L’école d’art de Library Card

Library Card a beaucoup joué en live à travers l'Europe et les États-Unis. Son nouveau morceau, "Art School", est devenu un favori du public lors de ses concerts. Ce titre marque un nouveau chapitre pour la formation, qui est rapidement devenue l'un des…

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The Datsuns - 27/03/2025

Hollywood P$$$ Stars

Repartir pour un tour

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L’effet de surprise est passé. Cette fois, tout le monde a entendu (parler) des morceaux d’ Hollywood P$$$ Stars . Attendus au tournant après un premier album (« Year of the Tiger ») à l’énergie contagieuse et au succès retentissant, Anthony Sinatra et son collègue Redboy voulaient éviter les redites. « Satellites », le nouvel album des P$$$  Stars, prend donc le contre-pied de « Year of the Tiger ». Né de l’imagination fertile d’Anthony Sinatra, remodelé démocratiquement, enregistré sous la houlette de Christine Verschoren (Ghinzu, Montevideo) et mixé par John Goodmanson (Wu-Tang Clan, Blondie, Death Cab for Cutie), ce second essai prend rapidement de l’altitude. Logique quand on s’intitule « Satellites ». Mais avant d’évaluer son champ de gravité, nous nous devions de les rencontrer.

Que ce soit par l’entremise de My Little Cheap Dictaphone ou de Piano Club, vous êtes aujourd’hui sur tous les fronts musicaux. Est-il évident pour vous de vivre l’aventure Hollywood P$$$  Stars en étant impliqués dans ces autres projets ?

Anthony : C’est quelque chose qui a toujours existé chez nous. Nos groupes parallèles ont précédé notre projet commun. Au fil du temps, nous avons réussi à mettre sur pied trois groupes aux influences et à l’imagerie différentes. La composition des morceaux ne pose pas spécialement de problème. La répartition s’effectue naturellement. Entre Hollywood et My Litlle Cheap, la question ne se pose pas. Ce n’est pas le même compositeur, pas le même chanteur. Par contre, entre Piano Club et Hollywood P$$$ Stars, on retrouve forcément une même griffe dans la mesure où je chante et compose la plupart des morceaux…

Redboy : On rencontre parfois quelques difficultés pour gérer nos agendas respectifs. Mais à partir du moment où nous sortons un nouvel album pour Hollywood P$$$ Stars, il est évident que, pendant deux ans, ce sera notre priorité absolue… 

Est-ce que vos expériences au sein de vos projets respectifs sont bénéfiques pour Hollywood P$$$ Stars ? 

R. : Que ce soit sur scène ou en studio, tu tires toujours des enseignements de tes expériences musicales. Sans parler d’échappatoire, l’existence de nos projets personnels nous permet de respirer pour, finalement, mieux nous retrouver…

A.: Cette situation favorise également notre envie de jouer ensemble. A nos yeux, nos projets respectifs constituent davantage un bon moyen de se ressourcer qu’une cause d’éparpillement artistique.

Hollywood P$$$ Stars est un groupe né dans l’urgence, l’impulsion et la précipitation d’un concours (NDR : le Concours Circuit). Conservez-vous encore des traces de cette époque : une attitude spontanée, un côté empressé ? 

R. : Nous sommes très attachés au côté spontané de nos chansons. En composant les nouveaux morceaux, on a toujours évolué en ce sens. Par contre, au fil du temps, nous avons appris à prendre du recul. Cette distance nous permet d’être plus performants, d’aller au-devant de chacune des étapes qui jalonnent la vie d’un disque : le choix du studio, des chansons à enregistrer, etc. Nous avons donc trouvé un équilibre au sein du groupe.

A. : Ce qui ne nous a pas empêchés de conserver notre esprit d’aventure. Quand on se lance le défi de créer un groupe pour essayer de remporter un concours, ça laisse forcément des traces... Pour le nouvel album, on s’est également imposé des challenges. On sait que ce disque est attendu, contrairement au premier. A partir de là, nous pouvions passer des mois en studio. Mais, une fois encore, on a préféré foncer. Prendre des risques. Se limiter à dix jours de studio et ne pas regarder en arrière.

Vous avez enregistré l’album en compagnie de Christine Verschoren. Pourquoi ce choix ?

R. : Sur le premier, elle avait mixé deux morceaux. On était très content de son travail. Pour « Satellites », elle a donc opéré toutes les prises sonores. Chaque morceau a bénéficié de sa propre journée. Ce timing nous permettait de dépasser l’approche initiale de nos chansons. Chaque jour, on repartait donc à zéro, en quelque sorte. Pour le reste, il a été mixé par le producteur John Goodmanson. Depuis nos débuts, on rêvait de travailler avec lui. Il a bossé sur les albums de groupes qu’on apprécie énormément : Death Cab for Cutie, Blonde Redhead, The Von Bondies, The Blood Brothers ou Sleater-Kinney.

Après le succès de « Year of the Tiger », ressentiez-vous une certaine pression à l’entame de votre nouvel album ?

R. : Peut-être… Mais elle n’a pas eu de conséquence sur le résultat final. On a réalisé « Satellites » dans notre bulle, sans tenir compte des avis extérieurs.

A. : Par contre, on a tiré des enseignements de notre premier cd. Dans le passé, on jouait sur le second degré. On s’est aperçu que certaines personnes ne nous comprenaient pas. On identifie donc un côté plus posé, plus mature, en filigrane de nos nouveaux morceaux. En fait, sur « Year of the Tiger », on entrevoit les prémisses du nouvel album. Cette fois, nous avons poussé les choses plus loin sans recourir aux clichés du simple rock basique…

En attendant, ‘Andy’, votre premier single, verse dans un rock puissant. C’est un titre assez différent des autres chansons de l’album…

A. : A nos yeux, c’est un morceau qui opère une charnière entre « Year of the Tiger » et « Satellites ». C’est pour cette raison que cette chanson ouvre le disque. Après ce titre, on plonge dans une autre atmosphère…

R. : Néanmoins, ce n’est pas le morceau le plus représentatif du nouvel album… On a beaucoup travaillé sur les intensités. De nombreuses chansons vont ainsi se dévoiler au fil des écoutes…

A. : Il est certainement moins immédiat. Mais on a vraiment l’impression d’avoir enregistré un ensemble de chansons cohérentes, pas seulement un tube perdu dans la mêlée. 

« Satellites » est-il obsédé, voire persécuté, par la mort et les disparitions ? Des titres comme « Crimes », « Ben’s dead », « Calling the ghosts », « There’s a god » pourraient, en effet, le laisser penser. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?

A. : Ce sont les différents concepts qui traversent l’album : la distance qui sépare les gens, la vie et la mort, l’absurdité et la réalité. Ces grands thèmes côtoient des histoires réellement vécues, abordées de façon romancée. Si le disque s’adresse à la première personne du singulier, il n’est pas autobiographique pour autant. Tous les textes ont été écrits sur une période très courte. Pas nécessairement la plus heureuse de ma vie. Mais je n’ai jamais cherché à verser dans l’amertume. On recherche toujours l’espoir, les aspects positifs de l’existence.

Nicolas Alsteen

 

En concert :

Le 3 novembre à la Cecoco (Ciney)
Le 10 novembre au CC René Magritte (Lessines)
Le 14 novembre à la Soundstation (Liège)
Le 15 novembre à l’AB Club (Bruxelles)
Le 16 novembre à L'Entrepôt (Arlon)
Le 17 novembre à L'Eden (Charleroi)

Miam Monster Miam

Une libellule dans la tête

Écrit par

Artiste tout terrain, boute-en-train légèrement schizophrène, Benjamin Schoos, alias Miam Monster Miam, revient sur le devant de la scène pour nous présenter « L’Homme Libellule », son septième album. Depuis Liège, l’artiste plane à travers les décennies et (ré)explore les galaxies axiales de la pop moderne. Après une série d’albums ancrés dans la plus pure tradition folk, Miam Monster Miam signe une petite tuerie, méchamment décalée, clin d’œil assumé à l’Homme à la tête de chou et à de nombreuses théories scientifico-fictives. Une pochette splendide, des sonorités seventies arrangées en pleine guerre des étoiles, une bonne dose d’humour : c’est le grand retour de Miam !

Sur « L’Homme Libellule », ton nouvel album, tu délaisses la musique folk, tes côtés les plus sombres, pour te concentrer sur des mélodies ouvertement rétro futuristes. Comment expliques-tu ce changement de direction ?  

J’essaie toujours de me surprendre en suivant mes inspirations du moment. J’avais enregistré un disque, juste après « Soleil Noir ». Ce mini album s’intitulait « L’histoire de William Buckner ». Il était très minimaliste… La suite logique de « Soleil Noir » devait être « Baby Banjo », un enregistrement très folk. Mais sur cet album, je touchais vraiment aux limites du style. D’une certaine façon, il s’agissait du disque de trop. Si bien que le jour du mixage, je suis arrivé en annonçant : « On ne mixe pas l’album ! Je vais faire autre chose ! ». A l’époque, l’envie de retravailler avec des synthétiseurs était très forte. J’ai donc commencé à enregistrer des morceaux qui me passaient par la tête en m’accompagnant de synthétiseurs. De fil en aiguille, le disque s’est profilé. Tout s’est passé très vite : pour me rendre au studio, je prenais le bus. Chaque jour, sur le trajet, j’écrivais les paroles des nouvelles chansons. 

Une partie de l’album a été enregistrée au Danemark. Comment tes chansons sont-elles arrivées en Scandinavie ?

Quelques morceaux ont été composés, voire retravaillés, là-bas. Mais je ne m’y suis pas rendu… En fait, le gros du travail s’est déroulé à Liège, à la Soundstation.

Sur l’album, tu es accompagné des ‘Love Drones’, un orchestre un peu particulier. Peux-tu nous en parler ?

