Les textes candides mais positifs de Sea Girls…

Ce quatuor londonien –composé de Henry Camamile (chant, guitare), Rory Young (guitare), Andrew Dawson (basse) et Oli Khan (batterie)– s'impose par sa franchise rafraîchissante, ses mélodies accrocheuses et des paroles candides et positives. En outre, Sea…

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Pornographie Exclusive

Trouver la lumière dans les ténèbres…

Vous le savez : dans votre webzine favori, nous traquons sans relâche les nouveaux projets prometteurs avant qu'ils n'explosent. Musiczine a été parmi les premiers à vous parler de Whispering Sons et d'Eosine, pour ne citer que ces deux exemples. Eh bien, aujourd'hui, nous vous présentons une nouvelle pépite : Pornographie Exclusive. Ce projet est un duo, un couple aussi bien sur scène que dans la vie, composé de Séverine Cayron et Jérôme Vandewattyne. Sa musique fait voler en éclats les frontières entre les genres musicaux, en concoctant un mélange alchimique d'influences cold-wave, goth-rock, psyché, darkwave, shoegaze, krautrock, techno et indus, le tout sublimé par une dimension cinématographique. Les deux artistes sont également actifs dans le septième art : Séverine en tant qu'actrice et Jérôme, comme réalisateur (notamment, du film ‘The Belgian Wave’). Et, cerise sur le gâteau, Séverine joue merveilleusement du violoncelle, instillant aux concerts un souffle décidément épique, comme nous avons pu le constater 'de visu', au Café Central, il y a quelques mois. PE est, sans nul doute, l'une des grandes révélations de ces derniers mois en Belgique ; et 2025 sera l'année de son explosion sur la scène internationale. Musiczine a rencontré les deux musiciens, accompagnés par Yannick Franck, du label Antibody, qui produit le premier elpee, éponyme, du duo. L'interview a été organisée par l'émission de radio WAVES.

Merci de nous accorder cette interview ! Ma première question sera très simple. Pourquoi ce patronyme, ‘Pornographie Exclusive’ ?

Jérôme : D'abord parce que ce sont des mots antinomiques. Ils représentent bien la dualité de notre condition humaine. En plus, ça sonne très ‘cold wave’.

Oui : un nom commun plus un adjectif, c'est directement cold wave.

Séverine : Voilà. Ce sont deux mots qui sont sortis de façon un peu aléatoire. On aime bien la langue française, la sonorité des mots, même si on ne chante pas beaucoup en français. On a un faible pour les associations comme ça. On s'est dit : ‘Tiens, ça sonne bien ; c'est très fort.’

C'est presque un oxymore.

Séverine : Exactement. Et ce qui nous amuse, c'est de voir la réaction des gens alors que ce ne sont que des mots, des sonorités.
Jérôme : Les générations plus anciennes vont considérer 'pornographie' comme choquant, alors que pour les plus jeunes, ce sera plutôt...

Le terme 'exclusif', par opposition à 'inclusif' ?

Séverine : Oui, alors qu'on n'exclut personne.

J'avais ressenti le nom comme simplement une expression de votre duo : 'exclusif' vu que vous n'êtes que deux et 'pornographie' dans le sens où vous allez au bout des choses, sans limites.

Jérôme : C'est ça ! On est vraiment nus, l'un en face de l'autre et on ose tout. On est dans notre bulle et, comme tu dis, il n'y a aucune limite.
Séverine : Et en effet, on ne se cantonne pas à un style. On est extrêmement ouverts.

Dans un morceau comme “Cracks”, il y a un côté cold wave, même carrément gothic rock, et aussi un aspect shoegaze. En outre, on identifie une dimension cinématographique. C'est un mélange de dingue, en fait !

Jérôme : Oui, mais ce n'est pas calculé. On part d'une ligne de basse, puis on ajoute une suite d'accords et une envie de texte.
Séverine : Ce qui correspond aussi à un moment particulièrement intense de notre vie, lors d'un voyage à Berlin.

J'ai cru comprendre que l'album avait été composé dans des chambres d'hôtels ?

Séverine : C'est exact. C'était pendant le confinement. On ne pouvait pas sortir ; donc, à Berlin, on est restés confinés. Et comme on se déplace toujours avec notre mini-studio portatif, on a composé et enregistré le morceau dans la chambre de l'hôtel. 

Et c’est le sujet des textes ?

Jérôme : Non, les paroles parlent de la manière dont un être peut être toxique dans une relation ou même avec lui-même. La toxicité ne va pas que dans un sens. On parle toujours des pervers narcissiques, mais, en fait, la toxicité est quelque chose qu'on construit ensemble. Les textes traitent des fissures qui peuvent contaminer l'autre.

Je comprends bien ce point de vue. En fait, suivant l’adage : 'It takes two to tango'. Il faut être deux pour danser le tango. Et la fissure est l'endroit qui laisse passer la lumière...

Jérôme : Mais c'est exactement ça ! Notre projet, c'est précisément de trouver la lumière dans les ténèbres.

C'est le principe de l'alchimie...

Jérôme : Précisément.

J'ai aussi eu un énorme coup de cœur pour le morceau 'Kosmische Liebhaber', 'cosmic lovers' ! Comment est née cette compo et pourquoi l'utilisation de la langue de Goethe ? 

Séverine : On essaye toujours de capter un moment pour écrire et composer. Donc là, je voyageais en train pour me rendre en Suisse et c'était un long trajet. Aussi, comme j'étais en Allemagne, dans cet environnement germanique, j'ai eu envie d'écrire ces paroles pour mon amoureux en allemand. Comme un poème écrit à distance.

Les paroles commencent par ‘Du bist Das Feuer, ich bin der Ozean...’ Et ensuite ?

Séverine : ‘Wir kommen auf die Erde, Um liebe zu verströmenr L'idée, c'est que nous sommes des 'aliens' venus sur terre pour jouir, pour expérimenter la jouissance... C'est un poème sur le pouvoir de l'amour. A ce moment-là, à cause de la crise sanitaire, on avait vraiment l'impression d’appartenir à un autre monde. On se voyait comme deux amants qui viennent d'une autre planète et arrivent sur terre pour apporter de belles choses.
Jérôme : Et c'est ce morceau qui a inspiré le film devant lequel on joue maintenant lors de nos ciné-concerts.

Oui, c'est le long métrage ‘One-Way Ticket to the Other Side’...

Jérôme : Tout à fait ! Et le fil rouge des séquences du film, qui ont été tournées par différents réalisateurs, est représenté par deux personnages, des êtres intemporels qui traversent un monde apocalyptique.
Séverine : Ce sont un peu nos 'alter egos', qui portent des masques de vieillards. On ne sait pas qui ils sont vraiment. Tout est un peu dans un flou artistique. 

Précisons pour les lecteurs que chaque séquence du film correspond à une chanson et que les réalisateurs ne disposaient' que de 100 € de budget par clip.

Séverine : Oui, enfin, en théorie... 

Et ce concept, très intéressant, de jouer devant un écran, en formule ciné-concert, c'est une de vos trouvailles ?

Yannick : L'idée du ciné-concert n'est pas nouvelle. Mais l’originalité de celui-ci, c'est que le film ne préexiste pas, il n’appartient pas au patrimoine. Tout a été commandité et supervisé par le groupe. C'est une démarche tout à fait singulière mais qui lui correspond bien puisqu'ils sont à la fois dans la musique et le cinéma.
Jérôme : On va présenter ce concept le 8 février prochain à l'Espace Magh, à Bruxelles. (NDR : voir le lien en fin d'article).

Ce sera un événement à ne pas manquer ! Parlons maintenant un peu de votre background. Séverine, tu as commencé par un parcours classique.

Séverine : Totalement classique. Mon père est compositeur de musique néoclassique, contemporaine et ma mère est mélomane. J'ai commencé le violoncelle à huit ans et j'ai découvert énormément d'œuvres, que ce soit en solo ou au sein d'un orchestre. Et puis, j'ai arrêté. J'ai décidé de devenir comédienne. J'ai compris que je ne voulais pas continuer le violoncelle professionnellement. J'avais besoin d'un autre moyen d'expression. Donc, j'ai pris une pause dans ma pratique de cet instrument pour le retrouver, plus tard, comme moyen d'arrangement. Et au sein du duo, j'ai vraiment redécouvert le violoncelle.

Et le chant ? 

Séverine : Dans ma carrière, j’ai toujours chanté. Chez Valkø et auparavant, Auryn. C'était plus dans un style pop-rock. Les deux projets ont reçu pas mal de couverture dans les médias. Mais j'avais envie de quelque chose de plus rock, de plus énergique, de plus dansant.

Et de plus alternatif ?

Séverine : Absolument ! Et au sein de Pornographie Exclusive, j'ai tout cela. Et en plus, je rejoue du violoncelle.

Tu peux donc réconcilier le passé et le présent.

Séverine : Oui, et c’est ce qui fait notre différence.

L'idée de ne pas choisir l'un ou l'autre. De mettre tout sur la table et de tout mélanger.

Séverine : C'est venu petit à petit. Par exemple, dans la première version de “Icon”, il n'y avait pas de violoncelle. C'est en répétant, alors que le track était déjà mixé, qu'on a fait évoluer le morceau. D'abord, grâce à un riff de basse de Jérôme et ensuite, j'ai eu l'idée du passage au violoncelle. Et on en a conclu : ‘Mais il est là, le morceau !’

C'est vrai que la compo prend carrément une tout autre dimension à partir de deux minutes.

Séverine : D'habitude, on évite de remanier les morceaux, sinon, on ne sortirait jamais d'album. Mais dans ce cas-ci, on s'est dit qu'il fallait vraiment le retravailler.

Et en live, ce morceau déchire. Au Café Central, en mai dernier, c'était énorme.

Séverine : C'était épique, on va dire... (rires)
Yannick : Ce morceau a mis le feu ! Il y a une envolée lyrique, un souffle puissant.
Jérôme : D'où l'importance d’interpréter les compositions en 'live' avant de les bétonner définitivement.

Pour leur donner l'occasion de se développer ?

Jérôme : Lors du ciné-concert, on a un titre, “From Bridges View”, qui ne figure pas sur l'album. Et il a aussi beaucoup évolué. Au départ, il s’agissait d’une improvisation pour un interlude. Et un jour, alors qu'on tournait pour le film, du côté de Doel, en pleine nuit, un gang est arrivé, et ces types ont commencé à tout péter autour de nous. Après un certain temps, on a préféré partir. Mais plus tard, en regardant les images, on s'est dit qu'on avait filmé un vrai moment de cinéma, de façon imprévue. Conséquence, on a réécrit un dialogue et cet épisode nous a inspiré d'autres idées musicales. Sur cette base, on est reparti tourner d'autres séquences. Finalement, on a obtenu un moment audio-visuel magique.

Et ces morceaux-là, qui ne sont pas sur l'elpee, vous allez les sortir ?

Séverine : Oui ! On en a quatre qui sont déjà mixés. Ce sera un Ep bonus de “One Way Ticket...”

Cool. Grâce à ce film et à ce concept de ciné-concert, vous avez été sélectionnés pour des festivals, notamment en Allemagne, et à Montréal.

Jérôme : En fait, le film est une création en partenariat avec le festival d'Oldenburg organisé par Torsten Neumann et sa femme Deborah Kara Unger, l'actrice de ‘Crash’ de Cronenberg, et de ‘The Game’, de David Fincher. Ils nous ont donné carte blanche. On a donc travaillé en compagnie des réalisateurs liés à ce festival, certains qu'on connaissait, d'autres moins voire, pas du tout. L'idée était de réaliser ce projet en commun et on l'a mené à bien en quatre mois. Notre album constituait la base et ils ont tourné leurs séquences vidéo en s'inspirant de notre musique. 

Et comment avez-vous fait pour coordonner le tout ? Vous avez fourni un cahier des charges ?

Séverine : Non. Le lien est établi par nos deux personnages, les Cosmic Lovers. Jérôme a conçu tous les interludes entre les chansons. Ils présentent deux personnages masqués, qui sont dans une sorte de 'road trip'. Chaque morceau et chaque petit film propose un monde différent. Ce sont les interludes qui constituent le ciment du film et assurent la cohérence de l'ensemble.

