Le ProPulse est un festival très intéressant, qui se déroule au sein du Botanique. C'est la première année que votre serviteur en couvre plusieurs jours. On y fait pas mal de belles rencontres. Notamment d’artistes. Débouchant sur de chouettes discussions constructives. Et bien sûr on y fait des découvertes. C’est également un des objectifs de cette organisation. Le Propulse ressemble un peu à l'Eurosonic de Groningen (Pays-Bas), le marché où artistes se vendent et programmateurs préparent leurs affiches. Court-Circuit, un fameux tremplin pour nos artistes émergents, s'est associé cette année aux structures qui boostent et promotionnent ceux issus du Nord du pays. Une prise de conscience salutaire, qui permet de comprendre que la Wallonie et la Flandre de la Culture ne sont plus des pays étrangers. Enfin, il n'y a plus de barrière de langue pour la musique en Belgique. Et c'est très bien. Il est à noter qu'il y a très longtemps que le Botanique l’a compris et ouvre ses salles aux artistes de l’autre communauté linguistique.
Mais revenons à nos moutons. Scotché par la prestation de Byron Bay –une formation flamande particulièrement douée et dont on va certainement entendre parler, dans un proche avenir– j’ai relevé parmi les bonnes surprises, les sets d’Ottilie, de The Brussels Vocal Project (NDR : une fameuse claque), de Cargo Culte et d’Alaska Alaska qui ne fait que confirmer sa progression.
Il y a pas du monde dans les couloirs du Botanique. Et j’ai l’impression que le chauffage a été poussé au maximum pour, non pas faire monter la température, mais l’ambiance. Des tas d’artistes présentent leur projet dans les couloirs. La journée jusqu'à 18 heures est réservée aux professionnels du monde du spectacle. Et des artistes émergents ont l’opportunité de se produire pendant une demi-heure à l'Orangerie ou à la Rotonde.
Première révélation de la journée, Ottilie monte sur les planches de la Rotonde à 15h45. Plutôt jolie, cette dame se singularise par un accent méditerranéen. Ottilie Bouchareu est originaire des Hautes-Alpes ; mais elle est installée à Bruxelles. Elle a publié un concept album en 2013, « Histoire d'O2 », un disque classé parmi les 10 albums francophones de l'année par Telerama / France Inter. Son second essai est un Ep. Intitulé « Histoires d'O Deux », il a reçu le concours de Nicolas Repac (Arthur H, No Format), lors des sessions d’enregistrement. Et il est paru en mai 2013. Femme libre, Ottilie décline des origines multiples (Kabylie, Mongolie, Italie). Ses influences oscillent de Björk à James Blake en passant par Fink, Gainsbourg, Satie, Les Elles, Sainkho Namtchylak et Abida Parveen. Perso, j’estime qu’elle puise également ses sources chez une artiste américaine décalée que j'adore, Merril Garbus aka tUnE-yArDs. Il n’y manque que les plumes et le grimage.
Sur l’estrade, le décor est basique. On remarque la présence d’un micro, d’un laptop, –une machine qui fait des prodiges quand on se produit en solo– disposé sur une table et d’un accordéon ainsi que d’un tambourin, sur la droite. Vêtue de noir, elle marche pieds nus afin de garder le contact avec les planches et y ressentir les vibrations. La chamane attaque « Automne ». Sa voix semble venir de loin. Peut-être du Tibet. Très caractéristique, elle est imprégnée des chants du monde (diphonique, soufi). Elle empoigne son accordéon et en extrait des sonorités qui vous caressent les oreilles. Elle le maîtrise parfaitement et se lance dans un tango teinté d'électro, tout au long de « Donne Tes Elles ». Un voyage entre la France et l’Argentine, empreint de magie ! La loop machine fait merveille. Les rimes de la poétesse également. Des voix sauvages et corrosives parcourent « Chapeau d'O », un titre balayé par son instrument fétiche. Mais également des gazouillis de passereaux. Mélopée, « Au Bord Des Lèvres » est une compo plus paisible. Ottilie entre en transe et esquisse un petit pas de danse mécanique sur « La Danseuse », un morceau parsemé de tonalités de clochettes, virtuelles et pourtant si présentes. Un partenaire virtuel qui échange un duo avec elle pour « All'o ». Son laptop !
A l’instar d’un concert de JoeyStar, l’auditoire est invité à se remuer, à mouiller sa chemise. Elle replace ses boucles dans le dos et nous invite à imiter le bruit du bourdon. Accordéon en mains, elle entame « Crayons ». Les crayons ne sont pas contents et sont en colère. Un hommage à Charlie au cours duquel elle s’autorise des envolées vocales à la Jacques Brel. Elle joue sur les rimes et slame. Dans l’esprit de Grand Corps Malade. Balayée par ses interventions de tambourin, la trame sonore est arabisante. On se croirait dans le désert. Le spectacle touche à sa fin. Après « Survive, Je Suis L'Etoile », place à « Mad'Ame Rêve », une reprise d'Alain Bashung plus que personnelle. Et son set de s’achever par « Imbécile Heureuse ». Une guimbarde artisanale cède le relais à un beat boxing humain. Un félin s’est invité dans la gorge et pousse à recommencer la chanson. Un spectacle à la fois simple, interactif, troublant, original, artisanal et pourtant tellement professionnel qui a enchanté l’auditoire. En outre, l’artiste est sympathique et accessible. Elle se produira prochainement en première partie de tUnE-yArDs et de Björk.