En fait, les ‘Love Drones’, c’est l’équipe de Phantom sous un autre nom. En gros, il s’agit de tous les musiciens qui accompagnaient Jacques Duvall sur son dernier album : Sophie Galet, Pascal Scalp, Georges Hermans, etc. On retrouve aussi Jérôme Mardaga (NDR : alias Jeronimo). Marc Moulin est également venu prêter main forte. Mais je tiens à souligner que Marc n’est pas un membre permanent de Love Drones ! Pour le disque, je me suis aussi entouré de gens qui s’appellent les Massachusetts. Dans la vraie vie, ils ne font que des reprises des Bee Gees. Là, pour l’occasion, je les ai invités à venir faire des chœurs sur le disque ! 

Sur le morceau « 69 Love Songs », tu collabores une nouvelle fois avec Jacques Duvall. Depuis quelques années, vous semblez vous attirer mutuellement. Comment êtes-vous arrivés à travailler ensemble ?

Sur l’album « Baby Banjo », Jacques avait réalisé quelques reprises de grands standards de la musique traditionnelle américaine. Cette collaboration était géniale. Ensuite, on a embrayé sur l’aventure Phantom. Au départ, Jacques nous rejoignait uniquement pour enregistrer un disque. Mais l’ambiance aidant, il a pris goût à la scène. Aujourd’hui, je pense que nous formons une petite famille qui se personnalise sous les traits de Freaksville. Pour revenir à « 69 Love Songs », Jacques m’a aidé à écrire les paroles. C’est vraiment le roi de la rime : il est très fort ! A mes yeux, Jacques Duvall est un héritier de Gainsbourg. Et comme Serge Gainsbourg est assez présent dans les ambiances de « L’Homme Libellule », la collaboration de Jacques tombait sous le sens…  

Justement, parlons de Gainsbourg… Son spectre traverse de façon évidente ton nouvel album. Comment cette idée est-elle, née ?

A la base, j’avais envie de réaliser un disque pop, en français… Très vite, la volonté de parasiter mes chansons s’est imposée… Après avoir trituré les synthétiseurs pour composer les nouveaux morceaux, je me suis posé une question : quelle grammaire utiliser pour les textes ? Mon désir, c’était de donner naissance à un disque de genre. C’est pour cette raison que j’ai composé des chansons dans un moule clairement défini. Ensuite, il fallait faire évoluer cet album vers d’autres horizons, afin d’éviter qu’il ne sonne comme une sorte de sous-Gainsbourg.

Selon toi, quel est l’impact de Gainsbourg sur la musique pop, en général, et sur ta propre musique, en particulier ?

Si on parle aujourd’hui de génie en évoquant Gainsbourg, il faut garder à l’esprit qu’en son temps, il enregistrait bide sur bide… Jacques Duvall me disait encore récemment qu’à l’époque, il n’était pas facile de dénicher les premiers enregistrements de Gainsbourg chez les disquaires belges… Dans le fond, le génie de Gainsbourg, c’est d’être arrivé à sentir ce qui allait marcher à l’étranger pour, ensuite, le mettre à sa sauce. Partant de là, avec Freaksville, on se sent proche du processus créatif entamé par Gainsbourg. Nous aimons mélanger la chanson à l’indie rock américain, l’esprit lo-fi à la langue française. Par contre, je pense sérieusement que certaines personnes pourraient être déstabilisées par « L’Homme Libellule », en le concevant comme une vulgaire photocopie de l’œuvre de Gainsbourg. Pour comprendre cet album, il faut creuser et dépasser les clichés.

Qui est « L’Homme Libellule » ?

Je trouvais très amusant d’opposer ce titre à d’autres intitulés de ma discographie : « Soleil Noir », par exemple. On se trouve là du côté sombre et crépusculaire de la chose. Cette fois, le titre implique quelque chose de plus lumineux. C’est assez logique en somme : « L’Homme Libellule » tire sur quelque chose de plus léger…

Sur l’album, tu allonges une liste de références artistiques à la mode (The Arctic Monkeys, la Star Académy, Asia Argento, etc.). Cherches-tu à opposer ce côté nouveau, hype, à une musique délibérément rétro futuriste ? 

Peut-être inconsciemment. Mais ma musique s’inscrit dans mon époque… En ce sens, elle est terriblement présente. Après, on peut vraiment parler de ‘name droping’, une technique pop ancestrale…

En concert :

le 19 à la Soundstation

le 20 au Botanique

le 26 octobre à l’Abbaye de Stavelot

le 17 novembre au Rayon Vert à Jette

 

Ed Kuepper

Deux versions des mêmes chansons

Écrit par

Voici deux ans, lors d'une première rencontre, cet ex Saints s'était montré peu loquace, passant le plus clair de son temps à boycotter les questions qui lui étaient posées. De retour en Belgique pour une nouvelle tournée des petits clubs, mais en solo, Edmund était particulièrement surpris de nous revoir. Et peut-être également touché. Une insistance qui a sans doute enfin permis de lever une partie du voile qui recouvre l'histoire de ce chanteur, compositeur, interprète que guitariste aussi talentueux et prolifique...

Ton dernier album, "Character Assasination" est double, mais se limite sur le deuxième disque à une adaptation acoustique du premier. Une raison?

En fait, au départ, il ne devait y avoir qu'un seul disque enregistré en compagnie de mon groupe, mais comme je n'étais pas satisfait du résultat, je suis retourné en studio pour en réaliser une nouvelle mouture, avec pour seul accompagnement la guitare sèche. J'ai à la fois voulu revenir à une écriture plus basique et démontrer que j'étais capable d'aborder mes compositions sous des angles différents. Ce qui explique pourquoi j'ai réalisé ces deux exercices de style.

Pour chacune des versions, tu as choisi un titre différent: "Character assassination" et "Death of the howdy doody brigade" Une raison? Et que signifient ces deux titres plutôt curieux?

Les deux titres sont très liés, mais recèlent différentes significations. "Character assasination" exprime une face cachée et symbolique de mon caractère dans la musique. Je m'efforce constamment de détruire mon passé, mes expériences antérieures pour pouvoir me ressourcer entièrement. C'est un "leitmotiv". "Death to the howdy doody brigade" exprime sans doute le sentiment que j'ai éprouvé après avoir enregistré la première version du disque. A moins qu'il ne reflète le sort des Aints lorsque je les ai liquidés...

Sur ces disques, tu interprètes un classique de Johnny Cash, "Ring of fire", une chanson qui a déjà été reprise par un nombre incalculable d'artistes. Il existe même un spot publicitaire qui s'en est inspiré pour vanter les mérites de jeans. Que représente pour toi ce mythique folk singer?

Je n'ai pas repris cette chanson par admiration pour Johnny Cash, mais simplement parce que j'aime cette chanson depuis ma plus tendre enfance. Et puis, je souhaitais en réaliser une version très personnelle. C'est vrai qu'il en existe de multiples. La dernière que j'ai entendue appartient à Dick Dale. Elle m'a particulièrement amusé. Mais j'ignorais que ce titre avait servi de bande sonore pour une pub. Je n'ai jamais vu ce spot passer à la TV australienne.

As-tu le sentiment d'être sous-estimé? Ne penses-tu pas qu'une signature chez un major pourrait t'ouvrir les portes du succès?

Je pense recueillir un certain succès. Mais je ne désire pas supporter une quelconque pression sous prétexte d'acquérir une plus grande notoriété. Je n'ai pas à me plaindre de ma situation actuelle. Ce que je récolte me paraît justifié et pas davantage. Relever d'un label major soulève d'autres problèmes. Et pas nécessairement faciles à résoudre. Trop de monde pense que signer sur une major permet de vivre pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je ne partage pas ces idées préconçues. Pourtant, si la proposition était intéressante, je ne dis pas que je la refuserais. Mais, jusqu'à ce jour, aucune ne m'a semblé suffisamment solide pour être étudiée. Personnellement, j'estime essentiel de préserver mon intégrité artistique. Conserver le contrôle de ma création. Enregistrer des disques lorsque j'en éprouve le désir. Des conditions difficilement admissibles pour un label major.

Oui, mais justement, un label indépendant doit avoir les reins solides pour voir défiler une telle prolifération de disques. Est-ce que ce système est viable, surtout lorsque les ventes ne suivent pas?

Sur un label major, un artiste a droit à approximativement un album tout les deux ans. Or, j'estime que le rythme d'une sortie annuelle constitue le minimum pour rester dans le coup. La période qui sépare les enregistrements s'allonge exagérément à cause de la campagne de promotion, campagne dont il est indispensable d'amortir le coût, souvent beaucoup plus élevé que le prix de revient du disque lui même. Au cours des sixties, les artistes de rythm 'n blues, de blues, et de rock 'n roll gravaient un vinyle tout les deux mois. Ils se remettaient constamment en question, travaillaient sur leurs nouveaux projets à peine la matrice mise en boîte. Ils pensaient à se renouveler constamment. Evidemment, je concède que la sortie trop rapide d'un nouvel opus s'effectue au détriment du précédent, surtout lorsque le laps de temps qui les sépare est très réduit. Mais dans ma perspective artistique, dès que mes chansons sont terminées, reproduites sur bandes et suffisamment solides à mon goût, je n'attends qu'une seule chose: la graver sur un album.

Considères-tu ta musique comme une religion?

Ma musique n'est pas une religion, mais elle polarise une grande partie de mon existence. Et même davantage. Je suis totalement hanté par la musique. Et en même temps, il existe une déchirure entre cette obsession et la partie de ma vie qui me comble. Cette déchirure peut également expliquer le titre de mon album. Mais lorsque tu es totalement obsédé par la musique, tu cherches à te protéger, à t'isoler du monde, à te couper des autres. J'en suis conscient, mais j'essaie de me remettre en question, de prendre du recul par rapport à cette passion. J'y ai tellement consacré de temps qu'elle y a pris une place très importante dans ma vie.

Est-ce la raison pour laquelle on te qualifie de taciturne?

