Split album plutôt étonnant, puisqu’il réunit le nouvel opus de Centro-Matic et celui de South San Gabriel sous le même écrin. C'est-à-dire les deux projets de Will Johnson. Manquait plus qu’il soit triple et consacre un exercice en solitaire (NDR : aventure qu’il a déjà tentée à deux reprises : en 2002 et 2004). Si l’artiste explore sa face la plus rock chez Centro-Matic, il embrasse des desseins plus acoustiques au sein de South San Gabriel.
Le line up de base est identique au sein des deux formations ; mais chez SSG, on y rencontre une belle brochette d’invités. Et pour la circonstance Matt Stoessel (pedal steel), Bryan VanDivier (basse, guitare, percussions), Jeffrey Barnes (clarinette, saxophone, flûte, etc.), Buffi Jacobs (violoncelle), Tamara Cauble (alto, violon), David Pierce (trombone), James Driscoll (contrebasse) ainsi que Robert Gomez aux arrangements. Une solution sonore qui pourrait sembler luxuriante, vu la présence de ces collaborateurs. Et pourtant on est loin du compte, ces musiciens se révélant d’une grande efficacité, mais aussi d’une remarquable sobriété. Atmosphériques, mais également particulièrement sombres, les 12 plages de ce disque manifestent ainsi une grande richesse dans les subtilités. Depuis le majestueux « Kept on the sly » au légèrement psyché, exotique, « Trust to lose », en passant par un remarquable « When the angels will put out their lights » aux influences vocales nettement soul et le menaçant, sinistre « Of Evil/For evil », déchiré entre blues et musique de chambre, on ne peut que se montrer admiratif face à une telle puissance d’écriture. Tout ceci sur un rythme lent, parfois même slowcore ou au moins imprimé sur un mid tempo. Et lorsque la solution sonore vire vers la lo-fi (« My goodbyes »), le spectre de Bonnie ‘Prince’ Billy se met à planer…
Plus électrique, l’opus de Centro-Matic s’illustre d’abord par une grande sensibilité mélodique. Les compos contagieuses et souvent hymniques sont balayées de savoureux accès d’électricité. Jamais envahissants, mais toujours judicieux. Inoculés dans l’esprit du mouvement Paisley Underground (Dream Syndicate en tête) et bien sûr du légendaire Neil Young. Une des ses influences majeures. Tout Bruce Springsteen et Bob Dylan, « Twenty-four », me rappelant étrangement « Blowin’ in the wind », mais en plus allègre. Bref si l’essentiel de ce disque est agité par des riffs de guitare grésillants, crépitants, déchiquetés, crazyhorsiens, quoique insidieux voire rampants (NDR : ces accès d’électricité vivifiants sont même parfois enfouis sous la ligne de flottaison instrumentale, avant de remonter à la surface, comme s’ils avaient fait le plein d’énergie), la fin de parcours en revient à une formule plus acoustique. Minimaliste et semi-acoustique sur « Counting the scars » (NDR : on entend les doigts glisser sur les cordes de la gratte) et le final « A critical display of sankes », morceau étrange mais romantique évoluant à mi-chemin entre Centro-Matic et South San Gabriel. Ben tiens !