Jérôme : C'est vraiment une expérience à vivre en 'live'. Justement, le public aura l’opportunité de découvrir le spectacle le 9 février prochain à 19h30, à l'espace Magh, à Bruxelles. A une certaine époque, à cet endroit, il y avait une boîte de nuit : le ‘Who's Who's Land’.
Séverine : A côté du Manneken-Pis.
Jérôme : C'est dans le cadre du festival 'Court Mais Trash', dont on assure le final. On combinera donc le 'release' de notre album via Antibody avec la première belge de notre spectacle et la clôture du festival.

Maintenant, on va parler de ton background, Jérôme. Ta famille était également très branchée musique, si je ne m’abuse.

Jérôme : Oui. Mon père était DJ amateur. Il passait tous ses week-ends à animer des soirées, principalement à l'Os à Moelle, à Schaerbeek.

Tiens ! Je participe régulièrement à des quiz musicaux dans ce cabaret.

Jérôme : J'ai grandi là-bas. C'est le plus vieux cabaret de Bruxelles. Il avait été créé par Jo Dekmine, du Théâtre 140. Les week-ends, on y passait beaucoup de temps, mon frère et moi. On a créé plusieurs groupes jusqu'à ce qu'on ait le nôtre, VHS from Space. J'ai commencé le solfège à cinq ans, mais j'ai très vite arrêté, car je n'aimais pas le côté académique… rigide. Au départ, je jouais du piano. Mais à douze ans, j'ai eu envie de me consacrer à la guitare électrique, pour jouer du rock'n'roll ou du punk. Ce qui est marrant, c'est qu'aujourd'hui, Séverine me ramène un peu vers la musique classique...

Vous vous êtes fertilisés l'un l'autre...

Jérôme : Oui, on s'est contaminés. Et pour un bien !  

Dans l'autre sens, Séverine, tu as découvert la musique plus 'dark' grâce à Jérôme.

Séverine : On partageait déjà des références. Surtout la BO de 'Lost Highway' de David Lynch. On avait été touchés par la musique, plus que par l'histoire. Ce sera le début de notre intersection musicale. Mais je connaissais quand même déjà des choses plus 'hard' comme Mr Bungle, Fantômas et des groupes comme Cure, les Pixies...

L'album Pornography” de The Cure, sans doute ? Ce n'est pas un hasard, ce mot 'pornographie' ? On suppose qu’il existe une filiation...

Jérôme : Oui, c'est quelque part grâce à l'album de The Cure qu'on a osé insérer le mot 'pornographie' dans notre nom. Mais ce n'était pas un hommage à ce groupe, qu'on aime beaucoup par ailleurs.

Le son de Pornography” est juste énorme. En imaginant un son pareil pour votre musique, ce serait encore plus impressionnant.

Séverine : Oui, on peut imaginer le résultat ! Nous, évidemment, on est totalement en autoproduction. Et puis, j’ai pu concrétiser un rêve, celui de produire un album. J'adore le côté geek / ordinateur / plug-ins, etc.

C'est étonnant. On s'imagine toujours que c'est l'homme qui incarne le geek du groupe.

Jérôme : Dans PE, c'est elle, la 'geekette'... (rires)

Voilà, le néologisme est déposé...

Séverine : Oui, dans notre cas, c'est vraiment mon truc, quoi. C'est mon dada ; je peux vraiment passer des heures à bidouiller...

Donc, vous n'êtes pas allés dans un vrai studio ?

Séverine : Si, pour le mixage. 

Mais vous n'avez pas réenregistré les tracks en studio ?

Séverine : Simplement les cordes pour “Invitation to a Suicide”.
Jérôme : Tout a été entièrement enregistré dans des chambres d'hôtel. Ce qui explique pourquoi c'est de l'électro-rock. Il aurait été impossible d'enregistrer une batterie dans une chambre d'hôtel.
Séverine : Tout est réalisé à l’aide de plug-ins, y compris les amplis, les batteries, et évidemment les synthés.

Justement, au début de Invitation To A Suicide”, une reprise de John Zorn, il y a des plug-ins synthés de dingue ! Ils me font penser à Tangerine Dream, à Popol Vuh... Il y a même des sons de mellotron.

Yannick : C'est très rare, de rencontrer un groupe à l’identité très 'wave' et qui, dans le même temps, est ouvert à une forme de psychédélisme et au côté répétitif du krautrock.
Jérôme : Tu cites Popol Vuh, et bien justement, certains de leurs morceaux ont été repris par Werner Herzog dans ses films. Ce genre de musique confère un élément, une atmosphère 100% cinématographique. C'est à nouveau un signe que l'on refuse les étiquettes. On a juste envie de voyager, de créer des sensations.
Yannick : C'est comme Tangerine Dream, dont la musique figure dans le film “Sorcerer” de Friedkin.
Jérôme : Tout à fait ! L'idée, c'est de ne pas imposer de limites. Et donc, par rapport à mon parcours, à côté de la musique, je fais également du cinéma. Et Séverine est comédienne. Donc, on transite toujours de l'un à l'autre. Le cinéma inspire notre musique et la musique reflète un côté cinématographique.

Pour les lecteurs, on précise que tu as réalisé ‘The Belgian Wave’, dont Yannick a créé la musique. Un long métrage qui a fait grand bruit au cours des derniers mois.

Jérôme : Il a été programmé au cinéma ‘Aventure’, à Bruxelles et, vu le succès, il a été 'prolongé' un nombre incalculable de fois.
Séverine : Si on n’avait pas dit 'stop', il aurait été programmé à l'infini (rires) !
Jérôme : Et juste avant, j'avais réalisé ‘Spit'n'split’, un film qui suivait la tournée de The Experimental Tropic Blues Band.
Yannick : À voir absolument. J'avais invité Jérôme dans l'école où je donne des cours, à l'ESRA à Bruxelles et les étudiants m'en parlent encore aujourd'hui. L'approche de Jérôme les a inspirés. On croit toujours qu'il faut des moyens énormes pour tourner des films. En fait, tu prends un vieux caméscope et tu filmes dans la rue, tout simplement, et tu testes un peu ton rapport au monde. Tu te confrontes à l'acte cinématographique et on voit très vite ce que tu as dans le ventre. On n'a pas besoin d'une tonne de matos, de 'steady-cam', de travellings. Il suffit d’adopter la méthode de Jérôme : réaliser un film à l'aide d'un appareil photo cassé.
Séverine : Et un objectif de caméra de surveillance...

A propos, le groupe existe encore ?

Séverine : Oui ! Il va sortir un nouvel album. On travaille un peu comme eux. On a aussi cette envie de DIY (Do it yourself) ... Être mobiles et surtout libres !
Jérôme : Faire les choses passionnément, sans avoir quelqu'un au-dessus de toi pour te donner des directives. Comme l'a dit Yannick : c'est là où on voit ce que tu as dans les tripes. C’est pourquoi j'adore les premiers films des réalisateurs. Quand ils sont débutants, ces films sont plus touchants et plus profonds. Par la suite, ils deviennent plus formatés. Par exemple, je joue sur une basse à 60€. Une basse chinoise.

Et pourtant, elle sonne super bien !

Jérôme : Le son, c'est surtout dans les doigts...
Séverine : Et dans l'intention. En ce qui concerne mon violoncelle, c'est différent. Pour qu'un violoncelle sonne, il doit être bon. Le mien, ça fait plus de 20 ans que je l'ai. On ne peut pas tricher. Il faut de la bonne qualité sinon ça sonne comme une casserole... On a également une bonne carte son. Les préamps sont bons. C'est une petite interface RME, mais elle donne de très bons résultats. On a enfin un micro-chant qui n'est pas cher, mais d'un niveau assez élevé : un Audio-Technica AT 2035. C'est un micro que Billie Eilish utilisait lors de ses premiers enregistrements, donc...
Jérôme : Il coûte environ 180 €, ce qui est très abordable. En blind test, il est comparable à un Neumann U87 à plus de 2 000 boules.
Séverine : Voilà, donc, en termes de qualité-prix, on a quand même du bon matos. Et puis, on a surtout un large spectre de ressources, car si Jérôme maîtrise la guitare, la basse, le chant et les claviers, je joue du violoncelle, du clavier et je chante. C'est une large palette !

Et ta guitare, Jérôme, a un son qui peut se révéler 'métal', un peu 'hard', mais souvent aussi très clean. Dans le genre des Shadows ou de certaines musiques de film. Elle sonne presque comme un glockenspiel.
Jérôme :
Mon éducation y est sans doute pour quelque chose. Mon père jouait dans un groupe de reprises des Shadows...

J'ai tapé dans le mille, apparemment...

Jérôme : Ce qui nous plaisait dans la soundtrack de “Lost Highway”, c'est la diversité. Lynch et Trent Reznor ont prouvé qu'il était possible de créer des BO comprenant aussi bien du Lou Reed ou du Marylin Manson, que du free jazz ou de la musique cubaine. Et je vois une cohérence dans tout cela. On adore écouter énormément de musiques, se nourrir des plus variées. Et après, on assimile le tout pour élaborer notre propre son.

Dans la palette, on a évoqué le côté classique et cold wave, mais il y a aussi la face Nine Inch Nails.

Jérôme : Oui, 'indus'. Trent Reznor est un grand monsieur. Je me réjouis de savoir qu’un gars pareil pouvait décrocher un Oscar pour la meilleure BO. Et tout en restant intègre. Il a même fait du Pixar ! Par exemple, la soundtrack du film ‘Soul’.

Oui ! Ce film est extraordinaire. Un pur chef-d'œuvre !

Yannick : Il y a aussi Lustmord, qui compose également des BO de films hollywoodiens.

J'aimerais qu'on aborde maintenant pour sujet, la reprise, que vous avez réalisée, de “Invitation To A Suicide”, de John Zorn.

Séverine : C'est un morceau tiré de la BO du film qui porte le même nom.

Ce qui m'a frappé, c'est le riff de guitare. Il me rappelle “Tubular Bells”, de Mike Oldfield, dans la BO de ‘L'Exorciste’. Il y a vraiment des dizaines de musiques de films qui sont basées sur...

Séverine : ...sur des ritournelles...
Yannick :  ...et des signatures rythmiques bizarres.
Séverine : On s'est un peu cassé la tête pour concrétiser ce projet.
Jérôme : On avait envie d'être prisonnier d'une mélodie-ritournelle comme celle-là, pour essayer de la comprendre, de la maîtriser, de la dompter. Donc, même quand la signature rythmique change, on essaie de conserver un beat...

Oui, le beat de la boîte à rythmes reste identique et il y a un décalage mais à la fin du cycle, il se récupère.

Jérôme : En effet. La ritournelle possède un côté mécanique et on voulait que les gens puissent continuer à danser dessus, à suivre le beat. C'est ainsi qu'on s'est approprié le titre. Au départ, c'était juste un exercice de style, mais à la fin, on en a conclu que le morceau méritait parfaitement sa place dans l'album. Et puis, Yannick nous a rappelé qu'il fallait qu'on ait l'autorisation pour sortir cette reprise. Et il a réussi à contacter John Zorn...
Yannick : En fait, je connaissais Martin Bisi, qui s'occupe du BC Studio, à New-York. Un studio culte où ont été enregistrés des albums célèbres de Sonic Youth, de Herbie Hancock, comme par exemple, le fameux “Rock It”. Pour la petite anecdote, un jour, je me retrouve dans ce studio, qui est situé dans le quartier Gowanus, à Brooklyn, et je vois des 'reel-to-reels', des bobines, qui trainent par terre dans des caisses. Je demande ce que c'est et on me répond que ce sont des impros de John Zorn. Plus tard, j'ai fait le lien et j'ai donc tout de suite demandé à Martin les coordonnées de John Zorn. Cinq minutes plus tard, il m'envoie l'adresse e-mail privée du réalisateur, lequel a répondu très vite à mon message, en écrivant : ‘Votre reprise est très belle, vous avez ma bénédiction. Envoyez-moi des exemplaires du disque quand il sort...’
Séverine :
C'était énorme de recevoir sa bénédiction.
Yannick : Séverine et Jérôme peuvent être fiers d'avoir été adoubés de cette manière par le Maître. Parce qu'il doit en recevoir beaucoup, des demandes de ce genre. Et c'est d'autant plus remarquable, que la composition originale a quand même été profondément retravaillée, dans un style plus alternatif.
Séverine : Si on avait juste reçu son accord, sans jugement positif sur le morceau, on aurait déjà été contents. Mais là, on ne s'attendait vraiment pas à un retour aussi chaleureux.
Yannick : C'est allé très vite et c'était très enthousiaste.
Séverine : On avait un peu peur parce qu'on avait quand même adopté un son très techno-psyché, basé sur un gros beat et des grosses montées de synthés.
Jérôme : Mais, vers la fin, les violoncelles reviennent et apportent une certaine douceur. Et puis, de toute façon, n'oublions pas que John Zorn, c'est aussi “Funny Games”. Il est aussi lié à Mike Patton, de Faith No More. Il représente une forme de liberté musicale qui nous correspond bien. Donc, nous semblait logique d’inclure la reprise sur l'album. Tout en démontrant aussi qu'on n'est pas seulement dans la cold wave...

