Ce jeudi 21 septembre 2023, c’est la ‘release party’ de SOROR, une formation bruxelloise née de la rencontre entre Sophie Chiaramonte et Alice Ably. La première, passionnée de rock, se charge de la basse. La seconde, chanteuse, bercée au trip-hop et r&b des années 90, vient d’avoir un bébé. Ce qui explique le titre de l’album, « New born ». Depuis 5 ans, à l’instar de Julie Rens et Sasha Vonk chez Juicy, elles sont devenues inséparables, voire fusionnelles.
SOROR signifie sœur en latin. Il ne s’agit cependant pas d’un duo, mais d’un quatuor, puisqu’il implique le batteur Théo Lanau (NDR : issu de la scène jazz, il a milité, notamment, au sein de Limite, Le Bal de Marie Galante, Amaury Faye Trio, Terpsichore, Mobilhome, Pétrole et Omega Impact) et le guitariste Thibaut Lambrechts. Mais ce sont les filles qui dirigent la manœuvre ; elles reconnaissent d’ailleurs être féministes, mais sans tomber dans le radicalisme.
Fondé en 2020, Warm Exit assure le supporting act. C’est également un quartet réunissant le bassiste/chanteur Max Poelmann, le drummer Martin Tafani, le préposé au synthé Joris Vanshoren et le guitariste/chanteur Valentino Sacchi. A son actif, un Ep éponyme (4 plages) paru en 2023, et un single deux titres, « TV/Ultra Violence », en 2021. Un nouvel Ep (8 pistes) sort dans un mois, il s’intitulera « Ultra Violence ».
La Rotonde est déjà bien remplie lorsque l’autre formation bruxelloise grimpe sur les planches. Look à la Mountain Bike, cheveux au vent, Max est vêtu d’un short. A l’écoute de la musique de Warm Exit, on pense successivement à Wire, Crass, P.I.L., Nirvana et pour les plus contemporains à Pearl Jam, mais surtout au band canadien METZ ; et pour les combos belges le spectre des défunts Cocaïne Piss et Raketkanon se met parfois à planer. Outre le punk, le grunge, la noisy et l’indus, le groupe puise également ses références dans le krautrock pour concocter une expression sonore qu’on pourrait qualifier de virile, torturée et intense.
La ligne de basse est entêtante, le drumming tribal, la sixcordes régulièrement discordante est parfois traversée de larsens. Le chant peut s’assimiler à des cris, être vocodé, devenir grave, passer au murmure, au gémissement ou se désarticuler. Excitant, le premier morceau, « Damages Become A Necessity » permet de pénétrer au sein de l’univers tourmenté de Warm Exit. La basse y est légèrement désaccordée, comme celle de Chris Slorach, du groupe torontois susvisé. A ce moment précis, on a même l’impression d’entrer dans un macrocosme industriel. « Become The Butcher » est aussi tranchant. La guitare devient littéralement incendiaire pendant « Concrete Fascination ». Les morceaux sont, en général brefs et rapides.
Un set aussi sauvage qu’accrocheur !
Setlist : « Damages Become A Necessity », « Become The Butcher », « Positive Anxiety », « Concrete Fascination », « Too Many Faces », « Extraordinary Murders », « Ultra Violence », « Auto-Destruction ».
Lorsque SOROR monte sur les planches, la Rotonde est bondée. Le set s’ouvre par « Sister », un extrait du premier Ep (NDR : un éponyme) paru en 2021. La batterie est puissante et tranchante, la ligne de basse omniprésente et la voix d’Alice, habitée, atmosphérique, incantatoire. Campant un hybride entre Beth Gibbons (Portishead), P.J. Harvey, Siouxsie et Björk, elle prend directement aux tripes. Quelquefois, Sophie vient également l’appuyer de la sienne, nous réservant alors de superbes harmonies. Huileuse, subtile, la guitare monte progressivement en puissance. Organique, le son définit la ligne de conduite du groupe. Quant à la musique, bien que fondamentalement rock, elle est pimentée de de saveurs psychédéliques contemporaines, de nuances trip hop et d’accents r&b circa 90’s.
Les compos sont profondes, sombres et mélancoliques. Dispensées par petites doses, les interventions des claviers peuvent se muer en sonorités vintage, très sixties, comme celles d’un orgue Hammond. La section rythmique est parfaitement en phase.
Poursuivie par des percus percutantes, la basse attaque de manière frontale « System Is A Lie ». Les textes sont engagés. Ainsi cette chanson accuse les gouvernements de nos sociétés d’afficher une vision démocratique alors qu’en réalité, elle est oppressive. « Shadow Of A Doubt » invite à ne pas retourner dans le passé, mais plutôt de foncer vers l’avenir. La voix d’Alice devient alors caustique pendant que son corps ondule et se trémousse sous le light show de couleur rouge, nous plongeant au sein d’une ambiance mystérieuse et un peu démoniaque…
« Bohemian Paradise » c’est l’histoire du road trip d’un gitan qui part de Bruxelles, traverse les pays de l’Est et atteint ‘Le paradis de Bohême’ une région de moyenne montagne située au nord de la Tchéquie, sur le cours moyen de la Jizera. Il est particulièrement renommé pour ses villes de rochers en grès. Le séjour y est presque idyllique, mais lors du retour, le voyageur transite par Berlin et le périple s’achève en cauchemar. Ce morceau hypnotique et langoureux baigne au cœur d’un climat plus psyché. Groovy et lancinante, la ligne de basse est rappelée à l’ordre par les guitares effilées. La voix devient envoûtante et le drumming tribal (NDR : le clip vidéo de ce titre est disponible là).
En écoutant attentivement « Humdrum Route », un extrait du premier Ep, on a parfois l’impression de se retrouver lors d’un concert de Siouxsie & The Banshees, lorsque Robert Smith y militait encore à la guitare. C’était en 1979 ! A d’autres moments, la six cordes libère des sonorités réverbérées, surf même. « Wish » est dispensé dans une version acoustique. Conquise, la foule écoute le morceau religieusement.
SOROR accordera « Copy Of You » en rappel. Un chouette concert pour un groupe qui mérite manifestement qu’on s’y intéresse. Enfin, si vous avez l’opportunité d’assister à sa prestation en ‘live’, n’hésitez pas, elle en vaut le détour !
Setlist : « Sister », « System Is A Lie », « Shadow Of A Doubt », « Bohemian Paradise », « Humdrum Route », « New Born », « Wish », « The Only Way Out », « Wash Bleeding ».
Rappel : « Copy Of You ».
(Organisation : Botanique)