The Brussels Vocal Project constitue la deuxième bonne surprise. Ce sextuor se produit dans l’Orangerie. Il réunit six chanteurs : François Vaiana, Elsa Grégoire, Anu Junnonen, Frédérique Borsarello, Jonas Cole et Gilles Wiernik. Pas un seul instrument sur les planches. Leur musique s’inscrit dans un courant jazz contemporain. Les sonorités chaudes et douces se mêlent aux complexités harmoniques, syncopées et rythmiques. Pour leur premier projet, le collectif s’est associé à des compositeurs de jazz belges notoires tels que Fabrizio Cassol, Nathalie Loriers, Fabian Fiorini, Diederik Wissels, Pierre Vaiana, Pirly Zurstrassen et Serge Lazarevitch. On est en plein dans l'univers musical de la pièce maîtresse signée Pierre Van Dormael, « The Art of Love ». C’est aussi le titre de leur premier elpee. Le décor est planté. Je ne suis pas très accro au jazz, mais dispensé sous cette forme, à petites doses, teinté de slam et de rap, et lorsque les voix touchent au sublime, on ne peut que succomber. L'Orangerie est soudainement transformée en cathédrale désacralisée, pourtant propice à des moments de recueillement, d’émotion, au sein de laquelle la perfection des voix fait dresser tout ce qui est pileux sur le corps. Délicate, mystique, presque divine, l’expression sonore se savoure par petites doses, comme un bourbon grand cru…
Un petit tour au bar pour se désaltérer, un peu de marché musical et quelques causeries avec des artistes en attendant la soirée publique qui va débuter à 20h00. Elle va se dérouler en alternance entre la Rotonde et l'Orangerie.
Byron Bay est un quatuor gantois composé de Tom Verstappen, Dries Lybaert, David Maes et Sander Stuer. Ils sont jeunes et beaux. Ils ont même des visages d'anges. Et Tom a une superbe voix, douce et paisible, chaude et limpide, taillée pour le country/folk. Ils viennent de signer chez Universal. Ils on été finalistes du concours 'Humo's Rock Rally’, en 2014 et ‘De Nieuwe Lichting’, en 2013. Ils n'ont rien à perdre et tout à donner. Fans de Balthazar, The Black Box Revelation, Compact Disk Dummies et Goose, ils ont publié un premier single intitulé « God Only Knows », et devraient marcher sur les traces de leurs idoles, mais également de dEUS, Oscar And The Wolf, The Subs et bien d'autres, qui sont parvenus à s’exporter au-delà de nos frontières.
Le show s’ouvre par « Do You Wrong » et embraie par « Collide », deux morceaux sucrés qui fondent dans vos tympans comme de la gelée royale. Le chant de Tom est clair. Il me fait penser à celui de Max Colombie chez Oscar And The Wolf. « Jesus, Etc. » est une cover de Wilco. Et la version est empreinte d’une grande tendresse. Le public féminin est au bord de l’évanouissement. Tom, si tu es célibataire, tu risques de faire des ravages auprès des filles. Le set est intense et parfois électrisé par des guitares incisives et ravageuses. « God Only Knows » est une autre compo pleine de charme… Pour votre info sachez que le combo, part en tournée, comme supporting act de Jett Rebel. Ne les manquez pas !
Après ce fait saillant, direction l’Orangerie pour le set de Maw//Sitt//Sii, un autre groupe prometteur, au sein duquel milite Alexandre De Bueger, le drummer d’Alaska Alaska, qui se produira ce soir en compagnie d’Alaska Gold Rush, le vainqueur du dernier Court-Circuit. La vidéo de leur single « GEOMETRIC W//AYS » est superbe (voir ici). Alternatif, leur rock glisse parfois vers le post/rock expérimental. Les percussions sont tribales et sauvages. Alex est une vraie bête derrière ses fûts. Malheureusement, je ne résiste pas au volume sonore dispensé par les fréquences de basses, plus d’un titre. Puis, je bats en retraite.