L'opus est très varié ! On peut aussi épingler “Electric Blue” et le morceau chanté en français...

Séverine : “Pire que la Douleur”...
Yannick : C'est pour cette raison qu’il est sur Antibody. Ce n'est pas un label orthodoxe. Quand on sort de la cold wave, c'est de la cold wave produite par un Libanais ou un Marocain, des mélodies levantines et un mix de beaucoup d'influences. Ce n'est pas un label de puriste, au contraire. Donc, j'ai une certaine fierté de sortir l'album de PE. Comme on est amis, on s'est posé la question de savoir si c'était le bon choix. Et finalement, il s'avère que c'est le bon endroit, précisément parce que le projet est inclassable et dispose d'une véritable singularité. En parfaite adéquation avec leur nature en tant qu'êtres humains et qu'artistes.
Jérôme : Et c'est la même chose pour nous, dans l'autre sens. Il était judicieux de le sortir sur le label de Yannick et on est vraiment très fiers. Ça symbolise vraiment beaucoup pour nous.

D'autant plus que vous partagez aussi la passion du cinéma.

Jérôme : Tu sais, nous, on était prêts à le sortir seul, en mode indé et puis on l'a envoyé à Yannick et c'est tombé dans les oubliettes.
Séverine : Pendant un mois ou deux, pas de nouvelles... (rires)
Yannick : Je procède toujours de cette manière…
Jérôme : Vu qu'on est amis, on n'osait pas le relancer, en se disant que peut-être, il était gêné de nous avouer qu'il n'aimait pas. Et puis, mon téléphone a sonné. Il a déclaré : ‘Mais c'est incroyable ! Vous ne voulez pas le sortir sur Antibody ?’ On en a conclu que l’idée était géniale ! Et voilà, maintenant, on a ce côté 'team' et c'est hyper important aujourd'hui de se serrer les coudes. Donc, Yannick, je te renvoie la fierté que tu ressens. On est vraiment ravis d'être dans un label indépendant comme Antibody. C'est hyper important pour nous.
Séverine : C'est une forme de résistance.
Yannick : Dans un monde corrompu à ce point, il faut placer le cœur au centre de tout. La corruption des consciences est telle que si tu ne traces pas ton parcours avec des liens humains, qui ont du sens, ça ne vaut même pas la peine.
Jérôme : Le sang et le sens...

Voilà. Merci beaucoup pour l'interview ! C'était super et on vous souhaite beaucoup de chance. En tout cas, en ce qui me concerne, je connais déjà mon album préféré de 2025 dans la catégorie des productions belges.

Jérôme & Séverine : Merci beaucoup !

Pour écouter l'interview en podcast de l'émission WAVES (avec, en bonus, les sélections de PE), c'est ici.

Pour écouter et acheter l'album de PE, c'est .

Pour acheter les tickets pour le ciné-concert du 9 février à l'Espace Magh, à Bruxelles, c'est encore ici

Crédit photo : Olivier Donnet (Facebook et Instagram)

Meimuna

L’importance du calme, du silence et de l’introspection…

Écrit par

Si Meimuna est un genre d'insectes hémiptères de la sous-famille des Cicadinae (famille des Cicadidae, les cigales), c’est également le patronyme de Cyrielle Formaz, un choix destiné à illustrer au mieux le courant musical dans lequel elle se distingue aujourd’hui.

Après cinq Eps très remarqués, elle nous propose « C’est demain que je meurs », un premier album découpé en 10 chansons qui inspirent et s’inspirent de la vie de la jeune femme. Mais, pas que !

Alors qu’elle revient d’une tournée en Autriche et Allemagne, la jeune dame se livre à une interview d’une authenticité rare.

L’artiste y aborde son ouvrage ambitieux entre réconfort et douceur, depuis sa Suisse natale, mais tout en restant loin des diktats commerciaux de la société consumériste qui l’entoure.

Cyrielle, tu as opté délibérément pour le patronyme ‘Meimuna’, référence à cette cigale qui symbolise la renaissance ou encore la métamorphose dans de nombreuses cultures. J’imagine que cet idiome en dit long sur ton parcours de vie, de femme et d’artiste ?

Oui, effectivement, j’ai choisi ce pseudo en 2017. J’aime beaucoup cette symbolique portée par de nombreuses cultures différentes. La renaissance et la métamorphose reviennent souvent, effectivement. Cette cigale peut passer jusque 25 ans sous terre, à l’état de larve, pour ensuite sortir de terre et mourir en fin de journée.

Après 5 Eps, tu proposes un long playing étrangement intitulé « C’est demain que je meurs ». Et contrairement à ce que laisse sous-entendre ce titre, il célèbre le renouveau. Un paradoxe entre l’onirisme d’un rêve et la difficulté d’une vie qui mérite d’être vécue ?

Il s’agit d’un album qui parle clairement de la fin du monde. Ou plutôt de la fin des mondes. Cette chanson, en particulier, aborde pour thématique la fin de notre monde physique, affichant en filigrane une notion écologique. Les autres traitent d’autres types de fin, comme celle de l’enfance ou d’une relation au sens large du terme. Si le deuil est effectivement présent de manière protéiforme, cet album célèbre avant tout la renaissance, l’espoir et la réconciliation. Je souhaitais avant tout une direction lumineuse, pas du tout déprimante. Nous vivons suffisamment dans une société anxiogène et inquiétante. Moi-même, je suis très angoissée face au quotidien. En tant que musicienne, je me dois d’amener de la douceur, de l’espoir et du réconfort. Partant, je crois que l’objectif est atteint.

Un opus confectionné en compagnie d’une équipe hors du commun : Ella van der Woude, Randal Dunn au mix et Heba Kadry au mastering. Comment se sont déroulées ces rencontres ?

Randal Dunn et Heba Kadry sont deux techniciens qui n’ont pas du tout influé sur les choix artistiques. J’ai collaboré étroitement avec Ella van der Woude, une compositrice de musiques de film. Elle a habité durant quelques années à côté de mon domicile, et plus exactement à Sion, dans le canton du Valais, en Suisse. C’était une amie. On se voyait tous les jours pour faire de la musique. Je lui ai demandé de produire l’album, d’écrire les arrangements et de lui donner une couleur. L’écriture des chansons me revient. Ella m’a surtout aidée à fournir une texture aux chansons, à leur conférer une ambiance singulière. Travailler avec une personne qui bosse dans le milieu des musiques de film permet de transmettre, évidemment, une couleur cinématographique. Il était important pour moi de communiquer aux morceaux un coté sensoriel où l’imaginaire prend le dessus. C’était une coopération importante à mon sens car, comme j’ai réalisé mes Eps précédents, on rentre vite dans des automatismes. Cette grande dame m’a permis de sortir de la routine.

Un disque au cours duquel, tu te mets à nu, en proposant des textes personnels et introspectifs. L’intime est-il politique et doit-il être dévoilé ?

Je m’interroge beaucoup sur le positionnement politique. Est-ce que l’intime est politique ? Je le pense, oui ! Proposer de la musique calme, douce ou de niche et amener du silence dans notre quotidien grâce à des textes poétiques et introspectifs, est aujourd’hui une forme de posture et d’engagement qui va à contre-courant de ce dont on nous bombarde au quotidien. Il n’y a plus jamais de silence, de temps de réflexion ou de calme. Ça bouge tout le temps. Il suffit de regarder les informations, elles pullulent sans arrêt. La musique n’a de sens à mon égard que si elle est construite par des musiciens et avec des instruments organiques. En ‘live’, j’aime m’en entourer. Soit l’antithèse de ce que l’on constate le plus souvent sur les scènes musicales rivées à tous ces samples et musiques électroniques. Ce n’est ni une critique, ni un regret ; ce type de musique a une raison d’exister au même titre que n’importe quelle autre. Mais personnellement, je préfère de loin m’entourer de vraies personnes et de vrais instruments. Ce qui se traduit par plein d’aspects dans ce projet. J’aime aussi réaliser des choses à la main qui prennent du temps et exigent de l’application et du soin comme des dessins animés. C’est une forme d’engagement que j’aimerais défendre. Aujourd’hui, il faut reprendre du temps, accueillir du calme, du silence et de l’introspection au quotidien. C’est important !

Au risque de connaître cet effet pervers d’être perçue comme autocentrée…

L’album est hyper autocentré, c’est vrai. Mais ce sont des chansons qui parlent de moi et c’est ce que je sais faire de mieux ! Aborder d’autres sujet me cataloguerait comme impostrice, car je manquerais d’honnêteté. Je crois que dans l’intime, il y a quelque chose de très universel. On est toutes et tous traversés par les mêmes questions, les mêmes blessures avec différentes forces et des niveaux inégaux. A la fin des concerts, les gens viennent parfois me voir car ils se sont identifiés aux textes. Même si l’album est autocentré, il entre en résonnance avec le public.

Un album en français, à l’exception d’une petite incursion dans la langue de Shakespeare sur l’angélique « Lullaby for a satellite ». Pourquoi cette parenthèse inattendue ?

Elle est dédiée à mon chat et m’est très vite apparue, car je souhaitais qu’elle prenne une dimension universelle. Au début, je rencontrais des difficultés face à ce choix particulier. Je ne l’assumais pas. Une manière parmi tant d’autres de me cacher peut-être. C’est une berceuse, elle réconforte. C’est un animal qui sort beaucoup. Je ne compte plus les blessures qu’il s’est infligées, ni le nombre de fois où je l’ai amené chez le vétérinaire. Et quid de ses tentatives de suicides avortés ? Je lui conseille de rester à la maison, que tout va bien se passer en prenant soin de lui. Une chanson facilement exportable en réalité chez n’importe quel animal ou être humain parce que simplement écrite et facile à comprendre. Mais, je ne suis pas convaincue de réitérer l’opération, sous cette forme en tout cas, car l’anglais est une langue que je maîtrise un peu moins.

J’ai beaucoup aimé « Eve V. (battre des records) », un vibrant hommage rendu à une figure du show business des années 80 et 90, Lolo Ferrari, morte sans avoir jamais existé, malgré une vie passée sous les projecteurs. Alors que son décès date de près d’un quart de siècle, puisqu’elle est décédée en 2000, il faut admettre qu’aujourd’hui, la souffrance et les désillusions restent fort présentes. Quel est ton regard face à cette (sous)évolution sociétale ?