Ah bon? Je n'avais jamais entendu cette réflexion à mon sujet.

L'inspiration te vient en tournée ou à la maison?

Rarement en tournée. Nonante pour cent de mes chansons sont écrites chez moi. J'ai besoin d'une concentration optimale pour les concevoir. Mais les voyages peuvent être également une source d'inspiration.

Pourquoi tes lyrics sont-ils obliques? Y réserves-tu une place pour ton sens de l'humour?

La perspective de mon écriture est très personnelle. Je rédige essentiellement à la troisième personne. Ce qui explique sans doute pourquoi mes textes sont obliques. Mon sens de l'humour. Il s'exerce à travers les mots à double sens...

Es-tu un guitariste pyrotechnique?

Non, pas du tout. Disons qu'en compagnie des Aints, je suis parvenu à libérer une certaine intensité électrique. Mais cette technique est plutôt réservée aux groupes de metal yankee. Je préfère la guitare acoustique. Elle offre davantage de versatilité. J'écris d'ailleurs la plupart de mes compositions à l'aide de la guitare sèche. Même si sur scène, j'aime en amplifier le son (rires)...

N'est-ce pas un handicap de toujours changer de musiciens?

Mon but est d'atteindre un résultat chaque fois différent. Que ce soit en studio ou live. Au cours des quatre à cinq dernières années, je n'ai jamais tourné deux fois avec la même formation. C'est vrai que parfois certains musiciens sont interchangeables. Ou que d'autre me côtoient plus régulièrement comme la flûtiste ou le drummer Mark Dawson. Mais je n'ai aucune exclusive dans ce domaine...

 

(Version originale de l'interview parue dans le n° 37 - octobre 95 - de Mofo)

 

Pascal Comelade

La Star Academy, c'est une tragédie…

Écrit par

Rendez-vous était donc pris ce jeudi 4 octobre au bar ‘La Quarantaine’, à quelques encablures de la place Flagey. En fait de bar, ‘La Quarantaine est plutôt une librairie achalandée en livres, Cds et Dvds plutôt underground. On me demande si partager l’interview avec une autre journaliste ne me dérange pas trop. Je réponds par la négative, mais suis un peu déçu quand même. Pour faciliter la rencontre, un Dvd relatant une interview vidéo très intéressante (NDR : il retrace le parcours de Comelade) a été transmis aux journalistes en même temps que le CD promo de « Mètode de Rocanrol ». La première question concerne donc cette vidéo.

S’agit-il un moyen d’éviter les promotions ?

Il s’agit d’un produit promotionnel… je me souviens du tournage…

Il existe une dimension humoristique dans ta musique. Eprouves-tu une aversion pour la musique triste ?

C’est une question de caractère. C’est aussi la question de savoir où on place son nombril. J’ai eu le temps de relativiser en 30 ans de carrière. Je sais exactement ce que je fais et où je vais. Je ne suis pas dans la situation d'un type en train de construire une carrière. J’ai 52 ans. Je vis de ma musique et mon besoin de représentation est très léger. C'est une musique instrumentale, totalement anonyme, qui doit se suffire à elle-même. Je suis beaucoup plus proche du musicien de jazz, de musique traditionnelle ou de musique classique. Je n'ai pas de posture pseudo-intellectuelle. Je garde mes idées sur la cuisine et la politique. Je suis capable de parler du processus d’écriture de ma musique, de son histoire, des gens que je côtoie. Les événements sont d'une simplicité infantile. Je les aborde d'une façon très humaine. Je jouis d’une certaine réputation, même si elle est très réduite. J'estime vivre dans un luxe. Tu te rends compte, pour éditer ce disque, je n'ai pas dû rechercher une maison de disques. Je n'ai jamais concocté de maquettes de ma vie. A cause de mon passé, et parce que j'ai marné pendant vingt ans.

Est-il plus facile, pour un artiste, de se faire connaitre aujourd'hui?

Il y a beaucoup plus de poudre aux yeux aujourd'hui. Regarde les castings : il y a 25 000 gamins qui se battent pour être la star d'après-demain. La Star Academy, c'est une tragédie… Donc il n’est pas très rigolo pour un jeune d’y arriver aujourd'hui. Paradoxalement, il y a une chape de plomb culturelle. Tout se ressemble. Comment comprendre qu’on soit retombé aussi bas. On demande du clone. Prends pour exemple, la chanson française. A partir du moment où un mec fonctionne, 50 répliques sont balancées sur la marché. Ils ont dépassé la politique du clonage à la japonaise. Ca va très loin… C'est la nouvelle politique des maisons de disques. Compare un peu les directeurs artistiques d’aujourd'hui et ceux de Tamla Motown ou d’Island… Alors peut-être, si c'est hors norme et hors sujet, ça peut fonctionner.

Où le rock intervient-il dans ta musique?

Le rock c'est la façon de jouer, de présenter sur scène. Ce que je fais est éloigné du rock, mais toute ma vie je n'ai écouté que ce type de musique. C'est une culture qui continue à me passionner, comme la BD. Je suis resté sur des trucs du siècle dernier…

Mais ton batteur est un ancien membre d'OTH?

Oui, mais il a conservé une manière spontanée de jouer sur scène. C'est la façon de s’y produire, d'enregistrer. Je me sens proche de gens comme Jonathan Richman (Modern Lovers).

Qui ça?

Jonathan Richman.

Dans ‘Rock & Folk’, Nicolas Ungemuth a chroniqué « Monofonicorama ». Il t’y qualifie de Tom Waits muet et méditerranéen, de négatif total de Yann Tiersen. C’est plutôt sympa ?

(Rires) Ce n'est pas de la critique. C'est que du positif là…

En même temps, il est très méchant pour les autres. Il casse "Young Marble Giants" que tu cites dans tes références…

Il ne peut pas aimer ce type de musique. Je vois le gars. Il chronique surtout des rééditions de rock et rythm'n blues. Quand ce disque est sorti au début des années 80, je vivais à Montpellier et étais très lié au milieu punk. Tu ne serais pas parvenu à faire écouter 10 secondes de YMG à ces mecs là. C'était des hippies pour eux. Par rapport à Tom Waits, il a tout à fait raison. Mais il m'arrive de réaliser des choses plus décaféinées.

A propos de décaféiné, tu as composé la musique du film "Espace Détente" (long métrage basé sur la série "Caméra Café")

Alors là je dis aïe aïe aïe, et en trois temps. Tout d'abord, il faut savoir qu'en matière de musique de films, la production prend l'édition et sort la B.O. du disque. C'est un coup de poker car si le film marche, 8% du public achètera les produits dérivés, dont la B.O. Il faut que cette BO soit dans les bacs avant la sortie du film. Ce sont généralement des films qui ont fait 4 jours en salle. Pour moi, c'était du pur alimentaire, une œuvre de commande. Mais c'est un disque chroniqué nulle part, qui est passé au pilon direct…

Chez moi, j’ai un concert enregistré à Barcelone et à Lisbonne d’un musicien danois qui s'adresse au public en danois… le rock européen, ça existe réellement?

On était le plus interlope des orchestres, on avait là un groupe réellement européen. Tu connais la fameuse phrase de John Lennon: "Le rock français… et le vin anglais".

Le catalan est ta langue maternelle?

Oui, et Barcelone est une ville que je préfère vivre, de loin à Paris, où je me suis jamais vu. Ce n'est pas une ville pour piétons. A Barcelone, on se perd, les cafés sont mieux que les brasseries parisiennes. J'aime bien Bruxelles pour cette raison également.

Pourquoi toutes ces sonorités différentes?

Ce que tu entends sur mes disques, c'est la bibliothèque imaginaire d'un type qui ne voyage pas (NDR: Pascal n'aime pas voyager, surtout en avion). Il y a des instruments que je n'arrive pas à nommer. Il faudra peut-être utiliser un Dvd pour tous les montrer. Mon travail, c'est de produire le plus d'informations sonores.

Connais-tu l'œuvre d'un certain Paul Dodu. Elle est publiée sur internet, et on t’y compare à Georges Jouvin?

(rires) Il a raison! L'histoire de la musique instrumentale en Europe, c'est la musique post-guerre, la muzak, les grands orchestres de violons (dont Georges Jouvin fait partie), Pop-Corn. Georges Jouvin a enregistré plus de 200 albums. Il y a toujours cette femme de couleur noire sur la pochette, dans toutes les situations possibles : aux sports d'hiver, à la mer, devant son frigo (rires) En fait le dernier groupe instrumental en date c'est Pop Corn, si on évacue la techno et l'électro. Et aussi Bimbo Jet (?)

L'interview s’achève. Le temps d'installer son grand ‘toy piano’ et d'offrir ce fameux ‘showcase’, trop court à mon goût, mais qui permet de se rendre compte du talent de ce mec. On attend fermement un vrai concert…

Le Peuple de l’Herbe

Collectionneurs de sons

Écrit par

L’Audi Jazz Festival a commencé ce 22 septembre 2007 et s’achèvera le 10 décembre, au Botanique de Bruxelles. Une opportunité pour interviewer le Peuple de l’Herbe. Les Lyonnais se produisent volontiers sur la scène belge et jouissent d’une réputation d’interlocuteurs affables. Pour mieux les connaître et en savoir plus sur leur dernier album, rien de tel de les rencontrer. En me dirigeant vers les loges, Asian Z répète sur scène. Leur ‘sound check’ m’intrigue et surtout aiguise ma curiosité. Quelques volées d’escaliers et de portes entrouvertes plus loin, N’Zeng et Spagg sont d’attaque pour répondre à mes questions. Le dictaphone est enclenché, la bière est servie et trinquée, rouleeeeez jeunesse…

Vous semblez apprécier Bruxelles. J’ai assisté, auparavant, à deux de vos sets dans une autre salle de la capitale. Que pensez-vous du Bota ?

