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La Muerte

Mortalcombat

Le plus important c’est de s’épanouir dans ce que l’on fait…

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Sans aucun doute, le LaSemo est devenu un fer de lance, en matière de découverte musicale. Au lieudit ‘La Guinguette’, un binôme sexué dénommé ‘Mortalcombat’ vient d’y livrer une prestation, certes un peu ‘molle du genou’, mais qui promet tout de même que l’on suive de près, les péripéties de ces trentenaires.
Caché derrière un patronyme issu du célèbre jeu pratiqué dans les années 90, le combo a pris le parti de revisiter la pop française en y ajoutant de la modernité sur fond d’envolées synthétiques.
Entretien avec César (claviériste sortant de BRNS) et sa compagne à la ville comme à la scène, Sarah, entre souvenirs, nonchalance et vague à l’âme…

César, désolé d’y revenir, mais ton nom est irrémédiablement associé à un autre groupe belge, BRNS. Tu as participé à l'écriture, à l'enregistrement et au mixage de « Sugar High ». Tu les as accompagnés sur certaines dates de concerts également. Puis un jour tu décides de tout plaquer en cours de route. Peux-tu nous expliquer le cheminement intellectuel de cette démarche pour le moins étrange ?

César : Mon départ n’est pas récent. Il remonte en fait à deux ans et demi déjà. BRNS est un projet qui exige un investissement full time. Je m’y suis donné corps et âme durant cinq ans. Sincèrement, je ne me sentais plus prêt à m’engager de manière durable pour la sortie de ce nouvel opus. Je ressentais l’envie de passer à autre chose. Durant une pause concert de six mois environ, nous avons abordé le sujet ensemble. Les autres musiciens ont été très compréhensifs. Par chance, ils ont déniché mon successeur rapidement en la personne de Lucie Marsaud qui se réservait auparavant claviers et flûte traversière chez Arch Woodmann, un groupe mené par le Brestois Antoine Pasqualini.

Même si BRNS a pu assurer la pérennité du band sans problème, j’imagine que maintenir le paquebot malgré les défections de certains de ses matelots ne doit pas être facile…

C. : Lorsqu’une formation connaît une certaine pérennité dans le temps, elle est forcément confrontée à ce genre de situation. Ses membres viennent et vont au gré des opportunités, c’est tout à fait normal. Cette défection n’a pas altéré leur succès et je crois que c’est le plus important. Lucie étant une amie, la transition a été d’autant plus facile !

Vous avez milité tous les deux au sein d’Italian Boyfriend. Le projet est en standby, mais est-il toujours sur les rails ?

Sarah : Le projet est en effet en standby. C’est la seule certitude aujourd’hui. Il y a déjà un an et demi que nous avons arrêté de nous produire en concert. A vrai dire, à la fin de la tournée, les uns et les autres ressentaient le besoin de passer à autre chose, que ce soit dans le domaine musical ou non d’ailleurs. César avait envie de rebondir, ce qui a donné naissance à Mortalcombat. Je ne sais te dire combien de temps durera encore cette pause, ni même si Italian Boyfriend renaîtra de ses cendres encore chaudes. On verra ! On ne se pose pas la question parce qu’il n’y a aucune pression de notre part…

Ce besoin de changement dénote un sentiment plus profond, en somme ?

S. : Ce n’est pas un besoin, mais tout simplement une envie. Chacun peut à un moment donné ressentir l’envie de développer des projets un peu plus personnels. L’essentiel est de garder de bons souvenirs et aller de l’avant…

Justement, le fait de baigner dans la musique depuis un certain temps, vous permet-il d’être plus crédible aux yeux de vos pairs ou du public ?

C. : Non, je ne le pense pas ! Lorsque tu empruntes une carrière musicale, il faut pouvoir s’imposer en tout temps. C’est un combat perpétuel. En outre,  je ne crois pas que ce soit à nous de répondre à cette question. A vrai dire, on s’en fout un peu. Le plus important c’est de s’épanouir dans ce que l’on fait…
S. : Je rejoins tout à fait le raisonnement de César. Ce n’est pas parce que nous avons participé à différents projets que nous jouissons de plus de crédibilité aux yeux de nos pairs ou du public. Nous avons un projet particulier, oui, c’est vrai, mais d’autres aussi finalement…

Mortalcombat se réfère à un jeu vidéo populaire des années 90. L’orthographe est pourtant différente. Si le but était de garder cette culture bien ancrée, pourquoi ne pas l’avoir fait jusqu’au bout en optant pour une retranscription identique ?

C. : À vrai dire, on avait déjà l’image du mot en tête en choisissant le nom du groupe. C’était une manière de prendre le contre-pied de nos morceaux qui restent très doux par rapport à la bande annonce violente et agressive du jeu. A titre anecdotique, dans les moteurs de recherche, si tu tapes le patronyme du groupe, tu verras apparaître en premier lieu le célèbre jeu vidéo. Bien avant même de voir nos clips. Nous avons trente ans. Aucun d’entre nous n’y a jamais joué. Personnellement, je ne pourrais même pas t’en parler…
S. : Il fallait une accroche ! Choisir un tel nom nous permet un référencement intéressant puisque tout le monde va ‘tilter’ d’office.

Vous prenez le parti de chanter en français en y ajoutant de la modernité avec des envolées synthétiques. Si ce choix vous permet d’insuffler davantage de subtilités dans le texte et le chant, il reste plus difficilement exportable que l’anglais. Quels sont les objectifs que vous vous étiez fixés au départ ?

C. : Je ne suis pas d’accord avec cette analyse. Il vaut mieux bien chanter en français que mal en anglais, surtout lorsque l’accent est médiocre… Notre langue maternelle n’est pas une barrière en soi. Ce sont des préjugés ! Certaines formations s’exportent d’ailleurs très bien en Flandre. D’autres peuvent connaître plus de difficultés lorsqu’elles choisissent la langue de Shakespeare. A nos débuts, nous avions opté pour l’anglais, mais nous maîtrisions mal cette langue. Seuls les bilingues sont légitimes à mon sens. En adoptant la langue de Voltaire, nous y sommes parvenus. Un jour, un organisateur a refusé de nous programmer au Trix à Anvers tout simplement pour une question linguistique alors que des artistes comme Angèle, Témé Tan ou Nicolas Michaux ont brillamment réussi à s’imposer.

Lorsqu’on choisit de chanter en français, il faut bien admettre qu’il est souvent difficile de trouver un compromis dans la manière de poser les sons, la musicalité et les textes. Or, à l’écoute de votre concert, il y a quelques minutes, j’ai été stupéfait par cet équilibre. Quelle est la recette ?

C. : La manière dont nous travaillons est assez simple. Sarah et moi-même composons la musique et les textes. A l’aide de mon synthé, je peux déjà imaginer à quoi ressembleront les compos. Clément qui nous accompagne est le partenaire idéal parce qu’il se charge des arrangements. Il a des qualités que ni Sarah, ni moi-même ne possédons.

Le clip de « Beau et Décadent », a été tourné dans le quartier bruxellois de Saint-Gilles. Alors, dites-moi, pour la beauté ou la décadence ?

S. : C’est là où l’on vit ! A la base, il ne s’agit pas d’un choix artistique, mais tout bonnement pratique. Le choix s’est imposé de lui-même. Nous n’avions ni le temps, ni les moyens de réaliser autre chose. Au final, le résultat est assez réussi. Avoir tourné dans des endroits que nous connaissons nous touche encore un peu plus.
C. : Je crois que cette solution était la bonne. Nous connaissions cet environnement et pouvions plus facilement repérer des endroits identifiés où les autochtones pouvaient s’y reconnaître facilement. D’ailleurs, peu de temps après, spontanément, une page Facebook intitulée ‘I love Saint-Gilles’ s’est créée.

Sarah, cette vidéo met en scène la quête de l'homme idéal en quelque sorte. Tous ces prétendants aux goûts plus ou moins douteux que tu vas croiser jusqu’à ce que tu trouves ‘the one’ représente la réalité d’une frange de la population féminine. Quel est ton regard de femme sur le sujet ?

S. : Pour ma part, je dois dire que je n’ai pas multiplié ce genre de rendez-vous. En tout cas, ni plus, ni moins que la moyenne des filles de mon entourage. Je n’ai jamais eu l’impression que le personnage du clip recherche quoique ce soit en fait. C’est juste une nana qui a un rendez-vous avec un gars… et ça ne colle pas, voilà tout ! Peut-être attend-t-elle le prince charmant ? Mais, existe-t-il seulement ? Pour y parvenir, elle multiplie les expériences et les rencontres. Dans ma vie de femme, je n’ai jamais cherché cette quête ultime de l’amour. Lorsque j’ai rencontré César, je ne suis pas tombée des nues en me disant ‘Oh, enfin, il est arrivé !’ Mais, oui, c’est devenu mon prince charmant (rire).

César, à la surprise de tous, tu nous as démontré, en ‘live’, que tu possédais un bel organe vocal. Peut-on espérer un jour te voir tenir le micro, voire chanter en duo ? Ou doit-on considérer cette prestation comme un one shot ?

C. : En fait, le titre sur lequel j’ai chanté n’a pas trouvé sa place sur l’Ep. Je ne me considère pas comme un chanteur. Je ne me sens pas du tout à l’aise dans cet exercice. Ce n’est pas naturel. Il faut le voir davantage comme une blague que comme quelque chose de sérieux. J’ignore si je vais recommencer l’expérience, car je démarre de trop loin dans le chant ; c’est très compliqué de rivaliser. J’ai même l’impression d’être un imposteur. Des voix se sont élevées pour que Sarah et moi chantions en duo. C’est une alternative, pas forcément une probabilité.