Lorsque Eve Vallois est décédée, j’avais 6 ans. A la maison, nous avions un livre de caricatures. Je me souviens aussi vaguement d’images diffusées à la tv de cette bimbo. Lolo Ferrari paraissait pathétique, à cause, notamment, de son énorme poitrine qui lui a d’ailleurs valu une mention dans le livre des records. On en riait beaucoup. Une situation à la fois drôle et gênante. En discutant avec des amis, nous nous interrogions un jour quant aux circonstances de son décès. L’idée de se plonger dans sa biographie m’est alors venue pour découvrir que sa vie était d’une tristesse abyssale. Une femme manipulée par son entourage, y compris par son mari qui avait endossé la casquette de manager et l’a forcée à commettre des actes horribles. Ce qui lui a causé un abandon total de sa famille. Une sombre histoire de rejet et de manipulation. Cette femme s’est donné la mort dans des circonstances très obscures alors qu’elle n’avait que 36 ans. Les soupçons se sont portés sur celui qui partageait sa vie, mais, faute de preuve, il a été relaxé. Elle repose désormais dans le cimetière de Roumiguières à Grasse, dans le sud de la France. Un journaliste du Monde a investigué. Elle est enterrée dans une tombe anonyme couverte de roses artificielles poussiéreuses. Imaginer cette femme qui, durant toute sa vie, a tenté d’être vue et aimée, sans y parvenir, m’a brisé le cœur. Alors que son seul souhait était de rencontrer un peu de gloire et d’amour dans le regard des autres. Je souhaitais lui rendre un hommage. Une chanson qui, pour une fois, n’est pas autocentrée, mais s’adresse au plus grand nombre puisqu’elle se réfère à la manière très actuelle d’objectifier les femmes, de les jeter en pâture aux médias ou d’espérer les voir tomber. A l’heure actuelle, certains se nourrissent encore d’événements atroces et s’en délectent. J’aime cette chanson par son prisme très actuel, universel et très personnel.

En défendant l’image des femmes de cette manière, ne risques-tu pas d’être taxée de féministe ?

La position des femmes dans la musique est une situation qui me préoccupe énormément. Je me produis parfois en ‘live’, soutenue uniquement de femmes. Je suis une fervente défenseur des femmes dans les musiques actuelles et sur les scènes.

Fille d'un professeur d'art et d'une musicienne, tu baignes dans l’art et la culture musicale depuis ta tendre enfance. Si j’imagine que le milieu dans lequel tu as évolué a permis cette carrière musicale, qui rêvais-tu de devenir enfant ?

A vrai dire, enfant, je n’aspirais pas spécialement à devenir musicienne. J’ai cependant toujours aimé écrire des histoires, des poèmes ou réaliser des bandes dessinées. Je rêvais de devenir globe-trotter également et plus particulièrement journaliste afin de pouvoir voyager dans le monde entier et raconter les histoires des autres. Et puis assez vite, je me suis mise à écrire mes propres chansons. L’idée d’en faire un métier est arrivée lorsque j’avais environ 18, 19 ans.

Très jeune, tu as connu un succès d’estime et critique chez Macaô, un quintet aux accents rock, qui lui permet d’assurer, notamment, les premières parties de Zaz, Patrick Bruel ou Polnareff. Le projet dont on parle aujourd’hui est très différent. Tout comme la manière dont tu fonctionnes, alternant les moments solos et le besoin de collaboration. Y a-t-il, en filigrane, une envie de sortir de ta zone de confort ?

Oui, peut-être. Mais en même temps, je me sens de plus en plus sécurisée lorsqu’en tournée, je suis accompagnée de musiciens. Honnêtement, jouer en solo est un exercice difficile, une formule que j’apprécie moins car elle est énergivore. La musique doit être partagée. Lorsque nous sommes plusieurs sur les planches, pouvoir se regarder, se sourire et porter ensemble un message me réconforte.

J’ai écrit seule pendant longtemps. Ici, je ressens le besoin d’écrire pour d’autres. Un jour, peut-être, mon album ne sera constitué que de featurings. Qui sait ?

Dans une société où pop ‘mainstream’, hyper lisse, surproduite et distribuée par les géants de l’industrie musicale est légion, comment parvient-on à imposer un style doux, ouaté et épuré ?

C’est une bonne question ! Je pense qu’aujourd’hui, non seulement les gens ont besoin de douceur. C’est un genre qui coexiste avec d’autres styles. Il y a peut-être dans cette quête, une volonté de revenir vers quelque chose de plus organique. Le folk est un style apprécié. Des artistes comme Pomme ou encore November Ultra récoltent un joli succès s’estime et critique. En ce qui me concerne, je n’imagine pas faire autre chose, même s’il s’agit d’une musique de niche. Tourner dans des stades n’a jamais été un objectif. Se produire dans de petits clubs à travers toute l’Europe me va très bien.

Finalement, si je résume le fond de ta pensée, la création est la prémisse de la liberté ?

Oui, bien sûr. Tu as parfaitement résumé les choses.

Tu as tourné en Chine au Canada, en passant par l’Allemagne et l’Europe de l’Est. Chanter en français exige le plus souvent de précision dans les textes. Comment le public étranger perçoit-il cet univers musical ?

Je rentre d’une tournée en Allemagne et en Autriche. Jouer sur des territoires non francophones permet de cerner le degré d’accueil du répertoire. Pour chaque compo, j’explique en anglais ce qu’elles signifient. Certains publics sont sensibles à la musique, aux ambiances ou à ce qu’ils devinent. Mais d’une manière plus générale, à chacun sa définition. Les choses ne nous appartiennent plus, une fois que nous les avons partagées. Si les gens s’approprient les chansons, tant mieux. La musique dépasse le langage, elle permet de se connecter les uns avec les autres et à se comprendre.

Il y a la musique, les textes évidemment, mais aussi une expression graphique très présente. Peux-tu me décrire l’artwork de cet opus ?

(Elle montre la pochette de son LP) On y devine une apocalypse. J’ai voulu une pochette très colorée, de façon qu’elle apparaisse vivante. On y voit des oiseaux voler en cercle, un loup-chien, une source, et en filigrane, cette notion de renaissance. Il y a aussi ce volcan qui, par définition, est très destructeur puisqu’il arrache tout sur son passage, mais dont le magma est extrêmement riche. Après un incendie, la nature revient plus belle et plus fertile. J’aime la puissance de cette image. Je me suis aussi dessinée dans un cercueil. Certains y verront une envie d’y rester, d’autres d’y sortir. Une métaphore pour dire ‘au revoir’, à bientôt pour de nouvelles aventures. Enfin, on y aperçoit également un florilège d’insectes et de fleurs. L’artwork évoque le deuil, mais pas seulement, puisqu’il s’agit surtout d’explosion de vie, de renouveau et de nouveau départ.

J’avais une interprétation différente pour les oiseaux. J’imaginais qu’ils allaient tout droit vers le feu pour s’immoler…

Oui, c’est possible aussi, chacun son interprétation finalement.

Je ressens chez toi cette volonté de faire les choses parfaitement. Mais à vouloir sans cesse améliorer les créations, ne risques-tu pas de perdre en spontanéité ?

Oui, complètement ! La perfection est parfois la pire des ennemies. A force de vouloir l’atteindre, le frais et l’instinctif finissent par se perdre. Pour y parvenir, j’essaie de me fixer des deadlines et d’être plus à même de maîtriser le travail. Je dirais aussi que l’imperfection donne de l’intérêt à ce que l’on fait. Comme tu le signalais, nous baignons dans des productions parfaites, surproduites, où le travail de l’humain est devenu tout à fait secondaire. L’émergence de l’intelligence artificielle accentue ce phénomène. Lorsque tu écoutes un morceau et que tu entends ces petits craquements et les cordes friser, c’est finalement ce qu’il y a de plus joli.

J’aime beaucoup la symbolique que renvoie ta première chanson, « Au temps des coquillages », une compo qui traite de la nostalgie de l’enfance lorsque, petit, on n’a pas de soucis et que tout va bien. Si tu pouvais parler à la petite fille que tu étais, que lui dirais-tu ? Et par extension, que dirait cette petite fille à la jeune femme d’aujourd’hui ?

Je crois tout simplement qu’elle n’y croirait pas du tout ! Si seulement, elle pouvait imaginer un seul instant que je lui dise que tout va bien se passer, que dans vingt ans elle fera de la musique son métier qui lui permettra de voyage dans le monde entier et d’y accorder des concerts.

Tu es suisse d’origine et tu as vécu en Belgique, comment une artiste étrangère perçoit-elle notre plat pays sous le prisme musical ?

Vivre dans un petit pays présente des avantages comme des inconvénients. Il faut composer avec les moyens du bord. Il y a moins de concurrence aussi, on sera donc peut-être propulsé plus rapidement. En Belgique, comme en Suisse, la difficulté majeure réside dans l’exportation de son talent vers l’ailleurs. A contrario, il existe une entre-aide plus importante. C’est d’ailleurs une constante depuis quelques temps. Auparavant, les gens se tiraient plus facilement dans les pattes.

Casimir Liberski

Deux pros dans l’impro…

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Alliant la finesse du jazz noir-jaune-rouge à l’innovation avant-gardiste japonaise, le pianiste Casimir Liberski et le batteur Tatsuya Yoshida, connu pour son travail au sein de la formation Ruins, ont uni leurs talents afin de concocter un premier album intitulé « Troubled Water », explorant un paysage sonore mouvant constitué de free jazz, d'ambiant et de rock progressif voire d'éclaboussures punk. Et la fusion de leurs deux univers musicaux et culturels se rejoignent dans l'improvisation…

Casimir Liberski, ‘moitié’ belge de ce duo évoque pour nous les images de ce monde musical... flottant.

Comment avez-vous rencontré Tatsuya Yoshida ?

Via Facebook. Plus jeune, j'étais fan de Ruins, le duo que Yoshida formait en compagnie d’un bassiste occasionnel. J'ai découvert qu'il s’était inscrit sur le réseau social en 2012. Je l'ai ajouté comme ‘ami’, pour ensuite l'interroger sur ses prochains concerts en Belgique.

Lorsque j'ai sorti mon album « Cosmic Liberty », en 2017, avec le jeune batteur prodige Matt Garstka, Yoshida s'y est intéressé. Nous avons été directement en contact et il m'a demandé de lui organiser un concert en Belgique, un an plus tard ; c’est ce que je suis parvenu à planifier pour le duo Sax Ruins qu'il forme avec la saxophoniste Ryoko Ono.

Nous nous sommes enfin rencontrés et j'ai pu me produire en première partie de leur performance.  Depuis, nous sommes restés en contact malgré le covid, communiquant et nous échangeant des démos.

En janvier de l'année dernière, j'ai passé ma lune de miel au Japon. La veille de mon retour, Tatsuya m'a appelé pour m'annoncer qu'il nous avait dégotté un petit concert dans un bar à Tokyo le soir même. Spectacle qu'il a enregistré, et qui s'est révélé d'une intensité incroyable. Ensuite il l’a remixé et c’est devenu cet album.

C'est donc un opus d'une prise dans un bar à Tokyo ?

Oui, totalement à l'arrache. Tatsuya a placé deux ou trois micros, raccordés à son enregistreur zoom, et trouvé des astuces originales, comme placer des ventouses qu'on utile pour déboucher les toilettes sur les rosaces, les trous de la table d'harmonie du piano, tout en y insérant un petit micro.

J'ai ensuite transmis le résultat à John Zorn que je connais, lequel m'a conseillé de faire mixer le tout par James Dellatacoma, ingénieur du son qui collabore énormément avec Zorn et Bill Laswell, et a l'habitude de prendre en charge des prises ‘mal enregistrées’… ou plutôt avec les moyens du bord (il sourit).

Vous formez un duo batterie/piano, ce qui n'est pas courant, même dans le jazz ?

C'est vrai, mais Tatsuya Yoshida a précédemment formé un duo connu avec Satoko Fujii, lequel a sorti plusieurs disques sur Tzadik records, le label de John Zorn justement ; une musique mouvementée et lourde, exigeante d'un point de vue de l'écoute, dans un style très écrit et puissant.

J'avais la conviction qu'il fallait s'en distinguer et proposer autre chose. Raison pour laquelle j'intègre des synthés et des sons électroniques.

Ce n'est donc pas simplement un duo piano et batterie, mais autre chose ?

Au niveau de la composition, nous ne nous situons pas dans le registre de longues compositions très écrites à l'instar du groupe français Magma, que Yoshida adore, et de toute cette musique progressive. A l'inverse, nous sommes dans l'improvisation totale !

Les titres se réfèrent à l'écologie maritime ?

