Les légendaires pionniers suisses de l’indus, The Young Gods, opéraient leur grand retour sur la scène de l’Aéronef à Lille, dans le cadre d’une tournée destinée à promouvoir la sortie d’un quatorzième album studio baptisé « Appear Disappear » et à célébrer ses 40 ans de carrière. Le club affiche complet pour cette soirée où le trio va démontrer, une fois de plus, sa capacité à fusionner l’urgence brute du rock et l’art du sampling.
Dès 21h10, ponctualité suisse oblige, Franz Treichler (chant, guitare), Cesare Pizzi (samples) et Bernard Trontin (batterie) investissent la scène, portés par une énergie régénérée. Les sonorités de la guitare sont tranchantes, les rythmiques effrénées, et les paysages industriels finement orchestrés. Les titres s’enchaînent sans temps mort, chacun portés par les samples du magicien de service, qui déchirent littéralement l’atmosphère.
Le concert s’ouvre par « Appear Disappear », le titre maître du dernier long playing, dont le tempo évoque celui d’un train à vapeur, puis embraie par « Systemized », imprimé sur un drumming tribal, le lancinant « Hey Amour », le blues indus « Blackwater » (ce drumming syncopé !), et « All My Skin Standing », qui s’ébroue dans un climat ambient, est secoué par des explosions métronomiques, avant de s’enfoncer dans un final apocalyptique. Le public est transporté par la complainte intergalactique de « She Rains » et les réminiscences orientales de « Intertidal ». La voix de Franz peut se faire rauque, à l’instar du sauvage voire menaçant « The Night Dance » et de l’autre blues indus, « Gasoline Man », une voix aussi rocailleuse que celle d’un vieux bluesman.
La frénésie s’empare du drumming de Trontin sur « Mes yeux de tous », une compo traversée d’éclairs d’électricité. Et cette intensité électrique devient spasmodique sur « Blue Me Away », même si elle est entrecoupée par les vocalises atmosphériques de Treichler. Le set s’achève par « Shine That Drone », dont le rythme presque new wave incite les premiers rangs à s’agiter et même à danser.
Le light show est à la hauteur de la performance musicale : neuf colonnes lumineuses forment un demi-cercle derrière le groupe, les lumières circulent, changent de couleur, deviennent multicolores ou tombent comme des flammes, créant une ambiance immersive.
Après une heure de concert intense, le trio accorde deux rappels, livrant notamment l’emblématique « Skinflowers », moment choisi par Franz pour sortir une torche électrique afin de balayer la fosse de son faisceau lumineux, et « Charlotte », dans un registre différent, bercé par des samples d’accordéon et se distinguant par ses paroles décalées. Et lors du second encore le combo helvète nous gratifie de « Did you miss me », une reprise de Gary Glitter. Le public, conquis, profite jusqu’au bout de cette énergie communicative, avant que les musicos des Youngs Gods ne terminent par des poignées de main aux premiers rangs.
Dans une interview, Franz Treichler confiait : ‘Ne capitulez pas. Et gardez votre énergie, même si l’environnement est… eh bien, tel qu’il est’. Une philosophie qui transparaît dans la musique des Young Gods et leur présence scénique, où chaque son est travaillé comme une couleur sur une toile.
Ce soir, on a eu droit à une démonstration magistrale du savoir-faire du trio suisse, confirmant son statut de maître incontesté du rock industriel et de force scénique capable de surprendre et d’émouvoir, même après quatre décennies de carrière.
Setlist : Appear Disappear, Systemized, Hey Amour, Blackwater, All My Skin Standing, She Rains, Intertidal, The Night Dance, Gasoline Man, Mes yeux de tous, Blue Me Away, Shine That Drone.
Rappel 1 : Skinflowers, L'amourir, Charlotte
Rappel 2 : Did You Miss Me
(Photos Ludovic Vandenweghe ici)
(Organisation : Aéronef, Lille)