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Sourblast

Il ne s’agit que d’une explosion acide…

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Depuis 3 ans, Sourblast est en perpétuelle recherche. D’un son personnel. D’une homogénéité au sein du groupe. Il semble donc avoir trouvé sa voie et devrait sortir, au cours de cette année, son premier album. Ce qui ne l’empêchera pas de se produire sur les planches, là où depuis ses débuts, il met littéralement le feu. En proposant un Heavy-Stoner-Rock pur jus. Il était donc judicieux de prendre le pouls auprès de ce quatuor bruxellois. Rencontre. 

En 2014, vous avez gravé votre premier disque. Un Ep quatre titres. Il vous a donc fallu trois longues années avant de vous décider à publier un premier opus. Quand sortira-t-il ? A quoi doit-on s’attendre ? Quel a été votre parcours, tout au long de cette période de transition ?

En fait, nous avons écumé les concerts pendant toute cette période, afin de défendre notre premier Ep. Dans l’intervalle, le line up a changé, avant d’atteindre aujourd’hui, sa forme actuelle et définitive. Nous voulions vraiment nous poser afin de repartir sur des bases solides, en compagnie de musiciens qui se comprennent, s’entendent le mieux possible, tant sur scène que dans la vie quotidienne. Et c’est alors qu’on a entamé, il y a quelques mois, l’enregistrement de notre premier LP, au 6th Sense Sound, un studio géré par Tom (NDR : le bassiste) et André (NDR : cet ex-guitariste du band est devenu aujourd’hui leur ingénieur du son). Sans être pressé par une quelconque ‘dead line’, nous avons réalisé un album sans compromis, qui nous ressemble, et dont nous serons tous fiers en définitive. Nous ne souhaitions plus bricoler une énième démo au sein d’un garage ou dans un local de répétition. Nous voulions que cette nouvelle étape nous permette de se doter d’une véritable identité. N’y mettre que le meilleur de nous-mêmes. Le premier single paraîtra entre avril et mai de cette année. Il sera suivi, dans quelques mois, de l’album, qui sera disponible en versions vinyle et numérique.

Quelle est l’origine du patronyme Sourblast ?

Dès le départ, nous briguions un nom qui claque. Qui soit bref, explosif et précis, à la fois. On l’a choisi à l’issue d’un exercice de brainstorming. Pas la peine d’y déceler une quelconque explication mystique. Il ne s’agit que d’une explosion acide !

Sourblast réunit des musiciens qui jouissent d’une belle expérience ‘live’, acquise antérieurement. Comment est née cette nouvelle aventure ? 

Son histoire remonte à quelques années. Fred (guitare et chant) et Geoffrey (batterie) sont des amis de longue date. Ils aspiraient à jouer ensemble, depuis pas mal de temps ; un vœu réfréné par leurs implications au sein de formations différentes. Finalement, ils ont décidé de les quitter afin de créer un projet commun ; un concept qu’ils ne retrouvaient pas chez leurs bands respectifs. Un peu plus tard, Terry (guitare) et Tom (basse) ont rejoint le line up. L’histoire de Sourblast venait de commencer.

Quand on écoute la musique de Sourblast, on ne peut s’empêcher de penser à Down, Kyuss ou encore Baroness. Ce sont vos sources majeures d’inspiration ?

On ne peut nier ces références. C’est une évidence. Pourtant, chaque membre possède ses propres influences ; ce qui, inévitablement est répercuté lors de la composition des morceaux. Mais nous essayons ensuite d’épurer le tout, le mieux possible, afin qu’au final la compo soit considérée comme du Sourblast pur jus, et pas la copie de tel ou tel groupe. Mais bon, on ne peut cacher nos sources d’inspiration. C’est-à-dire Baroness, Alice In Chains, Stone Temple Pilots, Mastodon ou Creed… Enfin, notamment...

Quel est le processus d’écriture au sein de l’équipe ?

En général, c’est le chanteur/guitariste (Fred) qui trace la ligne de conduite. Il amène une idée, un riff voire un morceau complet. Il soumet ensuite la démo aux autres. Puis on retravaille la compo, de manière à ce qu’elle agrée tout le monde. Fred se charge également des lyrics. Il y raconte ses expériences, son vécu, son appréhension de la vie sentimentale et des relations humaines en général. Il pose un regard perplexe sur la société contemporaine.

Toutes proportions gardées, il faut admettre que le Stoner est devenu, au cours de ces dernières années, un genre musical à la mode, dans l’univers du Metal. Bon nombre de groupes se revendiquent du Stoner et l’adaptent à leur sauce. Dans ce contexte, pas facile de se forger une identité personnelle ?

En fait, l’identité de Sourblast dépend d’un son : épais, caractérisé par une rythmique lourde, puissante et agressive et couplée à guitares ultra mélodiques. Nous sommes, et ce n’est pas récent, devenus des acheteurs compulsifs d'amplis, de guitares et de batteries. Ce qui nous permet de disposer d’une palette sonore assez riche… même si c’est au détriment de notre portefeuille ! On travaille aussi nos compositions afin qu’elles soient ‘catchy’, mais en les abordant dans un esprit très pop. Ce qui crée un mélange hybride, une forme de Heavy rock/Stoner qui soit très susceptible de plaire au mélomane lambda.

En 2016, vous avez participé aux ‘Tremplin Durbuy Rock’. Ce genre de concours est-il idéal pour se révéler, en Belgique ?

C’est indéniablement un fameux soutien ! Pour un jeune groupe qui souhaite participer à des festivals de taille respectable, ces tremplins constituent évidemment une vitrine assez intéressante. De plus, les jurys réunissent souvent des professionnels du métier. Capables de remarquer une formation qui se détache du lot, ils leur proposent souvent, par la suite, des collaborations intéressantes. Bref, c’est toujours bénéfique à tous points de vue !

Nous sommes à la fin du mois de mars et la saison des festivals commence petit à petit à approcher… avez-vous des projets pour cet été ?

Pour le moment, on se concentre à 200% sur la sortie de notre album. Nous avons néanmoins déjà tourné le clip du premier single (« Memories »), qui devrait sortir entre avril et mai. On va ensuite faire un maximum de dates afin de promouvoir l'album. Mais en attendant, nous continuons à travailler main dans la main avec notre manager, pour rôder au mieux possible notre set live. Nous n’avons qu’un seul but en tête : que chaque concert de Sourblast laisse une trace indélébile dans la mémoire du public !

Entretien réalisé par e-mail, le 27 mars 2017

 

Silence is the Enemy

La passivité est un silence assourdissant

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Actif depuis maintenant sept ans, Silence is the Enemy est parvenu progressivement à se forger une place au sein du paysage belge des musiques dites extrêmes. Mais également à imposer son Fusion Groove Metalcore en mélangeant autant les parcours de ses musiciens que les influences sonores. Après avoir gravi la seconde marche du podium du Loud Program, le quintet bruxellois continue son ascension, poursuivant la marche en soutenant toujours le même dessein : se faire entendre.

« Silence is The Enemy », c’est le titre d’une composition de Papa Roach, mais aussi de Green Day. Vous l’avez choisie comme patronyme. Pourquoi ?

En fait, il date de la naissance du groupe, lors du premier line up, soit vers 2010. A l’époque, l’idée était assez directe : on écrivait des textes qui véhiculaient des messages socialement engagés. Ce côté un peu militant –Voice of the Voiceless– était destiné à inciter les gens à ouvrir les yeux sur des phénomènes de société discutables. Silence Is The Enemy était, pour nous, à la fois accrocheur et évocateur. Ce qui nous a tout de suite bien plu ! Maintenant, au fil du temps, nos thématiques sont devenues plus matures et originales. Notre état d’esprit est moins révolté contre le système. Mais bon, la notoriété du groupe a fait son chemin et le nom est resté. Et donc, non, aucun lien ni avec Papa Roach, ni Green Day !

En octobre 2016, vous avez publié votre premier Ep cinq titres, « The Call ». Apparemment, il y a un concept derrière ce disque…

Après avoir sorti notre maxi single « Ghost », en 2015, on a cherché à développer une identité créative plus forte en créant un univers musical et visuel bien personnel. « The Call », c’est un peu notre ‘call’ : regardez et écoutez maintenant ce vers quoi Silence is the Enemy s’oriente pour la suite. Un peu comme un manifeste, un épisode pilote.

Avez-vous écrit de nouvelles compos ? Et si oui, avez-vous l’intention d’entrer en studio pour les enregistrer ?

On est en plein dedans, en effet! De nouveaux morceaux sont en cours d’écriture. Nous sommes très enthousiastes car on a l’impression d’avoir atteint notre rythme de croisière.

En digérant vos influences ?

L’écriture de « The Call » avait été, quelque peu, un exercice de funambule, où il avait fallu trouver un équilibre entre toutes nos influences. Elles sont nombreuses et, par la force des choses, très hétérogènes. Chaque membre du groupe pourrait donner une réponse différente! Là où l’un citerait Gojira ou Lamb of God, un autre mentionnerait Mastodon et un dernier évoquerait Dark Tranquillity et Soilwork! Maintenant, comme nous avons trouvé la formule qui nous plaît, tout avance beaucoup plus vite.

La base Metalcore de Silence is the Enemy est indéniable. Vous y greffez des touches de Death mélodique, le tout dans une ambiance condensée, voire oppressante. Mais comment décririez-vous votre musique ?

Ce qu’on veut faire ressentir à l’écoute de « The Call », c’est le contraste entre des moments lourds, oppressants, sombres, et des épisodes plus aériens, mystiques et lyriques. La base musicale est effectivement le Metalcore/Death mélodique, dont on apprécie la puissance et la musicalité ; mais on va ensuite puiser dans différents genres pour véhiculer les émotions que nous souhaitons. On a donc intégré, ça et là, des touches de Sludge, de Groove, de Black Metal, de Stoner, de Prog et de Psyché. Afin d’obtenir une musique dynamique et contrastée, des compositions où il se passe quelque chose, où l’auditeur voyage en notre compagnie. En tout cas, de notre côté, on n’a pas envie de se contenter de répondre aux codes du Metalcore. C’est pourquoi on a décidé, dès le départ, de ne se fixer aucune limite en matière d’inspiration lors de l’écriture. Après… c’est très difficile de résumer le tout en quelques mots sans participer à l’inflation des sous-genres dans le Metal ! Si on veut vraiment être précis, on peut affirmer qu’on joue du ‘Fusion Groove Metalcore’.

Silence is the Enemy, c’est aussi la rencontre entre musiciens issus d’horizons différents. Mais qui apporte quoi ?

C’est précisément grâce à cette diversité d’horizons qu’on arrive à puiser nos sources de tous les côtés afin de créer notre propre son. Nous partageons tous une culture Metal. Elle nous réunit. Mais on a également écouté des sous-genres différents dans nos jeunesses respectives. Silence is the Enemy est au carrefour de tous ces parcours. Concrètement, François (chant) amène une touche Punk/Metalcore, André (guitare) un côté Prog/Groove, Thomas (basse) les aspects Stoner et Clément (guitare), la nuance Death mélodique/Black Metal. 