N’Zeng : On connaît bien l’Orangerie. On y a déjà joué. Le lieu est super beau. En plus si tu tiens compte de l’esprit du festival et de l’excellent choix de la programmation, c’est vraiment sympa. C’est convivial surtout ; tu te sens proche du public.

Justement la proximité, ça m’a l’air d’être un besoin chez vous. Vous ne faites pas rock star en tout cas.

Spagg : (rires) on essaye du moins… ça va peut-être venir (re-rires)

N’Zeng : la proximité c’est vraiment ce qu’on aime. On se produit également dans d’énormes salles, des festivals. Mais le public est loin. Tu sens moins leur retour ou l’ambiance réelle. On se produit dans ce genre d’événement avec modération. On préfère plus petit, on y recherche l’écho de notre énergie.

Spagg : Nous apprécions nous sentir proches des gens, c’est toujours plus intéressant

Le line up de ce soir est presque identique à la formation d’il y a 10 ans. Un seul un membre n’y est plus. Une explication ?

N’zeng : DJ Stany est parti. Il a été remplacé par Spagg. Il y a plus ou moins 2 ans. Au début il y avait DJ Pee, DJ Stany et moi. Ensuite ça a été plutôt du ‘rajout’. Entre autres lors de l’arrivée de JC (JC 001) qui est apparu sur le deuxième album et a participé à la tournée. Il n’est plus reparti depuis. Sir Jean (ancien chanteur de Mei Tei Sho) a participé au morceau « PH Thème » sur « Triple Zero » (leur premier album). « PH Thème » a super bien représenté et super bien fait démarrer le groupe. Sir Jean est revenu poser sa voix sur le dernier album, et nous suit pour la tournée. C’est sympa, la boucle est bouclée comme ça.

Que représentent tous ces rajouts en termes d’efficacité ? Avez-vous besoin de vous multiplier ?

Spagg : Pour ma part je suis à la technique depuis 2002. Je n’étais pas sur les planches, mais je travaillais déjà à la conception générale.

N’Zeng : L’efficacité de ces rajouts c’est surtout le développement musical. Plus on avance plus on tend vers quelque chose d’organique, nous avions déjà amorcé ce concept sur l’album précédent, mais nous n’avions pas trop creusé. Justement Spagg est arrivé dans le groupe avec sa manière d’utiliser les machines et est parvenu à bien faire progresser l’ensemble. Après la précédente tournée on a opéré des recherches sur base de remix. Nous avons réussi à bien faire évoluer le travail, même si le principe de base est toujours le même. Nous travaillons tous les quatre. Chacun participe à l’évolution sur sa machine. Une méthode qui nous a permis de garder un équilibre sur les quatre albums. On ne souhaite pas qu’il n’y ait qu’une seule personne qui écrit dans le groupe. Ce qui pourrait mettre d’autres un peu ‘sur la touche’ quant à leur développement artistique. Tout le monde doit et veut être impliqué, on espère que ça continuera.

Spagg : Sinon au niveau de l’équipe, ce que les gens voient en concert, c’est le travail de 12 personnes, tant à la technique que sur scène. On communique très bien, on fait constamment évoluer les choses. Notre petite bande est bien soudée, en fait.

12 personnes et 4 albums en 10 ans, vous y allez calmement. N’avez-vous pas envie d’en faire davantage ? Un album live par exemple ?

N’Zeng : Il y a un live qui est sorti sous la forme d’un mini elpee. Il est paru juste avant « Cube » (NDR : leur troisième opus). Il est sorti un peu en marge. Distribué à 10 000 exemplaires, il recèle beaucoup de remixes en version live.

Votre boulot prend une autre dimension sur scène et vous semblez apprécier l’exercice. N’avez-vous pas envie de creuser davantage dans ce créneau ?

N’Zeng : Absolument. Nous avions ce projet sur la tournée précédente, mais quand Stany a quitté l’aventure, on a abandonné l’idée. On devait laisser le temps au groupe de reprendre son équilibre et ses marques. Maintenant ça tourne bien. Nous avons décidé de récupérer tous les live depuis le début de cette tournée, pour voir ce qui en sort. Mais nous avons déjà connu quelques problèmes techniques…

Spagg : Arf !!

N’Zeng : …Spagg a quitté le noyau technique, mais nous n’avons pas engagé quelqu’un d’autre pour le remplacer. En outre, l’ingénieur su son a énormément de boulot pour tout gérer à la fois. On garde l’espoir d’y arriver. Nous avons le projet d’éditer un Dvd, mais ce travail est complètement différent.

Pourquoi ? Eprouvez-vous des difficultés pour maîtriser l’image que vous souhaitez apporter à votre musique ?

N’Zeng : Ce n’est pas simple en effet. Personnellement si je me tape un dvd d’une heure trente de concert, il a intérêt à être excellent et distrayant sinon je me lasse vite.

Spagg : A mon humble avis, il n’existe aucun format capable de relater fidèlement une ambiance concert. Faut y être c’est tout ! Ce que tu ressens sur la scène et dans le public ne se fait qu’au moment présent.

N’Zeng : La priorité des 43 dates de concerts sera l’enregistrement audio. Après, si on trouve quelque chose de sympa à mettre sur un Dvd, on y réfléchira à nouveau. Vu le stock d’archives accumulées lors des précédentes tournées, on pense proposer un panel de l’évolution de nos expéditions live, en mélangeant les années.

Au fur et à mesure des albums, vous ne souhaitez pas vous détachez de l’image de consommateur de pétards. Vous l’assumez d’ailleurs depuis le début… mais vous exprimez aussi, de plus en plus un côté réfléchi. Fumeurs oui, mais pas mou du cerveau ? C’est ça ?

N’Zeng : Ben on l’a bien cherché hein ! Depuis le début on provoque cette image via le nom du groupe, du label. A la base, cette démarche était purement ludique ; maintenant les choses évoluent, on ne se prend toujours pas au sérieux mais on mute constamment.

Spagg : Il est clair que ça date déjà d’une époque ou la légalisation allait dans tous les sens. Tout ça bougeait un peu partout autour en France. La gauche était au pouvoir, on s’est dit ‘on va pousser un peu’… A présent tout a bien changé. Cette époque est révolue.

N’Zeng : Tu sais, nous ne sommes pas toujours pris au sérieux. On nous considère plus  souvent comme des amuseurs, malgré le parcours que nous avons déjà accompli. De plus, musicalement on nous catalogue plus vers le dub ou le reggae, même si on respecte complètement ce courant. C’est un peu réducteur pour nous… La conso’ c’est depuis la naissance du groupe notre marque de fabrique ; mais elle ne nous empêche absolument pas d’évoluer

En parlant d’évolution, la dernière qui n’a pas dû vous plaire, c’est l’arrivée de Sarko au pouvoir. Ca vous fout pas la trouille d’être français avec vos idées ?

N’Zeng : Ben si, ce n’est pas vraiment génial ce qu’il s’y passe !

Spagg : Nous voulons essayer de lutter de l’intérieur, on va pas se casser non plus. De toute façon pour aller où ?

Ben, chez nous en Belgique par exemple, ça reste relativement cool par ici.

Spagg : (rires) Ouais, c’est vrai ! C’est sympa la Belgique mais ce serait pas notre genre d’abandonner le navire, ce serait vraiment trop simple.

N’Zeng : Justement le ton de « Radio Blood Money », c’est une constatation. On y a intégré des références à nos idées. Les gens creuseront s’ils en éprouvent l’envie. On ne cherche pas à s’impliquer en politique, mais elle est omniprésente malgré nous. Quand tu vois ce qu’il y avait dans le passé, les luttes pour les acquis sociaux par exemple ou les droits de l’homme. Quand tu vois aussi que l’Europe a vécu des périodes sombres et que les gens font mine d’avoir oublié en votant comme ils l’ont fait ! Moi ça me fait super flipper. On tape sur l’immigration, les problèmes de réinsertion, tout est prétexte à discréditer la conscience de l’histoire. Le pire c’est que ce phénomène s’étend sur tout le Vieux Continent. Tu as vu en Suisse ? Le mouton blanc qui fout un coup de pied au mouton noir ? Ben y sont élus ces gens, c’est affreux !! Les médias français ont, eu aussi, beaucoup changé. Pour exemple, Pias notre label, avait proposé de diffuser une de nos chansons sur une radio française (NDR : que nous ne citerons pas). On leur a répondu, ‘Si Mr Sarkozy arrive au pouvoir, il n’est pas question de diffuser quoique ce soit du Peuple de l’Herbe’. Quand tu reçois une réponse semblable, tu as le droit d’être inquiet. Sans parler de la multiplication des tests ADN et du ‘fichage’ que l’on en fait. Le pire c’est qu’on essaye de te faire croire que cette situation n’est pas grave et que tu es juste un peu paranoïaque. 

Revenons à un sujet plus musical. Et en particulier vos influences. D’abord, j’imagine que vous devez y comptez un large panel d’artistes. Quels noms vous viennent d’abord à l’esprit ?

Spagg : Notre particularité est d’apprécier chacun des trucs différents et d’apporter ces influences au groupe. Nous ne sommes pas comme pas mal d’artistes, dont tous les membres  écoutent le même truc ou sont d’accord sur les mêmes choses. Pour ma part j’écoute pas mal de métal, du lourd, du hiphop aussi. Le hiphop, étrangement, rassemble tous les membres du Peuple de l’Herbe. Beastie Boys, Public Enemy entre autres. Ce ne sont pas les seuls, il y en a plein d’autres. (NDR : Spagg portera ce soir là d’ailleurs un t-shirt noir placardé d’une énorme effigie de Public Enemy)

N’Zeng : La plupart des membres, sont des collectionneurs de vinyles depuis de nombreuses années. Pour certains, le stockage devient même problématique. Quand on débarque en Belgique, on visite souvent les disquaires. Nos recherches vont du vieux ska à tout ce qui touche la Jamaïque des années soixante et soixante-dix. Ca peut aussi tourner au funk, mais pas le ‘funk fluo’ années quatre-vingt, plutôt 60-70 avec Parliament, Funkadelic, la bande à Clinton. Le jazz a aussi une place importante. On ne nie pas non plus, une influence punk. Celle des Clash, par exemple. Strummer et sa bande ont sans cesse progressé pour faire évoluer leur propre son, et ce sans concession. Que ça plaise ou non, ils faisaient exactement ce qu’ils voulaient. Ca aussi on aime bien. L’esprit du Rock n’ Roll, transmettre du son et de l’énergie. Psychostick, le batteur, vient du milieu rock et punk, il a joué entre autre du rockab’. Toute cette énergie de la batterie est super importante pour nous.