Je me suis chargé d’attribuer des noms aux compos, issues de deux improvisations d'une heure que nous avons sectionnées pour n'en conserver que des morceaux. Les titres sont sans doute liés à l'air du temps, mais parce que notre musique ressemble à une sorte d'océan, voire de tsunami par moment, à l'écoute des tumultes qui secouent notre musique.

L'image qui m'est apparue est celle du monde flottant du Japon où je séjournais en plein hiver. Nous nous étions rendus, mon épouse et moi, sur les côtes, constatant que de petits poissons morts, des fugus, avaient échoué sur le rivage, mais également de déchets dérivant de Corée et de Chine, ce dont les inscriptions sur les emballages témoignaient...

Le jazz est certes une langue universelle, mais chacun apporte-t-il sa propre culture au sein de ce projet ?

Yoshida n'est pas un jazzman, et est incapable de swinguer. Il ne pratique que le rock progressif et l'improvisation libre. Comme je suis plutôt un jazzman qui a débuté par le swing, nous nous rejoignons dans l'improvisation qui elle est véritablement universelle.

Je ne suis pas certain que le jazz soit à ce point universel ; il faut en connaître le vocabulaire, les standards... bref, détenir un passeport en jazz.

Par ailleurs, je ne possède pas une mémoire gigantesque comme la sienne en prog-rock, Yoshida se révélant capable de se souvenir de longues séquences. Personnellement, j'ai plutôt une mémoire à court terme... (il rit)

Album « Troubled Water » (Totalism Records) - 21/03/2024

Benni

Croire en ses rêves…

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Benni est une jeune artiste originaire de la région de Vielsalm. Influencée par le folk contemporain (Mumford & Sons, Bon Iver, Phoebe Bridgers, etc.), elle rêve d’un monde utopique et pourtant authentique, le sien. Après 10 mois passés à chanter et arpenter les rues, en Nouvelle-Zélande, elle s’est enfin réveillée…

Grâce à son grain de voix particulier qui lui confère une fragilité singulière à travers des textes qui traitent des enjeux environnementaux et sociétaux, ainsi que ses mélodies aux sonorités indie-folk, cette femme-enfant risque de faire parler d’elle prochainement en publiant un premier Ep qui s’annonce déjà remarquable. Retenez bien ce nom !

Réservée, peu prolixe, mais rêveuse, Benni s’est prêtée, en attendant, au jeu des questions/réponses lors d’une entrevue réalisée au LaSemo.

À 18 ans, alors que tu étais en Nouvelle-Zélande, tu rencontres un homme qui joue de la guitare en rue et finis par lui emboîter le pas. Cette rencontre fortuite a-t-elle scellé ton destin ?

Depuis toujours, j’ai toujours voulu faire de la musique. Je crois que mon objectif aurait été atteint quel que soit le moyen utilisé pour y parvenir. Concernant cette rencontre, je dirais qu’elle a précipité les événements.

La rue est un terrain difficile et austère. J’imagine que cette expérience a laissé des impressions, bonnes ou mauvaises d’ailleurs. La rue ne reste-t-elle pas finalement la meilleure école de la vie ?

J’ai une anecdote à ce sujet. Lorsque mes amis étaient à l’école, les uns et les autres se questionnaient quant à leur réussite. Je leur répondu que perso, j’avais aussi réussi, justement parce que j’avais fait la meilleure des écoles, celle de la vie. Cette expérience a été salutaire, oui. Même si je n’ai pas derrière moi un background scolaire classique, j’ai appris tout autant dans la rue.

Ta musique baigne dans le folk alors qu’une grosse majorité des jeunes de ton âge s’intéressent peu à ce style musical. Peut-on affirmer que Benni est une artiste à contre-courant ?

Ta question est intéressante ! Les jeunes n’écoutent pas ce genre de musique, j’en suis consciente. Ai-je choisi le folk pour son côté ouaté ou parce que peu de personnes s’y intéressent ? A vrai dire, je ne me suis jamais posé cette question. Je dirais que je pratique une musique qui me tient à cœur et me fait intensément vibrer.

Ton style est doux et chaleureux et, à mon sens, davantage compatible au sein d’un environnement feutré plutôt que lors d’un festival comme aujourd’hui. Comment abordes-tu cette mise en danger face à un auditoire qui n’est peut-être pas venu pour toi spécifiquement ?

Aujourd’hui, nous avons joué en formule groupe. Même si le public ne me connaissait pas spécialement, j’ai pris énormément de plaisir à jouer ici. Il était à l’écoute et les encouragements étaient très nombreux. C’est l’un des meilleurs festivals auquel j’ai participé sous cette configuration.

Au fait, la scène est-elle un bon moyen d’avoir une connaissance de soi ?

Faire face au public permet de mieux se connaître, effectivement. Il y a d’autres moyens pour y parvenir, mais ce biais en fait partie. Cela reste, en tout cas, une très belle expérience.

La musique te poursuit, d’abord, au sein d’une académie consacrée à la guitare classique vers l’âge de 8 ans, la chorale de ton village pendant un peu plus de dix ans et une formation musicale à la SAE de Bruxelles, en 2020. D’une passion, tu dessines aujourd’hui les traits d’une carrière musicale en devenir en recevant d’excellentes critiques. Comme quoi, il faut croire en ses rêves. Si ta vie était une histoire, cette fable en serait-elle la morale ?

Depuis petite, je caresse le rêve de devenir chanteuse. Il faut toujours croire en soi, c’est une certitude. En ce qui me concerne, le parcours a pris du temps et il a emprunté de nombreux détours. Mais je reste convaincue qu’avec de la motivation, on peut y arriver !

Tu as participé au concours ‘Concours-Circuit’, en 2020, ce qui t’as permis d’assurer des premières parties d’artistes comme Sharko, Roscoe et surtout de Cœur de Pirate. Est-ce que ce genre de vitrine est un passage obligé si on veut tirer la couverture médiatique à soi ?

Tu es vraiment bien renseigné, je suis surprise ! Oui, cette couverture permet une certaine crédibilité auprès du public. Dans mon village, personne ne croyait vraiment en mon projet. Puis, des connexions se sont établies et le public s’est ensuite intéressé à ce que je faisais, justement grâce à cette première partie de Cœur de Pirate. Elle a suscité la curiosité à mon égard, à charge ensuite au public d’apprécier ou non mon univers.

 « Mechanical Mind » est une lettre au bonheur adressée à ton cerveau, une chanson qui raconte que si on traverse de mauvaises passes, il y a également du bonheur à vivre. Je comprends le message, mais c’est un peu démago quand même, non ?

Je ne le crois pas, non ! Elle a été écrite durant le confinement. Le thème de la dépression y est clairement abordé. Cette période a été compliquée à vivre. La musique m’a beaucoup aidée. Il faut interpréter cette chanson comme une lettre d’amour à mon cerveau. Je lui dis que s’il se produit des évènements malheureux auxquels nous devons faire face, il existe aussi toutes ces choses positives qui nous entourent et grâce auxquelles nous pouvons avancer, même si, parfois, nous ne pouvons pas toujours les apercevoir.

« September 20 » clôture judicieusement le deuil d’une première histoire d’amour abandonnée par une lettre d’excuses que tu aurais aimé recevoir. En vain ! Résultat, tu l’as écrite à la place de l’autre. Cette compo a-t-elle suscité une réaction auprès de la personne à qui le message était destiné ?

Cette personne l’a effectivement entendue. Est-ce qu’elle en a saisi le sens ? Pour être tout à fait franche avec toi, ce n’est plus mon problème. De manière générale, toutes mes chansons sont de nature thérapeutique. J’ai le besoin d’exorciser et je n’attends pas nécessairement un retour.

Ce morceau a été produit par Thomas Médard de Dan San et mixé par Tommy Desmet que l’on connaît pour son travail auprès de Girls In Hawaii, entre autres. Comment se sont déroulées ces rencontres ?

Mon booker, Max, milite au sein Dan San. Il m’a vue au Concours Circuit. J’ai rencontré Tommy, via Thomas tout simplement. C’est une fine équipe.

Petite, tu adorais dessiner des baleines. Est-ce parce qu’elles symbolisent la protection et la sagesse –ces cétacés communiquant par la musique de leurs ultrasons pour prendre soin les unes des autres– ou parce que ce sont de géantes aventurières qui naviguent entre la profondeur des océans et la surface ?

Mais, où as-tu donc puisé ces informations ? Je suis surprise à nouveau ! Toute petite, j’adorais dessiner des baleines. Cet animal m’inspirait la sagesse et le calme.

J’ai appris plus tard que ces animaux communiquaient par vibrations. Je trouve leur mode de fonctionnement extraordinaire.

Je sais que ton souhait le plus cher serait de construire ton chez toi de tes petites mains et y vivre en autonomie complète en utilisant des matériaux bios et réutilisables, à l'orée des bois. Ce festival qui mise sur le durable tombe à pic. Quel est ton rapport à l’écologie et la nature au quotidien et que penses-tu des politiques successives en la matière alors que les mesures destinées à sauver la planète ne portent que (trop) très peu leur fruit.

Je n’y connais rien en politique. Je n’y suis pas et je n’ai pas envie d’y être. Je dirais que c’est comme dans tout, il y a du bon et du mauvais. Si des mesures prises par les politiciens vont dans le bon sens, tant mieux. A vrai dire, je n’ai pas envie de m’étaler sur le sujet. Tout ce qui m’intéresse est de faire en sorte de respecter au maximum la nature. Je souhaite poursuivre dans cette direction. Je constate un certain engouement auprès de la population dans ce secteur. Les gens cuisinent bio, ils s’entraident, etc. C’est davantage cet axe social qui m’intéresse, pas le contexte politique. Ma petite sœur flirte professionnellement avec ce milieu ; elle s’y plait et tant mieux pour elle. Je suis plutôt la bohème de la famille.

Benni, à quoi peut-on s’attendre dans les prochaines semaines ou les prochains mois ?

On peut s’attendre à un Ep pour la rentrée…

 

Isobel Campbell

J’ai encore parfois du mal à croire que Mark Lanegan ne soit plus de ce monde…

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Ex-chanteuse de Belle and Sebastian, Isobel Campbell poursuit une carrière en solitaire et a sorti un nouvel opus. Intitulé "Bow To Love", elle y exprime des considérations autant intimes qu'universelles sur la domination masculine. Notamment !

La native de Glasgow, plus connue pour sa voix éthérée que ses talents indéniables de violoncelliste (NDR : son instrument de référence), revient quatre ans après avoir gravé "There Is No Another", paru en pleine pandémie, qui faisait suite à une décennie de silence forcé consécutif à des litiges avec son ancien label. 

Ce "Bow To Love" se révèle toujours aussi intimiste, aérien, porté par sa voix d'ange, laquelle adopte cependant une attitude de révolte face à la domination du patriarcat, les agressions sexuelles ou la phallocratie toujours bien vivante.

L’Ecossaise s'insurge d'une voix suave, sans éclats, mais pas sans éclat, s'en explique et évoque également la disparition de Mark Lanegan, en compagnie duquel elle a publié trois magnifiques long playings au cours de ce millénaire.

Touchée par la grâce et la spontanéité, Isobel Campbell l'est aussi par l'humour...

Pourquoi ne pas avoir intitulé “Everything Falls apart”, le morceau d’ouverture, "Son of a Bitch", insulte que vous proférez sans arrêt ?

Dans mon esprit, il s'est toujours appelé "Everything Falls Apart". Cette phrase s'est imposée, sans que je sache pourquoi. Un peu comme si tout s'effondrait dans mon cerveau également... (elle rit).

J'ai trouvé cette situation plutôt drôle… et qu’elle correspondait à ma vision des choses…

Cette invective n’est donc destinée à personne ?

En fait, si... mais elle pourrait s'adresser à beaucoup d'hommes et à quelques-uns en particulier (elle rit). Mais, rétrospectivement, et plus sérieusement, je me suis rendu compte à quel point dans la langue anglaise, conçue par le patriarcat, il existait énormément de mots et d'expressions afin d'exprimer des propos désobligeants à l'égard des femmes. Si vous cherchez l'équivalent en insultes concernant les hommes, une telle ‘diversité’ n'existe pas. J’estimais cette disproportion injuste, d'où cette répétition... (elle sourit)

Vous évoquiez le patriarcat. Cet elpee se veut-il féministe ?