Charlotte

Il est aujourd’hui beaucoup plus difficile de se forger un nom qu’un prénom…

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Déjà 11 années que le superbe parc du château d’Enghien accueille le LaSemo, un festival on ne peut plus iconoclaste puisqu’il mêle musiques, arts et cultures.
A l’affiche, une toute jeune artiste au doux nom de Charlotte, fruit légitime de Muriel Dacq et d’Alec Mansion, y est programmée, cette année…
Nouvelle voix dans le paysage musical belge, elle évoque Lana Del Rey même si elle réfute cette filiation un peu impromptue selon elle.
Elle a débuté dans le monde de la danse aux côtés de sa sœur Betty. Cap ensuite vers Paris pour y suivre les cours ‘Florent’ et enfin terminer sa course artistique effrénée dans la chanson où elle s’y sent plus à l’aise.
La donzelle se produit sur la scène de la Guinguette, un espace farfelu dont le décor est constitué de vieilles caisses en bois, à l’image d’une bibliothèque géante un peu vieillotte.
Peu prolixe, atteinte d’une timidité maladive, mais touchante derrière ses grands yeux bleus azur, elle se dévoile sereinement et calmement aux lecteurs de Musiczine.

Charlotte, tu es la fille de Muriel Dacq et d’Alec Mansion. Tes parents ont vendu près de deux millions de disques à eux deux, au cours des années 80. Deux questions viennent immédiatement à l’esprit. Premièrement, avoir choisi un nom de scène aussi passe-partout n’est-il pas en soi une manière de manifester sa neutralité ? Secundo, comment perçois-tu le fait d’être ‘la fille de’ ?

Je vais répondre aux deux questions en même temps. J’ai volontairement omis mon patronyme parce que l’univers dans lequel je navigue m’est propre. Rien à voir avec celui de mes parents ! Je me suis créé une véritable identité musicale. Et puis, je voulais vraiment que l’on me considère comme ‘Charlotte’ et non pas comme ‘Mansion, la fille de l’autre’. Contrairement à ce que la masse populaire peut penser, il est aujourd’hui beaucoup plus difficile de se forger un nom qu’un prénom. Depuis toute petite, je sais que si je veux me faire une place au soleil, cet objectif viendra davantage du fruit de mon travail que via un piston.

Est-il vrai que tes parents t’ont toujours déconseillée de te lancer dans un milieu où on ne se fait pas de cadeaux ?

C’est exact ! Je dois t’avouer qu’adolescente, le monde du show-business m’angoissait terriblement. Je n’avais pas du tout envie d’y mettre les pieds. Je n’y percevais que de l’hypocrisie. Aujourd’hui, je conçois les choses différemment. Cet univers me semble beaucoup plus supportable. 

Généralement, les parents poussent pourtant leur rejeton à poursuivre leurs rêves non ?

En ce qui me concerne, je ne me pose pas trop de questions. Les événements évoluent naturellement. C’est le destin ! J’ai passé du temps à faire mûrir mon projet. Je suis assez fière du résultat. Je pense que c’est mieux ainsi au final…

On te sent très proche de Lana Del Rey, tant à travers l'esthétique, les vidéos que dans les styles vestimentaires et musicaux. Que t’inspire cette artiste ?

C’est totalement involontaire de ma part ! Je dois t’avouer que je ne suis pas énormément son parcours. Je ne l’ai découverte que récemment en concert. La photo qui a été utilisée pour la promotion ressemble fort à sa pochette, c’est vrai. C’est tout à fait involontaire. Mais, être comparée à cette artiste me procure énormément de plaisir, évidemment (rires).

La chorégraphie « Pars » a été imaginée par ta soeur (Betty Mansion). Est-ce un atout de bosser en compagnie de ses proches ?

Travailler en compagnie de tes proches appartient à la philosophie d’une génération nouvelle. Je suis très heureuse d’avoir pu collaborer avec ma sœur parce que nous avons fait de la danse ensemble durant des années. Elle était tellement convaincante dans ce secteur que j’ai préféré m’éclipser afin de me concentrer sur d’autres créneaux. Elle a assuré la chorégraphie du clip.

La concentration et la substance semblent importantes pour toi. On te sent très perfectionniste dans l’âme. Dans ce métier, certaines personnes abordent leur rôle avec beaucoup de légèreté, sans que cette perspective ne puisse pourtant poser problème. N’as-tu pas l’impression de t’emprisonner dans un personnage qui n’est peut être pas le tien ?

Il est extrêmement difficile de se démarquer de nos jours. J’ai préféré choisir une ligne de conduite plutôt classique. Mais, je souhaite développer mon image à l’avenir. Je n’ai pas l’intention de rester toute ma vie vêtue d’une robe blanche !

Les textes sont écrits en français et traitent d'amour passionné et envoûtant. Tu es une toute jeune femme qui déborde d’idéaux. Les séparations et les divorces n’ont jamais eu aussi la cote aujourd’hui. N’y vois-tu pas là dedans un certain paradoxe ?

Ce dont je parle justement dans mes textes, ce sont les moment très difficiles que j’ai vus ou moi-même vécus. C’est en quelque sorte une thérapie. Analyser le passé pour mieux l’affronter. J’espère aussi que d’autres personnes trouveront à travers mes chansons une caisse de résonance afin qu’elles se sentent moins seules et puissent poser un regard extérieur sur ce qu’elles vivent pour mieux les vivre.

Tu as collaboré avec Alex Germys. Il a un talent indéniable, un physique attrayant et un cerveau bien rempli ; bref, il a tout pour plaire. Peux-tu m’en dire davantage sur cette rencontre ?

Alex Germys est mon manager ! Il joue aussi un peu le rôle de directeur artistique sur le projet. Je ne le connaissais pas, à la base. Je suis très heureuse de travailler avec lui. Il m’apporte énormément. J’espère que notre coopération va durer (rires).

Certains admettent que la mouvance electro/pop – dream/pop dresse un pont entre les musiques du passé et une véritable modernité. Imagines-tu qu’elle puisse être perçue, comme le fossoyeur du rock’n’roll ?

Je ne sais pas quoi répondre… Je pense que nous sommes dans une période où il y a un vivier de nouveaux artistes et a fortiori un contenu intéressant. A l’époque, je voyais par exemple mon père fort tracassé lorsque les téléchargements illégaux ont commencé à pulluler sur le net. Aujourd’hui, c’est un peu plus contrôlé. Les plates-formes de streaming comme Spotify offrent un avantage double. L’utilisateur y trouve un catalogue presque infini et l’artiste est rétribué, ce qui le rend moins anxiogène.

Tu es d’origine namuroise. Les étrangers parviennent difficilement à comprendre ce qu’est la belgitude. Pourtant certains artistes s’y sont relativement décomplexés. Je pense notamment à The Experimental Tropic Blues Band, lorsqu’il a imaginé sont concept/concert ‘The Belgians’. Tes chansons respectent une forme plus traditionnelle. Elles sont donc plus exportables en quelque sorte…

Je fais ce que j’ai envie de faire ! Jamais, je n’ai réfléchi une seule seconde à l’aspect purement marketing. Le mois dernier, j’ai participé aux Francos de Montréal. Le public scandait mon nom durant la prestation alors qu’il ne me connaissait pas. La musique peut constituer un prisme génial, même à des kilomètres à la ronde. Je ne suis pas formatée. C’est en concert que je me rend compte si mes chansons impactent ou pas...

Interview réalisée le samedi 7 juillet 2018, dans le cadre du festival LaSemo.

 

Beechwood

La musique, c’est notre choix de vie…

Écrit par

Beechwood et un trio new-yorkais réunissant le bassiste Sid Simons (21 ans), le guitariste Gordon Lawrence (23 ans) et le batteur Isa Tineo (25 ans) ; ces deux derniers assurant également les parties vocales. A l’issue de leur concert accordé à la Cave aux Poètes, de Roubaix, les musicos se sont volontiers pliés à l’exercice de l’interview, sous l’oreille attentive de leur manager, Cynthia Ross (NDR : bassiste de B-Girls, formation féminine de power pop/punk/rock qui a sévi de 1977 à 1981). A leur actif trois albums, dont les deux derniers, « Songs from the land of nod » (voir chronique ici) et « In the flesh hotel », sont sortis respectivement en septembre 2017 et ce 8 juin 2018. Deux opus qui réunit de très bonnes chansons aux mélodies particulièrement soignées et parfois même contagieuses…

Deux long playings en neuf mois, c’est plutôt rare chez un artiste ou un groupe aussi jeune. Mais cette tendance prolifique ne cache-t-elle pas l’envie d’écouler un stock de compos à écouler ?