En 2015, vous figuriez parmi les quatre finalistes du Loud Program (NDR : un dispositif d’accompagnement de groupes de la scène rock dur et métal issus de la Fédération Wallonie-Bruxelles mis en place avec la collaboration du Magasin 4, de l’Entrepôt, de l’Atelier Rock et de l’Alhambra), vous permettant alors de vous produire sur les planches du Botanique et du Festival de Dour. Ce concours vous a-t-il servi de tremplin ?

Oui, c’est en effet vraiment grâce au Loud Program que le groupe a atteint les premiers paliers. Ce qui a débouché sur des contacts avec Court-Circuit, les salles du Botanique et de l’Alhambra. On a aussi rencontré Chris Michez (NDR : chanteur du groupe montois de Hardcore, Do or Die) qui a été notre coach pendant cette période. En très peu de temps, on a accumulé une grosse expérience. La formation a donc réalisé un énorme bond en avant à la fin de l’année 2015. S’en sont suivies des prestations au Durbuy Rock et au Dour Festival en 2016, et on voit maintenant que les événements ne sont pas prêts de s’arrêter!

Au début de cette année, Wolves Scream et Reach The Shore lançaient un concours dont le vainqueur assurera leur première partie à l’Ancienne Belgique. Sur six candidats finaux, vous êtes malheureusement arrivés seconds. Pas trop déçus ?

Un peu déçus, évidemment, vu que ce sera une superbe date ! Et la perspective de partager cette scène avec Wolves Scream et Reach The Shore –des amis, il faut le souligner– était vraiment belle. Mais ce sont les règles du jeu et on arrive juste sur la deuxième marche du podium ; ce qui nous donne juste envie de bosser encore plus! En prenant du recul, cette compétition a été une chouette expérience pour nous : on était ravi de voir tout ce support, toutes ces personnes qui nous ont soutenus tout au long des épreuves. On s’en est certainement sorti grandi. Et puis, le 18 mars prochain, nous serons présents afin d’assister aux prestations de ces deux excellents groupes qui se produiront pour leur double release party. On invite d’ailleurs tout le monde à faire de même. La soirée s’annonce énorme! Quant à nous, ce sera pour la prochaine fois : au rythme où les choses avancent, on finira bien par faire l’Ancienne Belgique, tôt ou tard!

Des concerts sont prévus dans un futur proche ? Et lors des festivals d’été ?

On a repris la route du local de répétition pour rôder notre set live et on démarre les hostilités le 5 mai au Klinker, à Aarschot, en ouverture de Darkest Hour. C’est également une grosse date pour nous. Et là, pour l’instant, on démarche afin de dénicher des contrats à partir de début mai. On se tient en même temps disponible auprès des salles et programmateurs qui voudraient nous booker. On vient d’intégrer le catalogue du Programme Rock de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; ce qui devrait nous filer un sérieux coup de boost !

En cette période d’anxiété, de peurs et voire même de paranoïas, tout en se référant au nom du groupe, est-ce que le silence est vraiment un ennemi ? Pour reprendre l’expression connue : le silence des pantoufles est-il plus dangereux que le bruit des bottes ?

Forcément, c’est dans l’air depuis un an. On a d’abord eu les attentats, le radicalisme, l’exclusion, et puis récemment les dérives politiques, la corruption, les scandales à répétition… Ce sont des événements dont il faut parler. Laisser le silence s’installer, c’est abandonner la parole à celles et ceux qui l’ouvrent le plus fort. Et ceux-là ont rarement les avis les plus nuancés... Maintenant, il faut lancer un véritable débat et permettre de vraies discussions avec les gens. Ces phénomènes font peut-être beaucoup de bruit virtuel et excitent tous les Keyboard Warriors de Twitter et Facebook qui s’évertuent à balancer de grands coups de post chocs du style ‘ouvrez les yeux’ ; mais ces déclarations se perdent entre des petites annonces pour guitare et des photos de vacances. C’est le vrai silence, celui de la vraie vie, qui est assourdissant… Après, rompre le silence, ne se limite pas seulement à un idéalisme politique et social. Cette attitude implique un engagement concret dans la vie quotidienne, à titre individuel. Certains vivent dans l’angoisse ou la censure permanente, sont harcelés au travail, malmenés par leur conjoint, victimes d’injustices… et eux aussi auraient besoin de cette prise de parole, besoin d’être entendus. Là aussi le silence est clairement l’ennemi…

Dario Mars

Un discours tranchant… comme une guillotine…

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Renaud Mayeur a donc monté un nouveau projet, Dario Mars & The Guillotines. Une formation responsable de deux albums, à ce jour. Le premier, ‘Black soul’ est paru en 2013, et le second, ‘The last soap bubble crash’, l’an dernier. Un disque fort intéressant dans un style qu’une certaine critique musicale a qualifié de spaghetti-western-voodoo-garage. Avant de se lancer dans cette nouvelle aventure, il avait notamment drivé les Anges et Hulk, et sévi, début de ce millénaire, chez La Muerte ; mais s’est surtout illustré par ses bandes originales de films, dont celle qu’il a composée pour ‘Eldorado’ de Bouli Lanners.

Si les B.O. de films et tout particulièrement celles destinées aux westerns constitue ses principales sources d’inspiration –pensez à Sergio Leone et Ennio Morricone– on se demande quand même si cette fascination n’est pas née au cours de son enfance, quand il regardait la TV. La réponse fuse : « Evidemment. Et tout particulièrement les séries. Même les beats de batterie et les accords de guitare wah wah. Il y avait des bandes-son de haut vol. Bizarroïdes, expérimentales, fabuleuses même. On était particulièrement gâtés. Pense à ‘Starsky et Hutch’, ‘Mannix’ ou ‘Colombo’ ; enfin au début, avant que les épisodes ne passionnent plus que les mémères. C’est ainsi qu’on a été initiés au jazz, au funk, à la soul motown. Bon, les séries étaient des conneries sans nom, mais elles collaient aux seventies. ‘Le prisonnier’ et ‘Chapeau melon et bottes de cuir’ étaient certainement plus élaborés. C’est vrai. Dans cette dernière série, les prises de vue sont d’ailleurs de l’art. J’ai été biberonné à ça, ainsi qu’aux westerns spaghetti. Et pas seulement. Au films cultes, comme ceux de John Ford. » Oui, mais comment est-t-il parvenu à se faire une place comme compositeur de musiques de film. De nombreux artistes ont déjà émis ce souhait. Et très souvent sans qu’on leur accorde la moindre chance. Rappelons quand même qu’il en a réalisé également pour François Pirot, Hubert Gillet, Matthieu Donck et Marc des Marais (NDR : c’est le chanteur de La Muerte). Serait-ce dû aux bonnes relations, à un bon filon ou son job au départ ? Il rétorque : « Ah non, ce n’est pas mon job au départ. C’est le fruit du hasard. Notre manager était alors Bernard Carapelle, alias ‘Sourire’. C’est un Liégeois d’origine sicilienne. Mais aussi un bon pote de Lanners. On venait de sortir un album des Anges. Il avait amené Bouli pour assister à un de nos concerts. Bouli a entendu un morceau intitulé ‘Vendetta’. C’est une compo très western. Entre du Morricone et du Black Sabbath. J’ai toujours estimé qu’il y avait des traces de western dans la musique de cette formation. Bouli souhaitait ce morceau pour son film. Ensuite, il m’a demandé si j’avais d’autres trucs qui pourraient correspondre à ses aspirations. Parce qu’au départ, il avait sollicité An Pierlé pour cette tâche ; mais le deal n’a pas fonctionné. Il a donc conclu que si j’avais du matos, je pouvais foncer. Et c’est ce que j’ai fait. Il était content. Et le film a eu du succès. En outre, la B.O. a été appréciée. Ce qui m’a permis de contracter directement deux films. Dont ‘Dans tes bras’ d’Hubert Gillet. C’est un drame qui met en scène Michèle Laroque. Soit (rires). Michèle Laroque dans un film dramatique (rires) ! Contre-emploi. Et puis la suite s’est enchaînée. Pour moi, c’était un rêve. J’avais déjà envoyé pas mal de démos de musiques de films, au cours des années 90. Mais je n’avais jamais reçu l’ombre d’un retour. Pourtant, j’avais remarqué que souvent, les boîtes de production s’intéressaient aux artistes émergents. A mon avis, c’est parce qu’elles cherchent à toucher un public alternatif. Tu vois, quand un groupe sort un album, elles s’interrogent… Et comme la presse consacrait pas mal d’articles aux Anges, elles ont voulu faire d’une pierre deux coups. ‘On va prendre ce gars, car il vient de sortir un album. Ce qui risque de ramener du monde. Ca c’est bien mi…’ (rires) Et puis j’ai probablement aussi un don, dans ce domaine. Mais ne n’est pas toujours facile. Je me souviens avoir dû réaliser une bande sonore pour François Damiens qui apprenait la mort de son père. Et qui doit vite tourner la page. Délicat ! Heureusement, dans ce genre de situation, je parviens quand même à me débrouiller ».

Mais pourquoi avoir choisi comme patronyme Dario Mars & The Guillotines ? Il s’explique : « Pour lui donner un visage cinématographique. Evocateur, en même temps. Dario affiche un côté latin. Comme la musique proposée. Je suis un fan de Morricone. De de Roubaix. De Balamenti. J’ai une culture européenne. J’aime le flamenco, la musique balkanique, roumaine grecque, etc. Mars symbolise le côté cosmique. Et Guillotines souligne l’aspect tranchant (il joint le geste à la parole). Ce n’est pas un nom de groupe classique. Mais tout évolue si vite. L’esthétique et les codes changent. Et c’est bien. C’est un peu comme chez les bluesmen. C’est la touche ‘revival’. Et puis, c’était vraiment chouette qu’il sonne comme un titre de film. Enfin, j’avais besoin d’un pseudo pour déposer mes oeuvres. Notamment pour les B.O. de films ». Le long playing s’achève par une reprise étonnante du ‘I Wanna be loved by you’, une chanson popularisée par Marilyn Monroe (NDR : composée par Herbert Stothart et Harry Ruby, sur des textes de Bert Kalmar) dans le long métrage ‘Les hommes l’aiment chaud’ de Billy Wilder. Alors, toujours cette référence au cinéma ? « C’est toujours cette référence au cinéma, mais dans ce cas particulier, il s’agit d’une projection de ce à quoi la vie de Norma Jean ressemblait. La Marilyn démaquillée et malheureuse qui épanche toute sa solitude et sa tristesse, en chantant la version de sa propre existence. Qui n’était pas aussi glamour que ce qu’on aurait pu croire. Loin de là ! C’est aussi une critique du ‘star system’ et tout ce qu’il charrie. C’était une mangeuse d’hommes. Qui courait d’une relation à l’autre. Elle recherchait peut-être le clone de son père. C’est pas très jojo tout ça ». Paradoxe, mais la musique de Mario Mars & The Guillotines a beau tremper dans le cinéma, on ne peut pas dire que la toile regorge de clips cinématiques qui colleraient parfaitement aux ambiances des compositions. Il y a bien ‘Cold sun’, mais pour le reste, on reste sur sa faim. Un manque de moyens ? Pas le temps ? Ou pas envie ? « C’est un manque de moyens bien sûr. Jusqu’à présent, on est resté dans un cadre basique. On a bricolé, travaillé avec des bouts de ficelle. Parce que dans ce domaine, j’ai d’autres ambitions. Bien sûr, la musique se suffit à elle-même, mais bon on travaille aussi sur l’image. Clairement. Il est vrai que ce qu’on fait est un peu un suicide commercial. Maintenant, on a pu signer sur un chouette label. On a un manager. Les choses vont mieux, donc on va pouvoir mettre la gomme. Mais le clip dont tu parles nous a quand même coûté entre 300 et 500€. Et on a payé l’album comme on pouvait… » 