Spagg : Mais le truc ou tout le monde kiffe dans le groupe, ce sont les bandes-son.

N’Zeng : Ah ouais, les bandes-son ! Nous sommes tous d’accord. Quand tu vois qu’il y a des gens comme Morricone qui n’ont plus rien à prouver, et dont tu retrouves sans cesse des enregistrements inédits ou des morceaux sortis de nulle part issus de films inconnus, c’est énorme. C’est super riche comme univers les bandes sonores de films. Elles nous servent énormément.

Spagg : Et même plus !!

Vous accordez de plus en plus de place aux ‘vrais’ instruments. Votre association machine – instrument prendrait-elle une tournure moins électronique ?

Spagg : On pousse l’un pour extraire l’autre, les machines sont sans cesse testées.

N’Zeng : Nous avons fait apparaître pas mal d’instruments en effet. La basse n’a pas sa place sur des morceaux plus electro, mais elle adoucit beaucoup de choses sur d’autres et on n’hésite plus à l’utiliser. La section de cuivres que nous avons utilisée comptait cinq instruments. Et un percussionniste est venu enregistrer sur deux morceaux. Ce qui représente beaucoup de travail sur du ‘vrai son’

Sur vos albums, vous blindez toujours vos morceaux d’intros, de dialogue de films, de bruitages. Comment les choisissez-vous et où les dénichez-vous ?

Spagg : Il n’y a pas de règle, ça peut venir de partout

N’Zeng : Films, documentaires, émissions télés. Une voix sortie de son contexte prend une autre dimension. Et cette recherche nous plaît assez. A une époque nous courrions les vinyles gravés dans les années 40-50-60. Ayant un but informatif ou éducatif, voire même médical. Un jour nous sommes tombés sur un stock incroyable de propagande communiste de cette époque. C’était des chants de ‘manifs’ entrecoupés d’interventions. On s’en est d’ailleurs servi pour la biennale de la dance à Lyon, l’année passée. On chipote toujours avec tous ces trucs là.

Spagg : Nous regardons pas mal de films qui influencent la création des albums. On utilise les VF en les posant dessus.

N’Zeng : Mais si on les cite on va se faire taper sur les doigts (rires)

Vous avez tellement de sons en stock, que vous pouvez même en refourguer à High Tone, entre autres sur leur dernier album. Vous leur en avez filé lors de la tournée de 2005 ?

N’Zeng : Ouais on s’entend super bien, nous nous serrons les coudes. Les ingés s’échangent du matos, on se soutient les uns les autres. Chacun a aidé l’autre à monter son studio, il n’y a pas de concurrence.

Spagg : C’est comme pour Asian Z qui assure notre première partie ce soir, nous signons tous chez Jarring (NDR : Jarring Effect, leur label). Eux aussi sont issus de Lyon. Nous les croisons souvent là bas. Tu connais Asian Z ? Tu vas voir c’est particulier. Avec eux et  High Tone, nous sommes de vrais potes. Nos liens se sont resserrés davantage en 2005 avec les gars d’High sur la tournée européenne du Lyon Calling Tour (23 dates dans toute l’Europe en un mois réunissant Le Peuple de l’Herbe, High Tone et Mei Tei Sho ). Une trentaine de personnes sur la route, c’était bien ! C’est clair que ça favorise l’échange.

Expérience à refaire ?

Spagg : Ah ouais direct !!

N’Zeng : Très chouette, mais dur. Il y a quand même des endroits où, quand tu arrives, genre Mostark ou Sarajevo, tu te sens privilégié. L’Europe de l’Est c’est souvent triste. Tu as l’impression que la guerre s’est achevée un an plus tôt. Tout est à reconstruire. Ils manquent de tout. C’est hyper dur pour eux. Parfois nous arrivions et il n’y avait même pas de courant. Nous étions obligés de nous approprier l’endroit vierge et de complètement le transformer pour faire tourner les machines. C’était intéressant de voir la relation entre l’endroit et notre technologie, mais déroutant aussi. Tout ça à coté de chez nous. Nous avons vécu des aberrations administratives aussi. Jean de Mei Tei Sho s’est vu refuser l’entrée d’un pays de l’Est parce que Sénégalais, il ne pouvait présenter de document médical sur lequel était stipulé qu’il n’avait pas le Sida. Cette épisode à inspiré le morceau « Judge Not » qui figure sur « Radio Blood Money ».

Spagg : Pauvre Jean, à chaque frontière il y avait un nouveau problème. Nous, nous passions sans stress en montrant nos passeports européens. C’est fou !

Vous vivez les problèmes que vous soulevez, juste parce que vous travaillez avec d’autres nationalités ? Ca motive vos compostions du coup, ce n’est pas innocent.

N’Zeng : En effet on peut dire qu’on le vit de l’intérieur. D’origine galloise et hindoue, JC (JC001) vient d’Angleterre ; et son point de vue sur la situation était déjà bien rôdé vu ce qu’il avait vécu là bas. Il a vécu l’apparition des caméras en rue et la surveillance à outrance des quartiers défavorisés. Il pose une réflexion cynique mais pertinente sur les caméras de rue justement. Il dit que ‘c’est beau d’avoir vu les mecs poser les bombes à Londres ; mais elles ont quand même explosé. C’est bien la preuve que ces caméras ne servent à rien !’

Comment voyez-vous le futur du Peuple de l’Herbe

Spagg : On t’avoue que pour le moment, nous vivons au présent. Nous ne sommes pas dans la phase de projection. Nous profitons de l’album qui vient de sortir et de la tournée qui en découle.

N’Zeng : C’est vrai. Au début, vu que nous avions super bossé sur l’album avant de l’enregistrer, on le maîtrisait en se contentant de le reproduire tel qu’on l’avait enregistré. Mais au fur et à mesure nous apercevons des pistes. On y réfléchira certainement après la tournée.

Spagg : Surtout que nous avons beaucoup de dates en préparation. Si tu y ajoutes les festivals de l’été prochain, ça nous laisse le temps d’observer. En plus nous sommes contents de ce qu’on vit. Tous ces live sont la récompense de notre travail.

N’Zeng : Nous sommes dans la phase de digestion.

Ok, merci beaucoup les gars, c’était très sympa

Spagg : Ben, merci à toi

N’Zeng : Ouais merci, on espère que tu passeras une bonne soirée

Ravi d’avoir partagé ces quelques minutes en leur compagnie, je prends congé de mes hôtes. Les poignées de mains sont franches. N’Zeng me promet de prendre la pose sur scène et de sourire à mon appareil photo lors de leur prestation du soir. Quelques réflexions personnelles partagées sur l’incompréhension du problème belge, et je quitte définitivement la loge pour m’en retourner vers la scène, où les Asian Z sont toujours en train de faire les pitres… Spagg les rejoint pour leur filer un coup de main. N’Zeng m’avoue qu’il va se reposer un peu avant d’affronter le public. Je sors rejoindre des amis. Cette soirée s’annonce sous les meilleurs auspices.

 

Rollerskate Skinny

Rollerskate Skinny et son ange gardien.

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Auteur d'un premier album mystérieux, élaboré mais très mélodique, ce groupe dublinois pourrait devenir très important. C'est en tous cas l'impression que partage l'ensemble de la presse britannique. Elle n'hésite d’ailleurs pas à comparer le quintette à Mercury Rev voire à Sonic Youth. Et comme si la richesse musicale ne suffisait pas, ce disque recèle des textes visionnaires, thématiques sur le monde contemporain. La rencontre des deux guitaristes, Jimi et Ger, puis du chanteur/lyriciste Ken, a enfin permis de lever un morceau de voile de l'énigme Rollerskate Skinny...

Pourquoi choisir pour nom de groupe le titre d'un roman qui a inspiré l'assassinat de John Lennon?

Jimi : Une pure coïncidence. Nous avons même été surpris de le lire dans je ne sais plus quel magazine. Il n'a jamais été dans notre intention d'établir la moindre corrélation avec cette affaire.

Ce n'est donc pas un sujet à approfondir? Pas plus, je suppose que celui des Beatles?

Ger : C'est une évidence!

Vous vous identifiez sans doute à des groupes plus contemporains comme Mercury Rev ou Sonic Youth?

J. : Nous serions de mauvaise foi en refusant d'admettre l'influence que Sonic Youth a exercée sur le groupe. Mais pas son aspect métallique. Plutôt l'exploration simultanée de différentes perspectives mélodiques.

Un peu à la manière de Wire?

G. : Je n'ai jamais prêté attention à ce genre de groupe.

J. : Ce n'est pas davantage ma tasse de thé. Leur musique était un peu trop capricieuse à mon goût!

G. : Chacune de nos compositions abrite différentes influences. Pour Mercury Rev et Sonic Youth, elles ne sont cependant que superficielles. Evidemment, il est plus facile de se référer à ces deux ensembles, puisqu'ils ont acquis une certaine notoriété.

Quel album de votre collection personnelle ne céderiez-vous sous aucun prétexte?

G. : "Closer" de Joy Division et "The Movie" de Jimi Hendrix (NDR: Est-ce un bootleg?)

J. : Pas un seul. J'y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Je ne vois donc aucune raison de m'en séparer!

Vous semblez manifester un goût plutôt prononcé pour l'extrême. Est-ce typiquement dans le caractère irlandais.