Gordon réagit : « La majorité des titres du précédent album avaient déjà été enregistrées sous forme de démos. En fait, on est tout le temps occupés d’écrire. Et vu cette activité, on est constamment forcé d’accomplir des allers-retours entre la route et le studio. En général, on compose le week-end ; et on a d’ailleurs déjà les morceaux du prochain album. Qu’on enregistrera, fin de cette année… » Faut croire qu’ils ne dorment jamais. La réponse d’Isa fuse : « Jamais ! On dort quand on est fatigués… » Le père d’Isa bossait dans le business de la musique. Il disposait d’une fameuse collection de disques. Fatalement, il a dû puiser ses sources d’inspiration en les écoutant. Mais cette culture, l’a-t-il partagée avec ses amis, et tout particulièrement Sid et Gordon… Il acquiesce : « C’est exact. J’ai moi-même une belle collection de disques. Mais tout jeune, je n’avais qu’à piocher dans celle de mon paternel… » Pas n’importe qui, puisqu’il s’agit de Junkyard Ju-Ju –au départ batteur de formation– qui milite toujours au sein du duo de hip hop aux influences latines, Beatnuts, en compagnie de Psycho Les… Il poursuit : « Et puis j’ai pu assister aux sessions d’enregistrement. Ce qui m’a permis d’observer son fonctionnement et d’acquérir de l’expérience dans ce domaine. Et je suis reconnaissant à mon père de m’avoir fait découvrir cet univers de la musique. Et cette expérience, j’ai pu également en faire profiter mes potes, et bien sûr Gordon. Ce qui n’a pas été difficile, car il en avait déjà acquise une, de son côté… »

Le trio apprécie un large spectre de groupes ou d’artistes. Mais c’est la scène de Detroit qui semble inspirer d’abord ces musicos. Depuis Son House aux Stooges, en passant par les Stooges, MC5 et les White Stripes... Sid confirme « Oui, oui, les White Stripes ! » Gordon reprend le crachoir, parfois d’une voix qui devient de plus en plus caverneuse : « En fait, aujourd’hui, c’est à Detroit que tout se passe. A New York, la scène est plus underground. Mais on n’est cependant pas hermétiques. On aime également la musique qui vient d’Angleterre. On est ouvert à tout… » Le combo a ainsi adapté le ‘I’m not like everybody else’ (Trad : ‘Je ne suis pas comme tout le monde’) des Kinks, un titre qui figure sur « Songs from the land of nod ». Gordon explique pourquoi le combo a choisi cette cover : « C’est une chanson que je voulais reprendre quand j’étais ado. Mais aujourd’hui on peut plus facilement se connecter aux paroles. Au message. Ce n’était pas toujours le cas, à l’époque… » Et quand on les compare aux Troggs, mais un Troggs à la sauce contemporaine, les musicos estiment que c’est un compliment, et que votre serviteur a touché leur corde sensible… leur look y est également pour quelque chose, soit dit en passant…

Néanmoins, si la musique de Beechwood est essentiellement garage/rock, elle trempe également dans le psychédélisme, évoquant même parfois Syd Barrett, Brian Jones, le 13th Floor Elevators, ainsi que les Beatles circa ‘Magical Mystery Tour’. A cause des voix. Des voix qui peuvent aussi parfois rappeler Big Star. Isa se défend : « On est incapable de répondre à ce type de comparaisons. On aime tous ces groupes et ces artistes. Surtout leur musique… » Et tout au long de « Bigot in my bedroom », une plage issue de « In the flesh hotel », on ne peut s’empêcher de penser à T Rex. Gordon réplique : « Je n’ai jamais pensé faire sonner cette chanson comme T Rex, même si les mélomanes ont cette impression. C’est sans doute dû au groove de la chanson… »

Lors d’une interview publiée sur la toile, ils avaient déclaré que s’ils n’étaient pas devenus musiciens, ils seraient probablement morts aujourd’hui. Pourtant, ce sont tous des caïds du skate. Isa et Gordon se sont d’abord rencontrés à l’âge de 16 ans en se consacrant à ce sport. Et puis, le premier écrit des poèmes, alors que le second est branché sur la photo et la peinture. Ce dernier s’épanche : « La musique, c’est notre choix de vie. On laisse le champ libre à nos envies et nos passions. Tout le monde devrait faire ce qu’il a envie de faire. Il y a un moment de l’existence où on peut se permettre de réaliser ce qu’on aime. Les 18 premières années de ta vie, tu es contraint d’aller à l’école. C’est une obligation, on ne peut y déroger. Puis tu vas au collège. Et t’es parti pour 4 ans, avant de savoir ce que tu veux vraiment faire. Tu es dans le système. Mais dès que tu t’en libères, tu dois foncer tout de suite ».

Quand on parle à Gordon, de sa ferveur pour les Ramones, il remet la place de ce quatuor mythique dans son contexte. « En fait, ce qui m’intéresse chez les Ramones, c’est de figurer au sein d’un groupe, de ressentir quand on y est, d’y vivre... C’est ainsi que j’ai découvert que j’aurais pu participer à leur aventure…. » Une forme d’incarnation subjective ? Il précise : « C’est plutôt ce que la formation représente pour moi. Quand on écoute un groupe, on apprend de ce groupe. On ne va pas se limiter aux Ramones, pour les influences, car il en existe de nombreuses. Ma vie, c’est de jouer de la guitare et d’être connecté à un niveau plus profond. Quand j’aime une formation, ce n’est pas seulement la musique. Je ne limite pas ma vision du band au guitariste. Mais lorsque je l’écoute, je me sens dans le groupe… » Isa avait de son côté, déclaré que la batterie était une manière de libérer sa colère. Mais contre qui ou quoi est-il en colère ? Il répond : « Il n’y a pas d’analyse à réaliser. J’insuffle toute mon énergie et toutes mes émotions dans mon drumming. Mais il n’y a pas de colère vis-à-vis de mes partenaires. C’est bon pour ma santé d’afficher une attitude jeune et naturelle. J’ai joué dans une autre formation avant celle-ci. La manière dont je jouais des drums était plus agressive. Je suis capable de l’adapter à des tas de styles et de cogner très fort sur mes fûts… Cependant, je joue de manière ‘éthique’, c'est-à-dire que j’affiche un aspect de ma personnalité que je veux la plus humaine possible... »

Mais penchons-nous un peu sur le dernier opus de Beechwood, ‘In the flesh hotel’. Et tout d’abord sur le recours à ces instruments complémentaires comme l’orgue ou peut-être un farfisa. Gordon rectifie : « Il s’agit d’un harmonium. Et puis, il y a également un piano. Les sessions se sont déroulées dans une maison d’un de mes oncles. Vu l’éventail mis à notre disposition, la pièce ressemblait un peu à une salle de jeu. Lorsqu’on enregistre, on essaie de faire de notre mieux. Nous ne sommes pas des pianistes, mais avant de nous y coller, on entend d’abord ces interventions dans notre esprit. On peut comparer chaque chanson à un univers et on fait en sorte que tout tourne dans cet univers. Il n’existe qu’une seul règle : c’est bon ou pas bon ! Nous ne nous imposons aucune limite dans notre processus. Par exemple, si l’un se réserve la guitare, l’autre se consacre à la slide et le troisième à l’harmonium… »

Le long playing est également mieux produit. Isa en donne son explication : « C’est parce qu’on est meilleurs et qu’on sait mieux ce qu’on veut. On a plus de maîtrise. On expérimente ! Quand j’écoute ‘Flesh Hotel’, c’est nous ! » Et Isa de clarifier : « En fait Sid a joué un grand rôle dans le son ». Gordon confirme : « Son implication a été importante dans la mise en forme. Ce qui compte, c’est d’être vrai par rapport au son. De ne pas se trahir. On ressent le fait qu’on a franchi une étape. On a progressé. Cette production est donc supérieure…. »

Parmi les plages de cet LP, ‘Amy’ et ‘I found you’ pourraient facilement sortir en single. Gordon tempère : « Ce n’est pas prévu de sortir des singles et des 7 inches en vinyle. Pour la promo, les chansons vont cependant sortir successivement en clips vidéo… et quand l’album sortira, les chansons seront déjà périmées… » (rires)

(Merci à Vincent Devos)

 

Wolvennest

Un crossover entre black metal, dark ambient et psychédélisme, mais pas seulement…

Wolvennest (ou WLVNNST) est en quelque sorte un ‘super groupe’ constitué de musiciens chevronnés issus de la scène alternative. Basé à Bruxelles, il pratique un cocktail unique entre black metal, psyché et dark ambient, en lui communiquant une dimension tribale. Les compositions ressemblent à de longues incantations bâties sur un 'wall of sound' de guitares abrasives, au cœur duquel s’enfonce une rythmique répétitive, se distingue une 'lead guitar' mélodique mais reptilienne et, last but not least, s’élèvent des voix hypnotiques, quasi-chamaniques.

Le line up réunit Michel Kirby, Marc De Backer, Corvus Von Burtle et Shazzula. Sur les planches, il est complété par John Marx (Temple Of Nothing), à la basse, et Bram Moerenhout, à la batterie.

Après avoir gravé un premier opus, pour lequel le quatuor avait reçu le concours d’Albin Julius et Marthynna, de Der Blutarsch and The Infinite Church Of The Leading Hand, le combo vient de publier son deuxième. Intitulé « V.O.I.D. », il est paru sur le label allemand Ván Records. L’elpee a, cette fois, été composé exclusivement par les membres de la formation et Shazzula s’y réserve la plupart des parties vocales. Deux invités ont néanmoins participé aux sessions, Ismaïl Khalidi et Alexander von Meilenwald (The Ruins of Beverast). « V.O.I.D. » a été enregistré dans le 'home studio' du band, Forbidden Frequencies, sous la houlette du producteur DéHà.

Wolvennest a été programmé dans de nombreux festivals tels que le Roadburn, House Of The Holy, Desert Fest ou encore Acherontic Arts Fest III et a assuré la première partie d'Electric Wizzard, Urfaust, de DOOL et Wolves In A Throne Room. Plus récemment, il s’est produit à l'Ancienne Belgique et au Beursschouwburg, à Bruxelles.

C'est précisément au 'Beurs' que l’interview s’est déroulée, juste avant le concert organisé dans le cadre de la release party.  