Renaud a remplacé quelque temps Paul Van Bruystegem, le bassiste de Triggerfinger. Qu’a-t-il retiré de cette expérience ? « C’est relativement un bon souvenir. Les musiciens sont chouettes ; mais c’est en compagnie de Paul que je me suis le mieux entendu. Mais dommage qu’il n’était pas là (rires). J’ai appris énormément auprès d’eux. Au niveau de la rigueur. De l’assurance. Il n’y a pas de place laissée au hasard. Et puis, ce sont des ‘sound designers’, si on peut dire. Tout est calculé. Et le son est nickel. Ils m’ont aussi permis de progresser au niveau de la performance live. Qu’ils veulent irréprochable. C’est leur réputation. Ils peuvent tenir 1h30, 2 heures, 2 heures et demie et même plus. En concert, ils sont capables de capter l’attention des derniers rangs, en les interpellant. Mais leur réussite, ils l’ont obtenue à la sueur de leur front. Ils ont écumé les salles. C’est éminemment respectable. Il y a eu ce coup de pouce de cette reprise, qui n’est pas leur meilleur morceau (NDR : ‘I follow rivers’ de Lykke Li). Mais peu importe le flacon… (rires) Enfin, il était vraiment intéressant de jouer en phase avec Mario (NDR : Goossens). C’est un tueur à la batterie. Etre soutenu par son drumming, c’est fantastique. Et puis c’est un mec qui veut réussir. Il n’est pas là pour rigoler, ni pour faire la fête. »

Lorsque La Muerte s’est reformé, pourquoi notre interlocuteur n’a-t-il pas été sollicité pour reprendre du service ? « Didier avait envie de faire quelque chose de plus brutal. Le line up est très métal d’ailleurs. Il n’existe plus, dans cette musique, ce côté garage, déjanté, à la Nick Cave, même… C’est devenu de la boucherie, quoi ! Il est vrai que cette démarche féroce a toujours existé chez La Muerte. En même temps, pour parvenir à reproduire ce feeling sur les planches, il fallait des mecs qui aient encore ce feu intérieur. Vu mes visions parfois atmosphériques, je ne correspondais plus à ce profil… » Mais quels contacts a-t-il encore avec les autres musiciens des Anges et de Hulk ? « Sandra (NDR : Hagenaar, la claviériste, une véritable furie en ‘live’, qui a également milité chez 50 Foot Combo) est toujours une amie. Les autres sont restés des collègues de travail. Non, je n’ai plus trop de contacts. Et l’histoire s’est assez mal terminée. On a passé 8 ans ensemble. Mais il y a eu du contentieux. Il y avait des divergences d’opinion…. » Notamment entre Renaud et Giacomo (NDR : alors drummer et devenu le chanteur au sein de Romano Nervoso). Il s’épanche : « À l’époque, il était fan de grunge. De Pearl Jam, de Nirvana. Et ce genre de saloperies. Et ça passait assez mal entre nous. Je n’encaisse pas du tout ce genre. On s’est souvent pris le chou à ce sujet. Maintenant, il a changé de registre. Il a remplacé sa collection de disques. Et sa panoplie vestimentaire. Grand bien lui fasse. Bon maintenant, je ne suis pas sûr que ce soit également un bon choix. On se prenait beaucoup la tête sur la direction musicale à emprunter. D’autant plus que je m’occupais intégralement de la composition… »

C’est un peu une mode aujourd’hui, les musiciens participent à différents projets. Et tout particulièrement David Kostman, le nouveau bassiste, notamment impliqué chez Jane Doe & the Black Bourgeoises. « Et aussi King Child. Faut dire qu’il est considéré comme un mercenaire, tant il a collaboré à de nombreux projets. Parce qu’il est extrêmement compétent. C’est un excellent musicien. Compositeur. Arrangeur. Etc. Mais comme il le dit lui-même, il n’est spécialiste dans rien. Sinon en musique classique et en jazz. Il a fait le conservatoire. Puis l’école de jazz à Anvers. C’est une brute épaisse. Il arrive à donner de la profondeur à ce que je fais. Par les arrangements, les accords et la composition. Car il compose aussi. Il a pris part à 25% de l’écriture dans cet album… » Ex-Flying Superckick, Vincenzo Capizzi a été remplacé. Il confirme : « On a engagé quelqu’un d’autre. Pour des raisons que je n’ai pas envie d’approfondir. Mais il continue son parcours, de son côté. On a recruté un Hollandais, Barry van Esbroek, dont la culture musicale est formidable. Il connaît tous ses classiques. Il est capable de jouer des shuffle blues texans, du Chicago blues, du surf, du r&b. Nous sommes un peu les deux rockers dans l’âme, alors que David apporte une touche plus musicale, plus classique. Pas dans le sens symphonique, hein ! Ainsi il a la faculté de déterminer à quel endroit il faut placer un septième ou une quinte… »

‘The last soap bubble crash’, c’est le titre du nouvel opus. Serait-ce une critique formulée à l’égard de ceux qui se contentent de vampiriser les légendes du rock ? (NDR : il semble surpris par la question). « Non, c’est plutôt une métaphore sur les illusions qui se cassent la gueule. Tout simplement. Pourquoi me poses-tu cette question ? » Parce qu’en lisant une de tes interviews, tu fustigeais les artistes qui se contentaient de reproduire ce que font leurs idoles ! « Oui, c’est agaçant. Ca va mourir ! Eddie Cochran était constamment en recherche. Il mettait des micros sur sa gratte, les changeait. Chuck Berry aussi. Les Stranglers également (NDR : on y reviendra). Même MC 5 qui a mixé du jazz, du rock, de la soul et du punk. Si on se contente de tirer un polaroid de ce que les mecs ont fait après avoir cherché, c’est leur recherche qu’il faut aussi admirer. Une façon de faire. Oui ça m’agace religieusement de voir qu’on change de panoplie tout simplement pour adopter tous les codes d’un style musical. On en est au sixième revival du hard rock, après Airbourne. Nashville Pussy en est encore un mauvais exemple. Il y en a d’autres, bien évidemment. Et bien à un moment, ça suffit. Cela en devient grotesque. C’est la raison pour laquelle le rock se meurt. Parce qu’il n’y a plus aucune prise de risques. A ses débuts, Black Sabbath avait été descendu en flammes. Les critiques les plus virulentes disaient que c’était de la merde. Et pourtant ! Même Bon Scott chez AC/DC a été critiqué. Cette rythmique en béton sur ces accords ouverts blues a été refait 3 milliards de fois ; mais au départ, c’était nouveau, hein ! Et ce n’est pas une évidence à les reproduire. Avant, cette forme de disco-hard-blues n’existait pas. Mais il y avait Humble Pie et Grand Funk. La manière de chanter de Muddy Waters a été recopiée à l’infini par des centaines de groupes. C’est chiant bordel de m*****. C’est à se flinguer. Bon maintenant, le but n’est pas de plaire à tout le monde. Mon bassiste et moi avons conclu qu’après avoir réalisé ce qu’on voulait, on pouvait mourir. Je ne prétends pas que ce que nous faisons est extrêmement audacieux, mais on a tenté quelque chose, on a mélangé des éléments qu’on aimait le plus. Quitte à parfois se mettre en difficulté. Comme par exemple en intégrant le concept de la musique de film… »

On en vient donc aux Stranglers, formation dont il est un fan inconditionnel. « Oui, c’est vrai ». Pourtant, après le départ de Hugh Cornwell l’étoile du groupe a pâli. « Tout à fait ! Mais c’est un des groupes qui me comblent. Et il me comble toujours. Sa musique n’a pas pris une ride. Ecouter ‘The Raven’ ou ‘La folie’ est un pur bonheur. Tout au long ce dernier album, les textes sont mi-déclamés, mi-chantés. Les arrangements sont superbes ! La créativité est omniprésente et le spectre sonore, ample. C’est ce qui m’inspire. C’est un groupe punk classieux. Comme The Damned. Ou MC5. Pas une caricature. Il y a une classe aussi dans le rock’n’roll. Le rock’n’roll, ce n’est pas que se droguer parce qu’il faut se droguer. Etre drogué et faire semblant de boire du whiskey. Et beugler dans un micro ‘one-two-three-four’. Ca ne suffit pas. Les Ramones le faisaient, mais c’était eux. Je n’ai jamais été un grand fan des Ramones. Ni du punk bourrin rigolo. Je n’ai jamais d’ailleurs trouvé que les mots rock’n’roll et bourrin étaient conciliables ».   

Du garage, on en trouve à tous les étages, dans toute l’histoire du rock’n’roll. Depuis les 60’s (NDR : les compiles Peebles et Nuggets en sont de formidables témoignages ; pensez aux Sonics, Standells, Strangeloves, Seeds et 16th Floor Elevators) jusqu’au nouveau millénaire (Hives, Strokes, The Jim Jones Revue, The Jon Spencer Blues Explosion), en passant par des mythes comme les Fleshtones, les Cramps et les Fuzztones. Et la liste est loin d’être exhaustive. Et ce sujet semble passionner Renaud. « Les Fuzztones ? Ce n’est pas trop ma tasse de thé. Ils se contentent de passer en revue toute une panoplie de références. Je préfère les Saints. Et puis les Nomads et les Cramps. J’en suis fan. Sans oublier les incontournables Stooges. Ouais. J’aime moins ces groupes contemporains. Certainement pas les Hives. C’est du pillage d’attitude. Quoique efficaces, leurs compos sont bateau. Formatées radio. Jon Spencer ? Sa musique est indigeste. J’adore sa voix, mais je préfère son Heavy Trash. C’est extrêmement organique et authentique. Par contre, Gluecifer a d’excellentes compos et parvient à injecter une énergie 2000. En remontant aux sources, les Sonics, 16th Floor Elevators, Electric Prunes, The Music Machine ; autant que tu veux… Mais le revival me dérange un peu. Quand tu empruntes aux sources, tu dois amener quelque chose de neuf. Les Nomads l’ont fait en leur temps. Un p***** de bon groupe qui a écrit de très bonnes compos. DMZ, il ne faut pas l’oublier. Et puis The Lords of The New Church. ‘Russian roulette’, c’est un p***** de bon morceau. Et ses albums sont vraiment remarquables. Quand tu t’inspires du garage, tu ne dois pas rester calé au revival ; il faut faire mieux. Faire juste pareil, bof ! Faire mieux, c'est-à-dire faire de bonnes chansons et avoir un son qui est de ton époque. Un petit quelque chose en plus quoi ». 

