Pourquoi se farcir 1 300 km pour assister à un festival qui se déroule au Nord de la Pologne, quand on peut voir les mêmes artistes à Werchter, en Belgique ? Tentatives de réponses ci-dessous.
L’avion Bruxelles-Gdansk transporte une majorité des festivaliers. Il y a même une Louvaniste qui a grandi au rythme de notre festival national, mais elle souhaite changer d’air. Convaincue, tout comme votre serviteur, pour y avoir déjà participé, l’an dernier, que celui proposé en bord de mer Baltique, se distingue par bien des spécificités.
La route est pourtant longue pour arriver aux portes du site de Gdynia. Un site implanté sur un aérodrome qui confère un espace gigantesque. Et un sentiment d’évasion, de propreté et de liberté à la fois. Vu son étendue, il n’y a ici pas vraiment de mouvement de foule, ni de bruit constant. Ni même de brassages de mauvaises odeurs. Le point négatif, ce sont les deux kilomètres qui séparent les deux scènes. Raison pour laquelle, les festivaliers les plus insatiables (NDR : ceux qui veulent voir un maximum de groupes) n’hésitent pas à courir entre les podiums. Heureusement, le terrain est bien entretenu, et ressemble plus à un terrain de football foulé en division supérieure qu’à un champ de patates, en Belgique.
Autre règle susceptible de déstabiliser : la discipline. On croise de très nombreux vigiles aux quatre coins du secteur et on est soumis à une fouille minutieuse dès l’entrée. Avec une tolérance zéro pour les drogues, y compris douces (NDLR : même votre paquet de cigarettes est inspecté de fond en comble). Néanmoins, vous ne verrez ici personne urinant où bon lui semble, allumant des feux intempestifs ou poussant des cris de barbare (style ‘Boeeeren’). Une (trop ?) grande quiétude qui permet d’apprécier les concerts sans être continuellement interrompu par des fêtards ou des parasites.
Interpol se produit en fin d’après-midi. Toujours aussi peu loquace, Paul Banks parvient à glisser au micro, juste avant de commencer le set du band, un ‘we can enjoy the sunset’. « Say hello to the angels » ouvre logiquement le concert. « Evil » embraie et réveille la foule. Suivi de « C’mere », une nouvelle compo fort intéressante. Elle figurera sur le prochain elpee, « My Desire ». Un titre qui s’achève par des riffs dispensés en crescendo. De quoi briser un peu la monotonie d’un répertoire qui aligne une majorité de compos sculptées dans le post punk ou balisées par une ligne de basse new wave. Malheureusement, le second inédit, « Anywhere », nous replonge dans ce climat monocorde. En outre, son refrain est répétitif et pompeux. Il faut attendre la fin du show pour que le public (et moi-même je l’avoue) s’emballe à nouveau à l’écoute de « PDA » et « Slow hands ».
Vu la critique favorable dont bénéficie le dernier opus de Metronomy, « These songs go places Metronomy never have before, and they do so spectacularly », il était presque obligatoire de vérifier le bien fondé de cette opinion. Hum, non, je ne vois pas pourquoi cette formation bénéficie d’un tel engouement. Les fans d’electro britpop ont bien sûr le loisir de taper dans les mains ou de balancer les bras de gauche à droite (NDR : ou de droite à gauche, selon). Mais laissons ce plaisir aux ados insulaires et aux hipsters qui glorifient leurs remixes. Bien sûr, le band tente parfois de s’éloigner de son électro kitsch pour embrasser un profil rock plus chaleureux. Mais ces bonnes intentions sont de trop courte durée, et invariablement le style retombe dans une forme mainstream acidulée, peut-être second degré, mais finalement irritante.
Bref, mieux vaut retourner sur la main stage, pour savourer du rock, du vrai, du tatoué ! Certes, les Black Keys nous en mettent moins la vue, sur une scène qui semble même deux fois trop grande pour eux, mais bien plein les oreilles. Dès les premiers accords, Dan Auerbach met tout le monde d’accord (y compris votre serviteur) en balançant ses riffs incisifs sur « Dead and gone ». Il me fait d’ailleurs penser à un autre prodige de la gratte, Jack White. Coïncidence, l’ex-leader des White Stripes est aussi à l’affiche de cette édition. Oscillant d’un folk US à un rock plus psychédélique, le set connaît cependant des hauts et des bas. Il faut même attendre la deuxième partie, et le long rappel, pour que le groupe retrouve tout son éclat. « Fever », le tube incontournable « Lonely Boy » ou encore « Little Black Submarine » remettent les pendules à l’heure. Et plus intéressant encore « I got mine » se révèle particulièrement audacieux. Un titre issu de leur cinquième LP, « I Got Mine », sorti en 2008. Soit avant « Brothers », et bien entendu « El Camino », deux opus peuplés de tubes en puissance, et à la sensibilité mélodique plus pop. Ce qui leur a permis de faire la tête d’affiche des plus grands festivals. Car, qu’on le veuille ou non les Black Keys sont devenus une machine bien trop huilée. Il semble loin le son garage, un peu crade, qui me mettait dans un état proche de l’Ohio.
Changement de podium et changement de style, pour accueillir trois sœurs dans le vent : les frangines Haim (prononcez Hy-im). C’est qu’elles ont également enchaîné de gros festivals, comme Glastonbury ou le Primavera, juste avant d’atterrir en Pologne. Recueillant les faveurs de nombreux médias, comme artistes à découvrir absolument. Vu le type de public captivé, j’ai d’abord été tenté d’écrire qu’il s’agissait d’un groupe de jeunes filles jouant pour des jeunes filles. Mais passé cette première impression, il faut avouer que les trois artistes féminines se débrouillent plutôt bien en front de scène, éclipsant par conséquent leur propre drummer. Un mâle ! En affichant une aisance presque désinvolte, les Californiennes alignent leurs tubes, cassant cette image pop juvénile qui leur colle à la peau. Elles s’excitent sur leurs grattes et n’hésitent pas à changer de registre, en affichant une belle maîtrise. Ce qui m’autorise à penser qu’elles ont un bel avenir devant elles, même si leur soft rock n’est pas vraiment ma tasse de thé.
Je clôture cette journée par un autre band californien, Foster The People. Il est venu défendre son deuxième opus, fraîchement sorti, « Supermodel ». Le premier elpee, « Torches » regorgeait de hits, un disque qui leur avait permis de décrocher quelques ‘Grammy awards’. Cependant, quand on a gravé un tel disque, difficile de faire mieux. Et on va rapidement s’en rendre compte. Le light show est impeccable. Sur l’estrade, le combo déborde d’énergie. Mais la voix de Mark Foster est un peu trop fluette à mon goût, à tel point que parfois elle devient aussi irritante que celle de Mika. La journée a déjà été bien longue, et je préfère prendre un peu de repos (mérité), sans attendre le final dansant de leur set, « Pumped Up kicks »…