Avant d’entrer dans le vif du sujet, passons aux présentations et aux projets au sein desquels les musicos militent…

Michel Kirby (MK) : Outre Wolvennest, je participe également à ceux de Length of Time, La Muerte, et d’Arkangel. Et puis je suis propriétaire d’un magasin de disques, Elektrocution, à Bruxelles.
Marc DeBacker (MDB) : Le mien, en parallèle, c’est Mongolito ; mais auparavant, j'ai coopéré à de nombreux projets et groupes, dont Dog Eat Dog et 10000 Women Man.
MK : En fait, Marc et moi, nous nous connaissons depuis plus de 30 ans. A nos débuts, on a joué ensemble chez Mental Disturbance, une formation qui pratiquait du hardcore un peu crossover.
Corvus Von Burtle (CVB) : J'ai entamé mon parcours musical en 2005, dans l’univers du hardcore. Aujourd'hui, je suis impliqué dans différents projets, dont Cult of Erinyes est probablement le plus notable. C’est du black metal ! Un album est prévu pour cet automne. Puis également Monads, un groupe de funeral doom, LVTHN, responsable d’un black metal très violent, et encore d'autres auxquels je prends part anonymement, pour entretenir le mystère...
Shazzula : Perso, j’ai vécu l’aventure d’Aqua Nebula Oscillator entre 2006 et 2011, puis j'ai collaboré avec White Hills, Kadavar, et contribué à d'autres productions. Maintenant, je réalise essentiellement des vidéos et des films, dont un en 16 mm, « The Essor », qui traite, entre autres, des univers parallèles et du chamanisme. Mais mon projet principal, c'est ‘The Spirit Trilogy’, une installation vidéo triptyque qui se focalise sur trois films. Parallèlement, je m'intéresse aussi à la musique techno-indus. D'ailleurs, sous cette forme, j’accorderai mon premier ‘live’, en solo, demain à Zurich, dans le cadre du Rhizom fest.

Wolvennest opère un crossover entre le black metal, l'ambient et le psyché. Ca vous convient come description?

CVB : Le noyau de base est orienté black metal ! La plupart des riffs correspondent à ce style, mais le rythme est plus lent...
Shazzula : ...et plus hypnotique.
MDB : En fait, il s’agit d’un crossover entre plusieurs personnes dont les goûts sont différents. Moi, je connais surtout le black metal classique, mais récemment, je me suis surtout intéressé au 'dark ambient' et aux styles plus psychédéliques.
MK : Chacun a apporté sa pierre à l'édifice pour créer Wolvennest. Marc, Corvus et moi avons lancé le projet, puis Shazzula est arrivée. Son profil est également très spécifique et ses influences, particulières. On les intègre toutes dans l’ensemble, et chacun y retrouve ce qui lui appartient.

Quelle est l’origine du patronyme, Wolvennest ?

MK : D’un ‘Bed & Breakfast’, établi aux Pays-Bas, qui s'appelle ‘'t Wolvennest’. Il se traduit par ‘le nid des loups’. On cherchait un nom depuis pas mal de temps et quand j'ai vu ce B&B, j’en ai conclu que Wolvennest illustrait l’aspect crossover, les différentes influences qu'on tente de fusionner.

« V.O.I.D. », votre deuxième opus, est paru sur le label allemand, Ván  Records. Une raison ?

MK : C'est le plus représentatif dans le genre musical que nous proposons. Dans son catalogue, figurent Urfaust, The Devil's Blood, The Ruins of Beverast et encore bien d'autres.
MDB : King Dude, également…
MK : On connaissait Sven (NDR : Sven Dinninghoff, le patron de Ván Records) grâce à Leslie, qui est notre 'visual producer'. C'est quelqu'un de passionné. Il a écouté notre premier album, paru chez WeMe, un label belge, et il a flashé. Il a contacté la boîte et repris la licence pour le rééditer ; et maintenant, il sort le deuxième.

Il ne faut bien sûr pas oublier votre producteur, Déhà ?

MK : C'est le 8ème membre du groupe, à côté des 6 musiciens et de Leslie. Il est producteur dans notre home studio. Il mixe les tracks...
MDB : Et il a également un rôle créatif important, en proposant de nouvelles sonorités...
MK : Il a aussi créé toutes les parties de batterie sur l'album.
CVB : Auparavant, Déhà était domicilié en Bulgarie ; mais maintenant, il vit en Belgique. Il était donc présent en permanence, dans notre home studio, lors des sessions ; ce qui nous a permis d'obtenir exactement le son que l'on avait en tête.

Sur le premier elpee, Marthynna, la chanteuse de Der Blutharsch and The Inifinite Church Of The Leading Hand, se consacrait aux vocaux ; mais tout au long de « V.O.I.D. », c'est toi, Shazzula, qui prend en charge toutes les voix féminines ?

Shazzula : Oui, je chante sur la plage titulaire, sur « Ritual Lovers » et sur « The Gates ». Mais en ‘live’, j'ai repris toutes les voix féminines, comme par exemple sur « Unreal », extrait du premier album. Et petite précision qui a son importance, le visuel de la pochette de « V.O.I.D. » a été réalisé par Bobby Beausoleil. J'ai d'ailleurs réalisé un clip pour lui il y a peu et on va probablement encore collaborer.

Quelle a été l’évolution entre le premier et le second LP ?

CVB : Je crois que le 2ème bénéficie de l’expérience acquise lors de nos prestations live, entre-temps. Il sonne plus 'rock', plus 'live'. Le premier était très minimaliste alors que, pour VOID, on est parvenu à construire un son plus vivant, en studio... Et la production est nettement meilleure. Les instruments ont trouvé leur place. Il y a davantage de claviers, parfois 5 ou 6 pistes en même temps. 

Deux guests participent aux vocaux ?

MK : Alexander von Meilenwald de The Ruins of Beverast chante sur « L'Heure Noire » et Ismaïl Khalidi, sur « The Gates ». Ismaïl est un ami. Je l'ai rencontré quand il était à la recherche d’un groupe. Quand on s'est croisés, il était au septième ciel parce qu'on appartenait à toutes ses formations favorites (rires). Plutôt, doom, assez sludge sa voix colle bien à notre musique.

Passons en revue quelques tracks de l'album. Qu’évoque « V.O.I.D. », la plage titulaire ?

MK : Il reflète l'impression d’être au sommet d'une montagne. Une sensation de vide, d'où le titre. Chacun peut s'imaginer ses propres paysages et sa propre interprétation, mais c'est un peu le sentiment de liberté que l'on ressent dans la montagne. Ou dans le désert. C'est la bande-son idéale pour un trip comme celui que j'ai accompli au Maroc, en compagnie d’Ismaïl.

« Silure » se réfère au fameux poisson qui dévore les pigeons ?

MDB : Exactement. Le mot est magnifique. Il évoque plein de choses : ‘ciguë’, ‘souillure’, et sonne bien malsain (rires).

« Ritual Lovers » a également une signification particulière ?

CVB : Oui, c'est une référence à The Devil's Blood, le groupe signé sur le même label, mais qui n'existe plus, depuis que le leader a mis fin à ses jours.
MK : Selim Lemouchi était un de mes amis proches et « Ritual Lovers » est un morceau très important pour moi car je voulais rendre hommage a la complicité très forte qui régnait entre Selim et sa soeur Farida et à tout ce qu'ils ont réalisé au travers de The Devil's Blood.
CVB : Perso, j’estime qu’ils ont ouvert la voie au revival du style black metal seventies et, dans le genre, ils étaient de loin les meilleurs.

Au niveau vocal, c'est un morceau très mélodique...

Shazzula : Oui, c'est une compo intéressante au niveau du chant. Je m'amuse bien en l’interprétant sur scène! Il est assez progressif et permet de libérer beaucoup de force.

Sur les planches, tu te sers également du thérémine ?

Shazzula : Oui, mais je dispose également d’un Moog Rogue et manipule pas mal de pédales d'effets, dont une de distorsion, plus agressive. Mais j’accorde toujours une large place à l'improvisation ; j'ai toujours fonctionné ainsi. 

Dans l'ensemble, vous avez composé le disque en studio ?

MDB : Oui, la majorité des titres y sont nés. Tout naturellement, car il y avait un très bon feeling...

Comme une alchimie ?

MDB : Oui, les composants se sont emboîtés presque par magie et lorsque j'écoute le disque maintenant et que je regarde la pochette, j’en conclus qu’il existe une vraie cohérence, un produit fini.
MK : Et ensuite, on a évidemment dû travailler pour convertir la musique au 'live', définir qui fait quoi sur scène et concevoir un 'show'...

Grâce à votre label, vous allez normalement acquérir un crédit plus important sur le plan international ?

MK : Oui, le label accomplit du très bon boulot. Mais tout dépendra quand même de la réaction du public. On sent qu'il y a un intérêt. On a reçu de belles propositions et elles devraient bien se développer au cours des prochaines semaines…

Pour écouter la plage titulaire de « V.O.I.D. », c’est ici  

Pour acheter le nouvel album, c’est .

Pour écouter la version audio de l'interview, rendez-vous sur la page mixcloud de l'émission WAVES: ici en français et ici en anglais. 

Gary Numan

Le riff d’“Are Friends electric” est un accident...

Pionnier de la new-wave/synthpop, qui a sévi à la fin des années 70, Gary Numan a rencontré un succès phénoménal jusqu'au milieu des années '80. Après une traversée du désert, le Londonien est revenu dans le parcours, début du nouveau millénaire, en proposant une musique plus punchy, proche de Nine Inch Nails. En marge de son concert, il nous a accordé une interview, dans les locaux du Trix, à Anvers. L’occasion d’évoquer son nouvel album, ses influences, Trent Reznor, John Foxx et le riff principal d’« Are Friends Electric ? »...

Ton nouvel album, « Savage (Songs from a Broken World) », cartonne il me semble ?

Oui ! Quand il est sorti, il a atteint la seconde place dans les charts britanniques ; ce qui, pour moi, a été une énorme surprise. C'était la première fois que j'étais aussi haut sur les charts depuis... longtemps (rires). En fait depuis 1980.

Pourquoi n'a-t-il pas atteint la première place?

A cause des Foo Fighters...

Ça aurait pu être pire (rires)

Mais il restera un grand moment, un jalon très important dans ma carrière.

« Splinter », ton précédent long format, parlait d'un ‘esprit brisé’ et « Savage » d'un ‘monde brisé’. Existe-t-il un lien entre les deux thèmes ?