Lors des sessions d’enregistrement, il n’est pas rare que l’on utilise le re-recording. Notamment pour la guitare. Est-ce le cas ? « Non, non, il n’y a qu’une guitare sur l’album. Parfois deux, mais rarement. En règle générale et plus précisément dans 90% des cas, il y a une guitare, basse, batterie. Pas de deuxième gratte. Je laisse ça à Metallica (rires). » Ce qui permet d’aborder le sujet de ses maîtres dans ce domaine. « Mes deux préférés sont Wayne Kramer (MC5) et Joe Perry (Aerosmith). Jimmy Page est génial, mais il est trop bavard. Hugh Cornwell, bien sûr. Il joue très intelligemment, sans jamais se mettre en valeur. Sans éruption. Ses interventions sont très jazz aussi. Il dessine de très beaux thèmes, de très belles suites d’accords. Je citerai également Tommy Iommi, surtout pour ses riffs, Angus Young, Jimi Hendrix, Pete Townsend, Link Wray, Dick Dale, Nick Gray, Joe Perry et hors catégorie, Brian Setzer. Scotty Moore et Chuck Berry encore. Pour la couleur. Mais là on se réfère plutôt aux 50’s. »

Renaud semble un peu mitigé au sujet de Led Zeppelin. Et pourtant, sur son elpee, on retrouve parfois un groove qui véhicule des accents similaires. Il confesse : « Oui, bien sûr. J’assume. J’aime bien Led Zeppelin. Mais j’aurais préféré que le chanteur soit celui des Small Faces et d’Humble Pie… » Steve Marriott ? « Oui, effectivement. D’ailleurs Robert Plant a tout piqué à Marriott. Il chante de la même façon. Ou Bon Scott. Je n’aime pas Plant. Il me casse les burnes. J’aime bien quand il chante medium. Mais quand sa voix est maniérée, elle m’irrite. Bien évidemment, l’ossature basse/guitare/batterie de Led Zeppelin est phénoménale. Surtout lors des éruptions, des moments de bravoure. Alors, c’est le pied. Cependant, quand Plant se coince les doigts dans la porte, c’est chiant (rires). Tu vois, tout à l’heure, je te parlais d’être comblé. Et bien le Led Zeppelin ne me comble pas complètement. ‘Stairway to heaven’, c’est chiant comme la pluie. Idem pour le ‘Child in time’ de Deep Purple. Ces longs bazars prétentieux me pompent l’air… »

En concert ce 1er mars 2017 à la Rotonde du Botanique

Marie Davidson

Des adieux au Dancefloor pour ouvrir les portes de l’enfer…

Il y a plus de trois ans que les carrières de Marie Davidson et de Pierre Guerineau sont suivies –attentivement– par Musiczine. Un pied à Montréal et l'autre à Berlin, les deux artistes produisent une musique électronique particulièrement novatrice à travers deux projets : celui personnel de Marie Davidson et le duo Essaie Pas. Leur univers musical évolue quelque part entre ‘ambient’ introspective et ‘minimal synth’, tout en affichant un côté ‘clubbing’ nu-disco/techno. Le tout sublimé par une prose 'voice-over' déclamée ou chantée. Le caractère onirique, quasi-cinématographique, est omniprésent, un peu comme si on écoutait la bande-son d'un film imaginaire.

Nous avons retrouvé Marie Davidson le jour du concert qu’elle a accordé en solo, au Beursschouwburg, à Bruxelles, dans le cadre d'une soirée 'Nose Job' orchestrée par Rick Shivers. Elle venait y présenter sa nouvelle production individuelle, « Adieux au Dancefloor », parue sur Cititrax, le second label de Veronica Vasicka, la 'boss' du célèbre label new-yorkais Minimal Wave. 

Par quel hasard as-tu rencontré Veronica Vasicka ?

Marie Davidson (MD) : On s’est produit lors d'une même soirée à Montréal en septembre 2015. C'est ainsi que je l'ai rencontrée.

Le titre « Adieux au Dancefloor » est un peu contradictoire parce que le contenu est dans l'ensemble très dansant.

MD : Oui mais il figure à la fin du disque. C'est la petite touche d'humour noir pour clôturer.

Le morceau correspond aussi à une période où tu en avais un peu marre de la vie nocturne et du clubbing?

MD : Oui, oui, bien sûr.

Surtout à Berlin ?

MD : Oui, à Berlin mais ailleurs aussi. Attention : j'aime la danse et la musique dansante mais le monde de la 'nightlife' a quelque chose de fatiguant, de 'drainant'... Je m'y suis sentie frustrée. Ce qui m’a donné l’envie de prendre mes distances et d’ironiser  en y ajoutant un peu d'humour. Il existe tellement de musiques 'dark' dans ce domaine ; et j'avais envie de faire quelque chose de...

...de fun ?

MD : Oui, exactement.

La chanson recèle un côté pop française, un peu dans l’esprit d’Elli & Jacno, voire même de Lio...

MD : Oui, je dirais plutôt Lio. Il existe une connexion avec la ‘chanson française’ qui est assez inhabituelle pour moi. C'est aussi le seul titre de l'album composé en compagnie de Pierre (NDR : Guerineau). J'ai écrit les paroles et la musique mais Pierre a mis sa touche, bien française, dans les arrangements.

On voit bien le lien avec « La Chute », le dernier titre de l'album d'Essaie Pas, et avec Christophe, un chanteur que Pierre apprécie tout particulièrement...

MD : Oui, exactement. Beaucoup d'idées ont été suggérées par Pierre. J’ai beaucoup apprécié de travailler auprès de lui, sur cette compo.  

Sur ton elpee, certaines plages s’ouvrent vers de nouveaux horizons, notamment « Inferno ».

MD : Il ouvre les portes de l'enfer ? (rires)

Son profil techno-industriel évoque même Orphx...

MD : Je ne peux pas cacher qu'Orphx m’a énormément influencé. Je n'y ai pas pensé consciemment quand j'ai composé « Inferno », mais le lien est clair. Ce sont des amis et une grande source d'inspiration. Mes nouveaux morceaux empruntent un peu cette direction : ils sont plus énergiques, plus concentrés sur les rythmiques. L’élément mélodique est toujours bien présent ; mais l’aspect rythmique est plus accentué qu’auparavant.

D'ailleurs, tu as collaboré à l’enregistrement du dernier opus d’Orphx. Notamment sur un titre qui me botte particulièrement : « Walk Into The Broken Night ». En fait, la musique et la voix développent un univers assez différent de celui proposé habituellement. Il est assez 'dark', presque 'gothique' même...

MD : Ce sont eux qui l’ont composé, y compris les paroles. Ils écoutent beaucoup de musiques différentes et sont influencés par un large éventail de styles : shoegaze, industrial, new-wave, cold-wave, musique classique, etc. Ils sont très ouverts et possèdent une grande culture musicale. Pour réaliser ce dernier album, ils ont voulu incorporer certaines de ces influences dans leur musique, qui est en général plus techno.

Depuis que vous avez signé chez DFA pour Essaie Pas et Cititrax pour ton elpee solo, as-tu constaté un changement dans l'évolution de ta carrière ?

MD : Oui, je reçois plus de propositions, il y a plus d'opportunités ; mais dans l'ensemble, je continue à faire ce que je faisais avant, du mieux que je peux.

J'ai notamment lu un article consacré à Essaie Pas dans The Guardian...

MD : Oui, DFA a fait pas mal de 'com'. Du côté de Cititrax, Veronica Vasicka a réalisé l’artwork de l'album en personne en se basant sur des photos de Corinne Schiavone, une très bonne photographe de Los Angeles. Veronica s’est également chargée du mastering. Mais question 'com', il n'y a rien eu de particulier. Tout s’est fait naturellement.

Depuis que tu vis à Berlin, je suppose que tu as retrouvé des tas de musiciens et d'artistes qui viennent d'un peu partout. De Montréal ? De New York ?

MD : Oui, Berlin est une ville très cosmopolite.

Night Musik s’y est établi ?

MD : Oui, Shub Roy. C’est un ami. Un Montréalais.

Ancient Methods également, fer de lance de la scène techno-indus...

MD : J'aime beaucoup Ancient Methods mais je ne le connais pas personnellement.

C'est Michael Wollenhaupt; il est très chouette.

MD : J'aime aussi le projet qu’il a monté en compagnie d’Orphx : Eschaton.

Qu’écoutes-tu pour l'instant ?

MD : Le nouveau release de Schwefelgelb (NDR : l'Ep « Dahinter Das Gesicht »). Ce sont aussi des amis.

Oui, Sid Lamar et Eddy ! Ils proposent une musique particulièrement techno-EBM.

MD : C'est très contemporain; bien réalisé et particulièrement efficace.

Et si tu devais sélectionner un 'classique', par exemple, le premier titre sur lequel tu as flashé quand tu étais jeune et qui aurait défini ce que tu allais devenir musicalement?

MD : D'abord, j’ai été marquée par le « Smells Like Teen Spirit » de Nirvana. J'avais 7 ans. Mais il n'existe pas vraiment une chanson qui soit idéale pour définir mon style, vu que je ne parviens même pas à le définir... (rires). Il est le fruit d’une combinaison de tellement d’éléments.

Oui, tu aimes aussi le disco, les musiques de films et même les Doors, non ?

MD : Oui, j'adore les Doors. D'ailleurs, une composition me touche toujours énormément aujourd'hui, c'est « You Forget To Answer ». Elle figure sur l'album « The End » de Nico. Quand je l’ai entendue, elle a provoqué un déclic dans ma vie.

Dans quel sens ?

MD : Je ne pourrais pas l'expliquer. C'est métaphysique. Quand je l'écoute maintenant, elle me fait encore de l'effet. J'en ai des frissons. C'est un langage musical et esthétique qui me correspond. Et m’atteint droit au coeur. Cet album a été produit par John Cale. Il date de 1974. Brian Eno joue du synthétiseur sur certains titres.

Ce qui est bien chez Nico, c'est que sa musique est super 'dark'. Même ses œuvres précédentes. Elles sont très dépouillées, sombres. Notamment à cause de sa voix. Elle est peut-être la première chanteuse gothique de l'histoire !

MD : Oui, ça c'est vrai ! (rires)

Parmi tes influences, on pourrait également citer les musiques de film de John Carpenter, je crois, non ? « Assault on Precinct 13 », par exemple ?

MD : Oui ! Et encore plus « Halloween III ». John Carpenter ne l'a pas réalisé mais il a composé la musique et c'est juste énorme. C'est aussi une référence importante pour moi.

Et là, tu travailles sur des nouveaux morceaux ?

MD : Oui, toujours. Ne t'inquiète pas... (rires) C'est un principe qui ne changera jamais : je ferai toujours de la musique...

Merci, Marie !

MD : Merci à toi.

Pour écouter et commander l'album « Adieux au Dancefloor » de Marie Davidson, c’est ici 

Pour écouter l'interview réalisée en août 2015 dans l'émission WAVES, en français, c’est , et en anglais, c’est encore ici

Photo : Corinne Schiavone

Exodus

Exodus, c’est avant tout Gary Holt !