Il y a de cela ; même si la société progresse, parfois il m'arrive encore de me retrouver face à un véritable dinosaure misogyne (rires). Je suis quelqu’un de très patiente, mais parfois je pète un câble et je me dis : ‘Waouh, on en est encore là !’ Mais pour le moment, grâce au mouvement #MeToo, la situation est très polarisante. C'est un véritable champ de mines ! Entamer une conversation à ce sujet au travers d'une chanson, me semble une bonne façon de procéder pour aborder le sujet...

Vous évoquez la perversité narcissique dans "Spider To The Fly". Correspond-t-elle également à certains types d'hommes ?

Je ne m'en suis rendu compte qu'après l'avoir enregistrée et écoutée ; mais j'ai fait l'expérience de ce genre de personnes dans ma vie.

Ma musique se veut personnelle. Il serait donc étonnant que ce qui constitue ma passion, mon travail et mon domaine de créativité, ne se révèle pas intime.

En fait, c'est comme si j'avais fait un doctorat sur le narcissisme (elle rit) ! Mais tout est un traumatisme... même si ce mot est parfois un peu galvaudé. Cependant, à ce stade, je pourrais en effet probablement donner une conférence sur le sujet (rires).

D'ailleurs, je connais pas mal de choses dans le domaine de la psychiatrie comme le DSM 5 (NDR : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques de l'Association américaine de psychiatrie).

Désormais, j'essaie de faire preuve de sagesse en étant consciente de ce qui arrive… J'aime à penser que je suis née existentialiste (elle rit).

Quelle est l'importance du violoncelle dans vos compositions au moment de l'écriture ?

Parce que je suis violoncelliste, certaines lignes mélodiques peuvent fonctionner ou attirer mon attention. Lorsque j'écrivais pour Mark Lanegan, je l’adaptais pour un baryton, en tenant compte de la fréquence de sa voix et celle de mon violoncelle. Car lorsque je joue d'un instrument à cordes, il existe certains types d'arrangements et de lignes auxquels je me réfère. Mais je suis avant tout une auteure-compositrice qui compose d'ailleurs aussi au piano. L'influence du violoncelle se limite à environ 20% au sein de ce processus.

Avez-vous pensé à Mark Lanegan, disparu l'an dernier, lorsque vous avez enregistré et composé ces chansons pour cet opus ?

J'étais occupée d'écrire “You”, le jour où Mark est disparu. Une journée très étrange. J'avais passé toute la journée à bosser sur cette compo et à écouter “Anthem” de Leonard Cohen. Les paroles racontent : ‘There is a crack in everything’ (Trad : Il y a une fissure dans tout...)

J'ai appris qu'il était décédé vers 19 h 30 ce soir-là, alors que j'avais passé ce morceau toute la journée. J’avais la chair de poule. Il était probablement à l’article de la mort au moment où je l'écoutais.

Certains jours, j'ai encore du mal à croire qu'il ne soit plus de ce monde. C'est comme si c'était un chapitre de ma vie s'était clos ce soir-là. Mais, de temps en temps, je reçois de petits signes de sa part, et je souris…

Isobel Campbell : Bow to Love (V2) 14/06/2024

 

Nile Rodgers

La musique est ma vie, ce que je respire, mon oxygène…

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Légende vivante du disco, qu'il a grandement contribué à populariser, Nile Rodgers est un auteur, compositeur, arrangeur, producteur et guitariste, qui a fondé le groupe Chic en compagnie du regretté bassiste Bernard Edwards. Cet ancien Black Panther –il a notamment bossé avec David Bowie, Madonna ou Diana Ross– continue à inspirer et à collaborer auprès des jeunes générations, et notamment Daft Punk, Sam Smith et Lady Gaga. A 72 ans, et malgré deux cancers, l'inventeur du ‘Freak’ continue à se produire ‘live’ et prend toujours du ‘good time’...  Let's dance !

Bernard Edwards et vous formiez le cœur de Chic. Depuis sa disparition en 1996, ressentez-vous sa présence lorsque vous vous produisez en concert ?

Parfois... selon les chansons et l'ambiance.

Mes sentiments pour Bernard me suivent constamment, même sans musique. Je pense souvent à tout ce que nous avons vécu ; à nos hauts comme à nos bas, et à notre première rencontre... 

Mais, ayant survécu à deux cancers, désormais, lorsque je monte sur les planches et regarde la foule, la première chose que je vois, ce sont des milliers de personnes qui m'ont aidé à m'en sortir. Je les considère comme des amis, des proches qui tiennent à moi et m'ont soutenu durant la maladie. C'est une sensation bouleversante....

Vos deux cancers ont-ils déclenché chez vous une sorte d'urgence de création ?

Non, la musique est ma vie, ce que je respire, mon oxygène. Et de temps à autre, j'ai envie de la capturer et de la transformer en composition que d'autres puissent entendre. La plupart du temps, je compose juste pour moi. Je m'assois, je joue avec la musique... je m'amuse tellement et me sens en paix. Je ressens toutes sortes d'émotions. Et parfois, je me dis : ‘Tiens, je suis occupé d'écrire une chanson que d'autres pourraient écouter’.

Croyez-vous à l'effet curatif de la musique ?

Oh mon Dieu, oui ! S'il n'y avait pas eu de musique dans mon existence, honnêtement, je ne crois pas que j'aurais surmonté mes deux cancers. La première fois, j'ai eu peur. Je n'arrêtais pas de pleurer. 

Bon, je ne souhaite pas avoir l'air d'une sorte de super héros ; mais, la deuxième fois, j'ai eu l'impression d'avoir un rhume. Je ne me suis même pas inquiété (il rit) !

Est-il vrai que le patronyme Chic se réfère à Roxy Music et Brian Ferry ?

Oui, c'est une trouvaille de Bernard Edwards. Mais je n'avais jamais vu un groupe s'habiller de manière aussi classieuse sur scène !

Je suis issu d'un milieu hippie ; au départ, tout ce que nous portions le matin correspondait à ce que nous allions arborer en ‘live’, le soir même (rires).

Lorsque j'ai assisté au concert de Roxy Music, à Londres, qui était le groupe préféré de ma copine de l'époque, j'ai d'abord vu un public magnifiquement fringué, puis surgir ces musiciens tirés à quatre épingles. De plus, Brian Eno imposait un son immersif. J’ai ainsi assisté à ce que je considère comme une expérience musicale totalement artistique et en effet immersive. 

J'ai tout de suite appelé Bernard et lui ai confié : ‘Mec, il faut que nous incarnions la version noire de Roxy Music et se montrer dans des vêtements créés par de grands couturiers’.

Il faut se rendre compte qu'au cours de cette période, tout le monde s'habillait comme les Jackson Five et exécutait la même chorégraphie. Au sein de Roxy Music, chaque membre avait sa propre personnalité, même si c'était un groupe.

À l'époque, nous nous appelions Big Apple Band. Mais un type de mon école avait sorti une chanson intitulée « A Fifth of Beethoven » qui figure dans la b.o. de "Saturday Night Fever" ; il avait choisi pour nom de scène, Walter Murphy and The Big Apple Band. Le public confondait...

Bernard a alors proposé d’opter pour Chic, puisque nous étions vêtus de vêtements chics. Le batteur, Tony Thompson et moi, avons estimé cette idée, au départ, drôle et saugrenue, et puis finalement...plutôt cool !

La légende voudrait que l'enregistrement de l'album "Let's Dance" de David Bowie ne se soit pas bien déroulé…

Ah bon ? "Let's Dance" est l'album le plus facile que je n'ai jamais produit de ma vie. J'ai mis en boîte toutes les démos de "Let's Dance" en deux jours, en Suisse. Lorsque je suis revenu en Amérique, j'ai enregistré le long playing en 17 jours, et tout en une seule prise. Une pour les solos de guitare de Stevie Ray Vaughan, une pour la voix de David... tout en une seule fois !

Quel est le lien entre le disco et le mouvement des Black Panthers auquel vous adhériez ?

La première fois que je suis entré dans ce club disco éphémère situé au croisement de Soho, China Town et East Village, où vivait la grande communauté gay new-yorkaise, j'y ai croisé toutes sortes de personnes : homos, hétéros black, portoricains, blancs...

Je n'arrêtais pas de penser à nous, les Black Panthers qui défendions l'unité. Tout le monde oublie que notre slogan était ‘Black power to Black People, Brown Power to Brown People, White Power to White People’. ‘Tout le pouvoir au peuple’, c'était notre devise.

Alors, quand je suis entré dans ce club et que j'ai vu toutes ces personnes différentes danser à n’importer quelle heure sur le "Love to Love You" de Donna Summer, "San Francisco" de Village People, et "Girl, You Need A Change of Mind" d’Eddie Kendricks, j’ai vraiment été frappé. Donna Summer et sa chanson étaient sexy ! Village People incarnait la communauté gay hardcore ! Eddy Kendricks chantait ‘All men don't discriminate this man emancipates. Now I am for women's rights, I just want equal nights. Girl you need a change of mind’

Tout ce que les Panthers et moi défendions figurait dans ces trois morceaux que le DJ mixait sans pause. J’en ai conclu : ‘C'est le monde auquel je souhaite appartenir. Je veux faire partie de cet univers connecté dans lequel nous opérons ensemble, même si nos philosophies diffèrent. Il y a cette sorte d'amour qui nous unit.’ Aucun autre genre musical ne ressemblait à ce concept...

Grâce au le disco, on pouvait être gros, moche, noir, portoricain ou gay... peu importe !

Nile Rodgers et Chic se produiront le 15 juillet dans le cadre du Gent Jazz www.gentjazz.com

Palace

La découverte de soi à travers la musique…

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Survolé par la voix angélique de Leo Wyndham, Palace, trio de blues-rock londonien, signe « Ultrasound », un opus éthéré et habité de musique des limbes, celles où erre l'enfant que portait la compagne de Léo, victime d'une fausse couche. Cet accident a chamboulé la vie de couple. D’autant plus que doté d'une sensibilité à fleur de peau, il avait déjà été marqué par les drames personnels, dont la séparation de ses parents et la mort d'un proche. Ce long playing à la beauté émouvante voire poignante, au spleen mélancolique, à la splendide ambivalence entre perte et espoir, se veut avant tout un hommage au courage de sa compagne et à la puissance des femmes en général.

En compagnie de Rupert Turner, guitariste du groupe, il évoque ce quatrième elpee et sa... conception.

Vous avez ‘accouché’ de quatre elpees en huit ans. C'est peu ou c'est beaucoup ?

(rires)

Rupert : Ce n'est pas excessif. Nous avions besoin de temps afin de vivre des expériences et ensuite pouvoir les traduire en chansons.

Mais pourquoi dès lors avoir publié deux Eps l'an dernier, plutôt qu'un album entier ?

Leo : Il est préférable que les idées très soient claires quand on souhaite enregistrer un album, à la fois unique et original. Les Eps sont destinés à combler les intermèdes et permettre à la musique d'éclore entre-temps. De plus, c'est amusant à réaliser.

Pour vous, Leo, la formation représente-t-elle une famille, et notamment à la suite des épisodes douloureux que vous avez personnellement traversés ?

Leo : Certes, mais tout le monde en connaît dans sa vie. Pour nous tous, Palace est comme une famille élargie, un endroit où nous pouvons nous sentir en sécurité et partager ce que nous ressentons.

Avez-vous été touché par la réaction des autres membres à ce qui vous est arrivé ?

Léo : Absolument. Lorsqu'on passe dix ans dans un groupe, chacun de ses membres, un jour ou l’autre, est confronté à ce type d'événement. Chaque fois qu'un drame est survenu dans mon existence, le soutien reçu de la part de mes deux comparses a été remarquable, et plus qu'essentiel. La compréhension est immédiate, notre amitié très forte et le soutien profondément enraciné. Ce qui en dit long sur notre entente…

Quel est l'origine et le sens du morceau « Cocoon » ?