Pas vraiment. Quand j'ai réalisé « Splinter », je venais d’émerger d'une profonde dépression qui a duré trois ans. Je disposais donc de beaucoup de matière, suite à ce que je venais de vivre. C'était agréable d'être de retour et d'avoir quelque chose d'important à écrire. Pour « Savage », c'était différent. Pas de problème, tout allait bien, ma famille était heureuse, « Splinter » avait eu pas mal de succès, je venais de déménager en Amérique...

Dans un château... (rires)

Oui, un petit château. Donc, au début, j'ai eu du mal à exprimer une émotion forte. Donc, j'ai emprunté quelques idées à un livre que je rédige depuis longtemps. Il parle d'un monde futur dévasté par le réchauffement climatique. Et au moment où je commençais à me concentrer sur ce sujet, Donald Trump est arrivé au pouvoir et a commencé à propager toutes ces déclarations débiles. C'était comme si tout ce qui avait été fait de bien pendant un certain temps en termes de conscience allait être mis à mal à cause de cet homme puissant mais carrément stupide. Ce qui m'a donné envie d'en parler dans mes chansons. Quant au titre, « Savage (Songs from a Broken World) », il m'a été soufflé par une de mes filles, Persia...

Persia, c'est elle qui chante sur ton album?

Oui. Quand je lui ai raconté que « Savage » traitait d'un monde futur dévasté, elle a suggéré le titre « Songs from a Broken World » pour opérer le lien avec « Splinter ». Mais il n'y en a aucun entre le contenu et les paroles des deux disques... (rires)

Lors de différentes interviews, tu as avoué que musicalement, tes dernières productions étaient influencées par Nine Inch Nails. Y compris le dernier LP?

Cette fois-ci, pas tellement. Je pense que je me suis un peu lassé du style 'power electronic'.  Pour « Savage », j’ai emprunté un autre chemin.

Quelle est ta chanson préférée de Nine Inch Nails ?

Difficile de se prononcer, mais c’est probablement « Closer ». La liste est longue. « The Wretched » est aussi une de mes chansons favorites. « Head Like A Hole » a le meilleur refrain qui ait jamais été écrit.

Et ne penses-tu pas qu'il existe une chaîne d'inspiration entre toi et Trent Reznor ? Il a avoué avoir été influencé par toi et, plus tard, c’est l’inverse qui s’est produit.

J'aime beaucoup Trent. Surtout que nous sommes devenus voisins à L.A. Nous étions amis auparavant mais aujourd’hui, c'est encore plus facile, vu cette proximité. C'est principalement grâce aux enfants. Quand un de leurs enfants fête son anniversaire, Mariqueen et Trent organisent toujours une fête et nous invitent...

Ne penses-tu pas qu'il existe aussi une autre chaîne d'inspiration entre John Foxx et toi? Tu as déclaré à plusieurs reprises que John Foxx et Ultravox t'avaient influencé au début et tu as probablement influé à ton tour sur la musique de John Foxx, quand il a enregistré « Underpass », en solo.

Les influences vont bien au-delà de la musique. Les éléments musicaux que tu entends et qui t’imprègnent ne sont qu'une infime partie de tout ce qui t’influence comme artiste. Ca peut être un livre, une émission de télévision, une photo, une conversation. Ce sont des étincelles et elles enflamment ta propre imagination. Parfois, il est difficile de dire d'où l'inspiration vient. Dans ce milieu, tout le monde connaît ce phénomène. Trent également, et je suis sûr que John Foxx aussi. Nous sommes comme des éponges. Nous absorbons tout ce qui nous entoure en permanence.

C'est comme si tu digérais des informations afin de produire quelque chose de nouveau?

Oui. Trent, j'en suis sûr, est toujours attentif à ce qu'il entend ou plus généralement, à ce qu'il perçoit du monde extérieur. Il emmagasine une énorme quantité d'informations créatives et il les traite pour en restituer quelque chose de personnel. Parfois, tu entends un air que tu apprécies, puis tu l'oublies et un an plus tard, il réapparaît dans ton travail et tu imagines que c'est ta propre idée. C'est effrayant. Il y a longtemps, j’avais composé une chanson que j’aimais beaucoup. Puis ma femme est entrée dans le studio et s’est exclamée : 'C'est Siouxsie et les Banshees! ' Sans le savoir, j'étais occupé de réécrire une composition de Siouxsie! (rires)

C'est ce qui rend les cas de plagiat si compliqués.

J'ai eu un cas de plagiat très tôt dans ma carrière, en 1978 ou 1979. Ma maison d'édition a remarqué qu'un artiste m'avait copié. Mais l'autre partie a fait des recherches. Des experts ont retracé le parcours de la musique, ma musique, jusqu'au 14ème siècle, pour remonter jusqu’à celle que les moines avaient l'habitude de chanter (rires) ! Donc, on pense être l’auteur de compos originales, mais en fait ce n'est pas le cas.

Sans oublier que toutes les idées flottent au-dessus de nos têtes...

Ma théorie est que quand on est enfant, on apprend la musique, les accords, les mélodies, etc. en les écoutant, donc quand, plus tard, on commence à écrire ses propres chansons, on ne peut honnêtement affirmer qu’elles soient originales. On a été influencé depuis sa naissance. L'originalité est un mensonge, vraiment. C'est toujours une variation de ce qu’on a déjà entendu, à laquelle on a ajouté sa touche personnelle.

Si on prend comme exemple « Are Friends Electric ? », te souviens-tu du moment où tu l'as composée et comment l'étincelle s’est produite ?

Je me rappelle que je bossais sur deux morceaux en même temps. Mais je ne parvenais pas à les finaliser. Un jour, après avoir attaqué cla première, je me suis senti frustré de ne pas pouvoir la parachever et je suis passé directement à la scocnde  et je me suis rendu compte qu’elles pouvaient être complémentaires, moyennant quelques adaptations. Plus tard, alors que j’exécutais la partie instrumentale, je me suis trompé. Deux notes de la mélodie sonnaient plus fort que le reste. J'ai trouvé que le résultat est bien meilleur comme ça. Donc, en fait, ce riff a été élaboré par accident, parce que je joue très mal... (rires)

Et tu as puisé une inspiration pour les paroles dans le roman de Philip K. Dick, « Do Androids Dream of Electric Sheep ? » de Philip K. Dick…

Partiellement dans le livre de Philip K. Dick et en partie dans une série d'histoires de science-fiction que j'étais en train d'écrire. Et le nom de mon groupe, Tubeway Army, a été choisi en référence à un gang de Londres, qui agressait les usagers dans le métro. Mon livre parle du futur de notre civilisation. Le gouvernement a donné le pouvoir à un énorme ordinateur pour tout gérer. La machine se rend compte que ce qui rend la civilisation ‘non civilisée’, c'est l'espèce humaine. Alors, l'ordinateur commence à se débarrasser des individus, de manière sournoise, subrepticement. Des tests sont organisés pour évaluer leur intelligence et ceux qui échouent sont prétendument envoyés dans un centre de formation, mais ne reviennent jamais. Ensuite, certaines personnes réalisent ce qui se passe et vont se cacher dans un 'underground'. C'est une belle histoire mais je ne l'ai jamais achevée. Aussi, je l'ai transformée en album et je suis devenu célèbre... (rires).

Quand on regarde les expériences en cours opérées dans le domaine de l'intelligence artificielle, ça se passe parfois comme dans ton histoire : les I.A. annoncent vouloir se débarrasser de l'humanité...

Oui ... Nous sommes le problème, nous sommes le virus... (rires)

J'ai toujours pensé que si l'humanité était à 100% originaire de la terre, elle ne détruirait pas sa propre planète...

Oui, nous sommes comme des organismes étrangers, extra-terrestres...

Si tu devais choisir ta chanson préférée dans ta discographie des années 1979-1985, que choisirais-tu?

A l’exception des hits, les deux morceaux que je joue encore aujourd'hui, « Down In The Park » et « Metal ».

« Down in The Park » a souvent été repris.

Oui, entre autres, par Marilyn Manson. Les Foo Fighters aussi. Ils sont partout! (rires)

Et ta chanson préférée la plus récente ?

« Prayer for the Unborn », une plage de l’album « Pure ». Notre couple a perdu un bébé ; cette chanson a donc une signification particulière... Et sur « Savage », je choisirais « Ghost Nation »...

Pour commander « Savage (Songs from a Broken World) », c’est ici.

Photo par Phil Blackmarquis

Tristesse Contemporaine

L’art de mélanger les genres…

Ils vivent tous trois à Paris mais sont issus d'horizons différents. Leo Hellden (déjà aperçu chez Aswefall) est suédois d'origine, Narumi vient du Pays du Soleil Levant et Maik (ex-Earthling), de Jamaïque, après un crochet par Londres. Leur rencontre a accouché d’un trio unique de musiciens éclectiques, qui font éclater les limites fictives entre les genres musicaux. Ils mélangent ainsi post-punk, minimal synth, kraut, house et même rap au sein d’un cocktail véritablement singulier. Remarqué en 2012 par Karl Lagerfeld, qui les avait programmés lors du défilé ‘Chanel Printemps/Eté’, le groupe a depuis tracé un profond sillon dans le paysage de la musique alternative, signant trois albums et trois Eps remarquables. Musiczine les a rencontrés en marge du concert accordé à l'Atelier 210, à Bruxelles, aux côtés de Vox Low et Radar Men From The Moon, une soirée mise en place par Goûte mes Disques et Les Actionnaires.

Parlons tout d'abord de ce patronyme : Tristesse Contemporaine. Il s’inspire d'un bouquin, si je ne m'abuse ?