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Metallica, Testament et Exodus sont considérés comme des pionniers du Trash Metal. Il serait né aux States, et tout particulièrement en Californie, dès le début des eighties. Aujourd’hui impliqué chez Metallica, Kirk Hammett est un des membres fondateurs d’Exodus. Il avait d’ailleurs rejoint ‘The Four Horsemen’, dès 1983. Mais ce soir, dans la ville portuaire d’Anvers, c’est un autre homme fort du band que Musiczine rencontre : Steve Souza, mieux connu dans le milieu sous le pseudo de Zetro (NDR : il en dévoilera la raison en fin d’entretien…) Vocaliste de 86 à 93, de 2002 à 2004 ; et, enfin, de retour depuis 2014, Zetro n’a jamais mâché ses mots. Une réputation qu’il n’a pas usurpée…           

L’infrastructure du Trix est encore vide à cette heure-ci. Les hostilités ne commencent que dans une bonne heure. Les têtes d’affiche sont partagées entre Exodus et les icônes du Death Metal old school, Obituary. Les sonorités guident mes pas. J’ouvre les portes de la salle de concert et assiste quelques minutes au soundcheck de King Parrot, un des deux ‘opening acts’ (NDR : l’autre, c’est Prong) de la soirée. Pas de doute, elle risque d’être mouvementée. Julia, la tour manager d’Exodus, m’invite à la suivre. Je passe à l’arrière de la scène, la précède dans un labyrinthe de couloirs, avant d’arriver à destination ; c’est-à-dire face à une petite loge où m’attend Zetro, assis dans un canapé en similicuir blanc. Les cheveux en bataille, vêtu d’un jeans noir et d’un maillot à l’effigie des Calgary Flames (NDR : c’est le nom d’une équipe de hockey canadienne), le vocaliste pianote sur son smartphone. Je m’installe à côté de lui et déclenche l’enregistreur.

En octobre 14, soit quatre mois après le retour annoncé de Zetro derrière le micro, ‘Blood in, Blood out’, le dixième opus studio du band, est paru. Un an plus tard, y a-t-il du neuf à l’horizon ? « Je n’en ai pas encore causé avec Gary (NDR : Holt, le guitariste et leader du combo) de vive voix ; on en a juste touché un mot par correspondance. Un nouvel album est en effet en préparation, mais la date de sortie n’a pas encore été déterminée. Si tout se déroule normalement, ce sera peut-être pour l’année prochaine. Tu sais, on est déjà en novembre. On rentre à la maison à la fin du mois. On passe les fêtes en famille et on entamerait donc l’écriture en janvier. On réaliserait les sessions en février. On assemblerait le tout d’ici avril/mai et terminerions l’enregistrement final pendant l’été ; bien que le temps file toujours plus vite à ce moment-là. Donc oui, peut-être qu’en octobre ou en novembre de l’année prochaine, on devrait avoir quelque chose à se mettre sous la dent (NDR : dans l’oreille ?), si on ne se réserve pas trop de temps libre », argumente le chanteur, avant de poursuivre : « J’ai bien quelques idées de lyrics derrière la tête, mais, comme je l’ai expliqué, il faut que j’en discute avec Gary… Je suis sûr qu’un nombre incroyable de sujets violents lui a déjà traversé l’esprit ; des sujets bien spécifiques au Thrash ».

Bon, on le comprend très vite : Gary Holt joue un rôle prépondérant dans le groupe. À peu de choses près membre fondateur (Gary était au départ roadie de Kirk Hammett et n’intègrera le line up du combo, qu’un an après sa formation), le guitariste est clairement au gouvernail. Et pourtant, ce musicien est rarement présent lors des prestations du band. En effet, depuis 2011, Gary milite comme second gratteur chez Slayer. Au départ, il était le suppléant intérimaire de Jeff Hanneman. Mais en 2013, suite au décès de ce dernier, il le remplace définitivement. Or Slayer est un groupe qui tourne inlassablement depuis plusieurs décennies, monopolisant une grande partie du temps du guitariste. Une situation difficile à gérer ? « Exodus, c’est avant tout Gary Holt ! », réagit Zetro. « C’est un peu comme son enfant : c’est lui qui coordonne l’ensemble, autant la musique que les paroles. Il est toujours le seul à être référencé sur chaque morceau. Mais ce n’est pas un problème pour nous. Il a toujours fait un très bon boulot et on est tous conscients d’avoir la chance de composer et jouer avec lui ». Il prend une pause, avant d’admettre : « Mais évidemment, on ne pourrait plus continuer à tourner si on devait attendre sa présence. Il est donc fréquemment remplacé par d’autres musiciens. Au final, cette situation se reproduit chez d’autres formations de Thrash. Ainsi au sein d’Anthrax, quand Charlie Benante était empêché, c’est Jon Dette qui le remplaçait. Pareil pour Scott Ian, devenu parfois le substitut d’Andreas Kisser. Ce qui n’a jamais empêché le groupe de continuer son parcours… C’est sûr que depuis qu’il a rejoint Slayer, sa présence en ‘live’ a été plus que limitée. Mais il n’empêche qu’Exodus, c’est avant tout Gary, et personne d’autre dans le groupe ne pourrait ou ne voudrait même prendre sa place. Ce serait un sacrilège : la mentalité, l’attitude, la façon d’écrire les morceaux… tout ça, c’est lui… »

Mais qu’importe l’importance du capitaine, il ne fera jamais avancer le navire à lui tout seul. Comme vocaliste, Zetro reste co-auteur des paroles des morceaux et pour lui, le Thrash est une musique sociétale « Il suffit d’ouvrir le journal et de lire tout ce qui touche à l’actualité, pour y puiser des thèmes d’inspiration. Du social au religieux, du militaire au politique, toutes ces nouvelles formes de guerres qui éclatent un peu partout… Il se produit tellement d’événements négatifs à travers le monde. Ce ne sont pas les sujets qui manquent ! Pas étonnant que le Metal soit souvent la musique préférée de fans de films d’horreur ! », déduit-il en rigolant…

Il est vrai que le Thrash Metal, cette incroyable rencontre entre la New Wave of British Heavy Metal et le Hardcore de l’époque, n’a jamais eu la vocation de devenir source de bande-son pour les films de Walt Disney. Zetro appartient à cette catégorie d’artistes qui ont lancé ce style musical. Il se souvient : « C’est vrai que tout a commencé il y a déjà presque quarante ans… Nous sortions en 85 notre premier album, ‘Bonded by Blood’ ; et il est exact que ce style de musique était né quatre ou cinq ans auparavant », concède-t-il avant d’embrayer, pensif : « Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis lors… suffit de penser à l’arrivée du cd, puis de l’avènement d’Internet… C’est fini la période où on s’échangeait des cassettes ! Mais malgré le temps, c’est incroyable de voir le nombre de fans qui nous suivent toujours aujourd’hui… C’est un peu ça la magie du Metal. Jamais tu n’entendras de la bouche d’un véritable amateur du genre : ‘Ouais, non, finalement le Metal ça ne me dit plus rien…’ C’est impossible ! »

Même si la figure charismatique de Zetro est intimement liée à Exodus, son parcours au sein du combo n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. En effet, dès 93, le band décide de splitter et ne reprendra ses activités que quatre ans plus tard, en compagnie de Paul Baloff, le vocaliste originel. Ce dernier décède en 2002 d’un AVC et Zetro est rappelé à la barre. Mais deux ans plus tard, il tire sa révérence, suite à des divergences de vues. S’en suivront dix années au cours desquelles il accomplit un demi pas de côté par rapport à la scène musicale. « J’ai notamment écrit quelques chansons pour Testament et fondé, en compagnie de Chuck (NDR : Billy, le chanteur de Testament), un groupe baptisé Dublin Death Patrol. J’ai aussi apporté ma collaboration à Tenet. Et puis lancé un autre projet auquel participe mes fils, Hatriot. On peut donc attester que j’ai tenté quelques expériences pendant cette période ; mais plus au sein d’un ‘mothership’ comme Exodus. En 2004, mes enfants étaient encore des ados. Ils sont devenus des adultes. C’est donc plus facile aujourd’hui. Je dois moins me soucier de la situation familiale, que chacun de mes enfants ait de bonnes notes à l’école. En outre, je ne suis plus marié à leur mère et j’ai à présent une magnifique petite amie. Il y a maintenant huit ans que nous sommes ensemble. Elle aime m’accompagner en tournée et je ne dois plus me préoccuper de toutes ces merdes quotidiennes à la maison. Dix années peuvent vous changer énormément dans une vie », confie l’artiste.

Mais revenons un peu à Dublin Death Patrol et Hatriot. Quel est donc le sort de ces projets parallèles depuis qu’il a rejoint à nouveau le paquebot Exodus ? « Tu sais, avec Chuck Billy, on a décidé de lancer sur les rails Dublin Death Patrol parce que les autres musiciens de ce band n’avaient jamais eu l’opportunité de jouer en division supérieure. Ils étaient vraiment derrière nous, car, c’est vrai, tous les side projects dans lesquels nous nous lançons ont cette chance d’attirer l’attention du public. Et donc on l’a fait ! On s’est embarqué dans l’aventure et on a enregistré un album. Ensuite, ils ont voulu partir en tournée, et ça aussi, on l’a fait ! Comme ils ont vu que ça marchait, qu’ils commençaient à devenir des rock stars, ils ont souhaité réaliser un second LP… Et puis là –wow !–  j’ai dû calmer les ardeurs. A ce moment-là, je venais juste de lancer Hatriot. Je ne voulais pas m’investir dans un autre projet de la taille d’Exodus. Et puis l’histoire a voulu que je rejoigne à nouveau ce band… » Un brin nostalgique, le musicien se justifie : « J’aurais bien voulu rester chez Hatriot, comme le fait Gary pour Slayer, mais c’était trop lourd pour moi. Et il me prenait trop de temps. C’est pourquoi mon fils aîné a repris le chant à ma place. Et je dois dire qu’il se débouille très bien ! », se défend-t-il en affichant un sourire, non sans une certaine fierté...

D’un point de vue musical, l’histoire de Zetro et celle du chanteur de Testament sont intimement liées. En effet, alors que Testament n’en était qu’à ses premiers balbutiements et répondait alors au patronyme de The Legacy, son vocaliste n’était autre –à ce moment-là– que… Zetro en personne. Annonçant qu’il allait quitter la formation peu de temps après avoir enregistré une première démo, afin de rejoindre Exodus, Zetro propose pour remplaçant, Chuck Billy. Ce même Chuck en compagnie duquel il lancera Dublin Death Patrol et qui, pendant un certain temps, deviendra le manager d’Exodus. Et c’est toujours ce même Chuck qui, selon certaines rumeurs, aurait poussé vers la sortie Rob Dukes (chanteur d’Exodus de 2004 à 2014), afin de ramener Zetro au micro. Un retour d’ascenseur ? « Je ne suis pas trop au courant du déroulement des événements à cette époque », soutient-il. « Je sais juste que les autres membres voulaient savoir si ça pouvait à nouveau marcher entre nous ; mais je n’ai jamais vraiment su trop pourquoi. Enfin, je n’ai jamais cherché à le savoir, on n’a jamais abordé ce sujet. C’est entre le groupe et Rob. Mais peu importe ce que Rob a pu faire, les quatre autres musiciens n’étaient plus spécialement satisfaits de lui. Apparemment il s’est passé beaucoup de choses en cours de route… Mais c’est vrai qu’on entend beaucoup d’histoires et qu’on ne sait jamais trop dissocier le vrai du faux… Je peux juste dire qu’un jour, Chuck est venu me voir et m’a dit : écoute, Gary est occupé de chercher quelqu’un pour faire le boulot et tu dois le faire! »

Après avoir vécu une première dissolution du groupe et rendu son tablier quelque temps plus tard, peut-on croire à un retour de Zetro sur le long terme ? « Tu sais ce qu’on dit : jamais deux sans trois ! », réplique-t-il, un long rire à l’appui. « Non, mais sérieusement, je pense que cette fois-ci, autant physiquement et mentalement, tout va beaucoup mieux. Ma voix est bien meilleure. Plus aucun élément extérieur ne peut entraver mes capacités. Regarde derrière toi… », me dit-il, en montrant du doigt les packs entassés dans mon dos. « Ouais mec, c’est de l’eau ! Fini ce temps où je buvais une ou deux bouteilles de vin par jour… Mentalement, c’est juste totalement différent ».