J. : Ce n'est pas spécifiquement irlandais, mais le reflet de nos personnalités.

G : Des sentiments universels que tout être humain est susceptible d'éprouver.

J. : Chaque pays vit ses extrêmes. En Belgique, vous vivez les vôtres à travers les disparités entre Flamands et Wallons. En Irlande, ils sont d'une toute autre nature. Pour Rollerskate Skinny, ils s'inscrivent exclusivement dans un espace multidimensionnel, au sein duquel nous avons voulu reculer les limites.

Vous avez assisté à la projection du film "In the name of the father"?

G. : Non!

J. : Oui. L'intrigue est excellente. Un film très intense inspiré d'un fait réel. Mais je suis un peu déçu que la vérité soit quelque peu tronquée. L'accumulation de détails artificiels et la concentration des événements dans le temps n'étaient pas indispensables. La véritable histoire était suffisamment dramatique. Il ne fallait pas en rajouter. Ce qui explique pourquoi il est nécessaire de prendre un certain recul. Sans quoi, c'est un grand film... J'ai, en outre, tenté une expérience originale pour le visionner. D'abord, en Irlande. Puis en Angleterre. Et les réactions suscitées sont diamétralement opposées. Etonnant!

Bono et Sinea O'Connor ont collaboré à l'enregistrement de la bande sonore de ce film. Est-ce que leur participation a une valeur symbolique à vos yeux?

J. : J'apprécie énormément Sinead O'Connor. Je ne partage cependant pas tous ses faits et gestes. Mais elle dit ce qu'elle pense en toute liberté, spontanément et avec énormément de passion. Et puis elle a de si beaux yeux... une très jolie fille (rires)... Tout ce qu'on a pu médire sur son compte a été monté de toutes pièces. C'est comme l'intérêt excessif porté à U2. C'est de la manipulation médiatique!

G. : Le jour où elle a déchiré la photo du pape, il a dû se passer quelque chose de saugrenu dans sa tête. De saugrenu, mais également de sensé. Il faut replacer cet événement dans son contexte. L'Irlande du Nord vit en quelque sorte une guerre de religion. Et dans l'esprit de Sinead, le pape en porte une certaine responsabilité. Il était ainsi plus facile de la faire passer pour hérétique.

C'est un peu comme dans votre chanson "Bring on to stigmata" où vous semblez très amers vis à vis de la religion?

G. : Elle ne vise pas seulement la religion. Mais tous les problèmes qui existent dans le monde en général. Elle reflète en quelque sorte notre état d'esprit à l'égard de ces événements; et puis d'une manière plus personnelle traite de nos expériences vécues. Comme celles que nous avons traversées à Londres.

Pouquoi, vous n'y vivez plus?

J. : Si, mais nous allons retourner à Dublin.

Quand?

G. : Dans une bonne semaine!

Vous vous y étiez fixés depuis deux ans, il me semble?

J. : C'est exact. Mais la vie à Londres est pénible. Cette ville est trop grande, impersonnelle, morne, robotisée. Nous n'y avions pas d'amis. Nous ne parvenions plus à nous situer. Nous avions peur, en quelque sorte, de perdre nos racines. Nous avons donc voulu revenir aux sources de notre inspiration. A Dublin. Un retour qui correspond pour nous à une renaissance.

G. : Londres peut être intéressant pour ses extrêmes. Mais son gigantisme est déprimant. Ce sera de toutes manières une bonne expérience d'y avoir transité.

J. : Nous regretterons sans doute les petits clubs. Parce qu'ils jouissent, au niveau musical, d'une excellente réputation. Et puis, parce qu'ils dégagent une atmosphère propice à l'épanouissement des groupes de rock...

La chanson "Violence to violence", est-ce un constat d'échec ou un cri de désespoir?

J. : Plutôt un cri de désespoir. Mais cette composition ne devait pas s'intituler "Violence to violence". Nous l'avions écrite pendant la guerre du golfe, mais avons décidé de changer le titre à la dernière minute, car il était devenu trop indulgent vis à vis de l'épisode dramatique qui venait de se dérouler.

Que signifie "Shoulder voices"?

J. : La conscience. L'ange gardien qui se tient constamment derrière toi pour guider tes actes.

Jimi, tu vois encore régulièrement Kevin?

J. : Kevin?

Ton frère!

J. : (NDR: apparemment embarrassé) De toute évidence, ce n'est plus un secret pour personne. Oui. Pour l'instant, il est en studio avec My Bloody Valentine pour enregistrer son nouvel album.

La citation qui figure à l'intérieur de la pochette, est-ce une diatribe contre les marchands de canons?

Ken : C'est de l'ironie pure. Comme dans la chanson "Slave" par exemple. Elle s'intéresse à l'esclavage des principes que tu ne comprends pas et auxquels tu dois te soumettre. Et lorsque tu imagines être capable d'influer sur ce système, tu te berces royalement d'illusions... En fait, j'écris au sujet des problèmes humains et des situations qu'ils entraînent...

Est-ce que les rêves et les cauchemars constituent la moelle de ta prose?

K. : Oui, c'est exact! A Londres, j'ai passé de longs moments à dormir (rires). J'étais complètement fauché. Et sans argent à Londres, tu ne vas pas très loin. J'ai toujours trouvé étrange le moment où l'inconscient commence à s'embrouiller avec le conscient. Mes rêves, par exemple, sont souvent effrayants, paranoïaques. Et ils finissent même parfois par se fondre avec la réalité. Parfois, je tombe amoureux dans un songe. Mais lorsque je me réveille, je me rends compte m'être seulement épris de mon corps (rires)...

Est-ce la raison pour laquelle, dans tes textes, tu déformes constamment la réalité?

K. : Je ne la déforme pas. Elle est simplement le reflet de mon état d'esprit à un moment très précis. L'être humain tient comme indiscutable l'existence d'une seule réalité. C'est une erreur. Ce n'est pas une constante. La réalité est multiforme. Suivant la perspective adoptée, tu la conçois autrement. J'ai besoin de ces environnements différents pour créer. Mais je n'aime pas que l'on me colle l'étiquette d'artiste, parce que j'ai trop de respect pour l'esprit des gens...

 

Version originale de l’interview parue dans le n° 23 du magazine Mofo de mai 94.

And Also The Trees

Nous avons très longtemps été victimes de préjugés

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Fondé en 1978, au beau milieu de l’explosion punk, And Also The Trees est aujourd’hui considéré comme une formation culte. Un statut que le groupe s’est forgé en s’imposant une ligne de conduite, sans jamais se soucier du temps et des modes. Non seulement ses desseins romantiques, ténébreux, ruraux, gothiques, visionnaires, artistiques et typiquement insulaires font aujourd’hui des émules ; mais on se rend enfin compte qu’ils ont influencé une foule de groupes. Noisy pop, d'abord. Mais d'autres aussi. Du passé et du présent. Les deux leaders sont frères : Simon et Justin Huw Jones. Le premier est chanteur/lyriciste (poète aussi) et le second guitariste. Ce sont les seuls rescapés du line up originel. En 28 ans, la formation a enregistré dix albums, dont le dernier « (Listen for) the rag and bone man », vient de paraître. A l’issue de leur set remarquable, accordé à la Rotonde du Botanique, les deux frangins nous ont accordé un entretien…

Même si la formation ne s’est jamais souciée du temps et des modes, elle a toujours eu le souci d’évoluer. Progressivement, les synthés ont ainsi cédé leur place à de véritables instruments ; et puis, depuis l’arrivée de Ian Jenkins (préposé à la basse et à la double-basse), le jazz s’est immiscé dans leur univers sonore. Mais qui est ce Ian Jenkins ? Justin prend la parole : « C’est une bonne question. Nous avions besoin d’un bassiste. Steven Burrows est parti vivre aux States. Il y a 25 ans qu’il militait chez nous. Ce n’était donc pratiquement plus possible de travailler ensemble. D’un point de vue technique, il nous apporte encore son concours ; mais vu la situation, nous devions trouver une solution. Ian est ingénieur du son et bassiste. Il joue aussi de la double-basse. Il a également vécu dans la région où nous sommes nés. Et c’est important. Lorsque Steven a déménagé, j’ai pensé qu’il serait judicieux d’embrasser de nouvelles sonorités. D’introduire de nouveaux instruments. Et puis de les intégrer à notre nouvel album. On a ainsi abordé le problème de manière positive. Et ce concept est devenu l’essence du nouveau projet. » Simon clarifie : « Nous l’avions rencontré dans le cadre du festival Paléo. Vu que notre bassiste n’était plus disponible, nous devions trouver une alternative. Et comme il jouait de la double-basse, notre intérêt a été décuplé. » Oui mais pour interpréter les anciennes chansons alors ? Justin embraie : « Nous n’excluons pas notre ancien répertoire, mais nous nous sommes imposés un nouveau challenge en revisitant ces morceaux. Dans un autre style. Plus organique. En enregistrant sous une forme plus acoustique, on était épatés d’entendre les vibrations produites dans l’atmosphère par cette double-basse. L’esprit de Django Reinhardt était bien présent. Dans la musique, hein, pas les idées ! Et des instruments comme cette double-basse et l’accordéon s’y prêtent très bien. » Simon ajoute : « Il a appris les chansons que nous souhaitions. Pas toutes, mais celles auxquelles nous tenions »