Leo : Oui, écrit par un historien de l'art, un Belge, justement, Hippolyte Fierens-Gevaert, un livre publié en 1899. Il s'intitule ‘Tristesse Contemporaine, un essai consacré aux grands courants moraux et intellectuels du XIXe siècle'. Je travaillais dans les ouvrages anciens et l'expression 'tristesse contemporaine' m'a plu.

Votre style musical est unique en son genre. On y décèle, entre autres, une inspiration très orientée 'wave', voire même ‘post punk'. Exact ?

Leo : Beaucoup de gens pensent que nous nous sommes inspirés des noms en langue française des groupes des années '70-'80, comme Cabaret Voltaire ou Trisomie 21...
Narumi : Liaisons Dangereuses...
Maik : Depeche Mode... Tiens, ils ne sont pas de nationalité belge, Depeche Mode ? (rires)
Leo : D'une certaine façon, on avait envie de revivre cette époque des eighties, un âge d'or dans beaucoup de domaines artistiques. Mais l'objectif n'était pas de créer nécessairement de la musique orientée 'wave'.
Narumi : On souhaitait juste opter pour un nom de groupe en français, vu qu'on était tous les trois des expatriés vivant en France.
Leo : Au début, on avait écrit une chanson très 'wave', intitulée « In The Wake », en forme de clin d'oeil à The Wake, une formation de post-punk issue des années quatre-vingt.

Mais le titre de TC le plus emblématique, le plus connu, c'est quand même « I Didn't Know » (en écoute ici) ?

Leo : Oui, c'est celui qui a rencontré le plus de succès.

Où puisiez-vous votre inspiration, à l’origine ?

Narumi : L'album qui nous relie tous les trois, c'est « Seventeen Seconds », de Cure.
Leo : J'ai aussi flashé sur Cocteau Twins, suite à une rencontre avec son guitariste, Robin Guthrie. C'est un peu plus soft, onirique, mais ça me plaît beaucoup.
Narumi : Oui, Cocteau Twins, c'est énorme.
Leo : J'aime surtout les sonorités de guitare. Par exemple, sur notre premier titre, « 51 Ways to Leave Your Lover », en fin de parcours, elles sont très inspirées de Robin Guthrie. A l'époque, j’avais même acheté le même matériel que lui.
Narumi : On est aussi marqués par Can et le krautrock en général. A cause de cet aspect répétitif...
Leo : Hypnotique…
Narumi : On aime aussi le krautrock électronique, comme, par exemple, celui de Cluster.

En outre, dans votre musique, il existe un élément 'dance', 'groovy', un côté syncopé qui rend les chansons irrésistiblement dansantes...

Maik : Oui, on a un 'shuffle' très post punk, inspiré par Martin Hannet. Et on est très créatifs en matière de sons. On utilise des canettes de bière, même des paquets de chips ! (rires)

C'est une démarche très 'industrial', très berlinoise, abordée un peu dans l’esprit de Einstürzende Neubauten !

Leo : Oui, c'est très 'industriel'. On aime mélanger les genres.

Abordons vos productions récentes. L'année passée, vous avez publié l'album « Stop and Start » et il y a quelques jours, un single « Out of my Dreams » (en écoute ) qui, à mon sens, présage une nouvelle direction ?

Maik : Pour ce morceau, oui mais pour la suite, on ne sait pas. On l'a enregistré assez rapidement, sans réfléchir. Il est plus rap.

Oui, en tout cas dans la partie vocale.

Maik : Toutes nos nouvelles compos convergent vers le rap. Mais c'est un rap anglais, très trash, très punk, pas du tout comme le rap américain. On est plus proche de celui pratiqué par Sleaford Mods.

Au niveau de la musique, j'ai décelé dans le ‘track’ un côté années '90, un peu 'acid'...

Leo : Ce titre était un peu une expérimentation. C'est pourquoi on ne peut pas dire que ce soit vraiment une nouvelle orientation pour notre projet. Une de nos influences actuelles est Rage Against The Machine. Je rêve depuis longtemps de réaliser un morceau aussi puissant que « Killing In The Name of ». L'autre option, c'est d'aller vers quelque chose de plus 'freaks', un peu comme Marilyn Manson. L'envie de choquer un peu.

De sortir de sa zone de confort ?

Leo : Oui. De réaliser quelque chose qui dérange un peu.
Maik : Il existe aussi le côté 'emo-rap'. On aime bien flirter un peu avec cette vague qui marche très fort pour l'instant. Le trash et même le mauvais goût...
Narumi : C'est un peu comme dans la mode. Elle peut être 'shocking' et en même temps, très 'classe'.

En conclusion, que recommanderiez-vous comme titres intéressants à (re)découvrir ?

Maik : J'ai récemment entendu un morceau de MorMor intitulé « Heaven's only wishful ». C'est davantage de la pop que de la wave mais j'aime bien ce mélange de genres.
Narumi : Perso, il s’agit d’un titre de Not Waving, avec le featuring de...

... de Marie Davidson ?

Narumi : Oui, c'est ça : « Where are we ».
Leo : De mon côté, je choisis le remix que nous avons réalisé du titre « Piscine Palace » de LuLúxpo. C'est un couple franco-argentin qui vivait en Suisse et s’est aujourd’hui établi en Espagne.

Merci à Tristesse Contemporaine, Atelier 210, Goûte Mes Disques, Les Actionnaires, Corida, WAVES et Radio Vibration.

Wolfgang Flür

Conny Plank, le producteur de Kraftwerk, a été aussi important que George Martin, celui des Beatles…

Wolfgang Flür est un des membres légendaires de Kraftwerk, groupe allemand considéré comme pionnier et créateur de la musique électronique. Flür a été le batteur de la formation emblématique, de 1973 à 1987, soit pendant l'âge d'or des génies teutons.

Avant d'entamer l'interview, une petite piqûre de rappel s'impose. Florian Schneider et Ralf Hütter fondent Kraftwerk (traduction : centrale électrique) en 1969, à Düsseldorf. Entre '71 et '73, ils gravent « Kraftwerk », « Kraftwerk 2 » et « Ralf und Florian », des elpees qui proposent une musique avant-gardiste, une forme de krautrock classique, organique, alimentée par des batteries, guitares, etc. Ces long playings rencontrent un succès plutôt mitigé. Militant à cette époque au sein du line up, Michael Rother et Klaus Dinger abandonnent le navire et partent créer Neu !, une autre formation importante dans la genèse de la musique wave, mais face punk et post-punk.

En 1973, poussé par leur producteur, Konrad ‘Conny’ Plank, Kraftwerk se concentre sur la musique électronique basée sur les synthétiseurs et enregistre « Autobahn », le premier morceau 100% electro-pop de l'histoire musicale contemporaine. Le single devient un énorme hit aux Etats-Unis et le duo recrute un batteur/percussionniste, Wolfgang Flür. C'est lui qui développe le premier drum-pad électronique, une invention 100% originale. Le trio part ensuite en tournée, aux States.

Grâce à l'argent d'« Autobahn », Kraftwerk monte ensuite son propre studio, le Kling Klang, laisse tomber Conny Plank et enregistre « Radio-activity », un LP et un 45trs qui font un véritable tabac. Ils permettent au groupe d’acquérir une notoriété certaine à travers toute l'Europe, consacrant ainsi le style dark electro-pop qui sera la source de la new wave popularisée par Depeche Mode, Ultravox, Human League, Gary Numan et plus tard également de la house et de la techno.

Le groupe recrute ensuite un 4ème musicien, Karl Bartos, et publie « Trans-Europa Express » en 1977 et « The Man-Machine » en 1978. En 1981, la nouvelle étape passe par « Computerworld ». Issu de cet opus, le simple « Computer Love » entrera dans l'histoire pour deux raisons : d'abord parce que le riff au synthé a été réutilisé par Coldplay dans son hit « Talk ». Ensuite, car la face 'B', « The Model », se transforme en tube, dès 1982. Cinq ans plus tard, lassé par le despotisme de Hütter et Schneider, Flür quitte le groupe après les sessions de l'album « Electro-City ».

L’album suivant, « The Mix », paru en 1991, compile les hits du band remixés dans le style electro-dance de l'époque. Il faut attendre 2003 pour que Kraftwerk sorte un nouvel LP, « Tour de France Soundtracks », une œuvre qui trahit la nouvelle grande passion de Hütter et de Schneider : le cyclisme. Aujourd'hui, Kraftwerk ne compte plus qu'un membre original, Ralph Hütter, et se concentre surtout sur les concerts ainsi que les performances visuelles et artistiques.

Quant à Wolgang Flür, après 10 ans de divorce avec la musique, il a fondé Yamo dans les années '90, un projet solo qui s’appuyait sur ses compositions personnelle et des collaborations musicales. Aujourd'hui, il se produit sous son propre nom et a gravé « Eloquence », en 2015, un disque au cours duquel il en revient aux fondements de l’electronic-pop d’un Kraftwerk mais en l’élargissant à l'EBM, la house ou la techno, suite à différentes coopérations. « I Was A Robot » est même devenu un hit alternatif (NDR : il a également choisi ce titre pour son livre qu’on vous conseille vivement)…

Wolfgang Flür nous a gentiment consacré plus de 30 minutes d’entretien, lors du festival Winterfest, à Gand. Entrons donc dans le vif du sujet… 

Kraftwerk a évolué d’un krautrock acoustique et organique vers un genre 100% électronique qui l'a rendu célèbre. Est-il exact que Conny Plank, le producteur, a joué un rôle majeur dans ce processus ?

