décembre 2008 au Splendid de Lille, au terme d’une tournée qui les mènera de Tokyo à Montréal en passant par Moscou. Le tout, en moins d’une semaine. Quelle santé !
Quant à nous, il est temps de penser à la route du retour. Emprunter ces fameuses passerelles casse-gueule à la sortie du site, après cette journée marathon. Heureusement c’est aussi celle de la clôture.
P.S. : Je me permettrai quand même d’ajouter un petit commentaire au sujet de l’ambiance qui a pourri le set des BB Brunes. En toute franchise, je dois avouer ne pas être trop branché par leur univers sonore. Lors de leur prestation, j’ai pris un certain recul. Au propre comme au figuré. Mais quel triste spectacle ! Pas celui accordé par le groupe, qui ma foi lorgne davantage vers le rock qu’un vulgaire ‘boys band’. D’ailleurs, la veille, dans le cadre des Francos de Spa, il avait récolté un franc succès, lors. Mais à Dour, les applaudissements étaient largement dominés par les lazzis ; si bien que la formation a dû se produire dans une cacophonie indescriptible. Aussi, je me demande qui est le plus immature ? Les jeunes ados ou cette frange du public dourois qui, après Patrick Juvet et Diam’s, a jugé bon de balancer une série de projectiles vers la scène. Le problème c’est qu’ils n'ont pratiquement jamais atteint leur cible, mais plutôt les spectateurs des premiers rangs. Dont de nombreux jeunes qui participaient pour la première fois à ce festival. Quel souvenir garderont ces ados de Dour ? Auront-ils envie d'y revenir ? Et que penser de ces médias (y compris le site officiel live.dour) qui se sont contentés de tirer à boulets rouges sur le groupe sans remettre un instant en question l'attitude du public. ‘BB cadum ? Dur dur d'être BB’ titrent-ils ? N'empêche les BB Brunes sont parvenus à tenir tête à leurs détracteurs et ont démontré qu’ils ne manquaient pas d'humour. Tout d’abord en respectant leur timing (NDR : dans ces conditions, difficile d’accorder un quelconque rappel). Ensuite, en leur rétorquant qu’ils étaient incapables de viser correctement. Faut croire que ces ‘hooligans’ qui dansaient la farandole sur des reprises d'Abba, le mercredi soir, jugeaient sans doute leur comportement plus branché... Tout est question de point de vue…