Rupert : Une idée émanant de « Love Is The Precious Thing », la chanson qui la précède sur l'album. Cet instrumental s'est développé à partir de ce titre dont nous avons en quelque sorte utilisé des éléments pour ensuite les inverser, les manipuler, les démembrer afin que la trame s'effondre dans une sorte de désordre intense.
Leo : Oui, c'est un beau bordel (il rit) ! L'album traite, en profondeur, des idées de la création, de la vie et de la mort ; le son de ce magnifique morceau permet d'imaginer ce qu’on éprouve quand on est dans le ventre de sa mère : un cocon sécurisant, enveloppant, fait d'énergie et de chaleur. Le titre s'imposait de lui-même. Nous l'avons placé au milieu de l'album pour obtenir cet effet de pause, de calme... sans voix ; une sorte de sanctuaire au milieu du disque.

Sur « Goodnight Farewell », dernier titre de l'elpee, on a l'impression d'entendre un cœur battre.

Leo : Exactement ! La grosse caisse constitue le cœur qui bat tout au long de la plage. Il y a, en quelque sorte, l'idée de donner vie dans cette chanson. Ce qui semblait la meilleure façon de terminer l'album…

Ce disque rendrait-il un hommage à la femme et à l'amour ?

Leo : Oui, à bien des égards, et à ma partenaire en particulier. J'ai été témoin de son incroyable force et de sa résilience. Je n'aurai pu faire preuve d'une telle force. Nous souhaitions célébrer la puissance des femmes.

Vous avez accordé un premier concert, il y a un mois. Était-ce compliqué d'interpréter des chansons aussi intimes en public ?

Léo : Elles peuvent l'être lorsque les évènements sont récents, dans votre esprit et votre chair. Lorsque je les ai interprétées pour la première fois, en direct, je l'ai ressenti de manière très intense et émouvante. Je revivais les événements, mais, par ailleurs, chanter ses chansons devant une foule, m'a obligé à lâcher prise. C'est un processus très cathartique qui participe à ma convalescence.

« Say The Words » exprime le sentiment d'inutilité d'un homme dans ces circonstances…

Leo : Un sentiment de désespoir et une perte de soi. Mais il témoigne également que je suis devenu conscient de la pression exercée sur les femmes pour qu'elles aient des enfants, de faire passer au second plan leur indépendance et leur carrière, pour rendre un homme heureux, notamment.
Par ailleurs, lors d'une fausse couche, nous pouvons ressentir en tant qu'homme un sentiment de perte et de désespoir ; il est très perturbant, et troublant de ne pas savoir où se situer et quel rôle tenir au cours de ce drame.

Cet opus incarnerait-il, dès lors, l'enfant que vous n'avez pas eu ?

Leo : Je ne crois pas. L'album est plutôt un moyen, comme la musique l'est souvent pour beaucoup, de découvrir et de comprendre une situation incroyablement difficile, de créer des liens, un moyen de trouver une sorte de carte intérieure pour donner du sens à un événement traumatisant. La musique est une manière de se connecter à soi-même et à ses expériences, de s'adapter au monde qui vous entoure et de donner un sens aux événements, à un traumatisme, à la perte, à l'amour et à toutes ces choses. C'est une découverte de soi.

Palace : « Ultrasound » (Virgin) sortie le 5 avril 2024

En concert à l'AB le 30 octobre prochain

Eosine

Un plus un est égal à trois…

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Eosine constitue sans doute l’une des révélations belges musicales de cette décennie.

Drivé par la frêle et énergique Elena Lacroix, le combo a décroché, haut la main, une victoire au Concours Circuit, en décembre 2022, devant un parterre de 120 professionnels ; ce qui démontre son potentiel

Comptant deux Eps à son actif, « Obsidian » (2021) et « Carolline » (2023) (ce dernier a été mixé et masterisé par Mark Gardener – un des deux chanteurs/guitaristes du légendaire Ride), Eosine s’apprête à en sortir un troisième, précurseur d’un premier elpee.

Elena, petit bout de femme, la tête bien sur les épaules, accompagnée de ses fidèles acolytes Dima Fontaine (guitare, chant) et Benjamin Fransen (batterie), se livre sans détour aux lecteurs de Musiczine sur sa nouvelle vie, désormais starisée, ses rêves et ses envies.

Décryptage !

Vous comptez deux Eps à votre actif. Un troisième est une préparation et devrait paraître en septembre de cette année. Elena, tu es aujourd’hui sous les feux des projecteurs, alors qu’au départ, tu composais seule dans ta chambre. Si le succès est soudain, est-il inattendu pour autant ?

E : C’est une bonne question !
D : Ce n’est pas inattendu, Elena réalise un travail de fou depuis le début avec pour objectif de porter le projet le plus loin possible. Elle récolte simplement les fruits de son travail.
E : En réalité, j'ai toujours beaucoup bossé, effectivement. Confidence pour confidence, j’ai arrêté mes études, il y a trois semaines pour me consacrer pleinement à la musique. Le moment de mettre toutes les chances de notre côté s’est présenté. On a un nouveau label et un nouveau booking. Les bases doivent être construites maintenant si jamais, un jour, le projet décolle véritablement.

Vivre de la musique est un rêve et j’ai envie de m’y consacrer pleinement, raison pour laquelle il est impératif de mettre toutes les chances de son côté.

Arrêter ses études si près du but, alors que la musique est aléatoire et donc par définition incertaine, c’est une sacrée prise de risques, non ?

E : J’ignore franchement si cet arrêt est définitif. Tout dépendra de la manière dont les disques seront accueillis par le public ainsi que par les plateformes. J’ai pas mal de temps pour reprendre les études. J’espère qu’un jour, je pourrai les terminer. Mais ma priorité est la musique. Je mets donc tout de côté pour pouvoir m’y investir pleinement et en vivre. C’est un rêve de petite fille.

Et toi Benjamin, tu poursuis les mêmes ambitions ?

B : Je termine mes études cette année. Il me reste deux mois à tirer si tout va bien. Si ce n’est pas le cas, ce sera une seconde session.

Quant à toi Dima ?

D : J’ai déjà le pied dans la vie professionnelle. Je réalise une thèse en physique également. Je suis donc encore étudiant, par définition.

Comment vous organisez-vous, compte tenu du caractère chronophage de vos obligations professionnelles et/ou scolaires ?

B : J'ai une défense de mémoire courant du mois. Le matin, on se tape quadruple concert et l’après-midi, je bosse sur cette étude. Sachant que la distance s’invite aussi dans l’équation. On vient de Liège ; alors, imagine les bornes à se taper entre les concerts et les obligations scolaires. Mais globalement, comme Elena, la musique reste aussi une priorité, l’objectif étant de pouvoir en vivre un jour. J’aime aussi mes études de graphisme. Si je peux concilier job et musique, ce serait parfait.

Hormis Benjamin qui épouse des études artistiques, Elena et Dima trempez plutôt dans le scientifique, soit un domaine très cartésien à l’opposé du champ musical, dont le spectre est plutôt intuitif. On a dû mal à imaginer que les deux puissent coexister. Le paradoxe m’interpelle pour être honnête…

E : Je ne suis pas convaincue que l’un soit artistique et l’autre cartésien. Je ne me pose pas la question, très franchement. J’estime mes études intuitives. Et c’est une chance ! Je n’ai jamais dû beaucoup travailler. Les événements s’enchaînent, naturellement. Il est vrai que, parfois, dans la musique, l’inspiration tombe du ciel. On se dit, tout à coup, tiens c’est ça la bonne idée, c'est cette partie que je devais mettre sur le morceau. Et ce phénomène, je ne peux absolument pas l’expliquer. Tu sais, si on rajoute un temps à moment précis dans la compo ou si on change la dominante de basse, par exemple, ça va provoquer un truc qu'on sait plus ou moins prévoir.
Dans la musique, il y a des formules qui sont quand même relativement quasi-mathématiques. A commencer par le rythme. Dans la science, c'est pareil. Parfois, on a des affinités avec certaines choses, certains concepts qui coulent de source et deviennent par essence intuitifs.
D : Je pense aussi que, lorsqu’on vient d'un background scientifique, il y cet amour de la complexité. Quand j'écris de la musique, je vois cette pratique comme un puzzle. Je dispose d’un tas de pièces différentes et j’imagine comment je peux les assembler pour que le tout devienne cohérent. Il y a un truc très scientifique, très mathématique là-dedans.
E : Oui, ça n'enlève pas du tout le côté émouvant, tout simplement parce qu’apporter des modifications dans la structure du morceau, comme ajouter un temps par exemple, c’est purement du ressort des mathématiques. Mais, qui impacte le prisme du physiologique, au sens large du terme, et donc de l'émotion. Et l’émotion met le corps en mouvement. Je pense donc que les deux sont complètement liés.

Naviguant entre dreampop et shoegaze n’est-il pas frustrant d’être systématiquement comparé à des formations qui ont marqué de leur empreinte tout un pan de la culture musicale comme Slowdive ou Cocteau Twins ?

B : Nous avons un style qui nous est propre. Nous nous éloignons de tous les clichés auxquels on peut rattacher le projet. Pour que ce soit plus authentique.
E : On y ajoute des influences. Auparavant, j’écoutais beaucoup ce genre de groupe. Sois attentif aux chansons que l’on va interpréter ce soir ou celles qui figureront sur le nouvel Ep ; on y rencontre des dimensions plus baroques, plus sombres, même parfois doom metal, classiques ou encore hard rock.

Benjamin amène un élément plus groovy également. La reverb, la delay ou encore le chorus, sont des codes que l’on rattache forcément aux sonorités shoegaze. Mais je pense vraiment qu'on embrasse une perspective plus baroque dans le chant et les mélodies.

Si à l’écoute de vos deux Eps, on sent clairement cette volonté de vous vous éloigner peu à peu de ces références en vous forgeant votre propre identité musicale, pourquoi ne chanteriez-vous pas en français, afin de faire davantage dans l’originalité ?

E : Jamais !

Je dois dire que je suis assez étonné d’entendre des jeunes d’une vingtaine d’années, connaître Cocteau Twins, et sa chanteuse Elizabeth Fraser, groupe qui a été actif de 1979 à 1997. Quel est l’elpee qui t’a le plus touché, Elena ?

E : J’en ai beaucoup écouté dans le passé, mais plus maintenant. L’album intitulé « Blue Bell Knoll » m’a marqué. Ce n’est pas du shoegaze classique à proprement parler car on y perçoit du clavecin. Ce disque recèle des éléments très contrastés et très sombres. A la fin, on y découvre cette touche post-rock absolument fantastique. C’est ce que j’aime chez Cocteau Twins. A vrai dire, le volet dream pop m’affecte moins. J’ai aimé « Victorialand », également pour ces raisons. J’apprécie le groupe, non pas pour le côté planant, mais davantage pour son volet très intime et très sombre.

A son origine, le shoegaze était un terme péjoratif. Il s’agissait quasiment d’une insulte. La presse britannique parlait de shoegaze parce qu’en concert, les musiciens jouaient de la guitare en fixant (gazing at) leur chaussures (shoes). En gros, c’était une façon détournée de dire qu’ils étaient introspectifs et ennuyeux. Désormais, l’étiquette shoegaze est enviable, réunissant même quelques millions d’adeptes sur les plateformes de streaming. Comment expliquez-vous ce réveil du style ?