C'est exact. Ralph et Florian travaillaient déjà en sa compagnie avant que je ne les rejoigne. Plank était ingénieur du son pour les groupes américains qui venaient se produire en Allemagne pour les forces armées. J'ai eu l'occasion de parler longuement avec lui et sa femme Christa, y compris après l'aventure Kraftwerk et j'ai appris des choses que je ne savais pas parce que Ralf et Florian ne parlaient jamais ni de Conny Plank ni de son influence. En fait, Plank avait construit son studio dans une ferme en pleine campagne, dans les bois, non loin de Düsseldorf, un très bel endroit, et ses premières productions sont celles de Kraftwerk, et tout particulièrement « Autobahn ». C'est à ce moment-là que j'ai intégré le band et développé un drum-pad électronique en utilisant une petite boîte à rythmes, une drum box automatique incluant des presets valse, bossa nova etc. Kraftwerk ne disposait pas de batteur, parce qu’à l'époque les batteurs jouaient trop fort et trop rock ; en outre, Conny Plank voulait absolument éviter ce côté rock made in USA. Les Américains avaient l'habitude de se moquer des Allemands qui utilisaient des instruments rock et dénigraient cette musique en la qualifiant de ‘krautrock’, de rock ‘choucroute’. Donc, Plank prévenait : ‘Ne jouez pas du rock. Vous ne pourrez jamais égaler les Américains dans cet exercice. Faites votre propre truc.’ Il a donc incité Kraftwerk à réaliser « Autobahn », « Morgenspaziergang », etc. Il a aussi plaidé pour le recours au chant, car auparavant, la musique du groupe était uniquement instrumentale. Et il a insisté pour qu’il soit en allemand plutôt qu'en anglais. Quand j'ai rejoint Kraftwerk, mon jeu minimaliste correspondait parfaitement à ce nouveau style. Un an plus tard, Ralph et Florian ont engagé un autre percussionniste, Karl Bartos, ce qui a donné naissance au quatuor Kraftwerk 'classique'.

Conny Plank a-t-il également influencé l’approche mélodique de Kraftwerk ?

Non, pas au niveau des mélodies mais bien des sons. Plank les proposait pour « Autobahn », notamment en se servant du synthé Moog. Ils imitaient les bruits de l'autoroute, comme celle d’un camion qui passe. Il enregistrait tout sur bande et c'était un peu comme du sampling avant la lettre. Ralf et Florian sélectionnaient les sons et les inséraient dans la composition. C'est alors que j'ai compris le rôle de Plank dans la création de ce premier hit. Dans sa maison, Conny Plank possédait plusieurs disques d'or, remportés pour les productions qu'il avait réalisées. Dans l'histoire, il a été aussi important que Georges Martin, le producteur des Beatles.

Pourtant, Kraftwerk n'a pas continué à travailler avec lui après « Autobahn »...

Ralph et Florian se sont séparés de Conny Plank après « Autobahn » et ils n'ont jamais reconnu ouvertement son importance. Pour « Autobahn », qui a décroché un hit aux USA, il a reçu 5 000 DM ; une somme ridicule. Il n'avait pas signé de contrat ; c'était juste un accord tacite. Et sur le disque, ne figure que la mention : 'Enregistré dans le studio de Conny Plank'. Son travail de production n'était même pas reconnu. Ce mauvais traitement a rendu Conny Plank littéralement malade. C'est ainsi que j'ai découvert la véritable personnalité de Ralph et Florian ; ce qui m’a fortement attristé.

Kraftwerk a-t-il été influencé par Tangerine Dream ? On pourrait le penser vu que les deux formations ont commencé à peu près en même temps à se lancer dans la musique électronique.

Non, je ne crois pas. Nous avons assisté au fameux concert de Tangerine Dream, diffusé par la chaîne WDR. Leur musique était très différente. Ce n’était pas de la pop music, mais plutôt des soundscapes, des B.O. pour films. Perso, je préfère la musique pop qui tient compte de la structure classique couplet/refrain.

Pourquoi « The Model » est-il devenu numéro un en Angleterre ?

Le titre est paru originalement en 1978 sur « Man-Machine ». Plus tard, en 1981, pour promouvoir « Computer World », Kraftwerk a publié la plage titulaire en ‘simple’ et la compagnie de disque a ajouté « The Model » en face B, quasi par hasard. Et c'est cette ‘flip side’ qui est devenue un énorme hit en 1982, pour finalement culminer au sommet des charts anglais. Le thème de « Computer World » n'était pas destiné aux masses, « The Model » bien. En gros, les paroles disaient : ‘Elle est mannequin et elle est jolie et je veux l'avoir’. C'était presque de la musique ‘Schlager’ (NDR : un terme qui désigne la musique allemande populaire de variétés).

Par contre, « Radio-activity » a surtout marché en France. Pour quelle raison ?

J'ai une théorie pour ce phénomène : c'est parce que la chanson est très mélancolique. Au début, le thème n'était pas la radioactivité mais bien l'activité à la radio, le fait que la musique de Kraftwerk était largement diffusée sur les ondes, aux Etats-Unis. Même dans les coins les plus reculés, les réserves indiennes, les stations passaient « Autobahn ». La musique de « Radio-activity » était très semblable à la chanson française, celle de Charles Aznavour ou de Gilbert Bécaud, qui se distingue par sa mélancolie romantique. Et dans « Radio-activity », cette mélancolie est créée, entre autres, par le Vako Orchestron. Acheté aux USA, ce synthé fonctionnait à l’aide de disques de cellophane et était capable de reproduire des samples de violons, d'orgues, des choeurs de voix humaines, etc. C'était le successeur du célèbre Mellotron. Le Mellotron utilisait des bandes dont le temps d’action était limité. Le Vako Orchestron, par contre, exécutait les sonorités en loop de façon illimitée. Kraftwerk a exploité cet instrument pour les voix humaines, ce qui a communiqué un ton très mélancolique à « Radio-activity ». En outre, la manière dont Ralph Hütter chantait, sans émotion, comme un robot, accentuait le côté triste de l'ensemble.

Cette mélancolie émane sans doute aussi de la musique classique française : Debussy, Ravel, caractérisés par des harmonies en accords mineurs. 

Bien sûr ! La chanson française aborde souvent des thèmes relatifs aux amours déçus ou perdus. Comme dans la chanson « Nathalie... » de Gilbert Becaud. « Radio-activity » baigne dans ce même climat...

L'interview audio est disponible via le podcast de l'émission WAVES (Radio Vibration) ici. 

Remerciements : Wolfgang Flür, Winterfest Radio Vibration, WAVES & Musiczine.net

Photo: Wolfgang Wiggers

Calexico

L’amour est un fil ténu, mais assez solide pour relier le genre humain…

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Calexico publie son nouvel opus, « The Thread that keeps us », ce 26 janvier 2018. Il s’agit de son neuvième. Le groupe a voulu en revenir à une forme plus expérimentale, moins latino, tout en concentrant ses lyrics sur les problèmes de l’environnement. C’est dans l’air du temps. Mais également soulever la question de la perte de communication entre les êtres humains. Entre autres. Paradoxal, au vu du nombre d’outils technologiques, mis à notre disposition, aujourd’hui. Et bien évidemment, l’occasion était idéale pour discuter du contenu de cet LP. Mais quel bonheur de pouvoir s’entretenir en compagnie de Joey Burns et de John Convertino, tellement leurs conversations sont riches et leurs avis pertinents…

Vous avez enregistré votre dernier album, « The Thread that keeps us », en Californie, au studio ‘Panoramic house’. Mais pourquoi avoir baptisé cet endroit ‘The Phantom ship’ ?

Il ressemble, en quelque sorte, à un vieux rafiot. La coque est constituée de planches délavées et le studio a été construit à l’aide de poutres en bois de charpente. Il y a des hublots comme sur un bateau, à travers lesquels on s’imagine regarder vers l’océan. Il n’y manque que les voiles. Il y a la cave, la cambuse (NDR : le dessous de la ligne de flottaison). C’est là ou se trouve la salle de contrôle. Il y a même un nid-de-pie (NDR : poste de vigie) ; et ce poste d’observation est amusant. En fait, quand on enregistre, on a besoin de s’isoler afin de pouvoir se concentrer. C’est un studio éphémère. Les musiciens bossent sur le pont, où est installé tout comme le matos d’enregistrement. Ce bâtiment est le fruit de la vision d’un mathématicien ; et ce type l’a construit de ses propres mains. Il avait mis beaucoup d’amour pour l’échafauder. Et manifestement, les fondations sont solides, car il a survécu à deux tremblements de terre. Dans la maison, il y avait la photo du gars qui avait construit le bateau. Il est mort. On dirait qu’il hante les lieux. On sentait sa présence pendant les sessions.

Justement, le morceau intitulé « Lost inside », qui finalement n’a pas été repris dans l’opus (NDR : ‘Outtakes lyrics’), évoque une danse avec un fantôme. Il a été écrit dans ce contexte ?

Oui, on y parle de plusieurs revenants. On les a croisés. D’une part, il en existe des personnels et d’autres qui sont impalpables. Ils hantent l’album. C’est comme si on rencontrait le fantôme de son passé. Il pourrait s’agir d’un membre de sa famille. Le souvenir de quelqu’un ou de quelque chose…

Vous avez coproduit l’album en compagnie de Craig Schumacher. Est-il devenu incontournable pour ce job ?

Oui et non. Il est un peu considéré comme un membre de la famille. On l’adore. On se respecte. C’est incroyable ce qu’il a été capable de réaliser au cours de ces dernières années. Aurions-nous pu travailler en compagnie d’autres personnes ? La réponse est oui. Et pourrions nous continuer avec Craig ? La réponse est toujours affirmative…

« Girl in the forest » est une fable qui traite de l’état de notre planète. Et notamment de l’environnement et la déforestation. Elle fait référence à John Muir, un écrivain américain, né en Ecosse. Un des premiers naturalistes modernes, militant en faveur de la protection de la nature. Est-ce un personnage important pour vous ? Et un exemple à suivre ?