L’interview touche à sa fin, mais je ne pouvais pas m’en aller sans savoir pourquoi tout le monde l’appelle Zetro « C’est tout con. L’explication vient de l’époque où j’étais encore un gamin. J’avais 16-17 ans. Je m’étais pris un trip au LSD et je voulais que tout le monde me surnomme ‘Z’. Les gens m’interpellaient en disant : ‘Hey Zed ! Hey Zed !’ Et au fil du temps, le sobriquet s’est transformé en Zetro… il y a donc 33 ans qu’on m’appelle sous ce pseudo, maintenant ! »

Avant de laisser l’artiste se préparer pour le show de ce soir, je lui demande, avec un brin d’ironie, s’il n’est pas trop triste de ne pas être aux États-Unis pour l’instant afin d’élire le futur président des States. Celui qui succèdera à Barack Obama à la Maison-Blanche (NDR : nous sommes en effet à quelques jours des élections américaines du 8 novembre). Contre toute attente, la réplique de Zetro est cinglante : « Mais pas du tout, vu que j’ai déjà voté par anticipation ! Et j’ai choisi la personne la moins pire des deux… et j’en resterai là ! À toi de voir comment tu le prends… », conclut-il, en se marrant.

Et seuls les murs des coulisses du Trix sauront pour qui Zetro a finalement donné sa voix...

(Interview réalisée le mardi 1er novembre, au Trix à Anvers)

Napalm Death

Un mec engagé à la tête d’un noisy fucking band…

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‘Napalm Death’ : deux mots qui claquent de manière brutale. Cependant, au fil de ces trente-cinq dernières années, ils se sont vus attribuer, dans le monde du Metal, le symbole d’un groupe reconnu, respecté et admiré par un grand nombre pour ses explorations sonores, le plus souvent au sein des marges les plus violentes, sous les étendards punk-hardcoriens du Grindcore. Un style musical dont les Britanniques sont par ailleurs considérés comme les pères fondateurs. Rencontre avec un des leurs, le vocaliste Mark ‘Barney’ Greenway, pour aborder l’actualité du band, mais également la facette engagée de l’artiste.

Quelques badauds sont adossés sur la devanture de la salle mythique bruxelloise du Magasin 4, en attendant que le hangar ouvre ses portes. Le tour manager m’invite à y pénétrer et me demande de patienter près du comptoir d’entrée. Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvre et, dans l’embrasure, apparaît Mark Greenway, mieux connu dans le milieu sous le pseudo de ‘Barney’. Et surtout, comme chanteur emblématique de Napalm Death, groupe de Grindcore qui impacte les esprits depuis plus de trois décennies. Il me fait signe de le rejoindre. J’entre donc à mon tour dans la pièce où sont installés, au centre, deux vieux canapés recouverts de couvertures. Le reste de la pièce est occupé par des lits ; certainement un endroit où se reposent les groupes avant de monter sur les planches. La lumière est plus que tamisée, mais petit à petit, je m’acclimate à la pénombre. Barney s’assied en face de votre serviteur. Il a presque la cinquantaine, mais en paraît 10 de moins. Il est vêtu d’un vieux t-shirt de couleur bleue et d’un pantalon noir. Ses cheveux sont quelque peu en désordre. Le genre de gars qu’on pourrait croiser en rue sans se retourner, et surtout sans jamais penser qu’il a tant influencé la scène musicale marquée du Triton.

Napalm Death appartient à cette catégorie de formations qui ne chôment pas ; il a ainsi publié dix-neuf elpees studio en trente-cinq ans d’existence. Le dernier en date, ‘Apex Predator – Easy Meat’, unanimement acclamé par la critique, est paru il y a un peu moins de deux ans. Les Britanniques auraient-ils quelque chose de neuf sous le coude à proposer ? « Non, mais on en parle… », explique Barney. « Encore rien de vraiment tangible : pas encore de répétitions ni de dates de studio. On en est juste au stade du bla bla ». Mais le nœud du problème, c’est surtout l’absence, depuis fin 2014, de Mitch Harris, le guitariste ? Il a pris ses distances pour des raisons familiales (NDR : depuis lors, il a été remplacé par celui de Corrupt Moral Altar, John Cooke). « Cette absence nous complique quand même l’existence » admet-il. « On ne sait pas encore vraiment comment on va résoudre le problème. On sait que les gens nous attendent, mais voilà… », poursuit-il, pensif.

Une absence, certes handicapante, mais qui n’en est pas encore à menacer la survie du combo. La recette miracle ? « Nous aimons toujours ce que nous faisons. Tout simplement ! C’est important, surtout après tant d’années. Je connais d’autres formations qui sont également sur la route depuis aussi longtemps, mais ne sont plus impliquées comme elles devraient l’être. Je ne veux absolument pas vivre une telle situation. J’aime vraiment ce projet. J’aime ce que nous abordons et l’autonomie que nous avons, progressivement, acquise… » Le quatuor serait donc prêt à rempiler pour les vingt prochaines années ? Cette question, l’artiste préfère ne pas se la poser et appréhender le futur en des termes plus courts. « Tu sais, chaque fois qu’on réalise un nouvel album, et surtout maintenant, c’est un peu comme si on arrivait à une fin. Pendant le processus d’écriture et d’enregistrement, on ne peut s’empêcher de penser que ce sera peut-être le dernier et qu’il doit donc nécessairement être le meilleur possible. Ce genre de questionnement peut faire peur, mais pour nous c’est le genre de truc qui nous motive », soutient Barney.

Mais ce n’est pas parce que la longévité de Napalm Death pourrait en faire pâlir plus d’un qu’il ne fréquente plus que les arènes et les stades. Loin de là. Le vocaliste reste à ce sujet très modeste : « Il n’a jamais été question de bétonner un plan de carrière et de miser uniquement sur de grosses dates. Notre motivation est dictée par ceux qui se bougent pour venir nous voir. Et peu importe si elles sont plus petites… » Il s’arrête, réfléchit, avant de reprendre : « Et puis, tu sais, je ne me fais pas d’illusion : Napalm Death a toujours été un noisy fucking band. Il faut être réaliste, on n’est absolument pas taillé pour jouer dans des amphithéâtres ! Je ne voudrais, au final, pas militer au sein d’un groupe plus grand… et qui finirait, d’une façon ou d’une autre, par disparaître dans l’espace de ses propres attentes… »

L’histoire de la musique a de plus déjà démontré que les stades n’étaient pas toujours remplis par les groupes les plus talentueux. Par contre, ce dont Napalm Death peut se targuer, c’est d’avoir acquis une solide notoriété dans le milieu ; ce dernier lui attribuant notamment la paternité du Grindcore. « C’est évidemment sympa à entendre », dit-il en souriant, « Mais ce n’est pas un compliment sur lequel on se repose. Si on veut rester bon, on doit continuer d’évoluer. Par exemple, en enregistrant des albums qui rencontrent nos aspirations. Mais tout en ne perdant pas de vue ce qui représente l’essence même du band. La musique de Napalm Death est avant tout du rentre-dedans très rapide. On a toujours refusé de se reposer uniquement sur notre réputation, on doit être proactif ! », explique-t-il avec entrain. Du rentre-dedans très rapide, quatre mots qui ne pourraient pas mieux coller au style de la formation. Mais quelle définition le parrain du Grind donne-t-il au mot ‘extrême’ ? « C’est large… très large ! Au niveau musical, ce terme peut se traduire par une volonté de ne pas se conformer, de ne pas rentrer dans les standards de la production. En règle générale, le monde de la musique dicte ce qui doit être ‘adéquat’, selon ses propres critères. Mais le spectre sonore est si important, si large, qu’il est nécessaire de pouvoir tout exploiter, en ce y compris les parties rarement explorées. Si lors de sessions, tu es derrière le desk et tu vois que ça crache… que ça crache délibérément… et que le producteur te dit : mais bon sang, qu’est ce que tu fous ?! C’est qu’on est dans le bon, c’est à ce moment-là que nous devenons extrêmes ! », raconte-t-il en rigolant.

Mais hormis la musique, Barney est également un personnage très engagé. Il n’est pas rare qu’il exprime ses opinions, que ce soit à propos de la misère rencontrée quotidiennement par les réfugiés, de la séparation indispensable entre l’Etat et les institutions religieuses, du droit des animaux ou encore à travers ses coups de gueule qui dénoncent l’occupation des territoires palestiniens. « Perso, j’estime que la politique, c’est d’abord comment se comporter en tant que femme ou homme et tenter de percevoir ce que fait actuellement l’humanité. Je grossis le trait, mais c’est aussi comprendre pourquoi un individu qui appartient à tel camp ou vit d’un côté ou l’autre de l’océan n’a plus le droit d’être appelé ‘être humain’. Même si je sais que c’est enraciné au plus profond de l’homme d’avoir un comportement exclusif », justifie-t-il, avant de poursuivre : « A mon humble avis, je suis seulement un être humain et j’essaie simplement de faire passer quelques idées. Après, tu peux évidemment me reprocher d’être de gauche ; mais c’est vrai, et j’ai un certain background. J’ai besoin d’exprimer ce que je pense. Si, au final, on veut rendre ce monde meilleur, il faudra faire beaucoup d’efforts. A commencer par des gens ordinaires comme toi et moi, pour comprendre et tout mettre en œuvre afin de développer l’égalité entre les individus, sauvegarder la dignité et le bonheur de chacune et chacun ».

C’est également dans cet état d’esprit que Barney, en 2015, avait écrit au Président indonésien, fan du groupe (!), afin de lui demander de gracier trois Anglais condamnés à mort pour détention de drogue. Une situation dont le chanteur se souvient particulièrement bien : « Auparavant j’étais engagé dans une organisation de défense des droits de l’homme, en Australie. C’est via cette association que j’ai été informé de la menace de mort qui pesait sur la tête de trois Britanniques. Or l’un d’eux était également fan de Napalm Death. En outre, le Président d’Indonésie apprécie également notre musique… Je lui ai donc fait savoir que j’étais un opposant convaincu à la peine capitale. Et puis, j’avais ouï dire qu’il était un dirigeant réfléchi ; ce qui n’a pas toujours été le cas là-bas… J’ai donc voulu débattre avec lui des raisons du maintien de la peine de mort ; ce qui, à mes yeux, a toujours plus ressemblé à un recul de civilisation qu’autre chose… » Et même si cette interpellation n’a finalement pas permis d’annuler leur condamnation à mort, le chanteur affiche un certain optimisme : « Au moins, pour le futur, mon intervention a permis une certaine ouverture. Ce n’était malheureusement pas la première fois que j’intervenais pour abolir cette sentence. Mais je tiendrai toujours le même discours : qu’elle émane d’un État ou de n’importe quelle autre organisation, personne n’a le droit d’envoyer quelqu’un à la mort ».