‘(Listen) for the rag and bones man’ a été concocté dans un manoir quelque part dans le Herefordshire rural et il a été achevé une chapelle victorienne, à l’extrême est de Londres. Ce qui confirme que le groupe cherche toujours des endroits très spécifiques, souvent des monuments (églises, châteaux, etc.) pour enregistrer ; un peu comme s’il souhaitait constamment que ses enregistrement soient hantés par les endroits où ils étaient immortalisés. Simon commente : « La configuration des lieux est importante lorsqu’on crée de la musique. » Justin insiste : « On cherche à capturer l’émotion du son, là où on se trouve. De manière à lui apporter une nouvelle dimension. Pas toujours, mais parfois. Tu sais, on n’est pas allergique au studio, mais si on a l’opportunité de bosser au sein d’un environnement différent, le résultat peut être sublimé. Ce sont de petites choses, des subtilités, mais on s’en satisfait. » Par contre, on y retrouve toujours les mélopées très caractéristiques de la guitare de Justin. Et puis sa technique si particulière évoquant parfois celle d'un joueur de mandoline dont le son aurait été amplifié et réverbéré. Comme chez de nombreuses formations noisy pop. Justin s’étonne : « Si c’est vrai, je suis flatté. Mais je n’avais jamais entendu une telle réflexion… » Simon réagit : « En fait, c’est ce que Bernard Trontin des Young Gods m’a également raconté. Il abonde dans ce sens… » Un musicien en compagnie duquel Simon a bossé l’an dernier, pour concocter un opus en duo intitulé ‘November’. Simon confesse : « Je vis aujourd’hui à Genève. C’est en fréquentant le même disquaire qu’on me l’a présenté. On a un peu discuté. En fait, il projetait d’enregistrer un album en invitant, un vocaliste, par chanson. Et apparemment, j’étais sur la liste, même si au moment même, il ne me l’a pas avoué. Je n’avais guère confiance pour participer à un tel projet. A ce jour, je n’avais jamais travaillé avec d’autres musiciens que ceux des Trees. Et finalement, j’ai été très surpris et même enchanté du résultat. Les sessions se sont très bien déroulées. On a reçu d’excellentes critiques. C’est très différent de ce qu’on fait au sein du groupe. La musique est plus légère, plus ambient, spatiale même. Expérimentale. C’est un gars très intéressant qui connaît bien son job. Il est prolifique et s’investit beaucoup dans la musique instrumentale et les bandes sonores de films… » Mais le fait de s’être établi en Suisse, n’est-ce pas parce que les arbres y sont plus verts qu’ailleurs ? (rires) Justin remet les pendules à l’heure : « On est toujours basé en Angleterre, dans notre région du Worcestershire. Steven est donc parti vivre en Floride et n’a pas participé à la confection du dernier album… » Et Simon d’ajouter : « Je réside à Genève, mais pour écrire et enregistrer, je retourne au pays ; ce sont nos racines… » D’ailleurs, John Peel a un jour déclaré qu’And Also The Trees était trop anglais pour les Anglais. Ce qui méritait une explication. (silence…) Simon se décide enfin à prendre la parole : « Je comprends ce qu’il a voulu dire. » Et Justin en remet une couche : « Moi aussi. On a grandi avec lui. C’était un personnage très influent dans le domaine de la musique, en Grande-Bretagne. Lorsque nous avions 13/14 ans, nous écoutions ses émissions radio, tous les jours. C’était en pleine période punk, puis cold wave, avec Joy Division, The Cure, etc. Il est devenu une figure emblématique. Il n’aimait pas trop ce que nous faisions, mais nous respectait. Il s’est montré très correct à notre égard, en nous avouant que notre musique n’était pas sa tasse de thé, mais que si nous la faisions, il fallait continuer à bien la faire. Nous ne nous sommes pas produits en Angleterre pendant 15 ans. Jusqu’au mois dernier. En fait, si vous donnez un concert à Londres, vous l’accordez devant un parterre multiculturel. Mais j’admets qu’aujourd’hui, beaucoup de compatriotes commencent à s’intéresser à nous. On devient une curiosité. Nous avons très longtemps été victimes de préjugés. » Simon donne son explication : « Notre ‘anglitude’ est quelque chose d’exotique pour les Anglais. En 15 ans, la société à changé, a évolué. Finalement on est plus anglais que les Anglais. Comme nous ne nous sommes pas montrés pendant très longtemps, ils ne peuvent pas être réceptifs à notre musique. Le public ne se reconnaît pas en nous, comme groupe anglo-saxon, et il ne peut pas trouver notre musique attrayante, puisqu’il ne la voit pas… »

Le groupe avoue une multitude d’influences qui ont évoluées au fil du temps. Des Stooges au Velvet Underground, en passant par Love, John Barry, Morricone, Johnny Cash, Scott Walker. Au début. Jusqu’à des références plus récentes comme Bowie, Roxy Music ou Kraftwerk. Mais l’esprit de leur œuvre, pas les détails. Simon acquiesce : « Absolument. Faut pas se leurrer, quoiqu’on en dise, on cherche toujours des références. Et cela fait partie de la créativité. Pas comme ligne de conduite, mais pour en appréhender la nouveauté. Et c’est la raison pour laquelle on va au théâtre, au cinéma ou qu’on écoute des disques. C’est ce qui permet de nous faire avancer. Nous avons les oreilles et les yeux toujours grands ouverts ; et si on trouve une idée fort intéressante, on la place dans notre escarcelle, et on la laisse mûrir »

‘(Listen) for the rag and bones man’ est le titre de leur nouvel album, un titre qui s’inspirerait d’un épisode de l’enfance des frères Jones. Autrefois, dans leur patelin, un marchand itinérant –qu’on appelait alors chez nous marchand de loques– récupérait, outre les vieux papiers, les vieilles ferrailles et les chiffons usagés, mais aussi des os, afin de fabriquer un type de porcelaine, qu’on appelait ‘porcelaine de cendres d’os’. Il passait dans la rue en conduisant une carriole tirée par un cheval et en criant ‘chiffons et os’. Effrayé, Simon allait se cacher avant même qu’il passe devant sa maison ; et il ne l’a jamais vu. Ce serait l’explication la plus plausible… Mais derrière ce titre, n’y a-t-il pas un message écologique ? Simon répond : « Non, pas vraiment (il réfléchit). Allez, avouons, il pourrait l’être. Pour couper court, il est ouvert à toute interprétation. Le titre provient d’un rêve. Il n’a pas de lien direct avec la musique. Mais quand on y regarde de plus près, il recèle une foule de significations différentes. Et plus il y en a, plus cette situation nous plaît ; car elle ouvre de nouvelles perspectives. Et si tu as compris ce message, j’en suis flatté ; tu viens d’ajouter un élément à ma propre compréhension. » L’artwork de la pochette est superbe. Il a été réalisé par le photographe français, Jérôme Sevrette (http://photographique.js.free.fr). Comment cette collaboration est-elle née ? Simon répond : « On l’a rencontré la nuit dernière. (NDR : !?!?!?) En fait, j’ai découvert le site du photographe sur Internet. J’ai trouvé le travail absolument superbe. Et plus le temps passait, plus on se rendait compte qu’on avait besoin d’une image pour la pochette. Finalement, il nous a communiqué les dates de son exposition. On est alors tombé sous le charme de cette image, et on en a conclu qu’elle correspondait à notre projet. On lui a donc demandé l’autorisation. Il a été très honoré de notre démarche. Mais on ne l’a rencontré qu’hier. Son travail est absolument remarquable. Il relève de la technologie, mais si le résultat est bon, je n’ai rien contre. Je considère donc que c’est un artiste créatif. »

Leur musique est d’ailleurs souvent considérée comme filmique et visionnaire ; mais n’essaie-t-elle pas de filmer les rêves d’AATT ? C’est tout à fait évident sur ‘Rive droite’ et ‘The Sarcen’s head’, deux compos qui figurent sur leur nouvel opus. Mais aussi sur ‘Domed’, la chanson qui ouvre l’elpee. Encore qu’ici, en lisant les lyrics, on a l’impression de vivre ce film comme un esprit qui vient de se détacher de son corps et flotte au-dessus de paysages imaginaires. Une vision du passage entre la vie et la mort, peut-être ? Simon se défend : « C’est possible. Je n’ai pas pensé à cela. Elle est aussi ouverte à interprétation. (Il réfléchit). Si vous pensez à un esprit qui traverse votre vie, oui. On naît et on meurt. Je ne suis pas en désaccord… » Et les textes de ‘The beautiful silence’ pourraient ainsi traduire la recherche, non pas d’un paradis perdu, mais inconnu… Simon semble interpellé : « L’est-ce ? Je ne sais pas si c’est le paradis. Non, je ne crois pas… » (NDR : au paradis ?) La chanson ‘The way the land lies’, raconte l’histoire d’un vieil homme qui revient dans son village, 30 ans après l’avoir quitté. Et il le regarde avec les yeux du passé… Ce pourrait être Simon, dans trois décennies, revenu voir Inkberrow. Simon réplique : « J’ai une propension à ne pas écrire de textes autobiographiques. Ce que tu racontes pourrait être vrai, pour toi aussi… » Compo étrange, sanglante même, ‘The legend of Mucklow’ ne tire pas son inspiration des contes et légendes celtiques, mais anglo-saxons. Simon y tient tout particulièrement et précise : « Cette histoire vient de l’endroit d’où on vient… » Par contre ‘Candace’ est une compo inspirée de William Faulkner. Simon ne s’en cache pas. « Tu sais, j’ai un peu honte d’avouer que je viens de découvrir Faulkner. ‘Candace’ est un personnage du roman ‘The sound and the fury’ (NDR : ‘Le bruit et la fureur’). J’ai toujours eu l’image de cette fille consentante (NDR : il fait ici manifestement référence à Quentin qu'un amour incestueux lie à Candace. Quentin se suicidera à Harvard pendant que répudiée par son mari elle confiera sa fille –prénommée Quentin en hommage au frère disparu– à ses parents…) » On pourrait encore s’étendre pendant des heures sur les lyrics de Simon, dont la poésie est d’une telle beauté, que même Robert Smith, un de ses fervents admirateurs, a un jour déclaré en être jaloux. C’est un beau compliment.