Je préfère attendre et faire la file –particulièrement longue– pour assister à la prestation très attendue de Cargo Culte à la Rotonde. Tiens, Matthew Irons, frontman de Puggy, fait également la queue. On se salue. Il est venu soutenir ses comparses de Cargo Culte. Faut dire que Puggy et Cargo Culte ont le même manager, Nicolas Renard. Personnage très futé, il a du flair (NDR : il ne s'appelle pas 'renard' pour rien). La salle est bien remplie. Les sardines ne pourraient plus rentrer dans la boîte, tellement la foule est compacte. Cargo Culte est aujourd’hui réduit à un duo : il réunit Romain Castéra à la guitare, à la grosse caisse ainsi qu’Olympia Boule aux percussions électroniques. Qui se partagent également les vocaux. Daniel Bleikolm a quitté le navire. Le culte du Cargo désigne à l'origine des rituels très variés propres aux peuplades de Mélanésie et du reste de l'Océanie (à l'exception de la Nouvelle-Calédonie). Il ne s’agit pas du Cargo Culte canadien, mais belge. J’ai découvert Cargo Culte en première partie de Puggy, à l'AB, en 2013, lors d’un set pointu et novateur.
Et dès les premières notes, on a de nouveau des fourmis dans les jambes. Ce qui vous incite inévitablement à vous trémousser dans tous les sens. Les voix de Romain et d’Olympia sont fusionnelles. Elles caressent délicatement vos tympans. Pas de setlist, mais de toutes nouvelles compos. Pas d'extrait du premier Ep, « Another Road », paru en 2013. Pas de « Cherchez le garçon », la cover de Taxi Girl. Dommage ! La voix de Romain est toujours aussi blues, mais le virage électro est judicieux, même si on sait que le recours actuel à l’électronique fait très tendance. Tribales, les percus électroniques sont efficaces. Il n’y a plus que 5 cordes sur la gratte, quand Castéra attaque le single « Treble Everyday ». Les sets sont courts pendant ce festival. 30 minutes pour présenter une carte de visite susceptible de convaincre les programmateurs. Et à mon humble avis, le pari est réussi. En outre, j’ai l’impression qu’au vu de leur concert, leur nombre d’aficionados va exploser…
Cap vers l'Orangerie pour le show d’Alaska Alaska, un combo qui a bien évolué et a acquis une belle maturité en ‘live’. C’est en 2013, que j’avais découvert cette formation, en 2013 à l’Inc’Rock et en première partie de Balthazar.
Fondé en 2010, Alaska Alaska explore des tas d’horizons sonores, mais creuse plus particulièrement au sein d’un créneau pop/rock indie plutôt classique. Qu’on pourrait situer quelque part entre Cold War Kids et Arcade Fire, mais pas seulement. Un éventail de références qui permet de communiquer à leurs compos des ambiances à la fois captivantes et authentiques. Le groupe a décroché le premier prix du Jury et de la Ministre de la Culture dans le cadre du concours Tremplin de l'Inc'Rock festival, en 2013. Le line up réunit les guitaristes Martin Leroy, Adrien Chapelle et Elie Dewez, le bassiste Nicolas Pierson et le percussionniste Romain Trigaux, ces deux derniers doublant aux synthés. Et la troupe est complétée par le drummer Alexandre De Buerger. Il est derrière les fûts, pour la seconde fois de la soirée. Tout le monde participe au chant. Et Adrien tapote de temps à autre sur des claviers.
Leur premier Ep, « Nightingale's Creed », paraîtra ce 28 février. La Release party est d’ailleurs prévue au Belvédère de Namur. On va donc découvrir de nouvelles compos. Pas de setlist en vue (NDR : pas de quoi faciliter un reportage). M’enfin, ce n'est pas un problème majeur. La salle est blindée. La conjugaison des trois grattes est vivifiante. La section rythmique ne donne pas sa part aux chiens. Alex frappe métronomiquement ses peaux. Les synthés apportent une légère touche d’électro. Juste ce qu'il faut. Et les musicos déménagent sur les planches. Le son est bon et l'ambiance est bon enfant. Que demande le peuple ?
Votre serviteur est éveillé depuis 4h00 du matin et il commence à sentir la fatigue. Deux jours l'attendent encore au ProPulse. Je fais l'impasse sur Konoba. Enfin, après avoir écouté leur premier titre. Car il mérite qu’on s’y attarde. Drivé par le chanteur/guitariste/ Raphaël, le band est soutenu par le bassiste Maxime Honhon, le gratteur Maxime Simon, le claviériste Julien Vizzini et le drummer Edouard Cabuy. Au départ, il s’agissait du projet de Raphaël, qu’il avait créé en 2011, en Angleterre. Il y a séjourné 5 ans pour y étudier la musique, le son et la production. Après avoir sorti 3 Eps, il rentre au pays. C’était l'année dernière. Il remonte un band en compagnie des musicos susvisés. Le combo se produit notamment au Welcome Spring, Verdur Rock, Jyva'Zik, Botanique ou encore à la Ferme du Biéreau. Le single « Penny Dropped » est diffusé sur toutes les bonnes stations radiophoniques et fait le buzz sur la toile. La campagne de Crowdfunding sur Kiss Kiss Bang Bang pour financer son album s’achève dans quelques jours. Vu le talent de Raphaël, il mérite cette contribution participative…
(Organisation: Coproduction Botanique et Fédération Wallonie-Bruxelles en partenariat avec Court-Circuit et AssProPro)
Byron Bay + Maw//Sitt//Sii + Cargo Culte + Alaska Alaska + Konoba