E : C’est une bonne question !
D : De nos jours, il existe une résurgence du son issu des 90’s. A l’époque, ce genre n’était pas étiqueté ‘rock commercial’. Je pense que le public s’identifie à cette culture, de nos jours. Il ressent le besoin de s’y (re)plonger. Si l’univers est peut-être vintage aujourd’hui, il ne l’était pas à l’époque.
E : Il y a encore beaucoup à creuser. Ce style n’était pas très populaire pour le grand public car peu se démarquaient sur cette scène. Aujourd’hui, les gens perçoivent ces sons, comme quelque chose de nouveau. Il est assez accessible, l’aspect technique n’y primant pas. Pour tout dire, il existe sur le marché une panoplie de logiciels d’enregistrement et d’effets digitaux qui permettent de faire sonner un morceau très rapidement. En réalité, il est très facile de s’exprimer à travers cette musique parce qu’il n’est pas nécessaire de s’y mettre complètement à nu. Des effets bien calibrés et des paroles qu’on ne comprend pas toujours nécessairement peuvent trouver écho chez ceux qui n’ont, à la base, aucun background musical.
D : Une forme de nostalgie ?
E : Oui, l’anniversaire de la mort de Kurt Cobain n’y est peut-être pas étranger.
D : Perso, je ne suis pas du tout bercé par ce style. C’est en intégrant le projet que j’ai compris à quoi il correspondait. J’ai fait fi de cela en partant du postulat suivant : ‘Pour Eosine, qu’est-ce que j’ai envie de faire ?’ C’est ma ligne de conduite. La base est très shoegaze des années 90, mais les influences sont nombreuses, le but n’étant pas de suivre les codes du genre. Le projet évolue bien.
B : En ce qui me concerne, j’ai été bercé par le rock classique. Pour ensuite m’intéresser au funk, au jazz et tout récemment au post-rock. J’aime aussi le post-punk, dans une proportion moindre. J’ai aussi eu une période metal. De manière générale, j’aime tout ce qui est groovy et très dansant.
D : Etonnamment, je n’écoutais pas énormément de musique lorsque j’étais gosse. Mais lorsque j’ai commencé à en jouer, vers l’âge de 14-15 ans, j’étais focus années 60 dont les Beatles. De nombreuses années ont été nécessaires pour en sortir (rire). Je ne renie absolument pas cette époque, car j’y ai engrangé une multitude d’informations. Mes influences sont éclectiques ; elles oscillent du rock en passant par la musique classique. Paradoxalement, je ne connaissais pas le shoegaze et ne le maîtrise pas encore. Venir d’un horizon complètement très différent peut-se révéler intéressant, également.

Elena, je te sens assez nerveuse et touche-à-tout au sens noble du terme. Hormis Eosine, j’imagine que tu explores des tas d’autres projets ?

E : A commencer par Tokyo Witch, en solo. Un album est sorti en décembre. Je me produis la semaine prochaine à Bruxelles. Je joue aussi au sein d’un groupe de doom metal, Lethvm. Et puis chez OOOTOKO, qui réunit 18 musiciens. On y mêle des musiques traditionnelles comme le jazz, la chamber pop et le classique. Il est constitué de musiciens issus du conservatoire, mais également du rock ; le résultat est très éclectique et très festif. Nous nous produirons d’ailleurs, dans quelques jours, au Botanique. Pour terminer, je chante dans une chorale.

Eosine, c’est évidemment la musique, une prose poétique, mais aussi une esthétique et une culture à l’image très imprégnée, notamment à travers les artworks et projections scéniques. Et si Eosine était plutôt un concept avant même d’être un groupe ?

D : C’est une super bonne question, j’adore !
E : Je ne sais pas pourquoi, nous devrions dissocier les deux. Je pense que dans l'art, il existe ce côté mathématique : un plus un est égal à trois. Et cette somme constitue le concept.
Il y a une relation de cause à effet entre l’identité d’un groupe et la manière dont la musique va se propager. La formation l’associe à des images et des émotions. Je crois donc que le tout fait plus que la somme des parties. C’est le principe du concept. Eosine est donc les deux à la fois, un groupe et un concept.

Elena, pourquoi accorder une attention particulière aux thématiques des compos, sachant que l’utilisation de voix éthérées et la puissance des effets que l’on a déjà soulevé précédemment, rend difficile la compréhension des paroles ?

E : Je commence toujours par écrire les textes des chansons et la musique s’articule autour. Elle va soutenir une émotion dictée par les paroles. Elles ne constitueront pas le squelette de la compo, mais elles créeront l'univers qui l’entoure. C'est vraiment la ligne directrice. J'y attache énormément d’importance. J'adore écrire. J’ai toujours adoré ça. Les effets de guitares ne sont pas destinés à cacher une peur d’être comprise. Ni même pour masquer une écriture d’une qualité dont certains y verraient de la médiocrité. Au fond, ma plume n’est peut-être pas aussi qualitative que je ne le pense. Je n’en sais rien. Les effets amplifient davantage la voix en créant une unité dans les sons, en particulier entre nos deux voix. Les paroles sont vraiment la base de tout, même si, à la fin, elles ne deviennent plus qu'une partie du morceau.

Elena, lorsque je t’entends parler musique et de l’amour qui l’entoure, j’ai l’impression, sans aller jusqu’à dire que cet exercice est facile, qu’elle est en tout cas accessible à tous…

E : Personnellement, je ne possède que quelques notions de solfège, Benjamin compte quelques années de cours derrière lui. Dima n’a aucune formation musicale.
Oui, je crois sincèrement que l’on peut créer de la musique sans avoir nécessairement une culture ni bénéficié d’un enseignement musical au préalable. Si effectivement, certains ont l'immense chance de naître avec une bonne oreille, on peut aiguiser un sens naissant à force de travail. C’est pareil pour la rythmique. Donc, oui, sans aucune formation, il est tout à fait possible de faire de la musique. En ce qui me concerne, j’ai perdu pas mal de notions de solfège. Je ne suis pas convaincue que je parviendrai à lire une partition aussi facilement qu’auparavant. Je n’en utilise d’ailleurs pas pour le groupe.
Je préfère me débrouiller vite fait dans plein de domaines plutôt que de maîtriser parfaitement un seul instrument. Ce qui me permet d'exprimer tout ce que je veux sur le vif, même si je n’en ai pas le contrôle total. Et puis, confidence pour confidence, je dénicherai toujours bien quelqu'un qui joue de la batterie (rires). C’est la façon dont j’appréhende les événements. Le plus important est de pouvoir dégoter des musiciens qui possèdent la complémentarité dont le groupe a besoin pour exister.

Ado, tu écrivais dans ta chambre, j’imagine pour son côté libérateur. Avec la maturité, l’expérience, la vie, le succès, as-tu enfin trouvé la paix intérieure aujourd’hui ?

E : Je confirme le côté libérateur de la musique, j’écris encore d’ailleurs seule aujourd’hui.
Ai-je trouvé la paix intérieure ? Non ! Ce serait d’ailleurs un désastre si je devais la trouver un jour. Le mouvement vient toujours d’un déséquilibre. Quand il y a de l’équilibre, il n'y a pas de goût. Quand il n'y a pas de mouvement, il n'y a rien à exprimer, il n'y a pas de son, c'est le vide sidéral. J’aime donc le déséquilibre. Mais, attention, être en déséquilibre ne signifie pas pour autant être instable. Ce sont des notions complètement différentes. Perso, c'est cultiver ce que l’on ressent, les embrasser et les regarder sous toutes les coutures. Il est opportun de trouver quelque chose dont on peut tirer un sens. Toujours.

En décembre 2022, vous avez participé au Concours-Circuit, le plus grand concours de musiques actuelles et alternatives en Belgique francophone pour écraser la concurrence en raflant tous les prix. Certaines formations mettent dix ans pour acquérir un tel niveau. D’autres n’y parviennent jamais. Le côté dilettante de vos débuts a donc convergé vers quelque chose de plus professionnel ?

E : Nous avons toujours travaillé de manière professionnelle.
B : Je confirme les propos d’Elena. Le Concours-Circuit a sans doute accéléré les événements, mais cette dynamique a toujours été en nous.
E : Nous avons dû nous réinventer lors de chaque épreuve. Entre résidences, interviews, etc., nous avons appris à sortir de notre zone de confort. Le concours crée une dynamique intense : monter sur scène, jouer vingt minutes, en sortir pour laisser la place à un autre groupe. Cette expérience nous a permis de mieux gérer la pression ou des situations difficiles comme jouer loin de chez soi en supporting act d’un groupe face à un public qui n’est pas là pour vous. Nous avons déjà eu la chance de nous produire en première partie de DIRK., ce sont des mecs très cool, je suis donc rassurée. Le Court-Circuit nous a permis d’être booké rapidement. Nous avons majoritairement joué devant des fosses réceptives, hormis l’une ou l’autre date où cela s’est avéré un peu plus compliqué. Nous en sommes ressortis plus solides. Je dirais que nous sommes devenus tout terrain en quelque sorte.

Votre dernier Ep a été mixé et masterisé par Mark Gardener, l'un des deux chanteurs/guitaristes de Ride, groupe de shoegaze. Cette collaboration vous a-t-elle ouverte des portes sur le plan international ?

E : Non, pas spécialement. Nous n’avons pas bénéficié de contacts particuliers à l’extérieur. Nous n’avons pas cherché, non plus, à lui piquer ses relations professionnelles, à ce brave monsieur. Mark Gardener est une personne très chouette et d’une grande humilité. C’est un pionnier dans le genre, dont Eosine est apparenté. Mark a toujours été très à l’écoute, bienveillant. Travailler en sa compagnie a été une formidable expérience. Mais nous ne sommes pas allés jouer à Oxford, non (rires). Cette collaboration nous a, en tout cas, permis de présenter une belle carte de visite et de la crédibilité dans le milieu.

Le travail de Mark Gardener a permis de restituer cette atmosphère live aux chansons que l’on ne rencontrait pas sur le premier Ep. Je dois dire que c’est sans doute là votre terrain de jeu et la raison d’exister d’Eosine. Qu’en pensez-vous ?

E : Figure -toi que le prochain Ep a justement été enregistré dans les conditions du live. Je suis une grande fan de production. Simplement, le travail ne sera pas brut de décoffrage car il y il y aura une part belle consacrée aux effets. L'énergie sera au rendez-vous, ce sera un nouveau son, une nouvelle étape. Nous évoluons, y compris dans la maturité. Nous ne sommes qu’au tout début de notre carrière. Eosine est mon premier projet, je poursuis donc mes premières expériences. Et nous apprenons vite.

Tiens Elena, en tant que femme, que penses-tu de leur sous-représentation dans une multitude de domaines, et notamment dans celui de la musique. Y consacres-tu une idéologie particulière ?

Un malaise s’installe tout à coup …

E : Question suivante, s'il vous plaît !
D : C’est le genre de sujet pour lequel nous préférons ne pas prendre position.
E : Je suis désolée, mais mon propos se voulait sans agressivité. Ce n’est pas la première fois que l’on essaie de taxer Eosine de ‘nouvelle sensation rock féminine’. Ce n’est pas cette image que l’on défend. Je suis un être, né avec deux chromosomes x. Franchement, je n’ai pas du tout l'impression que ça change la manière dont je fais de la musique. Je n’ai même jamais revendiqué d’être une femme dans les textes des chansons. Mettre en avant cette idéologie et concevoir des festivals féministes est discriminant à mon sens. N’avons-nous pas la même légitimité que les formations masculines ? Je suis favorable à l'universalisme. Il est nécessaire de considérer le tout comme n'importe qui et de ne pas nous faire nous battre, nous les femmes. Nous avons les armes nécessaires pour se démarquer comme n'importe quel autre groupe. Je suis consciente que tout le monde ne partage pas ces positions et je respecte tout à fait les festivals qui, justement, prônent la non-mixité, en poursuivant dans une direction féminine ou ‘sexisée’. Perso, je n’y adhère pas, que ce soit, pour ce projet ou d’autres d’ailleurs.

Auriez-vous quelques infos croustillantes au sujet du nouvel Ep, au stade de la préparation, en exclusivité pour les lecteurs de Musiczine ?

E : Notre premier single s’intitulera « Progeria ». Nous le dévoilerons d’ailleurs en exclusivité ce soir puisqu’il ne paraîtra officiellement que le 15 mai chez notre nouveau label flamand. Une chance parce que je sais qu’il n’est pas toujours facile de percer dans ce petit coin de la Belgique. Est-ce que je vais te dévoiler le titre du prochain Ep ? Pas encore, je préfère faire durer le suspense.
Cet Ep sera un seuil, une dernière étape avant l'album. J’aime l’idée d’une eau frémissante, avant de passer à un autre état. En tout état de cause, il sera plus ouvert et beaucoup plus mis à nu. Davantage cathartique également.

(Photo : Christophe Dehousse)

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