Merci à Vincent Devos

Editors

Un certain sens du mystère

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Responsables de deux albums à ce jour, les Editors surfent sur une vague de succès qui pourrait bientôt les propulser sur la planète des stars ( ?!?!?). Etonnant pour un groupe britannique (NDR : de Birmingham, très exactement) qui remet au goût du jour, une musique nettement inspirée par la cold wave des eighties. Et en particulier des groupes comme Joy Division, Chameleons, And Also The Trees ou Echo & The Bunnymen. Interpol a tracé la voie. Et une foultitude d’autres formations s’y sont engouffrés. Dont les Editors et Bloc Party. N’en déplaisent à ces fers de lance de ce revivalisme auxquels on ne peut certainement pas reprocher de bâcler leurs copies. Au contraire. Sur les planches, les Editors semblent même dépasser largement leurs concurrents directs. Mais pour oser leur parler de ce type de corrélation, il est nécessaire de bien connaître son sujet et de mettre des gants, histoire de ne pas trop froisser leur susceptibilité. C’est Russ Leetch, le bassiste qui s’est dévoué pour affronter le questionnaire. Dommage que Tom Smith, le chanteur/guitariste, préalablement prévu pour épauler son acolyte, n’ait pas osé venir défendre leur point de vue. Notamment dans le domaine des lyrics. Ce n’est peut-être que partie remise…

Sur place, il a donc fallu réaménager ses questions, en se doutant bien que nombre d’entre elles allaient être éludées. Mais il est parfois intéressant d’entendre le point de vue d’un autre membre du groupe, dont la vision est parfois différente, et qui recèle des aptitudes aussi cachées qu’intéressantes (NDR : on y reviendra). Plutôt que d’attaquer de front le sujet sensible des influences, j’ai donc demandé comment les Editors pouvaient expliquer que les admirateurs des groupes susvisés étaient sur la même longueur d’ondes. Bref, que ces formations drainaient un public aux goûts semblables. La réponse de Russ est évasive : « J’ignore si le public veut nous enfermer dans cette catégorie ; tout ce qui je puis affirmer, c’est que ce sont tous de bons groupes. Les gens qui aiment les Beatles et Elvis Presley peuvent aussi apprécier les Editors. Je ne vois pas d’explications » (NDR : ou il ne veut pas les voir !) Par contre, le groupe reconnaît pour influences majeures Elbow et The Walkmen. Elbow surtout. En plus ce sont des amis. Enfin ils sont devenus des amis. « On les a croisés bien longtemps après avoir écouté leur musique. Nous étions des fans avant de les rencontrer. Quand nous fréquentions l’université. Lorsque notre premier album est paru, les musiciens d’Elbow nous ont avoué qu’ils aimaient beaucoup notre musique. Nous sommes sortis ensemble à Manchester. A une occasion. On a trinqué ensemble. Et l’un d’entre eux nous a proposé de nous apporter leur collaboration. On ne les voit plus très souvent, mais on les aime bien. Et, oui, c’est une de nos influences. » Radiohead, Doves et Spiritualized sont également des références qui revêtent un caractère majeur pour le combo. « Nous aimons beaucoup ces groupes. Radiohead et Spiritualized, tout particulièrement. Nous écoutions leurs disques lorsque nous avions 16/17 ans. A cet âge, il est important de découvrir des nouvelles perspectives ; et Radiohead nous a permis de faire ce pas. De nous interpeller. Si tu ne fais pas la démarche de t’approprier un groupe lors de ton adolescence, tu risque de rester en rade. Et de t’enfoncer dans les stéréotypes. Surtout à cet âge là. C’est la raison pour laquelle ces groupes sont importants. En outre, ils te permettent de t’ouvrir vers d’autres types de musique, et pas seulement le rock. » La nouvelle orientation de la bande à Thom Yorke est donc judicieuse ? « Elle ne m’emballe pas particulièrement. Je respecte ce qu’il fait, mais c’est bien moins important qu'‘OK Computer’… » Enfin, pour rester dans le même domaine, les Editors reconnaissent également que ‘Murmur’ de REM et ‘This is it’ des Stokes sont deux opus incontournables, pour eux. « En fait ‘Murmur’ a influencé l’écriture de Tom. En ce qui concerne les Strokes, il faut se remettre dans le contexte. Nous étions en 2001. La britpop, en Angleterre, s’était essoufflée. Depuis deux ou trois ans. Et la guitare était reléguée au second plan. Lorsqu’ils ont débarqués, on s’est dit, le rock’n roll est de retour ! »

On dit Editors et pas The Editors. Il paraît que ce patronyme colle mieux à leur image monochrome. Mais en même temps, que ce choix leur permet de brouiller les pistes. D’autres également avancent que c’est parce que ce ‘The’ est trop à la mode et que le groupe voulait un patronyme intemporel. Où est la vérité ? « J’ai exécuté le travail graphique des pochettes du premier album ‘Backroom’ et des quatre premiers singles. Mais cette tâche devenait trop envahissante, et j’ai l’abandonnée. Avant d’opter pour le nom Editors, nous nous appelions Snowfield. Mais c’était un peu trop humide comme nom. En fait, on a enlevé le ‘The’, parce qu’il ne faisait pas joli sur la pochette. D’un point de vue grammatical, le ‘The’ s’impose ; et pourtant d’autres groupes ont utilisé le même  concept. Les Pixies, par exemple. On dit Pixies et pas The Pixies. Maintenant, il n’est pas exclu qu’un jour, on y remette le ‘The’. » Chez ce type de groupe, l’attitude revêt quand même une certaine importance. On a parfois l’impression qu’ils aiment entretenir un sens du mystère, voire de l’ambigüité « On n’aime pas trop que les gens connaissent constamment notre emploi du temps. Nous voulons préserver notre vie privée. Ce qui importe, c’est le live. On s’est rendu compte que dans le public, il y a des gens qui se posent des questions et qui n’auront jamais la réponse… Et plus ils s’en posent, plus ils accentuent ce mystère. En fait, nous voulons maintenir une certaine distance avec eux. » Peut-être par jeu… Sur les photos, on voit souvent les musiciens vêtus de vêtements sombres. Russ tire sur le col de sa chemise : « Regarde ! Nous aimons la couleur. Nous nous améliorons. En fait, les teintes sombres, nous les adoptions surtout, lorsque nous étions étudiants. Aujourd’hui, nous commençons à nous vêtir différemment. A porter des chemises. A mieux se fringuer. D’ailleurs nous aimons bien les vêtements chics. Surtout sur scène… »

La voix de Tom Smith campe un baryton profond, sensuel. A tel point qu’un journaliste britannique a un jour écrit que sur scène, il pourrait déclencher une ovulation spontanée chez les filles. (NDR : à ce moment précis, Elvis Perkins et son équipe, attablés à quelques mètres, éclatent de rire). Tom essaie de garder son sérieux. « Ce qui est dingue avec lui, c’est qu’il est capable de stimuler l’orgasme de beaucoup de femmes en même temps. Lors de certaines chansons explicites de notre set, on reste très attentif, pour voir si les filles rougissent… » Les lyrics sont également criblés de métaphores. Mais est-ce pour les rendre plus cryptiques ou simplement pour permettre au public d’y épancher ses propres émotions ? « Ce que tu dis est vrai. Les gens pourraient donner leur propre signification (NDR : c’est à la mode !) aux chansons. Une manière de mieux faire vibrer leur corde sensible. Rien que le titre des chansons est susceptible de les interpeler. Ils se projettent une image dans leur esprit. Il existe des petites phrases qui peuvent déclencher une représentation dans leur inconscient, alors que les paroles n’ont rien à voir avec l’élément déclencheur. Il est important pour un groupe ou un artiste de trouver une accroche. » ‘Well worn hand’ est certainement la chanson la plus dramatique du répertoire des Editors. En fin de parcours, on a même l’impression que Tom est au bord des larmes. « Ce qui a permis de la rendre dramatique, c’est la façon dont elle a été enregistrée. En une seule prise. La tension était à son paroxysme. Et le résultat est parfait. D’un point de vue instrumental, on s’est mis la pression. Histoire de communiquer une plus grande intensité émotionnelle à l’interprétation. Maintenant, je ne crois pas que Tom était au bord des larmes ; mais si c’était le cas, on ne pourrait que s’incliner. » A une certaine époque, on taxé leur style de ‘Dark disco’ (disco sombre). « En fait, cette déclaration sort du contexte d’une interview, au cours de laquelle nous avions répondu en ces termes sous forme de boutade. Elle traduit une volonté de se soucier de la recherche musicale, une démarche qui nous hante. Il ne fallait pas prendre cette réponse à la lettre… »

Entre le premier album (‘The back room’) et le second (‘An End Has a Start’), le groupe a changé de producteur. Jim Abbiss a cédé le relais à Jacknife Lee. Y avait-il une différence majeure dans la manière de travailler entre ces deux personnages ? « Nous les apprécions tous les deux pour le boulot qu’ils ont accompli. Jim a bossé sur le premier. Nous étions quatre. Un groupe enfermé dans une pièce. Point à la ligne. Et on n’a rien ajouté. Pour le deuxième, nous voulions qu’il soit plus ouvert et bénéficie d’arrangements plus soignés et d’un son plus puissant. Mais on ne sait pas si dans le futur on continuera à travailler avec lui ou quelqu’un d’autre… » Restait une question plus sournoise. A poser en fin de parcours. Et vu le succès qui commence à prendre des proportions conséquentes. A savoir si Editors ne craignaient pas de devenir un nouveau Coldplay. « S’il te plaît ne nous compare pas à Coldplay. Il y a également un piano sur scène, et notre chanteur a aussi les cheveux bouclés. Mais j’imagine mal, un jour, que cette formation puisse écrire une chanson impliquant le mot ‘Smokers’… » Pas trop bien compris. Il doit y avoir un jeu de mot fumeux là-derrière…

Merci à Vincent Devos.

 

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