Ce déni de justice, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de sources qui nourrissent continuellement les textes de Barney, chez Napalm Death. « Quand on lit nos lyrics, on pourrait parfois penser que nos paroles sont déprimantes. Mais c’est tout le contraire ! Ce qui est vraiment déprimant, c’est quand on retourne en arrière. Ce serait tellement facile de se dire : OK, je vis en Angleterre ; c’est un pays relativement calme où rien de grave ne se passe vraiment… Mais non ! Ce n’est pas ma vision des événements. » Barney met sa main sur mon épaule et se confie : « Par exemple, toi, je ne te vois pas comme un Belge, mais un être humain, en compagnie duquel je prends plaisir à parler. Pour moi, l’origine ou la nationalité sont loin d’être des facteurs prépondérants… Comme je milite au sein d’un groupe, mes idées peuvent bénéficier d’un certain écho… En fait, je me considère comme un internationaliste. »

Il s’arrête, sourit, et conclut : « Et puis, même si je ne participais pas une telle aventure, je pense que j’agirais de toute façon de la même manière ! »

(Interview réalisée à Bruxelles, au Magasin 4, le 25 septembre 2016).

Shake Shake Go

De la rue aux grands festivals, en passant par les premières parties et les pubs miteux…

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Shake Shake Go s’était produit dans le cadre du festival de Ronquières, en août dernier ; un événement qui avait drainé pas moins de 36 000 spectateurs. Le line up réunit quatre garçons et une fille. La carrière de ce band ressemble à un conte de fées. C’est d’abord dans la rue qu’il a opéré ses balbutiements ! Après avoir accordé de petits concerts dans des pubs miteux, il est pourtant rapidement repéré...

La suite ? Une première partie de James Blunt assurée en 2014 dans le Royaume-Uni, puis en France (notamment celle de Rodrigo y Gabriela), un premier single publié en décembre 2014, un premier Ep (éponyme) en mars 2015 et un premier album, « All in time », début 2016.

Emmenée par la jolie Poppy Jones, cette nouvelle sensation venue d’outre-Manche se produisait donc près du célèbre ‘plan incliné’, dans le cadre d’un périple international ! Pas étonnant, lorsqu’on sait que plus de 7 millions de personnes ont écouté "England Skies". Malgré son jeune âge, le quintet jouit d’une popularité digne des plus grands ! Ronquières avait donc flairé le bon filon puisque c’était sa première date belge. Sans doute pas la dernière !

Votre serviteur, d’un pas audacieux, se dirige vers miss Jones afin de décrocher une interview. Pari gagné ! Certains membres sont francophones, certes, mais c’est la gonzesse du combo qui s’y colle. C’est à peine si elle parvient à baragouineur quelques mots de français. En conséquence, c’est dans la langue de Shakespeare que l’entretien se déroulera…

Le patronyme du groupe est le fruit de l’imagination d’un enfant de 6 ans. Et si c’était celui d’une personne du troisième âge ?

En fait, nous cherchions un nom sans avoir d’idées précises. Puis, un jour, lors d’une de nos prestations, un petit garçon, prénommé Archie, jouait avec un ‘shaker’ et s’est exclamé ‘shake shake’. Nous avons donc opté naturellement pour Shake Shake Go. Franchement, nous avions reçu de nombreuses suggestions. Je me souviens d’une proposition du genre ‘Space Cabbage’ (Trad. : Chou Spatial). Je suis satisfaite que nous n’ayons pas choisi celui-là ! Pour répondre à ta question, si le choix avait été posé par une personne âgée, nous aurions probablement chopé quelque chose de plus banal comme 'The Buskers' (Trad. : les Musiciens ambulants) ou un truc de bien plus mental, je n’en sais rien…

Le festival de Ronquières était la seule date belge de votre tournée. Vous vous attendiez à une telle réception ? Comment jugez-vous le public belge, par rapport aux autres ?  

Notre premier concert en Belgique était vraiment super ! Nous avons reçu, partout, un accueil chaleureux ! Il est toujours un peu effrayant de se produire quelque part, pour la première fois. Nous connaissons ce pays car nous y avons quelques amis. Les gens sont très sympas et disponibles ! Même, lorsqu’il y fait plus froid… sans doute que vos bonnes bières, consommées dans la bonne humeur ici, y sont pour quelque chose!

D’un duo né sur les bancs de l’université, toi et Marc avez décidé de former un quintet. Pourquoi opté pour cette configuration spécifique ?

Nous disposions de quelques chansons en réserve, mais cherchions encore notre identité musicale. Puis, nous en avons conclu qu’il était peut-être temps d’apporter du neuf. Tout s’est construit naturellement en fonction de l’expérience de chacun. Le travail d’écriture est toujours réalisé par nous deux, dans l’esprit originel du duo.

On décèle un certain feeling celtique dans la musique de SSG. Tu es Galloise et Marc, d’origine bretonne. Etait-ce une manière de revendiquer vos origines ?

Effectivement, nous partageons tous deux des origines celtiques. Nous n’avions aucun souhait manichéen de prime abord. Nous ne cherchions pas non plus spécifiquement à les refléter dans nos chansons. C’est le hasard le plus total. Elles se sont tout naturellement glissées dans nos compositions.

Vous avez commencé à jouer dans la rue et dans les pubs miteux. La notoriété est apparue rapidement suite aux premières parties réalisées pour James Blunt. Comment gérez-vous le succès qui est le vôtre aujourd’hui ?

Les choses ont bien évolué depuis nos premières prestations dans la rue ! Ces conditions, nous les avons vécues pendant un certain temps. Finalement, c’était amusant et elles ont constitué un excellent tremplin pour la suite. Mais je préfère me produire aujourd’hui dans des endroits comme celui-ci ! Après avoir accompagné James Blunt, nous avons signé chez le label ‘Beaucoup Music'. 'Auguri Productions’ s’est occupé de toute la logistique de la tournée. Nous avons aussi assuré la première partie de Rodrigo Y Gabriela et participé à des festivals grandioses ; ce qui nous a permis de nous imposer véritablement comme groupe.

La formation vit pleinement en ‘live’. Les compos et les arrangements permettent une ouverture pour ce type de configuration. Votre mode de création a-t-il été conçu en ce sens ? Pourriez-vous imaginer une formule plus électro-acoustique par exemple ?

Nous nous sommes vite rendus compte, lorsque nous jouions dans la chambre de Marc, que si nous voulions percer, nous devions écrire des textes épiques et forts. Jouer en ‘live’ constitue la cerise sur le gâteau ! Nous estimions important de concevoir les compos afin qu’elles prennent une dimension toute particulière, qu’elles soient interprétées en public ou écoutées simplement sur un support quelconque.

Et justement en concert, les compos sont-elles figées ou leur réservez-vous une place pour l’improvisation ?

Le set évolue de tournées en tournées ! Le ‘live’ permet de se rendre compte assez rapidement de ce qui fonctionne ou pas ! On adapte donc, selon ! Rien n’est figé !

Les thématiques abordées dans vos chansons sont finalement assez simples et sont toutes teintées de positivisme. Pourtant, elles servent parfois d’exutoire pour dénoncer les travers sociétaux ou les magouilles politiques. Véhiculer des lyrics engagés ne semble pas apparemment pas votre tasse de thé…

J’aime écrire des textes simples où les gens peuvent s’y retrouver, voire s’identifier. Je traite de sujets qui me sont proches, me touchent et sont faciles à comprendre. Ce qui me permet de vivre pleinement mes chansons. L’artiste peut se permettre de dénoncer certains faits sociétaux ou politiques, c’est vrai ! Comme être humain, j’ai mes propres opinions ! Cependant, je m’interroge toujours sur la manière la plus objective de les rendre publiques, tout en gardant un certain recul.

L'électro domine les charts aujourd’hui. Proposer du pop/folk doucement sucré n’est-il pas à contre-courant et plutôt risqué ?

Nous avons conscience des risques auxquels nous nous exposons. Toutefois, c’est notre culture musicale et nous ne comptons pas y déroger. Je pense qu’il y aura toujours un public pour ce genre de musique. Il s’y retrouvera d’une manière ou d’une autre. Elle est, selon ma propre définition, exempte de toute fioriture. 

Est-elle également une ode au voyage selon toi ?

Nos compositions ont mûri à travers nos voyages, autant en ce qui concerne le groupe comme entité qu’en fonction de nos diverses individualités.

Il paraît que vous habitiez tous dans des endroits différents géographiquement. Pas évident lorsqu’il s’agit de répéter…

Il est vrai que nous vivions dans des endroits géographiquement éloignés. Marc, en Normandie, Virgile à Lyon, Kilian et moi-même aux Pays de Galles et Toby à Birmingham. Pendant tout un temps, la situation était donc plutôt compliquée. Parvenir à faire coïncider nos agendas respectifs était la difficulté majeure. A titre anecdotique, il nous est même arrivé d’utiliser Skype. Aujourd’hui, nous vivons en France. C’était indispensable pour la survie du band ! Tout se passe pour le mieux ! Le fromage y est excellent en plus !

De qui vous sentez-vous proche artistiquement en Belgique ?

Pour être honnête, je ne connais pas beaucoup d’artistes belges. J’ai découvert récemment Puggy. Je n’en avais jamais entendu parler ! Mes comparses avaient déjà écouté certains de ses titres. J’apprécie son univers authentique. Perso, j’aimerais aller le voir en concert.

Vous travaillez actuellement sur la création d’un second opus. S’inscrira-t-il dans la lignée du premier ?

Absolument ! Nous n’allons pas changer de ligne de conduite. Nous comptons simplement la faire évoluer, l’améliorer ! Nous sortons de deux semaines passées en studio. Je pense que nous sommes sur la bonne voie ! Nous y avons injecté énormément d’énergie et j’espère tout simplement que ce second album sera accueilli favorablement tant par le public que par les critiques.