Absolument ! Le studio est situé au Nord de San Francisco et de l’autre côté du Golden Gate Bridge. Il existe un sentier baptisé ‘John Muir’ qui sert à la randonnée. On y voit son nom sur un écriteau. Et on l’emprunte pour se rendre au studio. On s’y est souvent baladé et on y a découvert ce qu’il a vu, il y a 100 ans. Quand on entend parler, aujourd’hui, de la réduction de la superficie de parcs naturels pour laisser la place à la prospection de gisements pétroliers, on a une envie urgente de les sauvegarder. Ce sentier est donc devenu un fil conducteur. Car derrière ce sentier, il y a cette réflexion…

Joey, pour ce morceau, tu as écrit les lyrics en compagnie de ta fille, Twyla. C’était la première fois ? Peux-tu en dire davantage ?

On a tous des enfants. Il se pourrait qu’un jour, on ait des petits-enfants. Et donc, il serait important de conserver ce sentier pour cette progéniture. Ce n’est pas si compliqué à réaliser. Il suffit de quelques changements. Et ils se sont produits au cours de l’histoire. Je t’invite à relire ce que John Muir a écrit et tu comprendras… Ma fille, Twyla a un esprit très créatif. Elle est en contact avec ce monde spirituel et elle possède cette imagination que beaucoup d’entre-nous ont perdue. Le plus souvent, c’est elle qui se réveille la première et je l’appelle le petit oiseau du matin (NDR : ‘early bird’). A partir de ce moment, toute la famille se lève aussitôt. Elle chante au saut du lit. De belles chansons qui évoquent chez moi, les choses les plus douces de la vie. Quand on est allé camper, dans le coin, en compagnie de mes filles jumelles, Genevieve et Twyla, elles m’ont dit, papa, ne pourrait-on pas vivre ici. Ce qui m’a brisé le cœur… J’avais la musique et la mélodie, et puis j’ai calé. Twyla s’est alors pointée et suite à nos conversations, j’ai visualisé une scène de protestation contre la déforestation. Et pas seulement pour blâmer ceux qui abattent les arbres, mais ceux qui vont faire main basse sur les richesses du sous-sol. Et je me fais, en quelque sorte, le porte-parole de ce combat… Cette chanson pourrait mettre en scène une fille qui parle aux animaux, mais aussi à la forêt… Twyla a contribué amplement à la création du morceau. Finalement, c’est son thème. Au début, dans le scénario, il existait deux personnages aux backgrounds différents. Dans une ville près de la Californie, sur la côte, le premier vivait dans une maison où on parle espagnol et l’autre, en anglais. Ils se sont associés pour sauver leur ville et se sont rendus dans la forêt (NDR : la Redwood, forêt peuplée de séquoias) à la recherche des secrets de l’univers qui y sont d’ailleurs toujours. Vous savez, cette nature qui a tant à nous apporter et qu’on ne connaît pas encore. C’est l’inspiration qui se trame derrière cette compo…

Joey, quelques titres de l’elpee sont plus psychédéliques. Comme le superbe morceau d’entrée « End of the world with you », dont la mélodie me fait penser à Wilco?

C’est un compliment ! J’adore Wilco. Quand Jeff chante, mais aussi lorsqu’il parle. Vraiment content qu’il soit sur cette planète ! Avant je rêvais de rencontrer les Beatles et maintenant, c’est Jeff Tweedy. Il incarne quelqu’un d’important pour moi. Pavement aussi. J’aime bien le sens de l’humour et sarcastique de Stephen Malkmus. Ses paroles. Ces gars-là sont mes héros. Par exemple, si je devais te présenter ma collection d’albums, je te montrerai ceux des artistes dont je viens de te parler… J’aime quand l’approche musicale est plus expérimentale. J’en ai marre d’entendre constamment les mêmes morceaux de rock ‘classique’. A la maison, des ouvriers bossent sur mon bâtiment et chacun ramène sa ‘boombox’. La plupart sont latinos et on entend toujours les mêmes morceaux hispaniques et atmosphériques. En fait je suis contraint à écouter de la musique que je ne connais pas et qui est plutôt céleste que terrestre…

Un autre personnage, James Turrell, est cité dans « End of the world with you ». Il est responsable des ‘Skyspaces’, expériences qu’il a menées entre lumière et espace. Est-ce un sujet qui vous passionne ?

Il faut toujours avoir conscience qu’on est petit, insignifiant même. La perspective est importante, bien que je n’ai pas lu beaucoup d’ouvrages de ce gars, il faut savoir qu’on est minuscule, mais que la lumière est importante ; car grâce à elle on entre dans un espace temps (NDR : on en revient quelque part, à Pascal…)

Autre morceau inhabituel, « Dead in the water ». Très offensif, frénétique même, et au cours duquel la voix est caverneuse, alors qu’une cloche revient régulièrement dans le parcours…

C’est le thème de l’antagoniste : Dr Evil (NDR : Dr Evil, alias Denfer, est un personnage de fiction joué par Mike Myers, dans une série au cours de laquelle il parodie les méchants dans les films de James Bond). C’est le guitariste qui joue de la cloche… et il en est fier !

« Another space » est également une plage audacieuse. Il y a cet orgue vintage. Ces rythmes hypnotiques qui me rappellent Suicide, et plus exactement le « Jukebox baby » d’Alan Vega ; et à la fin on entend des solos de trompettes jazzyfiants, rappelant Miles Davis. Calexico aborde rarement des titres aussi complexes, non ?

Oui, il y a longtemps. Et c’était amusant de s’y risquer à nouveau. En fait, on ignorait où cette expérience allait nous mener. Quand on a entamé la chanson, elle se limitait à une sèche, les drums et la boîte à rythmes des années 70. Finalement, il faut admettre que le studio est l’endroit où on crée la chanson. Le studio conditionne la chanson. Et la chanson est le produit du studio. On a ajouté du piano, du triangle, puis plein d’autres éléments.

« Shortboard » est un instrumental au cours duquel il ne manque qu’une voix. Celle de Jim Morrison aurait pu coller à ce titre atmosphérique, non ?

Peut-être. Ce qui aurait été marrant. C’est une impro. On pourrait imaginer Jim Morrison dans « The end »… lorsqu’il prononce (d’une voix caverneuse) ‘and he walked down the hall’... C’est une ritournelle, une boucle en quelques mesures…

Sur « Under the wheels » vous avez utilisé une boîte à rythmes et un peu d’électro. Il est dansant, amusant, et emprunte des rythmes latino, caribéens, et plus exactement jamaïcains. Presque reggae, même !

C’est ce qui arrive quand on fait l’impasse sur la guitare. C’est le claviériste qui a composé la musique (NDR : Sergio Mendoza). Il travaille bizarrement. Il invite des musiciens et enregistre sur un petit quatre pistes. Puis il part en forêt et médite sur le son. Et vraiment, sa démarche est à la fois intéressante et originale. Dans le passé, il avait déjà réalisé l’une ou l’autre démo. Et bien sûr, il me les propose. Ici, il s’agit d’une autre qu’on avait un peu abandonnée. Il se l’est réappropriée et c’est le morceau dont tu parles. Le thème ? Au cours des 15 dernières années, on a dépensé des milliards de dollars dans les guerres et il en est résulté des pertes incroyables en vies humaines et des divisions dans le monde. Cette chanson est une réponse à ces événements. Le sentiment, c’est qu’aujourd’hui, les gens se baladent en regardant le sol. Il se suffisent à eux-mêmes et ne vont pas l’un vers l’autre. Où est cette capacité à communiquer ? On en vient à se demander de quoi on va parler tellement, tellement il y a des sujets à aborder. Où est cette capacité d’écoute ? Ce terreau commun ?

« Flores y Tamales » devrait figurer dans la setlist de vos futurs concerts, je suppose ? Et y rester régulièrement dans le futur ?

Sans aucun doute. C’est une bande-son qui a été réalisée pour la sauvegarde des papillons monarques (NDR : ‘monarch butterflies’). Sa population est en diminution à cause de la déforestation. On les croise au Nord du Mexique où ils nichent. Le thème était intéressant. On a engagé un bassiste espagnol. Et c’est lui qui a composé les paroles. En outre, c’est un de mes morceaux préférés…

« Thrown to the wild » invite-t-il l’être humain à préserver les rêves dans une réalité tourmentée ? Mais laisse-t-il un quelconque message d’espoir ?

Même si ce morceau décrit des scènes sombres et délabrées de l’existence, il concerne peut-être une ville, votre ville, dans le monde, en état de transition. En peu de lyrics, il décrit à quel point la situation s’est dégradée. C’est le signal que la limite est dépassée. Il figurait parmi les incontournables du tracklisting. La deuxième partie vire au chaos. C’est noir. Comme une entreprise qui se crashe. C’est la direction prise par notre terre. Au départ, on voulait clôturer le disque par ce titre, mais il était vraiment trop sombre…

Joey, tu as déclaré qu’au lieu d’écrire des ‘protest songs’, tu préférais propager tes messages en racontant des histoires. Es-tu plus romancier qu’écrivain ?

C’est quelque part entre les deux. Je suis un ‘novellist’ (NDR : un auteur de nouvelles, dans le contexte des short stories, spécifiques aux Américains). Quand une chanson ne dure que 3’, les instruments jouent un rôle important. Il ne reste alors de la place que pour une histoire brève. Par contre, lorsqu’il n’y a pas trop de passages instrumentaux, j’ai tendance à écrire en vers…

Enfin, « The Thread that keeps us », quel est ce fil, finalement?

C’est la question ! Quand on examine cette réflexion, on pense à l’amour. Parce qu’il n’existe rien d’autre qui soit aussi puissant. Il y a bien cette image de fil. Il est ténu, mais assez solide pour nous relier…

Merci à Vincent Devos.

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