The Apartments

La sagesse du hibou…

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Perdre un enfant est une épreuve douloureuse. Peter en sait quelque chose, lui dont le fils est décédé en 1999, alors qu’il n’avait pas encore 4 ans. Quelque part, quand on partage de semblables épreuves, on ne tient pas trop, par pudeur ou pour ne pas trop la faire peser aux autres, à les ressasser. Mais ces souffrances ne s’effacent jamais. Elles se cicatrisent. Au bout d’un temps certain. La meilleure thérapie c’est d’essayer de se reconstruire, en se (re)créant ou en se (re)fixant des objectifs. S’immerger dans une passion, par exemple. Pas pour oublier, mais pour vivre… ou survivre. Et Peter Walsh a recommencé à faire ce qu’il affectionne le plus : écrire des chansons. Mais il lui a fallu plusieurs années pour remonter la pente. Ainsi entre le remarquable « No song, no spell, no madrigal », son dernier opus (NDR : il est paru en 2015, voir chronique ici) et « Apart », se sont écoulées 17 longues années. Entre-temps, il a bien publié un single et un Ep, mais le reste s’est limité à la sortie de compilations. Ce dernier long playing, il l’a d’ailleurs dédié à son fils disparu. Et quelques chansons reviennent sur cet épisode douloureux. Il s’agit probablement également d’une forme de thérapie. D’ailleurs l’artiste n’avait plus tellement envie de revenir à la musique. Et c’est sous l’impulsion de quelques inconditionnels issus de l’Hexagone qu’il a repris le chemin des salles de concerts, et puis surtout du studio.

The Apartments est une formation australienne née en 1978. Peter Milton Walsh en est le fondateur. Et il en est devenu le seul membre permanent. C’est son projet. Ce natif de Brisbane a cependant émigré à Londres vers la mi-eighties, passé quelque temps à New York avant de revenir vivre dans son pays natal.

Mais revenons au sujet abordé dans l’intro. Peter y est particulièrement sensible ; surtout à cause de notre vécu…

   Etre dans la fleur de l’âge, et tout particulièrement ce qu’on appelle l’ouragan des Twenties est un cadeau qui permet de connaître de nouvelles expériences. La vie et l’amour sont encore devant toi ; aussi, voir disparaître un enfant à l’âge de à 24 ans est une épreuve très difficile à vivre. Nous ne sommes pas programmés pour survivre à notre progéniture. Le grand romancier texan Cormac McCarthy a écrit dans son livre ‘All the Pretty Horses’ : ‘Gustavo m’a dit que celles ou ceux qui ont vécu une grande douleur ou la perte d’un être cher, sont unis par un lien particulier ; un principe qui a été démontré. Les liens les plus étroits que nous connaîtrons jamais sont ceux de la peine. La communauté la plus profonde de la douleur…’

Ton album « The Evening Visits… and Stays for Years » a été réédité l'année dernière. Et il inclut quelques bonus tracks. Était-ce ta volonté de les inclure ? Ou était-ce simplement une opération de marketing ?

Mike Sniper, le patron de Captured Tracks, insistait depuis près de trois ans pour que je réédite « The Evening Visits... » Je ne connaissais pas ce label, mais quand j’en ai causé à une amie, elle m’a indiqué que c’était le plus branché dans le milieu (NDR : Hippest label around) Et je lui ai rétorqué que c’était probablement les trois mots que je considérais comme les plus déprimants de la langue anglaise. Mais je ne me suis pas laissé abattre pour autant. En fait, je n’avais jamais pensé à opérer ce lifting, jusqu’à ce que cette firme me contacte. Mais si vous proposez une œuvre intemporelle au public, vous devez lui proposer le plus d’alternatives possibles. J’ai toujours adoré les démos que j’avais réalisées pour cet album ; et peu de monde connaissait les anecdotes qui se sont tramées derrière ces sessions. Ainsi, ces chansons laissées en chantier méritaient finalement de figurer sur cette réédition ; et le résultat m’a énormément plu. En outre, Robert Forster des Go-Betweens et Steven Schayer des Chills ont rédigé les notes du booklet. Et elles sont épatantes… 

Sur « Swap place » on a l’impression que tu doutes de l’existence de Dieu. Mais y crois-tu ? Y as-tu cru un jour ? Que représente Dieu pour toi ? Est-ce Dieu qui a créé l’homme ou l’homme qui a créé Dieu. La religion n’est-elle pas devenue un facteur destructeur ? Plutôt que de religion ou de foi, ne devrions-nous pas parler davantage d'amour et de lumière ? Mais crois-tu à la vie après la mort ?

Le premier titre que j'ai choisi pour « No Song, no Spell, no Madrigal » est inspiré de la vue de la chapelle que j’avais depuis la fenêtre de l’hôpital. Et dans cette chapelle, j’y ai passé de longs moments. Il y avait un cahier dans lequel les gens pouvaient écrire leurs commentaires et prières. C'était un hôpital pour enfants et plusieurs de ces implorations et prières avaient été consignées par les parents d’enfants qui étaient condamnés. Souvent, ces parents y ajoutaient leurs mots pendant des mois ; avant que les lumières de l'espoir ne s’éteignent. Les prières étaient futiles, mais elles sont devenues particulièrement bouleversantes. « Swap Places » répond à ta question et à la question qu'elle pose également.

J'ai toujours aimé insérer des questions dans mes chansons, et même utiliser ce style interrogatif dans les titres. « Could I Hide Here (A Little While) ? » (‘Est-ce que je pourrais me cacher ici, un petit moment ?’), etc. Je ne sais pas si tu connais la chanson de Blind Willie Johnson, « Soul of Man » ? Et bien elle raconte : ‘Personne ne me le dira, mais réponds si tu peux. Je veux que quelqu'un me dise simplement qu’est-ce que l'âme d'un homme ?’

J'avais écouté quelques chansons gospel qui adoptaient un style questions/réponses ; et j’ai essayé d’adopter, pour « Swap Place » et « No Song, No Spell, No Madrigal », une formule qui y ressemble. Ou comme chez les Chi-Lites. Quoi qu'il en soit, c’était simplement une aubaine d’avoir écrit le morceau maître, « No Song, No Spell, No Madrigal », un mois avant d’enregistrer l’album, parce que ce titre est bien meilleur que « A View from Hospital Windows ».

Ed Kuepper, j'ai eu l'occasion de le rencontrer à deux reprises. Un artiste que j'apprécie beaucoup, même si aujourd'hui il est devenu un membre des Bad Seeds. Penses-tu qu’il a fait le bon choix ? Financièrement, certainement. Mais artistiquement ?

J'aime les Bad Seeds. Je pense que l’association entre Warren et Nick –Nick a toujours été un partenaire idéal– constitue une combinaison classique dans l’écriture. Et à chaque fois, ses interprétations sont profondément engagées. Peu importe si vous ne comprenez pas ce qu’il raconte, il s’exprime dans une langue universelle.

The Apartments est considéré comme un groupe qui joue de la pop de chambre. Un peu comme The Divine Comedy. Cette comparaison te semble-t-elle judicieuse ?

Je ne connais pas suffisamment The Divine Comedy, comme je le devrais. J’accepte l’idée que mon œuvre soit taxée de pop de chambre. C’est assez précis. J’ai toujours aimé les cordes et les cuivres ; et je les aimerais jusque mon dernier souffle. Comme tu le sais, la musique est faite de cycles ; et il faut avouer que j’adore la manière dont Dan Bejar (NDR : Destroyer, The New Pornographers) et Cass McCombs abordent les cordes pour reconstruire leur propre identité.

Certains médias ont décrit ta voix comme le chaînon manquant entre Peter Perrett et Edwyn Collins. Est-ce que ce commentaire te fait sourire ou te flatte ?

J’aime ces deux personnages personnellement et leur œuvre aussi. Pas sûr cependant que la comparaison tienne la route…

Tu as enregistré « No Song, No Spell, No Madrigal » au sein du studio de Wayne Connolly, le studio personnel d'AC/DC. Tu n’as pas flippé en voyant un tel matos ? Les sessions se sont-elles déroulées sans accroc ? De quoi causiez-vous lorsque vous n’enregistriez pas ? 

Wayne était absolument la personne adéquate pour travailler et je dois remercier mon épouse qui m’a rappelé que Wayne m’avait aidé quand je recherchais un guitariste afin de partir en tournée à travers l’Europe, en 2012. C’est à partir de ce moment que nous avons fait plus ample connaissance. Je doute que l’album ait pu se réaliser sans lui. L’‘Alberts’, c’est juste le studio au sein duquel il bossait ; et bien que mon choix puisse choquer, je n’ai jamais eu l’intention de sonner comme AC/DC.

Tu as déclaré un jour : ‘Je crois au souvenir comme une manière d’honorer la mémoire de ceux qu’on a perdus’. Pour toi, il n’y a pas de bons souvenirs ?

Rilke a dit : ‘Peut-être que créer quelque chose n’est rien d’autre qu’un acte de souvenir profond’ ; et peut-être avait-il raison. Quand je lis mes textes, ils devraient être, par certains côtés, un fleuve de mémoire ; mais alors je les lis comme un étranger en pensant ‘Quelqu’un a écrit ces chansons… c’est quelqu’un qui me ressemblait. Où est-il maintenant ? Il est parti.’ 

Tu as aussi déclaré : le sens des chansons, c’est que les gens y perçoivent leur propre vie. Est-ce une ligne directrice dans ton écriture ?

Ce que je veux dire, c’est : peu importe qui les a écrites, même si elles comptent plus d’une centaine d’années. Les gens se reflètent dans les miennes et me confient cette impression au fil du temps. Ainsi, je disparais de la chanson.

D’après ce que j’ai pu lire, Scott Walker, Dusty Springfield et Bob Dylan constituent quelque part des références incontournables pour toi. Les as-tu rencontrés, un jour ? Ou ne souhaites-tu pas les croiser pour ne pas briser le mythe ?

Je n'ai jamais rencontré une idole. Dusty, j’aurais bien aimé ; mais franchement, je ne ressens aucun besoin de les croiser. Les connaître pour leur œuvre, me paraît plus que suffisant et parfois, il est préférable de s’arrêter là. Truffaut répétait qu'il préférait être connu par son travail que pour lui-même ; et je le comprends. Je me rappelle à quel point j’ai été déçu d’apprendre que Bob Dylan, lors du mariage de son frère, s'était entretenu avec quelques invités pour parler de son portefeuille d'actions. Et ensuite j'ai lu comment lui et Harry Dean Stanton avaient fait du jogging sur le plateau de ‘Pat Garrett et Billy the Kid’. Entre les investissements et le jogging, et bien c’était juste le TMI (NDR : TMI = Too Much Information).

Tu as également déclaré : ‘Le chaos menace quand l'amour apparaît. Tu ne crois pas à l'amour ? Même universel ?

Non, je n’ai jamais fait cette déclaration. Je n'ai rien contre le chaos, il m’a appris beaucoup. En outre, l'amour est souvent chaos et parfois c'est juste le chaos le plus beau. Quelquefois, des chanteurs plus jeunes sollicitent mon avis ; et je considère que je suis probablement la personne la moins qualifiée pour obtenir n’importe quel conseil. Je leur dis toujours : ‘Tombe amoureux, de préférence en faisant le mauvais choix. Ce sont des expériences dont on a davantage besoin’.

À une certaine époque, on a décrit les Go-Betweens comme le jour et The Apartments comme la nuit. Ne penses-tu pas qu’on pourrait écrire une fable sur la colombe et le hibou.

Mais alors, qui serait le hibou sage ?

Leur attitude au sage enseigne
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne
Le tumulte et le mouvement.

(‘Les Hiboux’, Charles Baudelaire)

Merci à Vincent Devos et à Louise (Microcultures) pour sa persévérance.

(Photos : Anastasia Konstantelos 2015)

 

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